70 L’industrialisation en Afrique subsaharienne
les entreprises manufacturières ont recruté à des niveaux de rémunération en baisse au cours de la période analysée, et la productivité moyenne du travail manufacturier a connu un déclin encore plus rapide, ce qui a abouti à une situation où la marge bénéficiaire est proche de zéro pour les employés. La réduction du coût des réglementations d’entrée, le développement d’une politique de concurrence efficace, ainsi que l’amélioration de l’accès à l’infrastructure et aux financements pour les entreprises de toutes catégories, constituent des orientations qui devraient s’inscrire dans l’éventail des politiques adoptées par la Côte d’Ivoire et l’Éthiopie. Toutefois, il semble qu’aucun de ces deux pays ne puisse soutenir la croissance de l’emploi manufacturier sans avoir recours à une deuxième série de mesures visant à stimuler la productivité de l’emploi au sein des nouvelles et jeunes entreprises. Ces politiques peuvent emprunter différentes formes, tels que des programmes de développement des compétences pendant les études ou après les études afin d’encourager l’afflux de compétences au sein de ces entreprises. Il pourrait également s’agir d’améliorer la capacité des entreprises concernées à adopter des technologies de meilleure qualité, à se développer ou se diversifier vers des produits à forte valeur ajoutée, ou encore d’améliorer leur accès à des systèmes et à des équipements plus fiables et moins chers en matière de logistique et de transports. Si ces mesures destinées à améliorer la productivité profiteraient à toutes les entreprises manufacturières, leur impact sur la croissance de l’emploi ne sera optimal que si elles parviennent à avoir une influence sur le taux de création d’entreprises et sur les choix d’investissements faits par les entreprises après leur création pour survivre et s’établir au sein de secteurs spécifiques.
Notes 1. On trouve chez Haltiwanger, Jarmin, et Miranda (2013) la démonstration la plus connue et la plus récente à l’échelle internationale de l’absence de systématicité des effets de taille sur la croissance de l’emploi au niveau des entreprises. En se basant sur les chiffres d’une enquête menée aux États-Unis, cet article montre que les nouvelles et les jeunes entreprises ont joué un rôle moteur dans la croissance de l’emploi, leur taille ne jouant aucun rôle dans ce processus. Dans un article qui s’y rapporte, Decker et al. (2014) relatent que les entreprises nouvellement créées représentent environ 20 % de la croissance de l’emploi brute aux États-Unis et que, toutes choses égales par ailleurs, les jeunes entreprises concentrent une part plus importante de la croissance de l’emploi agrégée que les entreprises plus anciennes. 2. La littérature qui démontre de façon empirique l’invariance de la croissance de l’emploi selon la taille des entreprises s’étend des années 1980 à aujourd’hui. Celle-ci se consacrait originellement à vérifier la loi de Gibrat (Lucas, 1978 ; Sutton, 1997) en l’appliquant aux recensements des entreprises aux États-Unis et en Europe. On peut citer comme exemple Evans (1987) et Hall (1987) sur différentes séries de données