ANGKOR

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8. Ta Prohm, fromager.

LES MONUMENTS D’ANGKOR Sens et destination Le dégagement des monuments, en précisant la disposition des bâtiments et leur structure, a fait abandonner définitivement l’hypothèse émise autrefois par quelques auteurs insuffisamment documentés, d’après laquelle certaines au moins des constructions de pierre avaient le caractère d’habitations réservées au souverain, aux princes ou aux hauts dignitaires. Des quinconces de tours jointes ou non par des galeries étroites et obscures, ponctuées de vestiges indubitablement cultuels, ne constituent pas un palais ; tout au plus les salles longues ceinturant parfois le cœur des édifices, elles aussi bâties en dur mais faites de matériaux moins nobles, plus larges du fait qu’elles étaient couvertes en bois et tuiles, et non plus en pierre, peuventelles être considérées comme des lieux de repos. Le fait que Tcheou Ta-Kouan, dans la relation de son voyage, ne mentionne pas que le Palais Royal ait été construit en pierre alors qu’il l’indique pour les autres monuments, tendrait à prouver qu’il était fait de matériaux légers, comme tous les locaux à usage d’habitation. « Les tuiles des appartements privés, dit-il, sont en plomb, celles des autres bâtiments sont en terre et jaunes… Les longues vérandas, les corridors couverts sont hardis et irréguliers, sans grande symétrie… Les habitations des princes et des grands officiers ont une autre disposition et d’autres dimensions que les maisons du peuple. Tous les communs et logements excentriques sont couverts de chaume ; seuls le temple de famille et l’appartement privé peuvent être couverts en tuiles. Le commun du peuple ne couvre qu’en chaume et n’oserait employer les tuiles. » Il est acquis que les édifices de pierre que nous voyons à Angkor et dont le schéma architectural obéit à des règles rigoureuses et constantes d’ordonnance et de symétrie, répondaient à des fins monumentales. Satisfaisant seuls au concept de pérennité, imprégnés de symbolisme, ils constituaient l’armature de la capitale et des agglomérations suburbaines faites de matériaux périssables : armature incontestablement religieuse, puisque chacun de ses éléments n’est qu’une floraison de sanctuaires répondant à la multiplicité des dieux et des personnages divinisés ; rien d’autre que ces saintes demeures n’était jugé digne de survie. Les monuments de pierre sont des temples en tant que monuments élevés en l’honneur de divinités. Leur nombre et leur importance peuvent nous surprendre et paraître

hors de proportion avec la superficie occupée par la ville et ses faubourgs, comme avec la densité de la population, quelle qu’ait été la ferveur religieuse des Khmers. C’est qu’avec notre mentalité d’Occidentaux, nous sommes naturellement portés à voir en tout édifice réservé au culte l’équivalent de nos églises et de nos cathédrales. Celles-ci, répondant à un besoin de foi général, aux sentiments de piété de la masse, étaient l’œuvre de tout un peuple, qui s’y réunissait pour prier et pratiquer les rites. Les temples khmers, au contraire, n’étaient pas des lieux de culte public : œuvre personnelle des rois ou d’une aristocratie, ce n’étaient que des fondations pieuses destinées dans l’esprit de leurs auteurs à accumuler des « mérites » qui pouvaient d’ailleurs rejaillir sur tous les participants. Ces réalisations grandioses, obtenues à force de prestations qui sans doute n’étaient pas toujours volontaires, absorbant une bonne part de l’activité de tout un peuple et le vidant jusqu’à la moelle en s’ajoutant aux charges militaires, l’écrasant d’impôts et d’obligations de toute nature, paraient chaque règne d’un nouveau fleuron. Mais si, grâce à cet effort gigantesque, le culte du dieu-roi et de tous ceux qui avaient mérité l’apothéose pouvait se dérouler dans un cadre digne de lui, la foule n’était pas admise à honorer ses dieux au sein même de leurs demeures, réservées aux officiants. Avides en tout temps des cérémonies traditionnelles dont parlent les inscriptions, les fidèles, groupés dans les enceintes extérieures, se prosternaient au passage des idoles et des reliques momentanément offertes par les prêtres à leur adoration, déambulaient en procession dans le sens rituel du « pradakshinâ », qui garde toujours à sa droite l’emplacement sacré, ou le sens inverse du « prasavya » réservé aux cortèges funèbres. Dans le Cambodge actuel, les monastères ou « pagodes » bouddhiques comprennent, outre le « vihâra » ou temple ou entouré de « sema » (bornes sacrées), une salle publique de réunion beaucoup moins monumentale et les logettes réservées aux bonzes : il est permis de supposer qu’autour du temple de pierre de la période angkorienne existait la même cité de modestes habitations et de locaux destinés aux assemblées des moines comme aux laïcs pour les pratiques ordinaires du culte. Tcheou Ta-Kouan, parlant des bonzes qui « se rasent la tête, portent des vêtements jaunes et se découvrent l’épaule droite » tout comme aujourd’hui, mentionne que « leurs temples peuvent être couverts en tuiles, que l’intérieur ne contient qu’une image, tout à fait semblable au Bouddha Çâkyamuni ; elle est vêtue de rouge. Faite d’argile, on l’orne de vermillon et de bleu : c’est la seule image des temples. Les Bouddhas

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Première partie NOTIONS PRÉLIMINAIRES 15 Les sources de renseignements sur l’ancien Cambodge

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Les monuments d’Angkor

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pages 32-34

Les religions

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pages 23-31
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