Les fausses portes Les trois fausses portes d’un prasat étaient la réplique en pierre de la porte en bois de l’entrée est : faites de deux vantaux séparés par la barre de fermeture à gros boutons carrés, elles étaient traitées en chacun de leurs panneaux dans le même esprit que des pilastres, mais encadrés d’une riche mouluration de plus en plus envahissante au cours des siècles. Au IXe siècle, des sortes de mascarons (têtes de lion ou autres) marquaient le milieu de chaque vantail, correspondant sans doute aux motifs porte-anneaux des portes véritables.
les bas-reliefs des murs, les épisodes représentés sont tantôt d’une seule venue, tantôt à registres superposés – formule qui prévaut dans le style du Bayon. On ne peut omettre de mentionner, aux Xe et XIe siècles (Koh Ker, Bantéay Srei, Prah Vihéar), quelques frontons de forme triangulaire d’une grande valeur décorative. Ce n’est qu’un rappel de l’architecture en bois, conditionné par les toitures en tuiles à deux versants antérieures à l’apparition de la voûte : les deux lignes divergentes s’y enroulent aux extrémités en larges spirales3. LES SCULPTURES EN RONDE-BOSSE
Les frontons Les animaux Pour tout esprit méditerranéen, l’idée de fronton implique celle de la figure géométrique du triangle, qui ferme et qui assoit : c’est le couronnement rigide et implacable du temple grec. Le fronton khmer classique au contraire, simple ou à encadrements superposés, aboutissement de la forme ogivale de la voûte des galeries, participe du mouvement ascendant du prasat : loin d’être inerte, il aspire de bas en haut ce qui se trouve au-dessous et s’élance vers le ciel, servant de base aux autres frontons décroissants qui marquent les ressauts des étages. Sans rien garder de la sécheresse des lignes, il s’enveloppe des souples ondulations de l’arc polylobé du nâga stylisé, dont le corps se dentelle de feuilles flammées, et dont les têtes elles-mêmes se recourbent et se redressent à chaque extrémité. La composition des scènes du tympan vient accentuer encore l’impression d’envol. Au début toutefois, alors que le fronton de brique, recouvert d’enduit et pauvrement décoré de quelques motifs isolés (réductions d’édifices et personnages), était quelque peu sacrifié au linteau de grès, sa forme était toute différente. Né de l’arc en fer à cheval des monuments indiens, il constituait un large panneau rectangulaire à redents, plutôt surbaissé. Souvent réalisé en grès dès la fin du IXe siècle, son tympan se couvrait d’un décor végétal à grandes volutes formant composition unique, tandis que son encadrement, traité en méplat, se terminait par des têtes de makaras divergentes. À partir du Xe siècle, le makara fait place au nâga polycéphale craché par la tête de Kâla, puis celle-ci disparaît à l’époque du Baphûon (milieu du XIe siècle), tandis que l’arc se bombe, marquant une certaine tendance au réalisme ; au XIIe siècle enfin, le nâga est à nouveau craché par une tête de monstre, rappelant cette fois la tête de dragon. La silhouette générale s’est exhaussée dès l’apparition de la galerie voûtée, adoptant définitivement la formule de l’arc polylobé de proportion très élancée. Parallèlement, on voit apparaître dès le Xe siècle certains tympans à scènes à côté de ceux à décor végétal, qui ne subsistent que jusqu’au début du XIIe siècle : comme sur
Le nâga, stylisation du cobra, est doté de plusieurs têtes disposées en éventail, toujours en nombre impair et allant généralement de trois à neuf. Venant de l’Inde, il figure dans la légende à l’origine du peuple khmer et est le symbole de l’eau. Constamment représenté dans l’art, il a pris en tant que nâga balustrade, motif entièrement nouveau, une importance capitale. Au début – notamment à Bakong (fin du IXe siècle) –, le corps s’allonge directement sur le sol, et les têtes, très massives, donnent une singulière impression de puissance. Par la suite, le corps est surélevé sur des dés, et les têtes, d’abord simplement diadémées, sont de plus en plus largement crêtées, soit de tresses flammées comme à Angkor Vat ou Prah Palilay, soit d’une auréole continue et purement ornementale comme à Beng Méaléa : en cette période (première moitié du XIIe siècle), le col est nu et d’une courbe parfaite. Peu après – par exemple à Bantéay Samrè –, le nâga est craché, comme aux bordures des frontons, par une sorte de dragon, une tête de Kâla apparaît sur la nuque, et un petit garuda sur la crête axiale. Dans le style du Bayon, ce dernier élément devient dévorant, le nâga n’est presque plus qu’un accessoire, chevauché par un garuda énorme : même supérieurement exécuté comme à la terrasse du Srah Srang, le motif perd toute simplicité de ligne, devient lourd et confus. Aux portes d’Angkor Thom et de Prah Khan, le nâga porté par les devas et les asuras n’offre aucune particularité nouvelle ; mais sur certains ponts d’anciennes chaussées khmères, probablement d’époque tardive, les têtes du nâga protègent une image du Bouddha. Les deux nâgas aux queues enroulées de Néak Péan, dépouillés de toute ornementation, s’apparentent par leur nudité même au nâga Mucilinda, abritant de ses têtes éployées la méditation du Bouddha. Le lion. Les lions, gardiens des temples dont ils ornent l’entrée de part et d’autre des perrons, sont, à vrai dire, assez médiocres. Inconnus dans la faune indochinoise, ils
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