NOVO 64

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Chronique du temps qui passe Par Nicolas Comment

NICOLAS COMMENT EST PHOTOGRAPHE & AUTEUR-COMPOSITEUR. POUR NOVO, IL NOUS PARLE DE SES « RENCONTRES ». Le 5 juillet 1994, vers 17h – je me souviens précisément de cet horaire parce que je prenais encore soin, à l’époque, de tenir mes carnets – j’entrais à Lyon, quartier Saint-Jean, rue des TroisMaries, dans une vieille boutique spécialisée en Bande Dessinée et vinyles : « Boul’Dingue ». Étaitce pour échanger un Corto Maltese ou demander la cote d’une sérigraphie d’Enki Bilal ? Pour un Mœbius, un Druillet ? Peu importe… Toujours est-il que le type qui tenait la caisse me lance : « Vous avez vu… Dylan ! Il vient tout juste de sortir. Je lui ai serré la main ! Ça fait plaisir… » Bob, ce soir-là, jouait effectivement au théâtre antique de Fourvière. Mais j’avais beau avoir une place de concert dans ma poche, je n’avais pas vu Dylan sortir de la boutique, non. « Vous l’avez croisé. Je vous jure… » ajouta le type. « Je viens tout juste de lui serrer la main… C’est rien, je sais… Mais tout de même, c’était Dylan ! » Je n’avais pas même le souvenir d’avoir croisé quelqu’un en entrant, et encore moins Dylan que j’avais (re)découvert à l’automne en regardant le live MTV Unplugged diffusé le 17 novembre 1994. Dans cette série d’émissions, mes copains avaient tous été scotchés par le live acoustique de Nirvana, mais moi j’étais resté coincé sur Dylan et l’écoutais en boucle depuis des semaines. En 1994, déjà, l’œuvre de Dylan était conséquente et j’avais donc passé les derniers mois à écouter exclusivement ses disques, pour essayer de percer le mystère de cette voix, le brouillard de ses textes. J’avoue que, sur le moment, le type de chez « Boul’Dingue », je ne l’avais pas cru. Était-il possible qu’une star interplanétaire entre à l’improviste dans un banal magasin de Bande Dessinée d’occasion à 98

Lyon, fût-il aussi pointu ? Franchement, non : ce type avait surement rêvé, sinon pourquoi aurait-il inventé des salades ? En fin d’après-midi, j’étais monté à pied jusqu’au théâtre de Fourvière – c’est une colline, et ça grimpe… – en tâchant quand même, cette fois, de garder les yeux grands ouverts.

Dylan, in absentia, Louison éditions, 2022 © photo : Jean-Marie Périer


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