circulaire à décor de pétales de lotus et de « hamsas » (oies sacrées), couronné d’étamines, il contenait une pierre à dépôt sacré cylindrique à seize trous. Une « pierre des neuf planètes », délitée et très effacée, a été trouvée dans le bâtiment annexe en grès au nord et une statue colossale de dvârapâla de 3,20 m de haut, déterrée devant la face orientale de la plateforme aux trois tours : postérieure au monument, elle est de facture honorable et d’aspect imposant avec sa tête de râkshasa curieusement coiffée d’un diadème et d’un « mukuta » à étages avec couvre-nuque. L’état de décomposition de la pierre du monument a malheureusement rendu impossibles tous travaux de reprise et de restructuration. Les statues dégradées par les intempéries ont été transférées à la Conservation d’Angkor. PHNOM BOK (Le mont de la bosse du bœuf) Date : fin du IXe-début du Xe siècle Roi constructeur : Yaçovarman I (nom posthume : Paramaçivaloka) Culte : brahmanique Dégagement partiel par M. Glaize en 1939 Le Phnom Bok, colline escarpée de 235 m de haut, est le troisième piton de la région d’Angkor après le Phnom Bakheng et le Phnom Krom choisi par Yaçovarman pour y ériger ses temples de grès ; par cette occupation systématique des sommets malgré les difficultés de portage et de mise en œuvre de tonnes de pierre qu’il fallait hisser à bras d’hommes le long de leurs flancs abrupts, ce souverain novateur, tout en vouant la capitale au culte du Devarâja ou lingâ royal, plaçait la totalité de ses sujets – lacustres et ruraux – sous l’égide de la sainte « Trimûrti », Çiva, Vishnou et Brahmâ. C’est, dans l’histoire architectonique des Khmers, une véritable trilogie caractéristique d’une époque et d’une exceptionnelle unité. L’ascension du Phnom Bok ne doit être entreprise que par de bons marcheurs ne craignant pas l’escalade en plein soleil de ce roc pelé : il faut l’effectuer de grand matin et se faire accompagner par un guide connaissant bien le sentier de départ. Huit kilomètres de piste sablonneuse – celle de Bantéay Samrè qui, prenant sur le grand circuit entre Pré Rup et le Mébôn, à 14 km de Siemréap, se dirige vers l’est, traversant le village de Pradak et la digue orientale du Baray – vous permettent d’accéder en auto, à condition que la passerelle franchissant le Stung Rolûos soit en état, à la croisée du chemin qui, à gauche, mène à la pointe sud-est de la montagne. De là, un sentier, d’abord ombragé puis gravissant la pente méridionale rocailleuse et dénudée, vous conduit au sommet, découvrant peu
à peu des horizons sans limites que barre seulement au nord la longue ligne du Phnom Kulên : la beauté du paysage vous récompense alors de toutes vos peines. Le monument du Phnom Bok, temple frère de celui du Phnom Krom, est comme lui non daté, nulle inscription n’y ayant été retrouvée : néanmoins leurs différences sont si minimes qu’ils n’ont pu être conçus que par un même cerveau, bâtis sur un plan commun, sculptés par la même équipe d’artistes, et, à quelques années près, de l’âge du Bakheng dont les motifs sont identiques. Les divers bâtiments, dont la disposition est exactement la même qu’au Phnom Krom, avec cette seule différence que les trois tours sanctuaires sont ici d’importance égale, ont été trouvés après débroussaillement extrêmement ruinés et tronqués de leurs étages supérieurs. Toutefois, l’enlèvement des éboulis – achevé à l’est et commencé à l’ouest – a fourni des indications précises sur la nature du décor mural, d’excellente facture et beaucoup mieux conservé, les pierres n’étant pas ici désagrégées par les intempéries. Plusieurs frontons, tous à peu près semblables, ont été reconstitués au sol : quoique mutilés, ils donnent enfin une idée très nette de ces tympans à décor ornemental à fleur de pierre qui caractérisent l’art de Yaçovarman. De proportion presque carrée et de composition assez confuse, mais puissamment calés par les énormes makaras qui terminent l’arc d’encadrement, ces frontons sont à culot central avec personnage, que flanquent de grandes volutes flammées rehaussées de figurines et frangées de petites têtes de divinités en nombre variable. Il est à remarquer que le décor mural des tours nord et sud est resté inachevé. Partout on retrouve les mêmes éléments qu’au Bakheng et au Phnom Krom, avec quelques variantes de détail : c’est ainsi que le visage des devatâs est ici complètement de face et que l’encadrement des niches est plus étriqué ; la complexité des linteaux, de composition banale et mièvre, contraste avec la belle simplicité des colonnettes octogonales à quatre grands nus. Des quatre bâtiments annexes, les deux extrêmes, en brique, sont écroulés, tandis que les deux autres, en grès, sont beaucoup mieux conservés qu’au Phnom Krom. Les galeries en latérite ne sont plus guère visibles que par leurs assises de base, mais le mur d’enceinte est intact. Outre les réductions d’édifices et antéfixes habituelles aux monuments de cette époque, les fouilles ont mis au jour : dans la tour nord, un piédestal brisé à grande gorge avec lingâ, d’un type classé généralement dans la période préangkorienne ; au pied du sanctuaire central, des fragments importants d’une fort belle statue de Vishnou à la personnalité très affirmée, qui paraît postérieure au monument et aux trois têtes des dieux de la « Trimûrti » emportées par la mission Delaporte en 1873 et actuellement à Paris au musée Guimet ; le grand piédestal circulaire qui portait la statue de Brahmâ dans la tour sud, analogue à celui du Phnom Krom.
364
Angkor_imp_FR-Last_bis.indd 364
18-05-2010 8:34:53