78 L’industrialisation en Afrique subsaharienne
Aux sources de la croissance de la productivité : la répartition des ressources intersectorielles et intrasectorielles Distorsions de marché et croissance potentielle de l’emploi et de la productivité
L’une des caractéristiques principales des pays en développement tient à leur forte hétérogénéité en matière de productivité entre les secteurs, non seulement entre secteurs traditionnels et secteurs plus modernes, mais également entre différentes industries des secteurs modernes5. Les mauvaises répartitions entre les secteurs et les industries, ainsi qu’au sein de chaque secteur ou industrie spécifique, sont assez conséquentes dans les économies en développement par rapport à la situation des économies développées (McMillan, Rodrik et Verduzco-Gallo, 2014)6. Lorsque les ressources sont réorientées d’activités à faible productivité vers des activités à forte productivité, ces disparités peuvent stimuler la productivité et potentiellement constituer des sources importantes de création d’emplois. C’est pourquoi la répartition des ressources, associée à la transformation structurelle, peut permettre d’accélérer la croissance et de générer des opportunités d’emplois rémunérateurs. Ce résultat n’est cependant pas automatiquement garanti. La transformation structurelle peut également avoir pour effet de diminuer la croissance, comme cela a été analysé en Afrique subsaharienne ainsi qu’en Amérique latine au cours des années 1990. On estime par exemple que la croissance de la productivité du travail en Afrique subsaharienne a connu, en moyenne, une baisse de 1,3 point de pourcentage par année, en raison de la mobilité professionnelle d’activités à forte productivité vers des activités à faible productivité (McMillan, Rodrik, et Verduzco-Gallo, 2014). Une étude portant sur un échantillon de pays d’Afrique de l’Ouest conclut que, dans leur majorité, les modèles de transformation structurelle ne s’accompagnent pas d’une réallocation de la main-d’œuvre vers les secteurs à forte productivité (Haile, 2018). Dans le secteur manufacturier, on constate que les épisodes de création d’emplois ont joué un rôle important dans l’augmentation de la productivité agrégée, s’étant accompagnés d’une amélioration de la productivité, d’évolutions dans les parts de marché et de mouvements de ressources depuis des entreprises à faible productivité vers des entreprises plus productives. Ces réallocations, qui sont déclenchées par des différences de productivité des facteurs entre les établissements, sont principalement imputables aux distorsions de marché. Une étude relative aux entreprises ougandaises illustre l’étendue et le rôle de la mauvaise allocation des ressources que l’on constate généralement en Afrique subsaharienne au sein de l’industrie manufacturière. Entre 2002 et 2009, la productivité du travail a connu une croissance annuelle moyenne de