Chapitre XVI : Une Nouvelle Fratrie
Une première cuillerée. Une deuxième cuillerée. Je dégustais tranquillement, à l’aide d’une louche en bois bien trop grande, mon bol de soupe, en attendant le retour de mon Père. Ma Mère, elle, était en train de nettoyer et de ranger les assiettes. Il faut dire qu’il était tard. Elle savait que nous ne pourrions pas manger tous les trois ensemble, ce soir. Mon Père lui avait bien dit qu’il ne rentrerait pas avant 23 heures. Il était parti en forêt, aider ses amis chasseurs à dépiauter leur gibier. Il avait d’ailleurs emporté avec lui son petit chariot pour en rapporter un peu à la maison, ce soir là. En effet, nous entrions dans la saison où les loups se faisaient de moins en moins rares la nuit. Il préférait donc rallonger son chemin du retour, en passant par un sentier moins risqué bien que plus éloigné de Kürsk. Il commençait néanmoins à faire nuit noire, et mon Père n’était toujours pas rentré. Ma Mère et moi n’étions pour autant pas vraiment inquiets. Nous savions qui il était. Il avait son autorisation sur lui et son hachoir à viande. De plus, il ne transportait pas vraiment une marchandise très rare. Aucun voleur n’aurait cherché à s’en prendre à lui pour quelques morceaux de viandes. Et si jamais quelques loups courageux se risquaient à l’attaquer… Et bien, nous commencerions à plaindre ces loups. Ma Mère avait déjà mangé, de son côté. Pour s’occuper, le temps que son mari revienne, elle repassait un coup de chiffon sur la vaisselle, après m’avoir cuisiné une bonne soupe. Malgré l’heure tardive, je sentais que j’avais encore un peu faim. Je la dégustais donc, sans trop me presser. Nous avions laissé sortir Dragon, afin qu’il puisse nous annoncer la proche arrivée de son maître, aussitôt le verrait-il. Cette petite soirée s’annonçait on ne peut plus routinière. Quelques jours s’étaient écoulés depuis ma dernière mésaventure. J’étais encore dans l’attente de nouvelles. Et dans ce genre de situation floue, on ne peut espérer obtenir des réponses qu’en patientant calmement. C’était ce à quoi je me préparais. J’étais rentré à nouveau dans mon rôle de fils unique modèle. J’étais redevenu un petit garçon banal, vivant sa petite vie tranquille auprès de ses Parents. Et cela me plaisait. Mes dernières soirées avaient été riches en émotions. J’étais satisfait de voir que mon train de vie commençait à se calmer. Je savais, de toute façon, que dès que je recevrais de nouvelles informations sur le Gant Noir, il faudrait que j’intervienne à nouveau. Autant donc ne pas presser les choses et s’occuper de tout ceci au moment opportun. Finalement, nous entendîmes Dragon aboyer, sur les coups de 23h 30. Mon Père venait certainement de revenir avec la viande. Seulement, avant même qu’il n’entre dans la maison, je l’entendis comme discuter à l’extérieur. Certes, rien d’inhabituel. C’était courant qu’il parle à son chien lorsqu’il rentrait de la chasse. Seulement, il semblait s’éterniser. Comme si il s’entretenait également avec d’autres personnes dehors. Là d’où j’étais, je ne parvins pas exactement à deviner à qui il parlait. Ces voix étaient distantes et fluettes. Elles ne me disaient rien du tout. Que pouvait-il bien mijoter, derrière cette porte ? Après quelques dizaines de secondes, nous entendîmes finalement quelqu’un passer l’entrée. Mon Père, bien évidemment… Mais pas que.
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