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SUBSTANCE
TÊTE-À-TÊTE(S)
Les Mots d’Andréa Bescond Avec Les Chatouilles, le seule-en-scène puis le film sur son enfance violée, elle a provoqué un véritable séisme. Guerrière dans l’âme, la comédienne et réalisatrice défend aujourd’hui son premier roman Une simple histoire de famille (1), récit poignant de destins brisés. Écorchée vive mais relax, souvent hilarante, elle nous reçoit chez elle pour évoquer cette colère qui ne la quitte pas, ses batailles mais aussi son quotidien avec un grand sens de la dérision. Et, surtout, sa furieuse envie de vivre. Par Catherine Castro Photos Marguerite Bornhauser
En sonnant à l’interphone d’un immeuble du 15e arrondissement de Paris mieux protégé qu’Alcatraz, on se demande à quoi s’attendre. De l’autrice-actrice-réalisatrice, on connaissait Les Chatouilles, succès choc au théâtre en 2016 et au cinéma en 2018 (2), où elle racontait son traumatisme d’enfant victime d’un pédocriminel. On la suit sur son compte instagram. En termes d’impact, ses posts ont la discrétion d’une pelleteuse dans un jardin à la française. Un cauchemar pour le patriarcat en costard ou en jogging. « Tu es un homme de 25 ans. Le 31 décembre, tu as tué ta compagne de plusieurs coups de couteau. » « Tu es un homme de 44 ans, tu as violé pendant plusieurs mois un garçon de 14 ans. » « Tu es Gérald Darmanin, ton procès en appel pour viol démarre aujourd’hui. » Effarant, nécessaire. Bescond est une cavalerie à elle toute seule. Tous les jours, elle sonne la charge. La femme de 43 ans qui nous ouvre sa porte dix minutes avant minuit le lendemain de Noël affiche une mine avenante de fille trop sympa qui mettrait à l’aise un consortium de notaires. Pieds nus, poids plume, elle embraye direct : « Vous voulez du vin blanc ? J’ai pris des huîtres aussi. » Séparée d’Éric Métayer, metteur en scène et père de ses enfants, elle vient d’emménager en coloc avec son meilleur ami dans cet appartement moderne aux murs presque nus. ELLE REMPLIT LES VERRES, va farfouiller pour chercher un truc, ne trouve pas. « Tu aurais un briquet ? » Et de se mettre à raconter comment elle a arrêté de fumer. « J’ai un train à prendre à Gare de Lyon. Un labrador arrive vers moi en remuant la queue. Je le caresse, trop mignon, bon chien. J’entends : “Madame, ouvrez vos bagages s’il vous plaît !” » Embarquée dans son récit, elle se lève pour se livrer à un vrai sketch. Stand-up à domicile. « Dans ma valise, j’ai de la beuh pour une semaine, pour mon petit pétard du soir sinon je dors pas, • • •