OUTRE-MER grandeur Nature n°22 _ mai-juin 2024

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ÉDITO | C yrille M el C hior , président du d éparte M ent de l a r éunion GUYANE | pro M ouvoir l ’ ar C hite C ture bio C li M atique TAAF | les îles K erguelen , aux C onfins du M onde SOMMAIRE 2 édito 3 actu outre-mer 5 Saint-Pierre-et-Miquelon 6 Saint-Barthélemy 7 Saint-Martin 10 Martinique 14 Guadeloupe 18 Guyane 22 Île de La Réunion 34 Mayotte 46 TAAF 50 Polynésie française 58 Nouvelle-Calédonie 64 Wallis-et-Futuna OcéIndia grandeur
UNE n°22 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT MAI | JUIN 2024 POLYNÉSIE FRANÇAISE | MATTHIEU JUNCKER, UN ROBINSON CRUSOÉ 2.0
Nature OUTRE-MER

ÉDITO

PAR CYRILLE MELCHIOR, PRÉSIDENT DU CONSEIL

DÉPARTEMENTAL DE LA RÉUNION

Le Département de La Réunion est un acteur majeur de la protection et de la valorisation de l’environnement sur l’île, en tant que propriétaire de 100 000 hectares d’espaces naturels et forestiers et en tant que chef de file depuis 32 ans, de la préservation et de la gestion des Espaces naturels sensibles (ENS).

C’est une mission éminemment importante sur un territoire dont les « Pitons, Cirques et Remparts » figurent au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette inscription nous engage et nous oblige à être vigilants et à faire preuve d’une grande attention, dans une démarche d’unité et de solidarité avec l’ensemble des partenaires dont je salue le travail, notamment nos gestionnaires d’ENS et nos bras armés que sont l’Office national des forêts (ONF) et la SPL EDDEN (Écologie et Développement Durable des Espaces Naturels).

Cet engagement porte de multiples objectifs :

• D’abord celui de la protection de notre biodiversité exceptionnelle, unique au monde, qui fait de La Réunion un territoire inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité, et appartenant à l’un des 36 hotspots de biodiversité mondiale, avec près de 30 % de surface constituée d’habitats naturels originels.

• Ensuite, celui de la lutte résolue contre les espèces exotiques envahissantes (EEE) qui menacent notre biodiversité. La Réunion est d’ailleurs en alerte rouge, selon les constats de l’UICN, ce qui nous incite à redoubler d’efforts pour renforcer cette lutte durablement, avec l’objectif de restaurer 1 000 hectares en 2024, tout en y associant la population réunionnaise.

• L’ambition du Département est aussi de valoriser cet immense terrain de jeu pour tous les amateurs d’activités de pleine nature, avec près de 900 kilomètres de sentiers entretenus chaque année ou encore 360 aires de pique-nique aménagées dans un souci d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cette ambition, nous nous attachons à la traduire dans une stratégie de développement touristique durable de nos espaces naturels pour les 10 prochaines années, que nous écrivons actuellement avec nos partenaires. Cela, pour concilier valorisation et préservation de la qualité de nos sites, qui sont un pilier majeur de l’attractivité touristique de l’île, et font la fierté de ses habitants. Protection de l’environnement ne devant pas s’opposer au développement économique, nous nous attachons également à développer des filières innovantes autour du bois, des PAPAM (Plantes à parfums, aromatiques et médicinales), ou encore de l’agrotourisme.

• Il s’agit enfin de porter l’exigence de résilience de notre territoire face aux impacts de l’urbanisation et du changement climatique. C’est à cet effet que le Département porte depuis 2019 le plan « 1 million d’Arbres pour La Réunion » qui œuvre pour la reconquête écologique du territoire, tant dans les forêts que dans les quartiers. À ce jour, plus de 200 000 plants ont été mis en terre et près de 46 partenaires nous ont rejoints dans cette dynamique. Cet engagement est adossé à un plan départemental de transition écologique et solidaire visant à renforcer notre démarche d’écoexemplarité et d’écoresponsabilité en faveur du territoire.

L’engagement du Département de La Réunion et de ses partenaires est sans faille pour valoriser les sites exceptionnels de notre île en matière de biodiversité, de paysages, d’aménagements, d’attractivité touristique, tout en menant un combat déterminant contre les espèces exotiques envahissantes. Dans cette édition, je vous invite à découvrir le Domaine Fleurié, un Espace naturel sensible géré par la SPL EDDEN.

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Couverture : plus de 400 atolls existent dans le monde, dont 85 en Polynésie française. © Matthieu Juncker | Cyrille Melchior. © CD Réunion

UN ÉVÉNEMENT MONDIAL DE BLANCHISSEMENT DES CORAUX

Dans la passe en S à Mayotte, les plongeurs constatent que le récif blanchit, un phénomène dû au réchauffement de l’eau : en mars, une température moyenne de 21,07 °C, un record jamais enregistré, a été mesurée à la surface des océans, hors zones proches des pôles, par l’observatoire européen Copernicus. « De février 2023 à avril 2024, un blanchissement important des coraux a été observé dans les hémisphères Nord et Sud de chaque grand bassin océanique », alerte Derek Manzello, coordinateur de l’observatoire des récifs coralliens de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

Selon l’agence, il s’agit du 2ème épisode massif de blanchissement des coraux en 10 ans et du 4ème en 40 ans (après 1998, 2010 et 2016). La NOAA estime que 30 à 50 % des récifs de coraux du monde ont déjà disparu. La décoloration des coraux, si elle peut leur être fatale, est réversible si les températures de l’eau reviennent à des conditions normales assez tôt.

ACTU OUTRE-MER

INCITER AU GESTE DE TRI VIA DES DISPOSITIFS DE COLLECTE INNOVANTS

22 ans à La Réunion, 14 ans aux Antilles, neuf ans en Guyane... à l’instar de leurs populations, dans les outre-mer la collecte sélective est jeune. « Si le geste de tri est connu, des freins empêchent encore les habitants de trier de manière systématique et sans erreur », constate Citeo qui souhaite travailler sur ces freins en jouant la carte des spécificités culturelles de chaque territoire. Cette entreprise à mission, créée pour réduire l’impact environnemental des emballages ménagers et des papiers – dont les performances de tri en outre-mer sont inférieures à celles de l’Hexagone – cherche ainsi, jusqu’au 16 mai, des porteurs de projets pour inciter au tri en outre-mer.

Cet appel à la manifestation d’intérêt lancé par Citeo vise à développer en outre-mer des dispositifs de collecte innovants, pouvant être ludiques, proposer un système de gratification aux usagers, être associés à une cause solidaire, se baser sur de nouvelles technologies ou sur des systèmes plus classiques.

d’info ici : Appel à manifestation d’intérêt de Citeo

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Humoriste Titi le Comik dans un spot télévisé. © Citeo
| https://www.underwater-landscape.com/
Photo : © Gabriel Barathieu

LISTE ROUGE DES ESPÈCES MENACÉES EN FRANCE : 16 ANS DE RÉSULTATS

Outil essentiel pour interpeller l’opinion publique et les décideurs politiques, la Liste rouge des espèces menacées en France offre une vision objective et robuste de l’état de santé de la flore et de la faune. Après 16 années de collecte de données, le Comité français de l’UICN et l’unité PatriNat 1 présentent un bilan global des évaluations locales. Un état des lieux élaboré avec l’appui de plus de 500 experts et de 32 organisations partenaires. Évidemment, les résultats sont alarmants : à Mayotte et en Martinique, près de

la moitié des reptiles terrestres sont menacés, tandis qu’en Polynésie française et à La Réunion, ce sont près du tiers des oiseaux. En Guadeloupe, au moins cinq espèces de flore vasculaire ont déjà disparu et 256 autres sont menacées. En Guyane, les populations occidentales de tortue luth, dont le nombre de pontes s’est effondré, ont fait l’objet d’évaluations spécifiques les classant en danger d’extinction.

À noter tout de même que le nombre d’espèces ultramarines évaluées a doublé en cinq ans, signe d’un engagement local accru. Également, certains efforts de conservation portent leurs fruits, comme dans le cas du monarque de Tahiti dont les effectifs sont à la hausse malgré un statut critique.

+ d’info ici : Bilan des 16 ans de résultats

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© Comité français de l’UICN, OFB et MNHN (2024). Ci-dessus : exemples de pourcentages d’espèces menacées en outre-mer (extrait de la synthèse des 16 ans de résultats de la Liste rouge des espèces menacées en France). | 1 Unité d’appui et de recherche sous la tutelle de l’OFB, du MNHN, du CNRS et de l’IRD.
Le rat noir menace de disparition à très court terme le phaéton d’Europa à bec jaune (Phaethon lepturus europae) © S. Castre

Grâce à ce projet, l’étang de Mirande devrait bénéficier d’un chenal pérenne vers l’océan d’ici début 2025. © Nicolas Lemaine

SAINT-PIERREET-MIQUELON

RECONNECTER L’ÉTANG DE MIRANDE À L’OCÉAN

P ilotée P ar l es J oyeux P êcheurs de M iquelon et la F édération de P êche , l ’ ouverture de l ’ étang de M irande à la M er vise à recréer un corridor écologique Favorable aux P oissons .

La restauration de l’étang de Mirande faisait partie des sept initiatives lauréates de l’appel à projets lancé en 2021 par l’Office français de la biodiversité (OFB) en faveur des milieux humides d’outre-mer.

UNE ZONE CLÉ POUR LA BIODIVERSITÉ

Dans le nord de Miquelon, l’étang de Mirande a été classé au niveau européen comme l’une des six zones clés pour la biodiversité de l’archipel. Cet écosystème emblématique s’étend magnifiquement entre forêt boréale et océan Atlantique, dont il est séparé par un cordon littoral. Le plan d’eau, entouré d’une grande variété de conifères tels le sapin baumier, l’épicéa ou le spruce, abrite deux espèces de poissons amphihalines 1, l’omble de fontaine et l’anguille d’Amérique, qui y réalisent une partie de leur cycle de vie.

RECRÉER LE LIEN AVEC L’OCÉAN

Dans les années 1950, une route a été construite qui coupe l’étang en deux et empêche sa connexion à l’océan. Un chenal a ensuite été creusé par l’homme à travers le cordon littoral mais il se referme régulièrement, ce qui nécessite de fréquentes interventions mécaniques. Pour assurer un passage pérenne entre l’étang de Mirande et l’océan, et permettre au plan d’eau côtier de recouvrer sa capacité d’autoépuration, le projet en cours consiste à créer un grau de 127 mètres de long et trois mètres de large. Des travaux d’enrochement sont également prévus afin de protéger le site des intempéries maritimes.

« L’objectif est d’assurer la continuité écologique entre l’étang et l’océan, pour favoriser la recolonisation naturelle des populations piscicoles, aujourd’hui menacées par des bactéries, limiter les mauvaises algues et retarder le réchauffement climatique », explique Nicolas Lemaine, président de l’association. Par ailleurs, un « RiverWatcher », scanner transportable enregistrant les activités de migration des poissons, va être installé dans l’étang pour mieux connaître les espèces présentes, avec un intérêt porté à l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) ou truite mouchetée, le poisson d’eau vive le plus pêché dans l’archipel

UNE SOLUTION POUR LES PÊCHEURS

Très bien accueilli par les pêcheurs, ce projet devrait contribuer à développer une activité de pêche de loisir durable, de même que l’écotourisme. « Il y a urgence pour les pêcheurs de pouvoir réobtenir des poissons de taille correcte et en meilleure santé. Ce projet pilote pour Saint-Pierre-et-Miquelon a même engagé des partenariats avec les îles de la Madeleine au Canada, qui souhaitent dupliquer la démarche sur leur territoire », ajoute Nicolas Lemaine.

Rédaction : Sandrine Chopot

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1 Qui vit alternativement en mer et en eau douce.

SAINTBARTHÉLEMY

LES RÉCIFS CORALLIENS

SOUS SURVEILLANCE

Régression du recouvrement en corail dur constatée depuis 2018 sur le site de plongée « la Baleine de Gros Îlets », à -15 mètres. © V-Reef

c o MM ent se P ortent les réci F s coralliens de s aint - b arthéle My ? l ’ a gence territoriale de l ’ environne M ent ( ate ), les associations locales et les ex P erts antillais gardent les yeux rivés sur ces écosystè M es sources de vie et d ’ écono M ie , té M oins des change M ents globaux

Pour la première fois, l’ATE a accueilli le réseau récif de l’IFRECOR, l’Initiative française pour les récifs coralliens. Fin 2023, 25 experts, scientifiques, gestionnaires et bureaux d’études spécialisés des Antilles et de Mayotte se sont rassemblés dans les locaux mis à disposition par la Collectivité de Saint-Barthélemy.

À l’issue de ces échanges, le bilan est sans appel : 2023 est une triste année record de blanchissement coralliens pour les Antilles. Une rencontre qui aura permis d’améliorer les protocoles de suivi des récifs et de prévoir un premier inventaire des algues en 2024.

Ci-dessus : V-Reef étudie les récifs de Saint-Barth selon le protocole international de suivis Reef Check. © V-Reef | 1 Island Nature SaintBarth Expériences, Coral Restoration St Barth et Coral Shepherd. | 2 « Cela ne reflète pas l’état de l’ensemble de nos récifs heureusement, qui restent en bien meilleur état que sur la plupart des stations de Guadeloupe ou Martinique », précise Sébastien Gréaux, directeur de l’ATE.

QUI CHECK ? C’EST REEF CHECK !

Savant mélange entre sciences et sensibilisation, le programme Reef Check invite les non-professionnels à devenir acteurs de la préservation des coraux. À Saint-Barth, c’est l’association V-Reef qui pilote les suivis avec l’appui d’associations locales 1 . Depuis 2018, des bénévoles se mobilisent ainsi pour suivre consciencieusement deux sites, qui éclairent sur l’état de santé global des récifs coralliens de l’île.

ALORS, COMMENT VONT LES RÉCIFS ?

Or ces deux stations de suivi s’approchent de l’état « médiocre » 2 tel que défini par les critères de Reef Check. Sous les yeux des plongeurs, les paysages sous-marins se transforment : tandis que les surfaces en corail dur reculent – des taux de recouvrement plus que divisés par deux depuis 2018 ! – les algues se déploient en tapis et témoignent du déséquilibre de l’écosystème. Les oursins broutent les algues et pourraient donc contrebalancer la tendance mais, touchés par une épidémie, ils sont aujourd’hui trop peu nombreux. Une situation qui attire les poissons-perroquets, cependant la densité globale des poissons reste faible. Le mérou de Nassau, classé en danger critique d’extinction, se fait rare dans les observations de Reef Check. Plusieurs facteurs viennent expliquer ce scénario peu réjouissant : la pollution de l’eau, le réchauffement climatique, le développement de maladies et l’impact de la fréquentation de plaisance. Des pressions sur lesquelles il est encore temps d’agir !

Rédaction : Romy Loublier

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Aux Salines d’Orient, la Réserve replante des palétuviers sur un site remis en eau qui voit le retour de la nature. © AGRNSM

SAINT-MARTIN

RENCONTRE AVEC LA NOUVELLE CONSERVATRICE

DE LA RÉSERVE

l ’ association de gestion de la r éserve naturelle nationale de s aint -M artin ( agrns M) a accueilli , F in 2023, sa nouvelle directrice et conservatrice a P rès avoir exercé en g uyane , a M andine b ordin nous Parle de sa P rise de P oste et des P ro J ets à venir P our la r éserve

INTERVIEW

AMANDINE BORDIN, DIRECTRICE DE L’ASSOCIATION DE GESTION DE LA RNN DE SAINT-MARTIN

• Pourquoi avoir choisi la Réserve de Saint-Martin ?

- Après une dizaine d’années en Guyane en tant que chargée de missions scientifiques sur le milieu marin au GEPOG et conservatrice de la Réserve naturelle de l’Île du Grand-Connétable, j’ai été attirée par le contexte caribéen et je cherchais à relever de nouveaux défis. La forte fréquentation de l’aire marine de Saint-Martin et la diversité des usages m’ont intéressée, offrant des enjeux variés tels que la conciliation entre la préservation de la biodiversité et le développement d’un tourisme plus durable.

• Quelle différence avez-vous notée en arrivant à ce poste, par rapport à celui exercé en Guyane ?

- Bien que je reste conservatrice d’une Réserve naturelle nationale ultramarine, le contexte est très différent ici, notamment en ce qui concerne le réseau des acteurs de l’environnement. En Guyane, malgré un sentiment d’enclavement par moments, les interlocuteurs sont nombreux et forment un réseau pluridisciplinaire et structuré de décideurs, gestionnaires, associations...

Sur l’île de Saint-Martin, bien que moins isolée géographiquement, nous devons encore augmenter les forces vives œuvrant pour l’étude et la préservation de la biodiversité. Les liens doivent être solides avec nos homologues des autres territoires des Antilles françaises. Cette dynamique requiert donc de l’adaptation.

• Quelles sont vos ambitions et actualités ?

- L’association joue un rôle de soutien aux politiques publiques. Nous souhaitons renforcer nos synergies avec les décideurs et mettre nos compétences à leur disposition, en continuant d’éveiller les consciences sur les enjeux environnementaux du territoire.

Et sur le terrain, nous poursuivons le projet ReCorEA – mouillages écologiques pour éviter l’ancrage des bateaux, plantations dans les mangroves... – ainsi que le programme Biodiversity Nursery de restauration d’une zone humide aux Salines d’Orient.

Rédaction et interview : Romy Loublier

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L’ANTICIPATION DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE À SAINT-MARTIN

l e P ré F et délégué de s aint - b arthéle My et de s aint -M artin , v incent b erton , a saisi F in octobre 2023 la c ollectivité de s aint -M artin Par l ’ entre M ise de son c onseil écono M ique , social et culturel ( cesc ) sur ce su J et M a J eur et à en J eux .

Le CESC a pu étudier ce sujet et rendre son avis en décembre 2023, un avis réaliste, étayé, qui impose de profondes prises de conscience à l’échelle locale comme dans les cercles parisiens.

UNE COLLECTIVITÉ D’OUTRE-MER

AU STATUT PARTICULIER

Saint-Martin représente une collectivité d’outre-mer (COM) particulière au sein de la République française, en ce qu’elle s’est prononcée en 2003 en faveur d’une évolution statutaire autorisée par l’article 74 de la Constitution, lui conférant depuis 2007 certaines compétences de l’État, d’une région, d’un département, des intercommunalités et d’une commune. Avec le Conseil territorial et le Conseil exécutif, le CESC est l’une des institutions de cette COM dont le rôle est de présenter des avis circonstanciés auprès du Conseil territorial.

Ida Zin Ka Ieu, présidente du CESC, Alleyne Bryan, présidente de la Commission Environnement du CESC et tous les membres de l’institution se sont mobilisés sur ce sujet d’importance. Dans ce contexte, la présidente du CESC a souhaité s’appuyer sur l’expertise des services de la Collectivité de Saint-Martin, avec le soutien de son président, Louis Mussington, adoptant une approche à la hauteur des enjeux, qui mobilise transversalement les institutions de la Collectivité de Saint-Martin. Si la saisine préfectorale invite le CESC à aborder le changement climatique sous l’angle de l’anticipation, il apparaît clairement qu’il est déjà presque trop tard pour que ce terme soit exact. Les effets du changement climatique à Saint-Martin sont déjà là et il s’agit aujourd’hui de s’adapter et d’anticiper simultanément les prochains.

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PUBLI-COMMUNIQUÉ
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« LES ANTILLES FONT PARTIE DES ÎLES LES PLUS MENACÉES, LES IMPACTS SERONT

MULTIPLES. D’abord, les cyclones seront plus intenses. Les îles connaîtront des pics de destructions, comme en 2017 à Saint-Martin. L’érosion côtière questionnera l’usage des littoraux, qui abritent des zones d’habitation, des activités touristiques et les infrastructures, comme les enrochements. Avec l’élévation du niveau de la mer, désormais inarrêtable, et comme pour le phénomène d’érosion, on connaîtra des épisodes de submersion en cas de pluie et de marée haute combinées. À compter de 2040, les pouvoirs publics devront mettre en place des relocalisations, le déplacement de personnes ou d’activités dans des zones sûres », Virginie Duval, professeure de géographie à l’Université de La Rochelle, qui a participé à la rédaction du rapport du Giec, dans le magazine Le Point, mai 2022.

Le constat est posé : les petites îles tropicales sont en première ligne face aux conséquences du changement climatique, et Saint-Martin est l’une d’entre elles.

Élévation du niveau de la mer, érosion côtière, submersion marine, phénomènes climatiques extrêmes, modification du régime des pluies, sécheresse, augmentation des températures et des pics de chaleur, disparition du vivant, émergence des espèces exotiques envahissantes…

Ce sont autant de problématiques et de défis que le territoire de Saint-Martin affronte aujourd’hui et devra affronter avec plus d’intensité demain pour garantir à ses 33 000 habitants un avenir durable.

LOUIS MUSSINGTON, PRÉSIDENT DU CONSEIL TERRITORIAL DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-MARTIN

IDA ZIN KA IEU, PRÉSIDENTE

DU CONSEIL ÉCONOMIQUE,

SOCIAL ET CULTUREL (CESC)

« Cette saisine a donné l’opportunité au CESC d’effectuer avec nos services un travail capital pour l’avenir de tous les Saint-Martinois. Il nous appartient de nous appuyer sur ces travaux pour intégrer le changement climatique au cœur de toutes nos politiques publiques et nous savons que notre capacité à investir sera l’une des clefs de notre nécessaire adaptation. Le soutien de l’Europe et de l’État sera déterminant. »

« Cet avis pose un constat clair, celui de la vulnérabilité de notre territoire qui, par son exiguïté et sa topographie, ne dispose d’aucune base arrière pour repenser son développement, le logement ou le déploiement de ses infrastructures. Il est maintenant fondamental que cet avis vive, que les défis soient compris et intégrés par la population et que l’adaptation territoriale au changement climatique devienne une priorité. »

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:
/
Rédaction
Igor Rembotte
Collectivité de
Saint-Martin

MARTINIQUE

RÉCONCILIER LA JEUNESSE

MARTINIQUAISE

AVEC LA MANGROVE

L’équipe associative en présence de l’écologue Mélanie Herteman (3ème en partant de la droite), qui lui prodigue de précieux conseils.

c réée en 2020, l ’ association r oots o F the s ea – r asin l an M è s ’ est donné P our M ission de P réserver et P ro M ouvoir les Patri M oines naturel et culturel M artiniquais . e lle réalise des actions en Faveur des écosystè M es M arins , et P lus Particulière M ent des M angroves .

Association pensée pour les jeunes Martiniquais dans un esprit d’ouverture et d’inclusion, Roots of the Sea – Rasin Lanmè a pour ambition de réconcilier la population martiniquaise avec son environnement.

« J’ai grandi au bord de la mer, à Sainte-Luce », nous raconte Frédérique Fardin, présidente de la structure.

« Petite, je devais passer chaque samedi près de la mangrove de Trou au diable, je trouvais cela effrayant ! Et aujourd’hui, je travaille pour la préserver... C’est cela, la mangrove ici. Il y a, d’un côté, un aspect mystérieux qu’on retrouve dans la littérature antillaise, dans les textes d’Édouard Glissant, ou de Maryse Condé1 et, d’un autre côté, c’est un écosystème d’une importance majeure en termes de protection des populations contre le changement climatique ».

Roots of the Sea – Rasin Lanmè s’investit dans l’éducation environnementale, la formation technique et scientifique de ses adhérents et la conservation. Sa première action fédératrice a consisté à nettoyer la mangrove de Coco Léchel, à Fort-de-France, en milieu urbain, où plusieurs tonnes de déchets ont été extraites, grâce aux nombreux riverains présents.

EXTRAIT DU MANIFESTE DE L’ASSOCIATION

L’un des piliers de Roots of the Sea – Rasin Lanmè est le fait d’« agir aujourd’hui dans le cadre d’une réflexion à long terme ». Il s’agit en effet de « développer nos actions et messages en s’affranchissant du temps malgré l’urgence d’agir : pour une portée pérenne, longue, qui s’inscrit dans le temps du vivant ».

UN PROJET DE RESTAURATION DES MANGROVES DÉGRADÉES

Avec « Mangwov bòkay nou » (Nos mangroves), projet notamment soutenu par la Fondation de la Mer, l’association a développé une pépinière de plants de palétuviers afin d’agir pour protéger la mangrove dégradée avec la population. La pépinière est ainsi un lieu de sensibilisation où le public peut mettre la main à la terre et participer aux activités du jour –rempotage, arrosage, désherbage... – tout en échangeant sur les intérêts écologiques des mangroves

LA NÉCESSAIRE CONCILIATION

ENTRE PATRIMOINE NATUREL ET HÉRITAGE CULTUREL

Frédérique explique : « En Martinique, l’abolition de l’esclavage et la Journée mondiale de la biodiversité se célèbrent le 22 mai. Cette synchronicité illustre exactement ce que nous défendons avec Roots of the Sea – Rasin Lanmè : que la protection de l’environnement ne s’arrête pas à un écosystème et qu’il est nécessaire, pour préserver l’environnement, de respecter aussi les peuples, les cultures et les ancêtres ».

Rédaction et interview : Lucie Labbouz

+ d’info ici : https://www.rootsofthesea.org/

1 Traversée de la mangrove est un roman de Maryse Condé dont l’action se situe au cœur de la forêt.

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Photographies de l’article : © Rootsofthesea
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Une matinée à la pépinière entre bénévoles de l’association. | Les élèves de l’aire marine éducative (AME) du collège de l’annexe Saint-Joseph de Cluny, à Sainte-Luce, ont planté leur premiers palétuviers le 25 avril 2024 encadrés par leur enseignante, l’équipe associative et l’ONF.

LES DÉFIS ULTRAMARINS DE L’EAU DOUCE AU PRISME DES SCIENCES SOCIALES

le 22 Mars 2024, dans le cadre de la Journée Mondiale de l ’ eau, s ’ est tenu en Martinique le colloque scienti F ique « l es dé F is ultra M arins de l ’ eau douce au P ris M e des sciences sociales ». c oorganisé Par l ’ o FF ice de l ’ e au M artinique et le laboratoire P heeac de l ’ u niversité des a ntilles , cet événe M ent était une P re M ière dans l ’ outre - M er

La manifestation scientifique a rencontré un vif succès auprès d’un public varié. Un total de 280 personnes inscrites – étudiants, chercheurs confirmés, élus, techniciens de l’eau – se sont rendues au Palais des Congrès de Madiana ou en distanciel pour écouter les interventions de neuf chercheurs de haut niveau et d’horizons géographiques et disciplinaires divers.

Cette journée a permis de présenter les travaux en sciences humaines et sociales sur l’eau réalisés par des ultramarins et avec comme terrain de recherches leur territoire, traditionnellement en marge des lieux de production du savoir scientifique. Par la diversité de leurs approches, méthodes et outils, les intervenants ont proposé une compréhension renouvelée des enjeux socioenvironnementaux de l’eau en outre-mer. Les interventions se sont organisées en trois temps.

LA DIMENSION SOCIALE ET HISTORIQUE DE L’EAU

Dans une première session, deux interventions ont abordé la question suivante : comment appréhender les trajectoires sociohistoriques de l’eau dans des territoires « en crise » ?

Monica Cardillo, maître de conférence en histoire du droit et des institutions , a interrogé grâce à ses travaux le legs colonial du statut juridique des eaux d’outre-mer à travers le principe de domanialité publique des eaux. Cette intervention portait un regard attentif sur les positions doctrinales, de l’Ancien Régime jusqu’à une époque plus récente, souvent critique de cette mainmise exogène de l’État au détriment des droits locaux des pays colonisés. Puis Aude Sturma, sociologue de l’environnement et ingénieure de recherche au CNRS, a présenté une réflexion sur les difficiles conditions d’accès à l’eau potable à Mayotte, « de la crise latente de l’eau à son amplification » à partir d’une enquête menée sur le territoire depuis 2008.

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Ci-dessus : allocution d’ouverture de Michéla Adin, directrice générale de l’ODE Martinique. | Intervention de Monica Cardillo. Photos de l’article : © Gérald Joseph-Alexandre

LES RAPPORTS ENTRE LES USAGERS DE L’EAU ET LES INSTITUTIONS

La deuxième session était dédiée aux rapports entre usagers de l’eau et structures institutionnelles, à travers des recherches menées sur les pratiques, savoirs et revendications des communautés de l’eau à La Réunion (Maëlle Nicault), en Guyane (Priscilla Thébaux) et en Martinique (Oméya Desmazes). Ces trois interventions ont traité des conditions réelles d’accès à l’eau potable des populations par l’analyse des écarts entre cultures locales de l’eau et cadre réglementaire national. Dans plusieurs cas, ces écarts génèrent des inégalités socioenvironnementales importantes en matière d’eau auprès des populations.

LES RETOURS D’EXPÉRIENCE DES CHERCHEURS ET ACTEURS DE L’EAU

La troisième session était consacrée à des retours d’expérience entre recherche et action. À travers la présentation du développement d’un outil de simulation tarifaire de l’eau à La Réunion (Marie Tsanga Tabi) et d’une restitution du projet recherche-action Dlo La Tè, Dlo Lanmè (Anne Honegger et Florence Beuze), les intervenantes ont montré des manières dont les sciences sociales pouvaient travailler de manière concrète avec les acteurs des territoires sur les enjeux de l’eau.

Une troisième intervention réalisée par un ingénieur eau et environnement (Julien Lallemand) a fourni un retour réflexif sur les apports des sciences sociales pour la gestion de la ressource en eau, notamment dans le nécessaire dépassement d’une approche techniciste de l’ingénierie hydraulique.

Les différentes interventions, entrecoupées de riches échanges avec la salle, ont permis de relier les questions de l’eau avec celle, centrale en outre-mer, de la justice sociale et environnementale.

+ d’info ici :

Revoir le colloque : https://youtu.be/ ZycwjAtkGvY?si=q8WReRpYOEWrLrla Retrouver le programme : https://www. eaumartinique.fr/actualites-focus/190-focus2/852-semaine-pour-l-eau-2024-colloque-eauoutre-mer-22-mars-2024

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échanges avec la salle lors du colloque scientifique.
Ci-dessus :
Rédaction : Oméya Desmazes | ODE Martinique

GUADELOUPE

KAP NATIREL : 20 ANS DE PROTECTION DES ESPÈCES MARINES MENACÉES

Pose d’une balise permettant de suivre le déplacement d’une tortue marine, par des membres de l’association. © Kap Natirel

K a P n atirel est une association de conservation du M ilieu M arin initiale M ent créée P our ani M er le r éseau t ortues M arines de g uadelou P e a u F il des années , l ’ association a élargi son cha MP d ’ intervention e lle coordonne au J ourd ’ hui de no M breuses actions et réseaux d ’ acteurs en g uadelou P e , et P lus large M ent dans les a ntilles F rançaises .

SORTIR DE L’ŒUF...

En 1991, alors qu’elles étaient affichées au menu de certains restaurants, les tortues marines ont été protégées par arrêté ministériel. Par la suite, en 1999, le Réseau Tortues Marines de Guadeloupe (RTMG) se structure et crée une « association éphémère » pour mettre en place le premier Plan de restauration des tortues marines des Antilles françaises. Kap Natirel voit ainsi le jour en 2004, pour n’exister qu’un temps.

GRANDIR AU GRÉ DES COURANTS...

Mais au lieu de s’arrêter là, Kap Natirel prend de l’ampleur : les saisons des pontes sont observées de près par des bénévoles et écovolontaires qui patrouillent la Guadeloupe et ses îles – Les Saintes, Marie-Galante, la Désirade – pendant cinq mois chaque année. L’association réalise les premiers suivis en mer et devient un acteur incontournable de la conservation des tortues marines sur le territoire. Quelques années plus tard, elle participe à la stratégie de lutte contre le poisson-lion, une espèce exotique envahissante apparue en 2010 et crée par ailleurs le réseau d’observation des requins de Guadeloupe. Kap Natirel initie également les premiers programmes de collaboration avec les pêcheurs professionnels, en les formant au « démaillage » des tortues prises dans les filets pour réduire la mortalité due aux captures accidentelles.

1 Le réseau d’observation des requins et des raies de Guadeloupe (ReGuaR) s’étend aujourd’hui à l’ensemble des Antilles françaises.

ET AVOIR 20 ANS !

Aujourd’hui, l’association continue à multiplier les actions pour répondre à ses trois objectifs historiques : « protéger, apprendre, partager » : suivi des pontes de tortues, pilotage du réseau requins des Antilles françaises 1, implication dans trois aires marines éducatives, participation à un projet de restauration de végétation de plage au Moule, etc.

« À aucun moment, l’association n’était censée fêter ses 20 ans ! » résume Sophie Bédel, membre historique de Kap Natirel. « Etcen’estpasrien,20ans!Àl’échelle de l’association, c’est un vrai patrimoine scientifique, pédagogique, humain. C’est le temps qu’il faut à un tortillon pour arriver à maturité. Et à un jeune aussi ! On reçoit à présent des demandes de stages dans lesquelles on nous dit “vous étiez venus dans ma classe quand j’étais au CP”, c’est ça aussi avoir 20 ans ! »

Rédaction : Lucie Labbouz

grandeur Nature OUTRE-MER 14

Une tortue verte rejoint la mer après avoir pondu dans l’anse des Galets, à la Désirade. © N. Charpin / KN | Tortue imbriquée rencontrée en Guadeloupe. © C. Jeuffroy | Comme le rappelle Kap Natirel : « Il existe sept espèces de tortues marines dans le monde. Grâce aux conditions favorables de nos eaux (eaux chaudes et grande disponibilité alimentaire), nous avons la chance de rencontrer cinq tortues marines aux Antilles françaises. Trois d’entre elles viennent pondre sur les plages de Guadeloupe : la tortue luth, la tortue imbriquée et la tortue verte. » + d’info ici : https://kapnatirel.org

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 15

VERS UN DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES

OUTRE-MER, PAR ET POUR LA BIODIVERSITÉ

l a structuration de F ilières écono M iques Favorables à la biodiversité est un en J eu central dans les outre - M er , où les ter M es « P réservation » et « autosubsistance » résonnent tous deux co MM e des urgences a vec b iodiv ’ e co , l ’ o F b aide les acteurs locaux à M onter des P ro J ets innovants et durables

Distilleries pour la production de rhum, culture du pois peyi, fermes perlières, valorisation de l’huître de mangrove ou encore activités écotouristiques autour des tortues… Les outre-mer possèdent des atouts incontestables pour conjuguer développement économique et biodiversité, mais les enjeux autour des questions d’économie durable restent nombreux. Si la plupart des acteurs économiques ultramarins dépendent de la bonne santé de la biodiversité, ils peuvent aussi être responsables de sa dégradation. Ainsi, de nombreuses filières prometteuses manquent encore de structuration et tardent à émerger.

L’économie « verte » dans les outre-mer demeure modérée au regard des besoins et du potentiel de développement, avec seulement 2,8 % des entreprises et 3,9 % de l’emploi total dans le secteur marchand 1 Des territoires qui pourraient pourtant se positionner comme précurseurs dans ces secteurs et renforcer ainsi leur rayonnement régional.

L’APPEL À PROJETS BIODIV’ECO

Lancé en 2021, cet appel à projets de l’OFB vise des projets innovants, structurants et ayant vocation à faire émerger ou renforcer des filières.

Tous les acteurs économiques ultramarins peuvent bénéficier d’un appui technique et d’un soutien financier d’un montant de 5 000 à 50 000 €

1 Étude « L’économie verte dans les Outre-mer », IEDOM, 2019.

UNE ÉQUIPE « ÉCONOMIE » AU SERVICE DE LA BIODIVERSITÉ

Saisir la biodiversité comme opportunité de développement durable : c’est la problématique à laquelle s’attelle l’équipe Biodiv’Eco de l’OFB. Installée en Guyane, cette équipe mobilise les acteurs économiques locaux et fait émerger des projets innovants dans les outre-mer.

Pour cela, elle engage ces quatre leviers d’action : accompagner au montage de projets, proposer des financements, aider à la structuration de filières et animer des réseaux de partenaires.

Cette méthode de travail qui allie accompagnement financier et ingénierie technique est novatrice pour l’établissement et a d’ores et déjà permis l’émergence de projets économiques structurants, tout en initiant des dynamiques territoriales autour de ces enjeux.

Le dispositif cible trois thématiques alliant les enjeux « biodiversité » et « économie » :

• les modes de culture durables comme l’agroécologie ;

• les filières à haute valeur ajoutée, comme les plantes aromatiques et à parfum médicinales et cosmétiques ;

• l’écotourisme respectueux de la biodiversité et du patrimoine culturel local.

Biodiv’Eco, reconduit en 2022, devient en 2024 un appel à projets permanent ouvert à tous les outre-mer.

+ d’info ici : Appel à projets

Biodiv’Eco 2021

Appel à projets

Biodiv’Eco 2022

Contact : eco-biodiv@ofb.gouv.fr

grandeur Nature OUTRE-MER PUBLI-COMMUNIQUÉ 16

LA PÉPINIÈRE JASMIN MANGUA : VALORISER LES ESPÈCES LOCALES À LA RÉUNION

Au jardin, dans les haies des agriculteurs, pour les aménagements publics… Les espèces végétales indigènes et endémiques doivent fleurir çà et là sur l’île intense ! C’est l’objectif de la pépinière Jasmin Mangua qui a amélioré ses capacités de production et de sensibilisation grâce à la subvention de l’OFB dans le cadre de Biodiv’Eco en 2022.

+ d’info ici : Pépinière Jasmin Mangua

VALOGÉTAL : PRODUIRE DES COSMÉTIQUES NATURELS EN GUADELOUPE

Noix de coco et noyaux d’avocats deviennent des alliés beauté aux Antilles grâce au travail de recherche et développement du laboratoire Valogétal. Un projet de valorisation de la flore guadeloupéenne et des biodéchets pour la production de cosmétiques, lauréat Biodiv’Eco 2021.

+ d’info ici : https://www.valogetal.com/

PEUPL’EN HARMONIE : CRÉER UNE OFFRE ÉCOTOURISTIQUE SOLIDAIRE ET DURABLE EN GUYANE

La culture des peuples guyanais est au cœur des actions de l’association « Peupl’en harmonie ». Elle œuvre pour le développement local et touristique des villages par la mise en valeur des savoir-faire traditionnels en harmonie avec la biodiversité. Biodiv’Eco accompagne les différentes phases du projet depuis 2021.

+ d’info ici : http://www.peuplenharmonie.org/

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 17
:
Rédaction
Romy Loublier
La pépinière Jasmin Mangua cultive et commercialise des espèces locales en agriculture biologique. © Tiffen Perrot / OFB Peupl’en harmonie soutient le restaurant Les délices du manioc dans le village arawak de Saint-Rose de Lima. © Peupl’en harmonie Un produit développé par Valogétal, laboratoire guadeloupéen accompagné dans le cadre de Biodiv’Eco 2021. © Valogétal

GUYANE

PROMOUVOIR LE POTENTIEL DE L’ARCHITECTURE BIOCLIMATIQUE EN GUYANE

l’association aquaa aPPorte sa brique à la construction durable à travers diverses actions au P rès des P ro F essionnels , du grand P ublic , des élèves , des M aîtres d ’ ouvrages P ublics et P rivés . l e P oint avec F abien b er M es , son directeur et c écilia J avelot , F or M atrice .

INTERVIEW

FABIEN BERMES, DIRECTEUR DE L’ASSOCIATION AQUAA

• Quelle est l’ambition d’AQUAA ?

- AQUAA 1 souffle sa 20ème bougie cette année. Nous sommes des passeurs d’idées ! (sourire). Ses actions, qui s’articulent autour de la maîtrise de l’énergie et du confort dans le bâtiment, concernent uniquement la Guyane. L’association a été fondée par des architectes,

bureaux d’études et maîtres d’ouvrages guyanais. Son ambition, c’est de faire connaître les principes de l’architecture bioclimatique guyanaise dans le logement, le tertiaire, les établissements scolaires. AQUAA compte neuf salariés et une quarantaine d’adhérents.

• Pouvez-vous nous livrer quelques conseils en matière d’architecture bioclimatique ?

- Notre équipe cherche à intégrer le développement durable et à réduire les impacts environnementaux dans les actions de construire et d’aménager en Guyane. En effet, nous avons très tôt constaté le formidable potentiel de l’architecture bioclimatique et de l’urbanisme durable sur notre territoire.

Nous renseignons donc les différents publics, de manière objective et opérationnelle, sur ce mode de construction. Il faut savoir que la ventilation naturelle est le principe le plus important dans l’architecture bioclimatique en climat équatorial. Avant de construire, il est conseillé d’examiner la direction du vent et la circulation de l’air sur le terrain, en essayant de se placer là où le vent a le plus de potentiel à circuler librement. La pente au vent d’une colline est ainsi une zone favorable pour l’implantation d’une maison.

grandeur Nature OUTRE-MER 18
atelier consacré à la technique de la terre crue. © AQUAA| 1 Actions pour une qualité urbaine et architecturale amazonienne.
Ci-dessus :

La protection solaire du logement est une autre phase fondamentale pour être thermiquement et énergétiquement performant. La surchauffe des bâtiments en Guyane est en effet principalement due à une mauvaise protection solaire, car l’ensoleillement ici est vraiment fort ! C’est une étape essentielle de la conception bioclimatique. Mieux vaut choisir une couleur claire pour sa toiture et privilégier des matériaux comme le waï, le bois de wapa, la tuile ou encore le bitumineux, qui ont une bien meilleure capacité d’isolation que la tôle. La toiture doit être correctement isolée, et il est recommandé d’aménager des combles ventilés pour éviter que l’air chaud ne s’accumule sous le toit. Les débords de toiture, tout comme les plantes grimpantes permettent également de protéger les murs du soleil... Autour des logements, le fait de planter des arbres aide à ombrager le sol et les façades, pour gagner en fraîcheur.

Autre point, les maisons traversantes favorisent la ventilation naturelle et comme l’air chaud monte, on va chercher à installer des ouvertures en position basse pour la façade au vent et en position haute pour la façade sous le vent. Ce sont des choses simples à prendre à compte, mais qui ont un réel impact !

• Quels sont les autres projets en cours ?

- Dans le cadre de Watty à l’école 2, nous sensibilisons les élèves aux économies d’énergie et au développement durable. Par ailleurs, à travers le programme France Rénov, baptisé en Guyane « Konsèy Konfor Rénov’ », AQUAA propose des conseils gratuits et personnalisés aux particuliers sur les aides à la rénovation énergétique dans l’habitat individuel. Nous favorisons aussi la montée en compétences des professionnels via des formations ciblées sur l’architecture bioclimatique, sur les écomatériaux, en organisant des rencontres interprofessionnelles, des ateliers autour de thématiques diverses... De plus, une étude sur le confort thermique en ville donnera naissance, d’ici fin 2024, à un guide pratique à destination des maîtres d’œuvre et d’ouvrage, des aménageurs. Enfin, AQUAA fait partie du réseau OMBREE, un nouveau programme dédié aux professionnels de l’outre-mer, pour un bâtiment ultramarin plus performant !

Rédaction : Sandrine Chopot

Atelier d’apprentissage de la technique traditionnelle du torchis, un matériau de remplissage à base de terre et de paille. © AQUAA

LA CONSTRUCTION EN TERRE CRUE, UNE SOLUTION D’AVENIR ?

Selon Cécilia Javelot (ci-dessus), « la terre crue est un excellent régulateur d’humidité qui conserve la fraîcheur et du coup évite le recours systématique à la climatisation. C’est un produit écologique, acoustique, résistant et esthétique. » En Guyane, la brique de terre comprimée est utilisée pour des murs de remplissage ou des murs porteurs. « L’annexe de la mairie de Maripasoula en est un exemple ; de même que la future école de l’écoquartier Georges Othily à Rémire-Montjoly, et de plus en plus de maisons individuelles. Des marchés publics d’ampleur se mettent en place ! ». AQUAA a organisé un atelier expérimental avec une mallette pédagogique offrant des expériences ludiques et des explications sur la technique du torchis, en présence de Roland Kihl, un artisan de ce matériau naturel.

+ d’info ici : « La Kaz Ekolojik », construire et vivre avec le climat en Guyane

2 Watty à l’école est un programme développé et coordonné par la société Eco CO2, une écoentreprise innovante de l’économique sociale et solidaire. Financé par EDF, ce projet éveille les jeunes citoyens à la transition écologique.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 19

+ d’info ici : www.cirad.fr

40 ANS DE RECHERCHE PARTAGÉE POUR CULTIVER LE MONDE DE DEMAIN !

d e P uis 40 ans , avec ses P artenaires , le c irad œuvre au dévelo PP e M ent agricole , à la P réservation et la valorisation de la biodiversité exce P tionnelle des territoires ultra M arins tro P icaux l ’ avancée des P rogrès technologiques P ortée Par le c irad en outre - M er a M arqué l ’ histoire agricole de ces territoires et de leur in F luence dans leurs bassins de P roxi M ité .

INTERVIEW CROISÉE

MAGALIE JANNOYER, DIRECTRICE

RÉGIONALE DU CIRAD ANTILLESGUYANE ET ÉRIC JEUFFRAULT, DIRECTEUR RÉGIONAL DU CIRAD

RÉUNION-MAYOTTE-OCÉAN INDIEN

• Quel a été le contexte de création du Cirad à La Réunion et aux Antilles-Guyane ?

Éric Jeuffrault - Le 3 janvier 1962, une antenne de l’Institut de recherches agronomiques tropicales et des cultures vivrières (IRAT) s’implante à La Réunion à la demande et accompagnée par les professionnels de la filière canne à sucre de l’époque et donne le jour à l’actuel siège de la direction du Cirad Réunion, à la Bretagne. L’IRAT, l’IRFA 2 et le CEEMAT 3 vont conduire pendant plus de 22 ans des travaux très diversifiés dont les résultats structurent encore aujourd’hui les grandes filières agricoles réunionnaises canne à sucre, élevage, fruits et maraîchage, cultures ornementales.

1 Institut de recherche sur les fruits et les agrumes. | 2 Centre d’études et d’expérimentation du machinisme agricole tropical.

C’est de ce mariage de raison entre recherche et développement économique que naîtra en 1984 le Cirad, établissement public à caractère industriel et commercial qui poursuit aujourd’hui son développement à La Réunion, à Mayotte et en océan Indien. Ses infrastructures sont sans cesse modernisées et adaptées, en partenariat étroit avec les bailleurs et les partenaires scientifiques et techniques avec l’IRD, l’INRAE, l’ANSES, le MHNH, l’Université de La Réunion, avec les professionnels dont la Chambre d’agriculture, FDGDON, le GDS, le Parc national de La Réunion et des entreprises privées comme la biofabrique La Coccinelle. Chaque programme est coconstruit avec les bénéficiaires dont eRcane et Armeflhor, ou la Fédération régionale des coopératives agricoles dans le cadre des Réseaux d’innovation et de transfert agricoles (RITA).

Magalie Jannoyer - Aux Antilles-Guyane, l’histoire du Cirad est liée, comme à La Réunion, aux instituts destinés à répondre aux besoins techniques des filières d’exportation (canne et banane), d’agrumes et de bois, ainsi qu’aux problématiques de santé vétérinaire pour les filières animales. Il s’agit alors d’améliorer la productivité, de structurer les filières et de valoriser la diversité, par une meilleure caractérisation et connaissance des espèces pour chaque territoire. Ces différents instituts techniques d’appui aux filières se regroupent alors au sein du Cirad il y a 40 ans, avec toujours le même objectif d’appui technique agronomique et vétérinaire et de proximité avec les filières.

grandeur Nature OUTRE-MER 20 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Image d’archive de la station de la Bretagne. © Cirad

Visuel illustrant la recherche agronomique menée à La Réunion par le Cirad, ses retombées sur l’agriculture de l’île et le rayonnement du Cirad dans l’océan Indien. © Yuman | L’Agrocampus de Ligne Paradis regroupe le nouveau Pôle de Protection des Plantes, l’antenne sud du Parc national de La Réunion, les bâtiments historiques du pôle élevage, de l’agroalimentaire, de la télédétection et du programme de recherche de traitement des données satellitaires pour l’agriculture et l’aménagement rural. Au fond, on aperçoit la station agronomique de Bassin Plat. © Cirad

• Comment expliquer la longévité du Cirad aux Antilles-Guyane et dans l’océan Indien ?

M. J. - En lien avec le slogan « Innovons pour les agricultures d’aujourd’hui et de demain », le Cirad a continuellement développé des programmations répondant aux enjeux des territoires, en synergie avec les producteurs, les filières et en accord avec les collectivités et grâce à leurs financements. La présence historique sur site et ces financements permettent au Cirad d’investir et de faire de la recherche internationale en terrain tropical depuis les outre-mer. Le Cirad est ainsi reconnu en Guadeloupe comme un centre d’expertise mondial sur la cowdriose, maladie transmise par les tiques, ou en Guyane avec un suivi unique de la forêt tropicale.

Cela permet également aux territoires ultramarins de bénéficier d’une masse critique de compétences très importante – près de 400-450 employés permanents et non permanents en outre-mer – ainsi que de disposer de terrains d’expérimentation en propre.

É. J. - Dans les années 2000, une restructuration du Cirad s’opère, suite à une demande de ses tutelles de mettre la science au centre de ses activités. Le Cirad s’engage à porter des projets de recherche plus académiques pour toujours mieux soutenir les filières. Grâce aux nouvelles technologies, on explore des sujets de plus en plus pointus, en particulier en matière de génétique ou de lutte biologique pour renforcer une protection des cultures plus durable contre les bioagresseurs. Les études de terrain ne sont pas pour autant délaissées, avec un important travail de réalisation d’itinéraires techniques innovants. La combinaison de ces compétences permet aujourd’hui au Cirad de répondre à des besoins d’accompagnement plus complexes, intégrant l’environnement (bioéconomie circulaire, valorisation des biomasses à des fins agroécologiques ou énergétiques), la sécurité sanitaire (épidémiosurveillance, suivi des pollutions des sols et de l’eau), la sécurité alimentaire (systèmes moins dépendants, plus sains) ou encore l’aménagement du territoire face au changement climatique, un enjeu désormais prioritaire.

Dans les années 1980-90, le Cirad introduit la technique, innovante pour l’époque, de la jachère assainissante comme moyen de lutte agroécologique contre les parasites inféodés aux bananiers, combinée à la replantation de vitroplants de bananiers sains ; une technique faisant aujourd’hui partie du b.a.-ba de la production de bananes. | Le laboratoire des sciences du bois du Cirad en Guyane travaille sur la mise au point de produits biosourcés, issus des déchets du bois d’œuvre, remobilisés pour l’extraction de molécules à haute valeur ajou tée. © Cirad

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 21
et
Rédaction
interview : Axelle Dorville

ÎLE DE LA RÉUNION

Rédaction : Stéphanie Castre

LA COOPÉRATION RENFORCÉE ENTRE LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL

ET LES ACTEURS MAURICIENS

l ’ accueil , en M ars , d ’ une délégation M auricienne à l a r éunion P uis la visite , en avril , de deux re P résentants du c onservatoire du littoral à l ’ île M aurice ont P er M is de ré F léchir au dévelo PP e M ent de nouveaux Partenariats ou P ro J ets qui P ourraient être M enés con J ointe M ent

Depuis 2021, un dialogue facilité par la Région Réunion a été engagé entre le Conservatoire du littoral et les acteurs de la gestion des littoraux mauriciens. Deux propositions inscrites dans l’ébauche du nouveau Plan d’aménagement du territoire de l’île Maurice alimentent tout particulièrement ces discussions : la fondation à Maurice d’une structure s’inspirant du Conservatoire du littoral français ; et le projet de créer un géoparc côtier de la Cambuse à Gris-gris, sur la côte sud-est de l’île, s’apparentant aux Geoparks UNESCO.

Dans le cadre du projet RECOS de la Commission de l’océan Indien, une délégation mauricienne a été accueillie à La Réunion du 25 au 29 mars 2024, favorisant ainsi la continuité de ces échanges et l’exploration de partenariats futurs avec Maurice. Puis, du 16 au 19 avril, un « voyage retour » a permis à deux agents du Conservatoire d’appréhender in situ, avec les acteurs mauriciens, les problématiques en cours comme les crispations pouvant survenir sur les pas géométriques loués à bail, l’érosion côtière, etc.

DES ÉCHANGES DE BONNES PRATIQUES EN FAVEUR DES LITTORAUX

La délégation mauricienne s’est vue concocter un riche programme rythmé de conférences techniques et scientifiques, mais aussi de visites de terrain sur la valorisation du site patrimonial de la Pointe au sel, de la zone humide de l’Étang du Gol... Le but était de montrer comment un établissement du type du Conservatoire du littoral est en capacité de tisser du lien avec de nombreux partenaires pour développer des projets au bénéfice d’un littoral apaisé. À Maurice, des visites ont couvert divers sites du projet « Coastal Geopark » et les échanges ont notamment porté sur la volonté de créer, le long du futur parc côtier doté d’attraits géologiques, un sentier littoral d’environ 20 kilomètres ouvert à tout public. La mise en œuvre d’activités touristiques liées à la nature et au bénéfice des communautés locales est l’une des autres thématiques abordées lors ces échanges fructueux.

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Photo de groupe à La Réunion lors de l’échange technique entre les deux îles. © Nicolas Boulard / Conservatoire du littoral

TÉMOIGNAGES

GOUNDEN, COORDINATRICE DES PROGRAMMES DE L’ONG MAURICIENNE

MRU2025

« Nous avons hérité la notion des pas géométriques depuis 1807 lorsque l’île était sous administration française et il est possible d’y construire à partir de 30 mètres depuis la ligne de la plus haute marée. C’est pourquoi nous avons autant d’hôtels et complexes résidentiels “les pieds dans l’eau”. Sur le périmètre côtier pressenti pour accueillir le géoparc, l’État mauricien a alloué des baux à long terme à des privés qui cultivaient la canne. Aujourd’hui la canne fera place à des “Smart Cities” et autres projets immobiliers, de grosses villes littorales qui vont sortir de terre. Il est urgent que nous réfléchissions à l’utilisation qui sera faite de ces pas géométriques encore non bâtis. Comment organiser le partage de l’espace et ne pas tomber dans le schéma des conflits habituels. Nous ouvrons ce dialogue. »

SAREETA SUNTAH, DIRECTRICE DES SERVICES TECHNIQUES, MINISTÈRE MAURICIEN DU LOGEMENT ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

« Les Mauriciens prennent conscience de la pression qui s’exerce sur nos zones côtières. Le nord, l’est et le sud de l’île ont été quasi entièrement urbanisés, bétonnés. On est parti dans un extrême en ne cessant de développer les projets économiques. Par contre, le “sud sauvage” qui alterne criques et falaises, reste en partie préservé. Nous aimerions y aménager des coupures vertes pour protéger ces espaces d’ailleurs soumis à une forte érosion. Les Mauriciens pourraient eux aussi avoir accès aux plages, car les hôtels une fois construits ne leur laissent qu’un droit de passage. Le sud est convoité par les investisseurs, mais nous devons convaincre les autorités de créer un autre modèle, plus durable, et d’adapter à Maurice une structure innovante telle que le Conservatoire du littoral. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 23
Paysage du littoral sud mauricien. | Visite d’un espace naturel à l’île Maurice, lors de la venue des deux représentants du Conservatoire du littoral. | Réunion de travail multi-acteurs à l’île Maurice. | Plage privée marquée par l’érosion. © Nicolas Boulard | Carina Gounden

DEUX EXEMPLES DE PROJETS

ACCOMPAGNÉS PAR LE FONDS VERT À

LA RÉUNION

soutenir les ProJets des territoires Pour accélérer leur transition écologique est la vocation du F onds v ert , créé en 2023. l ’ é tat acco MP agne ainsi F orte M ent la M obilisation des collectivités territoriales en outre - M er . Z oo M sur deux P ro J ets F onds v ert à l a r éunion .

LE PROJET CEODES 1 EN FAVEUR DE LA FLORE RÉUNIONNAISE MENACÉE

Avec 382 des 963 espèces végétales indigènes de l’île aujourd’hui menacées d’extinction, La Réunion fait face à une urgence en matière de conservation de son patrimoine floristique. C’est pourquoi, sous l’impulsion de la DEAL Réunion, le Conservatoire botanique national de Mascarin 2 a élaboré trois nouveaux Plans nationaux d’actions (PNA). Parmi eux, le PNA Espèces végétales au bord de l’extinction de La Réunion (2021-2030) cible 10 espèces endémiques de l’île ou des Mascareignes, dont le nombre d’individus sauvages est, pour la plupart, inférieur à 50.

Après le projet FEDER SEVE 3 (2021-2023), qui a initié la mise en œuvre de ce PNA, le projet CEODES (20232026) soutenu par le Fonds Vert 4 et le Département va permettre, en étroite collaboration avec le Parc national de La Réunion, de poursuivre les actions prioritaires du PNA : état des lieux des populations naturelles et prospections botaniques dans l’espoir de découvrir de nouveaux individus, développement de méthodes de repérage et d’échantillonnage des plantes menacées par drone dans les remparts inaccessibles, récoltes de graines afin d’enrichir les collections en arboretums et banques de semences...

TÉMOIGNAGE

DOMINIQUE OUDIN, DIRECTEUR DU CONSERVATOIRE BOTANIQUE NATIONAL DE

MASCARIN

« Le projet CEODES nous a permis de mobiliser l’entreprise québécoise Outreach Robotics, pionnière en nouvelles technologies drones au service de la biodiversité. Nous avons pu tester un nouveau prototype de drone récolteur de plantes, le “Mamba” ! Grâce à sa pince de collecte, qui est une première mondiale, nous avons prélevé des plantes, fruits, etc. de façon extrêmement précise dans les falaises, jusqu’à un kilomètre de là où nous étions avec la télécommande. La difficulté est de ne pas perdre le réseau internet. Cet outil est prometteur pour la collecte des espèces endémiques menacées dans les milieux impossibles d’accès. On élargit ainsi les zones, tout en limitant notre impact. En cinq jours de tests, nous avons échantillonné quatre sites naturels, prélevé 15 espèces endémiques menacées et surtout, récolté 100 % des cibles ! »

1 Conservation, étude et observatoire des espèces à sauvegarder. | 2 Conservatoire botanique national & Centre permanent d’initiatives pour l’environnement de Mascarin (CBN-CPIE Mascarin). | 3 Sauvegarde des espèces en voies d’extinction.

grandeur Nature OUTRE-MER 24 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Accroché à la verticale d’un autre drone, le drone Mamba a été conçu pour prélever des feuilles ou branches jusqu’à deux centimètres de diamètre à l’aide de sa scie circulaire intégrée. © F. Vandeschricke

Le site hébergeait l’ancienne Bibliothèque nationale du prêt aujourd’hui démolie et dont une partie des matériaux a été recyclée dans une logique d’économie circulaire. © Ville de Saint-Denis

LA PREMIÈRE FORÊT URBAINE DE L’OUTRE-MER SERA À SAINT-DENIS

Le Fonds Vert soutient 5 un autre projet innovant à La Réunion : la création d’une micro-forêt de près de 5 000 m 2 sur le front de mer de Saint-Denis.

« Dédié aux générations futures, le projet s’inscrit dans le cadre d’une ambition municipale de faire de Saint-Denis une ville-jardin. Il prévoit la plantation d’ici début 2026 de plus de 27000 plants dont des arbres, au Barachois, en plein cœur de la ville », se réjouit Nadège Grenier-Duvert, cheffe de projet à la direction des Grands projets de la Ville de Saint-Denis. Cette forêt s’apparentera à un sanctuaire fermé au public, où la nature pourra reprendre ses droits. En effet, « en milieu urbain, les arbres rendent de multiples services, ils améliorent la qualité de l’air, permettent de lutter contre les îlots de chaleur, séquestrent le carbone, abritent une biodiversité et ont également un rôle “social” en offrant un cadre de vie plus apaisé », poursuit Nadège Grenier-Duvert.

Au-delà de sa situation en bordure d’océan et d’un grand axe routier qui la soumettra à la pollution, au

vent et aux embruns, la future micro-forêt tire son originalité de son découpage en plusieurs phases pour justement lui donner toutes ses chances face à ces contraintes. La première a pour but d’enrichir le substrat – avec un suivi tous les six mois – à l’aide de couvre-sol comme engrais vert et du test in situ, de différentes compositions de composts. Pendant la seconde phase lancée en mars 2024, les plants principalement indigènes et endémiques qui peupleront la future micro-forêt, sélectionnés pour s’adapter au milieu et au sol, seront cultivés en pépinière.

Enfin les plants seront mis en terre en respectant les différentes strates d’une forêt. La micro-forêt pourra ainsi être visible d’ici une dizaine d’années.

» de ce même dispositif.€

25 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
4 À hauteur de 460 000 € dans le cadre de la mesure « biodiversité » du Fonds vert. | 5 À hauteur de 418 313 €, dans le cadre de la mesure « renaturation
Plan de la future micro-forêt du Barachois, un projet porté par la Ville de Saint-Denis. Vue actuelle du sentier, sur le site de la future forêt urbaine, avant enrichissement du substrat. © Nadège Grenier Duvert Rédaction
: Stéphanie Castre

FAIRE DE LA CAPITALE DES OUTRE-MER UNE VILLE-JARDIN

l a v ille de s aint - d enis s ’ attache à F aire entrer la nature dans l ’ es P ace urbain c ette P olitique de la « c a P itale o utre - M er en M ouve M ent » ré P ond à une a M bition F orte et F édératrice : a M éliorer les conditions de vie et le bien - être des habitants .

En flânant au cœur des quartiers de Saint-Denis, force est de constater que la ville change. Du Butor à Bellepierre en passant par Vauban, le Barachois, Moufia ou encore le Chaudron, de nouveaux espaces de vie, verts et conviviaux, fleurissent dans la capitale ultramarine. Ces squares, parcours de santé, aires de jeux, jardins collectifs et autres allées piétonnes végétalisées signent le retour à la terre souhaité par la municipalité.

C’est une transformation favorisant la qualité de vie au contact de la nature et fondée sur le socle de l’identité réunionnaise qui est mise en place. L’environnement a ainsi pleinement sa part dans chaque grand projet d’aménagement en cours, dont le Projet de renouvellement urbain du nord-est littoral (PRUNEL), qui concerne 5 500 Dionysiens et accompagne les familles vers un meilleur habitat dans un cadre plus apaisé.

grandeur Nature OUTRE-MER 26 PUBLI-COMMUNIQUÉ
la
» (tyrolienne, accrobranche...) est arrivé en tête avec plus de 17 000 votes. | Jardins familiaux du
© Ville de
En haut et ci-dessus : plans de Diony Parks, futur centre de loisirs et havre de verdure. Parmi les cinq scénarios imaginés par
les citoyens, celui de
« forêt aventure
Chaudron.
Saint-Denis

INTERVIEW

ÉRICKA BAREIGTS, MAIRE DE SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, ANCIENNE MINISTRE DES OUTRE-MER

• Comment construit-on dans une ville-jardin ?

- À Saint-Denis, près de 6 000 logements sociaux ont été construits depuis une dizaine d’années, ce qui est considérable. La Ville est très solidaire pour répondre aux besoins des familles. Mais nous devons impulser une nouvelle façon de faire la ville : compenser l’artificialisation des sols en enlevant le plus possible de minéral. Pour cela, il est essentiel de planter des arbres, de créer des îlots de fraîcheur sur notre territoire où les températures vont bientôt dépasser les 30 °C six mois par an. Avec 100 000 véhicules entrant chaque jour à Saint-Denis, la captation du carbone par les végétaux est une nécessité. Pour concilier l’urgence de construire et l’urgence climatique, nous essayons aussi de réduire la densité des programmes immobiliers en privilégiant de petites unités. Face aux promoteurs, mon rôle, c’est de faire en sorte que les gens vivent bien. Je ne parle d’ailleurs pas de logement mais d’habitat, pour franchir ce saut qualitatif : l’habitat, c’est plus qu’un logement, c’est un espace où on peut être heureux. Quitte à construire moins vite, nous choisissons de bâtir mieux et de verdir chaque projet.

• Les Dionysiens sont-ils réceptifs à cette grande ambition de verdir la Ville de Saint-Denis ?

- Je le constate au quotidien sur le terrain. Comme en bas des immeubles, où on aide les gens à cultiver

des jardins collectifs nourriciers. Ceux du Chaudron par exemple font intervenir 400 familles ! Nous accompagnons ainsi plus de 40 initiatives de jardins partagés, on aide à avoir la terre, le compost, etc. Les habitants de ces quartiers se reconnectent à la terre et cela apporte du plaisir, permet de se sentir utile et considéré, flatte l’égo, déconstruit l’isolement, aide à prévenir le mal vieillir et crée de la fraternité. Ce sont des espaces où l’on se rencontre dans une liberté respectueuse de l’autre. Les jardins font rêver, pourtant personne ne croyait à ce projet. Depuis deux générations on avait confisqué la terre réunionnaise aux Dionysiens. On a réussi à inverser les choses. Une centaine d’agriculteurs s’est installée à Saint-Denis ! Nous les accompagnons pour trouver les terrains, les réaffecter à l’exploitation agricole, les mettre en état, rédiger les baux, sélectionner les projets en commissions... Cela prend du temps, mais c’est fondamental d’autant plus qu’au sortir de la crise Covid, on a vu que nous n’avions plus la capacité de nous nourrir... Nous souhaitons aussi retrouver cette part d’autonomie.

Avec près de 60 000 Dionysiens habitant dans les logements sociaux sur une population en croissance de 156 000 habitants, il nous faut aussi réapprendre à planter sur les balcons, à retrouver ces gestes que les Réunionnais connaissaient tous : semer ses tomates, sa salade... Les choses les plus simples sont quelquefois les plus difficiles à faire. Planter dans les écoles est aussi l’une de nos missions, comme à ChampFleuri où nous avons retiré quatre tonnes de bitume pour offrir un jardin potager aux enfants. Cette expérimentation dans 11 écoles s’inscrit dans notre grand projet éducatif et concerté d’École du Bonheur.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 27
et
:
Rédaction
interview
Stéphanie Castre
Plus de 6 000 m 2 réaménagés grâce au savoir-faire d’artisans réunionnais, 6 300 plantes et végétaux plantés, miroir d’eau, espace scénique...Inauguré en février 2024, le nouveau square coloré du Barachois offre un espace de respiration, de détente et de rassemblement authentique à ses visiteurs. © Ville de Saint-Denis
grandeur Nature OUTRE-MER 28
En haut de page : vue depuis la butte de la Trinité sur le parc urbain du Cœur vert familial, un poumon vert de Saint-Denis | Ci-dessus : l’îlot Flamboyant et plus largement le Chaudron, où une rénovation urbaine est en cours, vont devenir le premier écoquartier de la ville.
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 29
Sportive, la maire de Saint-Denis Éricka Bareigts est ici en randonnée à l’îlet à Guillaume, un site en pleine nature de Saint-Denis, accessible depuis le parc du Colorado. | Des jardins partagés, pour favoriser le retour à la terre et le lien social. Photos : © Ville de Saint-Denis

LE DOMAINE FLEURIÉ, REFUGE DE BIODIVERSITÉ SUR L’UN DES PLUS ANCIENS SOLS DE L’ÎLE

e n 1998, le déParte M ent de l a r éunion Faisait l ’ acquisition du d o M aine F leurié , dans les hauteurs de s aint - d enis , a F in de P rotéger durable M ent ce site de 97 hectares qui abrite de P récieux vestiges de la F orêt se M i - sèche de l ’ île i MM ersion dans un e s Pace naturel sensible ( ens ) qui , bien au - delà de son aire de P ique - nique , gagne à être connu

Dans le quartier de Saint-Bernard à la Montagne, le Domaine Fleurié, patrimoine départemental, appartenait depuis le milieu du XXème siècle à Vincent Fleurié qui, parti de rien, y planta un grand nombre de filaos et d’eucalyptus pour en faire des fagots, alors fortement utilisés pour les constructions ou les feux de bois.

Cet ENS borde la ravine de la Grande Chaloupe et surplombe l’océan, procurant un « effet balcon » surprenant. Une myriade de sentiers permet de saisir la singularité de ce site qui héberge des reliques de forêt semi-sèche unique au monde et gravement menacée d’extinction. L’aménagement des lieux invite à la détente en famille et à des randonnées sportives sources d’émerveillement. Sous le vol des papangues, vous foulerez les plus vieux sols de l’île, riches en couleurs et apprendrez à reconnaître des essences indigènes et endémiques, typiques de ce milieu.

Des points de vue dégagés s’offriront à vous tout au long du parcours. Les agents de la SPL EDDEN, gestionnaire du site, et du Parc national de La Réunion, seront ravis de vous faire découvrir les multiples facettes d’un site à la reconquête de la biodiversité !

BIENVENUE À LA FÊTE DE LA NATURE

DU 15 AU 19 MAI 2024

Lors de cette 18ème édition, le Département de La Réunion va proposer, comme chaque année, de très nombreuses visites guidées au public, pour le sensibiliser aux enjeux de protection de la biodiversité et faire progresser ses connaissances en la matière, dans un esprit convivial et festif. + d’info ici : Le programme de l’événement

Ci-dessus : le Domaine Fleurié, un Espace naturel sensible (ENS) facile d’accès. Certains croient qu’il se limite à son aire de pique-nique, tandis que les connaisseurs arpentent ses sentiers menant à des terres colorées, des points de vue sur le Chemin des Anglais et, au loin, l’océan... © Emmanuel Richard / CD974 | Coulée basaltique très altérée, âgée de plus de 400 000 ans (altérites et sol ferrallitique de la phase 2 du Piton des Neiges). | Lecture paysagère lors d’une animation ouverte au public pendant les Rendez-Vous NatureS organisés par le Département. © SPL EDDEN

,
grandeur Nature OUTRE-MER 30 PUBLI-COMMUNIQUÉ

Mise en place d’un arboretum par les équipes en 2019 sur une parcelle qui a fait l’objet d’une lutte contre les espèces exotiques envahissantes. © SPL EDDEN |Vue aérienne de l’arboretum en cours de création en 2019. © CD974 | Érosion concentrique en forme d’écaille de la couche basaltique, dite « pelure d’oignon ». © SPL EDDEN

TÉMOIGNAGES

LAURENT CALICHIAMA, RESPONSABLE DU SERVICE

SCIENTIFIQUE DE LA SPL EDDEN

« Nous concevons le programme d’action qui vise à préserver l’ENS du Domaine Fleurié. Nous mettons en œuvre ce programme et en assurons l’évaluation, le but étant de toujours chercher à améliorer nos actions. Pour mieux connaître ce milieu naturel, les techniciens de mon service réalisent des inventaires floristiques. Et pour le préserver, nous effectuons par exemple de la détection précoce des espèces exotiques envahissantes émergentes, telles que l’arbre pieuvre. Mon rôle est de superviser le recueil, la bancarisation et l’analyse de toutes ces données terrain. Je dresse aussi la liste des travaux à entreprendre pour la restauration écologique des milieux naturels. Le Domaine Fleurié est très dégradé du fait de son histoire agricole. Pourtant, il abrite des reliques de forêt semi-sèche, un écosystème unique au monde dont il ne subsiste sur l’île qu’1 à 3% du milieu originel. C’est l’écosystème terrestre le plus menacé de La Réunion et le cortège d’espèces endémiques qui l’accompagne s’avère d’une rareté exceptionnelle. Notre politique est de ne pas communiquer sur la présence de ces espèces protégées, de façon à éviter tout risque de braconnage. »

NICOLAS VITRY, RESPONSABLE DU SERVICE ANIMATION ET SURVEILLANCE DE LA SPL EDDEN

« J’interviens au Domaine Fleurié depuis la création de la SPL EDDEN, en 2019. J’ai pu voir la transformation du site, notamment avec la création d’un arboretum conservatoire à but pédagogique, qui se compose aujourd’hui d’environ 300 pieds de bois indigènes ou endémiques, issus des reliques de forêt semi-sèche présentes ici. Lors de nos animations, je propose des exercices de reconnaissance via le “Petit lexique de botanique” que nous avons développé. Cet outil fournit des clés de détermination d’espèces : feuille simple ou composée, marge ondulée, dentée, crénelée, texture lisse, rugueuse, veloutée... Nous aidons ainsi nos visiteurs, y compris scolaires, à reconnaître en autonomie les arbres qu’ils rencontrent : bois de joli cœur, bois d’olive blanc, bois de Judas, bois de gaulette...

Par ailleurs, le Domaine Fleurié, véritable fenêtre sur l’histoire géologique de l’île, abrite des sols parmi les plus anciens de La Réunion. Certaines roches magmatiques sont marquées de façon très visible par une altération particulière nommée “en pelure d’oignon”. Ce phénomène d’érosion est dû au passage répété des eaux de ruissellement au fil du temps... »

, L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 31
et interview :
Rédaction
|
Béatrice Tevanee
Stéphanie Castre

PORT RÉUNION ACTUALISE SON SCHÉMA

DIRECTEUR DU PATRIMOINE NATUREL (SDPN)

à travers la récente M ise à J our de son s ché M a d irecteur du P atri M oine n aturel ( sd P n ), P ort r éunion con Forte son bilan en M atière de P réservation des secteurs à valeur écologique , un travail de F ond qu ’ il souhaite valoriser au P rès d ’ autres a M énageurs de M ilieux naturels .

Premier port d’outre-mer, le Grand Port Maritime de La Réunion (GPMDLR) est le lieu de transit de 98 % des marchandises importées à La Réunion. Le complexe industrialo-portuaire génère sur l’île plus de 5 000 emplois directs ou indirects.

Depuis 2014, une gestion environnementale intégrée avec des suivis formalisés a permis au GPMDLR, de son nom commercial Port Réunion, la définition d’actions concrètes en faveur de la préservation de l’environnement et en lien avec le changement climatique. Ces actions sont déclinées au travers de deux documents stratégiques : le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PA2D) et le Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN). Ce dernier a été initié fin 2015 pour améliorer la connaissance de la biodiversité présente sur le territoire portuaire.

CONNAÎTRE LE PATRIMOINE NATUREL

POUR MIEUX ANTICIPER LES IMPACTS DES PROJETS D’AMÉNAGEMENT

Grâce à une meilleure connaissance du patrimoine naturel acquise dans le cadre du SDPN à la suite d’inventaires inédits de la faune, de la flore et des habitats naturels, le GPMDLR progresse sur la conservation et la valorisation des richesses et fonctionnalités de ces écosystèmes terrestres et marins. L’objectif étant de gérer de manière concertée et planifiée le patrimoine naturel du port, mais aussi de partager avec différents publics les résultats et les démarches de préservation de cette biodiversité.

Le SDPN a permis de recueillir de nombreux indicateurs sur la biodiversité qui viennent préciser les mesures d’Évitement, de Réduction ou de Compensation (ERC) des impacts dans les projets d’aménagement futurs du port. Mis à jour en mai 2024, le SDPN révèle un bilan positif sur la période 2019-2023, avec des résultats concrets comme : des espèces marines observées pour la première fois à La Réunion, un milieu marin en bonne santé, la protection de l’avifaune endémique liée à une réfection des éclairages, une attention partagée contre l’introduction accidentelle d’espèces exotiques envahissantes, etc.

grandeur Nature OUTRE-MER 32 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Les deux sites du GPMDLR : Port Est (premier plan) et Port Ouest. © GPMDLR | QR code vers une présentation du SDPN. | Une lagune, surprise du territoire. © Eco-Med | 244 espèces de poissons ont été observées dans la zone, dont 45 pour la première fois en 2023. © Marex

Étude de l’état de santé du milieu marin dans le cadre du SDPN, qui prévoit également un suivi sur des stations sentinelles régulier. Les indicateurs qui y sont relevés révèlent un état des fonds marins bon et stable. © Marex | Étendue de l’aire d’étude du SDPN : en rouge la circonscription portuaire ; en bleu l’aire d’étude marine ; en orange l’aire d’étude terrestre. © OCEA Consult

TÉMOIGNAGES

COMMUNICATION

CHEZ GECOMNAT’ CONSULT’ POUR LE SDPN

« J’interviens pour renforcer la communication et la collaboration dans le cadre du SDPN. Après des échanges avec des acteurs de la biodiversité, nous avons initié une démarche favorisant le dialogue territorial et la coopération. Ma mission est de consolider cette approche novatrice, en concevant des plans d’action adaptés favorisant l’émergence de synergies entre parties prenantes. L’enthousiasme des acteurs rencontrés témoigne de l’impact positif de notre démarche sur la préservation de la biodiversité réunionnaise. »

PRISCILLE LABARRÈRE, RESPONSABLE DU SERVICE

ENVIRONNEMENT ET AMÉNAGEMENT AU GPMDLR

« Au travers de notre Schéma Directeur du Patrimoine Naturel, nous détenons désormais une bonne connaissance des milieux terrestre et marin, ce qui nous permet d’avoir une politique d’aménagement responsable et d’anticiper les éventuels impacts des projets portuaires !

Une particularité de la mise à jour de ce SDPN est l’intégration d’un volet communication qui nous permettra, je l’espère, de partager et valoriser ce travail très complet portant notamment sur l’amélioration de la connaissance de la biodiversité marine et les actions menées en concertation avec les acteurs ayant participé à cette belle réalisation collective !

Notre souhait serait que notre SDPN élaboré en concertation avec les acteurs locaux de la protection de la biodiversité soit valorisé au travers des documents stratégiques d’aménagement et de gestion des ressources naturelles de l’île, afin de sortir de l’enceinte portuaire et de partager nos découvertes et connaissances à l’échelle du territoire ! »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 33
:
Rédaction
Stéphanie Castre |
Marie-Laure
Le GPMDLR mène des actions de restauration et végétalisation grâce au travail bénévole de ses agents. © GPMDLR
Chaurand

PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ ET LES TRADITIONS

MAHORAISES : LE PARI DE L’APICULTURE RESPONSABLE

d évelo PP er l ’ a P iculture a F in de P rotéger les P ollinisateurs , les habitats et les cultures traditionnelles : c ’ est l ’ a M bition P ortée P ar la F édération M ahoraise des associations environne M entales (FM ae ) dans le cadre du P lan national P ollinisateurs 2021-2026.

Le plan national d’actions (PNA) « pollinisateurs domestiques et sauvages » a été lancé en 2021 en France. Objectif : mettre en place des actions concrètes pour lutter contre le déclin de ces insectes si précieux.

RAPPELONS QUE 90 % DES PLANTES À FLEURS ET 35 % DE CE QUE NOUS MANGEONS DÉPENDENT DE LA POLLINISATION PAR LES INSECTES 1 !

À Mayotte, la FMAE s’est emparée de la problématique et s’occupe d’animer la déclinaison locale du PNA, coordonnée par la DEALM 2 . Les premières actions ciblent la conservation des abeilles Apis mellifera unicolor via trois volets : la recherche scientifique, la sensibilisation et la montée en compétences.

UN « COUVAIN » DE CONNAISSANCES ET DE BONNES PRATIQUES

La FMAE a lancé un projet de structuration de la filière apicole pour accompagner les apiculteurs amateurs et les professionnaliser. Un projet cofinancé par l’OFB via Biodiv’Eco 3. À ce jour, une trentaine de personnes ont suivi les formations, créant une toute nouvelle communauté d’« apiconservateurs » – comme ils se sont surnommés !

Car au-delà de l’apprentissage technique apicole, l’association aborde les questions de préservation des habitats, de diversité des écosystèmes et de services rendus par la biodiversité et les abeilles. À terme, la vente du miel sera assurée en circuit court via la création d’une coopérative. Certains restaurateurs sont déjà séduits par ce subtil condiment local…

Ci-dessus : accompagner les apiculteurs amateurs pour les professionnaliser. © FMAE | 1 Source : MTECT. | 2 Direction de l’environnement, de l’aménagement, du logement et de la mer de Mayotte. | 3 Un appel à projet de l’Office français de la biodiversité, voir l’article p. 16 et 17.

grandeur Nature OUTRE-MER 34
MAYOTTE

La démarche s’appuie aussi sur l’installation d’un rucher pédagogique et de recherche. La FMAE teste différents modèles de ruches, cherche à identifier les meilleurs emplacements – en prêtant notamment attention aux arbres investis par les fourmis et autres termites – et repère les plantes qui attirent le plus les abeilles. Avec l’appui de scientifiques commandités par la DEALM, ces recherches permettront de réaliser le premier inventaire des plantes mellifères de « l’île aux parfums » ainsi qu’un guide abordant les aspects techniques et économiques de l’apiculture à Mayotte.

Le projet accompagné par l’OFB se termine en mai 2024, mais la dynamique se poursuivra grâce aux apiconservateurs qui essaiment les bonnes pratiques sur l’île. La FMAE envisage une collaboration avec la Chambre d’agriculture, la CAPAM, porteuse d’un projet de développement apicole dans le cadre de RITA, Réseau d’innovation et de transfert agricole de Mayotte.

TÉMOIGNAGE

ALI MADI, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION MAHORAISES DES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES (FMAE)

« À Mayotte, la plupart des habitants possèdent leur propre mundra, un petit champ cultivé où se mêlent plantes médicinales et alimentaires.

Dans notre culture, la relation avec la nature est profonde, ancrée dans les contes anciens où les abeilles ont également leur place. “Si l’abeille te pique, c’est que tu l’as dérangée ! Si la piqûre n’est pas trop forte, c’est qu’elle est là pour te soigner.” Le miel est une nourriture, mais c’est aussi un remède utilisé en médecine traditionnelle, et la cire est employée pour les soins capillaires et les massages.

À travers nos formations, nous transmettons des connaissances pratiques ainsi que notre héritage culturel, qui s’inscrit dans la bioculture et les 17 Objectifs de Développement Durable. Face aux défis posés par l’accélération des échanges avec le reste du monde, nous travaillons pour la conservation de nos savoirs traditionnels, des liens intergénérationnels et de notre relation ancestrale avec la nature. »

Rédaction et interview : Romy Loublier Des apiconservateurs aidés de la construction des ruches aux démarches administratives pour leur installation. © FMAE

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 35
La filière apicole mahoraise se structure autour d’une espèce d’abeille sauvage locale : Apis mellifera unicolor. © FMAE

l’association ceta’Maore a été créée à dZaoudZi en octobre 2021 Pour « valoriser et Protéger les MaMMiFères Marins et leurs habitats à Mayotte ». elle souhaite aMéliorer la connaissance de ce PatriMoine Précieux, la Partager auPrès des Jeunes et du grand Public, tout en accoMPagnant les acteurs locaux du nautis M e , des loisirs en M er , de la P êche et de la P laisance .

Baleine à bosse, globicéphale, grand dauphin de l’Indo-Pacifique... Au moins 25 espèces de mammifères marins ont été observées dans les eaux au large de Mayotte, dont une vingtaine d’espèces de dauphins, ce qui est exceptionnel. Participer sur le terrain à améliorer la connaissance scientifique sur ces animaux est une priorité pour Ceta’Maore, qui cherche comme de nombreuses associations à « mieux connaître pour mieux protéger ». Il est à noter que Ceta’Maore siège, avec le Conseil départemental, au comité de pilotage du Plan national d’actions en faveur du dugong de Mayotte, dont la population subsistant au large de l’île est estimée aujourd’hui à moins de 10 individus.

« PARTAGER », LE MAÎTRE-MOT !

La jeune équipe s’engage au quotidien à partager les savoirs sur les mammifères marins et à rallier à leur cause les habitants de Mayotte. Enfin, l’association va lancer son site internet pour partager ses actions et ses projets avec un public élargi.

MARAHABA À TOUS LES BÉNÉVOLES !

Ceta’Maore remercie l’ensemble des bénévoles qui ont rejoint son aventure dans le lagon de Mayotte. Si vous aussi vous souhaitez agir pour la valorisation du lagon ainsi que de ses mammifères marins, vous pouvez adhérer à l’association en lui écrivant via ses différents réseaux sociaux.

Ci-dessus : le dauphin à long bec est une espèce sédentarisée à Mayotte. © Aure Lo / Ceta’Maore | 1 « Merci » en shimaore. + d’info ici :

https://www.facebook.com/cetamaore/ https://cetamaore.org/

CETA’MAORE, LA JEUNE ASSOCIATION MAHORAISE EN FAVEUR DES MAMMIFÈRES MARINS grandeur Nature OUTRE-MER 36 PUBLI-COMMUNIQUÉ

LE RÉSEAU REMMAT

Ceta’Maore siège également aux côtés du Conseil départemental de Mayotte au sein du comité de pilotage du Remmat, réseau d’échouage mahorais des mammifères marins et tortues marines.

TÉMOIGNAGES

CYRIELLE

RANDRIANARIVONY, COFONDATRICE ET PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION CETA’MAORE

« Les mammifères marins ne connaissant pas nos frontières humaines, nous mettons un point d’honneur à nous relier aux autres territoires de la région. Ceta’Maore est par exemple membre du consortium de recherche collaborative IndoCet, qui réunit les principales structures scientifiques d’étude et de conservation des cétacés du sud-ouest de l’océan Indien. Nous échangeons nos données et observations sur les enregistrements acoustiques, la photo-identification, etc. Dans un soutien mutuel, nous dialoguons avec nos confrères associatifs du Mozambique, de Madagascar, des Seychelles, de Zanzibar et jusqu’en Afrique du Sud. Je crois en la capacité de cette ouverture géographique à faire avancer les études dans notre domaine.

Et puis, pour protéger les mammifères marins présents dans les eaux mahoraises, aller, pour le coup, en priorité à la rencontre de la population de l’île me semble prioritaire, pour lui montrer la beauté de ces animaux, leur place dans la biodiversité marine... Un travail de fond qui en vaut la peine, car à mes yeux le lagon abrite la plus grande richesse de Mayotte. »

KIBOUTIA MKADARA, ADMINISTRATRICE ET CHARGÉE DE COMMUNICATION BÉNÉVOLE

« Originaire de Nyambadao, je suis à la fois chargée de communication, bénévole et membre du conseil d’administration de Ceta’Maore. Je suis passionnée par la préservation de la culture mahoraise et par la promotion des richesses de mon île. Bordée de près de 200 plages réparties sur l’ensemble de son littoral, Mayotte est entourée d’un des plus grands lagons du monde, parsemé d’une vingtaine d’îlots. Un tel paysage porterait volontiers à croire que la population native de l’île est encline à aimer la mer depuis son plus jeune âge, comme en Polynésie française par exemple.

Or ce n’est pas le cas ici, où la mer est vue principalement dans son aspect nourricier. L’océan ici, c’est pour la pêche ! Pour la majeure partie de la population mahoraise, l’exploration des zones côtières s’arrête à la plage, et pas dans l’eau. La plage est perçue comme un espace de convivialité avec les fameux “voulés”, les pique-niques locaux. Pour le moment, les mammifères marins n’attirent pas la curiosité, ce qui est normal, car seuls les pêcheurs vont dans la mer et sont susceptibles de les rencontrer. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 37
Rédaction : Stéphanie Castre
Dauphin échoué. © Ceta’Maore, C. Randrianarivony |La baleine à bosse, l’un des animaux emblématiques étudiés par l’association. © Ceta’Maore / Auré Lo

INTERCO’ OUTRE-MER DONNE LA PAROLE

AUX INTERCOMMUNALITÉS DE MAYOTTE SUR LEURS PRIORITÉS EN MATIÈRE D’ENVIRONNEMENT

d ans ce nu M éro de l ’ e - M ag , i nterco ‘ o utre - M er , le réseau des interco MM unalités d ’ outreM er , M et en avant ses adhérents à M ayotte , auxquels nous avons P osé cette question en M atière d ’ environne M ent : « quelles sont les Priorités de votre intercoMMunalité, Face aux déFis auxquels Mayotte est conFrontée » ?

TÉMOIGNAGES

RACHADI SAINDOU, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DEMBÉNIMAMOUDZOU (CADEMA)

« Dans le cadre de notre compétence en GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations), nous agissons pour préserver notamment les cours d’eau, rivières et plages. Pour faire face aux pressions anthropiques sur ces écosystèmes, nous mettons en place des laveries solidaires. Après la première installation réussie à Dembéni en 2021, neuf autres seront inaugurées en 2024. Cet engagement fort représente un investissement de 300000 euros par laverie solidaire, incluant les travaux.

Par ailleurs, un des axes majeurs de notre politique environnementale est la gestion efficace des déchets. Nous souhaitons améliorer la collecte en augmentant le taux de couverture, en modernisant le parc roulant et en déployant une stratégie de conteneurisation. Nous travaillons à : réduire la part des déchets ménagers, inciter les professionnels à mieux gérer leurs déchets via une redevance spéciale, développer des solutions de traitement et de valorisation locales (ou régionales), développer une économie circulaire génératrice d’emplois, accentuer la prévention des déchets ménagers à travers des événements sportifs. »

ALI MOUSSA MOUSSA BEN, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU SUD DE MAYOTTE (CCS ud )

« Notre territoire, qui regroupe les communes de Bandrélé, Bouéni, Chirongui et Kani-Kéli, dispose d’atouts formidables, lagon, faune, flore et le tourisme constitue un important potentiel économique. Nous travaillons actuellement sur notre Schéma régional de développement du tourisme. Il s’agit d’une part d’identifier l’ensemble des atouts naturels du territoire et d’autre part, d’imaginer une stratégie touristique locale et responsable, fondée sur deux piliers, la protection de l’environnement et la valorisation du patrimoine culturel et humain.

Parmi les premières pistes d’actions figurent ainsi : la rénovation de l’Écomusée du sel de Bandrélé dédié à la production de sel à partir du limon par les “mamas shingos”, gardiennes d’un savoir-faire ancestral ; le plan de sauvegarde des tortues marines avec plus de 3000 pontes recensées chaque année sur nos plages ; ou encore la mise en valeur de la pêche au djarifa, une technique traditionnelle pratiquée exclusivement par les femmes à l’aide d’un tissu en tulle. L’objectif n’est pas de s’orienter vers un tourisme de masse, mais bien de privilégier l’écotourisme. »

grandeur Nature OUTRE-MER 38 PUBLI-COMMUNIQUÉ

SAÏD MAANRIFA

IBRAHIMA,

PRÉSIDENT

DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU CENTREOUEST DE MAYOTTE (3CO)

« Nous avons plusieurs priorités en matière environnementale, dont un important projet de transports collectifs. Si je devais citer une priorité de manière plus large, ce serait notre volonté de protéger nos espaces naturels. À la 3CO nous hébergeons en effet le bassin d’eau de l’île, ainsi que de nombreuses terres agricoles. Nous faisons le maximum afin de préserver ce précieux patrimoine.

À travers notre Plan local d’urbanisme intercommunal et de l’habitat (PLUIH), le premier à Mayotte, nous essayons de consommer les espaces urbains sans déborder sur la nature. Mais c’est très compliqué parce la population ne cesse de s’accroître et aussi car le foncier est d’autant plus limité que nous sommes touchés de plein fouet par le recul du trait de côte, de Mliha à Mtsanga Beach. L’école de Mangajou est très proche de la mer aujourd’hui... L’eau a englouti deux hectares de mangroves en 10 ans entre la cascade Soulou et l’usine sucrière... Conscients de ces contraintes, nous faisons au mieux pour ne pas empiéter sur les terres agricoles. Nous aurions besoin d’un accompagnement de l’État plus poussé pour faire face à ce défi. »

ARCHADI ABASSI, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE PETITE-TERRE (CCPT)

« Élu il y a six mois président de la CCPT, je compte garder le cap et continuer à porter avec enthousiasme et ambition les projets déjà initiés et en développer de nouveaux. Aussi, les actions menées par notre direction de la Politique de la ville, en étroite collaboration avec les services de l’État, répondent parfaitement à des objectifs environnementaux, sociaux et économiques.

Dans le cadre du Contrat de relance et de transition écologique (CRTE), l’une de nos grandes priorités est l’aménagement du front de mer de Petite-Terre. C‘est une initiative intercommunale phare, essentielle pour nos activités économiques et touristiques. D’un point de vue environnemental, ce projet va contribuer à protéger la faune et la flore de la Vasière des Badamiers grâce au soutien du Conservatoire du littoral, à préserver la mangrove, à lutter contre l’envasement du lagon et le risque de submersion marine. Le développement de la mobilité douce – sur six kilomètres – est également prévu, ainsi que le déploiement de déchetteries mobiles pour améliorer la collecte des déchets, et donc l’attractivité de notre territoire. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 39
À l’Écomusée du sel, les « mama shingos » (« shingo » signifie sel en mahorais) expliquent aux visiteurs chaque étape de la fabrication de ce sel naturel et au goût délicat. © Ville de Bandrélé | Nettoyage de plage par des agents de la Communauté de communes de Petite-Terre. © CCPT

DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DU GRAND NORD DE MAYOTTE (CAGNM)

« Le territoire du Grand Nord de Mayotte avoisine les 103000 habitants. La collecte et la gestion des déchets représentent l’une de nos priorités pour développer l’attractivité de notre territoire et le cadre de vie de notre population. Prendre en main les défis environnementaux et sanitaires, s’inscrire dans l’innovation et la coconstruction, telles sont nos lignes directrices.

Un travail de sensibilisation va être fait sur la précollecte afin de mobiliser tout un chacun sur l’importance du geste de tri pour réduire l’enfouissement (98 % des déchets sont enfouis à Mayotte). Une campagne de sensibilisation sur les biodéchets sera lancée en impliquant toutes les parties prenantes. Une police de l’environnement est par ailleurs en cours de constitution.

Mais avant toute chose, nous souhaitons miser sur la sensibilisation et la communication. Mayotte est un territoire fragile dont il est urgent de prendre soin pour les générations futures. Plus on apportera de service public, plus on incitera les citoyens à aller vers une démarche vertueuse ! »

AHAMADA FAHARDINE, PRÉSIDENT DU SYNDICAT DES EAUX DE MAYOTTE

« Le syndicat des Eaux de Mayotte est compétent en matière d’eau potable et d’eaux usées collectives. Sur ce second volet, notre priorité est le traitement des eaux collectées avant rejet dans les eaux naturelles. Notre programmation sur ce point concerne la réalisation de la station d’épuration de Koungou et de ses réseaux associés, un ouvrage en construction actuellement pour une mise en service au début de l’année 2025. Ensuite, dans le traitement de l’agglomération de Mamoudzou, une station d’épuration à Tsoundzou est en phase de notification de travaux. Quant au traitement de la zone urbaine de Petite-Terre, la station d’épuration et les réseaux associés sont en cours d’étude, pour un lancement de travaux courant 2025. Petite-Terre aura ainsi sa propre station d’épuration, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

S’agissant de notre compétence eau potable, notre principal projet actuel est de réaliser la construction de la future usine de dessalement de Grande-Terre à Ironi Be (10 000 m3 / jour), avec le moindre impact environnemental possible. »

grandeur Nature OUTRE-MER 40
Les îlots Choisil sont situés dans le lagon de Mayotte, à environ 800 mètres du rivage au nord-ouest de l’île. © Mayan’ART Studio Rédaction : Stéphanie Castre

Interco’ Outre-mer regroupe à Mayotte les cinq intercommunalités mentionnées sur la carte, ainsi que les Eaux de Mayotte.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 41 Mangrove à Dembéni. © CADEMA | Vue de la 3CO, où une police intercommunale de l’urbanisme et de l’environnement assurera prochainement le respect effectif du PLUIH, en mettant l’accent notamment sur la préservation des zones naturelles et agricoles. © 3CO

LA CADEMA, AUX AVANT-POSTES DE LA COLLECTE ET LA VALORISATION DES DÉCHETS

l a c o MM unauté d ’ agglo M ération d e M béni -M a M oud Z ou ( c ade M a ) a été réco MP ensée P our sa P olitique en M atière de P réservation de l ’ environne M ent en recevant deux P rix nationaux début avril à P aris u ne double réco MP ense qui salue le travail de cette interco MM unalité qui consacre P rès de 13 M illions d ’ euros en 2024 à la collecte des déchets

La Cadema est lauréate du Premier prix du concours « Les Outre-mer durables 2023, ainsi que du Prix citoyenneté de la 33 ème édition des « Trophées Eco Actions ». Décernés le 9 avril dernier à Paris, lors d’une cérémonie organisée par l’association Les Éco Maires, ces prix mettent à l’honneur la mise en place d’un dispositif de collecte alternatif des bouteilles en plastique, notamment dans les zones inaccessibles, mais également la sensibilisation et la médiation développées par la Cadema.

Ces récompenses, qui sont des références pour les collectivités de l’outre-mer en matière de développement durable, distinguent l’exemplarité des actions conduites par la Cadema dans le domaine de la protection de l’environnement.

Remise des prix le 9 avril dernier à Paris. Le président Rachadi Saindou y a été représenté par la vice-présidente de la Cadema Nadjati Saindou Combo, ici entourée par le sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili, le directeur des services Déchets de la Cadema, ainsi que William Adousso de LVD Mayotte Environnement; société partenaire de la Cadema sur le projet de collecte de bouteilles en plastique dans les quartiers inaccessibles.

De haut en bas : bornes d’apport volontaire enterrées métalliques installées pour la collecte des déchets ménagers. | Bacs métalliques sécurisés. | Visuel de communication sur la déchetterie mobile, un dispositif complémentaire à la collecte traditionnelle. © Cadema

grandeur Nature OUTRE-MER 42 PUBLI-COMMUNIQUÉ

INTERVIEW

OMAR ISSIHAKA, DIRECTEUR ENVIRONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE À LA CADEMA

• Quelles actions la Cadema a-t-elle initiées pour collecter les déchets de façon plus efficiente ?

- À Mamoudzou et Dembéni, ce sont 26 000 tonnes de déchets ménagers qui ont été collectées en 2023, sans compter le tri sélectif. Pour faire face à ces volumes, nous disposons de 150 bacs de collecte et 40 bornes enterrées métalliques ont été installées. Ces dernières, plus résistantes, plus esthétiques et plus efficaces contre le vandalisme offrent une grande capacité de stockage. Nos points de regroupement de collecte sont aussi en passe d’être équipés de bacs métalliques dotés d’un système de sécurisation.

LA CADEMA, CHAMPIONNE SUR LA FRÉQUENCE DE COLLECTE

En zone urbaine, chaque semaine, la CADEMA organise cinq collectes d’ordures ménagères sur l’ensemble de son territoire, auxquelles s’ajoutent deux collectes sur les grands axes. De plus, deux collectes par mois évacuent les encombrants. Aucun territoire national ne fait mieux en termes de fréquence de collecte !

Nous avons mis en place la déchetterie mobile pour les déchets de types équipements électriques et électroniques (D3E), encombrants métalliques et déchets verts, mais aussi pour préparer la population à l’arrivée de la déchetterie fixe et l’habituer à se déplacer vers les exutoires. D’autres déchets tels que les gravats ou les huiles usagées seront bientôt acceptés dans les déchetteries mobiles grâce aux conventions en cours de signature avec plusieurs éco-organismes.

Quant au tri sélectif en zone urbaine, l’éco-organisme Citeo assure la collecte et le recyclage des papiers, bouteilles en plastique, emballages carton, métalliques et en verre. Mais pour rendre ce tri sélectif plus efficace, la Cadema a contractualisé avec LVD Environnement Mayotte et mis en place une collecte alternative des bouteilles en plastique dans les quartiers peu accessibles avec un système de gratification : il s’agit d’inciter au tri en offrant aux apporteurs de déchets, à partir de 6 kg, des produits sanitaires tels que le savon, les couches ou les serviettes hygiéniques

« EN 2022, 10 TONNES DE BOUTEILLES EN PLASTIQUE ONT ÉTÉ RÉCUPÉRÉES, 30 TONNES EN 2023 ET NOUS VISONS 50 TONNES CETTE ANNÉE »

Nous organisons aussi des actions de sensibilisation dans les quartiers, écoles coraniques, écoles et autour des points de collecte pour expliquer les gestes de tri.

• Des projets à court terme valorisant les déchets ?

- Nous souhaitons étendre aux emballages métalliques ce système de gratification du tri dans les zones d’accès difficile. De plus seront bientôt acceptés, dans les déchetteries mobiles, les déchets issus du textile, les huiles usagées, piles, néons, jouets, déchets de chantiers, etc. Par ailleurs, une étude est en cours sur la collecte et le traitement des biodéchets et nous allons également étudier d’autres dispositifs de captage pour améliorer le tri sélectif dans les zones urbanisées. Le problème à régler, c’est l’exutoire !

En ce qui concerne les zones difficiles d’accès, la collecte traditionnelle des ordures ménagères, des encombrants et des déchets verts est assurée trois fois par semaine et il existe également des points de regroupement collectifs.

Enfin, une prise de conscience collective au niveau de la population, des professionnels et commerçants est nécessaire pour avoir à la Cadema une gestion des déchets efficiente.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 43
:
Rédaction
et interview
Marie Jaofeno |
Sandrine Chopot

« GECKO », LA REVUE CONSACRÉE À LA

BIODIVERSITÉ DU SUD-OUEST DE L’OCÉAN INDIEN

d ans le cadre du P rogra MM e v aruna , initiative régionale du grou P e a F d , l ’ association des n aturalistes de M ayotte a lancé une nouvelle revue de vulgarisation scienti F ique sur la biodiversité , à l ’ échelle du sud - ouest de l ’ océan i ndien

L’idée originelle était de créer un média de référence afin de rapprocher décideurs, scientifiques, ONG et citoyens de cette région du monde autour des enjeux de préservation de la biodiversité.

Baptisée du nom d’un petit reptile bien connu dans chacune des îles concernées, la revue Gecko vient aujourd’hui répondre à cette demande. Disponible en format papier et en version numérique, ce support d’une soixantaine de pages, dont le deuxième numéro vient d’être publié, paraît à un rythme semestriel. Lancé depuis Mayotte et conçu pour être résolument alternatif, pédagogique et inspirant, Gecko propose un espace de rencontres et d’échanges de bonnes pratiques locales, par et pour les acteurs du changement en matière de protection de la diversité du vivant.

Pour ce faire, la revue aborde dans une démarche pluridisciplinaire les champs d’études ouverts par les sciences de la nature, dans une zone regroupant Madagascar, l’Union des Comores, Maurice, La Réunion, Mayotte, les Seychelles ou encore les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

RASSEMBLER LES TERRITOIRES

AUTOUR D’ENJEUX COMMUNS

Gecko souhaite ainsi témoigner de la place qui doit être accordée à la biodiversité, de manière à poser un nouveau regard sur la nature. « Vulgariser les résultats scientifiques est essentiel pour mettre la biodiversité au cœur de nos décisions », déclare Blanche Gomez, coordinatrice du programme Varuna chez Expertise France.

Un projet inscrit dans son époque… celle du changement climatique, de la transition écologique, de l’érosion de la biodiversité, avec ses problématiques, ses controverses, mais aussi ses espoirs et ses solutions. Un outil au service des citoyens, écrit et construit par des chercheurs, étudiants, militants, ONG, décideurs, amateurs éclairés... Gecko, disponible sur abonnement, est en effet un support à contributeurs, ses articles étant rédigés par des spécialistes de domaines aussi variés que l’écologie, l’ethnologie, le droit ou l’économie.

grandeur Nature OUTRE-MER PUBLI-COMMUNIQUÉ
Les crabes sont des éléments essentiels des mangroves, étant parmi les espèces les plus emblématiques et ayant un impact majeur sur leur équilibre. On les qualifie même d’« espèces ingénieurs » des écosystèmes de mangrove. © Germain Rolland | Colonie de flamands roses à Mahajanga. Madagascar abrite plus de 250 000 espèces dont 70 % sont endémiques (source : WWF France). © Didier Beudard | Gecko à Mayotte. © Hadrien Vives 44

TÉMOIGNAGE

SAKINA ALI HAMISSI, CHARGÉE DE COMMUNICATION DE GECKO

« Gecko traite de tous les territoires du sud-ouest de l’océan Indien. Ça n’existait pas avant. Nous essayons de mobiliser les experts de la biodiversité dans toute la région afin de recenser les études scientifiques que nous allons ensuite vulgariser. La publication se compose d’un dossier thématique central et d’articles sur des sujets variés. Dans le numéro 2, le thème de la mangrove a été retenu par notre comité de rédaction, auquel siège Claire Golléty, maître de conférences en écologie marine à l’Université de Mayotte. Nous avons recueilli les textes de Grégoire Savourey, chef d’antenne océan Indien au Comité français de l’UICN, de Raphaël Merven de l’Indian Ocean Islands Foundation, d’Andilyat Mohamed, directrice de l’herbier des Comores...

Imprimé en 3000 exemplaires et disponible en version digitale, Gecko est proposé à l’abonnement à 6,90€ par numéro. Nous le commercialisons à Mayotte et espérons étendre prochainement cette initiative à La Réunion, à Maurice, aux Seychelles, à Madagascar et à l’Union des Comores. »

VARUNA, UNE AMBITION

RÉGIONALE POUR LA BIODIVERSITÉ

La revue Gecko fait partie des huit projets de Varuna, un programme qui contribue à lutter contre l’érosion de la biodiversité du sud-ouest de l’océan Indien au bénéfice de ses habitants. Cette région est, en effet, un hotspot d’importance mondiale soumis à de nombreuses pressions. Doté de 10 millions d’euros, le programme Varuna (2022-2026) est financé par l’AFD, coordonné par Expertise France et mis en œuvre avec sept partenaires.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
Le gecko a été choisi pour intituler la revue du fait de sa présence dans les îles de la région, mais aussi en raison de ses différentes facettes –indigène, endémique, invasif... – représentatives de la biodiversité.
+ d’info ici : https://revue-gecko.com/ 45 Rédaction et interview : Stéphanie Castre

Rédaction : Stéphanie Castre

LES ÎLES KERGUELEN, AUX CONFINS DU MONDE

d ans ce docu M entaire de 52 M inutes di FF usé sur arte de P uis F in F évrier , e MM anuel l e Page

P artage le quotidien des scienti F iques en M ission sur l ’ archi P el des K erguelen , au sud de l ’ océan i ndien . u ne aventure hu M aine hors du co MM un , au P lus P rès des beautés de la nature .

TÉMOIGNAGE

EMMANUEL LEPAGE, DESSINATEUR ET AUTEUR DE BANDE DESSINÉE

« J’ai beaucoup dessiné sur place et suis en train de commencer les premières pages de la future BD de ce voyage, qui devrait paraître à partir de 2026.

AU CŒUR DE CETTE COMMUNAUTÉ DE RECLUS VOLONTAIRES SOUDÉS PAR L’ISOLEMENT, L’AUTEUR NOUS FAIT VIVRE UNE AVENTURE IMMORTALISÉE PAR SES SPLENDIDES DESSINS

Le plus important pour moi, c’est de raconter ces liens très forts qui unissent les hivernants, de saisir comment cette vie communautaire, sans échappatoire, va les bouleverser, ce qu’une telle expérience apporte de découverte de soi et des autres. Être tout le temps ensemble pendant des mois, loin de sa vie amicale, familiale, amoureuse modifie les rapports. La vie en cabane marque plus encore que la vie sur la base. Un mot qui revient dans mes rencontres, c’est ce sentiment de se sentir plus “vrai”. Alors que dans la vie courante on baigne dans l’effervescence, l’information continue, les sollicitations permanentes, là-bas on n’est plus dans l’écume des choses, on côtoie des animaux sauvages au quotidien, on a du temps pour soi et pour l’autre. Avec son téléphone portable, on voyage avec son histoire. Là-bas, on peut être soi ou un autre... »

TAAF grandeur Nature OUTRE-MER 46
Dessins de l’article : © Emmanuel Lepage

UN EXTRAIT DU FILM DISPONIBLE DEPUIS CE LIEN CRÉÉ POUR L’E-MAG (disponible jusqu’au 10/07/24) https://vimeo. com/938211750/0b7776f180

Réalisation : Cécile Clocheret et François Picard. Production : ZED Film disponible sur la plateforme VOD payante ARTE

RETOUR SUR DEUX BD INDISPENSABLES AUX AMOUREUX DES TAAF !

« Ce qui m’intéresse, c’est le dessin envoyage,plusquevoyager » nous confie Emmanuel Lepage, qui est déjà l’auteur de deux BD dédiées aux TAAF : Voyage aux Îles de la Désolation (2011) se déroule dans les mers australes, tandis que La lune est blanche (2014) emmène le lecteur jusqu’à la base antarctique Dumont d’Urville.

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Auteur d’œuvres traduites dans de nombreuses langues, Emmanuel Lepage est le premier dessinateur de bande dessinée nommé peintre officiel de la Marine. Il a découvert les TAAF en 2010, consacrant sa première rotation sur le Marion-Dufresne à l’album Voyage aux îles de la Désolation Cabane à Pointe-Suzanne, à sept heures de marche de la base. © ZED / ARTE | Ci-dessous : carte de l’île principale et emplacements des cabanes.
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Dessins de la double page : © Emmanuel Lepage

POLYNÉSIE FRANÇAISE

« À CONTRE-COURANT », UN ROBINSON CRUSOÉ 2.0

h uit M ois sur un atoll désert avec co MM e seule co MPagnie des crabes et des oiseaux . c’est l ’ aventure huM aine et scientiFique que M atthieu JuncKer a débutée il y a quelques

J ours aux tua M otu. u n rêve d ’ en Fant, P our té M oigner de la beauté et la diversité de ces îles auJ ourd ’ hui M enacées Par des P ressions hu M aines , et inciter à l ’ action.

C’est un projet un peu fou qui anime Matthieu Juncker, biologiste marin de formation. Un rêve de gosse qui, enfin, voit le jour. « Depuis tout petit, cette vie de Robinson me passionne. Mais, il faut parfois attendre longtemps avant de vivre ses rêves ! » nous a confié peu avant son départ Matthieu Juncker, coordonnateur régional sur la pêche côtière et l’aquaculture dans le cadre du projet européen PROTEGE, pour la Communauté du Pacifique (CPS). Après ses études en biologie marine, il découvre, lors de son stage de master, l’île de Moorea en Polynésie française. « La diversité des poissons

coralliens, la beauté des îles, la culture polynésienne marquent un virage décisif dans mon parcours. Je cherche alors par tous les moyens à revenir dans le Pacifique ». C’est chose faite en 2002 où il pilote les missions d’observation du milieu marin de Walliset-Futuna. Trois ans plus tard, un doctorat en écologie marine en poche, il se forme au recueil des savoirs écologiques et à la gestion de projets multiculturels. À 32 ans, en 2009, il prend la direction de l’Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie (OEIL) jusqu’en 2019, puis travaille pour la CPS.

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Surnommé « titi », le chevalier des Tuamotu (Prosobonia parvirostris) est un oiseau terrestre en danger d’extinction. © Matthieu Juncker

UN BEAU JOUR, TOUT LÂCHER POUR PARTIR VIVRE SUR UN ATOLL DÉSERT

Avec une vie professionnelle très bien remplie, une femme, deux enfants, Matthieu a laissé son rêve de côté. Puis, il y a deux ans, il se lance. « Je me suis dit que c’était maintenant ou jamais ». Il monte un projet intitulé « À contre-courant », sans financements, avec cette idée de vivre pendant 240 jours en parfaite autonomie sur un atoll du Pacifique. Pour prendre le temps d’observer la nature, de témoigner des impacts des activités humaines, du dérèglement climatique sur ces îles extraordinaires de par leur biodiversité. Pour vivre une aventure humaine également, affronter la solitude, l’autarcie.

Au fil du temps, des partenaires comme l’Office français de la biodiversité (OFB) et le fonds de dotation Paul-Émile Victor le rejoignent et le projet se concrétise. Début avril, il quitte la Nouvelle-Calédonie où il réside pour atterrir à Tahiti. Dix jours pour peaufiner la préparation de la mission, des échanges avec les équipes médicales, la récupération du matériel nécessaire à ces huit mois de vie sauvage.

Car Matthieu doit se nourrir avec les seules ressources disponibles sur place, s’abriter et, bien sûr, réaliser chaque jour des suivis scientifiques. Derrière la carte postale se cache une réalité difficile. « Pour la nourriture, je vais devoir pêcher. Pour cela, j’ai un kayak à voile et du matériel de chasse sous-marine ». Mais sur un motu isolé, le plus dur est de trouver de l’eau douce. C’est donc équipé d’un dessalinisateur rustique relié à des panneaux solaires qu’il est parti à l’aventure. Avec la hantise de la panne bien sûr. C’est pourquoi il dispose également d’une bâche qui va

lui servir à récolter l’eau de pluie. S’il pleut. Pour l’apport en fruits et légumes, il compte sur les cocotiers et quelques pourpiers bord de mer. Une vie d’ascète dans laquelle il devra aussi lutter contre la chaleur, l’air salin, le soleil, les houles parfois dévastatrices qui font monter la mer loin sur l’atoll…

UNE IMMERSION

AU CŒUR DE LA NATURE

Jusqu’à Noël 2024, Matthieu Juncker affrontera seul la vie sauvage et procédera à de nombreux relevés scientifiques. Il évaluera en particulier l’état des populations d’un oiseau menacé d’extinction, le « chevalier des Tuamotu » et de ses prédateurs, les rongeurs. Cet oiseau endémique de l’archipel est emblématique d’un milieu vulnérable. Il ne survit que là où son habitat est préservé. Matthieu suivra par ailleurs la température de l’eau de mer, la hauteur des vagues, la progression de l’érosion littorale, la ponte des tortues marines, l’étendue des polluants plastiques.

« Le but est d’analyser les impacts des activités humaines dans ce lieu isolé et pourtant menacé. Car s’il existe plus de 400 atolls sur la planète, dont près d’une centaine en Polynésie française, leur survie tient aujourd’hui à un fil. Si le récif venait à mourir, ces paradis terrestres pourraient tout simplement être rayés de la carte. Ainsi que toute la biodiversité qu’ils abritent. Il est donc plus qu’urgent de les étudier pour les faire connaître et inciter à leur préservation. »

Rédaction : Mariane Aimar + d’info ici : https://matthieujuncker.com/ Teaser du projet « À contre-courant »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 51
Matthieu Juncker est aussi photographe sous-marin et auteur de plusieurs ouvrages. © Claude Bretegnier | Requins dans les passes. © M. Aimar
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Les Tuamotu comptent 76 atolls, des îles basses formées d’un récif corallien entourant un lagon. © M. Juncker | Raie léopard. © M. Aimar
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 53
L’état des coraux sera étudié. © M. Aimar | André, un Kanak rencontré dans une enquête sur les savoirs écologiques des pêcheurs. © Bertrand Juncker

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TERRE OUTRE-MER

L’EXPLOITATION MINIÈRE DES FONDS MARINS

l a F rance est le 2 è M e es Pace M ariti M e au M onde , dont 97 % se situe en outre - M er , où les sols et les sous - sols sont ré P utés riches en M étaux o n trouve ces M étaux entre 1 000 et 6 000 M ètres de P ro F ondeur

Dans les plaines abyssales, ils ont la forme de petits cailloux, qu’on appelle « nodules polymétalliques ». Manganèse, cobalt, fer, nickel, zinc, cuivre sont indispensables à la fabrication de nos smartphones, ordinateurs, batteries, voitures électriques, panneaux solaires, éoliennes... Certains disent qu’ils pourraient permettre d’assurer notre transition énergétique.

Depuis 2002, la France a multiplié les explorations de ses fonds marins dans le cadre du programme « Extraplac ». Un programme dont l’objectif est d’étendre la souveraineté de la France au-delà de son espace maritime, comme l’ont proposé en 1982 les Nations Unies. Si les Nations Unies valident toutes les demandes déposées par la France, notre espace maritime devrait s’agrandir d’environ 1,5 million de km2

Des explorations ont donc eu lieu partout outre-mer. Toutefois, les trois missions qui se sont déroulées dans l’espace maritime de Wallis-et-Futuna entre 2010 et 2013 n’ont pas été bien perçues par la population. Et pour cause : les habitants n’ont pas été associés.

Pourtant en vertu de leur statut juridique, les trois territoires français du Pacifique sont autonomes concernant l’exploitation de leurs fonds marins. Wallis-et-Futuna refuse désormais toute exploration et ne veut pas entendre parler d’exploitation minière de ses fonds marins.

Le 7 novembre 2022, Emmanuel Macron a décidé que la France allait renoncer à l’extraction minière dans l’ensemble de son espace maritime, comme dans les eaux internationales.

Une annonce qui a beaucoup surpris, car jusqu’à présent, la France avait consacré d’importants moyens et promulgué des textes en faveur de l’exploitation des fonds marins. Cette déclaration a bien sûr ravi les défenseurs de l’environnement. Les scientifiques ne sont pour l’instant pas en capacité de mesurer les conséquences de l’extraction minière sur les écosystèmes marins. En revanche, ils savent que sur terre, c’est l’une des industries les plus polluantes et destructrices pour la nature.

En novembre 2022, quelques jours après Paris, la Nouvelle-Calédonie a voté un moratoire sur l’exploitation minière dans son espace maritime, où s’étend le Parc naturel de la mer de Corail, l’une des plus grandes aires marines protégées à l’échelle mondiale. En décembre 2022, c’est au tour de la Polynésie de renoncer à l’extraction minière de ses fonds marins.

Des décisions qui s’expliquent aussi par leur culture. Pour les peuples des îles du Pacifique, l’océan est au cœur de leur identité, jusqu’à leur donner leur nom « Océaniens ».

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT Ce texte est issu de la chronique radio « Terre Outre-mer » présentée par Caroline Marie à écouter sur La1ere.fr , l’offre numérique Outre-mer de France Télévisions
ci-dessus : © Valentine Dubois | Photo des nodules polymétalliques : © Mission Nodinaut 2004 / Ifremer
Visuel
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CINQ LAURÉATS AU PALMARÈS DE LA

PALME

IFRECOR 2024 !

d e P uis 2011, le concours de la P al M e i F recor réco MP ense les actions et les P olitiques exe MP laires M ises en œuvre P ar les acteurs de la biodiversité et les élus d ’ outre - M er a F in de P rotéger les réci F s coralliens , les M angroves et les herbiers .

LES LAURÉATS DE LA 10 ÈME ÉDITION DE LA PALME IFRECOR

Portée par l’association des Eco Maires et l’IFRECOR, la cérémonie de remise de la 10ème édition de la Palme IFRECOR s’est tenue le 9 avril 2024 à l’Assemblée nationale et a récompensé cinq initiatives durables et innovantes dans les outre-mer.

• La Palme « Récifs coralliens » a été attribuée au Parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle-Calédonie pour son projet d’extension des zones de haute protection au sein du parc 1

• La Palme « Mangroves » a été décernée à l’association SOS Mangroves en Nouvelle-Calédonie, porteuse du projet de restauration de la mangrove de l’embouchure de la rivière « la Coulée ».

• La Palme « Herbiers » a récompensé la Réserve naturelle nationale de Saint-Martin dans le cadre de son projet ReCorEA d’atténuation des pressions anthropiques subies par les écosystèmes côtiers.

De plus, deux Palmes « Coup de cœur du jury » ont salué le travail de l’association Te Miti e Te Fenua de Polynésie française pour son projet Kiff ton Reef (voir notre interview page 57) et de l’association Deep Blue Exploration pour son projet Corcoma, de conservation des récifs coralliens de Mayotte.

Ci-dessus : plantation de palétuviers à l’embouchure de la Coulée en Nouvelle-Calédonie. © SOS Mangroves | Suivi des herbiers à SaintMartin par l’équipe de ReCorEA. © AGRNSM | Ci-dessous : projet Corcoma à Mayotte mené par Deep Blue Exploration. © Manuel Drouin

En haut : les récifs d’Entrecasteaux, joyaux du Parc naturel de la mer de Corail. | 1 L’arrêté adopté par le Gouvernement de la NouvelleCalédonie en octobre 2023 a étendu la surface des réserves naturelles et intégrales de 2,3 % à 10 % de l’espace maritime calédonien.

grandeur Nature OUTRE-MER 56 PUBLI-COMMUNIQUÉ
: © Nicolas Job
Photo

INTERVIEW CROISÉE

GÉNÉRALE DES ECO-MAIRES, XIONARA

AZZOPARDI ET MARION ALEXANDRE, PRÉSIDENTE DE TE MITI E TE FENUA 2 ET CHARGÉE DU PROJET KIFF TON REEF

• Que représente pour vous la Palme IFRECOR ?

Maud Lelièvre - Cette année est particulière importante car c’est la 10ème édition de la Palme IFRECOR et nous avons réussi, malgré deux années d’absence, à maintenir l’intérêt des maires et des collectivités sur la question des écosystèmes récifaux. En 10 ans, et malgré la présence de pressions urbaines ou d’intérêts économiques divergents, de nombreuses bonnes pratiques ont pu s’installer dans les territoires ! C’est cette longévité, essentielle pour l’action publique, que représente pour nous cette Palme 2024.

Marion Alexandre - Pour Te Miti e te Fenua, la palme IFRECOR, c’est avant tout une reconnaissance du travail accompli par l’association ces dernières années. Le projet « Kiff ton Reef » nous a permis de former, depuis 2021, plus de 200 enfants et adultes au suivi et à la préservation des récifs coralliens. Après six heures de théorie, chacun des stagiaires passe six heures dans l’eau pour être capable de reconnaître un récif en bonne santé et en assurer le suivi. Cette Palme récompense de la plus belle manière l’engagement à long terme de nos bénévoles.

• Quel message prioritaire souhaitez-vous faire passer avec la Palme IFRECOR ?

Maud Lelièvre - Que l’action publique peut avoir un vrai rôle et des effets positifs directs sur la biodiversité ! Les collectivités locales peuvent être les fers de lance de réussites environnementales qui participeront à atteindre les objectifs de développement durable, et à

lutter activement contre le réchauffement climatique. Chacun des projets primés présente un exemple de gestion réussi et un vrai intérêt territorial, qu’il est possible de répliquer ailleurs.

Xionara Azzopardi - De notre côté, le message que porte l’association, c’est l’importance du lien entre la terre et la mer. Tous les comportements que nous avons sur terre, notamment ici, à Raiatea en Polynésie française, ont un impact direct sur le milieu marin, de manière positive ou négative. Terre et mer sont liées et si l’on préserve l’une, on préservera également l’autre, nous avons besoin des deux pour vivre.

• Comment voyez-vous « l’après » Palme IFRECOR ?

Xionara Azzopardi - Pour « Kiff ton Reef », nous espérons que cette reconnaissance donnera envie aux collectivités de s’engager et de mettre en place cette formation dans toutes les îles polynésiennes, et pourquoi pas que la formation intègre le support scolaire polynésien ! Et bien sûr, nous continuerons à agir sur terre et sous l’eau pour préserver notre « fenua » !

Maud Lelièvre - Nous nous engageons, grâce à ce concours, à diffuser les bonnes pratiques et les expériences fructueuses pour donner envie aux élus de s’en emparer. En mettant en avant ces exemples réussis, la Palme IFRECOR présente un éventail de bonnes idées reproductibles, que les collectivités peuvent mettre en pratique en fonction de leurs objectifs, leurs moyens et bien sûr leurs territoires.

+ d’info ici : https://ifrecor.fr/la-palme-ifrecor/

2 Signifie « La Mer et la Terre ».

À Raiatea en Polynésie, la formation Kiff ton Reef apprend aux jeunes à suivre l’état de santé des récifs. Sur l’image ci-dessus, ces jeunes réalisent un comptage le long du transect. © Te Miti e te Fenua

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 57
Rédaction et interview : Lucie Labbouz

NOUVELLECALÉDONIE

« IMMERSION AU CŒUR

DES LAGONS DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE »

g râce à l ’ acquisition de ca M éras 360 ° de P ointe , ce P ro J et lauréat de « territoires d ’ innovation n ouvelle - c alédonie » P ro P ose de P uis 2020 une découverte inédite des richesses du M ilieu M arin calédonien en réalité virtuelle. à Partir de 2024, l ’ acquisition d ’ un M axi cata M aran P er M ettra une i MM ersion réelle encore P lus incroyable.

À Nouméa, les moniteurs biologistes marins du club de plongée Odyssey Diving encadrent des « expéditions privées et scientifiques » dans le plus grand lagon du monde, classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO. « Les sites sont incroyables et les plongeurs de tous niveaux peuvent se faire plaisir en toute sécurité. On a une telle diversité de tombants, de passes, de jardins coralliens... », s’émerveille Bastien Preuss, docteur en écologie marine et directeur du club. Ce photographe sous-marin bien connu sur le « caillou » a décidé d’aller encore plus loin dans la sensibilisation du plus grand nombre aux enjeux de la biodiversité du lagon et de ses récifs. C’est pourquoi il a créé le projet « Immersion au cœur des lagons de la Nouvelle-Calédonie ».

TERRITOIRES D’INNOVATION

La Nouvelle-Calédonie a été le seul lauréat ultramarin de l’appel à projets « Territoires d’innovation » lancé fin 2018 par l’État pour faire émerger de nouveaux modèles de développement territorial. 19 porteurs d’actions faisant de la protection et la valorisation de la biodiversité un moteur de croissance ont bénéficié localement de ce dispositif de subvention de près de six millions d’euros.

L’ALLIANCE DE LA BLUETECH ET DE L’EXPLORATION SOUS-MARINE

« Aux sorties en mer proposées par l’équipe, s’ajoute la collecte de contenus audiovisuels sous-marins permettant une immersion numérique dans ce milieu », précise Bastien Preuss. « La prise d’image est réalisée par une caméra munie de plusieurs optiques qui autorise une captation à 360° et la diffusion de photos ou vidéos au travers de casques de réalité virtuelle, notamment en 3D : un outil inédit sur le territoire ! ».

Le projet comprend des ateliers à destination des milieux scolaires et du grand public, mais également un éclairage scientifique des images observées.

« Immersion au cœur des lagons » met ainsi en valeur les ressources naturelles du territoire calédonien, en développant un nouveau panel d’activités éducatives et touristiques, immersives et durables.

Rédaction : Stéphanie Castre

grandeur Nature OUTRE-MER 58
+ d’info ici : https://territoiresdinnovation.nc/ + d’info ici : Odyssey Diving - New-Caledonia
Bastien Preuss (à gauche) et Christophe Bailhache de Underwater Earth – avec lequel le projet a été développé – aux récifs de l’Astrolabe.
59 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT Sensibilisation du public à la protection du lagon. | La technologie de pointe de cette caméra 360° au cœur du projet. © Bastien
Preuss
grandeur Nature OUTRE-MER 60

« Notre projet “Immersion au cœur des lagons de la Nouvelle-Calédonie” a pour partenaire principal

Underwater Earth, une ONG australienne pionnière dans le domaine de la 360 sous-marine, qui a œuvré à travers le monde et notamment chez notre voisin australien », précise Bastien Preuss.

Photographie en grand format : immersion au cœur d’une corolle de corail foliacé. | Ci-contre, de gauche à droite : dans la vague ; récif corallien. © Bastien Preuss

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 61

EXPERTISE GRANDS FONDS MARINS : L’IRD LANCE UNE PLATEFORME RÉGIONALE

D’ÉCHANGES DANS LE PACIFIQUE

l ’ ird s ’ est vu con F ier la réalisation d ’ une ex P ertise scienti F ique collective P ortant sur les en J eux de connaissance et de gouvernance des grands F onds M arins . P our M ener à bien cette M ission , l ’ i nstitut organise une P late F or M e régionale d ’ échanges au sein du P aci F ique

La mission pour l’expertise et la consultance de l’IRD a mis en place un comité d’expert.es composé de 14 scientifiques, de différents organismes de recherche (IRD, CNRS, Ifremer, MNHN) et de trois universités (Sorbonne, Bretagne Occidentale, Versailles-SaintQuentin). Coordonnée par Pierre-Yves Le Meur et Valelia Muni Toke, anthropologues à l’IRD, cette expertise Grands fonds marins poursuit deux objectifs majeurs :

• faire l’état des lieux des savoirs sur les grands fonds marins, de leurs usages actuels et futurs – dont l’exploitation minière – des impacts avérés ou potentiels de ces usages, et de la gouvernance de ces espaces ;

• produire des recommandations en matière de politique nationale des grands fonds marins.

Les résultats provisoires de cette expertise seront présentés lors de la Conférence des Nations Unies sur les Océans, en juin 2025 à Nice. Quant aux résultats définitifs, ils seront publiés aux éditions de l’IRD en accès libre, début 2026.

Au regard de l’importance des zones économiques exclusives (ZEE) des territoires français et des eaux internationales dans le Pacifique, mais aussi de la diversité des positionnements des pays de la région s’agissant des grands fonds marins, l’IRD met en place une plateforme d’échanges dans cette zone. Celle-ci réunira des participants d’une quinzaine de pays et territoires du Pacifique insulaire 1 et vise à :

• partager collectivement les expériences, compétences, savoir-faire, usages, visions, projets, perspectives et attentes de chacun en la matière ;

• échanger sur la diversité des modalités de gouvernance des grands fonds marins ;

• alimenter la réflexion de l’expertise collective, dont les résultats seront aussi restitués aux représentants des pays et territoires du Pacifique ;

• offrir un espace neutre d’échanges entre les divers représentants des pays et territoires insulaires du Pacifique sur la question des grands fonds marins.

grandeur Nature OUTRE-MER 62 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Ci-dessus : expédition sous-marine en Papouasie occidentale. Les grands fonds marins demeurent méconnus de la communauté scientifique. © Éric Bahuet / IRD | 1 Fidji, Guam, îles Cook, îles Mariannes du Nord, îles Salomon, Kiribati, Nauru, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Polynésie française, Samoa, Samoa américaines, Tonga, Tuvalu, Vanuatu, Wallis-et-Futuna.

Les représentants d’une quinzaine de pays et territoires du Pacifique se sont réunis pour la première fois à Nouméa du 19 au 21 mars 2024, afin d’échanger collectivement sur la connaissance et la gouvernance des grands fonds marins. Cette plateforme régionale d’échanges dans le Pacifique est un événement inédit, labellisé dans le cadre de la célébration des 80 ans de l’IRD cette année. © IRD

INTERVIEW

VALELIA

MUNI TOKE, ANTHROPOLOGUE À L’IRD

• Comment s’organisent les échanges au sein de cette plateforme régionale dans le Pacifique ?

- Une première rencontre s’est tenue à Nouméa en mars, qui a nourri l’état des lieux de la pluralité des connaissances des grands fonds. Une seconde rencontre aura lieu en Polynésie française en décembre. Ces échanges permettent de croiser les points de vue des acteurs du Pacifique concernés : gouvernements, services techniques, autorités coutumières, société civile, ONG et organisations régionales. « Que voulons-nous faire des grands fonds marins ? », c’est la question à laquelle tous ces acteurs sont invités à réfléchir ensemble. Chacun peut faire entendre sa voix sur ce sujet qui est d’actualité, en raison de la demande faite en 2021 à l’Autorité internationale des fonds marins d’établir un code minier concernant les eaux internationales.

• En filigrane apparaît la question de l’exploitation de métaux rares dans les grands fonds marins ?

- La France s’est positionnée fin 2022 contre l’exploitation des grands fonds marins, et la communauté scien-

tifique alerte sur les lourds impacts écologiques que provoqueraient ces activités industrielles sur l’environnement sous-marin, et probablement aussi de surface. S’ils partagent ces préoccupations environnementales, certains pays de l’océan Pacifique nourrissent à l’égard de la mine sous-marine des points de vue divergents, pour des raisons économiques ou de souveraineté.

Notre plateforme traite plus largement des usages des grands fonds et de leur gouvernance, mais sans ignorer la question cruciale des ressources minérales, puisque le Pacifique héberge notamment dans ses eaux internationales la fameuse zone de « Clarion-Clipperton » dont les nodules polymétalliques suscitent de nos jours la convoitise de certains États.

• Qu’en est-il de l’état des connaissances sur les grands fonds marins ?

- Les scientifiques connaissent encore très peu les grands fonds marins, qui sont extrêmement difficiles d’accès et donc peu explorés. En tant qu’anthropologue, j’étudie l’articulation de ces savoirs scientifiques encore en cours de production avec d’autres formes de savoirs, ceux que détiennent les habitants du Pacifique, qui connaissent de manière empirique les courants, les zones poissonneuses, les changements de couleur de l’eau indiquant la profondeur... Ce sont des savoirs « expérientiels » amenant à une autre perception de l’océan. Il n’est pas vu comme un espace à conquérir mais comme un trait d’union entre deux terres, dans une démarche holistique. La question reste de savoir comment la gouvernance actuelle de ces espaces peut intégrer ces points de vue et ces pratiques autochtones.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 63
Rédaction et interview : IRD | Stéphanie Castre

WALLISET-FUTUNA

QUI SONT LES PETITS

« MALUTAI » DE WALLIS ?

l ’ archi P el a vu naître sa P re M ière aire M arine éducative ( a M e ) en 2022. g râce à l ’ i MP lication des instituteurs de l ’ école de l ogolelei à M alae ’ F o ’ ou , dans le sud de l ’ île de W allis , 32 élèves s ’ attellent au J ourd ’ hui à la conservation de leur littoral et de la M er

INTERVIEW

CHANEL LAKALAKA, INSTITUTEUR EN CYCLE 3 (CM1, CM2, 6 ÈME ) CHARGÉ DE L’AIRE MARINE ÉDUCATIVE DE LOGOLELEI

• Pourquoi avoir choisi de lancer une AME ?

- La raison principale, c’est le constat de la perte du lien des enfants avec leur environnement. Notre culture ancestrale risque d’être oubliée car les enfants deviennent sédentaires et ne sortent plus. L’AME les reconnecte à la nature et aux savoirs traditionnels, en passant par notre langue locale. En wallisien, un même poisson peut avoir quatre noms différents selon sa taille, cela montre l’importance de la mer dans notre culture ! Du point de vue pédagogique, l’AME permet de faire l’école autrement, dans la nature à proximité.

« DANS MA CLASSE, SEULEMENT DEUX ÉLÈVES SAVAIENT NAGER ! C’EST UN PHÉNOMÈNE RÉCENT QU’IL EST ENCORE TEMPS DE RATTRAPER »

• Comment avez-vous mis en place ce projet ?

- Sa création a été assez compliquée en raison du manque de structures pédagogiques et d’experts. Mais avec l’appui du Service territorial de l’environnement (STE), nous avons fini par obtenir le soutien de nos autorités locales et par lancer une collaboration avec la Polynésie française pour nous appuyer sur leur modèle d’AME. Avec Sylvia Pressense, la deuxième institutrice impliquée, qui a porté avec moi ce projet, nous sommes même allés sur place, grâce à l’OFB 1. Les élèves ont ensuite dressé le portrait de leur aire marine et identifié les pressions après un diagnostic écologique de l’association Pala Dalik 2

• Quel est le bilan de cette 2ème année d’AME ?

- Les bénéfices que nous constatons sont vraiment tangibles. Les enfants apprennent à nager et sont enthousiastes. Ils deviennent des défenseurs de la nature, parfois avec une fermeté surprenante, qui peut même entraîner des tensions familiales ! Mais nous leur apprenons à agir de manière concertée et réaliste. Des journées de transmission ont lieu avec les parents et les autres écoles, et nous renforçons aussi nos liens avec nos voisins du Pacifique.

grandeur Nature 64 OUTRE-MER
Visite d’élèves de l’AME de Wallis à Moorea. © Chanel Lakalaka
1 Compagnonnage TeMeUm financé par l’Office français de la biodiversité. | 2 Une action soutenue par le STE et l’OFB.

« AVEC L’AME, JE VOIS MAINTENANT DES ENFANTS JOUER EN MER LE WEEK-END, CE QUI ÉTAIT DEVENU RARE ! LES ÉLÈVES SE SONT MÊME DONNÉ UN NOM INVENTÉ EN

WALLISIEN : “MALUTAI”, QUI SIGNIFIE “GARDIENS DE LA MER” »

• Quels sont vos projets pour la suite ?

- Lors du dernier conseil de la mer, les enfants ont décidé de s’impliquer sur les enjeux de la pêche et de mener des actions de sensibilisation pour informer les

pêcheurs du risque d’épuisement des ressources et des solutions à mettre en place.

Notre ambition est aussi d’étendre le nombre d’AME à Wallis – cette année, la plus grande école de l’île a suivi le mouvement ! – et, pourquoi pas, présenter notre lagon à l’UNESCO avec l’aide des enfants.

Nous voulons également interpeller la communauté internationale sur les menaces face auxquelles nous sommes impuissants, telles que l’afflux de déchets notamment en provenance d’Asie. Les enfants réalisent que nous sommes tous interconnectés.

Rédaction et interview : Romy Loublier

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 65
Les élèves de l’AME dans la mangrove d’Utufua. En une matinée, 466 palétuviers ont été plantés dans la pépinière du village. © C. Lakalaka
trouver
nombreuses palourdes,
La première sortie de découverte sur l’herbier a été très instructive : les élèves ont appris qu’il ne s’agissait pas d’algues ! Ils ont aussi été étonnés de
de
alors qu’elles avaient disparu du sud de l’île. Avec l’aide d’un scientifique, ils ont compris que cela pourrait bien être lié au retour de la mangrove toute proche et ont donc vu de leurs yeux l’intérêt de conserver et restaurer ce milieu. © C. Lakalaka

fédérer l ’ outre-Mer, favoriser les éChanges, Mettre en luMière les aCteurs de terrain, les initiatives pour la proteCtion de la nature et le développeMent durable

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Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion

Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Romy Loublier, Axelle Dorville, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Igor Rembotte, Oméya Desmazes, Marie-Laure Chaurand, Béatrice Tevanee, Marie Jaofeno, Caroline Marie Conception graphique : Océindia OcéIndia

grandeur Nature L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX : décideurs publics acteurs ultramarins de l ’ environnement académies d ’ outre-mer internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux ÉDITO | Célia de lavergne ministère de la transition éCologique MAYOTTE | le volCan sous-marin sous haute surveillanCe N.-CALÉDONIE | le lanCement du « digital earth PaCifiC » SOMMAIRE 2 édito 3 actu outre-mer 5 Saint-Pierre-et-Miquelon 10 Saint-Martin 11 Saint-Barthélemy 16 Martinique 22 Guadeloupe 28 Guyane 34 Île de La Réunion 42 Mayotte 50 TAAF 56 Polynésie française 60 Nouvelle-Calédonie 64 Wallis-et-Futuna OcéIndia
UNE n°21 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT MARS | AVRIL 2024 SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON | L’ARCHIPEL SUBARCTIQUE VU DU CIEL
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OUTRE-MER

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OUTRE-MER grandeur Nature n°22 _ mai-juin 2024

1min
page 66

Wallis-et-Futuna

4min
pages 64-65

IRD

5min
pages 62-63

Nouvelle-Calédonie

3min
pages 58-61

IFRECOR

5min
pages 56-57

Terre Outre-mer

3min
pages 54-55

Polynésie française

5min
pages 50-53

TAAF

3min
pages 46-49

AFD

4min
pages 44-45

Cadema

5min
pages 42-43

Interco' Outre-mer

8min
pages 38-41

Département de Mayotte

4min
pages 36-37

Mayotte

4min
pages 34-35

Grand Port Maritime de La Réunion

5min
pages 32-33

Département de La Réunion

5min
pages 30-31

Ville de Saint-Denis

5min
pages 26-29

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

5min
pages 24-25

Île de La Réunion

4min
pages 22-23

Cirad

5min
pages 20-21

Guyane

5min
pages 18-19

Office français de la biodiversité

4min
pages 16-17

Guadeloupe

3min
pages 14-15

Office De l'Eau Martinique

4min
pages 12-13

Martinique

3min
pages 10-11

Collectivité de Saint-Martin

4min
pages 8-9

Saint-Martin

2min
page 7

Saint-Barthélemy

3min
page 6

Saint-Pierre-et-Miquelon

3min
page 5

Actu Outre-mer

4min
pages 3-4
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