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Papa, où t’es ? « Tout le monde sait comment on fait des bébés, mais personne ne sait comment on fait des papas », chante Stromae. Le congé de paternité, c’est un bon début pour l’apprendre. Et en bonus, il améliore l’intimité et le sexe au sein du couple. Voici pourquoi. Par Marie Geukens et Aurélia Dejond. Photos Ringo Gomez-Jorge
“ Un bébé a besoin de soins en permanence. Comment communiquons-nous à ce sujet? ” HAMED 31 ANS,PÈRE DE SAHAR, 9 MOIS Lorsque Sahar est née en mai 2022, Hamed comblait un fort désir d’enfant. Il a pris deux des trois semaines de congé de paternité. « À cette période, ma fonction ne me permettait pas de m’absenter trois semaines d’affilée. J’ai pris la dernière semaine plus tard. C’était important, le travail ne doit pas avoir d’impact négatif sur la famille et l’éducation des enfants. Mon patron de l’époque, aujourd’hui mon associé, était très content pour moi et ne m’a pas mis de bâtons dans les roues. » Hamed a estimé qu’il était primordial de vivre les premiers jours de Sahar, non seulement pour
apaiser ses incertitudes en s’occupant du bébé, mais surtout pour soutenir sa femme. Elle avait accouché par césarienne et avait besoin de se reposer. « La relation est mise à l’épreuve pendant cette période, un bébé a besoin de soins en permanence. Comment communiquons-nous à ce sujet l’un avec l’autre, et qui fait quoi ? Heureusement, nous avons eu de bonnes conversations. On apprend à interagir. Nous sommes toujours ensemble, donc ça a marché. (Rires). Ce serait un bon signal du gouvernement de rendre le congé de paternité obligatoire. Mais alors l’allocation devrait être de 100 %. »
Dans les années 90, le modèle du soutien de famille a progressivement été remplacé par le modèle à deux revenus, dans lequel l’homme et la femme contribuent financièrement au ménage. Mais ce modèle a omis la redistribution du travail non rémunéré et invisible au sein de la cellule familiale. La raison est simple : les femmes se référaient encore à leurs mères et grands-mères au foyer, attentionnées, et elles se sont mises à nettoyer, laver, récurer, cuisiner, ranger mais aussi organiser les loisirs et les repas, penser aux cadeaux et aux activités, conduire les enfants à l’école, etc. Vous avez déjà entendu parler de la charge mentale ? De plus, ces tâches sont chronophages, souvent répétitives et, surtout, non rémunérées. De quoi se sentir, au minimum, sous-estimées. Pourtant, selon la sociologue Riet Ory, il ne faut pas nécessairement le percevoir ainsi. Avec Eva Brumagne, elle a écrit le livre Het is hier geen hotel! Hoe je samen het huishouden aanpakt. (Ce n’est pas un hôtel ici. Comment aborder le ménage ensemble. Non traduit en français) « L’exécution de ces tâches s’accompagne en effet de multiples émotions. Mais ceci montre aussi notre humanité et notre attachement pour nos proches. Pour de nombreux parents, une maison est un havre de paix. Le ménage sert souvent à mettre de l’ordre dans ses idées. Il peut donc aussi être fait avec amour et se révéler bénéfique. Il devient une source de frustration et d’épuisement par manque de temps, et quand il faut l’assumer seule. Une source de stress aussi. Le travail non rémunéré est essentiel à la vie de famille, aux relations humaines et donc à la société, et il faut y consacrer beaucoup plus de temps. Or, disposer de plus de temps peut transformer le ménage en une expé- • • •