Chapitre VII : Du Sang sur les Mains
Le syndrome de la page blanche. Un terrible mal qui touche forcément à un moment ou à un autre la plupart des artistes. Je n'aurais pas la prétention de me définir comme tel. Mais j'ose tout de même affirmer que j'en fis moi même les frais dès les premières heures du lendemain de ma rencontre avec le Duc Huttington. Assis devant la table de ma salle à manger, mon petit carnet sous les yeux, je faisais tourner mon fusain entre mes doigts, attendant désespérément à ce qu'une idée me vienne en tête. Face à une page blanche, soit l'on a trop d'idées et on ne sait pas vraiment par quoi commencer, soit l'on en a pas assez. Dans mon cas, je me retrouvais plutôt dans la deuxième option. Ma Mère s'était autorisée une journée de repos aujourd'hui. Elle voulait que nous la passions tous les deux ensemble à jouer à des jeux, à lire des histoires et à apprendre de nouvelles choses. Ce n'était pas vraiment pour me déplaire, au contraire. L'affection d'une mère est quelque chose qui doit primer sur tout le reste. Seulement, je me disais que je n'affectionnerais pas cette journée avec elle à sa juste valeur si je ne parvenais pas à me débarrasser de ce problème. Je savais pertinemment qu'une fois que j'aurais posé la base, tout le reste en découlerait et je n'aurais alors même plus à réfléchir. Me concernant, les premières pierres ont toujours été les plus complexes à poser. J'avais moins d'une semaine pour m'infiltrer dans le château fort de Klaussman, l'un des bastions les mieux gardés de tout Costerboros, et en ressortir un cadavre. Je devais m'en charger seul, sans la moindre indication, ni le moindre plan du palais. Les idées avaient beau s'enchaîner en mon esprit, il subsistait toujours une ou plusieurs failles. Impossible de trouver un moyen pour à la fois rentrer dans cette palissade et en ressortir vivant. Ma Mère, un torchon à la main, nettoyait les différents plats encore couverts de bouts de nourriture. Elle effectuait de nombreux allers et retours dans la cuisine, passant ainsi souvent derrière moi, en en profitant pour jeter un petit coup d’œil à l'avancée de mes coups de fusains sur cette feuille désespérément blanche. "Alors ? Ça n'a pas l'air d'avancer ce dessin, Félix." me dit-elle. Je haussai les épaules en la regardant d'un air résigné. Elle ne l'entendit pas de cette oreille. Elle se rapprocha très près de moi et fit passer sa tête par-dessus mon épaule afin de voir de plus près si je n'avais pas commencé à esquisser le moindre trait, tout en continuant à essuyer son plateau de bronze. Rien. La page sous nos yeux était blanche comme neige. Je levai les yeux pour me rendre compte de l'expression faciale que tenait ma Mère en cet instant. Je savais ce que ces sourcils froncés et cette lèvre inférieure mordue signifiaient. Elle avait une idée en tête, et tenait absolument à m'aider, quand bien même elle ne connaissait pas la source de mon problème. "Tu as l'air de manquer d'inspiration. Qu'à cela ne tienne, je sais exactement ce qu'il te faut, mon
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