2. Lokeçvara, grès, fin XIIe-début XIIIe siècle. Provenance : Prah Khan d’Angkor (Musée national, Phnom Penh).
LES SOURCES DE RENSEIGNEMENTS SUR L’ANCIEN CAMBODGE Nos connaissances sur l’ancien Cambodge proviennent de trois sources : l’interprétation des bas-reliefs, les récits des voyageurs chinois et la lecture des inscriptions sur pierre. Rien ne subsiste en effet des manuscrits, tant sur peaux teintées où l’on écrivait à la craie, que sur feuilles de latanier dont les caractères gravés au trait étaient noircis au tampon : ces matières essentiellement périssables n’ont pu résister ni à l’incendie, ni à l’action de l’humidité ou des termites. Les bas-reliefs Les scènes sculptées sur les bas-reliefs, principalement au Bayon, où beaucoup d’entre elles se rapportent à des représentations de la vie courante, se retrouvent à peu près exactement, dès que l’on y prête vraiment attention, dans les manifestations actuelles de l’existence campagnarde : celle-ci n’a guère évolué. On y reconnaît les mêmes types d’habitations, les mêmes charrettes ou pirogues, les mêmes instruments de culture, de chasse ou de pêche et de musique, les mêmes coutumes et métiers manuels. Les chroniqueurs chinois Parmi les ouvrages des chroniqueurs chinois, le plus complet et celui qui présente les meilleures qualités descriptives est celui de Tcheou Ta-Kouan qui, en 1296, peu après les premières guerres avec les Siamois et au début de la période de décadence, accompagnait à Angkor une ambassade sino-mongole. Ces « Mémoires sur les coutumes du Cambodge », traduites par Paul Pelliot et publiées dans le Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient de 1902, permettent de se faire une idée des conditions de vie de l’ancien Cambodge à la fin du XIIIe siècle. Voici comme il décrit les habitants : « Les habitants sont grossiers et très noirs. Qu’ils habitent dans les lointains villages des îles de la mer ou dans les rues les plus fréquentées, c’est tout un. Il faut arriver jusqu’aux personnes du palais et aux femmes des maisons nobles pour en trouver beaucoup de blanches comme le jade, ce qui doit venir de ce qu’elles ne voient jamais les rayons du soleil. En général, les femmes comme les hommes ne portent qu’un morceau d’étoffe qui leur entoure les reins, elles laissent découverte leur poitrine blanche comme le lait, se font un chignon et vont nu-pieds ; il en est ainsi même
parmi les épouses du souverain. Le souverain a cinq épouses, une de l’appartement privé proprement dit, et quatre pour les quatre points cardinaux. Quant aux concubines et aux filles du palais, j’ai entendu parler d’un chiffre de 3 000 à 5 000, divisées en plusieurs classes, mais elles franchissent rarement leur seuil. Toute famille qui a une belle fille ne manque pas de l’amener au palais. Au-dessous sont les femmes qui font le service du palais, il n’y en a pas moins d’un ou deux mille. Elles sont mariées et vivent un peu partout. Mais sur le haut du front elles se rasent les cheveux, et marquent cette place de vermillon ainsi que les deux côtés des tempes. Ces femmes seules peuvent entrer au palais ; toutes les personnes au-dessous d’elles ne le peuvent pas. Les femmes du commun se coiffent en chignon, mais n’ont ni épingle de tête, ni peigne, ni aucun ornement de tête. Aux bras elles ont des bracelets d’or, aux doigts des bagues d’or ; les femmes du palais en portent toutes. Hommes et femmes s’oignent de parfums composés de santal, de musc et d’autres essences. Tous adorent le Bouddha. » Les inscriptions L’épigraphie, d’un caractère beaucoup moins anecdotique, a fourni sur le Cambodge d’autrefois, notamment sur son histoire, une documentation autrement sérieuse, et, marchant de pair avec les études des historiens d’art, a permis de rattacher à quelques repères précis la chronologie des monuments. Inséparable des noms de Barth, de Bergaigne, de Kern et d’Aymonier, puis de Louis Finot et de George Cœdès qui se sont consacrés à leur tâche avec des méthodes empreintes d’une discipline rigoureuse, cette science a pris peu à peu, grâce à de nombreuses découvertes, une importance capitale. Les inscriptions – dont les plus anciennes remontent au VIIe siècle – relèvent de l’ère dite « çaka », originaire de l’Inde centrale, en retard de 78 ans sur l’ère chrétienne : elle fut introduite dans l’Insulinde et en Indochine par les astronomes hindous. « Dès le début, nous dit M. Cœdès, elles attestent l’emploi simultané de deux langues : une langue savante, le sanskrit, réservée aux généalogies royales ou princières, au panégyrique des fondations de monuments ou des pieux donateurs ; une langue vulgaire, le khmer ou cambodgien, réservée au dispositif de la fondation et à l’énumération des serviteurs et des objets donnés aux temples. Les textes sanskrits sont
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