OUTRE-MER grandeur Nature n°13 _ nov.-décembre 2022

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OUTRE-MER

grandeur Nature

Notre référence permanente est la charte du parc, qui en réalité est un projet de territoire partagé entre le parc national et les communes qui y ont adhéré, ajoutant ainsi leur territoire hors cœur de parc à la zone d’adhésion, où le développement durable est le principal enjeu sur ces communes isolées géographiquement, en l’absence de réseau routier les raccordant au littoral de la Guyane.

ÉDITO PAR JULES DEÏE, PRÉSIDENT DU PARC AMAZONIEN DE GUYANE CONJUGUER LE DÉVELOPPEMENT LOCAL ET LA PRÉSERVATION DES PATRIMOINES

Portrait ci-dessus : © Claudia Berthier|PAG

Le Parc amazonien de Guyane a été créé en 2007, comme le Parc national de La Réunion. D’une surface de 3,4 millions d’hectares, il couvre la partie sud de la Guyane (40 % de sa surface) et il est le plus grand des parcs nationaux français, et même européens, et plus grand que la Belgique. Il comprend une zone de cœur de 2 millions d’hectares et une zone d’adhésion de 1,4 million d’hectares, répartie sur seulement quatre communes, elles-mêmes aux dimensions hors normes. Sa création a été précédée d’une longue gestation, pendant plus de 10 ans, et la loi de 2006 (loi Giran) qui a réformé les parcs nationaux l’a doté de missions particulières, ciblant, au-delà de la préservation de l’écosystème amazonien si spécifique, la préservation des cultures et modes de vie des « communautés tirant traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt », et le développement local durable.

Mais quel développement souhaite-t-on sur ces territoires, fortement marqués par une forte croissance démographique, des besoins en services de base à la population toujours très forts ? De nombreux besoins ne concernent pas les compétences du parc national, qui toutefois ne s’interdit pas d’expérimenter et d’innover dans des domaines qui ne sont pas son cœur de métier, mais pourtant bien en lien avec la nécessité de conserver durablement une relation Homme/Nature toujours très forte, en forêt, sur les fleuves et les criques. La chasse, la pêche, l’agriculture sur abattis brûlis font l’objet de droits d’usage qui ont été conservés et même confortés à la création du parc national, quoi qu’en dise certains de nos détracteurs. Mais ces pratiques intéressent de moins en moins les jeunes, à l’interface entre leur culture d’origine, amérindienne ou bushinenge, et le monde moderne, celui du smartphone et de l’internet – permettant l’ouverture au reste du monde, mais aussi à ses excès – et le besoin de disposer d’un revenu. De nombreux jeunes partent ainsi de leur village pour être scolarisés au collège dans le bourg voisin, en internat ou maison d’accueil, ou au lycée sur le littoral, encore plus loin des leurs. Tous ne parviennent pas à conjuguer les paradoxes de cette double culture et perdent le goût à la vie. Les épidémies de suicides de jeunes se succèdent d’une année sur l’autre sur les hauts bassins. Alors comment magnifier cette nature exceptionnelle, cette biodiversité foisonnante, cette richesse des cultures des populations Wayana, Teko, Wayampi et Aluku, et en même temps satisfaire les attentes des populations, des anciens et des jeunes ? Donner cette ligne d’horizon est un défi immense, et ne concerne pas que le Parc amazonien, mais aussi les services de l’État, les collectivités, les associations, et la chefferie coutumière. Il est vrai que les équipes du parc national sont bien implantées sur le territoire, avec des équipes, en

Photos de couverture : inselberg de la Réserve naturelle nationale des Nouragues en Guyane. © Emmanuel Rondeau|WWF France |Jules Deïe, maire de Papaïchton et depuis mars 2021, président du Parc amazonien de Guyane. © ParcAmazonienGuyane


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