95. Ta Keo, façade ouest, gopura est, deuxième enceinte.
De la cour, accessible aux fidèles, la vue de la pyramide était entièrement masquée par la galerie du haut gradin suivant. Sur la face est, de part et d’autre de l’axe, une longue salle de 22 m sur 2,75 m servait sans doute d’abri aux pèlerins : précédée d’un porche à piliers et suivie d’une pièce plus petite, elle était couverte en bois et tuiles et comme ajourée par une série de fenêtres à balustres sur chaque face, de proportion très élancée. La seconde terrasse, dominant la première des 5,50 m de hauteur de son puissant soubassement en latérite moulurée, avait ses quatre gopuras d’axe tout en grès : des marches de 0,40 m de hauteur y accédaient, et, à l’est, la pierre avait reçu un commencement d’ornementation dans les parties hautes. La galerie en grès pourtournante, de 80 m sur 75, large de 1,40 m et dépourvue de portes, était éclairée par des fenêtres vers l’intérieur seulement, la paroi extérieure étant ornée de fausses baies à balustres ; il ne reste aucune trace de voûte ni de toiture, seuls les pavillons d’angle, d’ailleurs peu accusés, étaient voûtés de grès. Sur la face orientale, grâce au décalage de l’axe de la pyramide vers l’ouest, ont été édifiés d’une part, deux bâtiments du même type que les longues salles de repos de la première terrasse, mais beaucoup moins développés et éclairés, d’autre part, deux « bibliothèques » ouvertes à l’ouest, à faux étage d’attique percé de fenêtres gisantes : là encore ne subsistent ni voûtes ni toitures. De la cour on ressent devant les 14 m de hauteur que totalisent les trois gradins de la pyramide proprement dite, une rare impression de puissance : des escaliers, exceptionnellement à largeur constante, les gravissent d’une seule volée avec des marches allant de 0,40 m à 0,30 m de hauteur, tandis que les murets d’échiffre sont à six ressauts. La mouluration à grande échelle, à doucines opposées et gros tore médian, dégage une impression de force que n’amenuisent en rien les éléments de la décoration, exécutée seulement sur la face orientale et passablement dégradée : elle était remarquablement ciselée et composée, à base de grandes volutes flammées et de losanges. Au pied du perron oriental, un Nandin (taureau sacré), aux formes un peu grêles, a été retrouvé, affirmant le caractère çivaïte du temple. La plateforme supérieure, formant un carré de 47 m de côté, est presque entièrement occupée par un quinconce de tours en épannelage, ouvertes aux quatre points cardinaux par autant de vestibules en avant-corps, doublés pour le sanctuaire central. Celles des angles, sur un soubassement de 0,80 m, étaient franchement dominées par la tour centrale, surélevée de 4 m et dont les développements des porches et l’envolée des frontons venaient encore accuser
l’importance. Les cellas intérieures avaient respectivement 4 m et 3,50 m de côté ; remarquablement construites et soigneusement parementées à l’intrados des étages fictifs en retrait, elles n’avaient encore reçu comme décor qu’une élégante corniche intérieure ciselée. Des fragments de piédestaux et de lingâs ont été retrouvés tant à l’intérieur des prasats qu’alentour, ainsi que quelques statues. En raison de son orientation, la visite de Ta Keo doit se faire de préférence le matin, et de bonne heure pour que l’ascension de ses rudes escaliers ne paraisse point par trop pénible. TA NEI Prononcer : Ta Neille Date : fin du XIIe siècle Roi constructeur : Jayavarman VII (nom posthume : Mahâ paramasangata pada) Culte : bouddhique De Ta Keo le visiteur qui en a le temps peut trouver dans l’excursion de Ta Nei prétexte à une agréable promenade à pied dans la forêt : un sentier se dirigeant en droite ligne vers le nord et faisant suite à la route Batteur le conduira directement en 800 m, après avoir franchi plusieurs levées de terre et dépressions, au gopura occidental du temple, situé en bordure ouest du chemin. Le monument, construit à 200 m à l’ouest de la digue ouest du Baray oriental, a été laissé en état et est relativement bien conservé dans l’ensemble ; son style, de la seconde moitié du XIIe siècle, est homogène, les deux gopuras (est et ouest) de l’enceinte extérieure (3e enceinte), dont le mur a disparu, paraissant seuls un peu plus tardifs que les autres corps de bâtiments. Ces deux gopuras, tout en grès et en partie démolis, étaient de petite taille et de plan cruciforme, simplement couverts par une croisée de voûtes en berceau : de construction très fruste, avec devatâs, décor à base de rinceaux et fausses fenêtres à stores, ils se rattachent à la dernière période du style du Bayon ; une corniche ornée court à l’intérieur. On remarquera sur la face est du gopura oriental, relié au temple par des vestiges de terrasse et de chaussée, un curieux fronton demeuré en place : un Lokeçvara debout sur un lotus, au milieu d’apsaras et de personnages volants, domine un registre inférieur d’autres personnages agenouillés et implorants, au ventre énorme. Sont-ce des malades en quête de guérison, ou les damnés « voleurs de riz » qui figurent sur le bas-relief de l’Enfer à Angkor Vat ? Il est malaisé de se prononcer.
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