NOV. | DÉCEMBRE 2023
OUTRE-MER
OcéIndia
grandeur Nature
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT n°19
ÉDITO | Ben Issa Ousseni, président du Département de Mayotte GUADELOUPE | l ’ îlet C aret interdit d ’ accès jusqu ’ en janvier
UNE
MARTINIQUE | 12 % DU TERRITOIRE DÉSORMAIS INSCRIT À L’UNESCO !
SOMMAIRE
WALLIS-ET-FUTUNA | l ’ archipel qui rêve d ’ éco - villages
2 édito 3 actu outre-mer 5 Saint-Pierre-et-Miquelon 10 Saint-Martin 11 Saint-Barthélemy
14 20 26 30 40
Martinique Guadeloupe Guyane Île de La Réunion Mayotte
44 46 54 56
TAAF Polynésie française Nouvelle-Calédonie Wallis-et-Futuna
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OUTRE-MER grandeur Nature Au-delà de la réponse immédiate à la sécheresse, nous devons continuer à travailler sur les autres enjeux qui modèlent notre avenir, au rang desquels figure la protection des écosystèmes terrestres et marins. Nous savons que la préservation du patrimoine naturel est primordiale, non seulement pour notre génération, mais aussi pour les générations qui nous suivront. Or notre territoire connaît des problématiques liées notamment à la gestion des déchets et à la protection de la biodiversité. Le défrichement des forêts, qui entraîne une érosion des sols, une perte de ressource en eau et au final une dégradation du lagon, est un sujet préoccupant. Au cœur de notre action se trouve également la préservation de nos rivières, qui jouent un rôle vital pour de nombreuses espèces. Nous devons veiller à la qualité de l’eau de rivière pour assurer notre approvisionnement en eau potable et la survie de la faune et la flore qui en dépendent.
ÉDITO PAR BEN ISSA OUSSENI, PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE MAYOTTE Bordée d’un lagon de 1 500 km2, qui est l’un des plus grands lagons du monde, de mangroves, de plages et îlots de sable fin, surplombée des luxuriants monts Bénara et Choungui, Mayotte offre des paysages époustouflants, à couper le souffle. Mais derrière cette splendeur se cachent des enjeux pressants qui façonnent le destin de notre département. En effet, le 101ème département français fait face à un défi majeur : répondre aux besoins de développement économique et social durable de la population, dans un contexte de croissance démographique rapide alimentée par l’immigration clandestine, et de fortes menaces qui pèsent sur l’environnement. Notre territoire subit par ailleurs, tout particulièrement cette année, des pénuries d’eau persistantes qui mobilisent nos équipes au quotidien. Mayotte est ainsi confrontée à l’une de ses crises les plus graves, une crise de l’eau qui touche chaque foyer, chaque individu. Face à cette situation d’urgence, nous avons le devoir de renforcer notre engagement envers notre île.
La gestion des espaces naturels sensibles, des espaces agricoles et naturels périurbains, de la Réserve naturelle de l’Îlot M’bouzi (créée en 2007), du Parc naturel marin de Mayotte (en 2010), de la Réserve naturelle des forêts de Mayotte (en 2021) est une priorité pour notre département. Ces zones protégées nécessitent une attention particulière pour garantir leur biodiversité. Préservons notre île pour préparer l’avenir ! Le Conseil départemental de Mayotte a mené à bien la préfiguration de l’Agence régionale de la biodiversité (ARB) et nous sommes prêts à aller de l’avant. Nous savons que la réussite de cette entreprise dépendra du soutien de l’État. La mise en œuvre de cette agence permettra une coordination plus efficace des projets en faveur de la biodiversité à Mayotte. Elle renforcera notre capacité à protéger nos espèces endémiques, à préserver nos écosystèmes fragiles et à assurer un avenir durable pour notre île. Ces actions sont importantes tant pour assurer la survie de la faune et de la flore de Mayotte, que pour préserver la qualité de vie des habitants. Toutefois, nous ne pouvons relever seuls cette mission environnementale. Nous pensons que seule une action conjointe de toutes les parties prenantes peut être couronnée de succès. Enfin, dans cette période d’urgence, nous appelons l’ensemble de la population à faire preuve de solidarité, de patience, et de responsabilité dans l’utilisation de cette ressource précieuse qu’est l’eau. Ben Issa Ousseni
Couverture : Pitons du Carbet et montagne Pelée en arrière-plan. © Jean-Baptiste Barret / PNRM | Ben Issa Ousseni. © Département de Mayotte
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
LE SÉMINAIRE OFB « BIODIVERSITÉ ET OUTRE-MER : CHALLENGER L’AVENIR » L’Office français de la biodiversité (OFB) organise, en deux temps, un séminaire dédié à la biodiversité des territoires ultramarins. Le 24 novembre, à l’occasion du Salon des Maires (21-23 novembre, Portes de Versailles), l’établissement consacre une journée aux élus des Outre-mer, au Palais du Luxembourg. L’objectif est de présenter les outils proposés par l’OFB pour la mobilisation de la société, dont les dispositifs de financement, accessibles aux collectivités locales. L’opportunité également de prises de paroles par la présidente du conseil d’administration de l’OFB et la direction de l’établissement, ainsi que par des sénateurs.
Dans un deuxième temps, les 14 et 15 décembre, ce séminaire se poursuit par deux journées au Palais des Congrès de la Grande Motte (Hérault). Sous un angle plus technique, l’événement a pour ambition de construire une réflexion collective et de renforcer les synergies pour mieux accompagner les projets et politiques territoriales en faveur de la biodiversité. Ce séminaire a été conçu pour encourager la mobilisation des collectivités locales et autres partenaires ultramarins, et répondre tout particulièrement aux attentes des agents techniques. À cette occasion, les équipes OFB installées dans les trois océans seront présentes dans l’Hexagone aux côtés des partenaires de l’établissement. Au fil des speed meetings, ateliers, tables rondes et conférences, différents enjeux seront abordées et les outils dédiés présentés : financements, stratégie citoyenne, programmes européens, formations, restauration des écosystèmes, espèces protégées et espèces invasives, ou encore Agences régionales de la biodiversité (ARB). Plusieurs annonces sont attendues sur le renforcement des moyens financiers dès 2024.
+ d’info ici : Lien vers l’inscription obligatoire à ces événements de l’OFB dédiés aux outre-mer
ACTU OUTRE-MER
PENSER LA FORÊT DE DEMAIN DANS LES OUTRE-MER La forêt française est la quatrième d’Europe par sa superficie. Au sein de l’Hexagone, elle représente environ 17 millions d’hectares, soit près du tiers du territoire métropolitain. À la croisée d’enjeux aux intérêts à concilier, la forêt et les usages du bois jouent un rôle de plus en plus important dans les politiques de la transition écologique : pour décarboner le secteur économique de la construction, produire davantage d’énergie renouvelable, protéger la biodiversité ou encore relocaliser une industrie biosourcée. En outre-mer, les forêts de Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et La Réunion s’étendent sur 8,2 millions d’hectares, soit plus d’un tiers de la forêt française. La Guyane à elle seule est boisée à 99 %, avec un peu plus de 8 millions d’hectares de forêt. La France, qui est l’un des seuls pays européens à abriter des forêts tropicales, porte une responsabilité d’exemplarité en matière de gestion durable de ces écosystèmes précieux. Rappelons notamment qu’en moyenne, 1 m3 de bois, sur l’ensemble de sa durée de vie, stocke une tonne de CO2. + d’info ici : https://www.ecologie.gouv.fr/penserforet-francaise-demain
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OUTRE-MER grandeur Nature
© Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie
Miconia calvescens, appelé « cancer vert » à Tahiti. © César Delnatte
LES ASSISES DE L’ÉCONOMIE MARITIME INDOPACIFIQUE
LE RAPPORT DE L’IPBES 1 SUR LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES
La Nouvelle-Calédonie a tout récemment accueilli un événement prestigieux visant à mettre en lumière le dynamisme et la diversification de son économie maritime à l’échelle de l’Indopacifique. Les premières Assises de l’économie maritime indopacifique se sont ainsi déroulées à Nouméa du 25 au 27 octobre.
Fruit d’un travail de quatre ans qui a réuni 86 experts internationaux issus de 49 pays de toutes les régions du monde, le rapport d’évaluation sur les espèces exotiques envahissantes est publié. Il en ressort que « les EEE constituent une menace mondiale majeure pour la nature, les économies, la sécurité alimentaire et la santé humaine ». Dans cette évaluation, la plus complète jamais réalisée sur le sujet, on apprend que les EEE sont impliquées dans 60 % des extinctions d’espèces connues à l’échelle mondiale et que 90 % de ces extinctions sont observées dans les îles.
Ce rendez-vous unique organisé par le Cluster maritime de Nouvelle-Calédonie en partenariat avec le Gouvernement calédonien « a réuni entreprises, institutions régionales, internationales et experts du secteur, dans le but de créer des synergies et renforcer les liens au sein de l’économie bleue régionale ». En effet, la Nouvelle-Calédonie jouit d’une position géographique exceptionnelle, d’une zone maritime étendue d’environ 1 500 000 km 2 et de ressources naturelles marines riches et particulièrement variées, qui offrent un potentiel considérable pour l’économie de la mer. Les Assises, auxquelles ont participé en outremer les Clusters maritimes de Polynésie française, La Réunion et Mayotte ont servi de plateforme pour explorer et valoriser ce potentiel inépuisable.
L’outre-mer, principalement insulaire et caractérisé par de forts taux d’endémisme, est très impacté. Comme le précise le Comité français de l’UICN, « par exemple, à Tahiti, 40 à 50 espèces de plantes endémiques sont menacées de disparition par l’invasion de l’arbre miconia. Le rat noir, déjà responsable de nombreuses extinctions, menace de disparition plusieurs espèces d’oiseaux endémiques de La Réunion ou des îles du Pacifique. » + d’info ici : Le rapport de l’IPBES pour les décideurs Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques. 1
+ d’info ici : https://assises-maritime.nc/programme/
Ci-dessus : l’envahissante vigne marronne à La Réunion. © Yohann Soubeyran
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SAINT-PIERREET-MIQUELON LAURENT ECHENOZ, QUAND LA PHOTOGRAPHIE RENCONTRE LA SCIENCE E n 2013, L aurent E chenoz fait pour la première fois la rencontre du macareux moine, un perroquet de mer pélagique vivant dans l ’A tlantique N ord . D e ce coup de foudre, car c’en est un, naîtront une carrière dans la photographie animalière , un livre, une exposition et bien plus encore.
Engagé dans la Marine nationale, Laurent Echenoz est affecté à Saint-Pierre-et-Miquelon en 2013. Lors de son premier jour en bateau sur cet archipel tout nouveau pour lui, il observe un oiseau magnifique, le macareux moine et prend rapidement quelques photos. Des clichés décevants mais une rencontre bouleversante, de celles qui changent une vie. Très vite, le marin se fait photographe, s’équipe avec du matériel professionnel et part dès qu’il le peut à la recherche de cet oiseau marin. Au fil des ans, Laurent Echenoz voyage aux quatre coins du monde pour immortaliser par ses clichés les macareux moines dans leur quotidien. Des scènes de vie uniques lors des saisons de nidification, seules périodes où ces oiseaux s’installent à terre. Avec, très vite, la prise de conscience que cette espèce emblématique est également fragile et menacée d’extinction. De là naîtront une véritable collaboration avec des scientifiques et la publication d’un ouvrage, Puffin Dream, complété par une exposition photographique qui sillonne la France.
« JE SUIS DEVENU PHOTOGRAPHE GRÂCE À CET OISEAU » « Grâce à cette rencontre avec cet oiseau, je suis devenu photographe animalier. Au début, j’alternais entre ma profession de marin et la photo puis, il y a six ans, j’ai eu l’idée de réaliser l’ouvrage Puffin Dream. J’ai alors rencontré tous les spécialistes du macareux moine, participé sur le terrain à des missions scientifiques. Et pris conscience des enjeux. Au travers de mes images, j’ai alors cherché à sensibiliser à la fragilité de cet oiseau, aux menaces qui pèsent sur sa survie et celle de son écosystème. L’idée de l’exposition est née dans la foulée et c’est à Saint-Pierre-et-Miquelon qu’elle a été présentée cet été, là où tout a débuté pour moi ». Depuis deux ans, Laurent Echenoz a quitté la Marine nationale afin de se consacrer à sa passion pour la photographie animalière. Il s’attache désormais à temps plein à sensibiliser à la préservation de l’océan et de la faune marine. Rédaction : Mariane Aimar
Ci-dessus : cet oiseau marin est aujourd’hui une espèce menacée, considérée comme vulnérable par l’UICN. © Laurent Echenoz
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Macareux moines photographiés à Saint-Pierre-et-Miquelon. © Laurent Echenoz | Laurent Echenoz dans son cadre de travail. © Olivier Trible
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Le livre Puffin Dream est disponible dans 80 librairies et sur le site : https://www.echenoz-laurent.com
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PUBLI-COMMUNIQUÉ
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LA FLOTTE OCÉANOGRAPHIQUE FRANÇAISE, PRÉSENTE SUR LES TROIS OCÉANS L a F lotte océanographique française (FOF) opérée par l ’I fremer sillonne les mers du monde , des côtes au large et des abysses à la surface , pour explorer et observer , pour mieux connaître et protéger notre océan fragile . Seule flotte unifiée en Europe, fruit de siècles d’histoires d’explorations, la FOF tire sa singularité de sa capacité à explorer les trois grands océans du globe (Atlantique, Indien et Pacifique), mais aussi de la diversité de ses missions, de ses usagers et de ses partenariats. L’Ifremer opère cette flotte unifiée avec l’aide de sa filiale Genavir. La FOF se compose notamment de quatre navires hauturiers (Marion Dufresne, Pourquoi pas ?, L’Atalante, Thalassa) et de sept navires côtiers opérant en métropole et en outre-mer, dont l’Antéa. Elle est également équipée d’engins plongeant à 6 000 mètres (robot Victor 6000, sous-marin habité Nautile , engin autonome Ulyx), et de systèmes mobiles (sismiques pour visualiser les structures géologiques, système Penfeld pour mesurer des paramètres du sous-sol sous-marin). Depuis 2018, la FOF est une très grande infrastructure de recherche dont la gestion est confiée à l’Ifremer par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Sa gouvernance associe aux côtés de l’Ifremer, le CNRS, l’IRD et le réseau des universités marines, au profit d’une communauté de plus de 3 000 scientifiques français. Chaque année, environ 350 publications se nourrissent des données récoltées lors des campagnes en mer.
L’ANTÉA, NAVIRE ULTRAMARIN PAR EXCELLENCE Arrivé à Nouméa fin 2022, l’Antéa a pris la suite de l’Alis dans le Pacifique Sud. Ce navire de 35 mètres est capable d’opérer à la fois près des côtes, grâce à son faible tirant d’eau, et au-delà du plateau continental avec 18 jours d’autonomie. Il peut accueillir jusqu’à neuf scientifiques et dispose de deux laboratoires pour effectuer un large éventail de missions scientifiques en mer. Grâce au robot hybride Ariane à son bord, l’Antéa étudie les fonds marins, analyse les courants, ou encore prélève du plancton. En 2023, l’Antéa aura assuré près de 160 jours de mission en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et en Papouasie Nouvelle-Guinée. Un second navire, L’Atalante, bateau hauturier, assure également une présence ultramarine régulière. Il navigue en moyenne une année sur quatre dans le Pacifique. Le Pourquoi pas ? y fera aussi des incursions en 2024. + d’info ici : Découvrir la FOF en quatre minutes https://www.flotteoceanographique.fr/ www.ifremer.fr/fr/flotte-oceanographique-francaise (Re)lire le communiqué de presse sur l’Antéa
De gauche à droite : le navire amiral Pourquoi pas ? © Ifremer / Olivier Dugornay | L’Antéa dans les eaux calédoniennes. © Ifremer
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• De grands chantiers sont-ils à venir sur certains navires et engins ?
Portrait : © Ifremer / Stéphane Lesbats
- Plusieurs grands projets sont déjà lancés. Le contrat de construction du premier des nouveaux navires régionaux a été signé en mai. Ce navire polyvalent de 40 mètres à propulsion hybride viendra remplacer Thalia en Manche Atlantique en 2025. Il devrait apporter une diminution de 30 % des émission de CO2 en route, 50 % en station, par rapport à un navire classique. Il se rendra aux Antilles tous les deux ou trois ans pour réaliser des campagnes côtières.
INTERVIEW OLIVIER LEFORT, DIRECTEUR DE LA FLOTTE OCÉANOGRAPHIQUE FRANÇAISE OPÉRÉE PAR L’IFREMER • Quels sont les grands axes de la prospective actuellement en cours à la FOF ? - Aujourd’hui, nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Agir significativement nécessite d’imaginer les futurs grands navires qui entreront en flotte à l’horizon 2030, comme beaucoup plus vertueux. Les quatre navires actuels représentent 80 % de nos émissions.
Nous avons ainsi lancé en mars 2023 une démarche de prospective associant l’ensemble de nos utilisateurs. Elle se décline en trois axes : scientifique, technologique et partenarial. Plus de 100 personnes y sont impliquées, un séminaire fin janvier 2024 dégagera des voies majeures. Elles seront traduites en scénarios techniques et financiers d’ici l’été 2024, discutés ensuite avec nos tutelles, pour décider d’ici la fin 2024 d’une nouvelle feuille de route qui nous portera à 2035.
Côté systèmes sous-marins, le drone sous-marin Ulyx, capable de descendre à 6 000 mètres pour réaliser de la cartographie ou de la détection optique et disposant d’une autonomie décisionnelle unique au monde, a réussi avec succès cet été ses premières plongées à 6 000 mètres. L’avenir, c’est également le projet d’un nouveau navire régional en Pacifique Sud, dont la construction a été annoncée cet été à Nouméa par le président de la République. Il remplacera l’Antéa dans quelques années.
• Auriez-vous une campagne scientifique en outre-mer qui aurait marqué votre esprit depuis la création de la FOF ? - Il n’y en a pas une en particulier, car toutes sont différentes et uniques. Je dirais simplement que lorsque l’on regarde la trace des campagnes scientifiques françaises depuis presque 100 ans sur une carte du monde, je suis toujours fasciné de voir comment l’activité de recherche en mer française s’est historiquement construite autour de zones de travail situées principalement dans les outre-mer, depuis les Antilles jusqu’au Pacifique, en passant par l’océan Indien Sud. C’est une fierté pour nous d’encourager au quotidien les équipes scientifiques de métropole et des outremer dans ces territoires si divers.
Rédaction et interview : Érick Buffier / Ifremer
Mais nous sommes persuadés que la technologie ne règlera pas tout et qu’il faut imaginer d’autres façons de travailler. Cela passe, à côté de l’introduction d’outils de type drones ou du recours plus important à la télé-présence, par une organisation des campagnes qui minimise encore plus les transits, voire la délégation de certaines mesures à des voiliers par exemple.
Le Pourquoi pas? , qui sillonne l’océan Atlantique, la Méditerranée et l’océan Indien, sera modernisé fin 2024. Les équipements scientifiques seront tous remplacés, le navire subira une cure de jouvence pour continuer de naviguer encore 20 ans.
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SAINT-
MARTIN PRÉSERVER LES PLAGES POUR SAUVER LES TORTUES MARINES
Écovolontaire observant une trace de tortue marine sur l’îlot inhabité de Tintamarre, dont le littoral est classé en Réserve naturelle. © AGRNSM
Aménagement des plages, abattage des arbres, chiens errants, bruit et lumière sont autant de menaces qui pèsent sur les tortues marines. Les agents de la Réserve naturelle nationale (RNN) de S aint -M artin , accompagnés d ’ écovolontaires , sensibilisent les résidents et les touristes à la protection des tortues et de leurs habitats . les populations et sensibiliser les usagers des sites de ponte, résidents comme touristes. Sur les sept espèces mondiales de tortues marines, cinq viennent à Saint-Martin, dont trois pour pondre sur nos plages : la tortue verte, la tortue imbriquée et la tortue luth. De mars à novembre, une trentaine d’écovolontaires et les agents de la Réserve parcourent toutes les plages de la partie française de l’île, qui sont des sites de ponte. Le but est de relever les traces sur le sable de chacune des espèces pour documenter leur présence. Selon l’état du nid, on peut aussi deviner s’il y a eu ponte ou pas.
• Est-il difficile de protéger les femelles en période de ponte ?
INTERVIEW AUDE BERGER, CHEFFE DE PROJETS AU PÔLE SCIENTIFIQUE DE L’ASSOCIATION GESTIONNAIRE DE LA RNN DE SAINT-MARTIN • Vous coordonnez un réseau de volontaires qui documentent la saison de ponte des tortues marines sur les plages de Saint-Martin. Comment se déroulent ces sessions d’observation ? - L’association mène différentes actions pour augmenter les connaissances sur les tortues de mer, préserver
- C’est très compliqué, de fortes menaces pèsent sur les femelles et sur les tortues en général. La première menace est la destruction de leurs habitats avec, par exemple, les aménagements des plages, la coupe des végétations en haute plage, la construction de murs encerclant des habitations ou les espaces publics comme les restaurants… L’exploitation des plages, entraînant de la lumière et du bruit, dérange fortement la ponte des tortues. Les animaux domestiques sont aussi une importante menace. Qu’ils soient divagants – non sous la surveillance de son maître – ou errants, les chiens n’ont pas leur place sur les plages. Ils s’attaquent aux juvéniles lors de la sortie du nid ou aux femelles qui montent pour pondre, parfois jusqu’à les tuer. Rédaction et interview : Marion Durand
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SAINTBARTHÉLEMY Parmi les multiples espèces à découvrir dans le guide, le colibri huppé (8 à 10 cm) vit aux Petites Antilles, aux Îles Vierges et à Porto Rico.
À S aint -B arthélemy , K arl Q uestel , garde et chargé de mission à l ’A gence territoriale de l ’ environnement (ATE), a réalisé un travail incroyablement minutieux d ’ inventaire de la biodiversité locale , qu ’ elle soit marine ou terrestre . D écouverte d ’ un outil numérique et évolutif , mis à jour récemment et qui ravira les passionnés de la faune et la flore de l ’ île .
TÉMOIGNAGE
Le gobie tête de requin, d’environ 4 cm de long, a pour habitat les têtes de coraux, rochers et grosses éponges. © Karl Questel
KARL QUESTEL, GARDE ET CHARGÉ DE MISSION À L’ATE DE SAINT-BARTHÉLEMY « Découvrez le “Guide photo de la biodiversité de Saint-Barthélemy” en version 1.3. Il présente 2 208 taxons, dont 1 649 animaux et 559 autres, tels que des plantes, des champignons et des algues. Avec plus de 3 702 photographies, que j’ai prises au fil de plus de 20 ans de collectes, cette édition comporte des corrections, de nouvelles espèces et encore plus de photos que la précédente. Explorez ce guide complet qui s’étend sur plus de 600 pages au format A4 pour mieux connaître la biodiversité de Saint-Barthélemy. » Rédaction : Stéphanie Castre
+ d’info ici : Lien de téléchargement du Guide photo
Photographies : © Karl Questel
LA BIODIVERSITÉ MARINE ET TERRESTRE DE L’ÎLE DANS UN GUIDE PHOTO
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TERRE OUTRE-MER
R at noir, moustique tigre, chat sauvage, miconia , poisson lion... sont quelques- unes des espèces exotiques envahissantes les plus nocives outre - mer . L eurs impacts sont majeurs sur les espèces locales, la santé ou même l’économie de ces territoires. Les invasions biologiques sont d’ailleurs considérées outre-mer comme la menace numéro un, ex aequo avec la déforestation et la bétonisation des espaces naturels. Pourtant, malgré le danger, elles se répandent bien souvent dans l’indifférence. C’est pourquoi un rapport sur les espèces exotiques envahissantes est publié par l’IPBES. La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, souhaite ainsi sensibiliser les décideurs. En France, ce rapport sera décrypté par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Sa directrice générale, Hélène Soubelet :
Il y a énormément d’espèces exotiques envahissantes. On parle de 4 000 espèces pour la France, donc c’est énorme en fait. C’est vrai que les gens ne connaissent pas toutes ces espèces. Parfois les espèces envahissantes ou exotiques sont jolies, sont sympathiques donc on a envie de les avoir chez soi, d’en fleurir des villes ou de les introduire. Et donc, il faut que la connaissance passe dans le grand public et auprès des décideurs ». Pour lutter contre le dérèglement climatique, la pollution ou encore la déforestation, le message est simple : il faut préserver la nature. Alors que pour résister aux invasions biologiques, il faut couper des plantes voire même tuer des animaux. Un geste compliqué pour beaucoup d’entre nous, ce qui peut expliquer, en partie, la difficulté de se saisir du problème des espèces exotiques envahissantes.
Ce texte est issu de la chronique radio « Terre Outre-mer » présentée par Caroline Marie à écouter sur La1ere.fr , l’offre numérique Outre-mer de France Télévisions
Interview : Caroline Marie
« Oui, il existe des solutions qui passent par de la prévention, c’est-à-dire qu’on connaît les mécanismes d’introduction des espèces sur le territoire : par exemple dans les eaux de ballast, ou encore les jardineries où des espèces peuvent être exotiques et ensuite devenir envahissantes... La recommandation serait d’éviter de choisir ces espèces quand on veut
les planter dans son jardin, ou de choisir ces espèces quand on est un maire et qu’on a besoin de replanter des arbres.
Photo : arrachage de la liane rouge par des bénévoles à Dos d’Âne, île de La Réunion. © SREPEN
LUTTER CONTRE LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES
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MARTINIQUE
INSCRIPTION AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO : CONCILIER DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE ET PROTECTION DES ESPACES NATURELS
Depuis le 16 septembre 2023, les volcans et forêts de la Montagne Pelée et les pitons du nord de la M artinique sont inscrits au P atrimoine mondial de l ’UNESCO. L e P arc naturel régional de la M artinique (PNRM) a joué un rôle déterminant dans cette inscription . Rédaction et interview : Axelle Dorville
Photographies : Jean-Baptiste Barret / PNRM
Ci-dessus : le massif du mont Conil fait partie des pitons du nord de la Martinique classés par l’UNESCO. © Jean-Baptiste Barret / PNRM
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INTERVIEW FÉLIX ISMAIN, PRÉSIDENT DU PARC NATUREL RÉGIONAL DE LA MARTINIQUE (PNRM) • En quoi a consisté l’implication du PNRM dans l’inscription du bien au Patrimoine mondial de l’UNESCO ? - Le projet de reconnaissance au Patrimoine mondial des volcans et pitons du nord de la Martinique date de 2010. Afin de traduire cette volonté politique en démarche administrative, la Région – devenue Collectivité territoriale de Martinique – a confié la maîtrise d’ouvrage déléguée du projet au PNRM, c’est-à-dire la gestion financière, juridique et technique. Le recrutement de chargés de mission dédiés ainsi que le travail engagé avec les partenaires du territoire – notamment les scientifiques que je tiens à remercier – nous a permis d’aboutir, 13 ans plus tard, ce 16 septembre 2023, à l’inscription à l’UNESCO qui reconnaît l’exceptionnalité du bien et la nécessité de le protéger.
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Seuls les aspects géologiques et de biodiversité ont été conservés de façon à accélérer le processus d’inscription. Au niveau géologique en effet, rappelons que l’épisode éruptif tristement célèbre de la Montagne Pelée en 1902 a conduit à la formation des pitons du nord, qui sont uniques au monde.
• Comment est-il prévu de concilier augmentation de la fréquentation et préservation des milieux ? - La Martinique présente des niveaux d’endémisme remarquables. Si l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO contribuera sans aucun doute au développement économique de la zone, la protection du bien demeure un axe majeur du plan de gestion porté avec la DEAL, la CTM et l’ONF. Le prolongement de la zone classée en Réserve biologique intégrale est notamment prévu avec une gestion d’ores et déjà actée avec les partenaires idoines. Une clause de revoyure en 2025 avec l’UICN permettra de réaliser un état d’avancement des projets de protection.
• Quels ont été les défis de cette démarche ? - Un travail de longue haleine a été nécessaire afin, dans un premier temps, d’inscrire le projet sur la liste des biens français en 2014, puis de convaincre l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) de la Valeur unique exceptionnelle (VUE) du bien et de fédérer les scientifiques autour de ce projet. L’inscription du bien portait à l’origine sur trois aspects : la valeur culturelle, la valeur géologique et la biodiversité.
La fleur boule montagne (Lobelia conglobata) est une espèce végétale endémique stricte de la Martinique. Classée vulnérable par l’UICN sur la Liste rouge des espèces menacées en France, on la retrouve notamment sur les sentiers des Pitons du Carbet. © César Delnatte
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Vue aérienne du sommet de la montagne Pelée, point culminant de la Martinique (1 397 mètres), depuis le nord. © Jean-Baptiste Barret / PNRM
L’inscription des forêts et volcans de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique au Patrimoine mondial de l’UNESCO comporte un défi majeur : parvenir à concilier augmentation de la fréquentation touristique (+40 % de visites prévues) et préservation de la richesse naturelle du bien. La création d’un sentier de grande randonnée à plusieurs étapes est ainsi un projet structurant pour les communes de la zone d’adhésion du bien, dans lesquelles pourraient se développer des activités d’hébergement, de création artisanale, restauration, transport, loisirs et de guides accompagnateurs, pour répondre aux besoins des visiteurs. Le plan de gestion du bien, dont les actions sont coordonnées par le PNRM, entend répondre à cette ambition de développement d’un tourisme durable parallèlement à la protection et la conservation de la biodiversité des milieux. Dans une logique de préservation de la Valeur unique exceptionnelle du bien, la mise en place de mesures de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, l’inventaire des menaces ainsi que la restauration des milieux dégradés sont des actions prioritaires.
L’amélioration de la connaissance des espèces de la faune et de la flore, des habitats naturels et de la géologie de la zone, constitue un deuxième axe de ce plan de gestion, qui sera renouvelé tous les six ans. Afin de faire de la protection de cette zone un véritable projet de territoire, le troisième axe du plan de gestion prévoit la sensibilisation à la richesse naturelle et culturelle de l’île, par le biais de l’éducation à l’environnement en collaboration avec des associations du territoire, ou à titre d’exemple, la mise en place de signalétique de sensibilisation. Les porteurs de projet de la zone d’adhésion du bien sont accompagnés par le PNRM, chargé d’organiser le développement d’un tourisme durable en lien avec l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Enfin, le cinquième axe du plan de gestion, dédié à la coopération internationale, devrait permettre la mise en place de partenariats scientifiques avec la Dominique et Sainte-Lucie, qui possèdent également des biens naturels inscrits. Par exemple, la Martinique et ces deux pays voisins coopèrent sur un projet d’amélioration de la connaissance des mousses et champignons des forêts des trois îles, encore peu connus.
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Ci-dessus : le nord-ouest de la Martinique vu depuis le canal de la Dominique. | Ci-dessous : versant nord-ouest de la montagne Pelée, au pied du mont Conil, dans la commune du Prêcheur. Photographies : © Jean-Baptiste Barret / PNRM
En lien avec l’Association des biens français du Patrimoine mondial, le PNRM anticipe des mesures de régulation de l’afflux touristique, si celui-ci venait à devenir trop important et à générer des menaces pour les milieux et espèces.
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LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, ÉLUE À LA PRÉSIDENCE D’INTERCO’ OUTRE-MER D epuis 2001, I nterco ’ O utre - mer offre un cadre privilégié d ’ échanges pour construire et promouvoir l ’ intercommunalité dans les départements et régions d ’ outre - mer (DROM) et nourrir les travaux des institutions publiques et élus nationaux . É lue en octobre à la présidence de l’association, Lyliane Piquion-Salomé nous partage sa vision et son engagement. de manière collégiale entre les intercommunalités, tout en prenant en compte les spécificités de chaque territoire ultramarin.
• Quels sont les projets qui vous tiennent particulièrement à cœur d’accompagner ou de concrétiser ? - Plusieurs projets m’interpellent, en particulier le foncier et les risques majeurs en outre-mer. Les problèmes du foncier en outre-mer sont d’une complexité certaine et il nous faut, dans les meilleurs délais, renforcer ce dossier et appliquer des solutions pérennes adaptées à nos DROM. Cette préoccupation est d’ailleurs partagée par tous les élus de France car le foncier est la matière première de l’aménagement et du développement de nos territoires. Les transformations environnementales et climatiques en font une matière particulièrement sensible plus encore à l’heure du « zéro artificialisation nette ».
Rédaction et interview : Sandrine Chopot
INTERVIEW LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION INTERCO’ OUTRE-MER • Quel cap souhaitez-vous donner à Interco’ Outre-mer ? - Mon objectif et ma préoccupation sont que les intercommunalités d’outre-mer adhèrent à la nécessité de travailler ensemble. Être à leur écoute et faire avancer leurs dossiers de manière concrète. Je souhaite également que l’État fasse une application pragmatique du tronc commun de ce qui est énoncé
Je souhaite que les propositions, présentées aux sénateurs et à Madame la Première Ministre soient déclinées en actions. L’aide de l’État sur le foncier demeure insuffisante. Nous avons besoin de tous les services de l’État, des collectivités, des entreprises locales, des techniciens, de la population pour que le foncier devienne une priorité. Aujourd’hui, on ne parle plus de logement mais d’habitat, on pense le logement dans un environnement. Il s’agit dans les outre-mer d’utiliser des matériaux locaux, biosourcés, à moindre empreinte carbone, de privilégier le cadre de vie, les ventilations naturelles pour lutter contre le changement climatique. C’est la bonne direction à prendre, mais les choses ne se mettent pas en place assez vite. La prise de conscience environnementale doit être partagée par tous.
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Ce document inédit, présenté notamment aux sénateurs et à la Première ministre, est consultable ICI. | Une partie du bureau d’Interco’ Outre-mer, avec de gauche à droite : Attoumani Black (CCSud), Claude Plenet (CACL), Maurice Gironcel (CINOR), Lyliane PiquionSalomé (Cap Excellence), Eugène Larcher (CAESM) et Joseph Peraste (CAP Nord Martinique). © Interco’ Outre-mer
Pour faire avancer les choses, il faut que les élus s’entourent de techniciens, afin de répondre ensemble au plus près des besoins des populations ultramarines, car c’est le terrain qui apporte la technicité. Enfin, un partenariat public-privé semble nécessaire à la bonne réalisation de ces travaux. Concernant les risques majeurs – cyclones, séismes, montée des eaux, recul du trait de côte… – dans la continuité du Programme d’actions de prévention des inondations (PAPI), la Communauté d’agglomération Cap Excellence en Guadeloupe s’engage, par exemple, dans un second programme PAPI à l’échelle de son périmètre administratif sur la période 2024-2029. Là aussi, nous devons mutualiser les intelligences et les savoir-faire de chacun pour atteindre des résultats efficients.
Je souhaite que nous lancions des actions concrètes, qui soient accompagnées de suivis et de contrôles. Sur les risques majeurs, non seulement il en va de l’intérêt des populations, mais nous sommes sur une autre temporalité : la hausse du niveau de la mer, l’érosion marine, le changement climatique, etc. sont des phénomènes qui engagent également les générations futures. La temporalité dépasse nos propres existences.
Enfin, sur l’ensemble de nos sujets, nous souhaitons travailler plus efficacement avec l’État et obtenir de meilleurs résultats. Le transport est une vraie problématique dans nos DROM. Si nous ne réagissons pas, nous risquons d’arriver à une sorte de « coma » circulatoire. Il faut donc utiliser la mer autrement, en respectant l’environnement. Le recours à l’hydrogène est une voie possible à laquelle nous devons réfléchir. La mise en place d’un partenariat public-privé pour avancer efficacement sur le sujet me semble nécessaire.
• Un message aux intercommunalités d’outre-mer ? - Le but est de réussir à travailler ensemble sur les sujets communs, cela fait partie de mes missions.
Lors de la XIIème Conférence Interco’ Outre-mer, qui a eu lieu en Guadeloupe du 16 au 20 octobre 2023, l’association a réuni ses adhérents sur le thème « Valeurs, projets et réalisations ». © Charles Samathy
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GUADELOUPE L’ÎLET CARET, EMBLÈME DU GRAND CUL-DE-SAC MARIN, FERMÉ PLUSIEURS MOIS
Le débarquement est interdit pour quatre mois sur l’îlet Caret.
L’îlet Caret est un joyau naturel de la Guadeloupe qui attire depuis 50 ans marins-pêcheurs, locaux et touristes . S on cadre enchanteur permet des journées d ’ évasion entre eaux turquoise et sable blanc. Une carte postale menacée par l’érosion littorale et la dégradation des récifs qui est , pour la première fois de son histoire , fermée au public pour quatre mois . Situé dans le Grand Cul-de-sac marin, l’îlet Caret est rattaché à la commune de Sainte-Rose et a été confié par l’État en 2010 à la protection du Conservatoire du littoral. Il fait également partie de l’aire marine adjacente du Parc national de la Guadeloupe et attire chaque année des milliers de visiteurs. Au fil des ans, cet îlet a connu une hyperfréquentation dans le cadre d’événements nautiques, mais aussi, tous les weekends, le débarquement de dizaines de personnes. Jusqu’alors protégé par la plus longue barrière de corail des Antilles, l’îlet n’a cessé depuis 20 ans de voir sa surface diminuer.
Le récif s’est en effet fortement dégradé du fait des pollutions, des cyclones, du dérèglement climatique et la surface de l’îlet est passée de 1,6 hectare dans les années 1960 à 4 000 m 2 aujourd’hui. Cet îlet est également mobile, changeant de forme et se déplaçant chaque année. Pour tenter d’enrayer sa disparition et la perte de la biodiversité qu’il abrite, la commune de Sainte-Rose a pris un arrêté de fermeture interdisant tout débarquement durant quatre mois, soit du 15 septembre 2023 au 15 janvier 2024. Une décision qui pourrait bien être reconduite et modifier considérablement les usages du site.
L’îlet Caret avant le démontage des structures mené en septembre 2023. © Conservatoire du littoral | Photo en haut : © Mairie de Sainte-Rose
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TÉMOIGNAGES
ADRIEN BARON, MAIRE DE SAINTE-ROSE « CETTE FERMETURE EST UN PARI » « L’îlet Caret fait partie du patrimoine naturel de la commune et par le passé, c’était un grand îlet. Les pêcheurs saintois et désiradiens y avaient construit une cabane dans laquelle ils dormaient lors des campagnes de pêche. Les Guadeloupéens sont toujours nombreux à y venir le week-end, mais sa surface diminue et le mouvement semble quasiment irréversible. C’est pourquoi cette année, il s’est révélé indispensable de le fermer pour lui donner une chance de se régénérer. Mais c’est un pari que nous avons fait, car les projections réalisées sur l’avenir de l’îlet sont pessimistes et ces quatre mois ne suffiront certainement pas à endiguer sa disparition. »
FERDY LOUISY, PRÉSIDENT DU PARC NATIONAL DE LA GUADELOUPE « JE RESTE CONFIANT» « L’érosion littorale touche tous les îlets du Grand Cul-de-sac marin, mais l’îlet Caret est celui qui disparaît le plus rapidement. C’est pourquoi depuis 2018 le Parc national a mobilisé tous les acteurs impliqués pour élaborer un Schéma d’intervention opérationnel pour la gestion durable du Grand Cul-de-sac marin. Cette fermeture de l’îlet permettra de réduire les pressions et, à l’issue des quatre mois, nous évaluerons la situation notamment à l’aide de suivis réalisés avec des drones. Cette mesure pourra être reconduite, soit dans le temps, soit chaque année. À l’heure actuelle, je reste confiant. Si nous mobilisons tous les acteurs, nous parviendrons à inverser la courbe de l’érosion. » Déplacement de l’îlet Caret au fil des ans. © C. du littoral
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TÉMOIGNAGES
© Image d’archive de la famille Brumant
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Il y a 50 ans, l’îlet Caret offrait une végétation typique des îlots du Grand Cul-de-sac marin. Les cocotiers ne sont apparus que bien plus tard, plantés par la main de l’homme.
MEDHY BROUSSILLON, DÉLÉGUÉ ADJOINT OUTRE-MER DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL « REPLANTER POUR RÉTABLIR LES ÉQUILIBRES ÉCOLOGIQUES » « Depuis la fermeture, nous avons procédé au démontage des cabanes sauvages installées au fil des ans par les usagers du site. Nous souhaitons également recréer trois strates de végétation en favorisant un développement de la végétation rase, arbustive et arborescente. Patates bord de mer, pois sabre et pourpiers pour stabiliser le sable et plants forestiers qui assureront de l’ombrage et un abri pour la nidification des oiseaux. Après la fermeture, nous évaluerons l’état du site et définirons une stratégie d’accueil du public. Débarquement possible ou pas, nous ne le savons pas encore, mais si cela venait à être le cas, ce serait sans doute sur une zone limitée et avec des périodes annuelles de fermeture. »
MARIE-LAURE CIPRIN, PRÉSIDENTE DU CLUSTER MARITIME GUADELOUPE « IL FAUT ARRÊTER D’OPPOSER ÉCONOMIE ET ÉCOLOGIE » « Face à la dégradation de l’îlet Caret, les socioprofessionnels que je représente ont proposé des solutions il y a trois ans. Le Cluster a travaillé sur un projet d’éco-plateformes maritimes installées avec un système de technopieux. L’objectif était que l’on ne débarque plus sur l’îlet afin qu’il reste une vitrine. Notre projet a trouvé son financement à 90 % et a même été validé par les ministères de la Mer, des Outre-mer et de la Transition écologique, dans le cadre de l’appel à projets d’expérimentation des Plateformes offshore multi-usages (POMU). Nous n’avons malheureusement pas reçu, à ce jour, de notification concernant ce projet, de la part des services de l’État. Aujourd’hui, l’îlet est fermé temporairement et les prestataires touristiques sont inquiets de son devenir car il constitue un élément essentiel de l’attractivité du Grand Cul-de-sac marin. » Rédaction et interviews : Mariane Aimar
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Ci-dessus, de gauche à droite et de haut en bas : par le passé, l’îlet Caret abritait une vaste cocoteraie et une petite mangrove. © Image d’archive de la famille Brumant.| L’îlet en 2015 : les cocotiers sont encore présents, mais l’érosion littorale est déjà bien marquée. © Mariane Aimar | Cette photo prise en 2016 illustre bien la disparition et le déplacement du sable sur l’îlet. Les carbets occupaient auparavant une large bande de sable. © Mariane Aimar | Revégétaliser l’îlet, une priorité pour maintenir le sable. © Parc national de la Guadeloupe
L’îlet Caret est fermé, mais les usagers peuvent utiliser les bouées d’amarrage gratuites installées par le Parc national. © Mariane Aimar
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OUTRE-MER grandeur Nature + d’info ici : www.cirad.fr
DÉVELOPPER DES VARIÉTÉS D’AGRUMES PLUS RÉSISTANTES
Cellule d’agrume dont les pores sont bouchés par le HLB. Cette obstruction limite le transport des nutriments nécessaires au développement sain des fruits. © Cirad
Causé par un insecte appelé psylle, le Huanglongbing (HLB) est une maladie bactérienne responsable de la mort des cultures d’agrumes. Le Cirad explore l’association de nouvelles variétés plus tolérantes à cette maladie , à des systèmes de cultures agroécologiques . Aujourd’hui, du fait de l’impossibilité de traiter chimiquement le HLB, l’élimination des arbres malades, leur remplacement par des plants sains certifiés et le traitement avec des insecticides visant le psylle, est la méthode privilégiée. Si ces solutions permettent de coexister avec la maladie, elles ne constituent cependant pas une solution à long terme. Les chercheurs du Cirad travaillent au développement de méthodes plus durables, avec un impact écologique minimal.
Les psylles sont des insectes de l’ordre des hémiptères, qui s’alimentent par succion de la sève des feuilles et tiges des agrumes. Ils sont responsables de la transmission de la bactérie Candidatus Liberibacter, à l’origine de la maladie HLB. © Cirad
SATURNIN BRUYÈRE, INGÉNIEUR TECHNICIEN SPÉCIALISTE DES AGRUMES « Je me consacre au développement de parcours techniques de production et à l’évaluation de variétés d’agrumes polyploïdes. Les triploïdes sont des agrumes possédant plusieurs lots de chromosomes leur conférant des cellules plus grandes et des vaisseaux plus gros, qui les rendent moins sensibles à la bactérie. Le Cirad a cherché à évaluer, sur le terrain en Guadeloupe, la tolérance au HLB de variétés polyploïdes de porte-greffes, ainsi que de nouvelles variétés de limettiers, de mandariniers, de pomélos et d’orangers. Afin de pouvoir optimiser la conduite de ces variétés, mon travail consiste à tester différents itinéraires techniques de production, particulièrement en agriculture raisonnée, qui est plus économe en intrants et réduit l’utilisation de pesticides. Le but est aussi d’expérimenter des pratiques visant à accroître la productivité des arbres, par la taille par exemple. »
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CLAIRE AMAR, CHERCHEURE AGRONOME, CHARGÉE DE COOPÉRATION RÉGIONALE
BARBARA HUFNAGEL, GÉNÉTICIENNE « Afin de faire émerger des solutions durables pour l’agrumiculture, qui est la culture des agrumes, le Cirad s’efforce de développer des cultivars entièrement résistants au HLB, en croisant des agrumes résistants avec des porte-greffes ou des variétés traditionnelles, telles que des orangers, des mandariniers, des citronniers et pamplemoussiers. En tant que généticienne, j’ai pour mission de déchiffrer les bases génétiques de la résistance des agrumes à la maladie HLB. En utilisant la ploïdie, qui correspond au nombre de lots de chromosomes dans une cellule, nous pouvons favoriser la tolérance d’un agrume au HLB.
« Mon travail en Martinique est complémentaire aux activités de recherche et investigations scientifiques menées en Guadeloupe. Nous cherchons à identifier les variétés hybrides les mieux adaptées à la maladie du citrus greening. Nous disposons d’une population restreinte de candidats potentiels que nous allons continuer à évaluer pendant une dizaine d’années, jusqu’à obtenir une innovation variétale répondant aux attentes en termes de qualités agronomiques (robustesse et tolérance aux maladies : HLB ou chancre critique) et pomologiques (couleur, calibre, goût, etc.). J’anime les programmes de coopération régionale menés dans le cadre de projets Interreg (BIO2D, AUSCAR) sur toute la zone caribéenne, soit 34 pays et territoires producteurs. Ces projets visent à évaluer de façon interactive et partagée le matériel innovant et prospecter les variétés d’intérêt. Le projet RITA, financé par le FEADER, est dédié au transfert d’informations avec les professionnels, notamment dans le cadre de visites bord champ et de réunions de restitution. Une évaluation participative avec des producteurs de Guadeloupe et le lycée agricole est lancée, avec de premiers résultats prévus d’ici deux à quatre ans. »
Ci-dessus, de gauche à droite : dans le cadre du programme d’amélioration du Cirad, des variétés d’agrumes plus tolérantes sont testées, étudiées en pépinière et plantées sur une parcelle d’expérimentation. 436 arbres ont été plantés depuis 2015 dans le cadre des programmes de lutte contre le HLB. © Cirad | Dans le fruit, le HLB se manifeste par un développement asymétrique, une coloration partielle, une plus petite taille, une déformation de l’axe central (appelé columelle), des graines avortées et un goût amer. © Cirad
Rédaction : AxelleDorville
Certaines espèces d’agrumes originaires d’Océanie, telles que le citron caviar, ou encore Citrus glauca, Citrus inodora et leurs hybrides, ont montré différents niveaux de résistance stricte au HLB, que ne présentent pas les agrumes commerciaux. Ces espèces fournissent alors des ressources génétiques précieuses pour la sélection de cultivars résistants au HLB pouvant être utilisés comme porte-greffes. »
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GUYANE LA RÉSERVE DU GRAND-CONNÉTABLE, UN LIEU INCONTOURNABLE POUR LA SAUVEGARDE DES STERNES
Sternes royales et de Cayenne réunies sur l’île du Grand-Connétable.
G érée par l ’ association GEPOG, la R éserve naturelle nationale de l ’ île du G rand C onnétable est le plus grand espace marin protégé de G uyane . S ur sa partie terrestre constituée d ’ une île et d ’ un îlot , la réserve abrite six espèces nicheuses d ’ oiseaux avec , pour certaines , un enjeu de conservation à l ’ échelle mondiale . Historiquement le « rocher du Connétable », en tant que mont visible en mer, permettait aux navigateurs de se repérer sur le littoral essentiellement composé de mangroves. L’île a été, à partir du XVIIIème siècle, un site d’exploitation du guano, une matière provenant de l’accumulation d’excréments d’oiseaux marins et utilisée autrefois comme engrais dans l’agriculture. Cette activité industrielle a profondément modifié le paysage de l’île du Grand-Connétable et s’est arrêtée avec le développement des engrais chimiques au début du XXème siècle. Tombé dans l’oubli pendant près de 80 ans, le Connétable attire l’attention des ornithologues et est classé en Réserve naturelle nationale en 1992. « L’île du Grand-Connétable est située à une heure et demie de bateau de Cayenne. Lorsqu’on commence à apercevoir le rocher qui se décroche à l’horizon, les premières choses qui nous marquent, avant même de voir les milliers de frégates qui tournoient autour de l’île, ce sont l’odeur de guano et le bruit des oiseaux », nous raconte Marion Bonné, animatrice éducation à l’environnement et développement durable au GEPOG, le Groupe d’Étude et de Protection des Oiseaux en Guyane. Sur l’île d’environ trois hectares, six espèces d’oiseaux viennent nicher. On dénombre 2 000 couples de frégates superbes, 8 000 couples de sternes de Cayenne, 2 000 couples de sternes royales, 500 couples de mouettes atricilles, 120 couples de noddis bruns et quelques dizaines de couples de sternes fuligineuses.
Au niveau marin, la réserve, un des rares habitats rocheux du plateau des Guyanes, représente un refuge indispensable pour de nombreuses espèces : mérou géant, tortue verte, tarpon – qui est un poisson de très grande taille, pouvant atteindre 2,50 mètres – dauphin de Guyane, raie manta, etc.
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UN PROJET DE PLATEFORME POUR LUTTER CONTRE UNE ESPÈCE INVASIVE Au-delà du succès reproducteur, ces platef ormes dégagées ont également diminué les risques de prédation et concourent d’autant plus à la préservation des deux espèces d’oiseaux.
Malheureusement, les sites de ponte des sternes sont menacés par une espèce herbacée qui envahit l’île. « Pendant des années, nous avons désherbé en amont de la saison des pontes, mais il arrivait que l’herbe repousse avant l’arrivée des sternes ou que les sternes arrivent avant l’opération de désherbage, empêchant la nidification à même le sol », explique Marion Bonné.
L’équipe gestionnaire de la Réserve naturelle de l’île du Grand-Connétable travaille en parallèle sur de nombreux autres projets comme le comptage d’oiseaux, d’iguanes, le survol aérien pour recenser les raies mantas, mais également des actions de dératisation ou encore un projet de recherche sur la santé des frégates. Rédaction : Lucie Labbouz
Afin de lutter efficacement contre la végétation envahissante de l’île et garantir un espace aux couples nicheurs, une plateforme artificielle de reproduction a été aménagée sur 1 000 m². Ce projet ambitieux pour la conservation des sternes de Cayenne et des sternes royales a vu le jour en 2022. Cette zone, composée de géotextile et de billes d’argile, a permis en 2023 d’accueillir plus de 10 000 couples de sternes...
STERNES ROYALES ÉQUIPÉES DE BALISES En 2022, 10 sternes royales ont été équipées de balises GPS dans la réserve. L’objectif : en savoir plus sur leurs zones d’alimentation en période de reproduction. Les premières données montrent que les sternes peuvent s’éloigner de l’île de plusieurs dizaines de kilomètres tous les jours. Des analyses plus approfondies permettront d’en savoir davantage !
À gauche : photo prise pendant un comptage de nids de frégates sur l’île du Grand-Connétable. | Ci-dessus : plateforme visant à protéger les sternes contre une espèce herbacée.
+ d’info ici : https://www.reserve-connetable.com/
Photos de l’article : © RNN Connétable / GEPOG
Considérée comme un site à enjeu mondial pour la reproduction des sternes, l’île du Grand-Connétable accueille ainsi chaque année des milliers de couples qui viennent y nicher.
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LA DÉTECTION PRÉCOCE POUR LUTTER CONTRE LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES Présents dans quatre océans, les territoires ultramarins français sont particulièrement vulnérables aux espèces exotiques envahissantes qui y constituent souvent la première pression sur les espèces et les habitats . Au-delà des actions d’éradication, la biosurveillance et la détection précoce sont indispensables à la lutte contre ces EEE.
La plante invasive Hedychium gardnerianum. © Yohann Soubeyran
Le dernier rapport d’évaluation de l’IPBES 1 sur les espèces exotiques envahissantes évalue à 60 % l’implication des EEE dans les extinctions globales d’espèces documentées. Un des exemples modernes les plus frappants est l’introduction en Polynésie française d’un escargot carnivore (Euglandina rosea) dans les années 1970 ayant entraîné l’extinction de près d’une cinquantaine d’espèces endémiques locales ! L’ensemble des territoires ultramarins français et des milieux, qu’ils soient terrestres, marins ou aquatiques est concerné et menacé par les EEE. De plus, la pression d’introduction de nouvelles espèces invasives est permanente et croissante. Les impacts écologiques – disparition d’espèces, homogénéisation des milieux, modifications des écosystèmes… – s’avèrent d’autant plus importants que les milieux sont fragilisés par la pollution, le réchauffement climatique, etc. Les impacts économiques et sur la santé humaine sont également à prendre en considération. D’après Yohann Soubeyran, coordinateur Espèces exotiques envahissantes à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), « il est nécessaire de continuer à gérer les espèces invasives avec des actions concrètes de lutte sur le terrain, qu’il faut
En 20 ans de dératisation par la Société d’études ornithologiques de La Réunion (SEOR) et ses partenaires, la population de tuit-tuit, oiseau forestier endémique de La Réunion en danger critique d’extinction, a été multipliée par huit sur le massif de la Roche Écrite. © SEOR
soutenir et financer. De nombreuses actions s’inscrivent par ailleurs dans des démarches de restauration des écosystèmes, pour leur redonner leur capacité de résistance à l’invasion biologique ». Pour autant, la solution la plus efficace et rentable reste la détection précoce. Le développement de la biosécurité aux frontières 2 dans les points les plus stratégiques – ports et aéroports – est absolument essentiel pour éviter que de nouvelles espèces invasives soient introduites dans les territoires.
La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques a publié son dernier rapport en septembre 2023, après quatre ans d’élaboration en collaboration avec 86 experts internationaux de 49 pays. + d’info ici : Le communiqué de presse de l’IPBES | 2 Voir OMGN 9 : le Service territorial de Wallis-et-Futuna récompensé par le Prix Battler 2021 pour son action de biosécurité. 1
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Le Groupe Espèces Invasives Réunion (GEIR) est ouvert à tous les partenaires engagés dans la gestion des espèces invasives à La Réunion.
dans le pilotage, comme dans la réalisation d’actions. La DEAL Réunion anime ce POLI, se charge de son évaluation, et finance également certaines actions, dans le cadre du Fonds vert.
• Pouvez-vous nous parler d’une action phare mise en œuvre dans le cadre de ce POLI ?
ÈVE BALARD, CHARGÉE DE MISSION ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES, DEAL 3 RÉUNION • Comment a été mise en place la gestion des EEE à La Réunion ? - La prise de conscience a été précoce sur le territoire : dès les année 1960, l’Office national des forêts (ONF) a constaté sur le terrain que certaines espèces exotiques prenaient la place des espèces indigènes ou endémiques. Des actions ont débuté dans les années 1980 et, en 2010, nous avons établi la première stratégie régionale de lutte contre les EEE. Nous avons depuis 2010 un Plan opérationnel de lutte contre les invasives (POLI) quadriennal et multipartenarial, avec une diversité d’acteurs remarquables
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Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
+ d’info ici : https://especes-envahissantes-outremer.fr/
LE FONDS VERT Dans le cadre du « Fonds vert » pour l’accélération de la transition écologique dans les territoires, l’État accompagne les porteurs de projets dans le déploiement de la stratégie nationale biodiversité 2030. Les opérations locales de régulation des populations d’espèces exotiques envahissantes sont ainsi financées dans les territoires ultramarins : fauchage, arrachage, implantation d’espèces locales concurrentes, lutte biologique, tir, piégeage…
Rédaction et interview : Lucie Labbouz
INTERVIEW
- À La Réunion, on estime que les espèces invasives sont la première cause de perte de biodiversité. Une fois qu’une nouvelle espèce invasive s’est développée, la lutte est très coûteuse et peu efficace. Nous travaillons donc sur la détection précoce d’espèces potentiellement problématiques avec des signalements via l’application de reconnaissance de la flore Plantnet. En 2022, on comptait plus de 45 000 utilisateurs de Plantnet sur l’île, et plus de 300 000 requêtes d’identification réalisées ! Cette application nous permet d’avoir des « sentinelles » déployées sur tout le territoire !
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MARE À POULE D’EAU : LE NETTOYAGE D’UN SITE TOURISTIQUE ENVAHI PAR LA LAITUE D’EAU
Rédaction : Stéphanie Castre
De juillet à septembre 2023, la mare à Poule d’Eau était le théâtre d’un important chantier de nettoyage. L’objectif : débarrasser ce bel espace naturel à fort enjeu environnemental et touristique des laitues d ’ eau qui l ’ avaient littéralement envahi . L e bilan de l ’ opération . Le chantier, mandaté par la CIREST – Communauté intercommunale Réunion Est – gestionnaire de la mare à Poule d’Eau depuis un an, est applaudi par les nombreux visiteurs de ce havre de paix niché dans le verdoyant cirque de Salazie. En effet, depuis 2021, une plante aquatique flottante invasive, la laitue d’eau (Pistia stratiotes) s’était propagée jusqu’à recouvrir en quasi-totalité la surface du paisible plan d’eau.
Privés de lumière et d’oxygène, les tilapias et autres poissons, ainsi que tout l’écosystème de l’étang s’asphyxiaient. Le chantier était donc attendu de toute urgence pour préserver ce bassin naturel alimenté par une source, bordé de songes et qui constitue l’un des attraits touristiques de l’Est de l’île. C’est désormais chose faite : les 2500 m3 de matière humide, formée essentiellement de laitues d’eau, ont pu être retirés.
En haut et ci-dessus : le chantier mis en œuvre par la CIREST pour évacuer la laitue d’eau de la mare à Poule d’Eau. | Patrice Selly, président de la CIREST et Stéphane Fouassin, maire de Salazie, pendant le suivi des travaux. | Passage de la pelle amphibie. © GEMAPI CIREST
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Ci-dessus : les laitues d’eau extraites ont été entreposées sur la parcelle d’un agriculteur, située en amont de la mare. Il s’en servira comme fertilisant pour ses champs. La laitue d’eau est très riche en nutriments : c’est un excellent engrais ! | Le site après le chantier de nettoyage.
TÉMOIGNAGES FLORENT SANGLA, TECHNICIEN OUVRAGES AU SERVICE GEMAPI À LA CIREST
« La CIREST a missionné la société MPL, qui a déployé les moyens nécessaires à l’évacuation des laitues d’eau. Un engin original, une pelle amphibie – pouvant aller sur l’eau et sur terre – a permis de ramener les laitues vers les berges, puis une mini-pelle est entrée en action pour charger les végétaux dans un camion. Ces travaux ont été un succès : la mare est totalement libérée de la laitue d’eau. Mais cela nous montre toute l’importance de prévenir la propagation des espèces invasives car la lutte, une fois celles-ci installées, peut s’avérer particulièrement lourde, coûteuse et surtout redondante. Après ce chantier de 300 000 euros pris en charge par la CIREST et l’État, l’objectif est maintenant de garantir un entretien efficace et pérenne de la mare. Car si nous ne l’entretenons pas régulièrement, les laitues d’eau vont revenir... C’est pourquoi un plan de gestion, qui intégrera d’autres paramètres écologiques comme la pollution, la qualité de l’eau... est en cours d’élaboration entre notre intercommunalité et les services de l’État, dont un financement est attendu. »
PATRICK BOYER, RESPONSABLE D’ÉQUIPE DE L’ASSOCIATION JEUNESSE LOISIRS (AJL) À SALAZIE
« Cela fait plaisir de retrouver la mare libérée des pensées d’eau, ou laitues d’eau. Le site était laissé à l’abandon car l’ONF n’en était plus gestionnaire depuis début 2021 et la CIREST n’en a repris la gestion que mi-2022. Entre-temps, il y a eu beaucoup d’échanges pour savoir qui allait s’occuper du plan d’eau, et les laitues se sont répandues... C’était un désastre, il n’y avait même plus de chemin d’accès... Aujourd’hui, il ne reste que deux poules d’eau sur la mare... Heureusement, les laitues ont été éliminées grâce à la CIREST, qui fait en sorte également de revaloriser ce lieu pour le rendre à nouveau attractif. Avec mon équipe, nous y passons presque quotidiennement. Les laitues d’eau se développent toujours depuis le bord de l’eau, alors nous les arrachons à la main avant qu’elles ne se développent plus loin sur l’étang. Je souhaite dire aux visiteurs de laisser ce superbe endroit propre. En effet, nous retrouvons à chaque fois près de la mare, tous les lundis en particulier, de nombreux déchets dispersés au sol... »
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Le but du chantier était que le site redevienne un écrin favorable à la biodiversité : poules d’eau, tilapias, butors, hirondelles de Bourbon...
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La mare à Poule d’Eau, un écosystème fragile d’intérêt communautaire, à préserver de manière pérenne. © GEMAPI CIREST
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ENS : PRÉSERVER LES MILIEUX NATURELS EXCEPTIONNELS DE L’ÎLE ET UNIQUES AU MONDE Un Espace naturel sensible est un environnement naturel remarquable, menacé ou vulnérable présentant un intérêt réel, qu’il soit paysager, floristique ou faunistique. Il est géré notamment en vue de son ouverture au public par des aménagements adaptés et compatibles avec la fragilité des milieux . D es lieux d ’ exception que le D épartement de L a R éunion s ’ engage à protéger .
La Réunion, dont les habitats naturels originels couvrent 30 % de la surface de l’île, fait partie des hotspots de biodiversité mondiale : ses milieux, uniques au monde, sont reconnus par la communauté internationale pour leurs richesses mais aussi pour leurs vulnérabilités. Les enjeux de conservation et de mise en valeur de cette biodiversité sont prioritaires. En 2022, le Département de La Réunion célébrait ses 30 ans d’actions pour la sauvegarde des Espaces naturels sensibles (ENS). La Réunion fut en effet l’un des premiers départements français à déployer cette politique ambitieuse de préservation et valorisation des milieux exceptionnels, afin de doter le patrimoine naturel réunionnais d’une protection durable. Le Département s’est imposé dans ce domaine, où il intervient avec ses partenaires sur les différents milieux naturels : des massifs forestiers aux zones humides,
des prairies aux ravines, des récifs coralliens aux paysages de montagnes. De quelques centaines d’hectares acquis dans les années 1990, la politique départementale déployée aujourd’hui – directement ou par le biais de subventions – concerne plus de 100 000 hectares de milieux naturels gérés au titre des ENS. Le Département est propriétaire de 40 % de la superficie de l’île, de 80 % du cœur du Parc national et de 95 % des forêts publiques. Il consacre chaque année plus de 20 millions d’euros, hors politique d’insertion, à la préservation et à la valorisation des ENS et de la biodiversité. Jour après jour, tout en sensibilisant les scolaires et le grand public, les équipes départementales et leurs partenaires travaillent sur le terrain à faire de ce patrimoine naturel si riche et unique la fierté et l’identité réunionnaises.
Dans l’est de l’île, à Saint-Benoît, l’Espace naturel sensible de Sainte-Marguerite abrite des reliques de la forêt primaire, constituée notamment de deux milieux préservés et riches de nombreuses espèces endémiques : les fourrés à Pandanus montanus et les bois de couleurs de moyenne altitude. © Emmanuel Richard
La découverte des ENS est encouragée par le Département via les diverses visites gratuites du « Rendez-Vous Natures ».
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INTERVIEW
• Comment concilier projets pour la biodiversité et promotion de l’économie locale ?
CYRILLE MELCHIOR, PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT DE LA RÉUNION
- L’un des axes de notre politique en faveur des espaces naturels remarquables est le développement maîtrisé des activités économiques, agricoles, touristiques, sportives et de loisirs. C’est pourquoi nous rédigeons actuellement un Schéma directeur d’aménagement et de développement touristique des espaces naturels départementaux, un projet de ma mandature auquel je tiens particulièrement. Il s’agit de définir un projet global partagé avec les acteurs du territoire et de coconstruire une stratégie de développement touristique durable de nos espaces naturels sur les 10 prochaines années.
• Si vous deviez citer un projet phare pour la biodiversité à La Réunion, quel serait-il ?
© Martin Riethmuller / SEOR
- Dans la continuité de nos actions au sein des ENS, l’ambition de notre Collectivité est d’aller plus loin au travers du programme 2019-2028 « 1 million d’Arbres pour La Réunion ». Le but étant notamment de reboiser au-delà des milieux naturels en amenant la nature dans les quartiers, par des micro-forêts urbaines créées à partir d’espèces indigènes et endémiques. Notre action emblématique « Bwa de Kartié » mobilise les acteurs locaux privés, publics, associatifs, l’Éducation nationale, la population… dans une démarche participative en soutenant le tissu économique local.
• La lutte contre les espèces exotiques envahissantes (EEE) est-elle un combat prioritaire ? - Tout à fait. Notre biodiversité et nos paysages sont menacés du fait de leur prolifération, qui pourrait également remettre en cause l’inscription des Pitons,
Rédaction et interview : Béatrice Tevanee | Stéphanie Castre
cirques et remparts au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le Département déploie un programme très actif contre les EEE tant végétales qu’animales. En 2022, avec l’ONF, la SPL EDDEN et des associations partenaires, nous avons traité 610 hectares dans le cadre de la lutte contre les plantes invasives et de la restauration des milieux dégradés, pour un montant de 2,3 millions d’euros.
Deux espèces en danger critique d’extinction à La Réunion selon l’UICN : le pétrel noir de Bourbon (Pseudobulweria aterrima), un oiseau endémique strict de l’île, et le bois amer (Carissa spinarum). © Sonia Françoise
+ d’info ici : https://www.departement974.fr/ nature/espaces-naturels-sensibles/
PUBLI-COMMUNIQUÉ
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UNE JOURNÉE DU PATRIMOINE VALORISANT « NOUT’ ZARLOR PORTUÈR » (« NOTRE TRÉSOR PORTUAIRE » EN CRÉOLE) Le 15 septembre dernier, le Grand Port Maritime de La Réunion a ouvert les jardins des Maisons des Ingénieurs, en cours de restauration, pour y célébrer le port et les hommes qui ont façonné son histoire. L’environnement a tenu une place de choix lors de ce moment convivial entre équipes du GPMDLR, public et élèves mobilisés en nombre pour l ’ événement . Concert de Nicole Dambreville, exposition d’archives et de portraits de figures du port par Christine Wong, ateliers dédiés au compostage, aux saveurs locales ou à la langue créole, spectacle maloya sensibilisant à l’écologie... Les animations n’ont pas manqué lors de cette journée organisée par l’équipe PA2D – Plan d’Aménagement et de Développement Durable – du Grand Port Maritime. Rétrospective d’un temps fort qui a fédéré un grand nombre d’acteurs. L’événement a accueilli de nombreuses personnalités, dont Huguette Bello (en rouge), Présidente de la Région Réunion et, à sa droite, Jérôme Filippini, préfet de La Réunion. © Christine Wong
© Christine Wong
© Stéphanie Castre
TÉMOIGNAGE ALAIN SÉRAPHINE, ARTISTE PLASTICIEN IMPLIQUÉ ET URBANISTE
Véronique Bottes, juriste des marchés publics au GPMDLR : « Aujourd’hui, c’est l’histoire qui se lie au patrimoine local. Nos racines profondes, en tant qu’entité portuaire, inscrites dans notre environnement ».
« Creuser un port dans un delta de deux rivières, sur un tel site géologique unique, était un pari fou. Il a fallu draguer, endiguer sans cesse les ensablements... Un véritable défi a été relevé ici. Est-ce qu’aujourd’hui on croit dans un lendemain qui chante ? On veut tellement être réaliste qu’on abandonne le rêve... En matière d’environnement, je plaide par exemple pour un grand projet : la candidature de notre île au label Géoparc mondial UNESCO, car elle présente un patrimoine géologique remarquable ». Le collège Titan du Port fait partie des établissements à avoir participé à cette journée. + d’info ici : Article du collège Titan
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LES NAVIRES VERTS RÉCOMPENSÉS Le Grand Port Maritime s’associe à l’ESI, « Environnemental Ship Index » , qui vient 1
récompenser les compagnies maritimes les plus performantes au regard des rejets atmos phériques de leurs navires .
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Priscille Labarrère - Dans la continuité de ses actions environnementales, et en particulier en faveur de la qualité de l’air, Port Réunion adhère à l’ESI (en français : Index Environnemental de Navire. L’ESI promeut la navigation maritime propre afin d’améliorer la qualité de l’air et contribuer à la préservation de l’environnement. C’est une démarche volontaire très importante pour nous, qui nous efforçons de garantir un système de transport, d’aménagement et de logistique durables. Chaque année, le GPMDLR récompense ainsi les compagnies dont les navires en escale à Port Réunion, qu’ils soient de transport de marchandises ou de passagers, sont les plus vertueux en termes d’émissions dans l’atmosphère. Cette année, nous avons profité de la tenue d’un grand événement du 12 au 14 septembre, la Semaine maritime de Port Réunion 2023, pour décerner les trophées ESI aux lauréats.
• Vous êtes en visite à La Réunion. Quelle est à vos yeux la spécificité du Grand Port Maritime ?
PRISCILLE LABARRÈRE, RESPONSABLE DU SERVICE ENVIRONNEMENT ET AMÉNAGEMENT AU GPMDLR ET MANFRED LEBMEIER, ESI SENIOR ENVIRONMENTAL ADVISOR • Pourquoi est-il important pour Port Réunion d’avoir adopté depuis 2008 la démarche ESI d’évaluation des armements maritimes ?
Les compagnies maritimes les plus performantes bénéficient d’une « récompense environnementale » représentant jusqu’à 10 % des droits de port navire. Une démarche qui se veut incitative pour les armements dont les navires font escale à La Réunion.
+ d’info ici : Charte d’adhésion de Port Réunion pour la mise en œuvre de l’ESI https://environmentalshipindex.org/ Contact sur l’ESI au Grand Port Maritime de La Réunion : esi@reunion.port.fr
En français : Index Environnemental de Navire. | Ci-dessus : remise des trophées ESI le 12 septembre 2023 aux cinq lauréats représentant les compagnies maritimes suivantes : Carnival Cruise Lines, CMA CGM, Höegh Autoliner, MSC et Scorpio. © Éric D’Zoao 1
Rédaction et interview : Stéphanie Castre
INTERVIEW CROISÉE
Manfred Lebmeier - Le GPMDLR est l’unique port adhérant à l’ESI dans toute la zone océan Indien et Afrique. Il est précurseur dans cette région du monde, où il encourage les escales « vertes » pour le bien-être de tous et participe à la lutte contre le réchauffement climatique. L’ESI lui offre une plateforme d’échange dans le monde entier, en ayant sa voix à l’Organisation maritime internationale (OMI), chargée de prévenir la pollution des mers et de l’atmosphère par les navires.
PUBLI-COMMUNIQUÉ
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DÉPLOYER LES ACTIVITÉS NAUTIQUES ET OUVRIR L’ACCÈS À LA MER Le nouveau projet de la Base Nautique de l’Ouest vise à développer des parcours d’activités nautiques et à valoriser les savoirs maritimes à la Réunion. Porté par le ministère de la Mer via le F onds d ’ intervention maritime , il regroupe les informations nécessaires à la bonne pratique des activités à voile et à rame sur une interface numérique .
Sur cette interface, des fiches permettront ainsi aux pratiquants de choisir le parcours adapté à leur niveau, mais également, à leur retour, d’enrichir l’interface grâce à leur expérience personnelle. En cliquant sur le parcours intéressé, un hyperlien vers le site des structures nautiques amènera directement au matériel à louer et aux sorties encadrées proposées. Par ailleurs, l’objectif affiché est de renforcer la sécurité en mer en incitant les pratiquants à conserver leur téléphone sur l’eau pour avoir accès en tout temps aux numéros d’urgence et aux bulletins météorologiques. Un projet qui s’inscrit dans une démarche plus globale de promotion de l’économie bleue grâce au financement du Fonds d’intervention maritime.
Redonner envie aux Réunionnais de découvrir la mer, l’un des objectifs de la Base Nautique de l’Ouest, membre du Cluster maritime. © BNO
© Yves Jacquemin
À Saint-Gilles-les-Bains, la Base Nautique de l’Ouest, association sportive de voile et kayak créée en 2009, est très active dans la promotion des activités nautiques non motorisées. Pour répondre à la demande des pratiquants qui souhaitent de plus en plus naviguer en autonomie ou en petits groupes, cette structure membre du Cluster maritime de La Réunion travaille sur la mise en place d’une interface numérique destinée à faciliter la pratique de la voile et du kayak.
TÉMOIGNAGE ADELINE RICHARD, CHARGÉE DE PROJET PARCOURS NAUTIQUES MARITIMES DE LA BASE NAUTIQUE DE L’OUEST « RENDRE LA MER ACCESSIBLE À TOUS » « Notre territoire regorge de sites et de pratiquants qualifiés qui méritent une meilleure exposition, afin de tordre le cou aux idées préconçues d’une Réunion qui tourne le dos à la mer. Mon rôle consiste à tisser du lien entre les acteurs de la mer afin de mener à bien ce projet d’interface numérique. Le but est d’impliquer différentes instances comme les ligues de voile, de canoë-kayak, d’aviron, de sauvetage, les clubs affiliés, les sociétés privées, ainsi que les acteurs de la sécurité en mer, le CROSS et les instances intervenantes. Nous regroupons également toutes les informations sur l’accès à la mer, les mises à l’eau, les difficultés d’accès et les autorisations nécessaires. En parallèle, nous répertorions les images, photos et vidéos de ces sites pour alimenter l’interface. Cela apportera aux futurs usagers une réelle connaissance des parcours avant leur pratique et démocratisera l’accès à la mer. »
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OUVRIR LES JEUNES SUR LA MER L a fondation des A pprentis d ’A uteuil mène le projet de réinsertion profession nelle « Gard’ la Mer » pour développer à La Réunion les filières de la pêche et de l’aquaculture. L’occasion d’ouvrir l’île sur l’océan et de susciter des vocations.
Former les jeunes aux métiers de la mer, l’un des objectifs du projet Gard’ la Mer. © Apprentis d’Auteuil
© Yannick Ah Hot
l’océan Indien, cette terre de métissage posée au milieu des eaux. Afin de rassembler les différents acteurs locaux autour du projet, les Apprentis d’Auteuil ont créé un consortium composé du Syndicat des pêcheurs, du Cluster maritime dont il est membre, de l’Institut bleu, de l’association des femmes de marins pêcheurs de Saint-Pierre, de l’École d’apprentissage maritime de La Réunion, de la Cité des métiers et du CRIJ. Si les Apprentis d’Auteuil pilotent ce groupement, chaque acteur est impliqué dans la réussite de Gard’ la Mer.
TÉMOIGNAGE PHILIPPE ROSE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES APPRENTIS D’AUTEUIL POUR L’OCÉAN INDIEN « FORMER AUX MÉTIERS DE LA MER »
Gard’ la Mer cherche donc à valoriser des filières créatrices d’emplois. Mais plus largement, il entend développer des relations entre tous ces territoires de
Dans un premier temps, des Sea camps de cinq jours ont vu le jour pour familiariser les jeunes au milieu marin. Des formations courtes « SKOLA », destinées aux 18 à 29 ans éloignés du marché de l’emploi, ont également été conçues. Le module « compétences Clés Matelot » permet ainsi à ces jeunes d’être formés en trois mois et d’être embarqués rapidement : une formation en réelle adéquation avec les besoins du territoire. Le projet Gard’ la Mer est complété par des stands d’information sur la filière maritime réunionnaise lors de la Journée de la Mer organisée par le Cluster maritime en juin, dans la darse Foucque au Port Ouest. Autant d’occasions pour les scolaires de rencontrer des pêcheurs ou de visiter des navires de la marine marchande. Enfin, un site internet dédié au projet permet de visionner de nombreuses capsules vidéo consacrées aux métiers de la mer et d’écouter une série de podcasts intitulée « Les voix de l’océan ». Le projet Gard’ la Mer a impulsé une dynamique collective forte entre les acteurs de l’économie bleue. Il pose les bases de la création du futur Lycée de la Mer, voulu par le Conseil régional, mais surtout du développement d’une culture tournée sur l’océan. + d’info ici : https://www.gardlamer.re/
Rédaction et interviews : Mariane Aimar
« Les Réunionnais sont tournés vers la montagne et le volcan et la crise requins n’a fait qu’accentuer ce phénomène. Afin de changer les mentalités, la fondation a approché la Direction de la mer sud océan Indien (DM SOI) et le Conseil régional pour monter un projet d’élargissement des offres de formations liées aux métiers de la mer. Avec comme objectif de développer des filières économiques et écologiques dans le cadre de l’économie bleue, un champ sur lequel la mobilisation des politiques est forte. La vocation des Apprentis d’Auteuil est d’éduquer, de former et d’insérer. Et le milieu maritime est très formateur, véhicule des valeurs d’entraide et de respect des règles. »
DES ACTIONS POUR LA FILIÈRE BLEUE
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MAYOTTE
LE COMITÉ DE SUIVI DES MANGROVES SE MET EN PLACE À M ayotte , nombre d ’ initiatives citoyennes émergent autour de la mangrove , dont l ’ île abrite 735 hectares répartis sur un quart du linéaire côtier . C opiloté par le C onservatoire du littoral et le P arc naturel marin de M ayotte , le comité de suivi des mangroves réunit les acteurs locaux contribuant à mieux connaître , gérer et protéger cet écosystème fragile .
INTERVIEW MARIE FOUREST, CHARGÉE DE MISSION MANGROVES À L’ANTENNE DU CONSERVATOIRE DU LITTORAL À MAYOTTE • Quels sont les objectifs de ce comité ? - Créé début 2023 et inspiré par le modèle de gestion des mangroves de Martinique, il vise à partager les connaissances, les retours d’expériences et actions en lien avec les mangroves de Mayotte et aussi d’ailleurs. Le bureau d’études Créocéan, membre du comité, nous a par exemple présenté la thèse de Lisa Macera sur la restauration des mangroves à travers le monde.
Le comité a aussi vocation à trouver des synergies entre acteurs pour aboutir à une meilleure gestion des mangroves. Son troisième objectif est de hiérarchiser les priorités d’actions à l’échelle du territoire mahorais et des 120 sites de mangroves que compte Mayotte.
• Pour cela, quels sont les moyens mis en œuvre ? - Le comité recommande certains outils et méthodes à utiliser par les acteurs et joue un rôle de consultation sur les plans de gestion des sites de mangroves. Il aide aussi à identifier les financements en informant sur les appels à projets en cours : nous avons ainsi assisté à une présentation des programmes de financement de l’OFB. De plus, des itinéraires techniques pour la restauration des mangroves sont proposés afin de partager les meilleures pratiques. Enfin, le comité appuie la communication sur les résultats obtenus. À l’issue des deux premières réunions qui ont eu lieu en février puis en septembre, nous notons une forte mobilisation, avec à chaque fois plus d’une vingtaine de structures locales représentées.
Photos : formation à Dembéni dans le cadre du projet « Narisome Muhoko » (« étudions la mangrove ») des Naturalistes de Mayotte et du CUFR.
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Autres photos : © Les Natualistes de Mayotte
© Frédéric Larrey / CDL
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TÉMOIGNAGE ORIANE LEPEIGNEUL, CHARGÉE DE PROJET « VEILLEUSE DES MANGROVES – CONTINUUM TERRE-MER » AU PARC NATUREL MARIN DE MAYOTTE
Réuni à une fréquence au moins biannuelle, le jeune comité rassemble aussi bien les structures publiques impliquées à Mayotte dans la connaissance, la protection et la gestion des mangroves, que les associations environnementales locales agissant dans ces domaines et les gestionnaires des sites du Conservatoire du littoral en mangrove et arrière-mangrove. Le nombre de ses membres est appelé à augmenter, sachant qu’il s’agit d’un enjeu majeur sur l’île.
Cela permettrait en effet de diminuer les pressions qui s’exercent sur les sites de mangroves en donnant à l’Office national des forêts (ONF) des moyens de surveillance des défrichements illégaux et de verbalisation des infractions environnementales qui y sont commises. Nous espérons que cette démarche initiée par le Conservatoire du littoral, la DAAF et portée par la députée mahoraise Estelle Youssouffa aboutisse afin que cette évolution du code forestier, déjà en place aux Antilles, s’applique prochainement à Mayotte. »
Rédaction et interview : Stéphanie Castre
LA COMPOSITION DU COMITÉ DE SUIVI DES MANGROVES DE MAYOTTE
« Parmi les informations apportées au comité de suivi des mangroves, je citerai une délibération prise en février 2023 par le Parc naturel marin de Mayotte, pour que l’ensemble des mangroves et arrière-mangroves de l’île puissent bénéficier sans ambigüité de la protection apportée par le régime forestier.
© Aurélien Pira
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LA KAZ’A NYAMBA, UNE STRUCTURE POUR CHANGER LE REGARD SUR LES TORTUES MARINES À l’initiative de l’association Oulanga na Nyamba de Mayotte, une maison de la tortue est en cours de construction dans la commune de Dzaoudzi-Labattoir. Un site qui accueillera à la fois un centre de soins pour les tortues marines , mais aussi un espace dédié à la sensibilisation à ces reptiles marins menacés par les activités humaines . Soutenue par le Département de Mayotte, Oulanga na Nyamba est une association mahoraise à but non lucratif qui œuvre depuis 1998 à la préservation de l’environnement et plus particulièrement des tortues marines. Née à l’origine pour alerter la population de Mayotte sur la problématique du braconnage des tortues, l’association a depuis largement développé ses activités. Ainsi, elle mène chaque année des programmes dans les établissements scolaires et, rien qu’en 2022, elle a sensibilisé plus de 6 000 enfants. Une action visant, en trame de fond, à continuer la lutte contre le braconnage, qui reste une activité préoccupante sur l’île. « Notre rôle consiste aussi à démontrer que les tortues marines sont un atout majeur dans le développement de l’écotourisme à Mayotte et qu’elles peuvent être créatrices d’emplois », estime Jessica Coulon, chargée de mission pour la valorisation écotouristique de la tortue marine. Dans ce but, l’association organise des activités d’observation de la ponte des tortues durant lesquelles la sensibilisation continue. Un moment privilégié qui permet au public d’assister au retour sur les plages
de ces animaux connus pour pondre chaque année sur les sites où ils sont nés. « Notre objectif va plus loin puisqu’il s’agit aussi de faire prendre conscience aux acteurs locaux qu’ils peuvent s’approprier cette activité et en faire une activité économique durable et respectueuse pour développer l’écotourisme sur le territoire », souligne Jessica Coulon. Car Mayotte possède un réel avantage dans ce tourisme vert. En effet, sur les plages de l’île, et contrairement à d’autres régions du monde, les pontes de tortues sont encore nombreuses et fréquentes, et facile d’accès. Bien sûr, si cette activité devait s’étendre à d’autres sites, les nouveaux acteurs seraient formés par l’association. « Nos observations se font dans le respect et la tranquillité de l’animal afin de ne pas perturber cette étape cruciale de la reproduction », rappelle la spécialiste en écologie marine. « Nous limitons les groupes à 10 personnes par sortie, n’utilisons aucune source lumineuse et invitons tous les participants à adopter ces bons gestes dans l’approche des tortues ». Un guide regroupant ces consignes a d’ailleurs vu le jour et sera proposé aux acteurs mahorais souhaitant se lancer dans l’aventure.
Ci-dessus : triste scène après des actes de braconnage... | Tortue verte évoluant dans le lagon de Mayotte. © Oulanga na Nyamba
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Ci-dessus : jeune Mahoraise découvrant le lagon depuis un bateau à fond de verre. | Autre activité écotouristique à développer sur l’île : la nage avec PMT – palme, masque, tuba – pour sensibiliser les plus jeunes à la protection du milieu marin. © Oulanga na Nyamba
LA KAZ’A NYAMBA, FUTUR CENTRE DE SOIN ET DE SENSIBILISATION Pour aller plus loin dans ses actions de sensibilisation, Oulanga na Nyamba travaille depuis 2015 sur la création d’une maison de la tortue. Un projet lourd à porter, car il a impliqué de trouver les partenaires et financements nécessaires. C’est désormais chose faite avec l’aide de l’État, de l’Office français de la biodiversité et du Parc naturel marin de Mayotte, des Fonds européens (FEADER, Gal Est Mahorais), du Conseil départemental, de la commune de DzaoudziLabattoir, de la communauté de communes de PetiteTerre, de l’ADEME, de la Fondation du Crédit Agricole. En juillet dernier, la première pierre de l’édifice a été posée et l’ouverture est prévue en 2024.
Cette maison de la tortue aura une double vocation. Tout d’abord, accueillir le premier centre de soins de l’archipel des Comores dédié à la prise en charge des tortues marines blessées. « Le centre disposera de six bassins de soins et permettra aussi d’augmenter les connaissances sur les causes de mortalité des tortues », indique Jessica Coulon. En parallèle, la partie musée, appelée « Maison de la Tortue », disposera d’éléments pédagogiques et ludiques accessibles à tout âge pour découvrir l’univers des tortues marines. Un outil de sensibilisation parfaitement adapté à l’éducation à l’environnement et qui permettra de faire évoluer les mentalités.
Rédaction et interview : Mariane Aimar
Vue 3D de la future « Maison de la Tortue ». © Oyat Architectes |La première pierre de l’édifice posée en juillet 2023. © Oulanga na Nyamba
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TAAF
OPÉRATION DE RESTAURATION DES ÉCOSYSTÈMES À TROMELIN Rédaction : Stéphanie Castre
Photos : Lucie Pichot
Dans le cadre du projet RECI – Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien – une opération d’éradication de la souris grise a eu lieu durant tout le mois d’août à Tromelin. Une mission qui a mobilisé huit agents des TAAF afin de préserver les écosystèmes de l’île. Dans les îles Éparses, à Tromelin, la présence de la souris grise (Mus musculus) a engendré des pressions sur la régénération de la flore, mais aussi sur les communautés d’insectes, araignées et crustacés. Historiquement, cette petite île corallienne plate de 1 600 mètres de long sur 700 mètres de large, très isolée et entourée de fonds de 4 000 mètres, a fait l’objet de deux introductions de mammifères : le rat surmulot (Rattus norvegicus) et la souris grise. En 2005, une première campagne d’éradication des rongeurs avait permis de retirer avec succès la population de rats surmulots. Cette élimination des rats avait rapidement bénéficié aux deux espèces d’oiseaux marins restantes sur l’île, à savoir le fou à pieds rouges (Sula sula) et le fou masqué (Sula dactylatra) dont les populations reproductrices se sont dès lors développées. L’absence de rats a par ailleurs entraîné une densification de la couverture végétale herbacée, qui est passée de 30 % à plus de 70 % (Le Corre et al. 2015).
Ci-dessus : mission de restauration écologique à Tromelin.
Près de 20 ans après cette dératisation réussie, l’île a été recolonisée par cinq nouvelles espèces d’oiseaux marins : la gygis blanche (Gygis alba), le noddi brun (Anous stolidus), la sterne fuligineuse (Onychoprion fuscatus), le puffin du Pacifique (Ardenna pacifica) ainsi que le noddi à bec grêle (Anous tenuirostris). Aujourd’hui, ce sont sept espèces d’oiseaux marins nicheurs, soit plus de 6 000 couples, qui fréquentent Tromelin chaque année alors qu’en 2005, l’île à 560 kilomètres au nord de La Réunion totalisait à peine 400 couples de fous à pieds rouges et masqués. Fin août, une équipe de huit agents des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) a tenté de relever le défi d’éradiquer les souris grises encore présentes afin de libérer Tromelin de tout rongeur introduit. Un suivi post-éradication est en cours.
LES PARTENAIRES DU PROJET RECI : Union européenne, Préfecture de Mayotte (pour la partie mahoraise du projet), Les Naturalistes de Mayotte (gestionnaire de l’îlot M’Bouzi à Mayotte), AFD et OFB.
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Ci-dessus : les huit agents ayant éradiqué la souris grise ainsi que, sur la droite, Fabrice Le Bouard, qui a supervisé la mission en tant que technicien de recherche à la Réserve naturelle des Terres australes françaises. | Piquet posé comme point de repère pour l’épandage.
La méthodologie de l’opération a été adaptée à la dimension du territoire. Il a ainsi été choisi un protocole de traitement de l’île consistant à répandre au sol, manuellement, des granulés de rodonticide, une substance active à base d’anticoagulant ayant la propriété d’éliminer les rongeurs. Pour aider à la réalisation homogène des deux épandages – espacés de 10 jours – un quadrillage minutieux de l’île a été effectué en début de mission, avec l’installation de près de 7 000 piquets colorés pour matérialiser des quadrats de traitement de 10 x10 mètres.
En complément de cette action d’éradication de la souris grise à Tromelin, des mesures de biosécurité sont appliquées rigoureusement à bord du Marion Dufresne, le navire ravitailleur et océanographique des TAAF en escale régulière à Tromelin. Ces mesures préventives et réglementaires visent en effet à réduire le risque de toute nouvelle introduction et dissémination d’espèce exotique envahissante dans les écosystèmes qui en sont exempts. + d’info ici : Le projet RECI
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POLYNÉSIE FRANÇAISE
Propos recueillis par : Stéphanie Castre
AFFINER LES SURFACES AQUATIQUES DE POLYNÉSIE FRANÇAISE ET, PLUS LARGEMENT, DES OUTRE-MER FRANÇAIS + d’info ici : Lien vers le tableau
René Galzin, ancien directeur du CRIOBE , auteur de plus de 300 publications scientifiques, travaille sur la notion de surface des habitats aquatiques polynésiens. Ses calculs , qu’il a poussés à l’échelle ultramarine, permettent de constituer les limites territoriales de la biodiversité terrestre et marine . I ls aident par exemple à mieux définir et étudier les habitats des poissons . 1
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• Pouvez-vous nous expliquer en quoi les données disponibles sur les espaces aquatiques de Polynésie étaient-elles insuffisantes dans le cadre de vos recherches ? - La ligne directrice de mes 40 années de recherche à l’École pratique des hautes études (EPHE) et au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE) a été : Décrire, Comprendre, Expliquer pour mieux Gérer. Je fais partie des anciens dinosaures qui, avant de se poser des questions très pertinentes permettant les accès à des publications dans des revues prestigieuses, s’évertuent à décrire l’écosystème sur lequel ils travaillent.
INTERVIEW RENÉ GALZIN, DIRECTEUR D’ÉTUDES ÉMÉRITE, ANCIEN DIRECTEUR DU CRIOBE, SPÉCIALISTE DES MILIEUX CORALLIENS ET LAGONAIRES, ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DE L’INTERNATIONAL SOCIETY FOR REEF STUDIES
En écologie, pour parler de niches écologiques, d’espèces invasives, d’habitats essentiels, etc., il faut délimiter l’espace sur lequel le scientifique va se poser ses questions. La Polynésie française qui occupe une Zone économique exclusive (ZEE) de 4 541 204 km2 avec 124 îles (41 îles hautes, 83 atolls), dont 76 îles habitées, méritait un toilettage de ses surfaces. Dans son calcul des surfaces, la Convention de Ramsar (1971) classe les lagons dont la profondeur n’excède
En haut : pêche de poisson-lait (Chanos chanos) sur l’atoll de Niau, dans les îles Tuamotu. © Philippe Bacchet. | 1 Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement. Voir ICI à ce sujet notre article dans l’e-mag n°18. | 2 Selon les recherches de René Galzin, Philippe Bacchet et Gilles Siu. René Galzin et Gilles Siu : PSL Research University, EPHE-UPVD-CNRS, UAR 3278 CRIOBE, Laboratoire d’Excellence Corail, BP 1013, 98729 Papetoai, Moorea, galzin@univ-perp.fr. Philippe Bacchet : 2 BP 2720, 98713 Papeete, Tahiti, bacchetphil@mail.pf
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pas sept mètres en « zones humides ». Or personne, en Polynésie et ailleurs dans le monde, n’est aujourd’hui capable de séparer les superficies des lagons inférieurs à sept mètres de profondeur, des autres.
• Quelle méthode avez-vous employée afin de déterminer ces données spatiales ? - J’ai utilisé, pour le calcul des surfaces, la classification retenue par le Shom 3, à savoir la suivante : - terres émergées : toute surface du domaine public et privé à l’exception des rivières, lacs et estuaires ; - eaux intérieures : étendues d’eau en deçà des lignes de base. Pour les îles sans barrière de corail, la ligne de base est constituée par les laisses de basse mer, pour les îles avec barrière de corail, elle est constituée par les laisses de basse mer sur la crête récifale ; - mer territoriale : s’étend des lignes de base jusqu’à une distance maximale de 12 milles marins (22 km) ; - plateau continental : s’étend soit jusqu’au rebord externe de la marge continentale soit jusqu’à 200 milles marins (370 km) des lignes de base ; - ZEE : adjacente à la mer territoriale, elle s’étend jusqu’à 200 milles marins (370 km) ; - superficie totale de l’espace aquatique : somme des eaux intérieures, mer territoriale et ZEE. En introduisant la notion de ligne de base, nous ne sommes plus dans l’obligation de séparer les surfaces des lagons profonds de plus ou moins de sept mètres.
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• Votre tableau des superficies diffère-t-il beaucoup des données jusque-là disponibles ? - Oui, et c’est le pourquoi de cette mise au point. De nombreux chiffres contradictoires apparaissent dans la littérature, en raison essentiellement de la séparation entre eaux douces et saumâtres ; eaux intérieures comprenant ou pas les lacs et rivières ; lagons dont la profondeur excède ou non sept mètres... Les surfaces qui diffèrent le plus des données issues des zones humides Ramsar sont les eaux intérieures, dont tous les lagons des îles coralliennes. Dans ce tableau, la Polynésie apparaît comme la plus grande mer territoriale et la plus grande ZEE de la France. Avec les lagons, elle arrive deuxième après la Nouvelle-Calédonie avec les plus grandes superficies d’eaux intérieures. Mais elle ne figure qu’en quatrième position pour la superficie de ses terres émergées et ne possède pas de plateau continental comme SaintPierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la terre Adélie.
• Que permettront ces résultats pour protéger la biodiversité des poissons du fenua ? - Pour gérer quelque chose, faut-il encore le connaître. Les 1 301 espèces de poissons recensées en Polynésie le sont maintenant dans un espace bien délimité. Pour travailler sur la biodiversité des poissons dont l’un des paramètres est la richesse spécifique, il faut connaître les superficies qu’ils occupent afin d’arriver à des notions de densité (espèce/km2).
Service hydrologique et océanographique de la Marine. | Parc à poissons traditionnel dans le lagon de Takaroa aux Tuamotu. © Philippe Bacchet
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L’AFD ET LA BDC FINANCENT L’ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LA CARAÏBE La région caribéenne, composée de petits États insulaires en développement, est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique. Pour augmenter les capacités de résilience des territoires , l ’AFD a accordé en 2016, pour une durée de 12 ans , une ligne de crédit conséquente à la B anque de développement des C araïbes . Présente dans 19 États de la Caraïbe, la Banque de développement des Caraïbes (BDC) a ainsi reçu de l’Agence française de développement (AFD) une ligne de crédit d’un montant de 33 millions USD visant à favoriser le développement d’infrastructures infranationales pour une meilleure adaptation au changement climatique. Cette première ligne de crédit a permis de financer des projets structurants, comme par exemple le réaménagement de l’approvisionnement en eau de Dennery North à Sainte-Lucie, ou encore le projet de résilience et d’adaptation à l’érosion côtière de
Sandy Bay à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, et le passage aux leds pour l’éclairage public au Suriname et en Jamaïque. Cette ligne de crédit s’accompagne par ailleurs d’une subvention pour la Facilité d’investissement pour les Caraïbes (CIF) de l’Union européenne de 3 millions d’euros, afin de financer une assistance technique et des études techniques ou sectorielles. Forts de ce partenariat fructueux, l’AFD et la BDC ont signé en août dernier l’octroi d’une seconde ligne de crédit de 50 millions USD.
Ci-dessus et page suivante : aperçu d’un projet d’adduction en eau potable réalisé dans le cadre de ce partenariat avec l’AFD. © BDC
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INTERVIEW CROISÉE LEIGHTON WATERMAN, COORDINATEUR DE PROJET - PROGRAMME DE LA FACILITÉ D’INVESTISSEMENT DES CARAÏBES, BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DES CARAÏBES ET MYLÈNE LERIGAB, CHARGÉE DE MISSION RÉGIONALE INSTITUTIONS FINANCIÈRES, DIRECTION RÉGIONALE AFD DE L’OCÉAN ATLANTIQUE BASÉE EN MARTINIQUE
Leighton Waterman - Le financement de l’AFD fait partie d’un portefeuille d’options de soutien que la Banque de développement des Caraïbes offre à ses pays membres emprunteurs, pour les aider à optimiser les ressources, à développer les économies locales ainsi que des programmes prudents, équitables et respectueux de l’environnement. Le partenariat avec l’AFD s’inscrit totalement dans l’objectif de la BDC de favoriser la résilience et la viabilité des économies caribéennes et permet de créer un environnement favorable à la coopération et à l’intégration régionales. Tous les projets financés ont un impact positif et direct sur les communautés et les individus, améliorant les vies et les moyens de subsistance et renforçant la résilience aux effets négatifs du changement climatique.
• Quels projets pourront être financés via la seconde ligne de crédit récemment octroyée ? Mylène Lerigab - Cette seconde ligne de crédit octroyée par l’AFD à la Banque de développement
des Caraïbes va permettre de financer des investissements 100 % climato-compatibles – dont au minimum 50 % dédiés à l’adaptation au changement climatique – qui prendront en compte les questions d’égalité femmes-hommes, afin de contribuer à la lutte contre les discriminations faites aux femmes. Les projets concerneront les secteurs d’intervention habituels de la BDC, que sont l’agriculture, l’énergie, l’eau et l’assainissement, le transport, la protection des littoraux et le secteur social (éducation, santé).
• Qu’attend la Banque de développement des Caraïbes de cette seconde ligne de crédit ? Leighton Waterman - Cette seconde ligne de crédit donnera la possibilité à la BDC d’augmenter sa capacité à financer des projets d’infrastructures dans les pays membres emprunteurs éligibles. Ce soutien sera accompagné une nouvelle fois du financement d’une assistance technique pour soutenir la coordination de l’ensemble du programme, y compris la mise à disposition d’un coordinateur de projet dont les responsabilités incluront les communications internes et externes et les activités de supervision générale. Par ailleurs, cette assistance technique permettra d’améliorer la prise de décision fondée sur des données probantes grâce au financement d’études de faisabilité et de conception pour les projets d’infrastructure proposés. Cet accompagnement de l’AFD s’inscrit ainsi pleinement dans les priorités stratégiques de la BDC, qui consistent à renforcer la résilience sociale et environnementale des États caribéens, tout en promouvant l’égalité des sexes. + d’info ici : Ligne de crédit accordée à la BDC Suivez ici toute l’actualité de la Direction régionale océan Atlantique (DROA) de l’AFD
Rédaction et interview : Lucie Labbouz
• Comment le soutien et le partenariat de l’AFD vous ont-ils aidé ?
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L’OFB EN POLYNÉSIE FRANÇAISE : UN RÔLE DÉTERMINANT DANS LA CANDIDATURE DES MARQUISES À L’UNESCO Depuis 1996, les îles Marquises sont engagées dans une démarche d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial. La délégation territoriale Polynésie française de l’OFB accompagne le Pays et les collectivités polynésiennes pour la reconnaissance du patrimoine naturel et culturel unique du bien « T e H enua E nata », la T erre des H ommes , en coordonnant l ’ élaboration du plan de gestion . U n travail mené en étroite collaboration avec les M arquisiens .
Au cœur du Pacifique, l’archipel des Marquises révèle un écrin précieux de biodiversité et un héritage culturel unique. Un patrimoine « mixte » dont la Valeur universelle exceptionnelle (VUE) pourrait bientôt être reconnue par l’UNESCO. Après un long processus de construction et d’auditions, la candidature « Te Henua Enata - Les îles Marquises » a été officiellement déposée le 24 janvier 2023. La décision finale sera prise en juin 2024 à l’occasion du 47ème comité du Patrimoine mondial. Le calendrier est jalonné d’étapes encore cruciales, dont la plus récente a été la visite des experts de l’ICOMOS 1 et de l’UICN 2 en octobre pour une analyse in situ du bien. Après des évaluations approfondies par un panel d’experts en novembre-décembre, les autorités françaises auront jusqu’à fin février 2024 pour répondre aux dernières interrogations et recommandations des organisations consultatives.
Dans la perspective de cette inscription à l’UNESCO, le cadre de la future gouvernance du bien est d’ores et déjà posé et le volet opérationnel est, lui, engagé de manière anticipé.
UN PLAN DE GESTION COCONSTRUIT AVEC LES MARQUISIENS Coordonné par la délégation OFB de Polynésie française, un plan de gestion participatif a été rédigé en cohérence avec les enjeux locaux de conservation. Il repose sur quatre axes qui répondent aux principaux défis à relever pour préserver l’intégrité du bien. Tout d’abord, un premier axe cadre les objectifs de conservation du patrimoine naturel et culturel de l’archipel qui, bien que relativement préservé, doit considérer l’impact des activités humaines et du changement climatique. Dans un deuxième axe, le document s’attache aux questions de développement d’une politique touristique et d’aménagement harmonieuse et durable. Le tourisme en plein essor ouvre en effet des perspectives économiques pour les Marquises mais exige aussi une forte conciliation avec la préservation des richesses naturelles, culturelles matérielles et immatérielles. Le troisième axe vise à fédérer l’ensemble des acteurs autour de la gestion de ce bien commun. La gouvernance participative, décentralisée et évolutive est un pilier essentiel du plan de gestion et constitue le quatrième axe transversal.
Atelier participatif organisé sur l’île marquisienne de Tahuata. © Tevai Maiau / Te Henua Ènata - Les îles Marquises
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Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS). Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
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Vue plongeante sur la baie de Hanavave (ou « baie des Vierges ») sur l’île de Fatu Hiva. © Tevai Maiau / Te Henua Ènata - Les îles Marquises
La construction du document s’est appuyée sur une concertation approfondie avec toutes les parties prenantes au travers d’une série d’ateliers. Une démarche à laquelle Mathieu Grellier, chargé de mission à l’OFB (voir interview), a entièrement pris part.
LES PREMIÈRES ACTIONS OPÉRATIONNELLES FINANCÉES PAR LE FONDS VERT Avant même l’obtention du label UNESCO, une première pierre à la mise en œuvre d’actions concrètes est posée ! Un projet opérationnel se lance grâce à un financement Fonds Vert à hauteur de plus de 2 millions d’euros – soit 79 % du projet – complété par la participation des collectivités polynésiennes, le Pays et la CODIM 3, qui cofinancent les 21 % restants. Ces actions comprennent notamment la mise en place de Zones de pêche réglementée (ZPR) sur les îles habitées des Marquises, la création de mouillages écologiques, un programme de recherche sur la ressource langouste, des opérations de gestion des espèces exotiques envahissantes et de régulation de la pression des divagants, ainsi qu’un programme de restauration et d’entretien des sites archéologiques. Avec cette subvention, l’État, par le biais du HautCommissariat, affiche sa volonté de ne pas attendre l’inscription de l’archipel à l’UNESCO pour renforcer la protection de la biodiversité et de la culture de la Terre des Hommes.
La magnifique et luxuriante vallée de Hakaui à Nuku Hiva. © Direction de la culture et du patrimoine (DCP)
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Communauté de communes des îles Marquises (CODIM).
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© Tevai Maiau / Te Henua Enata - Les îles Marquises
Les ateliers participatifs que nous avons conduits en 2022 ont permis d’apaiser les craintes et c’est ainsi que de nombreux Marquisiens ont fait preuve d’une réelle volonté de collaborer avec les membres de l’équipe dans le but de transmettre aux générations futures toutes les richesses de leurs îles. Les populations locales ont activement participé aux échanges en énumérant, pour chacune des thématiques abordées – ressources marines, déchets, espèces exotiques envahissantes… – une liste d’actions à mener.
INTERVIEW MATHIEU GRELLIER, CHARGÉ DE MISSION MILIEU MARIN ET UNESCO MARQUISES / OFB • En 2022, vous avez participé à une mission de terrain de trois semaines aux Marquises pour impliquer les populations locales dans le projet d’inscription au Patrimoine mondial. Au tout début de vos échanges avec les Marquisiens, comment le projet était-il accueilli et perçu ?
Le travail d’information et de sensibilisation est par ailleurs porté par des « ambassadeurs UNESCO ». Issus de la société civile, ces représentants sont les véritables porte-voix du projet d’inscription et permettent à tous les Marquisiens d’obtenir des réponses à leurs questions quotidiennes sur le projet. Les Marquisiens sont ainsi davantage rassurés et ont bien saisi que l’UNESCO est le garant du maintien de l’intégrité du patrimoine naturel et culturel. Il n’est ainsi pas question d’interdire pour interdire, mais bien d’adapter les pratiques et comportements aux besoins de protection et de mise en valeur du bien.
- Il faut rappeler que la reconnaissance des Marquises au Patrimoine mondial est un projet de longue haleine qui a débuté en 1996 et qui a connu des périodes d’accélération et d’accalmies. Les Marquisiens entendent ainsi parler de l’UNESCO depuis de nombreuses années sans jamais en voir l’aboutissement. Par ailleurs, aux Marquises la grande majorité des terres est privée et la question du foncier est donc capitale. Auparavant, les Marquisiens associaient ainsi l’UNESCO à un Autre venu d’ailleurs pour saisir leur terre et les empêcher d’en jouir comme bon leur semble. Les craintes étaient également nombreuses concernant les contraintes et interdictions liées à ce classement ainsi que sur le risque d’une surfréquentation touristique.
• Aujourd’hui, la population marquisienne estelle enthousiaste à l’idée d’une reconnaissance internationale de la valeur de ses patrimoines ? En haut : Marie Curieux, consultante culture née aux Marquises et Mathieu Grellier, lors de l’animation d’un atelier participatif.
Réunion des Hakaiki, les maires marquisiens. © Tevai Maiau / Te Henua Enata - Les îles Marquises | Tikis du Me’ae I’ipona sur l’île de Hiva Oa. © Direction de la culture et du patrimoine
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- Les Marquisiens ont été et sont impliqués à plusieurs niveaux. Ils ont tout d’abord été étroitement associés à la construction du plan de gestion lors d’ateliers participatifs dans la quasi-totalité des vallées habitées des Marquises. Les actions identifiées dans le plan de gestion du bien Te Henua Enata sont ainsi issues de ces ateliers.
à l’échelle de l’archipel. Pour organiser l’ensemble des décisions prises lors des réunions du comité de gestion, il est prévu la création d’une cellule de coordination et d’animation au sein de la CODIM 3 dont le rôle est de mettre en œuvre le plan de gestion en relation étroite avec les associations Patrimoine mondial sur chaque île. Ces associations, véritable ancrage local, contribueront directement à la bonne gestion du bien et mettront en pratique des actions structurantes de sensibilisation. Elles sont également représentées dans le comité de gestion.
À ce plan de gestion est associée une gouvernance qui se veut la plus inclusive possible, impliquant directement les Marquisiens. Ainsi, localement, la gouvernance sera assurée par un comité de gestion
Récemment, avec l’obtention du Fonds Vert, les premières actions du plan de gestion vont être réalisées dès cette fin d’année 2023 et impliquer directement les Marquisiens au travers de nombreuses concertations.
• Dans quelle mesure les Marquisiens sont-ils aujourd’hui directement impliqués dans la mise en œuvre du plan de gestion ?
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Rédaction et interview : Romy Loublier
En raison de leur extrême isolement géographique, les Marquises hébergent notamment une biodiversité terrestre parmi les plus originales de Polynésie française, mais aussi des îles du Pacifique. Ci-dessus Nuku Hiva, au relief très marqué est, avec ses 387 km2, la plus grande île des Marquises et la deuxième de toute la Polynésie française après Tahiti (distante de 1 400 kilomètres). © Mathieu Grellier
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NOUVELLECALÉDONIE LA SCO AMÉLIORE LES CONNAISSANCES, SENSIBILISE ET PROTÈGE LE PATRIMOINE ORNITHOLOGIQUE DE L’ARCHIPEL
Élimination d’une espèce exotique envahissante, la laitue d’eau, d’un marais à Moindou par les bénévoles de la SCO. © Liliane Guisgant
L a S ociété calédonienne d ’ ornithologie est la plus ancienne association naturaliste de N ouvelle -C alédonie . E lle s ’ engage depuis près de 60 ans en faveur de la conservation des oiseaux et de leurs habitats . L a sensibilisation et la formation du grand public sont également des piliers essentiels du travail de la SCO. La Société calédonienne d’ornithologie (SCO) a été créée en 1965 par des collectionneurs d’oiseaux qui organisaient des concours d’oiseaux en cage. Au fil des années, les membres de l’association, notamment les chasseurs et forestiers, se sont rendus compte que le notou, oiseau endémique de l’archipel à forte valeur patrimoniale, pouvait être menacé par les activités de chasse intensive ou de braconnage. Une première étude a alors été réalisée dans les années 1970 et diffusée jusqu’au fond des vallées les plus éloignées, pour recueillir les connaissances naturalistes des habitants. Cette étude pionnière apporte ainsi les premières connaissances sur la biologie et l’écologie des espèces d’oiseaux calédoniens. La SCO a continué à évoluer en ayant toujours à cœur de maintenir sa présence sur l’ensemble du territoire, et de créer un lien fort avec les habitants des trois provinces. En 2017, les axes stratégiques de la SCO ont été redéfinis autour de ses trois thématiques historiques : l’amélioration des connaissances sur les oiseaux de Calédonie, la contribution à la conservation des oiseaux et des habitats, et enfin la sensibilisation, la formation et l’information du grand public. À l’occasion de l’anniversaire de ses 60 ans, la SCO va publier prochainement un guide de référence
sur les oiseaux de Nouvelle-Calédonie, qui sera le premier ouvrage de connaissance ornithologique du territoire édité en français.
UNE VOLONTÉ D’ANCRAGE LOCAL La SCO a la particularité d’axer sa communication autour de la sensibilité culturelle des peuples kanaks. David-Louis Ugolini, le président de l’association, explique : « Ce qui est important pour nous, c’est notre ancrage local, nous avons à cœur de respecter les sens coutumiers. C’est grâce à ce lien fort avec le territoire que nous pourrons avoir des actions qui durent dans le temps et qui auront un impact sur le long terme ». La SCO est également très concernée par la préservation du nom des espèces en langues locales. Un de ses objectifs est de créer un dictionnaire pour retranscrire les noms d’oiseaux issus de la tradition orale. « Si nous voulons que les gens s’approprient nos sujets, il est important de les reconnecter à la nature en passant par leur langue, qui est la preuve la plus ancienne de leur enracinement au pays ». L’association a par exemple ouvert des ateliers pour que les Anciens apprennent aux plus jeunes les noms des animaux et des plantes dans leur langue.
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UNE DÉCOUVERTE MAJEURE Il y a quelques mois, des membres de la SCO se sont rendus à l’extrême nord de la Grande-Terre, afin de participer à la réalisation de l’Atlas de la biodiversité communale (ABC) de Poum. « Nous étions particulièrement enthousiastes à l’idée de cette prospection ornithologique à Poum. Dans cette commune, les îles de Yandé et Néba étaient considérées comme étant les seuls et derniers refuges des quelque 50 à 80 couples reproducteurs formant l’effectif relictuel total du merle des îles calédonien (Turdus poliocephalus xanthopus) appelé « dek-men », un oiseau endémique au bord de l’extinction. L’espèce était abondante au XIXème siècle puis a mystérieusement disparu au XXème siècle pour être considérée comme quasi éteinte depuis les années 1970 », raconte Louis-David Ugolini. Une équipe de la SCO s’est ainsi rendue à Poum, où les recherches ont été fructueuses au-delà de toute espérance : la présence du mythique dek-men a été
Ci-dessus : la perruche cornue, oiseau endémique de NouvelleCalédonie, vit dans les forêts humides. © Sebastian S. / SCO
mise en évidence par les bénévoles de l’association en baie de Banaré, sur les îles de Faayo et Yava, c’està-dire en dehors de l’aire de répartition connue de l’oiseau. Après avoir informé les propriétaires terriens, réuni les clans concernés et sensibilisé les habitants à l’importance de préserver les îles de Faayo et Yava pour éviter l’introduction d’espèces envahissantes ou domestiques, la redécouverte du dek-men a été officialisée lors de la Fête de la mer à Poum. Pour Louis-David Ugolini : « Il s’agit de la plus grande découverte ornithologique pour la Nouvelle-Calédonie de ces 50 dernières années ! Et cette découverte s’est basée sur des paroles d’Anciens, sur des bénévoles engagés et a été immédiatement transmise à la population qui participera activement à la protection de l’espèce. C’est vraiment ça, l’esprit de la SCO ! ». Rédaction : Lucie Labbouz + d’info ici : https://www.sco.nc/
Ci-dessus : le dek-men, ou merle des îles calédonien, retrouvé sur l’île de Faayo le 20 mai 2023. © Louis-David Ugolini / SCO
Comptage par les membres de l’association d’une colonie de puffins à Gouaro Déva, un espace naturel situé à Bourail. © Liliane Guisgant | Animation scolaire auprès des enfants des écoles de Hienghène durant la Fête de l’eau et de la nature. © Louis-David Ugolini / SCO
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WALLISET-FUTUNA L’ARCHIPEL QUI RÊVE D’ÊTRE CONSTITUÉ D’ÉCO-VILLAGES
Les parcs à cochons, dont les effluents se déversent dans le lagon, sont une problématique environnementale importante à Wallis-et-Futuna.
Wallis-et-Futuna nourrit un ambitieux projet d’éco-villages, qui a été adopté par l’Assemblée territoriale en janvier 2022. U n diagnostic et un plan d ’ actions ont été établis pour chacun des villages de l ’ archipel . L e point à L avegahau , au sud - est de W allis . Après six mois de travail sur le terrain, au plus près des habitants, les services du Territoire ainsi que les autorités coutumières ont souhaité le lancement d’une stratégie ambitieuse dans le cadre du projet « éco-villages de Wallis-et-Futuna ». Ce dernier s’articule autour de trois objectifs : • L’habitat et le cadre de vie, à travers la réhabilitation des logements insalubres, l’assainissement des eaux usées, le déplacement des parcs à cochons situés trop près du littoral, la gestion durable des déchets, la valorisation des jardins… • Les infrastructures publiques, avec l’amélioration du réseau routier, de l’accès à l’eau, l’assainissement des eaux pluviales, la protection du littoral… • Le patrimoine naturel et culturel, un objectif qui
comprend notamment la réhabilitation des sources, des tarodières, des forêts, des zones humides, des sites culturels, la promotion de la pêche durable, la lutte contre les espèces envahissantes… La circonscription d’Uvea (Wallis) est, en tant que « mairie » et interlocutrice privilégiée de la grande chefferie coutumière, un acteur clef dans la mise en œuvre du projet d’éco-villages, piloté par le service de l’Environnement, qui dépend de la Préfecture et du Territoire. Les actions de l’axe « Patrimoine naturel et culturel » sont propices au portage par les associations de village, et la convention entre l’OFB et le Territoire a notamment permis de financer certaines actions environnementales préconisées.
Ci-dessus : l’une des réunions d’acteurs locaux visant à favoriser la transformation de Lavegahau en futur « éco-village ».
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Visite d’un « toafa » (« désert » en wallisien) à Lavegahau, une zone pauvre floristiquement en raison de feux répétés, mais où le souhait du chef de village est d’installer l’eau et l’électricité. Le but est que ces terrains soient déjà habitables, notamment en cas de montée des eaux.
Enfin, dans notre village, il y a un lieu qui se retrouve totalement inondé en cas de fortes pluies. L’eau rentre même dans les habitations de certains villageois. Nous devons trouver une solution pour évacuer toute cette eau, par la mise en place de caniveaux.
TÉMOIGNAGE HAPAKUKE MATETAU, CHEF DU VILLAGE DE LAVEGAHAU « Lors de cette réunion (en photo ci-contre, NDLR) j’ai souhaité soulevé divers problèmes, qui concernent en priorité le bord de mer, partie intégrante de la vie de notre village. Cela passe par le nettoyage du littoral. Il nous faut aussi essayer de trouver des solutions contre l’érosion, qui nous menace de plus en plus. Par ailleurs, il nous faudrait remettre aux normes hygiéniques les parcs à cochons par le biais de subventions.
C’est une bonne chose que les services de l’État aient initié ce projet d’éco-villages. Nous avons essayé depuis longtemps de travailler avec les services. J’avais proposé de nombreux dossiers à l’administration, à l’Assemblée territoriale et aux chefs de service qui sont passés, et pour l’instant, on ne voit rien, il n’y a pas grand chose. Il est intéressant que les chefs de villages soient associés à ce groupement. Ce projet nous permet de recenser nos besoins dans le village. Grâce à ce dispositif destiné à créer les éco-villages, on a eu la venue de techniciens qui ont accompagné les chefs de service, tandis qu’avant je faisais ce que je pouvais. Aujourd’hui, on voit grand. Pour le littoral, on a besoin du service de l’Agriculture sur la question de l’élevage porcin, et du service de l’Environnement sur la protection de la mangrove par exemple. Les compétences s’associent pour élaborer une feuille de route. Si nous réalisons les projets recensés, nous aurons un village propre, qui améliore au quotidien la vie de la population et l’environnement ». Rédaction : Stéphanie Castre
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Fédérer l’outre-mer, favoriser les échanges, mettre en lumière les acteurs de terrain, les initiatives pour la protection de la nature et le développement durable
SEPT. | OCTOBRE 2023
E-MER OUTR deur Nature gran
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OcéIndia
DE L’ENVIRONNEMENT
n°18
ÉDITO | Jérémie KatidJ
du G ouve rnem ent o m onni er , mem bre ue la tran sitio n éColoGiq onie en Char Ge de
de la n ouve lle -C aléd
essourCes , un laboratoire dédié aux bior GUYANE | bio stratèGe emen t des taa F ronn envi ’ l de r dire Cteu TAAF | i nterview du
SOMMAIRE
UNE
ANCER LA BIODIVERSITÉ SAINT-MARTIN | REL
2 édito 3 actu outre-mer on 5 Saint-Pierre-et-Miquel 8 Saint-Martin 10 Saint-Barthélemy
14 Martinique 20 Guadeloupe 24 Guyane 28 Île de La Réunion 40 Mayotte
MARINE DANS LES POR
TS
42 TAAF 48 Polynésie française 50 Nouvelle-Calédonie 54 Wallis-et-Futuna
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX : décideurs publics acteurs ultramarins de l’environnement académies d’outre-mer internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux
Page Facebook « E-mag Outre-mer » Un support proposé par OcéIndia aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de La Réunion Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Axelle Dorville, Romy Loublier, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Marion Durand, Érick Buffier, Béatrice Tevanee, Caroline Marie Conception graphique : Océindia