S ACT UA L I T É — P HÉNOMÈN E INQU I ÉTANT Barbara Romero
Nicolas Roses – Pim Myten/Unsplash
n s o e i s u s g i m u Dro o s : , e s e é r r i û o s Piq n e e u q i chim ourg n’est b s a r t e S é n g r a p é pas Après une salve d’alertes sur les réseaux sociaux en fin d’année, le phénomène s’intensifie depuis avril sur l’ensemble du territoire national : des jeunes filles et jeunes hommes alertent sur les réseaux sociaux après avoir été drogués à leur insu dans des bars, soit dans leur verre, soit par piqûre. Un phénomène inquiétant, pris très au sérieux par les autorités. Enquête à Strasbourg.
i-mai, Axel, 19 ans, sort en boîte avec des amis. Ils prennent deux verres, vont aux toilettes, et là « c’est une descente aux enfers de quatre heures », raconte le jeune homme en école d’ingénieur. Il se souvient avoir vomi, puis c’est un trou noir de plusieurs heures. « Je n’ai aucun souvenir. Un pote m’a filmé, mon corps était présent, mais j’étais vide. » Début avril, Coralie (*), 17 ans, prend un verre avec ses copines dans une boîte strasbourgeoise. « On était installées à côté de la fosse, je n’arrêtais pas d’être bousculée, une fille alcoolisée nous criait dessus, se souvient-elle. J’ai quitté la boîte seule, j’ai appelé mon petit ami, et c’est le trou noir. » Par miracle, Coralie parvient à rejoindre son copain à l’autre bout de la ville. Elle arrive dans un piteux état. « Au début je pensais qu’elle avait trop bu, mais j’ai vite compris que quelque chose clochait, raconte Tom, 19 ans. On a pris un Uber, mais elle a été prise de vomissements. Il nous a lâchés avenue des Vosges, j’ai appelé les pompiers. » Ils l’emmènent à l’hôpital d’Hautepierre dimanche à 4h du matin, elle n’en sortira que le lundi à 17h30. « Je me suis réveillée là-bas et j’ai vu mon père, confie Coralie. Au départ, ils pensaient que j’avais trop bu, mais je sentais que c’était autre chose, et je n’avais pris qu’un verre. J’étais extrêmement fatiguée. » Ses analyses ne révèlent aucune trace de drogues « classiques ». Quand elle sort de l’hôpital, l’infirmière lui dit qu’elle a été droguée au GHB. Ce que réfute le professeur Pascal Kintz de l’Institut médico-légal de Strasbourg, seul laboratoire à être habilité à effectuer des analyses toxicologiques dans la région. Un professeur qui n’hésite pas à tordre les idées reçues. « Le GHB, c’est un mythe sur le territoire ! lâche-t-il. En France, on doit trouver un ou deux cas avérés par an. Le GHB est utilisé par les gens qui font la fête pour contrebalancer les effets de l’ecstasy. Sur le plan clinique, avec le GHB on s’endort, comme anesthésié, et au bout de deux heures on a un réveil rapide et limpide. Alors qu’avec la soumission chimique aux médicaments, on est dans le coaltar. »
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« LE GHB, C’EST UN MYTHE » Et le professeur Kintz d’expliquer les deux phénomènes qui sévissent partout en France. Il y a d’abord la soumission chimique dans les verres. « Dans ces cas-là, ce sont essentiellement des
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№45 — Juin 2022 — De Kyiv à Strasbourg