3 À suivre sur les marchés
Pour Vincent Juvyns, executive director et global market strategist chez J. P. Morgan Asset Manage ment, l’économie mondiale est désormais sur de bons rails grâce à des mesures de relance. Malgré les attentes limitées en termes de performances sur les marchés, de nombreuses opportunités subsistent.
« Prendre du risque sur les actions »
Tout d’abord, une remontée des taux n’est pas a priori quelque chose de positif pour les marchés actions, qui seront déjà freinés par leurs valorisations et par la baisse attendue des croissances bénéficiaires qui, portées en 2021 par des effets de base postpandémiques importants, vont passer de 50 % cette année à un niveau compris entre 8 % et 10 % l’an prochain. Un niveau qui reste quand même légèrement supérieur à ce qu’on a pu voir ces 10 dernières années. Si le potentiel de hausse est limité, les actions devraient quand même performer positivement. Historiquement, on observe que la hausse Quelles seront les grandes tendances sur les marchés pour l’année prochaine des taux longs ne serait un problème que si ceuxet au-delà ? ci dépassaient les 3,5 %. On en est encore loin. La première chose, en prise directe avec les Quant à l’inflation, les actions en sont mieux évolutions macroéconomiques, c’est que nous protégées que le cash et les obligations, car allons assister à une remontée des taux longs l’évolution des prix à la consommation est due en 2022 et 2023. Cela a déjà commencé. Nous pour une large part aux prix de vente des entre nous attendons, d’ici à la fin de l’année 2022, prises, d’où une certaine protection des chiffres à ce que le 10 ans américain se situe entre d’affaires des entreprises à l’inflation. 2 % et 2,5 % et à ce que le 10 ans allemand soit devenu positif. Les taux courts eux, a priori, Donc il faut s’attendre à une baisse devraient rester à leurs niveaux d’aujourd’hui du rendement des actions ? jusqu’à la fin 2022. Il y a une pentification de Il faut moins attendre des marchés actions la courbe qui s’opère alors que les grandes en 2022 qu’en 2021. Ce que l’on a vécu ces banques centrales se désengagent du marché deux dernières années était exceptionnel. obligataire graduellement en ralentissant l’ex En 2020, les actions sont devenues plus chères pansion de leurs bilans. Pour les investisseurs et les épargnants, sur la partie « sans risque » de leur portefeuille, 2022 sera une annus horribilis. Cela fait 10 ans que l’on se plaint des taux zéro. Mais l’inflation était en même temps aux alentours de 1 %. L’ac tuelle remontée est synonyme pour les épar gnants d’une substantielle perte de pouvoir d’achat. 2022 sera sûrement, de ce point de vue, l’une des pires années de la décennie.
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Coincés entre des taux courts bas et des taux longs qui remontent – tout comme l’inflation –, que peuvent faire les épargnants ? Pour les investisseurs, il n’y a pas beaucoup d’autres choix que d’aller prendre du risque sur les marchés actions. Quelles sont les perspectives de ces marchés ?
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JANVIER 2022
C’est le niveau que pourrait atteindre, voire dépasser, l’indice CAC 40 d’ici 2022, selon différentes analyses. Ce qui serait un record pour l’indice phare de la Place de Paris qui a atteint un sommet historique à 7.227 points le 16 novembre avant de dévisser avec l’apparition du variant Omicron. La pandémie n’a pas dit son dernier mot sur les marchés boursiers.
dans l’espoir que 2021 apporterait une certaine normalisation économique. Cette année, on a eu cette normalisation écono mique qui s’est traduite par une croissance bénéficiaire qui devrait atteindre 50 % d’ici la fin de l’année. L’année prochaine sera une année de retour à la normale dans laquelle des éléments comme le dividende seront plus importants dans la contribution au rendement total des actions. Si les marchés actions devaient avoir une croissance bénéficiaire de 10 %, compte tenu de leur relative cherté, la performance sera une fraction de cette croissance bénéficiaire. Pour 10 % de croissance bénéficiaire, la performance des marchés actions tournera autour de 5 % à 6 %. Dans ces conditions, l’essor du marché non coté est-il à même d’offrir aux investisseurs les niveaux du rendement auquel ils ont été habitués ces dernières années ? Il est clair qu’un portefeuille diversifié – 60 % actions, 40 % obligations – aujourd’hui devrait donner moins de rendement dans les 10 années à venir que ces 10 dernières années. Chez J.P. Morgan AM, on pense que le rendement annuel moyen de ce type de portefeuille dans les 10 à 15 ans sera de 2,8 %. C’est évidemment bien maigre comme perspectives. Il est cer tain que les classes d’actifs réels et les classes d’actifs privés ont quelque chose à apporter dans la construction des portefeuilles. Alors que nous revoyons nos perspectives de rendement des actifs des marchés publics à la baisse, nos perspectives de rendement des marchés privés et des marchés alternatifs sont revues à la hausse. Par exemple, toujours sur 10 à 15 ans sur le private equity, on table sur un rendement annuel en euros de 6,8 %, de 5,6 % sur le direct lending et de 4,8 % sur le core real estate. Notre message, c’est que les alternatifs per mettent d’augmenter l’espérance de rendement et/ou de réduire la volatilité d’un portefeuille diversifié. Ce qui était quelque chose d’option nel par le passé est devenu quelque chose de nécessaire aujourd’hui. Outre l’alternatif, quelles autres thématiques d’investissement devraient retenir l’attention des investisseurs ? La Chine me semble être une bonne option. Ce marché représente aujourd’hui 17,5 % du PIB mondial, pourtant la Chine ne représente encore qu’une très faible part des marchés d’actions et obligataires mondiaux. Respec tivement 7,5 % et 10 % au total. Donc ce sont des marchés qui vont encore se développer.