2) Évolution de la finalité d’une entreprise « Je ne pense pas que la finalité d’une entreprise soit de faire du profit. Il s’agit plutôt d’améliorer la vie des gens par ce que vous offrez et par votre façon de vous y prendre. » – Upkar Arora, chef de la direction de Rally Assets Dernièrement, la « mission sociale de l’entreprise » semble être devenue le sujet prépondérant du débat plus général sur la finalité des affaires. La dynamique et les éléments de la conversation sur « la mission de l’entreprise » sont très pertinents à la discussion plus générale sur l’évolution du rôle des affaires dans la société. De fait, la clarification des responsabilités juridiques et des obligations fiduciaires des chef-fes d’entreprise est un sous-concept évident du mouvement élargi visant à ce que des entreprises de toutes les formes juridiques contribuent plus positivement à la société. Par conséquent, il importe d’explorer l’histoire et l’état du cadre juridique influençant les décisions des chef-fes d’entreprise afin de cerner les défis systémiques de la transition du statu quo vers un monde où la principale finalité de toute entreprise est de lier le profit à la création et au partage de la valeur avec les parties intéressées. Au cours des dernières décennies, il ne fait aucun doute que la génération de profits pour les actionnaires était synonyme de « finalité de l’entreprise ». Plusieurs diront que la primauté des actionnaires vient de ce qui porte aujourd’hui le nom d’« école de pensée de Chicago » en matière d’économie, popularisée et utilisée par Milton Friedman dans la seconde moitié du 20e siècle. Eric Posner, dans un article du magazine The Atlantic, a expliqué que Friedman avait exposé dans un article du New York le postulat selon lequel le ou la chef-fe de la direction d’une entreprise est un-e employé-e des actionnaires et que, par conséquent, il ou elle doit agir dans leur intérêt, ce qui signifie qu’il ou elle doit leur apporter les meilleurs rendements possibles.14 Le concept proposé par Friedman trouve ses origines à tout le moins au début des années 1900.15 L’idée selon laquelle les chef-fes d’entreprise devraient se concentrer uniquement sur l’apport de bénéfices aux actionnaires a été réfutée dès le début de la seconde moitié du 20e siècle, et plus fréquemment dans la dernière partie du 20e siècle. Ainsi, le débat se poursuit depuis des décennies : l’objectif de l’entreprise est-il de générer des profits pour les actionnaires ou de contribuer à l’amélioration d’un éventail plus large de parties intéressées? Si le 20e siècle peut être considéré comme l’âge d’or de l’« école de pensée de Chicago »,1 c’est vers le début du 21e siècle que les choses ont commencé à changer.16 En fait, plusieurs participant-es à l’enquête évoquent la crise financière de 2008 comme un moment marquant pour la relation entre la société et les entreprises et les opinions concernant la finalité de l’entreprise dans les démocraties occidentales. Perrin Beatty et Goldy Hyder, représentant respectivement la Chambre de commerce du Canada et le Conseil canadien des affaires, évoquent les effets néfastes de la crise financière sur la cohésion sociale. Perrin Beatty en déduit qu’il y a eu, depuis 2008, un « effritement de la confiance envers les institutions en général ». Goldy Hyder conclut : « En réalité, ce qui s’est produit à partir de 2008, c’est une perte de la confiance du public envers nos institutions. »
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