Chapitre XI : Œil pour œil
Quelques semaines s’étaient écoulées depuis la mort du Duc Huttington, et je fus très vite habitué à cette situation nouvelle qu’était la mienne. Tout le Grand Ouest de Costerboros se retrouvait à présent véritablement sous mon contrôle, cette fois. Il n’était nulle Maison, nul noble, nulle entité capable de nous tenir tête pour la domination de cette partie du Royaume. Si, officiellement, le véritable régent était toujours un Huttington ; officieusement, Luther se chargeait à merveille d’assurer au Gant Noir un véritable absolutisme. Annexant, jour après jour, les dernières familles réfractaires : Costerboros devenait un peu plus à chaque instant l’incarnation de ma volonté. Contrairement au Duc, Luther savait faire cavalier seul tout en respectant au mieux mes attentes véritables. Et puis, il n’était pas seul. Car, une fois de plus, à l’inverse de mon ancien « grand allié », lui ne limitait pas le rôle de Leborgne à celui de simple garde du corps. Il avait apprit toute sa vie à survivre seul, sans n’avoir personne sur qui veiller d'autre que lui-même et sa sœur. Leborgne, de son côté, n’était déployé que pour « persuader » les quelques réfractaires à l’approche diplomatique traditionnelle. En d’autres termes : pour éliminer ceux qui refusaient mon offre. En procédant de la sorte, j’ai pu tripler le nombre de mes subordonnés en l’affaire de quelques jours. Il me fallait de toute façon repartir de rien puisque la quasi-intégralité des alliés précédents avaient péri lors de l’anniversaire du Duc, laissant leurs héritiers à la tête de leurs famille. Cependant, cela ne me dérangeait pas vraiment. Partant du principe que l’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, je préférais perdre tous mes anciens partenaires, si cela me permettait d’en avoir d’autres véritables à la place, et que ces derniers soient directement à mon service. En l’espace de quelques mois à peine, l’intégralité des grands puissants des alentours avaient soit juré fidélité au Gant Noir, soit disparu dans des circonstances inconnues. Tous les nobles, les nobliaux, les grands bourgeois, ceux qui prenaient autrui de haut, chacun d’eux me mangeait à présent dans le creux de la main. Ou plutôt devrais-je dire : dans le creux du gant. Nous nous étions appropriés les faveurs de bon nombre d’entre eux qui n’avaient pas hésité à nous fournir un nombre important de fonds monétaires, techniques et humains, de façon à obtenir nos bonnes grâces. Ils faisaient, après tout, tous partis du Gant Noir à présent. Nous étions sensés former une famille soudée et unie. Il fallait donc s’accorder une certaine entraide si nous souhaitions prospérer. Enfin, jusqu'à ce que je décide d'y mettre un terme pour passer à la prochaine étape. D'ailleurs, durant ces quelques mois, tout s’était enchaîné plus vite encore que nous ne pouvions l’imaginer. Le bouche à oreille a permis à des amis d’amis d’autres amis de convaincre divers instances de se joindre à la notre. Plus d’influents membres nous rejoignaient, plus d’autres se risquaient également à la démarche, soit pour ne pas se faire écraser, soit parce que cela allait dans leurs intérêts. Nous avions ainsi pu obtenir l’adhésion du Temple des Mages de la région, de même que celle du Bureau des Intendants, chargés de nous couvrir pour chacun de nos coups. Nous avions tellement d’assassins à notre disposition que je n’étais même plus obligé de faire appel à Leborgne pour s’occuper du menu fretin. Dans d’autres circonstances, j’aurais pu me méfier de la rapidité de cette apogée, tout comme j’aurais pu me méfier des réelles intentions de ces nouveaux alliés. Seulement, le Gant Noir
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