la sculpture, longtemps protégée, est demeurée dans un état de conservation remarquable. En fin de parcours, des gradins en latérite permettent de gagner le niveau supérieur de la terrasse. Entouré de trois autres statues de petite taille et décapitées, portant la massue sur l’épaule droite, le « Roi Lépreux » se tient assis « à la javanaise », le genou droit levé : reposant sur un simple élément de dallage à l’emplacement même où il a été trouvé et qui correspond peut-être à sa place primitive, il offre la particularité d’être entièrement nu – fait unique dans l’art khmer – mais sans aucune indication des organes sexuels. Il ne porte d’autres signes de lèpre que quelques plaques de lichen et sa célébrité est d’ordre plus littéraire que plastique : d’une facture assez molle et d’un type quelque peu bellâtre, il doit être rangé parmi les œuvres de qualité moyenne sans atteindre au premier rang. Cette statue du « Roi Lépreux », tenue par certains comme une représentation de « Çiva ascète », peut être en définitive – si l’on en croit une courte inscription du XVe siècle gravée sur son socle – un « Dharmarâja ». C’est le nom sous lequel on désigne tantôt Yama, le Juge Suprême, tantôt l’un de ses assesseurs, « Inspecteur des qualités et des défauts » à l’heure du jugement. M. Cœdès estime que la coiffure très spéciale du personnage, faite de grosses torsades partant du front et couvrant la nuque, comme la présence de deux crocs près de la commissure des lèvres, soulignent son caractère démoniaque. Pour lui, « la Terrasse du Roi Lépreux avec ses étages superposés d’êtres fabuleux représente sans nul doute le Meru », et le fait qu’elle occupe au nord du Palais Royal l’emplacement qu’occupe encore à Phnom Penh et à Bangkok le terrain réservé aux crémations royales et princières, et désigné par le terme de « Val Prah Men », du nom du pavillon qu’on y dresse pour placer le bûcher crématoire, l’incline à penser que la Terrasse du Roi Lépreux n’était pas autre chose qu’un Men permanent, ce qui expliquerait pourquoi, « à une époque où l’on se souvenait encore de cette destination, on y a rassemblé des images du Dharmarâja, le dieu des morts ». Après une tentative de vol de la tête du « Roi Lépreux », la statue fut transférée au dépôt de la Conservation, puis au musée de Phnom Penh peu avant 1970 et remplacée par un moulage. De l’angle nord-ouest de la Terrasse du Roi Lépreux, on peut gagner directement par un sentier le Grand Bouddha de Tep Pranam, sans avoir à redescendre par l’escalier situé sur la face sud ni reprendre la route.
TEP PRANAM (Le dieu adorant) Grand Bouddha d’époque tardive (XVe et XVIe siècles) Dégagement par H. Marchal en 1918 À une centaine de mètres au nord de la Terrasse du Roi Lépreux, on aperçoit de la route le grand Bouddha assis de Tep Pranam. On y accède par une chaussée en latérite de 75 m sur 8, suivie d’une terrasse bouddhique, limitée par des « soma » ou stèles doubles placées aux angles et sur les axes. Cette terrasse se termine à l’ouest par une partie cruciforme de 30 m sur 30. Ses murs de soubassement, moulurés, sont en grès ainsi qu’une portion du dallage, et les deux lions qui la précèdent du côté est sont du style du Bayon tandis que les nâgas de ses balustrades sont d’époque plus ancienne. Une stèle inscrite sur ses quatre faces, dont on ignore l’origine exacte, se rapporte à son ancien monastère ou « âçrama » bouddhique (Saugatâçrama) fondé par Yaçovarman vers la fin du IXe siècle ; le texte fixe les divers règlements d’organisation, à peu près identiques à ceux du « Brâhmanâçrama » çivaïte et du « Vaishnavaçrama » fondés par le même roi au sud du Baray oriental. Les bâtiments étaient certainement en matériaux légers, et l’on
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