Chapitre X : Le Coup de Grâce
"Félix... Félix... Allez, mon grand, c'est l'heure de se réveiller..." Je me souviens encore parfaitement de ces premiers mots affectueux qui me furent murmurés à l'oreille d'une voix douce. Ce fut sur ces derniers que je commençai cette journée nouvelle. Ouvrant difficilement les yeux, je souris timidement à ma Mère qui me caressait l'épaule avec tendresse. C'était la première fois que je fus réellement surpris par l'heure à laquelle je venais de me réveiller. D'après elle, il était l'heure de petit déjeuner. Mon Père était déjà à table et semblait affamé, attendant impatiemment ma présence pour entamer le repas. Je sentis alors couler de légères sueurs. Avais-je vraiment laissé le sommeil rattraper mes capacités de maîtrise de moi-même ? Je me sentais faible. Je détestais ça. Tout au long de ma courte vie d'alors, j'avais toujours gardé un contrôle total sur mes moindres faits et gestes. Lorsque j'avais faim ou soif, je savais me retenir jusqu'à ce que l'on dîne. Quand je voulais m'endormir, je m'endormais. Quand je désirais me réveiller, je me réveillais. Cette sensation terrible d'avoir ma conduite dictée par mon organisme et non l'inverse me dégoûtait au plus haut point. Pour autant, je savais qui était responsable de cette situation. Je n’en connaissais que trop bien la raison, à vrai dire. Mais ce n’était qu’en ce jour-là que je compris que si les choses continuaient telles quelles, alors : cet état actuel de fatigue qu’était le mien risquait de devenir de plus en plus récurrent. Or, il en était hors de question. Je ne le permettrais pas. Tout cela devait prendre fin, et ce le plus tôt possible. Luther, les plumes de phœnix, Huttington, Leborgne, le Gant Noir, l'anniversaire, ... Tous ces mots me revenaient quotidiennement en tête sans jamais s'effacer. Je jouais à un jeu dangereux, et la prochaine étape impliquerait que je me mette plus en danger que je ne l’avais encore jamais été. Si mes nuits étaient si importantes, c’est que la réflexion qui les accompagnait était intense et demandait plus de temps encore que les malheureuses minutes de sommeil qu’il me restait chaque soir. Cette situation était devenue insupportable. Je devais faire quelque chose. Seulement, il me fallait faire preuve de sang-froid. Pour un coup pareil, il faut savoir prendre son mal en patience. L’on ne contrôle pas le temps. Le cours des évènements continue sa route, et les rares moments où la chance nous est laissée d’intervenir n’ont lieu que dans certains instants bien précis de la vie. Et c’est bien lors de ces derniers qu’il faut savoir agir. Le bon endroit, la bonne méthode, le bon moment. La difficulté des situations dans lesquelles nous sommes lors de l’élaboration de nos plans et l’impatience dont on peut faire preuve sont les raisons les plus communes d’échecs de ces derniers. Si l’on reste des êtres vivants et que nos émotions impactent forcément notre manière d’opérer et de réfléchir, le succès ne s’obtient véritablement que l’en faisant abstraction de ces dernières afin de rester concentré autant que faire se peut sur nos objectifs initiaux. Pour mon cas, je ne savais pas encore exactement comment j’allais procéder, mais je savais en revanche une chose de façon certaine : Huttington allait bientôt commettre une faute grave. Une faute qui viendrait sonner son déclin. Une faute dont il me faudrait profiter. Retenez bien ceci : N’interrompez jamais un adversaire qui est en train de commettre une erreur.
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