MARS | AVRIL 2022
OUTRE-MER
OcéIndia
grandeur Nature L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
n°9
ÉDITO | Virginie Schwarz, PDG de Météo-France GUADELOUPE | la réserve des îles de petite terre ÎLE DE LA RÉUNION | protéger les abeilles avec
SOMMAIRE
UNE
Crazy bee
POLYNÉSIE FRANÇAISE : RENCONTRE AVEC L’ARTISTE TITOUAN LAMAZOU
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édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Martin Saint-Barthélemy
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Guadeloupe Martinique Guyane Île de La Réunion Mayotte
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TAAF Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna Clipperton
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OUTRE-MER
grandeur Nature Météo-France poursuivra ses contributions au fonctionnement des cellules de veille hydro-météorologiques (CVH) aux Antilles-Guyane, à La Réunion et à Mayotte. Dans un autre domaine, Météo-France consolidera le dispositif de surveillance des algues sargasses sur le secteur des Antilles françaises et de la Guyane.
ÉDITO PAR VIRGINIE SCHWARZ PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE DE MÉTÉO-FRANCE Météo-France vient de signer avec sa tutelle, son nouveau Contrat d’Objectifs et de Performance qui concerne la période 2022-2027. Ce COP marque un nouvel élan pour Météo-France. Il porte l’ambition de l’Établissement, les priorités pour les 5 ans à venir, en réponse aux besoins de la société, avec un fil rouge : être toujours plus utile pour nos clients, partenaires, utilisateurs. Ce COP porte en particulier des ambitions importantes pour l’outre-mer. C’est en effet l’occasion de rappeler l’importance que Météo-France attache à ces territoires d’outre-mer où l’Établissement est présent avec plus de 300 agents : Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, Polynésie française (Tahiti, Atuona, Rikitéa et Rapa), Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi les Kerguelen et la Terre Adélie. Ils sont porteurs d’enjeux particulièrement forts en matière de météorologie et de climat. Tout d’abord dans le domaine de la mission première de l’Établissement qui est la sécurité des personnes et des biens. Météo-France continuera à exercer ses missions de prévision et d’alerte cyclonique, et notamment ses responsabilités internationales, en particulier le rôle de Centre Météorologique Régional Spécialisé de l’OMM pour les cyclones tropicaux dans le sud-ouest de l’océan Indien. La Vigilance Vague Submersion sera également généralisée aux territoires ultramarins couverts par un dispositif de Vigilance et une Vigilance Canicule y sera créée pour les territoires où cela est pertinent en matière de santé publique.
S’agissant de modélisation numérique, Météo-France déploiera, au service de l’amélioration constante de la qualité des prévisions, sur chacun des territoires que sont les Antilles-Guyane, la Réunion-Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, une instance du modèle AROME à haute résolution (1,3 kilomètres) en version déterministe et mettra également en place de premiers systèmes de prévision d’ensemble à 2,5 kilomètres de résolution horizontale. La mise en opération de ces modèles, et en particulier de ces prévisions d’ensemble à très hautes résolutions, est rendue possible par l’acquisition de nouveaux supercalculateurs qui permettent à l’Établissement de disposer d’une puissance de calcul multipliée par 5 depuis 2021. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles : canicules exceptionnelles, sécheresses répétées, pluies extrêmes, baisse de la ressource en eau, baisse du niveau d’enneigement en montagne, incendies de végétation, dépérissement de forêts. La conscience de l’urgence climatique est aujourd’hui partagée par la plupart des acteurs publics et privés et conduit à un besoin croissant de connaissances sur les causes et conséquences du changement climatique à l’échelle des territoires et des activités sectorielles. Météo-France, acteur de référence attendu, dispose de données pertinentes tant sur le climat passé que futur et d’un haut niveau d’expertise. Météo-France apporte déjà des informations et communique sur les effets actuels et futurs du changement climatique pour contribuer à la sensibilisation des décideurs et du grand public. En appui, Météo-France développera une famille cohérente de modèles climatiques au meilleur niveau international allant du modèle régional d’échelle kilométrique au modèle global d’échelle de l’ordre de 50 à 100 kilomètres, afin de maintenir sa capacité à simuler le climat à toutes les échelles. Les analyses des simulations climatiques réalisées grâce à ces modèles permettront de progresser dans la connaissance des évolutions climatiques et leurs impacts notamment en outre-mer (Antilles-Guyane, Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Réunion-Mayotte...). Ces travaux ont vocation à la fois à renforcer les actions de sensibilisation menées sur les effets du changement climatique et l’urgence des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à aider à la construction des stratégies d’adaptation aux effets du changement climatique, malheureusement devenues inévitables, et qui constituent l’une des priorités du nouveau contrat d’objectifs de l’Établissement.
Virginie Schwarz
Portrait : © Météo-France | Photos de couverture : œuvre des « Escales en Polynésie » de Titouan Lamazou. | Ruche à La Réunion. © Crazy Bee
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
LA FRANCE RENFORCE SON ENGAGEMENT POUR LES OCÉANS LORS DU PREMIER « ONE OCEAN SUMMIT » Le premier sommet international « One Ocean Summit » s’est tenu du 9 au 11 février à Brest, à l’initiative de la France, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne. Plus de 40 États, des représentants de la société civile et des entreprises se sont rencontrés avec l’objectif de mobiliser plus fortement la communauté internationale sur les sujets « Océan », et ainsi partager cette responsabilité commune vis-à-vis des milieux marins. Couvrant plus de 70 % de la surface de la planète, l’Océan est en effet trop souvent absent des négociations internationales concernant la biodiversité ou le climat, malgré son rôle de régulateur de grands équilibres environnementaux. Les écosystèmes marins sont pourtant bel et bien menacés par les pollutions, notamment plastiques, et par la surexploitation de ses nombreuses ressources – halieutiques, minerais, sable, hydrocarbures... À l’issue des discussions, les dirigeants rassemblés à Brest ont choisi d’agir « pour la préservation de la biodiversité marine, l’arrêt de la surexploitation des ressources, la lutte contre les pollutions et l’atténuation du changement climatique ». Au-delà des mesures prises par la France au niveau international, le président de la République et le président de la Polynésie française ont annoncé des engagements spécifiques aux territoires ultramarins, qui entreront en vigueur dès cette année. Dans les TAAF, la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises sera ainsi étendue à l’ensemble des espaces maritimes des îles Kerguelen, Crozet et Saint-Paul-et-Amsterdam, pour former la deuxième plus vaste aire marine protégée au monde, de près de 1,6 millions de km².
ACTU OUTRE-MER En Polynésie française, une nouvelle aire marine protégée baptisée « Rahui nui », de plus de 500 000 km², sera également créée, à l’est du territoire (Australes, Marquises, est Gambier). Des mesures de protection réservées à la pêche artisanale vivrière seront par ailleurs mises en place autour de chacune des 118 îles polynésiennes, offrant ainsi des bénéfices écologiques substantiels aux écosystèmes côtiers et marins. De plus, la France renforce ses engagements pour lutter contre la pêche illégale ou les mauvaises pratiques, notamment en accompagnant le développement des techniques de pêche innovantes afin de protéger les tortues marines en Guyane et dans le bassin amazonien. Dans le cadre de la lutte contre la pollution, la France accélérera le traitement des décharges « à risque » situées en zone littorale. Le site de l’ancienne décharge de l’anse Charpentier, en Martinique, sera ainsi dépolluée dès 2022. La France et la Colombie ont par ailleurs lancé une « Coalition internationale pour le carbone bleu » visant à rassembler les acteurs gouvernementaux et privés pour contribuer au financement de la restauration d’écosystèmes, comme les mangroves ou les herbiers marins. Enfin, la France publiera prochainement une « stratégie nationale polaire », pour réinvestir dans la recherche polaire dans les TAAF et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces différentes mesures regroupées dans les « Engagements de Brest pour l’Océan » ont pour but d’aider la France à œuvrer collectivement contre la dégradation de l’Océan et à agir concrètement en faveur des écosystèmes marins et côtiers des territoires ultramarins.
Fonds marins photographiés début février à La Réunion, avant le passage du cyclone Batsirai. © Jean-Sébastien Philippe
+ d’info ici : Les engagements de Brest pour l’océan
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grandeur Nature
© Ligue de protection des oiseaux (LPO)
OUTRE-MER
© Coral Gardeners
EN 2022, DE NOUVELLES PERSPECTIVES POUR LES CORAUX Ce début d’année est annonciateur de bonnes nouvelles et de belles initiatives pour la préservation des coraux de l’outre-mer français. Des scientifiques de l’Unesco et du Criobe 1, en partenariat avec le projet photographique « 1 Ocean » ont découvert au large de Tahiti, entre -30 et -65 mètres, un récif corallien profond qui pourrait bien être l’un des plus grands du monde. Ses coraux, particulièrement denses et esthétiques, en forme de roses, s’étendent à perte de vue... C’est le photographe Alexis Rosenfeld qui a mené la mission de plongée, offrant au grand public une vision d’espoir qui témoigne de la beauté du monde sous-marin. Avec cette découverte, de nouvelles perspectives de recherche s’ouvrent pour la survie des coraux, fortement menacés en surface par le réchauffement climatique. En Guadeloupe, une autre découverte fait son chemin. Jérémy Gobé, artiste plasticien, cherche depuis quelques années à mettre au point un tuteur pour les coraux... en dentelle ! Avec son équipe, il a pour cela conçu une fibre en biopolymère, qui est ensuite tissée comme de la dentelle, celle-ci ressemblant en effet étonnamment au squelette du corail. L’objectif est de mimer la nature, en aidant les larves de coraux à se fixer sur ce nouveau support. Enfin, focus sur l’association Coral Gardeners, lancée en 2017 sur l’île polynésienne de Moorea. Les jeunes à l’origine de ce projet innovant créent des nurseries de coraux sur la base de programmes de donation. Grâce à d’importantes levées de fonds, ils ont planté en quatre ans plus de 15 000 coraux ! Les collégiens mettent aussi la tête sous l’eau dans le cadre du projet collaboratif To’a Ora (« récif vivant » en Polynésien) de l’association, qui leur offre la possibilité de créer et d’entretenir leur propre nurserie.
DES JOURNÉES MONDIALES DES ZONES HUMIDES POUR « AGIR POUR L’HUMANITÉ ET LA NATURE » C’est sous cette thématique qu’ont été célébrées les Journées mondiales des zones humides du 29 janvier au 28 février. L’outre-mer français compte en effet 12 sites (sur 52) labellisés au titre de la « convention de Ramsar » pour la protection et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Portées par les différents acteurs de l’environnement – gestionnaires d’espaces naturels, associations, collectivités… – de nombreuses initiatives ont été mises en place pour faire connaître au grand public la richesse et la fragilité de ces écosystèmes. Le Parc naturel régional de la Martinique a par exemple organisé des journées de découverte de la mangrove de la baie de Génipa au travers de balades à pied, en bateau, en kayak… ou encore virtuelles, pour présenter les fonds sous-marins du site. En Nouvelle-Calédonie, l’association Hô-üt et le centre de formation Anselmo Tiahi ont proposé une journée de plantation de palétuviers. Les 23 participants ont ainsi mis en terre près de 2 500 pieds (!), dans le cadre d’un programme de protection du trait de côte sur la commune de Touho. À La Réunion, la Réserve naturelle nationale Étang de Saint-Paul a, quant à elle, porté une action de science participative avec les élèves de l’école Louise Siarane. Les poules d’eau, hérons striés et autres oiseaux d’eau indigènes nicheurs de l’étang ont été comptés par les écoliers, et les observations reportées sur des fiches terrain, ainsi que dans l’outil participatif « Naturalist ». Les nombreuses autres actions de sensibilisation menées dans les territoires ultramarins seront prochainement présentées dans le bilan « Outre-mer » du Pôle-relais zones humides tropicales. + d’info ici : https://www.pole-tropical.org/
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CRIOBE : Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement.
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Rédaction : Stéphanie Castre
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON
I l y a un peu plus de deux ans , C aroline D ujardin a créé la maison d’édition M on A utre France à Saint-Pierre-et-Miquelon. Si la ligne éditoriale englobe l’ensemble des thématiques liées à l’archipel, cette jeune structure s’est engagée dans une démarche environnementale active.
Faire connaître l’archipel par le livre peut sensibiliser à l’environnement, en montrant cette fragilité. Au fur et à mesure des publications de la maison d’édition, l’archipel se dévoile un peu plus, avec la richesse de cette nature qu’on peut, au premier abord, trouver “ radine ” car il y a peu de cultures par exemple, mais qui offre tellement de trésors rares : le Grand Colombier par exemple, envahi de macareux moines, de colonies de guillemots de Troïl...
TÉMOIGNAGE CAROLINE DUJARDIN, DIRECTRICE DES ÉDITIONS MON AUTRE FRANCE « À Saint-Pierre-et-Miquelon, tout est nature : maisons en bois, forêt boréale, tourbières, orchidées, renards, orques, baleines, dauphins, globicéphales... Avec ses 242 km2 et ses 6 000 habitants, l’archipel abrite tellement de trésors à rencontrer, dénicher. Il est certain qu’arriver ici, ça se mérite ! Des heures d’avion, en hiver des températures rudes, mais quel émerveillement quand on arrive ! Battu par les vents, l’archipel est comme un confetti dans une tempête de l’Atlantique Nord, se situant juste au carrefour du Golf Stream et du courant du Labrador. Les arbres ont tendance à pousser couchés ou sont très petits. Comme des bonzaïs partout. Cette nature est à préserver.
J’ai créé la maison d’édition dédiée à l’archipel en janvier 2020. Deux ans après, ce sont 10 ouvrages édités et donc 10 arbres plantés en Centre Bretagne, car je fais imprimer en France et je rentre dans le programme La Clairière des Livres “ 1 livre édité = 1 arbre planté ” ».
Dans le catalogue de la maison d’édition, Eaux en couleurs invite au voyage intérieur dans la forêt boréale ou avec les animaux marins de Saint-Pierreet-Miquelon. Il s’agit d’un livre de coloriage « zentangle », une technique mêlant détente et créativité.
© Caroline Dujardin
MON AUTRE FRANCE, LA MAISON D’ÉDITION DÉDIÉE À L’ARCHIPEL
PUBLI-COMMUNIQUÉ
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ÉTUDIER LES COMMUNAUTÉS MICROBIENNES DES PHOQUES
Phoques gris dans le goulet du Grand Barachois, à Saint-Pierre-et-Miquelon. © OFB | Laurent Malthieux
La
crise sanitaire mondiale que nous vivons montre l ’ intérêt de mieux analyser les interactions
entre la faune sauvage , parfois protégée , et les activités humaines . de
Miquelon,
deux espèces de phoques
–
phoque gris
Au Grand Barachois, sur l’île Halichoerus grypus et phoque veau-marin
Phoca vitulina – cohabitent et la question de leur impact sur la qualité des coquillages pourrait constituer un sujet d ’ inquiétude . Le projet « Phobi », financé par la direction scientifique de l’Ifremer, vise à décrire les communautés microbiennes des phoques par des approches de métagénomique et de métabarcoding, afin de développer un marqueur spécifique des contaminations par les phoques. Initié en 2019, ce projet a pour objectif d’appliquer des techniques innovantes de métagénomique pour décrire les communautés bactériennes et virales dans des fèces de phoque récoltées sur le littoral, à proximité des activités humaines. Les communautés bactériennes se caractérisent ainsi par une abondance majoritaire des Firmicutes (genres Clostridium sensu stricto 1 et Peptoclostridium), suivies des Fusobacteria (essentiellement le genre Fusobacterium), ainsi que des Bacteroidetes. Ce type d’analyse, jamais réalisé jusqu’alors, a permis de discriminer un marqueur bactérien associé à ces animaux, qui trouvera une application
concrète sur différents sites côtiers pour évaluer l’impact de cette contamination par des fèces de phoques. L’analyse du virome réalisée sur ces mêmes échantillons a permis de caractériser de nouveaux génomes de virus proches de ceux détectés chez l’homme comme des virus de la famille des Caliciviridae ou Astroviridae et pour lesquels un transfert zoonotique ne pourrait être exclu. Décrire la diversité microbienne d’échantillons prélevés dans des sites exposés à des contaminations d’origine animale et humaine constitue un challenge important à relever pour les années futures. Référents : Michèle Gourmelon | michele.gourmelon@ifremer.fr Soizick Le Guyader | soizick.le.guyader@ifremer.fr Herlé Goraguer | herle.goraguer@ifremer.fr
Photo en haut de la page de droite : exploitation d’un semis de pétoncles géants dans la rade de Miquelon. © Ifremer | Xavier Caisey
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
PÊCHE : DE NOUVELLES ESPÈCES ET BEAUCOUP D’INNOVATION La première édition du Congrès franco-canadien sur les sciences aquatiques s’est tenue du 30 septembre au 3 octobre 2021 à Saint-Pierre-et-Miquelon. L’Institut y a présenté ses dernières recherches sur ce territoire représentant 12 000 km2 de zones économiques exclusives françaises.
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Les halieutes de l’Ifremer sont impliqués dans l’acquisition de connaissance et la production d’avis de gestion, en collaboration avec les scientifiques canadiens, sur les principaux stocks d’intérêt : morue du banc Saint-Pierre (Gadus morhua), pétoncle d’Islande (Chlamys islandica), coquille Saint-Jacques (Placopecten magellanicus), grands crustacés (crabe des neiges Chionoecetes opilio et homard Homarus americanus) et poissons (flétan de l’Atlantique Hippoglossus hippoglossus et saumon Salmo salar).
LE CONCOMBRE DE MER, NOUVEL OR MARIN DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON Faisant face à une demande croissante forte, le concombre de mer ou holothurie à pied orange (Cucumaria frondosa) fait l’objet aujourd’hui de toutes les attentions. Le stock des eaux saint-pierraises a été évalué une première fois en 2017, puis en juin 2021. Il subit une exploitation intensive, avec des captures françaises ayant dépassé 2 000 tonnes ces deux dernières années. L’Ifremer est sollicité chaque année par l’Administration des Pêches pour donner un avis de gestion préalable à l’ouverture de la saison de pêche. Dans cette perspective, pour l’estimation du stock de concombres de mer dans les eaux de Saint-Pierre-etMiquelon et en complément des données issues des techniques traditionnelles de pêche, l’Ifremer a mis en place en 2021 la campagne HoloSPMTV basée sur l’analyse vidéo des populations sur le fond. Cette campagne s’appuie sur les avancées méthodologiques du programme « Game of Trawls » conduit à Lorient, dont l’objectif principal est d’adapter les avancées technologiques réalisées dans les domaines de l’intelligence artificielle et des réseaux de capteurs aux engins de pêches, avec la capacité de détecter et d’identifier en temps réel les espèces qui entrent dans l’engin de pêche, ou de réaliser du « deep-learning » sur la reconnaissance automatique des espèces rencontrées.
Référents : Éric Foucher | eric.foucher@ifremer.fr
Évaluation par analyse vidéo de la biomasse de concombres de mer. © Ifremer
En parallèle, et en lien avec la Métropole, notamment la station aquacole de Palavas (projet « Holosud », mené sur l’holothurie méditerranéenne Holothuria tubulosa), des recherches expérimentales sont en cours pour développer l’aquaculture de cet animal dans le domaine alimentaire, mais également dans la cosmétique et la pharmacie.
Joël Vigneau | joel.vigneau@ifremer.fr
+ d’info ici : gameoftrawls.ifremer.fr/
Herlé Goraguer | herle.goraguer@ifremer.fr
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SAINT-MARTIN BIVOUAC NATURALISTE : UNE ASSOCIATION DE PASSIONNÉS l’association
Bivouac Naturaliste a remporté en 2021 l’appel à projet « Contribution à la connaissance naturaliste » de PatriNat. Dans ce cadre, elle vient d’achever l’inventaire de la biodiversité SaintMartinoise, avec près de 1 000 espèces répertoriées et quelques belles surprises le long du parcours.
Bivouac Naturaliste réunit une dizaine d’amis installés en Martinique, en Guadeloupe et en France hexagonale, tous impliqués bénévolement au sein de l’association. Adepte de sorties en plein air les week-ends, ce groupe de jeunes botanistes, biologistes ou entomologistes de formation a d’abord récolté patiemment des données sur le terrain de façon indépendante avant de créer Bivouac Naturaliste afin de structurer davantage leurs travaux. Née en janvier 2021, leur association siège à Fort-de-France. Elle a pour objet d’organiser des expéditions dans les zones où il existe importants déficits de connaissances sur la faune et la flore. Pour remplir cette mission, les membres de l’association ne se donnent pas de frontières, qu’elles soient géographiques ou taxonomiques. « Bivouac naturaliste est née de notre volonté d’immersion dans la nature, de voyage et d’expédition. Arpenter le monde et découvrir des espèces, c’est ce qui fait rêver les naturalistes. Ce sont cette envie, cette passion qui ont fait que nous avons fondé l’association », nous confie Benjamin, botaniste et secrétaire de Bivouac Naturaliste.
INSULARIS, UN INVENTAIRE NATURALISTE À SAINT MARTIN La mission Insularis avait ainsi pour but d’inventorier de la manière la plus exhaustive possible la flore et la faune de Saint-Martin, une île fortement urbanisée où d’importantes lacunes restent à combler en matière de connaissances sur la biodiversité locale. Il fallait donc recouvrir un maximum de milieux et de groupes d’espèces. Cette toute première expédition de Bivouac Naturaliste a duré 10 jours et permis aux 8 membres de l’association présents sur place de recenser notamment 600 espèces végétales, 70 espèces d’oiseaux, 27 de papillons, 7 de reptiles... L’équipe est à présent en phase de rédaction du bilan des échantillons récoltés, qui paraîtra dans les prochains mois.
Rédaction : Camille Caumette + d’info ici : Bivouac Naturaliste
À gauche : Brentus anchorago, une nouvelle espèce pour Saint-Martin. | À droite : Galactia nummularia, observée sur l’îlet Tintamarre par Bivouac Naturaliste, qui témoigne : « L’enjeu sur cette espèce endémique stricte de Saint-Martin était de la retrouver bien qu’elle n’ait pas été observée depuis 1954 [...]. La retrouver fut une bien belle surprise ! » | Images de l’article : © Bivouac Naturaliste
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SAINT-BARTHÉLEMY
QUEL BILAN DES INFRACTIONS RELEVÉES EN 2021 AU SEIN DE LA RÉSERVE NATURELLE ? Des
règles strictes s’appliquent aux usagers de la
Réserve naturelle de Saint-Barthélemy, afin d’y protéger la biodiversité. Malgré cela il a été constaté, pour l’année 2021, une augmentation des excès de vitesse et des ancrages d ’ engins nautiques en dehors des zones prévues . Durant l’année 2021, les gardes de la Réserve ont procédé à plus de 200 heures de patrouilles terrestres et maritimes. Ces contrôles de police ont montré que la réglementation de la pêche a été respectée par le plus grand nombre. Le bilan pour l’année dernière est globalement positif selon l’Agence territoriale de l’environnement de SaintBarthélemy (ATE). « Une baisse des infractions en Réserve a même été observée à la période des fêtes. Cela étant dit, ce constat est sans doute également lié à la diminution de la fréquentation touristique générale due à la situation sanitaire », estime l’ATE.
Quelques autres infractions continuent à être relevées – non-respect des quotas, pêche hors périodes autorisées... – et la saisie d’engins de pêches non conformes a également été nécessaire. En effet, à Saint-Barthélemy, la pêche aux casiers est réservée aux marins pêcheurs professionnels. Les casiers doivent être positionnés à l’extérieur du périmètre de la Réserve et à plus de 300 mètres des côtes. Ils doivent de plus être correctement signalisés et respecter le maillage réglementaire.
Rédaction : Stéphanie Castre
Si les infractions associées aux jet-skis et aux scooters sous-marins ont été moins fréquentes qu’en 2020, les excès de vitesse ont en revanche augmenté. L’ATE tire la sonnette d’alarme, en appelant les usagers à réduire leur vitesse, en particulier au mouillage où, depuis le début de l’année, déjà 2 jeunes tortues vertes ont été retrouvées mortes la carapace découpée par des hélices de bateaux. En 2021, les ancrages de bateaux en dehors des espaces dédiés ont aussi été plus nombreux. Il est à noter que dans la Réserve, seules les baies de Colombier et Fourchue possèdent des zones où l’ancrage est autorisé. Ailleurs, il est interdit d’ancrer dans la Réserve naturelle. Sur les 84 infractions relevées par timbre amende en 2021, 65 concernaient des yachts ou leurs annexes, soit près de 80 %.
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GUADELOUPE
Rédaction : Lucie Labbouz
LA COGESTION ORIGINALE DE LA RÉSERVE NATURELLE DES ÎLES DE PETITE TERRE CÉLÈBRE SES 20 ANS !
Créée en 1998, la Réserve naturelle nationale des îles de Petite Terre est cogérée, depuis 2002, par l’O ffice national des forêts (ONF) et l’association locale Titè. C ette gestion partagée entre un établissement public et une association de la société civile dresse aujourd’hui un bilan positif, à l’occasion de son vingtième anniversaire. Situés à 12 kilomètres au sud de l’île de la Désirade, les îlets de Petite Terre ont été habités de l’époque amérindienne jusqu’en 1972, lorsque la famille du dernier gardien du phare quitte les lieux. Les deux îlets, séparés par un chenal d’environ 150 mètres, forment un lagon, et représentent un ensemble écologique d’habitats terrestres et marins remarquables. La diversité des milieux de Petite Terre, et la présence d’espèces emblématiques telles que l’iguane des Petites Antilles, le gaïac 1 ou encore les tortues marines font de ce territoire un site aux enjeux majeurs en termes de conservation de la biodiversité de l’archipel guadeloupéen. Dans les années 1990, les démarches de création d’un espace protégé sont donc initiées par l’ONF, et les dernières
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parcelles privées sont acquises en 1994 par le Conservatoire du littoral. Mylène Musquet, actuelle directrice de l’ONF, qui était présente aux origines de la création de la Réserve, se rappelle : « Une grande phase de concertation préalable a été réalisée à l’époque, d’une part avec les Désiradiens et les Désiradiennes, et d’autre part avec les instances nationales – notamment avec le Conseil national de protection de la nature 2. L’enjeu de cette concertation était de pouvoir établir une protection suffisante des îlets, tout en garantissant à la population que leurs usages perdureraient et qu’elle serait partie prenante dans la gestion de la Réserve ». L’association désiradienne Titè est alors créée en 2002, et une convention de gestion est établie avec l’ONF pour définir les modalités de cogestion de cet espace naturel.
Petit arbre originaire des Caraïbes et du nord de l’Amérique du Sud, classé en danger par l’UICN, car surexploité pour son bois et sa résine. Institution rattachée au ministère de la Transition écologique, qui donne notamment un avis sur les projets de création de réserves naturelles.
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
La fleur de gaïac. © Kap Natirel | Sensibilisation aux métiers de l’environement par un garde de la Réserve, à la Désirade. © RNN des îles de Petite Terre | L’iguane des Petites Antilles, endémique de la zone, est en danger critique d’extinction selon l’UICN. © Johannes Braun / Titè | La Réserve des îles de Petite Terre, seul lieu de Guadeloupe où on peut observer des requins nourrices (ici) ou requins-citrons. © L. Bouveret
Raoul Lebrave, qui est aujourd’hui le président de l’association Titè, évoque « la force de ce partenariat, qui a facilité l’inclusion de la population désiradienne et de ses élus locaux dans la défense de ce joyau au profit de nos héritiers de demain ». L’équilibre trouvé entre les deux institutions a permis de tirer parti des avantages des deux structures. La Réserve bénéficie en effet de la souplesse d’un fonctionnement associatif et d’un ancrage territorial fort, mais aussi de la solidité d’un établissement public offrant un portage administratif et politique, des moyens mobilisables et une expertise scientifique reconnue. La valeur ajoutée indéniable de ce montage institutionnel particulier s’est mesurée au fil des ans, au regard de la bonne acceptation de la Réserve et de ses mesures de protection par les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens. Au cours de ces deux décennies de cogestion, de nombreuses actions ont ainsi pu être menées en faveur de la protection de la biodiversité de Petite Terre, et acceptées par la population locale. C’est actuellement une équipe de 10 personnes, dont
5 gardes commissionnés assermentés, qui travaillent au quotidien à la surveillance du site, à l’amélioration des connaissances des écosystèmes marins et terrestres, à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, et qui réalisent de nombreuses actions d’animation et d’éducation au développement durable. Près de 200 écovolontaires sont également mobilisés chaque année en renfort, lors de journées d’actions particulières, ou pour accompagner les gardes dans leurs activités courantes. Victime de son succès, la Réserve est cependant confrontée à la problématique du développement touristique entraînant une surfréquentation et une dégradation du site. Une collaboration étroite avec les professionnels du secteur, l’instauration d’un seuil maximal de visiteurs, l’installation de mouillages ainsi que des actions de sensibilisation ont été mises en place pour y répondre. Les mesures instaurées, détaillées dans son plan de gestion, font aujourd’hui de la Réserve naturelle nationale des îles de Petite Terre une référence en matière de gestion de la fréquentation dans les aires marines protégées.
+ d’info ici : https://reservesdesiradepetiteterre.com
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OUTRE-MER
grandeur Nature
ABC EN OUTRE-MER : LE PASSAGE À L’ACTION POUR PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ DE PROXIMITÉ Initiés dans les années 1990 dans les Parcs naturels régionaux avec l’appui des associations naturalistes, puis déployés en 2010 par le ministère de l’Environnement, les Atlas de la biodiversité communale (ABC) se sont multipliés sur le territoire français. L’OFB soutient les collectivités métropolitaines et ultramarines pour la réalisation de leur ABC, véritable outil stratégique de l’action locale. Un Atlas de la biodiversité communale (ABC) naît de la volonté d’une commune ou d’une structure intercommunale de connaître, préserver et valoriser son patrimoine naturel. Il s’agit de dresser un inventaire précis et cartographié des habitats, de la faune et la flore, en nous rendant tous acteurs de la protection de la nature. L’ABC est un outil d’aide à la décision, car il facilite l’intégration des enjeux de
la biodiversité dans les politiques locales. Chaque année depuis 2017, l’OFB publie un appel à projets dédié à soutenir ce dispositif qui a déjà bénéficié à 18 collectivités ultramarines. Naturefrance, service public d’information sur la biodiversité, propose une plateforme en ligne consacrée aux ABC. Pour les découvrir, rendez-vous sur le site : https://abc.naturefrance.fr/
GUYANE : L’INCROYABLE BIODIVERSITÉ DE SAÜL Débuté en 2018 et porté par le Parc amazonien de Guyane (PAG), le projet d’ABC de la petite commune de Saül, au cœur de la forêt amazonienne guyanaise, a été mis en œuvre en quatre ans. Au total, 18 inventaires naturalistes ont été effectués, et les résultats sont impressionnants : près de 6 400 espèces recensées et parmi elles, un nombre record d’amphibiens, de champignons, plus de 3 200 espèces floristiques… mais aussi 200 nouvelles espèces à décrire ! « Dans un hectare de forêt amazonienne, on peut trouver plus d’espèces d’arbres que dans l’Europe tout entière », souligne Sébastien Sant, technicien écologiste au PAG.
Un colibri photographié sous la pluie à Saül. © Cécile Sourioux
Grâce à ces inventaires, le Parc va éditer le livre illustré La flore des sous-bois du centre de la Guyane d’ici le mois de juin. Avec l’organisation d’une soixantaine d’animations et une volonté de coconstruire avec les habitants du village, l’ABC de Saül a généré une belle mobilisation citoyenne et développé des liens forts entre les résidents et leur environnement. La fête de clôture de l’ABC, organisée du 2 au 5 décembre dernier, a été l’occasion de dresser le bilan du travail accompli mais aussi d’évoquer les projets à venir, car les perspectives restent nombreuses : « L’ABC s’achève… Vive l’ABC ! », annonce le PAG. + d’info ici : https://www.facebook.com/ABCSaul
L’ambiance accueillante du village de Saül. © Alice Bello
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
Une vue aérienne de la mare de l’Anse Colas dans le nord de la Guadeloupe, en plein environnement agricole.
GUADELOUPE : UN ATLAS INTERCOMMUNAL SUR LES MARES L’Atlas de la biodiversité de la Communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT) se concentre sur un milieu menacé et peu valorisé : les mares. Le but est d’en recenser la biodiversité et de sensibiliser la population à l’importance des services rendus par ces zones humides, en particulier leur rôle dans l’adaptation aux changements
Le Cap Noir à La Réunion. © Romy Loublier
climatiques. Équipés d’un appareil photo et d’une grille de notes, les habitants et visiteurs ont été invités à participer aux inventaires des 2 500 mares du Nord Grande-Terre ! D’ici 2023, la CANGT devrait développer un plan d’actions de protection et de valorisation de cette biodiversité, ainsi que 2 à 3 aires terrestres éducatives.
L’île de Rurutu dans les Australes. © Ravahere Taputuarai
LA RÉUNION : UNE DYNAMIQUE DURABLE À LA POSSESSION
POLYNÉSIE FRANÇAISE : UN PREMIER ABC POUR LA PETITE ÎLE DE RURUTU
Avec 89 % d’espaces naturels, dont 70 % en cœur de Parc national, la commune de La Possession abrite un véritable réservoir de biodiversité. Face à la variété de ses milieux – forêts sèches, zones humides, cœur de ville, front de mer… – la commune souhaite s’affirmer comme une ville durable et met en œuvre pour cela un « Plan biodiversité ». Elle s’est lancée en 2020 le défi de réaliser le deuxième ABC de l’île, pour inventorier la flore, les oiseaux et les insectes dans différents espaces naturels et urbains, tout en sensibilisant et mobilisant les acteurs locaux et les habitants.
Porté depuis 2021 par la Direction de l’environnement de Polynésie française (Diren), l’ABC de Rurutu dans l’archipel des Australes permettra de préciser les enjeux locaux de la conservation, de compléter des études naturalistes anciennes, et d’impliquer les habitants via des ateliers participatifs. Des inventaires terrestres, marins et dulçaquicoles (biodiversité en eau douce) vont être réalisés dans la commune. Cet ABC viendra en appui à la création d’une Réserve de biosphère à Rurutu prévue à l’horizon 2023, avec une volonté de l’étendre à d’autres communes de l’archipel.
L’APPEL À PROJETS « ABC » 2022 EST OUVERT DU 16 FÉVRIER AU 15 AVRIL. POUR CANDIDATER, RENDEZ-VOUS ICI
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OUTRE-MER
grandeur Nature Rédaction : Alain Brondeau
MARTINIQUE
ACQUISITION DU SOMMET DU MORNE LARCHER PAR LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL
Relativement protégés par leurs reliefs, les mornes constituent des refuges de biodiversité. Dans le sud - ouest de la M artinique, le Conservatoire du littoral a récemment acquis une nouvelle parcelle située au sommet du Morne L archer, qui surplombre magnifiquement l’Anse et le Rocher du Diamant. Dans les langues créoles des Antilles et de l’océan Indien, les mornes désignent des reliefs de forme arrondie, en général des collines. Au sud-ouest de la Martinique, une série de mornes ponctuent le littoral des communes des Anses d’Arlet et du Diamant et l’intérieur de la presqu’île des Trois-Îlets. Ils alternent avec des baies, au fond desquelles des villages sont tournés vers la pêche et le tourisme.
Si jusqu’à présent les mornes sont restés plutôt préservés de l’urbanisation, celle-ci progresse régulièrement en direction des pentes à partir des villages littoraux, depuis les routes départementales qui serpentent à mi-hauteur et depuis les dessertes secondaires en fond de vallées. Les vues sur la mer qu’offrent les mornes sont de plus en plus prisées pour l’installation de résidences touristiques saisonnières.
Ces mornes sont remarquables à plusieurs titres : • Témoins d’une activité volcanique remontant entre 1 et 3 millions d’années, ils sont un livre ouvert sur l’histoire géologique particulièrement riche de la Martinique. • Sur le plan paysager, leurs profils arrondis typiques de la région et aux formes parfois suggestives – telle « la femme couchée » – représentent des coupures d’urbanisation et confèrent aux baies qu’ils encadrent un caractère isolé et intime qui contribue fortement à leur attractivité touristique. De formations boisées en savanes herbacées maintenues ouvertes par le pâturage, les mornes sont parcourus de sentiers pédestres reliant les villages de la côte et offrant de superbes points de vue sur la mer des Caraïbes. • Sur le plan écologique, ils présentent des faciès variés de forêts sèches à semi-sèches, fortement raréfiées à l’échelle de l’île. Ils abritent également de nombreuses espèces floristiques rares, dont certaines font l’objet de programmes conduits par le Conservatoire botanique de Martinique. • Enfin, ils abritent un patrimoine historique, notamment des ouvrages militaires de défense liés à leur place stratégique.
De 1988 à 2021, le Conservatoire du littoral a acquis 211 hectares sur les mornes du sud-ouest de la Martinique et s’est vu affecter 22 hectares sur les 50 pas géométriques, gérés par la communauté d’agglomération de l’Espace Sud Martinique. Cette protection foncière complète la protection apportée sur la forêt domaniale du littoral par l’ONF. Or elle s’avère insuffisante, que ce soit pour préserver les entités paysagères particulières que sont les mornes, ou pour aménager ou conforter le sentier littoral qui doit suivre les formes du relief et entrer souvent plus à l’intérieur des terres. C’est pourquoi une animation foncière a été réalisée en 2019 et 2020 auprès de la centaine de propriétaires privés de ces mornes. Elle a débouché sur plusieurs accords de vente et le Conservatoire a ainsi acquis, fin 2021, 19 hectares supplémentaires au sommet du Morne Larcher. Cette parcelle abrite quelques espèces arborées très rares de forêt sèche et offre un point de vue exceptionnel sur l’Anse du Diamant et le rocher du même nom, également protégé par le Conservatoire du littoral depuis 2005.
Photo ci-dessus : le Morne Larcher vu depuis le village de Petite Anse. En arrière-plan, le Rocher du Diamant. © Laurent Juhel | Autrevue
PUBLI-COMMUNIQUÉ
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
LE DFAP, DISPOSITIF DE FINANCEMENT DE L’ASSAINISSEMENT POUR LES PARTICULIERS, DÉPLOYÉ EN MARTINIQUE E n 2021, l ’O ffice
de l ’ eau
partenaires ont lancé le
M artinique et ses DFAP, un dispositif
d ’ accompagnement financier des particuliers pour la réhabilitation de l’Assainissement non
(ANC) et le raccordement au réseau. L e DFAP intervient en complémentarité des autres dispositifs financiers existants . collectif
À la Martinique, 58 % des abonnés au service public d’eau sont équipés d’un ANC. À titre de comparaison, les données nationales font état de 21 % des abonnés en assainissement non collectif. Il ressort des contrôles que 90 % d’entre eux sont non conformes (norme nationale). En cause, la vétusté ou encore, le manque d’entretien. Ainsi, les eaux rejetées ne sont que faiblement traitées et impactent négativement la qualité de nos eaux de rivière et de mer, mais également, toute la vie aquatique. Les travaux de réhabilitation, qui sont d’environ 10 000 €, pèsent lourd sur le budget des ménages. C’est pourquoi le réseau des financeurs du DFAP (l’ODE, les communautés d’agglomération de la Martinique – CACEM, CAESM, CAP Nord – la Collectivité territoriale de Martinique, la CAF et la CGSS) s’engage à aider financièrement les propriétaires dont l’habitation est située sur une zone prioritaire, c’està-dire identifiée comme ayant un impact important sur la dégradation de la qualité des eaux et de la vie aquatique (poissons, crustacés, coraux et herbiers).
LA RÉHABILITATION DE L’ANC Cette aide du DFAP, plafonnée à 10 000 €, peut couvrir jusqu’à 95 % du montant des travaux de réhabilitation de l’ANC en fonction des situations. Elle comprend : • L’aide socle, regroupant le financement de l’ODE et de la Collectivité, garantie pour tous les dossiers éligibles. • Des aides complémentaires de la CAF, la CGSS et/ou la Collectivité territoriale de Martinique, mobilisables sur critères spécifiques.
LES TRAVAUX DE RACCORDEMENT AU RÉSEAU Cette aide prend en charge 30 % du montant des travaux de raccordement à réaliser en partie privative. Elle est plafonnée à 1 500 € pour les raccordements en gravitaire et à 2 000 € pour ceux avec refoulement. Elle inclut :
Les aides du DFAP s’adressent à tous les particuliers propriétaires possédant des systèmes de traitement âgés de plus de 10 ans. Elles permettent de financer :
• L’aide de l’ODE, versée sous la forme d’un pourcentage de remboursement au particulier, sans conditions de ressources pour tous les dossiers déclarés éligibles. • L’aide de la CAF, mobilisable sur critères spécifiques.
• Les travaux de réhabilitation de l’ANC dans le but de mettre en place une filière complète (amélioration de l’existant ou remplacement total du dispositif), pour les installations en zone prioritaire. • Le raccordement au réseau collectif lorsqu’il existe.
Pour obtenir une aide, le propriétaire remplit un dossier de demande de financement 1 et choisit le professionnel agréé qui interviendra sur son chantier. Il dépose ensuite son dossier auprès du SPANC 2 dont dépend la commune où se déroulent les travaux.
Pour les travaux de réhabilitation, la demande doit être réalisée avant tout démarrage du chantier. Pour les travaux de raccordement au réseau d’assainissement collectif, la demande est déclenchée sur facture acquittée. | 2 Service public d’assainissement non collectif. 1
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L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
GUYANE
LA RÉSERVE NATURELLE DES NOURAGUES, DÉTERMINÉE À GAGNER DU TERRAIN SUR L’ORPAILLAGE ILLÉGAL Confrontée
à une pression fluctuante de l’orpaillage illégal, la
Réserve
naturelle des
Nouragues
a mis en place une nouvelle stratégie de lutte , en couplant ses actions de terrain à des missions scientifiques opérationnelles , pour une meilleure protection du territoire .
Créée en 1995, la deuxième plus grande réserve de France – plus de 105 000 hectares ! – est recouverte de forêt tropicale mature, et recèle une biodiversité riche et remarquable.
Les sites abritant des camps d’orpaillage font ainsi l’objet de suivis pour évaluer l’état de dégradation des milieux, mesurer le retour de la biodiversité sur le long terme et initier la réhabilitation de certains secteurs.
La Réserve naturelle des Nouragues, nichée au cœur de la forêt équatoriale, accueille également depuis plus de 35 ans une station de recherche reculée du CNRS qui étudie la forêt tropicale, dans un lieu le plus éloigné possible des activités humaines. Pourtant, malgré sa position isolée, la Réserve est confrontée au fléau de l’orpaillage illégal et à ses conséquences désastreuses sur l’environnement : déforestation, dégradation des sols, pollution des cours d’eau, pêche, braconnage…
Ces opérations de protection et d’amélioration de la connaissance s’accompagnent de nombreux projets de sensibilisation et d’éducation à l’environnement, pour une meilleure intégration de la Réserve dans le tissu socioéconomique local : des partenariats ont été tissés dans la commune de Régina, avec notamment la Maison familiale rurale (formation de jeunes) ou les écoles (gestion d’une aire terrestre éducative), et plusieurs outils pédagogiques ont été développés. Le projet « Coracines » de réhabilitation du camp Arataï, au cœur de la Réserve, permettra par ailleurs l’accueil en pleine nature du public, pour permettre des échanges et un partage des savoirs.
Pour faire face à cette destruction des écosystèmes, une nouvelle stratégie de lutte contre l’orpaillage illégal a été mise en place en septembre 2021, en partenariat avec les membres du dispositif militaire Harpie et l’ONF, qui est le cogestionnaire de la Réserve avec l’association du GEPOG. Cette stratégie repose d’une part sur des interventions régulières des forces armées sur le terrain, afin d’épuiser les capacités de résilience des orpailleurs clandestins, et d’autre part, sur « l’occupation » des sites récupérés à des fins scientifiques et de gestion.
Pour Jennifer Devillechabrolle, conservatrice de la Réserve naturelle des Nouragues : « C’est grâce à cette coordination générale, en faisant avancer de concert la lutte contre l’orpaillage, les suivis scientifiques et une politique d’ancrage territorial forte, que nous pourrons faire de la Réserve un véritable outil de protection de l’environnement ».
Rédaction : Lucie Labbouz Photo ci-dessus : paysage des Nouragues. © Bernard Gissinger
+ d’info ici : http://www.nouragues.fr/
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OUTRE-MER
grandeur Nature
Pour suivre l’actualité de la Réserve : https://fr-fr.facebook.com/RN.nouragues/
Un « chantier nature » au camp Arataï, avec les jeunes de la Maison familiale rurale (MFR) des Fleuves de l’Est, basée à Régina. Ce centre propose des formations par alternance en CAP et Bac Pro aux métiers des services à la personne et de l’agriculture. © Robin Fouchier
Une illustration de la pollution et de la destruction des écosystèmes causées par l’orpaillage illégal. © Bernard Gissinger
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
ÎLE DE LA RÉUNION PARRAINER UNE RUCHE AVEC CRAZY BEE, POUR CONTRIBUER À LA SAUVEGARDE DES ABEILLES « Crazy Bee, le buzz du miel péi ! », c’est le slogan de cette société réunionnaise écoresponsable, lancée en 2018 par J ulie B lanchard et D amien M onti . U n parrainage chez C razy B ee comprend la location de la ruche, son entretien, la récolte du miel et la mise en pots à l’image du client. Crazy Bee travaille avec des apiculteurs basés sur deux sites qui comptent actuellement au total une trentaine de ruches : la Villa Laurina nichée à près de 780 mètres d’altitude dans les Hauts de Saint-Paul et le quartier du Maniron, à l’Étang-Salé. Le projet est né du souhait de contribuer à préserver la biodiversité de La Réunion. En effet, sur l’île, le nombre d’abeilles a connu une diminution du fait de la pollution, des pesticides et surtout de la présence du varroa, un
acarien parasite répertorié depuis 2017 sur l’île et qui pose au secteur de l’apiculture un problème d’ordre mondial. C’est pour protéger la flore réunionnaise que le projet Crazy Bee a vu le jour car, si les abeilles venaient encore à se raréfier, la biodiversité végétale de l’île serait gravement en danger. Crazy Bee offre ainsi aux entreprises et aux institutions la possibilité de s’engager concrètement pour lutter contre la disparition des abeilles à La Réunion. Quand une entreprise passe un contrat avec Crazy Bee, ses apiculteurs se chargent de sa ruche et des abeilles qu’elle abrite. L’entreprise bénéficie de la récolte du miel issue de la ruche qu’elle a parrainée, avec une garantie de qualité «100 % péi » et un étiquetage personnalisé. « Pour développer notre activité, nous allons ouvrir le parrainage aux particuliers, afin de leur permettre de louer en commun les ruches et donc de partager le coût de la production du miel », annonce Julie Blanchard. Une inititiative réunionnaise qui pourrait donner des idées à d’autres porteurs de projets, et peut-être essaimer en outre-mer... ?
Photos de la page : © Crazy Bee
Rédaction : Stéphanie Castre
Damien Monti et Julie Blanchard, commercial et gérante de Crazy Bee.
© Crazy Bee + d’info ici : https://www.crazybee.re/
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OUTRE-MER
grandeur Nature + d’info ici : www.cirad.fr
LE CIRAD : RECHERCHE ET INNOVATION, 60 ANS DE PRÉSENCE EN OUTRE-MER Le Cirad œuvre depuis 60 ans en outre-mer. Ses actions de recherche et développement ont contribué à l’essor de filières agricoles et alimentaires plus durables. Elles accompagnent désormais la transition écologique des territoires et leur adaptation au changement climatique . LA RECHERCHE ET L’INNOVATION EN RÉPONSE AUX ENJEUX DES TERRITOIRES
DES RÉSULTATS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DES TERRITOIRES
Les filières agroalimentaires font face à des défis nouveaux et importants relatifs aux quantités produites, à la qualité des aliments, aux impacts de la production sur l’environnement et à la gestion durable des ressources. De nouvelles contraintes socioéconomiques, démographiques, environnementales, sanitaires et d’aménagement du territoire s’imposent aux systèmes de production végétale et animale.
Vers l’autonomie
La prévention et la gestion des organismes nuisibles et des maladies sont des enjeux majeurs pour l’agriculture et l’élevage des territoires insulaires. C’est un enjeu également pour la préservation de leur environnement. Les systèmes alimentaires et l’autonomie alimentaire pourraient en être très affectés. Un des leviers possible est la mobilisation de la biodiversité, pour la diversification des productions et la création de valeur avec de nouveaux produits. La biodiversité peut aussi réguler les nuisibles et permettre de réduire l’utilisation des pesticides.
et la sécurité alimentaire des territoires
Dans leurs nombreux travaux de recherche en faveur de la souveraineté alimentaire, le Cirad et ses partenaires œuvrent notamment à construire les itinéraires techniques culturaux de demain. Les productions fruitières sont en effet confrontées à de fortes pressions de bioagresseurs pouvant conduire à des pertes de récoltes importantes. À travers le projet Ecoverger à La Réunion, le Cirad et ses partenaires ont ainsi développé des techniques limitant l’abondance et les dommages des cécidomyies des fleurs (moucherons) sur les manguiers. + d’info ici : Ecoverger En Guadeloupe, afin de lutter contre la maladie de raies noires provoquée par le champignon Pseudocercospora fijiensis , ils ont mis au point une nouvelle variété de bananes « Pointe d’or » 100 % bio. + d’info ici : Article Cirad dans Outre-mer grandeur Nature n°2
La collection de bananiers de la station de Neufchâteau en Guadeloupe est l’une des plus riches du monde par la diversité qu’elle recouvre et grâce aux données qui accompagnent ses accessions. © Sophie Della Mussia | Cirad
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
À l’île de La Réunion, le pôle de protection des plantes (3P) est un pôle régional de recherche, de développement technologique et d’innovation sur des thématiques d’intérêt agricole et environnemental, partagées en local et à l’international. © Raphaël Solesse | Cirad
Protéger les écosystèmes et la biodiversité Le Cirad et ses partenaires luttent contre les espèces invasives et les ravageurs des agrosystèmes. Pour préserver les forêts semi-sèches de La Réunion, ils travaillent par exemple à identifier un agent de lutte biologique contre la liane papillon. Des méthodes de protection agroécologique sont également développées avec par exemple, la lutte contre le foreur de la canne utilisant la plante-piège Erianthus. Aux Antilles, des travaux visent à favoriser la biodiversité animale et végétale, et à optimiser les régulations naturelles. Le Cirad élabore de nouvelles pratiques culturales plus économes en intrants, tout en proposant son expertise en matière de surveillance de l’environnement.
Gérer durablement les territoires Le Cirad et ses partenaires ont œuvré, à travers le projet Gabir, à la gestion circulaire et durable des biomasses, pour améliorer l’autonomie des exploitations et du secteur agricole réunionnais. Une cartographie des acteurs et un inventaire des biomasses valorisables en agriculture ont été rédigés. En Guyane, la gestion des biomasses est aussi abordée. Le projet ValorExtr@ct a étudié par exemple les fonctionnalités des biomolécules issues de la forêt, en particulier des écorces, pour des applications dans le secteur cosmétique.
Déployer une approche globale de la santé Les réseaux de santé intégrée sont au cœur des problématiques des agendas mondiaux. En océan Indien, c’est le dP One Health océan Indien qui assure la recherche et la coopération scientifique dans ce domaine. Côté Caraïbes, les réseaux CaribVET, le Caribbean Plant Health Directors et l’initiative CaribGREEN sont mis en place. + d’info ici : Cirad dans OMGN n°8. Face aux maladies émergentes,
une initiative mondiale, PREZODE, a été lancée. Au total, le Cirad anime et coordonne des ateliers dans sept régions du monde, dont les Caraïbes et la zone océan Indien.
Former et transmettre les connaissances Les Réseaux d’innovation et de transfert agricole (RITA), pilotés par le Cirad et l’Acta, rassemblent l’ensemble des partenaires du monde agricole, du chercheur à l’agriculteur en passant par la formation, pour mieux diffuser et intégrer les résultats et innovations au sein du monde agricole.
DEPUIS L’OUTRE-MER, UNE RECHERCHE D’EXCELLENCE AU RAYONNEMENT SCIENTIFIQUE INTERNATIONAL Le Cirad participe au rayonnement régional et international de l’outre-mer. Dans la Caraïbe, ses réseaux portent sur la santé intégrée « One Health » et sur l’agroécologie. Dans l’océan Indien, le Cirad a structuré sa coopération régionale via une plateforme régionale en recherche agronomique pour le développement : la PRéRAD-OI. Pour accroître son rayonnement à l’international, le Cirad s’est doté d’infrastructures remarquables dans ses bases ultramarines. Notamment, une extension de 3200 m² a été inaugurée au Pôle de protection des plantes à La Réunion en novembre 2021. Cela renforce les sujets de recherche menés en partenariat, tels que : les dispositifs d’épidémiosurveillance vis-à-vis des bioagresseurs tropicaux majeurs ; la transition agroécologique et le biocontrôle avec la lutte biologique notamment ; la préservation et la valorisation de la biodiversité locale et en océan Indien... Et bien d’autres !
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OUTRE-MER
grandeur Nature
LA RESTAURATION DES « MAISONS DES INGÉNIEURS » : UN PROJET DE « LABORATOIRE DU VIVANT » Quatre grandes villas implantées au Port Ouest surplombent le bassin portuaire. Inhabitées depuis des années , elles sont inscrites au titre des monuments historiques . L’ aménagement de ces biens protégés , de leurs jardins et leurs abords végétalisés est un projet majeur pour le GPMDLR 1. Face au bassin principal du Port Ouest, les grandes villas dressent leurs façades en pierre au charme désuet le long de la rue Amiral Bosse, à proximité immédiate de la ville. Appelées aussi « Maisons des Ingénieurs », ces bâtisses d’architecture coloniale entourées de larges varangues et de dépendances présentent un intérêt historique certain, pour avoir été les logements de fonction des ingénieurs ayant construit, entre 1879 et 1886, le port de la Pointe des Galets, dénommé désormais « Port Ouest ». Les quatre villas inscrites au titre des « monuments historiques » sont tombées en désuétude depuis plusieurs années et font l’objet d’occupations irrégulières ayant causé d’importantes dégradations. Elles composent une unité foncière pour laquelle s’est porté acquéreur le Grand port maritime de La Réunion (GPMDLR) – ou Port Réunion – dont l’actuel siège social se situe à l’arrière. Le GPMDLR souhaite en effet réhabiliter ces villas historiques, de même que leurs jardins et les espaces de verdure attenants. La restauration et l’aménagement du secteur des grandes villas devra respecter un cahier des charges contraignant afin de restituer le site dans son état initial. Ceci imposera de lourds travaux de rénovation. Ce projet, au-delà de la perspective de restaurer le plus ancien patrimoine portuaire de la commune, offre au GPMDLR l’opportunité d’implanter son futur siège social
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Grand Port maritime de La Réunion.
sur le site et d’y créer un « Port Center », véritable trait d’union entre la ville et le port. Dans le cadre du renouvellement de son siège social, le GPMDLR a toujours manifesté sa volonté de rassembler ses différents services dans un lieu unique, contemporain et conforme à l’image de « Port Responsable » affichée dans sa stratégie de développement. Or ces terrains sont porteurs d’une forte histoire portuaire. La réalisation du futur siège contribuera à poursuivre cette histoire et maintiendra l’établissement au cœur de ce lieu patrimonial. De plus, l’ambition de Port Réunion est de créer une zone attractive accompagnant le projet de la ville du Port les « Portes de l’Océan ». Les grandes villas accueilleront ainsi deux restaurants, un Port Center et un front de mer ouverts au public. Le projet fera connaître l’histoire du port auprès des riverains et du public scolaire, sans oublier les visiteurs et, parmi eux, les croisiéristes. Le Port Center sera également un lieu d’éducation, d’interprétation et d’échanges culturels qui permettra à tous, via les médias des plus traditionnels (gravures et photographies) aux plus récents (casques de réalité virtuelle), de découvrir les multiples facettes du milieu portuaire et marin. Il contribuera à répondre à un besoin croissant d’ouverture citoyenne, et valorisera par ailleurs les retombées du port en termes d’économie et d’emploi à l’échelle du territoire réunionnais.
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
Le non-recours à l’artificialisation des sols guide le travail entrepris dans les jardins et espaces verts aux abords des Grandes Villas. Il s’agit, au rythme de la nature et à l’aide de ses ressources, d’enrichir les sols secs et sableux, pour ensuite replanter. La terre sera par exemple aérée par les racines des futurs arbres, dont certains seront endémiques. Ceux qui doivent être coupés seront recyclés en paillis pour retenir l’eau et la fraîcheur autour des plantations. Cette restauration végétale innovante de trois ans façonnera de beaux et colorés jardins créoles, inspirés de La Réunion lontan, des modèles de culture agroécologique mariant au sein d’un « fouillis organisé » une abondance d’espèces. « Ce lieu a une histoire. Nous avons l’opportunité d’en faire un laboratoire du vivant, avec du temps pour la restauration. C’est un endroit exceptionnel qui ne demande qu’à être réanimé. On va essayer d’emmener un maximum de gens dans ce projet d’avenir, qui a valeur d’exemple », souligne Laurence Brégent, ingénieure paysagiste à l’agence Zone UP Paysage de Saint-Denis.
Elliot Boglio et les agents polyvalents de l’équipe Espaces verts du GPMDLR. | Dans le cadre du projet de restauration des jardins des Maisons des Ingénieurs, une formation des équipes du Service Bord à Quai (SBAQ) du GPMDLR a été engagée pour leur permettre de se familiariser avec des techniques de gestion écologique. Cet apprentissage actif et participatif permet d’aborder les bases d’un entretien respectueux des espaces, en valorisant le recyclage et le milieu en place. S’appuyant ainsi sur le respect du sol, sur la préservation des ressources en eau, de la biodiversité et du patrimoine existant, cette démarche innovante vise à développer un projet d’écrin de nature évolutif dans une démarche expérimentale et pédagogique.
TÉMOIGNAGE LUC DANIEL, CONSULTANT EN AMÉNAGEMENTS PAYSAGERS (KLORYS) 1 « J’interviens notamment pour choisir des plantes adaptées. Par exemple, le Chloris gayana est une graminée fréquemment utilisée en semence. Elle forme des prairies d’engrais verts qui vont générer de la biomasse. Les champignons, bactéries et autre microfaune fournissant des éléments nutritifs réapparaissent ici, où plus rien ne poussait. Nous nous évertuons à créer des sols vivants à partir de techniques naturelles. Les solutions fondées sur la nature sont des méthodes plus douces, moins agressives. Cela prend du temps, le travail est beaucoup plus manuel, mais j’aime ce côté expérimental, un peu poétique. Ce chantier est minuteux et atypique. C’est un plaisir d’y participer ».
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Sous-traitant de la société EVE sur ce projet. l 2 Prestataire de EVE.
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TÉMOIGNAGE ELLIOT BOGLIO, FORMATEUR TERRAIN EN AGROÉCOLOGIE 2 « Notre travail consiste à préparer le terrain, à faire les prémices avant l’installation du jardin. Le sol reste en sommeil pendant l’hiver austral, qui dure en général de mai à octobre à La Réunion. La vie est là, mais pendant ces six mois, elle dort. Notre travail consiste à allonger la période de vitalité, de vigueur de la terre. Pour cela, nous cultivons la matière organique manquante dans les sols, de façon à les enrichir de ressources nutritives, à les rendre plus fertiles. Je suis amené à décider de l’emplacement des plantes et j’ajoute ma touche de semences adaptées aux conditions en bord de mer. Cela permet d’améliorer la structure du sol en vue des futures plantations ».
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OUTRE-MER
grandeur Nature Rédaction : Christian Beillevaire
MAYOTTE LA « MAISON DE SAZILEY » SE TRANSFORME POUR MIEUX ACCUEILLIR LE PUBLIC
L e Conservatoire du littoral engage la transformation de la « maison de Saziley » et de ses actuelles aires d’accueil, en un espace pouvant accueillir des groupes dans de bonnes conditions de confort et de sécurité, et dans le respect de la réglementation en vigueur. Au sud-est de la Grande-Terre, le site des « Pointes et Plages de Saziley et Charifou » est protégé depuis 1997 par le Conservatoire du littoral. Ce site est un haut lieu de reproduction de la tortue verte et les vestiges de forêts sèches qu’il abrite, peuplés notamment de majestueux baobabs, contribuent également à sa richesse naturelle d’importance internationale. En arrière-plage, la « maison de Saziley » a jadis été utilisée comme abri par les gardes littoraux du Département,
gestionnaire historique, dans le cadre de leur mission de surveillance et de protection du site. Ce bâtiment inutilisé depuis 2013 est aujourd’hui partiellement dégradé, en raison d’une absence d’entretien et de la vandalisation progressive des installations. Le Conservatoire du littoral souhaite désormais changer la vocation de la « maison de Saziley » afin de proposer un équipement adapté à l’accueil du public, inséré dans un cadre préservé. Aussi, concomitamment à la mise en place du Pacte de sauvegarde des tortues à Mayotte et afin de créer les conditions d’une fréquentation maximale mais raisonnée et encadrée des visiteurs, le Conservatoire a engagé une opération consistant à transformer la maison en un grand « faré à hamacs », et à entreprendre des aménagements à proximité. Cette reprise en main du bâtiment et des espaces alentour – aires de pique-nique et de bivouac, strate végétale, signalétique... – vise en effet à encourager les pratiques de randonnée et d’observation respectueuses des milieux naturels, tout en améliorant les conditions de réception des visiteurs. La nouvelle « maison de Saziley » sera ainsi de nature à optimiser la présence des personnes venant observer les pontes sur les plages, notamment dans le cadre des « bivouacs tortues ».
La transformation de la maison en grand « faré à hamacs ». Ce projet aidera à protéger les équilibres écologiques de la grande plage de Saziley, en permettant au public de profiter de ce site exceptionnel sans nuire à la tranquillité des espèces animales.
Photo ci-dessus : vue aérienne de Saziley, avec le mont Choungui au premier plan. © Frédéric Larrey | Conservatoire du littoral
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REBIOMA : UNE ÉTUDE PILOTE DES RÉCIFS DE MAYOTTE PAR PHOTOGRAMMÉTRIE Cette mission scientifique expérimentale a permis de modéliser en 3D six récifs coralliens de Mayotte. Menée localement par la société Créocéan Océan Indien, elle a pour but d’aider les gestionnaires à mieux connaître et préserver la biodiversité récifale de l ’ île au lagon . Membre du Cluster maritime de La Réunion, Créocéan Océan Indien voit dans la photogrammétrie un nouvel outil capable de venir compléter les études réalisées à Mayotte depuis près de 30 ans sur les récifs coralliens.
représentés dans l’étude les 3 types de récifs mahorais – barrière, interne et frangeant – de même que différents degrés de pressions humaines ou de niveau de protection.
Cette technique innovante consiste en effet à reconstituer numériquement en 3D les paysages coralliens à l’aide d’un grand nombre de photographies prises sous divers angles. Elle permet d’affiner sur de petites zones marines le diagnostic initial et le suivi dans le temps de l’état de santé des récifs. « Avec la photogrammétrie, on est extrêmement précis sur les couvertures coralliennes, sur les différences de peuplements de coraux, sur la capacité de refuge pour les poissons, etc. », détaille Clément Lelabousse, chargé de mission au Parc naturel marin de Mayotte.
Une première classification de la vitalité des communautés coralliennes a ainsi été établie. « On note un bon état de santé sur les sites de Passe en S, Rani et N’Gouja, avec des peuplements diversifiés et dynamiques. Les acropores tabulaires et branchus, indicateurs de bon état de santé et fournissant de nombreux abris, dominent largement », analyse Alexandre Sneessens, directeur de Créocéan OI. Une situation intermédiaire a été relevée à Longoni, qui héberge des peuplements dégradés mais dynamiques avec un fort taux de recrutement. Enfin, les sites de M’Bouzi et Iloni s’avèrent dégradés, avec peu de signes de résilience.
L’objectif du projet Rebioma 1 est donc d’acquérir des connaissances sur les récifs pour améliorer l’outil de gestion et de préservation du milieu marin. Les sites pilotes de la mission, au nombre de 6, ont été choisi avec le Parc naturel marin de Mayotte (PNMM) 2 afin que soient
Au-delà de leur utilité pour la gestion du milieu marin, les images obtenues dans le cadre de Rebioma pourront, dans un second temps, donner matière à des maquettes 3D, à des expériences immersives en réalité virtuelle... Et ainsi avoir un intérêt pédagogique et de sensibilisation.
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Cette étude portée par l’UICN s’inscrit dans LIFE4BEST, avec le soutien financier du programme LIFE de l’UE, de l’OFB et de l’AFD. Le PNMM a fourni au projet Rebioma un appui logistique, à travers ses moyens nautiques, ses pilotes, ses matelots et ses plongeurs.
Implantée à La Réunion, Créocéan Océan Indien est une société de conseil et d’ingénierie en environnement marin, aménagement du littoral et océanographie. Elle intervient dans les îles et pays de l’océan Indien, en bénéficiant de l’expertise et des compétences de Créocéan (70 salariés) du groupe Keran (550 salariés) qui réalise, depuis plus de 70 ans, tous types d’études ou de missions liées au milieu marin et au littoral : aménagements portuaires et côtiers, caractérisation des fonds marins et études environnementales.
+ d’info ici : Le projet en vidéo https://creocean.fr/fr
Ci-contre : la photogrammétrie à Mayotte. © Créocéan OI
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LA PROTECTION DES TORTUES MARINES ET LA LUTTE CONTRE LE BRACONNAGE À Mayotte, si les tortues de mer sont protégées, les actes de braconnage persistent. Rencontre avec O ulanga N a N yamba , association mahoraise de défense des tortues . S outenue par le Département de Mayotte, elle œuvre avec lui à la protection de ces reptiles emblématiques. Organisation non gouvernementale fondée en 1998 à Mayotte, Oulanga Na Nyamba a pour mission principale la préservation de l’environnement (« Oulanga ») et des tortues marines (« Nyamba ») de l’île au lagon, comme l’indique son nom en shimaoré. L’association réunit aujourd’hui entre 200 et 300 adhérents par an et poursuit courageusement ses 3 objectifs : mieux connaître et protéger les tortues marines et leur environnement ; sensibiliser les jeunes et les adultes à la protection de ces espèces ; lutter de façon active contre l’exploitation illégale des tortues de mer sur le territoire.
Oulanga Na Nyamba bénéficie sur de nombreux projets d’un soutien financier et technique du Département de Mayotte, lui-même acteur de la protection des tortues à travers ses 12 agents assurant la surveillance nocturne et le suivi sur les plages. Les autres acteurs locaux de la cause des tortues sont notamment la brigade nature de l’Office français de la biodiversité, Les Naturalistes, le REMMAT 1 et bien sûr les forces de l’ordre, maillon essentiel à la lutte contre le braconnage. L’ensemble de ce réseau s’est renforcé pour faire face aux délits dont sont victimes les tortues vertes et plus rarement imbriquées, respectivement classées en danger et en danger critique d’extinction par l’UICN.
© Photos : Oulanga Na Nyamba
+ d’info ici : https://oulangananyamba.com/
L’opération de nettoyage du 20 février organisée sur la plage de ponte du Petit Moya en Petite-Terre. En effet, préserver l’environnement des tortues fait également partie intégrante de leur protection.| 1 Réseau échouage mahorais des mammifères marins et tortues marines.
27 © Photo ci-conre : David Lemor - 97px
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
En 2021, Oulanga Na Nyamba a permis de sensibiliser environ 400 personnes au cours d’une cinquantaine de sorties d’observation des pontes à Moya.Sur la même période, 227 interventions ont eu lieu dans le milieu scolaire, périscolaire et lors d’événements.
TÉMOIGNAGES JEANNE WAGNER, DIRECTRICE DE L’ASSOCIATION OULANGA NA NYAMBA
« Aujourd’hui, Oulanga Na Nyamba a une équipe de 10 salariés et 8 volontaires en service civique (VSC). Avant, l’association était basée uniquement sur le bénévolat, qui est une ressource très importante pour nous, mais variable dans le temps, ce qui est normal. Avoir une équipe fixe en interne nous permet de mener des projets de grande ampleur, d’être plus concrets et efficaces. Pour comprendre la place du braconnage à Mayotte, on a mené des enquêtes dans le cadre d’un projet cofinancé par le Département. Les premiers résultats, qui mériteraient d’être approfondis, montrent que la population mahoraise ne pense pas partout que les tortues venues pondre sur les plages sont parfois capturées pour être mangées. Cette perception varie beaucoup d’un village à un autre. Il ressort par ailleurs que les tortues ne sont pas consommées lors des repas familiaux, mais à l’occasion de barbecues qui ont lieu hors de la maison, entre amis de sexe masculin. La tortue n’est pas non plus un repas de fête traditionnelle. En réalité, elle est surtout tuée pour être vendue, et il y a là une vraie problématique. En effet, sa chair peut être monnayée, suivant la demande, entre 10 et plus de 100 euros le kg, sachant qu’un animal compte en moyenne 60 kg de viande... Notre action s’avère essentielle pour limiter ce braconnage, d’autant plus qu’il s’est durci ces dernières années – les braconniers sont souvent armés et agressifs – en même temps que la délinquance et les autres pratiques illégales ».
ALI MOUNIR, COORDINATEUR DE LA LUTTE CONTRE LE BRACONNAGE
« À Oulanga Na Nyamba, je coordonne le projet “ Protection des plages de ponte des tortues marines ”. Notre équipe de terrain, composée de 11 personnes et de bénévoles tous formés par l’association, assure une présence sur les principales plages de ponte, à raison d’environ 350 rondes diurnes et nocturnes par an. Nous ne donnerons pas plus d’informations bien sûr, pour des raisons de confidentialité. Depuis avril 2021, nous avons signalé 9 comportements suspects auprès de la gendarmerie maritime et de la gendarmerie départementale, qui ont conduit à la condamnation de 5 braconniers. Le nombre d’actes de braconnage recensé par notre association est en constante diminution depuis 2019, ce qui montre que nos actions portent leurs fruits. Mais ces agissements illégaux restent nombreux et il nous faut continuer ce combat de longue haleine. Nous sommes en fait les yeux des gendarmes, qui ne possèdent ni le temps ni les moyens de réaliser nos nombreuses heures de surveillance. C’est capital pour nous de travailler avec les forces de l’ordre, car ce sont elles qui peuvent au final intervenir et réprimer le braconnage. Et puis, la population doit comprendre que les tortues sont une richesse de Mayotte, qui attire chaque année de nombreux touristes. On doit absolument faire comprendre que l’environnement peut rapporter si on ne le détruit pas ».
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INTERCO’ OUTRE-MER LANCE UNE PLATE-FORME D’EXPRESSION INTERCOMMUNALE SUR LE FONCIER Dans les départements ultramarins, la pression foncière s’accentue et le besoin de visibilité à long terme s’affirme. Interco’ Outre-mer appelle ainsi ses adhérents, et toutes les intercommunalités d’outre-mer, à participer dans ce domaine à l’élaboration d’une plate-forme d’observations et de propositions. À la sortie de la loi Climat, le foncier est au premier plan des préoccupations politiques nationales comme locales. Elle renvoie pêle-mêle à l’objectif de « zéro artificialisation nette », aux exigences de sobriété foncière dans les documents d’urbanisme, au recyclage des friches, à la mobilisation des fonciers complexes (faible accessibilité, pollution...), à la renaturation d’espaces imperméabilisés, à la densification urbaine y compris des tissus pavillonnaires, à la préservation des espaces agricoles et naturels, aux risques naturels, aux enjeux de submersion marine et d’érosion côtière, à la production agricole périurbaine, au devenir des zones commerciales périphériques… Ces enjeux résonnent tout particulièrement dans les territoires d’outre-mer, au regard des nombreuses spécificités locales qui affectent les capacités d’interventions foncières des collectivités. En effet, ces territoires sont aujourd’hui confrontés à de véritables défis sociaux et démographiques. Associés aux impératifs environnementaux – alimentation en eau, biodiversité, sauvegarde des espaces agricoles… – ainsi qu’à des contraintes physiques singulières, les injonctions à agir sont nombreuses, mais parfois contradictoires…
Dans ce contexte, Interco’ Outre-mer a décidé d’engager un plan de mobilisation afin d’aboutir, fin 2022, à la rédaction d’une « plate-forme d’observations et de propositions des intercommunalités d’outre-mer sur la problématique foncière », qui sera le fruit d’un travail concerté des intercommunalités dans chacun des 5 territoires : Guyane, Mayotte, La Réunion, Martinique et Guadeloupe. L’idée n’est pas de faire une étude sur le foncier en outremer, mais de permettre aux élus de s’approprier la question foncière et d’exprimer leurs regards et propositions sur cet enjeu majeur. Il s’agira ainsi de : 1. Faire connaître et reconnaître la particularité des sujets fonciers des territoires d’outre-mer ; 2. Exposer l’attente politique des élus d’outre-mer quant à la gouvernance du foncier ; 3. Proposer des pistes concrètes 1 au « spectre large » ; 4. Rappeler la diversité des situations entre territoires.
Contact : Caroline Cunisse | contact@interco-outremer.fr
Les propositions pourraient porter sur : la gouvernance de l’aménagement, la répartition des compétences, l’ingénierie, les besoins de formation, le titre de propriété, la fiscalité foncière, le cadastre, les contrôles, le besoin de construire des stratégies foncières de long terme... 1
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INTERVIEW SAÏD OMAR OILI, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE PETITE-TERRE À MAYOTTE ET MAIRE DE DZAOUDZI-LABATTOIR 1 •
Quelle est l’importance de la question du foncier dans votre intercommunalité et pourquoi ?
- C’est simple, le foncier est l’enjeu principal dans la communauté de communes de Petite-Terre et, plus largement, pour Mayotte demain. Notre département s’étend sur seulement 374 km2. Il héberge la plus grosse maternité de France et se distingue au niveau national par une densité incroyable de population. Quand nous prenons en compte aujourd’hui les équipements publics indispensables qu’il faudra réaliser pour la population d’ici 10 à 20 ans – écoles, aménagements pour l’eau, les déchets... – les études montrent qu’ils vont occuper plus de 50 % à 60 % de la superficie de Mayotte. C’est phénoménal. Le Code de l’aménagement du territoire est repoussé ici par la réalité du terrain. Du fait de l’étroitesse de notre foncier, nous sommes condamnés à trouver, je dirais même à inventer, des moyens pour éviter de ne plus avoir de place pour les futurs espaces publics. Depuis 1977, il n’y a jamais eu à Mayotte de politique de réserve foncière. Le problème que nous avons, c’est que les terrains sont « présumés » appartenir à l’État ou à la Collectivité. Ils sont pour la plupart occupés depuis des générations par des personnes sans titres de propriété, ce qui fait obstacle à toute expropriation. Et bien sûr, si on fait partir les personnes qui ont un titre de séjour, nous devons faire en sorte de les reloger.
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Fort de ce constat, quelles propositions pourriez-vous formuler sur la plateforme d’Interco’ Outre-mer ?
- Je dirais tout d’abord que chaque territoire est différent et que son foncier doit être pensé et géré de manière adaptée. La géographie est têtue, elle est toujours là !
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Ensuite, nous sommes éligibles au Contrat de convergence et au Plan de Relance. Or nous n’avons pas assez de foncier pour réaliser ces équipements. Il n’y a presque plus de terrains, même sur la Grande-Terre. Nous avons appliqué le droit de préemption un peu partout dès que quelqu’un veut vendre, mais nous n’avons pas de trésorerie pour acheter ces terrains. En effet, le peu de foncier disponible est très cher, avec un minimum de 200 euros par m2. C’est un combat de tous les jours. C’est pourquoi je préconise que l’État crée un fonds spécial, pour ajouter aux coûts des projets d’équipements de quoi nous permettre d’acquérir les quelques terrains encore mobilisables. N’est-il pas déjà trop tard pour un aménagement harmonieux du territoire ? Dans ma commune, j’ai été obligé de construire des logements jusqu’à 20 mètres de hauteur, du jamais vu ! D’une part, cela ne correspond pas à notre mode de vie à Mayotte. Et d’autre part, je constate que dans ces logements, on finit par habiter les uns sur les autres et que cette cohabitation est source de conflits au quotidien. Mais aujourd’hui, par manque de place, nous devons densifier au maximum et reloger les gens dans des immeubles. Le pire c’est que nous sommes conscients que toutes ces tours que nous allons ériger, deviendrons des quartiers difficiles... La réalité, c’est que le foncier à Mayotte est lié à la question démographique, qui elle-même est nourrie par l’immigration. Mayotte représente la porte d’entrée en Europe de toute la sous-région : Comores, Madagascar, Afrique des Grands Lacs... Par exemple, en Petite-Terre, nous sommes environ 30 000 habitants recensés, mais près de 40 000 en comptant les personnes non régularisées. Avec les Comores, nous formons une même culture, une même histoire. Quand vous lisez l’histoire de l’humanité, pourquoi les peuples se déplacent-ils depuis la nuit des temps ? Ils le font pour le confort et la sécurité. Et cela ne va pas s’arrêter aujourd’hui. Le développement de nos îles sœurs est une priorité. Je plaide depuis longtemps pour cela.
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Qu’en est-il de la sauvegarde des espaces naturels ?
- C’est très compliqué, car il y a un conflit d’usage. Doiton privilégier les captages d’eau, les écoles, les lieux de commerce, de services, de loisirs, ou les espaces verts ? Malheureusement, l’homme est en train de détruire l’environnement. Il a déjà son empreinte partout. La population est telle que la préservation de la nature est reléguée en arrière-plan. Ici, on voit des plantations de bananes... dans la mangrove ! Pourquoi ? Parce que là où on cultivait avant, on a fait des constructions. Il ne faut pas oublier que 87 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Essayez de parler d’écologie à cette population, elle ne vous entendra pas. Elle vous répondra qu’elle a besoin de couper du bois pour la cuisson, etc. Elle ne comprendra pas pourquoi on lui interdit ce qui était possible avant, ou ce qui lui permet aujourd’hui de survivre.
Saïd Omar Oili a présidé le Conseil général de Mayotte de 2004 à 2008. En plus de son mandat de maire, il est professeur au lycée.
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TAAF
grandeur Nature
Rédaction : Stéphanie Castre
LES 250 ANS DE LA DÉCOUVERTE DES ÎLES KERGUELEN ET CROZET À TRAVERS LA PHILATÉLIE Toute
cette année, les
TAAF
commémorent le
Marraine de l’anniversaire, la navigatrice Isabelle Autissier, qui préside aujourd’hui le conseil consultatif des TAAF, et a été la présidente de WWF France de 2009 à janvier 2021, déclare à propos des explorateurs français Marion du Fresne et Kerguelen : «Tous deux eurent des parcours et des destins bien différents, l’un tombant mortellement sous les coups des Maoris, alors que l’autre était reçu comme un nouveau Christophe Colomb à la Cour, avant son inéluctable et lente déchéance. Marion du Fresne et Kerguelen partagent néanmoins un incontestable mérite : celui d’avoir fait une découverte il y a 250 ans, celui d’avoir donné, aujourd’hui, des terres australes à la France et la responsabilité de joyaux de biodiversité ».
Kerguelen et Crozet. Isolés dans le sud de l’océan Indien, les deux archipels subantarctiques sont deux joyaux de la R éserve naturelle nationale des Terres australes françaises . D eux blocs timbres ont été édités pour célébrer l’événement. Une occasion de nous plonger dans les créations philatéliques de l’administration des TAAF, qui a la spécificité d’émettre ses propres timbres.
Les Terres et mers australes françaises sont en effet des sanctuaires de la biodiversite mondiale, classés depuis 2019 au patrimoine mondial de l’Unesco. 2022 est donc une année historique pour la collectivité ultramarine qui siège à Saint-Pierre à La Réunion. C’est pourquoi un programme anniversaire a été concocté par l’administration et ses partenaires : événements culturels, actions de communication et de médiation. Dans ce cadre, 2 blocs timbres ont été dessinés par Line Filhon et André Lavergne, sachant que la philatélie des TAAF, qui possèdent leur gérance postale, est très prisée des collectionneurs du monde entier.
DÉCOUVERTE DES ÎLES KERGUELEN
DÉCOUVERTE DE CROZET
C’est de Lorient qu’Yves Joseph Kerguelen de Trémarec (1734-1797) reçoit en mai 1771 l’instruction de Louis XV de découvrir, à partir de l’île de France (île Maurice, qu’il quitte seulement en janvier 1772 avec la Fortune et le Gros-Ventre) « un très grand continent dans le sud des îles de Saint-Paul et d’Amsterdam ». Il revient triomphant à Brest en juillet 1772, annonçant la découverte le 12 février 1772 du continent austral qu’il baptise « France Australe ». Mais il s’agit en fait d’îles australes formant l’archipel des Kerguelen, qui sera ainsi nommé en 1776 par l’explorateur anglais James Cook (1728-1779).
Fin 1771, le capitaine Marc Joseph Marion du Fresne (1724-1772), lui aussi à la recherche de la Terra australis, fait voile vers le sud depuis le cap de Bonne-Espérance, avec le Mascarin et le Marquis de Castries. Mais c’est un archipel glacé qu’il découvre le 24 janvier 1772, là encore des îles australes, que Cook baptisera du nom de « Crozet » en souvenir du second de Marion du Fresne, Julien Crozet, qui y débarqua.
double anniversaire de la découverte des îles
+ d’info ici : Dossier de presse de l’anniversaire
Ces 2 textes sont extraits du site web des TAAF. © Blocs timbres commémorant les 250 ans de la découverte des archipels, conçus par : Line Filhon pour Kerguelen et André Lavergne pour Crozet.
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LES AUTRES TIMBRES DE LA COLLECTION 2022 DES TERRES AUSTRALES ET ANTARCTIQUES FRANÇAISES (TAAF)
+ d’info ici (nom des artistes et renseignements) : https://taaf.fr/ actualite/a-decouvrir-la-collection-2022-destimbres-taaf/
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EMBARQUEMENT POUR LE SPECTACLE VIVANT MUSICAL « RACONTE-MOI LA MER » ! C’est l’histoire de la création d’un spectacle... sur la mer. Une auteure et deux musiciens partagent 11 chansons originales et quelques reprises, entrecoupées de témoignages d’experts et de passionnés du monde maritime. À travers une diversité de sujets, ce spectacle distille, de manière ludique et avec humour, une furieuse envie d’aimer et de respecter la mer. Vous êtes attiré(e) par la mer, la plongée, la musique ? Vous voudriez en savoir plus sur la biodiversité marine, la pêche, les lointaines îles subantarctiques, les îles Éparses, les naufrages à La Réunion – 364 au total depuis l’histoire de son peuplement – ou les récifs coralliens ? Ce spectacle soutenu par la Fondation des mers australes et plusieurs autres partenaires est fait pour vous ! « Raconte-moi la mer », c’est l’histoire de 3 amis. Tout d’abord Cendrine Molina, auteure polygraphe et plongeuse archéologique à La Confrérie des Gens de la Mer, coordonne le projet en rêvant secrètement, à l’approche de la retraite, de s’embarquer sur un navire, dans les TAAF ou ailleurs, pour y écrire à plusieurs mains, avec un équipage... sur la mer. Et autour d’elle, deux compagnons compositeurs, arrangeurs et professeurs de musique : Gérard Chotard, guitariste, et Mario Raza, pianiste. Ensemble, ils ont eu l’idée de créer un spectacle… sur la mer.
Pendant 1 heures et 20 minutes, ce trio d’artistes vous emmène naviguer dans un flot de chansons françaises – Trenet, Renaud, Bashung, Brel, Arno, Aufray, Sardou, Morena – et de créations originales, dont « Raconte-moi la mer » repris en chœur par les spectateurs, agrémenté d’images marines et de témoignages en capsules vidéo recueillis auprès de 5 spécialistes réunionnais de la mer : Patrick Durville, biologiste marin ; Laurent Hoarau, historien ; Karine Pothin, directrice de la Réserve marine de La Réunion, Pascale Chabanet, directrice de recherche à l’IRD ; Victor Com, marin-pêcheur sur le langoustier l’Austral. Cendrine Molina nous livre son regard : « Ce spectacle, que nous avons voulu interactif, rappelle par exemple qu’avant 1945 et la mise en service de l’aéronautique civile, toute famille arrivée à La Réunion, rejoignait l’île par la mer. Nous avons une histoire liée à l’océan. Monter sur scène est pour nous la meilleure façon de transmettre notre amour de la mer, tout en proposant au moins trois niveaux de lecture : le divertissement du public, la valorisation du patrimoine maritime réunionnais et des TAAF, et la sensibilisation à l’environnement. Au-delà des dates déjà programmées, dont la prochaine est le 24 mars sur le bateau Le Maloya, nous recherchons de nouvelles salles et avons aussi à cœur de chanter et jouer pour le public scolaire ». + d’info ici : Page Facebook du spectacle Extrait en 1 min 30 s
© Laurent Bouvier
De gauche à droite : Cendrine Molina, Gérard Chotard et Mario Raza, en pleine représentation du spectacle « Raconte-moi la mer ».
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le zodiac et, pendant les vacances, nous naviguions d’îles en îles, jusqu’aux côtes du Vénézuela. J’ai baigné dedans tout petit ! J’aime le bleu de la mer et ses couleurs changeantes. J’aime le vent, quand le temps se déchaîne. Je suis marin sur l’Austral depuis 2016. J’avais alors 18 ans et j’étais le plus jeune à bord. D’autres jeunes sont arrivés depuis.
TÉMOIGNAGE VICTOR COM MARIN SUR LE NAVIRE L’AUSTRAL - « Je me suis porté volontaire auprès de mon capitaine pour participer au spectacle “ Raconte-moi la mer ”, en apportant mon témoignage sur mon rapport à la mer dans une séquence vidéo. Cette idée me plaît de donner aux autres le goût de la mer. Pour moi, elle est une passion. De 5 à 10 ans, j’ai grandi sur un bateau. Avec mes parents et mon frère, nous vivions à bord de notre voilier aux Antilles, à Saint-Barthélemy. J’allais à pied à l’école depuis
Photo ci-dessus : le chalutier caseyeur congélateur Austral de l’armement réunionnais Sapmer. | Ci-dessus à droite : Victor Com filmé dans le cadre du projet « Raconte-moi la mer ». | À droite : Victor nous raconte la mer dans ce poème qu’il a écrit.
Une campagne de pêche à la langouste au large des îles Saint-Paul et Amsterdam dure entre 2 mois et 2 mois et demi. Le matin, à 3h00, nous sommes réveillés par le lieutenant qui a fait le quart pendant la nuit. Une à une, il ouvre les portes de nos cabines, allume les lumières et nous réveille successivement en lançant “ Au jus ! ”. À 3h30, on déborde les canots et on commence à pêcher la langouste. On remonte à midi. Après la pause, on travaille la langouste, on l’emballe, l’étiquette, la pèse. Notre quotidien est atypique c’est vrai. Il faut être fort physiquement et surtout mentalement dans ce métier ! L’esprit d’équipe est important, essentiel même. On ne descend jamais à terre durant la campagne, sauf si on doit aller consulter le médecin à Martin-de-Viviès, la base d’Amsterdam. Je trouve que “ Raconte-moi la mer ” est une belle initiative pour intéresser le public au grand large. À La Réunion, beaucoup de gens ont peur de l’océan. C’est dommage d’en avoir peur quand on ne le connaît pas. Pour ma part, j’ai cultivé le goût de la mer en y vivant, mais une œuvre artistique peut, je pense, donner envie de la regarder, de plonger son regard dans l’horizon ne serait-ce qu’un quart d’heure, en prenant le temps de réfléchir et d’admirer ce qui nous entoure. Cela fait du bien ! Pour moi la nature est l’élément le plus fort sur Terre. En l’observant, je me dis souvent qu’elle est admirablement bien faite. Ce qui me motive, c’est le spectacle sans cesse renouvelé de la nature, le lever du soleil, l’île sous la brume, le passage des orques, des albatros d’Amsterdam... Je repars demain... »
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grandeur Nature © Charte graphique PAD
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NOUVELLECALÉDONIE DANS LE CADRE DU « PLAN D’ACTION DUGONG », UN PROJET EST LANCÉ DANS LES TRIBUS POUR PROTÉGER LA « VACHE MARINE » Ceux
qui connaissent le dugong savent qu ’ il ne s ’ agit ni d ’ un phoque ni d ’ un dauphin , et encore
moins d’une baleine…
Cet étrange animal à l’allure sympathique est aujourd’hui menacé à l’échelle mondiale . E n N ouvelle -C alédonie , de nouveaux moyens sont déployés pour mieux connaître et protéger cette espèce emblématique du « C aillou ». Représentant de l’ordre des siréniens avec son cousin le lamentin, le dugong est un mammifère marin herbivore. Il est surnommé « vache marine » en raison de son appétence pour les herbiers marins. La Nouvelle-Calédonie compterait entre 500 et 700 individus : bien que cette population soit relativement faible, elle est considérée aujourd’hui comme l’une des plus importantes dans le monde après celles de l’Australie et du golfe Arabique. Dans l’outre-mer français, le dugong est également présent à Mayotte, où il subsisterait à ce jour moins d’une dizaine d’individus.
POURQUOI LE DUGONG EST-IL MENACÉ ? Vulnérable selon l’UICN, le dugong est en régression dans son aire de répartition, qui s’étend de l’Afrique orientale jusqu’au Vanuatu. Il est menacé par les activités humaines et, bien que protégé dans de nombreux pays comme en France, les pêches accidentelles, les collisions avec des engins nautiques ou encore le braconnage exercent une forte pression sur cet animal exclusivement côtier. L’état de santé de son habitat est également préoccupant : les herbiers marins ne représentent que 0,15 % des fonds marins et ont perdu 10 % de superficie par décennie entre 1970 et 2000. Le dugong, lui, broute jusqu’à 40 kg de plantes par jour pour vivre ! Enfin, malgré une espérance de vie de 50 à 70 ans, l’espèce se renouvelle lentement du fait d’un faible taux de reproduction : une femelle ne donnera naissance qu’à partir de l’âge de 10 ans, à raison d’un petit tous les cinq ans, au mieux. En NouvelleCalédonie, les données disponibles suggèrent que la population de dugongs décline et on estime que pour la
préserver, aucun dugong ne devrait désormais disparaître de mort non naturelle : chaque dugong compte !
DES ACTIONS EN FAVEUR DU DUGONG EN NOUVELLE-CALÉDONIE L’enjeu de conservation de l’espèce est encadré depuis 2010 par le « plan d’action dugong », qui se déploie par phases de 6 ans. Coordonné par le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de Nouvelle-Calédonie, ce travail regroupe services de l’État, collectivités, établissements publics, scientifiques et associations afin de lutter contre les menaces anthropiques, renforcer les connaissances et mobiliser les habitants pour soutenir sa préservation. La deuxième phase du plan d’action, initiée en 2016, est ainsi arrivée à terme en 2021 et cette année a lieu l’élaboration de la phase 3. « Depuis 2016, nous poursuivons les actions de suivis scientifiques avec nos partenaires et avons par ailleurs mis l’accent sur le volet communication avec plusieurs campagnes d’affichages et télévisées », nous indique Anaïs Morlon, assistante de coordination du pôle Patrimoine marin au CEN. De plus, le CEN va initier cette année, en partenariat avec l’IRD et l’Agence de développement de la culture kanak - Centre culturel Tjibaou (ADCK), un tout nouveau projet à dimension anthropologique, dont Anaïs Morlon décrit ici la démarche : « Nous allons enquêter sur les savoirs culturels et traditionnels autour du dugong. Les collecteurs de ces données feront également mieux connaître le dugong ainsi que sa situation critique auprès des habitants. L’objectif est de remettre le sujet “ dugong ” au cœur des tribus ».
Photo ci-dessus : « Espèce emblématique de la Nouvelle-Calédonie, le dugong a contribué à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco des “ Lagons de Nouvelle-Calédonie : diversité récifale et écosystèmes associés ” » rappelle le CEN.
Rédaction : Romy Loublier Rédaction : Romy Loublier
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© Magali Boussion | IRD
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Le dugong revêt en effet une importance culturelle au sein des communautés locales qui le chassaient autrefois en vue des cérémonies coutumières. Malheureusement, malgré les efforts réglementaires et une prise de conscience des communautés traditionnelles qui ont su faire évoluer leurs pratiques, le braconnage persiste. En 2021, 6 échouages ont été recensés sur le « Caillou » dont un animal présentant des traces évidentes de chasse par l’homme.
« Le pronostic est pessimiste : les dugongs sont menacés de disparaître définitivement des eaux de la Nouvelle-Calédonie d’ici deux générations », alertait déjà en 2018 sur son site officiel la Province Sud de Nouvelle-Calédonie.
© Charte graphique PAD
Un dugong observé près de l’îlot Signal en Nouvelle-Calédonie. © Magali Boussion, plongeuse scientifique à l’IRD. | En partenariat avec l’association Opération Cétacés, l’IRD lance le projet « Science en herbe », pour sensibiliser à la protection du dugong et de ses habitats. Depuis janvier et jusqu’à la mi-avril, les Calédoniens sont invités à photographier les herbiers du lagon près de Nouméa, en les géolocalisant, de façon à aider les scientifiques à préserver cet environnement marin. + d’info ici : Science en herbe
Le dugong est protégé par les Codes de l’environnement des provinces Nord et Sud : il est interdit de capturer, de tuer et de consommer un dugong. Lutter contre le braconnage est une priorité. Ainsi, un effort est demandé à tous les usagers du lagon et chaque infraction doit être signalée. Pour cela, le « 16 », numéro d’urgence du centre de coordination des secours en mer, peut être utilisé pour signaler tout dugong mort ou en détresse. Limiter la dégradation des herbiers est par ailleurs une nécessité pour protéger le dugong. Cela passe par des suivis scientifiques adaptés au contexte local.
© Pierre Larue
RESPECTONS LA NATURE, RESPECTONS LA RÉGLEMENTATION
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POLYNÉSIE FRANÇAISE À MOOREA, L’ÉCOMUSÉE TE FARE NATURA OUVRE SES PORTES SUR LES MILIEUX NATURELS POLYNÉSIENS À l’entrée
‘Opunohu, l’écomusée Te Fare Natura célèbre la connaissance de la nature terrestre et marine de la Polynésie. Culture, science et art : les approches sont résolument plurielles, pour que chaque visiteur puisse approcher les savoirs environnementaux selon sa propre sensibilité. de la baie de
Inauguré en juillet dernier en présence du président de la République, le Fare Natura 1 est un écomusée innovant, qui se situe au carrefour des enjeux de protection de la biodiversité polynésienne et du dialogue science-culture. « Nous souhaitons élargir l’accès au savoir et nous appliquons pour cela à diversifier les approches. Pour acquérir des connaissances, le public peut emprunter le chemin de la science, celui de l’immersion artistique ou encore de la culture. Plus on multiplie les approches, plus le nombre de visiteurs touchés sera grand », nous explique Here’iti Vairaaroa, responsable de la communication artistique et technique du Fare Natura. L’écomusée permet d’appréhender des concepts scientifiques tels que le fonctionnement des écosystèmes marins
grâce à des aquariums où ont été reproduites différentes conditions naturelles. Le visiteur est également invité à aller plus loin dans sa démarche de découverte en faisant appel à ses sens et ses émotions. C’est l’objectif recherché par les outils numériques qui foisonnent dans le musée : salles d’immersion ou encore casques de réalité augmentée embarquant l’observateur dans des paysages à 360 °... En parallèle, le Fare Natura attache un soin particulier à la transmission de la culture polynésienne. Les légendes naturalistes de Moorea témoignent par exemple du lien étroit et ancestral qui existe entre nature et culture au sein de l’archipel. Dans le jardin de l’écomusée, chaque plante met par ailleurs en perspective l’histoire culturelle de la Polynésie française, notamment sur le plan culinaire.
Photo ci-dessus : l’architecture du Fare Natura se fond dans l’environnement. | 1 Le projet de l’écomusée a été porté par l’École pratique des hautes études (EPHE), à partir d’une idée des chercheurs du Criobe, laboratoire français qui étudie les écosystèmes coralliens.
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L’écomusée est également un outil d’insertion pour les jeunes Polynésiens, qui ont difficilement accès aux études du fait de l’éloignement géographique de l’archipel : « L’écomusée les forme sur des emplois concrets, dans les domaines du tourisme et de la biodiversité. Cela encourage les embauches locales. Les projets qu’ils initient sont également repris par les entreprises locales. Le Fare Natura, c’est un établissement public au service du développement du secteur privé pour le développement économique dans la vallée de ‘Opunohu », ajoute Here’iti. Photos de l’article : © Te Fare Natura
Depuis son ouverture, et malgré les contraintes liées au contexte sanitaire, Te Fare Natura a déjà accueilli plus de 15 000 visiteurs et environ 2 500 élèves. Dans une logique de partage de la connaissance sur les milieux naturels locaux, l’accès à l’écomusée est facilité par une politique tarifaire adaptée à la diversité de ses visiteurs.
Rédaction : Romy Loublier + d’info ici : https://www.farenatura.org/ Ci-dessous : l’équipe dynamique du Fare Natura à Moorea.
LES PROCHAINS ÉVÉNEMENTS Le Fare Natura célèbrera le 15 avril la 3ème édition polynésienne de la Journée mondiale de l’art, durant laquelle une centaine d’œuvres est attendue. Du 2 au 30 avril, l’exposition ECOH sera visible au musée, et complétée le 2 et le 15 avril par des événements appelant les associations environnementales et culturelles. Le déploiement de l’exposition vers la Galerie Winkler est prévu du 7 au 18 avril, puis vers la Maison de la Culture du 18 au 23.
Comprendre, préserver et transmettre sont les trois mots d’ordre de l’écomusée Te Fare Natura. Issues des champs de la biologie, de la géologie, de l’anthropologie et de l’écologie, les connaissances scientifiques et culturelles sur la nature polynésienne y sont mises à disposition du public.
PUBLI-COMMUNIQUÉ
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L’AFD ACCOMPAGNE L’ARTISTE VOYAGEUR TITOUAN LAMAZOU DANS SES « ESCALES EN POLYNÉSIE » L’A gence française de développement illustre son engagement en faveur de la préservation de l’environnement et de l’accès à la culture en soutenant les « Escales en Polynésie » de Titouan Lamazou. Ce projet est basé sur l’exposition éponyme du musée de Tahiti et des Îles, et sur de nombreuses actions à destination du public scolaire des 5 archipels. L’origine des « Escales en Polynésie » remonte à 2018, alors que l’artiste peintre Titouan Lamazou expose au musée du Quai Branly son travail « Le Bateau-atelier » qui invite à une croisière imaginaire à destination des îles Marquises, avec une escale caribéenne et un détour par Tahiti. Le musée de Tahiti et des Îles propose alors à l’artiste de poursuivre cette exposition et de l’étendre à l’ensemble de la Polynésie française. Un voyage de plusieurs années débute ainsi, au cours desquelles Titouan Lamazou s’est rendu dans les différentes îles des 5 archipels de la Polynésie française à la rencontre des habitants et de leur environnement, « aux biotopes d’une richesse infinie ». Cette mise en avant du milieu naturel et des écosystèmes fragiles et menacés de Polynésie française fait écho aux actions de l’Agence française de développement, présente depuis plus de 70 ans sur le territoire. Au-delà de ses interventions en faveur de l’amélioration des conditions de vie des populations, ou de la réduction des inégalités, l’AFD appuie en effet les initiatives régionales contribuant à l’adaptation au changement climatique et à la préservation de l’environnement.
Ci-dessus : visite de l’exposition par de jeunes Polynésiens. © Musée de Tahiti et des Îles | À droite : une œuvre de Titouan Lamazou.
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En quoi ce partenariat avec l’exposition « Escales en Polynésie » s’inscrit-il dans les orientations stratégiques de l’AFD dans le Pacifique ?
Céline Gilquin - L’AFD a développé ses dernières années son axe stratégique « culture et développement » et s’investit dans le soutien à la Culture, en tant qu’outil indispensable pour construire une société durable. Les thématiques de l’exposition résonnent par ailleurs fortement avec les valeurs de l’AFD, notamment au regard de notre mandat de protection de l’environnement.
INTERVIEW CROISÉE TITOUAN LAMAZOU, ARTISTE ET CÉLINE GILQUIN, DIRECTRICE DE L’AFD EN POLYNÉSIE FRANÇAISE •
Quels sont vos principaux objectifs à travers cette exposition « Escales en Polynésie », et quelle y est la place de l’environnement ?
Titouan Lamazou - Avec cette exposition, je m’intéresse à l’ensemble du Vivant auquel nous appartenons ; pas uniquement à l’Humain donc, mais aussi à la biodiversité terrestre ou marine, qui est absolument infinie. J’ai également souhaité montrer la diversité de la Polynésie : chacune des îles qui la compose est singulière, aucun atoll ne ressemble à un autre, et c’est d’ailleurs là toute sa richesse. L’environnement est donc tout simplement l’axe principal de ces « Escales en Polynésie », que j’ai voulu représenter avec tous les « individus » qui la composent – humains et non humains. Au-delà de la dimension artistique, mon principal objectif à travers cette exposition est de pouvoir réaliser un travail de médiation auprès des enfants. « Escales en Polynésie » me sert de support pour les sensibiliser à l’environnement, leur faire prendre conscience de la beauté – et de la fragilité – des écosystèmes qui les entourent, et leur proposer des portraits de femmes et d’hommes qui ont fait le choix d’une vie plus apaisée, en harmonie avec la Nature. J’ai aussi à cœur de pouvoir offrir à ces générations futures des rêves différents, au travers de mon parcours d’ancien élève « frustré », qui voulait devenir artiste à l’âge de 11 ans, et qui ne s’est pas toujours senti à sa place sur les bancs de l’école… + d’info ici : https://www.titouanlamazou.com/
Il nous est ainsi rapidement apparu évident d’accompagner le travail de Titouan, et notamment ces « Escales en Polynésie », pour répondre à ce double enjeu de préservation du patrimoine naturel et de soutien à la culture en Polynésie française. Au-delà de l’exposition, le panel d’actions proposées par Titouan à destination des scolaires a été déterminant pour nouer ce partenariat avec l’AFD. Nous sommes en effet particulièrement attachés à cette dimension « éducative » et à la sensibilisation des générations futures aux enjeux environnementaux, en raison des menaces particulières qui pèsent sur les territoires du Pacifique et au regard des richesses naturelles et culturelles de ces territoires.
• Très concrètement, que va vous permettre ce soutien de l’AFD ? - Titouan Lamazou - En premier lieu, et de manière très concrète, le soutien de l’AFD m’a permis de « boucler le budget », et a été indispensable pour terminer ce travail de quatre années, qui a abouti à « Escales en Polynésie ». Nous allons aussi pouvoir faire découvrir l’exposition à un maximum d’enfants et de jeunes des 5 archipels. Nous pourrons faire venir certaines classes à Tahiti, ou organiser des visites virtuelles de l’exposition pour certaines autres, l’idée étant de cibler les enfants ayant moins facilement accès à la culture. Nous organiserons dans les collèges des conférences et des ateliers, où j’interviendrai en binôme avec un scientifique – historien, biologiste, anthropologue… – afin de sensibiliser ces jeunes aux enjeux environnementaux et culturels, de manière ludique et attrayante. Enfin, un grand concours de dessin « Dessinemoi un motu » est lancé avec le musée de Tahiti et des Îles, à destination de tous les enfants de CM1, CM2 et 6ème. En bref, ce soutien de l’AFD va permettre à l’exposition de « sortir du cadre », et de voyager d’île en île à la rencontre du plus grand nombre de jeunes Polynésiens et Polynésiennes. + d’info ici : Les actions de l’AFD en Polynésie
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WALLISET-FUTUNA LE SERVICE TERRITORIAL DE L’ENVIRONNEMENT RÉCOMPENSÉ POUR SA LUTTE CONTRE LES ESPÈCES INVASIVES ! Le programme d’éradication des rats a été mené avec succès sur 4 des 10 îlots du territoire, malgré les nombreux défis auquel le Service territorial de l’environnement a été confronté. L a mobilisation de l’ensemble de l’équipe s’est vue récompensée par le Prix Battler 2021, décerné par le Programme régional océanien de l’environnement. Le Service territorial de l’environnement (STE) de Walliset-Futuna intervient dans de nombreux domaines en lien avec la préservation et la valorisation de l’environnement, tels que le suivi des milieux, la restauration d’espaces naturels, la gestion des déchets, ou la biosécurité. Une attention particulière est par ailleurs portée à la sensibilisation des populations, pour les impliquer dans la protection de leur environnement. Le STE intervient également dans le cadre du Projet régional océanien des territoires pour la gestion durable des écosystèmes (PROTEGE), qui vise à « promouvoir un développement économique durable et résilient face au changement climatique en s’appuyant sur la biodiversité ». Un des axes de ce projet porte sur la lutte contre les espèces envahissantes, et a conduit le STE à mettre en place un programme d’éradication des rats noirs sur les îlots entourant l’île de Wallis.
L’équipe dynamique du STE mobilisée au grand complet sur le terrain pour lutter contre les rats. © F. Ugatai | STE
a dû, seul, piloter les opérations de terrain, en mobilisant l’ensemble de ses agents. « Notre équipe est restreinte, mais polyvalente, et capable d’intervenir sur tous les domaines de la biodiversité », explique Ateliana Maugateau, adjointe au chef du STE. Aujourd’hui, les populations de rats qui proliféraient sur les îlots ont disparu, et les habitants se disent très satisfaits du programme ; ils observent déjà un retour des populations d’oiseaux ou encore des traces de tortillons sur les plages ! Le prix « Battler de l’année », qui récompense les efforts menés contre les espèces invasives, a ainsi été décerné au STE de Wallis-et-Futuna pour l’année 2021 par le Programme régional océanien de l’environnement (PROE). Au-delà du succès du programme et du travail accompli, le PROE a tenu à souligner la cohésion de l’équipe et sa détermination face aux défis qu’elle a rencontrés. L’année 2022 va permettre quant à elle de poursuivre les discussions pour étendre le programme aux 6 autres îlots, tout en maintenant une vigilance constante, afin d’éviter la réintroduction du rat sur les îlots traités.
Rédaction : Lucie Labbouz
Un travail important de concertation a d’abord été initié en 2020 auprès des autorités coutumières et des familles propriétaires de chacun des îlots, et les actions d’éradication ont été assurées sur 4 des 10 îlots en octobre et novembre 2021. Pourtant, le contexte sanitaire international n’a pas facilité la mise en œuvre du programme : les actions de formations et de tutorat qui auraient dû être réalisées sur place n’ont pas pu avoir lieu, et le STE Contact : Service territorial de l’environnement
Une mission d’épandage de raticide en cours sur l’un des îlots de Wallis-et-Futuna. © M. Le Bris | STE
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CLIPPERTON
98799, CLIPPERTON ÉPISODE 2 : UNE CHANCE POUR LA FRANCE Reporter, auteur, réalisateur et chroniqueur, Stéphane Dugast multiplie depuis l’an 2000 les embarquements en tous genres. Il a séjourné à trois reprises sur l’atoll de Clipperton. Il est également le cofondateur du journal papier Embarquements dédié aux voyages et à la découverte. + d’info ici : www.embarquements.com
Tête d’épingle perdue dans les confins du Pacifique oriental, Clipperton est certes un « caillou de la République » mais aussi un territoire aux atouts multiples, malgré l’indifférence de nos décideurs. Depuis son attribution définitive à la France en 1931, suite à un arbitrage international rendu en défaveur du Mexique, notre pays ne s’est guère intéressé à cette île-confetti du bout du monde.
cet État-voisin, le plus proche de l’atoll. Une manière aussi comme une autre pour notre pays, avec cette seule possession du Pacifique Nord et ses eaux attenantes, de conserver sur le papier son rang de seconde puissance maritime.
Certes, la France a envoyé des militaires occuper cet atoll entre 1966 et 1969 mais cela faisait suite aux protestations d’États d’Amérique, inquiets des essais nucléaires aériens en Polynésie française. Officiellement, cet atoll n’est aujourd’hui fréquenté que par des scientifiques, des radioamateurs ou des explorateurs qui en font la demande. Officieusement, c’est une autre affaire... À l’abri des satellites et à mi-chemin entre l’Amérique du Sud et du Nord, Clipperton est un lieu de rendez-vous discret prisé des trafiquants en tous genres. Ses eaux sont pillées en toute impunité par des thoniers étrangers, sans qu’aucun droit fondamental à la pêche ne soit appliqué.
Dans la sphère politique, rien n’a bougé jusqu’en novembre 2016 et l’annonce par Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, de créer une zone de protection de biotope – aire marine – autour de Clipperton et ce dans un rayon de 12 milles marins (22 kilomètres).
Un laxisme français a priori monnayé contre la libération en 2013 de Florence Cassez, une ressortissante française emprisonnée au Mexique. Une façon également pour le quai d’Orsay de calmer les velléités de souveraineté de
Un bel effet d’annonce survenu en pleine COP 22 à Marrakech mais qui n’a débouché sur aucune mesure productive. Aucune surveillance durable de la zone n’a été étudiée. Aucune coopération avec les États voisins n’a été envisagée. Clipperton a été une nouvelle fois abandonné, et négligé alors que ce territoire d’outre-mer vit de profonds bouleversements et doit fait face à des défis qui ne manqueront pas de se poser à notre société les prochaines années. Appelons-ça, les paradoxes français…
Rédaction : Stéphane Dugast
Ci-dessus : inhabité par l’homme, l’atoll de Clipperton abrite la plus grande colonie de fous masqués au monde. Celle-ci est en déclin du fait de la surpêche du thon : les fous masqués se nourrissent en effet des poissons et calmars chassés vers la surface par les bancs de thons.
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Fédérer l’outre-mer, favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable
JAN. | FÉVRIER 2022
E-MER OUTR deur Nature gran
L’E-MAG ULTRAMARIN
OcéIndia
DE L’ENVIRONNEMENT
n°8
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Trois oCéans - aFd
ÉDITO | Charles TroTT à l’environnemenT Tion pour sensibiliser MARTINIQUE | la naTa inell e senT île ’ l | ON PERT CLIP
SOMMAIRE
UNE
NOUVELLE-CALÉDONIE
3 6 10 11 12
édito actu outre-mer Saint-Pierre-et-Miquelon Saint-Barthélemy Saint-Martin
: LA RÉSERVE DE NATURE
13 14 18 22 30
Martinique Guadeloupe Guyane Île de La Réunion Mayotte
SAUVAGE DU MONT PAN
33 36 38 40 41
IÉ
TAAF Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna Clipperton
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX : décideurs publics acteurs ultramarins de l’environnement académies d’outre-mer internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux
Page Facebook « Outre-mer grandeur Nature » Un support proposé par OcéIndia aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com Rédaction : Stéphanie Castre, Romy Loublier, Lucie Labbouz, Camille Caumette, Stéphane Dugast, Alain Brondeau, Christian Beillevaire Conception graphique : Océindia