Chapitre VIII : Le Gant Noir
La nouvelle s'ébruita très vite. Dès le lendemain, sur la place du marché de Kürsk, tout le monde parlait de la disparition du Duc Klaussman. En à peine quelques heures, toute la partie ouest de Costerboros en avait eu ouï-dire. L'incendie était certes mentionné, mais toutes les questions ne gravitaient qu'autour de l'homme que j'avais assassiné la veille. Était-ce un accident ? Klaussman était-il vraiment mort puisqu' aucun cadavre n'avait été retrouvé ? Et ce sang sur ses draps, lui appartenait-il ? Le brasier était-il d'origine criminelle ? Était-ce un règlement de compte ? Ou bien une punition divine ? Une mutinerie de la part de ses gardes, peut-être ? Tant d'interrogations pour si peu de réponses. Certains noms furent à quelques reprises cités. Il leur fallait bien trouver un coupable. Huttington revenait souvent, bien évidemment. Mais aussi, plus étrange : le Prophète de Ragnor, Kal'Drik. Ce dernier aurait relevé un comportement hérétique chez le Duc, le poussant à intervenir. J'entendis également des accusations à l'encontre de Subario, qui aurait découvert que l'auteur du cambriolage dont il fut la victime n'était autre que Klaussman. Enfin, le Roi lui-même fut mit en cause. Ce dernier aurait pu être effrayé de l'influence croissante dont le noble faisait l'objet et aurait décidé en son âme et conscience de l'éliminer sans laisser de traces, afin de l'empêcher de lui faire de l'ombre. De mon côté, je préférais laisser ces idiots s'imaginer ce qu'ils voulaient. Aucun d'eux ne pouvaient se douter de quoi que ce soit. Je fus néanmoins très heureux de constater que mon Père, lui, n'avait que faire de ce fait divers. À vrai dire, quand on lui rapporta la nouvelle, il se contenta de dire : "Oh ! Et ben, dis donc..." avant de replonger dans le découpage de sa viande comme si de rien n'était. Il avait l'air de s'en moquer éperdument. J'adorais mon Père. Je l'adore toujours d'ailleurs. Disons simplement qu'aujourd'hui, les choses sont un peu différentes. Quoiqu'il en soit, je savais que j'avais à nouveau rendez-vous avec Huttington et Leborgne ce soir, à minuit. Seulement, il me fallait alors faire profil bas pendant quelques temps. Je m'étais démené pendant des semaines entières pour en arriver là, et je venais à peine de réaliser l'une des missions les plus périlleuses de ma vie. Je n'avais pas en tête de continuer encore longtemps à servir ce Duc et je comptais bien être celui qui fixera la date de la prochaine rencontre. De toute façon, tous les nobles de la région étaient sur le qui vive. La mort de Klaussman ne nous permettrait pas de faire le moindre mouvement sans risquer d'éveiller la méfiance. En mon esprit, il me fallait simplement y aller, entendre ce qu'il avait à me dire, puis lui rappeler que c'était Randy et ses hommes qui étaient à ses ordres. Moi, j'étais dévoué à Monsieur S, et il serait grand temps de lui rendre la pareille, à présent. Quand la nuit tomba et que je revins à notre traditionnel lieu de rendez-vous, après la petite routine de fin de soirée qui était alors pour moi devenue un mécanisme, je fus quelque peu
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