L’HÔPITAL PUBLIC EN QUESTION
“ Il faut sortir de cette vision très néo-libérale du système de santé ”
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OR NORME N°37 Horizons
OR SUJET
Texte : Jean-Luc Fournier
Photos : Nicolas Roses
Le Professeur Jean Sibilia, Doyen de la Faculté de Médecine de Strasbourg, a littéralement « crevé l’écran » lors des Facebook live organisés et animés par Or Norme à partir du 30 avril dernier. Nous revenons avec lui sur l’évolution de la pandémie et surtout sur les attentes liées au « Ségur de la Santé », sur une profonde réforme du système de santé publique, avec l’hôpital public en première ligne… Or Norme. Professeur Sibilia, vos analyses et la clarté de vos propos ont impressionné les très nombreux internautes ayant assisté aux émissions en direct initiées par l’Eurométropole de Strasbourg que notre rédaction a animées lors du déconfinement. Nous nous rencontrons à la mi-juin, que peut-on dire sur l’évolution de la pandémie, où en sommes-nous à ce sujet ? « Aujourd’hui, on déconfine quasi complètement, ne resteront bientôt en suspend que les grands rassemblements culturels ou sportifs. On a beaucoup d’éléments qui sont rassurants : la circulation du virus est faible et est restée faible après plusieurs semaines de déconfinement, le système de santé est désormais désengorgé avec moins de 1 000 malades en France en réanimation liés au Covid. Les perspectives peuvent rendre optimiste avec des découvertes scientifiques qui permettent d’expliquer comment la population a répondu au virus et surtout le vaccin, avec Astra-Zeneca, une firme européenne très sérieuse, qui annonce des résultats pour septembre-octobre prochains avec une mise à disposition du vaccin d’ici la fin de l’année. Les ministres de la santé européens, dont le nôtre, ont préempté 300 millions de doses pour l’automne… Mais, pour l’heure, on n’est cependant pas complètement tranquille : le virus n’a pas disparu puisque sa circulation existe toujours et il
y a eu récemment un indicateur d’une circulation beaucoup plus active en Meurthe-et-Moselle avec une élévation du taux de circulation de trois à quatre fois. Cependant, il n’y a pas de nouvelles entrées Covid aux urgences, ce qui veut dire que c’est maîtrisé… Il faut aussi observer de près le développement de l’épidémie dans l’hémisphère sud, au Brésil, au Mexique et en Argentine et la résurgence récente d’importants clusters à Pékin, en Chine. Tous les virus respiratoires ont toujours présenté une deuxième, voire une troisième vague… Voilà ce qu’on peut dire aujourd’hui (le 18 juin dernier – ndlr) Or Norme. Venons en au « Ségur de la Santé » qui vient de s’ouvrir. Mis en œuvre dans l’urgence, il est censé prendre des décisions pour revaloriser les salaires des personnels soignants et mettre en œuvre une réforme globale de l’hôpital public. Quelles sont les options qui sont sur la table ? Vous avez écrit un manifeste, ce qui prouve votre engament personnel… Oui, il s’agit d’un engagement citoyen du soignant que je suis qui voit que le système s’effrite dangereusement depuis de très nombreuses années .C’est donc à la fois ma responsabilité de soignant mais celle aussi de chef institutionnel de l’Université. Les signataires de ce manifeste avaient déjà décrit bien avant le Covid-19 toutes les difficultés auxquelles l’hôpital public doit faire face : les lits fermés, le manque de personnel… Ce service public est depuis longtemps martyrisé. Tous les soignants, du plus petit au plus grand, sont en grande souffrance. Ce manifeste s’en fait l’écho, c’est une expression citoyenne, on y trouve aussi bien la signature d’un Prix Nobel que celle d’usagés, la signature de kinés que celles de responsables d’associations… On ne propose pas des mesures ultra-détaillées, on expose une douzaine de grands principes qui doivent être les piliers de la refondation de l’hôpital public…