Chapitre VI : La Cour des Grands
Ma nuit fut agitée. Je repensais à notre dernière rencontre et à cette chance inouïe qui m'a touché. Ils me faisaient assez confiance pour accepter cette mission, quitte à mettre leur intégrité en jeu. Chaque étape s'emboîtait parfaitement. Je n'avais aucune raison de douter de moi ou de mes ambitions. En m'allongeant sur mon petit matelas, je m'attendais à ce qu'un doux rêve rempli de chance et de succès berce mon sommeil. Seulement, ce fut à la suite d'un terrible cauchemar que je me réveillai en sursaut. Je n'ai néanmoins plus aucun souvenir de ce dernier. Ma mémoire a beau être ce qu'elle est, je suis tout autant touché qu'autrui dans mon incapacité à garder en mémoire les éléments perçus dans mes rêves, au réveil. D'autant plus quand les dits éléments remontent à plus d'un siècle. Il m'est réellement impossible de me remettre en tête ce qui me causa une si grande frayeur cette nuit-là. Peut-être était-ce simplement la peur que Randy et ses voleurs ne meurent tous les cinq dans l'équation. Ou bien, celle qu'ils me trahissent en ne revenant plus jamais dans cette forêt. J'ai beau y réfléchir, rien de tout cela ne me revient. Ce que je sais, en revanche, c'est que mes parents étaient déjà levés quand j'émergeai. Mes nuits étaient de plus en plus courtes. Les heures on ne peut plus tardives auxquelles je rentrais à la maison ne me permettaient pas de profiter de tout le sommeil nécessaire. J'en avais pourtant crucialement besoin. Un esprit reposé est un esprit qui ne fait pas d'erreur. Seulement, quelle alternative y avait-il ? Je n'en voyais pas d'autre que celle consistant à rattraper mon sommeil en effectuant des micro-siestes tout au long de la journée. Cette pratique commença à devenir une habitude et elle me suivit tout au long de ma vie. Il n'est pas rare encore aujourd'hui qu'en pénétrant dans mon bureau, mes collaborateurs me retrouvent à moitié assoupi sur mon fauteuil. Seulement, ces dites siestes devinrent très vite également productives pour mon travail. Mes songes étaient remplis des problèmes qu'il me faudrait résoudre. Je profitais d'être enfermé en mon esprit avec ces dits obstacles pour prévisualiser la manière dont je pourrais les contourner... Ou les éliminer. Ainsi, mes réveils furent presque toujours accompagnés de réponses et de solutions, ce qui me motiva à m'adapter à ce nouveau style de vie, souvent entrecoupé de ces courts moments de réflexions oniriques. Le tout était d'être assez éveillé pour que ni mes Parents, ni qui que ce soit d'important dans mes affaires ne se rendent compte de cette nouveauté, tout en m'assurant de ne pas surmener mon organisme jeune et frêle. La journée fut longue. L'après-midi aussi. Je faisais les cent pas chez moi, songeant à toutes les possibilités envisageables, à toutes les fins possibles, à toutes les façons dont les évènements pouvaient se retourner contre moi. Je finis par me poser sur une chaise de la salle à manger et à effectuer ma première micro-sieste. La réponse qui me vint en tête au réveil était la suivante : il me fallait faire preuve de patience et de sang froid. Quoiqu'il arrive, accorder trop
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