Botswana Lesdiamants de la justice N° 443 -4 44 -A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3 L13888 -443 - F: 5,90 € -RD ENQUÊTE NUMÉRO 443-444 EN VENTE DEUX MOIS Notre monde vrai Dette La jurisprudence Zambie POR TF OL IO INTERVIEWS BUS IN ES S FaouziBensaïdi Didier Claes Guillaume Diop Feurat Alani Gu ill aum eD iop ABIDJAN CITE AFRO GLOBALE C’estlatroisième villefrancophonedumonde.Unchantierpermanent.Undéfi urbain majeur. Un creusetdecultures et de peuples.Une mégalopole ouvertesur le grandlarge. TUNISIE Quel chemin pour demain ? Ka ïs Sa ïe d. Fr ance 5, 90 € –A fri qu ed uS ud 49 ,9 5r an ds (t ax es in c l. )–A lgér ie 32 0D A–A ll em ag ne 6, 90 € Au tri che 6, 90 € –B elg iq ue 6, 90 € –C anada 9, 99 $C –D OM 6, 90 € –E sp agne 6, 90 € –É ta ts -U ni s8 ,9 9$ Gr èc e 6, 90 € –I ta li e6 ,9 0 € –L ux em bo ur g6 ,9 0 € –M ar oc 39 DH –P ay s- Bas 6, 90 € –P or tug al con t. 6, 90 € Royaume -Uni 5,50 £–Suisse 8,90 FS –TOM 990 FCFP –Tunisie 7,50 DT –ZoneCFA 3500 FCFAISSN0998-9307X0 Le prési de nt lég itim e Mo ham ed Ba zoum. Niamey, le putsch et ses conséquences pa rZya dL im am
Le Marché de la ZLECAf PROMUE PAR EN COLLABORATION AVEC ACCUEILLIE PARL ÉGYPTE
NIAMEY,LE COUP ET SESCONSÉQUENCES
Le coup d’État perpétré le 26 juillet 2023 contre le régime civilet de naturedémocratique du président Mohamed Bazoum au Niger estune tragédie. La da te re stera. Op érat io n, dit -o n, de convenanceetd’opportunitémenée par le chef de la garde présidentielle, le général AbdourahmaneTiani,elleva entraînerune profonde déstabilisation d’un pays clé pour l’architecturerégionale. Tout début août,leprésident est toujours séquestrépar la garde supposée le protéger. DesBrutus et desJuda sans vision stratégique, comme prisonniers dansl’espace -temps, avec leurs déclarationsmar tiales.Etleurs communiqués numéro un,deux, trois… Rien ne pouvaitjustifier une tellemanœuvre, quivastopper un processus actifde développementetderéformes.Lepremier depuis de longues années, malgréses limites,avecune hausse de la croissance,des investissementsextérieurs,l’arrivée du pétrole. Un coup àcourtevue quivaisolerle Niger. Fragiliserlalutte contreles terrorismes. Entraîner, probablement,des divisions au sein desforcesmilitaires.LaCEDEAOalancé un ultimatumetenclenché des sanctions d’une rare sévérité. Menacéd’une opération militaire. La fouleest manipulée, elle descend dans la rueenbrandissantdemanièrepathétique desdrapeauxrusses et en s’at taquantaux murs de l’ambassadedeFrance.
Àl ’heure où ces lignessontécrites ,personne ne sait comment la situa tion va évoluer. Tout est possib le,m êm el ep ire, yc om pr i sl avio le nc eetl a gu err e. La Fr an ce va or gani se rl ’é va cu ati on de ses re ss or ti ss ants et d’au tres ét ra ng ers bl oqu és à Niamey.Accentuant l’isolementdurégime. Niamey, BamakoetOuagadougou,dansune alliance kaki de circonstance,m enac entd e qu it te rl aC ED EAO en cas d’ in te rv en tion mi li ta ir e. Ma is qui aurait le plus ày perdre ?Etcommentpourraientsur vivreces
ré gi me ss’i ls entrai ente nc on fl it ou ve rt avec le urs vo isins -p ar te na ires de l’UEMOA? Qu elle crédib ilité financi ère, mon étaire, pour lestro is pa ys du Sah el ce ntra lsans« la couver ture »esse ntie ll em entd ela Côte d’Ivoire,mais aussi du Sénégal, du Bénin, du Togo,etc.? Commentmener de frontlabataillecontre le terrorismeetlalut te pour le développementsans l’appui,mêmelimité, imparfait,àcourtevue,des pays occidentaux ?Avecl’aidedeMoscou, peut- être ?
Rétablir l’ordreconstitutionnel au Nigerest une urgencemajeure. Abandonner le paysàlui -même serait uneerreur d’ampleur historique.Comment protégerles autres expériencesdémocratiques, lesprogrès économiques en Afrique, et en particulierdansla sous-région, si un militaire peut venir renverser la table àtoutmoment, sans craindre de véritables sanctions?
De Niam ey àB ama ko,l eS ah el do it sor ti rd e cettepolitique desimpassespouraffronter la réalité en face. C’est unedonnéebrutalementincontournable Le Sahel est l’une des régions les plus pauvres, lesplusdéshéritées au monde.Onpeutévidemment évoquerlagouvernance depuis lesindépendances, leséchecs despouvoirsenplace.Mais lescar tes, au dépar t, ne sont vraim entpas favorables. DesÉtats enclavés,sansaccès àlamer,donc structurellement dé sa va ntag és –h ér itag ed el at ristem entc él èb re conférencedeBerlin.Le découpage post-colonial a créé,àpar tirdelacomplexitédudésert,des sociétéshétérogènes, par ticulièrementfragiles, avec des fractures culturelles, so ciolo giques, re li gi euses,e n par ti cu li er entrel es «n ord» et le s« su d»,e nt re de s pop ulation sd ites «b la nc he s» et de sp op ulation s dites «noires».Etauseindeces mêmespopulations, entreéleveurs,agriculteurs,sédentaires, nomades Àces marqueurs de tensions, s’ajoutent unenature par ti cu li èr em en tr ud ee tp eu de po ssib ili té sd e
AF RI QU EM AG AZ INE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3 3 édito PA R ZYAD LI MAM
développementagricole,qui restepourtantl’une des premièresclésdudéveloppementéconomique. Les ef fets dévastateurs du chang em entclimatique sont particulièrementvisiblesdanslarégion.L’eau se fait plus rare,les terres sont usées, lesespaces cultivablesdiminuentsousl’effet de la sécheresse et de la population La luttepourles ressourcesnaturelles devientaiguë
Rés ul ta t: au jo ur d’hu i, la pa uvr et éd em as se estundéterminant de la région. Le PIBpar habitant par an resteb ie ne nd eç àd el am oyen ne af ri caine (environ 20 00 dollars)etencoreplusdelamoyenne planétaire(12 60 0dollars): 830dollars au Mali,530 dollars au Nig er,830 dollars au Burkina Faso.D’après le Programmedes Nationsunies pour le développement (PNUD),l’indice de développementhumain (IDH)des paysduSahel figureparmiles plusfaiblesaumonde. Le Niger estau189e rang, le Tchad, avant-dernier (juste devant le SoudanduSud), est au 190e rang, le Burkina Fasoau184e,et le M ali au186 e Aujourd’huiencore, en 2023,20% à30% de la population aurait un besoin qu asip er manentd ’a ss ista nc ehumani ta ire, en pa rticulier alimentaire.Lacroissancenechangepas de manièredynamique cesdonnées. LesannéesCovid-19 n’ontpas aidé. Et la guerre en Ukraine, avec sesconséquencesmacro- économiques globales,non plus
Au cœu rd es mu lti cr is es ,s ep os el aq uest ion es sent ielle de la démographie. Le Sahel(Mali,Burkina, Niger,Tchad) est passé de 15 millions d’habitants àl’aubedes indépendancesàprèsde90millions au tournantdes années2020, soit une multiplication par plus de cinq en soixante ans. Lesprojections moyennes surl’avenirnesontpas par ticulièrementrassurantes. On évoqueplusde150 millionsd’habitants en 20 50, avec un Nigerpeupléde8 0millionsd’habitants…Et un Ma li avec 46 millionsd ’hab itants…U ne vé rita ble «bombelente », unemachine àdétruireles sociétés. Ceta ccroissem entincontrôlé de la population ti ent en partie àlaruralité, où la famillenombreuse resteun signeapparentde« richesse»,mais aussi et surtoutau fondamentalismelatent, au poids du religieuxsur les questions de natalité, de famille, de rappor thommesfemmes,sur lesquestionsdel’éducation et de l’émancipation desfilles.Leprésident Bazoum l’adit àplusieurs reprises :lecontrôledecet te démographieest l’un des paramètrescruciauxdel’avenir. Mais le sujet estperçu comm ehautem entp oliti qu e, inflammabl e, et il faut l’abordertoutenprudence, par toutes petites étapes, alors quelamaison brûle…
Le poids de cettedémographie, sondynamisme, mange lesfaiblesgains de croissance, pèse très lourdement surles raresstructures sanitaires et scolaires, débordeles capacitésd’investissementsdéjàexsangues,alimente la pauvretédemasse.Bamako,Ouaga, Niamey,N’Djamena deviennentdevastes« chaudrons » urbains où unejeunesse pléthoriqueetauchômage pose desproblèmes de sécuritéetdestabilitéàune échelleinégalée.
La «d es tr uc ti on »d el aL ib ye ac er ta in em ent joué un rôle da ns la cr isesécur itaire exis tent ielle que vivent les pays du Sahelcentral. Avec la dissémination d’armes, la pertedecontrôledes frontières nord, la disparition, aussi,des largesses financièresdu guide de la Jamahiriya, Mouammar Kadhafi.Maisles facteurs locauxont uneimpor tancedéterminante.La pauvreté génère des« vocations».Une kalachnikov, une mobylette, quelquescentaines de dollars, c’estnet tement mieuxque la misère…Lemanqued’infrastructures et de services de base afait le jeu de groupes, prosély tes, radicaux,qui ontprospérésur le videlaissé par le sÉta ts et su ru nterrea ud ’i mm en ses frag ilités économiques et humaines. Icioulà, cesgroupes ont pu apparaî trecomme desfacteurs «d’ordre traditionnel».Commesatisfaisantdes besoinsprimaires.Etles groupesterroristes se sont engouf frés dans la brèche, largementouver te.Mus parl’idéologie, par lesressentiments locaux,aussi,etpar la penséefolle d’un grand djihad planétaire.Ils se sont at taqués àdes États minés pa rl es di fféren ce sethni qu es,p ar le co nse rvat ism e religieux, par la pauvreté,par le changementclimatique, par le désespoir desgens. L’Occident,laFrance en premier,est venu àlarescousse (opérationsSer val, Barkhane,etc.).Enprotégeant ce quipouvait l’être.Et en formant, en équipantdes arméesquasimentincapablesdedéfendrelepays. Ceciexpliquantpeut- être cela.Etencoreune fois,sur le terreaud’une immense fragilitédes institutions, dansdes terres où le coup d’État est unetradition ancienne, le putsch est de nouveau d’actualité. Le cycledémarreen2012auMali.Avecune répétitionen2021. Puis,ceseraleBurkinaFaso, àpar tir de janvier2022, en deux étapes.Enfin,tragiquement, le Niger, en juillet 2023
Co mme nt ,d an sc es co ndi ti on ss ia dv er se s, construireles institutions, enclencherces processus durablesetver tueux de réduction de la pauvreté, d’augme ntati on de sr ic hes se s? Lesmilitaires n’ont pas de solution.Ils exercentjuste le pouvoir. Ilsfontles
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ÉD ITO
matamores, se dotent d’organismes aux noms ronflants –rénovation, sauvegarde et tut ti quanti –, préparentet font votercommeunseulhommeetpourlaénième fo is de nouvellesconstitutions, accusentd etousl es maux la France,cet ennemi si pratique, et l’Occident. Ils manipulentles foules,fontbrandirdes drapeaux russes, menacent de s’allierpourfairefaceaux ing érences étrangères,mais au fond,ils ne règlentrien. Au Mali et au Burkina,lasituation estpar ticulièrementdif ficile.Terrorisme, économie, luttecontrelapauvreté, instabilité… Rien ne change.Au- delà de la capitale, l’insécuritéest complète. Et la répression politique s’accentue. Et on ne voit pascomment la junte nigérienne,isolée, coupée de sa ré gion et de so ne nv ironn em ent, sa ns l’ap pu i militairedelaFranceetdes États -Unis,pourratenir. La sauvegarde ne viendrapas de Moscou ou d’un autre hypothétique alliémiraculeux…
Pe rs on ne n’ad es olu ti on mi rac le pou rl ed éf i sahélien. Et cetédito n’apas la prétention d’en proposer. Mais certains paramètresreprésentent àtoutle moinsdes pistesderéflexionetd’action.Sanschangement de cap,lasituationnepourraqu’empirer. Sérieuse ment.Ave cunrisqu eexiste ntie lpourchacun des pays. Il n’yaurapas de changementdecap sans un retourdéfinitif desmilitaires dansles casernes et au front,
à leur devoir de protection de la nation Il n’y aura pas de révolution sahélienne sans stabilitépolitique durable, sans pactesnationaux puissants, engageantspourla sécuritéetledéveloppement,oùlaclasse politique, lessociétésciviles,les entreprises et le business,les religieuxs’unissent danscette luttepourlasurvie. Il n’yaura pasdechangementsil’onn’affronte pas sans taboula question de la démographie et de soncontrôlerapide, si l’on n’ éman ci pe pa sl es je une sf ill es et le sj eu ne s femmes.Iln’y aurapas de renouveausahélien sans un effor tmassifsur l’éducation,l’apprentissage, la formation, si l’on ne sort pascet te immense jeunesse des ténèbres de l’analphabétismeetdel’ignorance. Enfin, la France,les paysoccidentaux, le restedumonde ont un rôle essentiel, crucial àjouer.Ensor tant desparadigmes actuels.Au- delà de la sécurité,des armes, de la luttecontreles terrorismes. Le Sahelab esoind’un apportmassifdefinancements, de transferts de technologies,d’appui au développement(infrastructures,eau, éducation,agriculture…). C’estune cause de longue haleine, nécessaire, qui devrait engagerl’ensembledu G7 et du G20, si soucieux,justement,de sécurité et de luttecontrel’émigration massive…
Et la premièreétape de cettereprise en main, de ce retourdeconfiance en l’avenir, passe par Niamey ■
AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BRE 20 23 5
VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE/RÉA
Le prési dentn ig érien Mo ha med Bazou m, re nver sé par le sforce sm ilitaires put sch is te sl e26jui ll et dernie r.
8 ON EN PARLE C’ESTDEL’A RT,DELACULTU RE , DE LA MODE ET DU DESIGN L’imagedupouvoir
28 PA RCOURS Th iernoSouleymaneDiallo parAstridKrivian
31 C’ESTCOMMENT ? French visa,y aq uoi? parE mmanuelle Pont ié
50 CE QU EJ’AIA PPRIS
TEMPS FORTS
32 Abidjan: La cité afroglobale parZyadLimam
42 Botswana : Lesdiamantsdel’équité parCédricGouver neur
52 Tu nisie :Quel chem in pour demain ? parFrida Dahmani
60 L’A fr iq ue danssav raie dimension parCédricGouver neur
64 Feurat Alani: De Bagdad àPar is parZyadLimam
70 Didier Claes: Le passeu rd’art parLui sa Nannipieri
76 Faouzi Bensaïdi : «Jefaisu ncinéma d’hu manité » parAstridKrivian
82 Gu illau me Diop : «Ladanse estu ncadeau réciproq ue avec le pu blic » parCatherine Faye
AfriqueMagazine estinterd it de diffusionenA lgér ie depuismai 2018.Une décisionsansaucunejustifcation.Cet te grande nation africaineest la seuleduconti nent (etdetoute notrezonedelecture) àexercer unemesuredecensu re d’un autretemps
Le maintien de cettei nterdictionpénalise noslecteursalgér iens avanttout, au moment où le pays s’engage dans un grandmouvement de renouvellement. Nosa misalgér iens peuventnousret rouver su rnot re site Internet : www.afriquemagazine.com
6A FR IQU EM AG AZ INE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3
KEHINDE WILEY -N ABIL ZORKOT -F ETHI BELAID/AFP
P.08
3 ÉDITO Niamey, le coup et ses conséquences parZyadLimam
P.52
parAstridKrivian
parZyadLimam
Stop
alimentaires ! parAnnickBeaucousin
BallakéSissoko parAstridKrivian P.32
Ch loéLopes Gomes
88 PORTFOLIO Visa pour l’image2023: Notremonde vrai
104 VIVR EMIEUX
au xintoxications
106 VINGTQUESTIONS À…
N° 44 3- 444 AO ÛT -S EP TE MBR E2 02 3
P.60
BUSINESS
94 Dette: La ju rispr udence Zambie
98 IbrahimaCou libaly : «L’Union eu ropéen ne est davantageu nconcu rrent qu’u npar tenaire»
100 Pétrole :TotalEnergies sous pressionver te
101 Un prog rammesud-coréen pour le rizafr icain
102 Au Niger ia, la frénésie réfor matr ice de Bola Tinu bu
P.64 ENQUÊTE
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FaouziBensaïd Didier Claes Guillaume Diop Feurat Alani
Niamey, le putsch et ses conséquences rZyad Lim PHOTOSDECOUVERTURE : VINCENTFOURNIER/JEUNEAFRIQUE/RÉA -SHUTTERSTOCK -NABIL ZORKOT -PRÉSIDENCE TUNISIE/ZUMA/RÉASVETLANA LOBOFF -EBRAHIM NOROOZI/AP/SIPA
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103 L’A fr iq ue du Sud accroaucharbon parCédricGouver neur diamants de la justice N° 443-444 -AOÛT-SEPTEMBRE 2023 L13888 -443 - F: 5,90 € -R
ON EN PA RL E
C’est ma in te na nt ,e tc ’e st de l’ar t, de la cu ltu re ,d el am od e, du de si gn et du voy ag e
8A FR IQU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3
L’IMAGE DU POUVOIR
Unesér ie de PORTR AI TS DE CH EFS
C’ESTSON PORTRA IT officiel de Barack Obama, en 2018,qui apropulsé Kehinde Wileyaurangde star de l’artcontemporain. Puisantses sourcesdans le rococo,l’architecture islamique, le design textile africain,etsurtout lespeintresclassiques, tels le Titien ou Ingres, l’Afro-A méricain s’attache àdéfieretà réorienter lesrécitsdel’histoire(et de celledel’art), àtravers sespersonnages.Six ansavant sa révélation, il s’étaitdéjàlancé dans unesérie inéditede portraitsdechefs d’État africains, en parcourant le continentpourrencontrer différents dirigeants –dontles noms sont confidentielsjusqu’à l’ouverturedel’exposition Avec chacun d’entre eux, il tented’élaborer, en concertation,une composition quiillustreson regard singulier surceque signifie être un leader africain contemporain La vocation de l’exposition estd’examiner le phénomène du pouvoirenA frique –en le mettantenperspective
avec le mondeoccidental–ainsi quelafaçon dont lesrapportsde pouvoiry sont traditionnellement misenscène. ■ CatherineFaye
«KEHINDE WILEY: DÉDALE DU POUVOIR», musée du Quai Branly, Paris(France), du 26 septembre 2023 au 14 janvier2024. quaibranly.fr
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L’a rtis te et le présid enta mér icai nB arack Ob am a deva nt so np or traitoff ic ie l, en févri er 2018
KEHINDE
WILEY -M ARK WILSON/GETTY IMAGES VIA AFP
TIWIZ A
ROCK THECASBAH
Rendanthom
àlalangue
RÉVOLT ÉE ET ENGAGÉE.
C’ESTL’HISTOIRE d’un jeuneKabylequi, adolescent,arriveenFrancelorsdela décennie noire. Il s’appelle SofianeA ït Belaïd, aMatoub Lounès commemodèleet, très vite, trouve refuge dans unemusique aussirévoltée quelui.En2013, aprèsdes études écartées au profit de sesdésirsartistiques,ilforme Tiwiza.Lui chante, assure au guembrietaumandole algérien.Autourdelui vibre le cœur du rock’n’roll: guitare, basse, batterie…Les influences, elles, sont éclectiques,dublues touaregaux mélopées gnawa, sans oublierles productionsnord-américaines.Écrites en kabyle, leschansonsdecepremieralbum, Amen zu,rendent hommage auxoriginesde AïtBelaïd, mais aussiaux femmes orientales.Elles dénoncentleracisme,célèbrentle pouvoirdelanaturecomme de l’amour. Électriqueetenthousiasmant! ■ Sophie Rosemont TIWIZA, Amenzu, Ma Case/Absilone.
SO UN DS
Ajamonet
wh en th epoem s do wh at th ey do, Dr in kSum W TR
Àécouter maintenant ! Résister,quand on est noire, femmeetartiste, et se serv ir du pouvoirdes mots pour construire sonarmure… commeses armes. C’estceque raconteletrèsbeau premieralbum de l’Américaine ajamonet, when thepoems do what they do,sous influenced’A miri Baraka et du Black Arts Movement.Soulignantles violences policières,iln’enélude guère l’attrait musical, fourni parpiano,trompette, flûteouencoredjembé. Prometteur !
Caut ious Clay
Karpeh,Blue Note
Depuis sonpremier album, Deadpan Love (2021),onest raidedingue du musicien,chanteuretcompositeur américain Joshua Karpeh,alias Cautious Clay, dont John Legend et Taylor Swiftadorentletravail…À justetitre puisquecesecond disque,signé surle prestigieuxlabel Blue Note,raviveses influences jazz,avecforce saxo,clarinette basse, vibraphone…Sansoublierle R’n’B, qu’ilmaîtrise àlaperfection.
YemenBlues
Sh abaz i-ATribute to th ePoet,M DC /PIA S
Depuis le débutdes années2010, le Yéménite RavidKahalanimène ce quatuor d’un charisme scénique dévorant,qui s’entend aussienstudio… En témoigne ce Shabazi-ATribute to the Poet,mettant en musiquequelquesbribes de la superbeœuvre du poètejuifyéménite du XVIIe siècle,ShalemShabazi.S’y mêlent avecgrâce blues, funk,musiques orientales,maiségalement mélopées traditionnellesouest-africaines. ■ S.R.
ON EN PA RL E 10 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛT -S EP TE MBR E2 02 3
RY TH ME S
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CEDRICK NÖT -D R( 4)
AVENTURE ÉLECTRISANTE
Un ROMA NI NCLASSABLE su rl ’ascension fu lg urante da ns lesa nnées 1970 d’un duoafro-pu nk imag inai re,sa dislocat ion, et un ultimerev ival desdécen nies plus ta rd.
ENFINTRA DUIT EN FR ANÇA IS, Le Dernier Revival d’Opal&Nev n’estpas un ouvragecomme lesautres. D’une part,parce quel’onest persuadé de lire unehistoirevraie, alorsque tout estinventé,d’autre part,car il ne correspond àaucun genre. Lauréatdel’Aspen WordsLiterar yPrize 2022, sélectionné pour le Women’sPrize forFiction 2022,etdésigné commel’undes meilleurs livres de 2021 parle Washington Post et Esquire entreautres,letexte de l’Afro-Américaine
Dawnie Walton bouscule l’histoire du rockécritepar les Blancs en inventantune icôneafro-punk avantl’heure
Ce mélangeenivrantdeculture popetdepolitique, de pouvoirféministeetdeplaisir,s’appelle Opal,etelledécoiffe.
Jeunefille, elle estconvaincuequ’elle peut devenir unestar. Sa rencontre aveclechanteuretcompositeurbritannique NevilleCharles,alias Nev, et le succès de leur duomythique des seventies vont luidonnerraison. Portée parlemonde de la musique, la luttepourles droits civiques,les questions d’identité et dessecretsdefamille,cette histoire estracontée àlamanière d’uneenquête,àlafoiscinématographique
et stéréophonique.C’est S. SunnyCurtis, première Africaine-Américainerédactrice en chef d’un célèbre magazine musical, quiretrace le parcours d’Opal &Nev. Totalement imaginaire –comme tous lespersonnages et lesingrédientsdecette narration électrisante–,la journalistetient un scoop :letandem, disloqué aprèsla mort de sonbatteur,lorsd’une émeute raciale, envisagerait de se reformer, près de quarante ansplustard, pour un ultime revival.Polyphoniqueetinsolite, le récit combine interviews fictives, notesdebas de page,transcriptionsde talk-shows, lettresetnotes. On estimmédiatement happé parlestyle singulier de l’écrivaineetl’aventurepop-rock qu’elle nous conte, plus fascinante quecertaines histoires vraies.Du jamais vu.Acclamé parlapresseetlepublic, le livreest en cours d’adaptation en sérietélévisée pour HBO et produite parl’écrivain et journalisteaméricain Ta-Nehisi Coates.Pourunpremier roman, c’estdulourd. ■ C.F. DAWNIE WA LTON, Le DernierRevival d’Opal&Nev, Zu lma, 512pages,24,50 €
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LI TT ÉR AT UR E
DR (2)
RISQUERLES COULEURS
Remplacerled rapeau israél ienpar celu i de la Pa lest inesur le toit d’un lycéeaucœu r de l’État hébreu :U NDÉFIA DOLESCEN T traité avec unetendresse su rprena nte…
LE CONFLIT ISRA ËLO-PA LESTINIENafaitl’objet de nombreuxfilmsetséries, mais commentrenouveler l’incarnation de cettecolère arabepourune cause aussisouvent dépeinte ?C’est un cinéastepalestinien quiréussit ce pari en mettantenscène desadolescents appartenant àlaquatrièmegénérationdepuis la Nakba (la« catastrophe»), qui, en 1948,av u800 000 Palestiniens devoir abandonner leur maison du jour au lendemain au profit despopulationsjuives. Un lycéenqui ne souhaite surtoutpas fairedepolitique finitpar suiv re un ami quiveutremplacer le drapeauisraélien au frontonde l’écolepar celuidelaPalestine. Un acte de résistance soutenupar unejeune femme, elle-mêmeenrébellion contre le lourd patriarcatdelasociété palestinienne Lestribulationsdecejeune triosonttraitéesavectact
et infinimentde douceur et de nuances. Il yamêmedela tendresseentre cestrois-là, alorsque l’on sent bouillonner un sentimentderévoltejusquederrièrelacaméra.Firaz Khouri ad’ailleurs misdix ansàmonter ce film :« Personne ne voulaitsoutenir monscénario, quiaffirmequ’Israël est un envahisseurayant colonisélaPalestine.Abderrahmane Sissako, présidentdelacommission d’aide auxcinémas du mondeduCentrenational du cinéma (CNC), asoutenu le projet.Maisc’est le seul quej’aiobtenuenEurope. Les financements viennent principalement d’Arabie saoudite, du QataretdeTunisie.» Àl’écran,lerésultatest un petit miracle d’équilibreetdejustesse. ■ Jean -MarieChazeau ALAM (LEDRAPEAU) (France-Tu nisie-Palesti ne), de Fi razK hou ri. Avec Ma hmoodBakri,Sereen Khass, Moha mmad Ka ra ki.Ensalles DR (2)
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DR AM E
Alara s’expose au Brooklyn Museum
Le CONCEPTSTORE DE LU XE NIGÉRI AN déba rq ue àNew York, imag inantu ne bout iq ue exclusivepanafr icai ne.
JUSQU’AU 22 OCTOBR E, le conceptstore Alara, temple nigérian du luxe et de la créativité africaine fondépar Remi Folawiyo,s’installeenplein cœur de NewYork.Àl’occasiondel’arrivée au Brooklyn Museum de l’exposition événement« Africa Fashion», Alaraprésente, dans un pop-up storespécialement conçuàl’intérieur du musée,plusd’une centaine de marquesd’une vingtainedepaysafricains, ou imaginés pardes créatifsissus desdiasporas d’Amérique du Nord. On yretrouverades pièces desstylistes présents dans l’expo,comme Tongoro ou Lafalaise Dion,maisaussi descréations signées Jean-Ser vais Somian,Ousmane Mbayeouencore YinkaIlori.Parmi lesobjetssélectionnés, disponibles égalementdansuncatalogue en ligneexclusif: des cahiersetdes ballonsdebasketdessinéspar Kehinde Wiley, dessacstressés au Ghanadulabel AA KS ou en bois de la marque ég yptienne Boadk, desbijoux sud-africainsdePichulik, et despotsenpapiermâché réalisés pardes femmes eswatiniennespourQuazi Unesélection quineseveutpas exhaustive,maisqui complète avec un regard résolument contemporain l’exposition,dédiéeàl’essor de la mode africaine depuis lesannées1950.
■ LuisaNannipieri
POP-UP STOREALARA, Brooklyn Museum, NewYork(États-Unis), jusqu’au 22 octobre. shopalara.brooklynmuseum.org
DE SI GN
AZIZ TO URÉ
Un ec ré atio n sign ée La fa lais e Di on
SENSEY’ ROOKIE RAP
«POURFAIRE commeles grands frèresdemon quartier quichantaient, j’ai commencé àrapperavecmes amis, nous confie-t-il. Et je fais partie de ceux qui ont continué.» Fort de 2millionsdestreams surson premierEPparul’année dernière, Perlenoire,SenSey’ areçuunaccueil public plus quechaleureuxpourlesingle« Honey Damoiseau»,enduo aveclemusicienhaïtien JoéDwètFilé, qu’iladmiredelonguedate. Né Seydou Cissé, élevéàMelun,celui quis’est longtemps destinéàêtrefootballeur agrandiauson de Ker yJames,LaFouine ou Youssoupha…maisaussi de la musique malienne –etenparticulier Oumou Sangaré–,qui «inf luence forcément» la sienne.Auprogrammedeson premieralbum quiparaîtraàl’automne, Hokage,unterreau urbain,dugrooveetdes sentiments ■ S.R
SENSEY’, Hokage, Play
En concert le 10 septembre àlaCigale.
UNE SAMBA DE RIO AU RIAD
L’all ia nceDRÔLE ET POÉT IQUE entreu ne télénovela brésilien ne et unecoméd ie ma roca ine.
DA NS UNEPETITEV ILLE du Maroc, Abdallah estsurnommé Abdelinhopourson amourdémesuréduBrésil: il en arbore les couleurs,parle portugais, enseigne la sambaetneratejamaisun épisodede Maria,une télénovelaqui metenscène unejeune femme députéeissue desfavelas,enlutte contre un milieucorrompu, dont il estfou amoureux.Lamenace va venir d’unesorte de télévangéliste musulman (incarné avec un charisme incandescent parlecomédien palestinien AliSuliman),qui fascinesamèreetvainterdire la danse et la musiqueàtousles habitants. Abdelinho, quiaréussiàentreren contactavecson héroïnev ia sa parabole,va-t-ilrenverser cettevague ultra-rigoriste? C’esttoutl’enjeu de cettefable esthétiquement très soignée, quirecourt auxcouleurs vivesetàquelqueseffetsspéciaux inspirés pour nous embarquerdansununivers surréalisteetburlesque, loindes personnagesborderlinedes précédents filmsdeHicham Ayouch(commedans Fi ssures,en2009, et Fièvres,en2013).Le cinéaste franco-marocain réussitune odeparticulièrementplaisante àlaliberté individuelle,malgréunfinal assez conformiste. ■ J.-M.C
ABDELINHO (Maroc),deHichamAyouch. Avec Abderrahim Ta mi mi,I nêsMonteiro, Al iSul iman.Ensalles
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FI LM AL BU M
Ce NOU VEAU VENU su r la scènef ra nçaise conv ie desi nf luencesducontinent da ns sesmorceau x la ngou reux et da nsants.
DR (3)
Two.
AFRO -POTENTIEL
Uneode au pouvoi rrévolut ionnai re de L’IM AGINAT IONNOI RE.
ÀTRAVERS UNECENTA INED’OBJ ETS, commelamachineàécrire de l’écrivaineféministedescience-fiction OctaviaE.Butleroul’uniforme rouge de Starfleet, portépar l’actrice Nichelle Nicholspourson rôle dans Star Trek, l’exposition «A frof uturism: AHistory of BlackFutures » explorececoncept inventé, il yatrenteans,par le critique culturel américain Mark Dery :ils’appuie surl’idée et la promessed’unavenir meilleurpourles Afro-A méricains. Un moyenaussi d’exprimer un sentimentradical àtravers l’artetdeparlerdel’expériencenoire La scénographie suit uneprogressionlinéaire, de sesracines émergentes dans lessystèmescosmologiques despeuples africainsàtoutesses formes d’expressions actuelles(activisme, mode,musique,artsv isuels, technologie,SF…). L’œuvrelaplusconnueétant peut-êtreleblockbuster BlackPanther,sortieen2018, avecChadwickBoseman dans le rôle de T’Challa, roiduWakanda,unpaysfictif situéenA frique,disposant d’un niveau de technologies bien au-delàdureste du monde. ■ C. F.
«AFROFUTURISM:A HISTORYOFBLACK FUTURES», Muséenationaldel’h istoire et de la cu lt ureafro-amér icai nes, Washington (États-Unis),jusqu’au 24 mars 2024 nmaahc.si.edu
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EX PO SI TI ON
JOSH WEILLEPP -D R
PIERRE LÉPIDI, FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI, PATMASIONI, Thomas Sankara, rebelle visionnaire, Marabout, 160pages, 23,95 €
ÉTOILE FILANTE
Unebiographiei llustrée de THOM AS SA NK AR A, icôneburki na béedelalut
RÉVOLUTIONNA IR E, pragmatiqueetécolo avantl’heure,ThomasSankaran’est pasinconnu quandilprend le pouvoirle4 août 1983.Entré très jeune en politique, celuique l’on surnomme le «Che africain »n’a que33ans.Onzeans plus tôt,alorsqu’il fait sesétudesà Madagascar,ce sont l’insurrection et la find’unrégimetaxéde néocolonialiste, en 1972,qui l’amènentàconcevoir l’idée d’une« révolution démocratique populaire» Avantd’êtreassassiné,en1987, lors d’un coup d’État fomentépar Blaise Compaoré,son numéro deux,ilnelui aura falluque quatre années au pouvoirpourconstruireune légende. C’est ce parcours fulgurantd’unhomme,porté par la défensepassionnéedel’A frique et de ses capacitésà se développerpar elle-même, quedeux journalistesfrançaisetunbédéastecongolais remettentenlumière.Dansune mise en abîme éloquenteettrèsbiendocumentée. ■ C.F.
ES SA I
SEUL MAÎTRE ÀBORD
Un plaidoyersincère et percutantdeFatou Diome en faveur de la littérature. IL ÉTAITgrand temps. De se soulever. D’oser dire haut et fort ce quetantd’auteurs et d’autricespensent.Qui mieux queFatou Diomepourtaper du poingsur la table? Uneurgence courageuse, pour dénoncer leur pressurisation parla marchandisation,l’ingérence de certains éditeurs dans l’écriture même,etl’enthousiasmebridé desartistes. Un livren’est pasune distraction.« C’est un acte profond, politique ou intime,une mise en abîme d’un créateur,d’une personne quihalète, reliée au monde parles mots seuls. »Depuis
ROM AN
ÀL’É PREUVE DU MONDE
Plus engagéeque dans ses précédentsromans, Ya smine Chamivisiteles déchirures d’unehumanité contra stée APRÈSDEU XTRÈSbeaux textes, Médéechérie et Dans sa chair,l’écrivaine marocaine proposeunrécit ancrédans un mondedecontradictions et d’inégalités.Une exploration desrépercussions que lesdifficultés sociales,la mondialisation,l’avidité et la représentation du masculin peuventavoir surles êtres. Dans ce roman, lesmotsde l’UruguayenEduardo Galeano, citésenexergue,prennent tout leur sens :« L’indignation doit toujours être la réponse àl’indignité.Laréalité n’est pasune fatalité.» Revenus
FATOUDIOME, Le Verbelibre ou le Silence, AlbinM ichel,192 pages, 19,90 €
sonbest-seller, Le Ventre de l’Atlantique,vingt années de publicationsont fait de cettefemme de lettres franco-sénégalaise une navigatrice au long cours de la littérature. Solitaireet passionnée. Commetousles auteurs.Drôle,poétique, incisive et vraie, elle braveici lesaffres et lesravissementsdel’éclosion d’uneœuvre.Une louvede mer, àl’affût desécueils, dans un océandemots. ■ C.F.
YASMINE CHAMI, Casablanca Circus, ActesSud, 208 pages, 20 €
s’installer àCasablanca, aprèsdes annéespasséesen Occident,unjeune architecte et sa femmehistorienne,enceinte d’unepetitefille, redécouvrent la villetentaculairedeleur enfance. Un universéclaté, entrevanitéhumaine,poids de l’histoire,urbanismeabsurde et enjeux politiques.Aufil de la grossesse, la cité ogressedétruit leurs conv ictions. Leur lien amoureux peuàpeu se délite Etsedissout. ■ C.F.
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BD
te cont re lesi mpér ia lismes.
DR (5)
CINDY POOCH DU CORPS ET DU
«ENLÈV ETON CŒUR », «Délicatesse», «Nyanga»,« Redondant d’amour», «Secretprécieux »: lestitres deschansons de Cindy Poochsont tellementjolis ! Pourtant,pas de tentativede séduire ici, en tout caspas directement :lamusique de cetteartiste,née en France et ayant grandi au Cameroun,brillepar son épure. Tout commesacréatrice parle avecune honnêtetésansfioritures : «Chanter estdevenumon métier –etplus seulementune passion–audébutdela vingtaine, racontecelle quia suivides études littéraires àLyon. Aujourd’hui, plutôt quededireque je suis chanteuse, j’aimemecontenterdedireque je chante.C’est unenuancesubtile quime fait du bien,qui aère monrapport àce métier.» Elle fait de sontimbreprofond soninstrumentprincipal et comprend qu’elle estmusicienne« en composant cetalbum à30ans »! Lequel estbaptisé In Nomine Corpus,dunom de l’un de ses premiers morceaux,paruauprintemps derniersur sonEP Issemou,qui annonçait déjà la structureorganique et la plume sensible de CindyPooch: «Cedisqueest l’expression d’un besoin de re-convoquer moncorps dans ma voix,dansmon lien au monde. Vialacomposition musicale,mon rapport nouveauà la création estune façon, parmi d’autres,d’expérimenter cetteprimautéducorps.»
Lorsqu’on luidemande en quoi sonenfance camerounaise influence sescompositions, entreautresinspirées parles groupesdemaloyaTi’Kaniki et An’Pagay, elle répond :« Monlien àcepaysest inhérentàmon identité. C’estunenvironnement,uncontexte, et puis de l’atavisme aussi… Ma musique témoigne de monhybridation comme d’un lieu àpartentière,etjen’identifie pasforcément lesendroitsprécis où ça va puiser.Cequi estsûr,c’est que le retour au corps, pour moi, passepar la connexion avec lesorigines, lesracines Lesmiennes sont au Cameroun.» ■ S.R. CINDYPOOCH, In NomineCorpus, InFiné.
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un prem ier al bu mTOU T EN ÉLÉGANCE, cettemusicienne franco-camerou na ise réinventeu ne chanson qu ivad roit àl ’â me. MUS IQ UE ANNE-LAURE ÉTIENNE -D R
CŒUR Avec
Troisquestionsà… HabibDechraoui
LE FONDATEURetdirecteur du festival Arabesques,prenant placeàMontpellier, s’attache àprogrammerartistesémergents et figuresemblématiques de la scènearabe actuelle.
AM : Entreles vedettes (Natacha Atlas, HasnaElBecharia…) et les jeunestalents, comment avez-vousimaginé la 18e édition ?
Habib Dechraoui: Celle-ci fera la part belle àlamusique gnaoua,enmêlantses expressions traditionnelles(HamidElKasri…) et la nouvelle génération (Asmâa Hamzaoui…).Cette pratique musicale estenrévolution, et se féminiseaussi.
Nous fêterons les20ans du Trio Joubran, musicienspalestiniensque l’on aaccompagnésàleurs débuts Incubateur de talents, Arabesques soutient la scèneémergente Il yauradeladanse avec HervéKoubi,dujazzavecYazz
Ahmed, MajidBek kas… La scène arabeglobale, de l’électro au classiquesavant, esttrèsriche.Jeregretteque l’on soit peu nombreuxàdéfendreces esthétiquesmusicales en France. Pourquoi avez-vouscréécefestival?
J’étaismusicien, en tournéeauMoyen-Orientetau Maghreb, et la diversitéculturellem’avait frappé.Depar son histoire,lagéopolitique, et au-delà, la France estliéeàces pays. Mais en dehors de l’Institutdumonde arabe, il n’yavait pas d’événements présentant leursarts. Pourtant,lepublic, l’intérêt, l’attente, étaientbienlà. L’idée d’Arabesques estnée ainsi, àJérusalem, dans uneprofonderéf lexion spirituelle. Comment réunirtousles publics ?
Avec beaucoup de volonté, nous ysommes parvenus. Nous avons un public mixte, àl’image de notre société. La difficulté est de faire venir les personnes éloignées de la culture. Au début, nous vendions les places de concert chez le primeur et le boucher des quartiers !Des gens de la génération de mes parents ont ainsi pu réaliser leur rêve d’applaudir Marcel Khalifé ou Khaled. Afin de garder le lien, on mène un travail de terrain toute l’année, par le biais d’actions pédagogiques, culturelles, professionnelles. Nous avons également ouvert la première galerie du quartier de la Paillade, L’Art est Public. ■
Propos recueillispar Astrid Krivian
FESTIVAL ARABESQUES, Montpellier ( France), du 5au17septembre festivalarabesques.fr
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Ci -d essus , Akwa ntukésaé, Th eresah An ko ma h, 20 22 .
Ci -c ontre, Sa ns titre, Troy Ma ka za ,2 02 0.
LUC JENNEPIN -D R( 2) -V INCENT EVERAR TS
AKAA DE RETOUR ÀPARIS
CETAUTOMNE
La 8e éd it iond ’A LSO KNOW N
AS AFRICA mett ra la lu mière su rlapratiquecurator ia le.
LA FOIR EPAR ISIENNEdédiéeaux scènes artistiques
d’Afriqueetdeses diasporasenFrance, Also Known
As Africa,seraderetourauCarreau du Temple pour unehuitièmeédition,du20au22octobre prochain
PendantlaParis ArtWeek, la manifestationaccueillera 36 galeries internationalesqui proposeront lesœuv res d’unecentained’artistesenprovenanced’A frique, d’Europe et desA mériques.Lechoixdel’installation monumentaleaété confié au commissaire Fahamu Pecou, fondateurdel’A frican Diaspora ArtMuseumofAtlanta,
ALSO KNOWNAS
AFRICA, Carreau du Temple, Paris (France),du20au 22 octobre. akaafair.com
quiainv itél’artiste jamaïcain Cosmo Whyte, connupour sesreprésentationsdecommunautés diasporiques en fête et de personnagesqui défientjoyeusement leur passé colonial.Sousladirection artistique d’ArmelleDakouo, cette8e éditionveutaussi mettreenlumière la pratique curatorialeetson impact surl’écrituredel’histoire de l’art. Dans le cadredes Rencontres, arrivéeàleurtroisième édition, on entendra entreautresles voix descommissaires Carine Djuidje(Cameroun), RichardMudarik i(Afrique du Sud) ou encore AllisonGlenn (États-Unis) ■ L.N.
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IR
FO
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Ci -d es su s, Sa ns titre, Davi dM bu yi,2 022.
RENAUD MILLET/JEAN-BAPTISTE MONTEIL COUR TESY GALERIE
POUYF AUCON -D R
CAMILLE
ÀLADETTE DU CLIENT
«JESUISPRÊTàdonnermon corpsetmavie pour qu’un plan existe !»,déclarait Faouzi Bensaïdi [voirson interviewen pp.76-81] en présentant sonnouveau film au Festival de Cannes en maidernier.Lecomédienetréalisateur marocain le prouve unefoisdeplusenlivrant unesorte de western loufoque en cinémascope,esthétiquementtrès maîtrisé. Il nous entraîneaux confinsduroyaume chérifienaux côtés de deux amis, employés parune agence de recouvrement, quinequittentjamaisleurcostumecravate et n’échangent aucunmot !Leduo taiseuxquitteCasapourles régionsdu Sudprofond,afinderécolterles remboursements d’échéances de clientspauvres et surendettés,dansdes villages àf lanc de montagne ou construits au milieudes sables du désert, d’unegrandebeautégraphique.Toutest soigné dans le cadre, sans gros plan ni coupure, carles plansséquences s’enchaînent, sans filet. Mais çan’empêche paslavie d’y faireirruption,aucontraire: on yobser ve avecdélectation toutel’absurdité de certainessituations. Lesdeuxcomparses vont ainsirécupérer au mieuxuntapis ou unechèvre, et
poursuivreleurcollectechaotique àbordd’une guimbarde, atterrissant le soir dans unechambre d’hôtelmiteuse qu’ils partagentpourfairedes économies. Au bout d’uneheure, le film basculesoudain dans uneautre dimension,àla faveurd’une rencontre inattendue dans unestation-ser vice désaffectée. Le road movieburlesque se fait alorsplus abstrait et poétique, délaissant quelquepeu lesdeuxhommes de façonunpeu artificielle, mais pour mieuxréser verde nouvellessurprises,etsanssedépartir d’un regard critique surunmonde capitalistique en roue libre. Commecette séquence magnifique montrant unepetiteépicerie de quartier promiseàladémolition au milieud’unvaste programme immobilier.Àl’intérieur du vieuxcommercecoloréetpeu àpeu dépecé,l’épicierest joué parleréalisateur lui-même ! Unehistoiredansl’histoire,comme bien d’autres pistes dans ce film quel’onpeutréinventeràsaguise. ■ J.-M.C
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CI NÉ MA
L’épopée da ns le GrandSud ma roca in de DEU XAGENTS DU RECOUV REMENT chargésdesouti rerdel ’a rgent àdes fa mi lles su rendet tées…Une FA RCET RAGICOMIQU E du toujou rs aussidouéFaouz iBensa ïd i.
DÉSERTS (France-Allemagne-Belg iq ue-Maroc-Qatar), de Faou zi Bensaïdi. Avec Fehd Benchemsi, Ra bi i Benjhaile, Abdelhad iTaleb.Ensalles DULAC DISTRIBUTION
Du geste àl’esthétique
230piècesd ’A fr iq ue su bsaharien ne réunies pa rles collection neursEWA ET YV ES DEVELONs’exposentàLyon.
CENTRÉESUR LESCULTURESduNigeria et du Cameroun,mais aussid’autrespaysd’A frique de l’Ouestetdel’Est, la collection Develon, constituée depuis lesannées1960, enrichit désormaislepatrimoine africain du muséedes Conf luences(de près de 7000 objets),réparti en trois grands ensembles: AfriqueduNord, Afriquesubsaharienne et Madagascar.
L’exposition,organisée àl’occasion de cettedonation,présentelaquasi-totalité desœuv resd’art rassembléespar le couple: paruresenbois, masquescimiers, ou encore plateaux yorubasévoquenttout àlafoislecontexte de leur création, les techniquesdeleurfabrication,leurs usages rituelsetsociaux,etleurstatut d’objets de collection.Lascénographie s’appuie surdes photosetdes films documentairesdécrivant cérémonies,coutumesetpratiques dessanctuaires
Exhaustifetpertinent,lecatalogue (paruaux Éditionscourtes et longues) rendhommage àl’importanceculturelledes piècesd’art exposées. ■ C.F. «AFRIQUE, MILLE VIES D’OBJETS », muséedes Conf luences, Lyon (France), jusqu’au 18 février2024. museedesconfluences.fr
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AR T
Ma squ efac ial, N ig eria, XXe si ècl e.
PIERRE-OLIVIER DESCHAMPS/AGENCE VU -D R
Africa Fashion Up TOUJOURS AU TOP
Pour sa 3e an née, le défi lé qu iCÉL ÈBRE LESJ EU NES
CR ÉATEUR Sduconti nent aconsacrélamarqueivoir ienne KenteG entleman.
ARR IVÉ ÀSATROISIÈME ÉDITION, le défilé événement Africa FashionUpapermisaux cinq jeuneslauréats de ce concours dédiéàlamodecontemporainedese produire dans un lieu emblématique, le 7juillet dernier: lesjardins du muséeduQuaiBranly. Un décord’exception pour un rendez-vousincontournable,nédelavolonté de l’ancienne mannequinValérie Ka de mettreenlumière la nouvelle génération de créateurs africainsetdes diasporas. En attendantlegrand soir,les designerssélectionnés(sur 155candidatures) ont égalementpuprofiterd’une semaine en immersiondansles coulisses de la mode parisienne La soirée étaitouverte pour la première fois au grand public,qui apuassisteraudéfiléetà la remise du prix au GrandDesigner2023:l’Ivoirien Aristide Loua. Ayant grandi entreNew Delhi,Pondichér yetNew York,avant
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Le pri xG ra nd De si gner 20 23 aété re mi sàl ’Ivo iri en Ari stid eLou a.
VINCENT SHANGO -K AMSON.FR AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3
Le
lab el ré com pe nsé propose des pi èce s conte mpo ra in es et col orée s.
Le srob es pa tc hwo rk de la marqu e su d- af ricain e La aniraani so nt cousue s àl am ai nà par ti rd et is su s d’oc casion
de rentrer àAbidjanen2015pourlancerson label, KenteGentleman,ilaconquis le jury avec ses piècescontemporaines et colorées, réalisées avec destissuslocaux. Et dévoilésapremière collection féminine, «A woman wearingasuit»,unhommage àlamagnifique RobinGivensetàson st yleiconique dans le film Boomerang (deReginaldHudlin, 1992).
Seulefemme lauréate,laSud-A fricaine Shamyra Moodley aprésentéles robes patchworkdesamarque Laaniraani :cousues et brodéesàlamain àpartir de tissus d’occasion,elles évoquent sesracines indiennes et africaines.L’Éthiopien Yonael Marga afaitdéfiler dessilhouettes en noir et blancà l’allure afrofuturiste: chaque pièce estfinementdécorée pardes broderies, teintes avec de l’encredesarégionetinspiréespar desmotifs traditionnels.Minimaliste et géométrique, le Nigérian IbrahimTaju remetaugoûtdujourles classiques de l’urbanstyle avec TJ WHO. Tandis queleGhanéen Larr y Jafaru s’inspiredelanature, l’art et la mode desannées 1970 pour créerles collectionsdesamarqueLarry Jay,qui allienttissusde récupération et batikstissés et teints artisanalement.Des talentsàsuivre! ■ L.N.
Le ss il houettes de l’Ét hio pi en Yo na el Ma rg a so nt fi ne me nt déc orée sp ar des b ro de ries
Les collecti on s du Gh an ée n La rr yJ afar u all ie nt ti ssus de ré cu pé ra ti on et ba tiks ti ssés et te ints ar ti sa na le me nt
Le st yl e minimali steet géo métri qu e du Ni gé ri an Ib ra him Taju
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KAMSON.FR (4)
REPASAVEC VUEAUCAP
Deux ad resses pour se régaleravecDES PLATS IN VENTIFSETÉTONNANTS,les yeux rivés surlaforêt ou la cité.
JUSTEAU-DESSUS de la prestigieuse banlieue de Constantia, nichédanslaforêt quidominelaroute du vin, le restaurant La Colombe atout d’uneidyllique cabane blanchedansles arbres.Installédansune salle avec vuesur l’iconique montagne de la Table, on ysavoure desclassiquesdelagastronomie françaiseréinterprétés àlasud-africaine.Les menusdégustationsd’hiver, serv is jusqu’àfin août,s’ouv rent parl’amuse-bouche signature« le niddecolombe », àbasedecitronnelle, gingembre, pomelo et kalamansi (unagrumejuteux et aromatique jaune, quisertà reproduire l’œuf). S’ensuiventdel’agneauduKaroo,delalangoustine ou desgnocchisaux herbes,côté végétarien.Letout serv idansdes assiettesenforme de ruchesauvage, glands ou oursin :unclind’œil scéniqueàlarichesse naturelledelarégion lacolombe.restaurant/food
L’ambiance estpluscitadinechez Fyn.Récemment rénové, ce fleurondelagastronomiedurable installé dans le centre-v illeoffre unev ue magnifique surLeCap et la montagne de la Table, depuis sa verrière àdoublehauteur. Ilpropose unecuisineàlasensibilité nippone, quirecherche l’équilibredes saveurs prononcées du terroirafricain
et emprunte lestechniquesculinaires du Japon. Ici, tout est local: coquillages,algues, laitue de mer, épinards desdunes, ou encore truffesduCap.Les chefspeuvent ainsiser virdela viande de bœuf Wagyu du Capavecshiitake et algues hijiki, ou biendufilet d’antilopedelarégiond’Outeniqua en croûte de noisette et parmesan,avecpurée de céleri et my rtilles fermentées.Étonnantetdélicieux fynrestaurant.com ■ L.N.
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SP OT S
Ch ez La Col om be (c i- de ssus et ci -c ontre), on savou re de sc lassiqu es d el ag as tron om ie frança ise ré inte rp rétés àl asud -a fr ic ain e.
DR -L ISA DAUBERMANN PHOT OGRAPHY -D RBRUCE TUCK
Plu sc itad in, Fy ne st ins ta ll éd ans l ec entre- vil le
AFRICANWATER CITIES Desflots et desvilles
Avec un ouvragei llustréi nédit et inspirant, le Nigérian KU NLÉ
ADEY EM Iexplore la vieu rbai ne au bord de l’eau, face au x défisdenot re temps.
PR ESQUEL AMOITIÉdelapopulation mondiale vità côté d’un bassin,d’une rivière ou de la mer: 80 % desplusgrandes villes du globeont étéconstruites près de l’eau, et unebonne partie d’entreelles se trouvent surlecontinent af ricain.Avecleliv re Af ricanWater Cities,lecabinetd’architectureNLÉ (« àlamaison» en yoruba)deKunlé Adeyemiinterroge la façondont cesv illes,mégalopoles et communautés, font face àdeux défismajeurs de notre temps: la rapideurbanisationet leschangements climatiques. Connue notamment pour sonprojetd’école flottantedanslebidonvillenigérian de Makoko,l’agencebasée àA msterdam et Lagosa constitué dès2011ungroupederecherche surlesujet.Pendant
plus de dixans,les architectes ont observécomment descités telles Lagos, Abidjan, Conakr y, Kinshasa, Luanda,Dar es Salam, Dakar, Cotonou ou encore Mogadiscio,etdes collectivitéscomme Makoko,Ganvié et Nzulezuapprennent às’adapter auxchangements. Ici, l’eaureprésentetantundangerqu’uneressource. Elledev ient un atoutgéographique,économiqueet environnemental, quifaçonne le développement urbain et social.Magnifiquement illustréavecdes photos, des infographies et descar tesqui aident àmieux visualiser lesenjeuxdechaquerégion, Af ricanWater Cities présente de façoninédite unesynthèsef rappante et inspirante de cesannéesd’étudessur le terrain. nleworks.com ■
AR CH I
L.N.
KRIOLSCOPE -D R
Le Fl oating Mu sic Hub,u np rojet du ca bi netN LÉ.
GRIMPER SURLETOIT DE L’AFRIQUE
Sommet volcaniquemajestueu xetmagique, LE KILIMA NDJA RO fait toujours rêver lestrekkeurs,mêmesises neiges ne sont plus éternelles.
ON EN PA RL E 26 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3 DE ST IN AT IO N
ÀL AFRONTIÈRE entreleKenya et la Tanzanie se dresselaplusmythique desmontagnesafricaines, et la quatrième la plus hauteaumonde :leK ilimandjaro. Plusprécisément, ce massif estformé partrois volcans: le Shiraetses aiguilles àl’ouest,leMawenzi(le plus sauvage) àl’est,etleK iboaucentre. Sonpic Uhuru(«liberté », en swahili) culmine à5892mètres: un nomchoisien1961 parleprésident tanzanienJulius Nyerere, pour célébrer l’indépendance du pays et en faireunsymbole d’espoir et de dignité pour le continent. Ici, auxabordsd’une impressionnantecaldeirade3,6 km de longsur 2,4kmdelarge,l’air estsiraréfié quel’oninspire àchaquefoismoins de la moitié de l’oxygèneprésent au niveau de la mer. Lessix voiesd’ascension du Kilimandjaro (une septième ne sert qu’à la descente) traversentlaforêt tropicale et lescanyons volcaniques, et sont
praticablesmêmepar lesdébutants. Mais le véritabledéfiàrelever estlemal d’altitude si l’on veutvoirl’aubeéclairer cetincroyablepaysage lunaire, parfois encore parsemédeblocs de glaciers auxsaisons sèches( janvier-févrieret juin-septembre).Sadizainedeglaciers s’étendait surprèsde20km2 àlafin du XIXe siècle,maisaujourd’hui, la calotte glaciaireseréduitcomme peudechagrin et pourrait disparaîtred’ici àquinzeans. La fauteégalement àladéforestation,qui contribuelocalementaux changements climatiquesetimpacte le niveau d’enneigement. La pertedeson halo blancnesemblepas pour autant arrêter les marcheurs,qui continuent de rêver du toit de l’Afrique. Qu’ils optentpourla voie plus spectaculaireoul’une desmoins fréquentées,pourune excursiontout confort, avecchefetcouchagedeluxe, ou plus simple,ils ontl’embarrasduchoix.
Ànoter que, si la loi oblige àembaucher porteurs et guides locaux,ilvautmieux faireconfiance àune compagnieassociée au KilimanjaroPorters Assistance Project(kiliporters.org), pour une ascension éthiqueetresponsable. ■ L.N.
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SHUTTERST OCK
Thierno Souleymane Diallo
LE RÉALISATEURGUINÉENPARTÀLARECHERCHE du premierfilmd’Afrique francophonesubsaharienne dans sondocumentaire, Au cimetièredelapellicule.Une œuvre de résistance culturelle surlaplace du septième artdansson pays.
par AstridKrivian
Dans Au cimetièredelapellicule, ThiernoSouleymaneDiallo, caméra au poing, parcourt sonpayssur lestracesde Mouramani, de Mamadou Touré, le premier film d’Afriquefrancophonesubsaharienne,en1953. La quêtedecette œuvre disparue,qui le mène jusqu’àParis,est un prétexte pour dresserunétatdes lieux du septième artenGuinée, explorer sonhistoireets’interrogersur sa placedans la viedes citoyens.Undétailqui en ditlong: le réalisateur–également scénariste–cheminepieds nus, manifestant ainsi sa révoltecontre la défaillance criante despolitiquesculturelles.« Je suis cinéaste dans un pays où il n’ya pasunfranc pour fairedes films. Mais je résiste. »À la rencontre despionniers et deslieux emblématiques aujourd’huidélabrés, il exhume un tempseffer vescent.« Dans lesannées1960, le pays était doté de 32 salles,contretrois actuellement.L’institution Sily Cinéma étaitchargée de la production,dela distribution et de la diff usion. Lesautorités envoyaient lesétudiants se former àl’étranger. Ellesorganisaient desprojectionsdefilms de propagande pour éduquerlepeupleàlarévolutionsocialiste. »Dès 1984,àlafin du régime de SékouTouré,qui avaitdéjàarrêtélaproduction et jetédes réalisateurs en prison,les salles obscures baissent le rideau,étrangléespar lesajustements structurelsimposés parleFonds monétaireinternational et le système libéralcapitaliste.Cedocumentaireinterpelleaussisur la baisse mondiale de fréquentation dessallesobscures: «Elles sont l’essence du septième art. Elles créentlasocialisation, l’expérience collective,lespectacle.Lestreaming, la télévision ne peuventles remplacer. »
C’estjustement surlegrand écranque la magiedes images animéesl’a conquis,à Labé, où il agrandi. Enfant,ilfaitl’école buissonnière pour voir desfilmsindiens, puis lesraconter àses copainsenajoutantdes séquences nées de sonimagination.Adolescent,lecinéma reste le lieu de sorties, de rencontres et de fêtes. Naturellement,ill’étudieàl’Institutsupérieur desartsdeGuinée, àDubréka.Ildécouvreles réalisateurs africains: Abderrahmane Sissako, OusmaneSembène, Souley mane Cissé… Et surtout Cheick FantamadyCamara,son professeur :« Il m’aappris àfairedes filmsqui me ressemblentetqui parlentàmasociété.»
So rtie dans le ssal le sf ra nça ise s l e5 ju il let.
Aprèsdeuxmasters (cinéma documentaireetréalisation documentaire de création), il tourne deux moyens-métrages: Un homme pour ma famille, en 2015,et Nô Mëtî Sîfâdhe, en 2018.« Le documentaireest un cinéma de mémoire, quiaideà la construction desmentalités. »Thierno Souley mane Dialloinv iteà puiser l’inspirationdansles contes et légendesancestraux. «Notre cinéma se trouve égalementdanslamémoire de nosaïeux.Ils nous contaientl’histoire de nossociétésavant la colonisation, et ces récits sont en traindes’effacer », alerte celuiqui plaide pour la préser vation et l’archivage du patrimoine matériel et immatériel.Faceaux obstaclespourexercer sonmétier, il oppose sa résistance :« Ne pasprioriser le septième artcrée beaucoup de dégâts culturels, économiques, identitaires.Les réalisateurs sont livrés àeux-mêmes, mais il n’estpas question d’abandonner.Car un peuplequi ne se regardepas estamené àdisparaître.» ■
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PA RC OU RS
DR
RONNY HEINE/BERLINALE PA NORAMA
«Notre cinéma se trouve aussidans la mémoire de nosaïeux.»
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FRENCH VISA,YA QUOI ?
Le sujetafaitlongfeu,cer tes. Depuis bienlongtemps, lesaventuresvécuesdans lesconsulats français du continentpar desamisafricainsqui veulentvenir en France pour dessoins,des vacancesouautres,sontlégion.Comme celle de ce ministred’Étatd’unpays d’Afriquecentrale: «Ona ditàmon aidedecamp par ti renouveler mon visa que, dorénavant, tout le mondedevait venirs’alignerausoleilenpersonne,ministreoupas,pourcegenre de démarche. Résultat,jevais désormais en Suisse pour messoins et messéjours de repos. »
On peut comp rend re le french st ress ,q ui cons is te àévi teru ne im mi grat ion de pauvres hères, produisantdes faux cer ti ficats d’hébergement ou autres ,décidés às ’incruster dansl ’Hexagone. Mais un peudediscernementnenuitpas,non ?Lesujet, encore unefois éculé, arebondi tout seul le mois dernierlorsqu’unécrivaind’Afriquedel’Ouest,Venance Konan,connu et reconnu àl’international,occupantunpostedepremier plan dansson pays, s’est vu refuser un visapourParis,au motif de…« manquede fiabilité ». L’histoire afait le tour de la Toile. Et il estprobable quelafonctionnaireexpatriée qui a signélerefussoitaujourd’hui un peugênée, au minimum Unetelle méconnaissancedupaysoùelleréside,deses intellectuels,ses stars et ses élites,c’est pasbienglorieux! En quoi ce genrederessortissantetsademande de courtséjour sont-elles unemenacepourlaRépubliquefrançaise, où, d’ailleurs, ses ouvrages sont édités ?N’est-cepas présomptueux de penserque tout le mondeveuts’installerchezles Blancs ?Ben non,c’est fini,ça.
Il yabeaucoupd ’Afr icains qui ont réus si ,sont très bien chez euxetnerêvent nullement de bérets et de baguettesdepain. Et ce genredebouletteest loin d’être isolée.Onraconte quedes circulaires «circulent »dansles consulats français,demandant de durcir,voire de contourner la loisur lesdemandes de visa.Ondemande plus de pièces àchaquefois, on ne répond plus dans lestemps, presque exprès,àquelqu’un qui ades rendez-vousmédicaux ou doit assister àdes conseilsd’administration àdates fixes,etc
Bref,del ’avisdetousles Africains« aisés»,ilest plus facile aujourd ’hui d’aller dans n’importequelpayseuropéen ou auxÉtats -Unisplutôtqu’au «paysdes droits de l’homme ». Ycompris pour uneimmigrationditepositive,enrichissante, intellectuelle. Et au-delà de cetteréalité,c’est l’imageentière de la France qui estmiseàmal.Celapar ticipeaussi, bienentendu,àlamontéedurejet de l’Hexagone dansles payssubsahariens. Unerelation historiquequi se romptpeu àpeu.Etpas forcémentauprofit de la France.Loins’enfaut. ■
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PA R EM MAN UE LL EP ON TI É
DOM
C’EST COMMENT ?
ABIDJAN LA CITÉ AFRO GLOBALE
focus Le Pl atea u, ce ntre de sa ffai re s, se trouve au cœur de la lagune
Capitale
économique de la Côte d’Ivoire, c’estlatroisième ville francophonedumonde.
Un chantier permanent quitente de corriger le passéenpensant déjà le futur.Undéf en matière d’aménagementurbain.
Un creusetdecultures et de peuples, tous bien décidésàsefaire unevie dans cettemégalopole ouverteaugrand large.
par Zyad Lim am
Elleest là, tout àlafoisorganiséeet chaotique, tentaculaire,posée entre océanetlagune, peuplée déjà de près de 6millionsetdemid’habitants. En croissance exponentielle, en pulsation permanente,ent ravaux perpét uels Lesdernièressemaines ontété denses àcesujet.Le17juillet,aété inauguré le nouveauparcdes expositions, tout près de l’aéroport.Une structureuniqueenA frique francophone, modulable, uneconceptionaudacieuseetcontemporaineque l’on doit àl’architectePierreFak hour y, et capable d’accueillir manifestationssportives,concerts,foires, expositions, àunniveauinternational.Débutaoût, on devraitcouper le rubandu5e pont,entre le PlateauetCocody. Unestructure àhaubans quis’élanceau-dessus de la laguneetqui changera l’iconographie de la ville, un peucomme le HarbourBridge àSydneyoulepontdeBrooklyn àNew York.Dansquelques semaines,le4e pont,entre YopougonetAdjamé, devraitêtre ouvert àlacirculation,lui aussi. En at tendant, lestravaux de l’échangeurd’A kwaba, entrel’aéroport et Port-Bouët,ont commencé, au granddam desautomobilistes épuisés parles emboutei llages permanents et redoutablesdelacité. Des automobilistesqui seront certainementsoulagéspar l’achèvement proc hain du grandrond-point tunnel d’Abobo, de l’autrecôtéd’Abidjan. Il faudrait aussiévidemmentparlerdu métro, cetimmense chantier de près de 2milliardsd’euros Un redoutabledéfi, complexe,àlafoissur le plan humain et
NABIL ZORKOT
technologique,entamédepuis plusieurs années.Lapremière lignenord-sud, reliantA nyamaàPort-Bouëtetlonguedeprès de 37 km,dev rait voir le jour en 2027.Oupeut-être un peu plus tard.Difficile d’avoirdes informations. Ou desimages. L’affaireest quasimentclassée top-secret…Maiselleaurades effets transformateurs,révolutionnaires majeurs.Toute une vie–des commerces,des résidences,des lieuxdeloisirs –se planifiedéjàlelongdelaf utureligne et desf utures stations
Et desprojetsliésàlaCoupe d’Af riquedes nations, qui se tiendradu13janvier au 11 février2024. Un événement continentaletplanétairequi testera la fluidité et l’organisation de la villeenmodeg randeurnat ure. Abidjanseraau cœur de l’événement. Ce sera le «campdebase» de la plupa rt desofficiels, desV IP et despersonnalités du monde entier,associations, Confédérat ionafr icaine de football et déléguésdelatoute-puissanteFIFA. Et avec deux enceintes pour la compétition: le stadeoly mpique Alassane Ouattara d’Ebimpé,construit aveclaChine,inauguréenoctobre 2020 et remisaux standardsinter nationau x, et àquelquesk ilomètres de là, en pleincœurduPlateau,le« vieux» stadeFélix Houphouët-Boigny aété entièrementrénové, avec unecapacité portée à40000 places.
QUAND« BABI »RENAÎT DE SESCENDRES
Bref,lamégalopoleest en travaux. Ellechange littéralement de visage, elle se métamorphose.L’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara en 2011 et lesannéesdeforte croissance quisuivent vont mett re unefor midableénergie dans le moteurd’une villealorsblessée.Comme en attente depuis la findes années1990, aveclecoupd’ÉtatdeNoël, la chuted’Henri KonanBédié et lesannéesdeparalysie qui vont suiv re.Etplusdouloureusement encore,aulendemain de la crisepost-électorale de novembre2010. Abidjanest à genoux,exsangue. Lestracesdelav iolencedes combatssont littéralementsur lesmurs.L’eau et l’électricité manquent, les
écoles sont fermées, lesadministrationsdévastées.Depuis,on rénove, on construit, on enjambelalagunepar cesponts aussi sy mboliquesque concrets.Ledéveloppement économique,la croissance rapide, avec unemoyenne de 8% paran, favorise l’extension et la vitalité de la ville, et ce, malgré la pandémiedeCov id-19, malgré lesretombées macro-économiques globales de la cr iseenU kraine. Sous l’impulsionprésidentiel le,onreconstr uit, on rénove, on remodèle, on prévoit desinf rastructures incontournables. Le PIBdupaysa doublédepuis 2011 et devraitatteindre près de 100milliardsde dollarsàl’horizon 2030.Abidjanest àlafoisl’épicentreet le sy mboledecesecond miracle ivoirien.C’est icique ça se passe. C’estici queles «grands» et les« petits », leshabitants et lesimmigrantsv iennentchercherfortune,créer, investir La Banqueafricaine de développement (BAD)y arouvert son siègecentral en septembre2014. L’Organisation internationale du cacao(ICCO), implantéedepuis 1973 àLondres,s’y est installée en av ril2017. Lesavionsetles hôtelssontsouvent pleins,les investisseurscherchent desopportunités. Lescréateurs et lesartistespor tent une« Babi nouvelle vague»,se retrouvent,voguent de bars en maquis branchés,d’expositions ensalles de vente. Lesgaleristesimpriment leur marque sur un marché naissant et dy namique. La nuit,lav illenes’endort pas, àpartpeut-être le Plateau, rétifàlafêteetses excès. Mais en Zone 4età Cocody,tousles chatssont gris, et leslumières sont souventalluméesjusqu’à l’aube.Villeaux ambitionsaffirmées,Abidjan ne compte plus lesgrandsrestaurants et les bonnes tables auxadditions vertigineuses. S’ypresseune foule souventjeune,enphase avecles dernièresmodes du monde et de l’Afrique.
Abidjan, c’estlacitédubusinessetdes affaires,des entrepreneurs,des pirateségalement,attirés parcequi brille, des artistes,des intellectuels, desfêtards.Çabouge,çaf usionne, ça crée,çarêveengrand. Et puis,ilyacette touche particulière,cette ouvertureversl’extérieur,àl’autre,les maisonsqui
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NABIL ZORKOT
Le 4 e po nt, qu ivareli er Adja mé àYop ou gon
Le tout nouvea up arc des ex positio ns, inau gu ré le 17 ju ill et
NABIL ZORKOT
C’estici que les« grands » et les« petits » viennent chercher fortune, créer, investir.
accueillent l’étranger C’est rare, finalement Les Abidjanais ne sont pas complexés, c’est peu de le dire Dans les élites, on se sent citoyens du monde. Et elles sont peu nombreuses, ces villes « af ro -globa les » qui bougent, qui rayonnent, qui « concentrent ». Abidjan, « Babi » pour les aficionados, prend progressivement toute sa place sur la carte globale. Après tout, nous sommes ici dans la troisième vi lle fr ancophone au monde, après Kinshasa et Paris.
La vi lle n’es t pa s né e de nulle part. À l’origine, c’était un ensemble de petits villages le long de la lag une, des communautés at tiées et ébr iées da ns l’ombre de Grand-Bassam, premier point d’entrée colonial. À Bassam, les França is développent une véritable ville de carte postale, avec sa poste, sa gendarmerie, son école, un peu comme à Saint-Louis du Sénégal. Mais c’est aussi le centre d’une colonisation du territoire plus large. Les épidémies répétitives de fièvre jaune qui décimèrent les Européens, en particulier celle meur trière de 1899, vont mettre fin à cette ambition Et il fut décidé de déménager vers un endroit plus propice. Le site d’Abidjan (terre des Bidjans, un sous-groupe ébrié) fut choisi. Il présentait toutes les qualités « coloniales », à condition d’y creuser « un canal entre la mer et la lagune ». En 1912, le commandant de cercle des Lagunes sera presque le dernier à quit ter Bassam pour s’installer à Abidjan. La nouvelle capitale prospère sur un modèle de ségrégation raciale. Au Plateau, c’est la cité blanche et administrative. À Treichville, c’est la cité nègre et ouvrière. Il faudra y construire un pont flottant en bois pour que les travailleurs viennent travailler…
Aujourd’hui, les traces de cette époque sont rares. La ville mute et croît le long de cette incroyable lagune qui fait son identité si particulière Et elle cherche comme à effacer cette histoire coloniale traumatisante. Le président Houphouët-Boigny voulait constr uire une cité capable de rivaliser avec les autres grandes cités du monde. Le Plateau, et ses premiers immeubles de grande hauteur (IGH), sera donc le sy mbole de cette nouvelle Côte d’Ivoire fière et indépendante Le premier président de la République avait aussi d’autres ambitions, en particulier pour sa ville natale, Yamoussoukro, qui deviendra capitale. Un transfert affectif, et peut-être logique Mais « la perle des savanes » ne parviendra pas à affaiblir « la perle des lagunes ». Abidjan n’est plus la capitale politique. Et pourtant, elle reste bien au centre du pays, creuset, plus que toutes autres, de toutes les identités.
Abidjan, c’est aussi administrativement et géographiquement un dist rict autonome – comme Yamoussoukro, d’ailleurs. Le pér imèt re regroupe les 10 communes d’or ig ine : Abobo, Adjamé, At técoubé, Cocody, le Plateau, Yopougon, Treichvi lle, Koumassi, Ma rcory et Port-Bouët Et quat re sous-préfectures adjacentes : Bingerv ille, Songon, Anyama
Ci -d es su s, le pe intre Abo udia, étoile de l’ar t conte mpo ra in
Ci -c ontre, à l’entrée de la com mun e d’Ab obo
et Brofodoumé). Chacune se ressent comme une ville à part entière. Avec son maire élu, sa culture urbaine, son identité, sa de nsité. Yopougon, avec son 1,5 mill ion d’ habita nt s, est à elle seule la plus grande ville de Côte d’Ivoire. Plus au nord, Abobo peut contester ce classement, avec son 1,3 million d’habitants, et dont le regret té Hamed Ba kayoko, qui en fut maire, disait : « Ici, c’est un peu comme la CEDE AO, avec toutes ces nationalités qui cohabitent… » Le Plateau se mobilise pour une nouvelle jeunesse. Cocody cultive son chic et ses larges avenues (et ses ta xis jaunes à bout de souf fle et de course…). Marcor y et Koumassi (avant, on disait « la ville au-delà des ponts ») restent les épicentres du commerce et de la nuit Treichville, nostalgique, voudrait retrouver sa place de plus grand marché d’Abidjan. Pendant ce temps, PortBouët, la rebelle, s’engage dans le futur avec les nouveaux développements près de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny À ces identités multiples, on pourrait ajouter aussi les plus ou moins 30 « villages » ébriés ou attiés répertoriés, certes fondus dans la cité, mais qui gardent chacun des traditions, des juridictions informelles… Et puis, comment ne pas évoquer tous les nouveaux venus ? Les vagues de migration internes et ex ternes, af ricaines, ma is aussi d’ai lleurs – frança ises,
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BACKGRID UK/BESTIMAGEZY AD LIMAM
Le po nt àh au ba ns po ur pa ss er du Pl ate au àC oc ody NABIL ZORKOT
Il faut répondre au xexigences d’aujourd’hui, corriger, rattraper le passéet penser le futur.
libanaises,asiatiques–,qui vont tout àlafoisbouleverser et enrichir leséquilibresoriginaux.Les apportss’entrechoquent ÀMarcory,dansles quartiershuppés, auxcôtésdes fortunes traditionnelleslibanaises, apparaissent desimmeubles financés, dit-on,par lesfortunesduMali. Alorsqu’àTreichville, les pauv resvenus de la sous-régiondorment àmêmeletrottoir, autour du marché
TOURNÉEVERSL’AVENIR
Lesinégalitéssont br utales,plusici qu’ailleurs dans le pays.Cer tainsquartiers évoqueraient presquelaCalifornie ou le Port ugal.Villas huppées, grands arbres ombrageu x, buildingsconceptsetluxueux, mall s et boutiquesd’avantga rde. Certainsqua rt iers sont popu la ires,etsontent rés dans la légende urbaine, comme Anou mabo,r endu cé lèbr epar lesMag ic System.Ouencorele vi llagedeBlock hauss, au pied du majestueux l’hôtelIvoire, qui résisteencoreettoujours àlaspéculation immobilière.Maisily a aussiles enclaves de misère et de pauv reté,les habitats anarchiques soulignantv isuellementl’urgence despolitiquessocialesetderéhabi litation urba ineàlongter me. Desqua rt iers précaires quireprésententu n cinquième de la ville. Un peuplusde1million d’habitantsexposés àtousles risques, en particulier auxinondations en périodedepluies. La situationest telleque la réhabilitation n’estplus uneoption. Il faut envisager,unjour, de détruire pour reconstruire. Le dossierest politiquement et économiquement explosif Enfin, se pose la question de la «durabilité ». L’ensemble de la villetient surunécosystème lag unairepar ticulièrementf ragile.Etles pollution ssemultipl ient :t ra itementdes eaux, gest iondes pluies,des déchetsindustrielset urbains, desplastiques, de la qualitédel’air,protectionetvalorisationdes espacesverts…Les urgences sont multiples.Les plastiques et lesrésidus industrielsreprésentent un dangerpar ticulier.Ils ne sont pasbiodégradables, s’accumulent et menacent lescommunautés (richesoupauvres) surles berges.Côté pouvoirpublic,laprise de conscience est réelle. La décharge d’Akouédoa étéferméeetdev rait se transformer en parc urbain.Les travauxd’infrastructures visent à décongestionner le trafic et sonimpactsur la qualitédel’air On parledeplusenplusdesolutionsélectriques.Objectif : fairemuter 30 %duparcdansles années àvenir.Enfin,ilfaut aussisouligner l’importantProjetdesauvegardeetdevalorisation de la baie de Cocody et de la laguneÉbrié (PABC),porté
parlegouvernementduPremierministrePatrick Achi et le royaumeduMaroc.Une approche écolo-urbaineparticulièrement ambitieuse, avec le traitement deseauxetdes déchets, et la création d’unemarina. Ce projet estconnectéà l’ouverture de l’embouchure du fleuve Comoé, àGrand-Bassam,poursoulager leseauxdelalaguneÉbrié
L’autreobjec tif serait de déconcentrer l’activité économique. Abidjanpèse« lourd », peut-êtretroplourd.Lav ille représente près de 70 à80% du PIBdupays. Il faudrait pousserledéveloppement hors lesmurs,transférer desemploiset de l’activité vers lesv illes secondaires et l’intérieurdupays. Déconcentrer pour déstresser la ville.
Il faut donc répondre auxexigences d’aujourd’hui, corriger, rattraperlepassé et penser le futur. Commeledit Bruno
Koné,ministre de la Construction,du Logement et de l’Urbanisme, le tout dans une« villeenvie,active et dynamique».Enajoutant: «Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus en mode anticipation,aulieud’êtreenmode rattrapage.» Abidjan, commetoutes lesgrandes métropoles émergentes du monde, doit donc voir loi n. Se «comprendre» dans sa dy namiqueà long terme. Àl’horizon 2030,10millionsdepersonnes vivront dans uneconurbation quis’étendra de Jacquev ille(àl’ouest)à Assinie(àl’est). Il faudrait même s’inscrire dans un horizonencorepluslarge,dansledemisiècleà venir.Entre AbidjanetLagos,est en traindenaître l’unedes grandes« mégalopolis »dufutur,1 200kilomètresde zonesurbaines se touchant pratiquementles unes lesautres, en passantpar le Ghana, le Togo,leBénin…
Ça pourrait donner le vertige. Mais «Babi »alafoi.Ici, entrelaguneetocéan, àl’ombredes toursetdes ponts, entre maquis et marchés, entrerichesetpauvres,entre urbanité d’hier et d’avant-garde, s’écritcertainementl’undes chapitres de l’Afriquecontemporaine. Et du futur. ■
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SIA KAMBOU/AFP -L AETITIA KY
Le sfam eu xM agic System ,e nfants de la vi ll e, et l’ar ti steLaetiti aKy té moi gn enta us si du dy na mi sm e d el as cèn ea rtis ti qu e.
Entrelagune et océan, s’écrit certainement l’un des chapitres de l’Afrique contemporaine.
DR Vu ep an oram iq ue su rl av il le de pu is l eN oo mH ote l.
Des chiffres et des faits
Dat a-promenadedanslacapit aleéconomiqueivoir ienne. par Em ma nu ell eP on ti é
Selonledernier recensement de 2021, 21,5 % de la population ivoirienne vit dans le District autonome d’Abidjan.
prév udes travau xd’extension de l’aéroport international FélixHouphouët-Boigny(FHB), quidev rait d’icià2026porter sa capacité d’accueilde 2à5 millions de visiteurspar an
Le nouchi estl’argot né dans lesruesd’Abidjan.Utilisé au départ parles petits voyous,ilest joyeusementrépa ndudanstoutes lescouches sociales aujourd’hui. Donnantauparlerabidjanaisuncôté inventif et cocasse, célèbresur l’ensemble du continent, sonvocabulaire emprunte àtoutesles languesdumonde,etpour35% au français.Certainsmotssont entrés au Panthéon du PetitLarousse,comme «s’enjailler» (fairelafête) ou «boucantier» (une personne très m’as-tu-vu).
DU 13 JA NV IE RAU11F ÉV RI ER 2024,lav illeacc ueillera unepar tiedes matc hs de la 34e Couped’Afrique desnations, organisée parlaCôte d’Ivoire et dénommée cetteannée «laC AN de l’hospitalité».Austade FélixHouphouët-Boigny, surnommé le Félicia(ci-dessous)etdoté de 35 000 places,ainsi qu’austade olympique d’Ebimpé,appeléstade Alassane Ouattara et d’unecapacitéde60000 spectateurs C’estcedernier quiaccueillera le matchd’ouverture du tournoi. Et la finale.
1545 millimètres paran.
Lesprécipitations sont abondantes surlacapitale économique. Elles varientde15mm en janvier, le mois le moinspluvieux, à375 mm en juin, le plus pluvieux.
FOC US 40 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛT -S EP TE MBR E2 02 3
330MIL LI ARDSDEFRA NCSCFA .C ’est le coût
DR -S HUTTERST OCK -N ABIL ZORKOT
FI NJ UI LL ET,legouvernementa rebapt iséplusieurs ar tèresd’Abidja n, leur donnant de snomsdepersonnal ités politiques. Ai nsi, le boulevarddu4e pont prendlenom de LaurentGbagbo, et l’ancienne avenue Percée Reboul devientleboulevard Alassane Ouattara.Quant au boulevardA iméHenri KonanBédié (décédéle1er août dernier),ilremplacecelui anciennement appelé du pont HK B. Enfin, le boulevardEst Ouestest rebaptiséboulevard Robert Guéï, tandis quelecélèbreVGE devientleboulevard FélixHouphouët-Boigny. Desstars nationales sont aussihonorées, commel’ex-roiducoupé-décaléDJA rafat, dont uneavenueporte le nomàCocody, et le footballeur Didier Drogba àBingerv ille Le boulevardMitterrand, lui, devientleboulevard DominiqueOuattara.
Le serv iceV TC aexplosé, cesdernièresannées. Outreles traditionnels taxisetwôrô-wôrô, leshabitantsdeBabi ontlechoix avecHeetch, Uber et Yango.
69 %des Abidja na is de plus de 18 ans sont équipésd’unsma rtphone.
Abidjanetses 13 communes,occupantune superficiede2 119k m2,comptent près de 6,5millionsderésidents.
Près de 20 000 taxis- compteurs évoluent dans la capitale économique.Cinqmille véhiculesneufs, exclusivementdemarque Toyota,renouvellent progressivementleparc, au ry thme de 1000 voitures parand’icià2026.
Àlire L’œilde Francois-Xavier Gbré
LE CÉLÈBR EPHOTOGR APHE
franco-ivoirien François-Xav ier Gbré nousoff re sonregard en images surlepatrimoine architectural post-colonial d’Abidjan, àtravers lesclichés de 30 bâtiments, témoins de l’histoire contemporaine de la capitale économique. Parexemple,laP yramide (dont la réhabilitation aété décidéerécemment), la tour Postel 2001 ou encore la cathédrale Saint-Paul sont autant de traces desévolutions sociales et politiques de la ville, d’année en année Un œilpassionnant,qui montre commentune métropole se constr uitpeu àpeu en absorbant desinf luences venues d’ailleurs,etsoutenu parles textes d’Issa Diabaté et Baptiste Manet, entreautres auteurs.
AlbumArchitecture– Abidjan, éditions Caryatide, avec la galerieCécileFak houry, 128pages,30euros.
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La «perle des lagunes» estlaville la plus peuplée d’Afriquedel’Ouest francophone.
EMMANUELLE PONTIÉ -D R
Sa capacité hôtelière atteintprèsde 26 800chambres, quisontréparties dans 1903 hôtels.Oncompte, parmi eux, unevingtained’établissementsdetrès haut standing et de boutiques-hôtels de luxe, accueillantune clientèlebusinessaisée.
Le Sofite lIvo ire.
BOTSWANA LESDIAMANTS DE L’ÉQUITÉ
C’estledeu xièmeproducteur mond ialder rièrelaRussie. Et c’estl’undes pays lesplus riches du continent, malgré unenatureq uasi désertiq ue. L’État cherchedésor mais àbénéfcier plus et mieu x de cetteman ne de carats. Face àlui,legéant sud-africain De Beers. Quidev ra dorénavant rétrocéder 30 %des pier res brutes,puis50% d’ici àune décennie.Une «reprise en main »historiq ue quipourraiteninspirer d’autres… par Cédric Gouverneur
éc on om ie
Un eu si ne de fa br ication de la so ci été indi enn eVenu s Jewe ls,àG ab orone JOAO SIL VA /THE NEW YORK TIMES/REDUX/REA
Ledealexpiraitle30juindernier,à minuit. Mais ce n’estque quelques minutes avantl’heure du couperet queles négociateurs du Botswana et ceux du diamantaireDeBeers sont enfinpar venusàun« accord de pr incipe ». Le 1er ju illet ,le ministre desMineraisetdel’Énergie,LefokoFox Moagi, et le président-directeur généraldelamultinationale, Al Cook, ont annoncéleurréussite. Fatigués mais soulagés,comme deux médecins accoucheurs au sortir de la salled’opération après unegrossesseparticulièrementpérilleuse. «Jedoisdirequ’il s’agit d’accordstransformationnelsqui s’adressentaux aspirationsdelapopulation du Botswana»,adéclaré le premier avecent housiasme. «C ’est un accord gagnant-gagnantqui cochetoutesles cases, aexpliquélesecond. Nous devions fairedeuxchoses: obtenir ce dont nous avonsbesoinetce dont le Botswanaa besoin. Cetaccordy parv ient.»
En postedepuis moinsd’unan, l’industriel apparaît cependant bienmoins réjoui queleministre. Il semble plutôt tenter de rassurer sesactionnaires,voire de lesconvaincrequ’il n’a pastotalementperdu la partie.Etpourcause :l’Étatsortclairementgagnant de sonbrasdefer contre la filialedugroupe minier sud-africain AngloA merican. Il ne se verraplusattribuer 25 %des diamants brutsextraits, mais 30 %, puis jusqu’à 50 %d’iciàune décennie.DeBeerss’est en outre engagéeà créerune académie af in de former au xmétiers de l’industriediamantaire: taille, polissageetorfèv rerie.L’entreprise et le gouvernement vont égalementfonderune joint-venture dédiée àlaprospection de nouveaux gisementssur le territoire ainsiqu’àl’étranger. La transactionn’a rien laissé au hasard, prévoyantmêmeune disposition particulière en casdedécouverted’une pierre« exceptionnelle », commecef ut le casces dernièresannéesavectrois caillouxdeplusde1 000carats, valant chacun plusieursdizaines de millions de dollars: il est alorsprévu queles deux partiess’associent pour s’en partager lesrevenus.« Nouschercherons ensemble quiseralemieux placépourtailler la pierre, apréciséleministre.Lechoix ne sera plus effectué uniquement parDeBeers.» En contrepartie de toutes cesconcessions,lafirme s’estv ue accorder l’extension de sa licencejusqu’en2054.
UN MARIAGE DE RAISON
Malgré lesmenacesde« divorce» –LefokoFox Moagia régulièrementutiliséce terme–,cemariage de raison était sa ns doutei névitable. Ne pass’entendreauraitété «t rès dommageablepourtoutesles partiesconcernées»,a admis Al Cook, dont le groupe abesoinduBotswana: deux ième producteur mondialenvolume derrière la Russie et devant
l’AfriqueduSud,lepaysfournit àlamultinationale70% de sesdiamantsbruts !Celle-cisetrouveeneffet sous pression face àlaconcurrence, notammentdelapartdurusseA lrosa, et àlabaisse, certes touterelative, descours du diamant. De soncôté, le gouvernementaencorebesoin– pour le moment
de la compagniesud-africaine pour extraireles pierres précieusesdeson sol. Ellespèsenteneffet 20 %dansson PIBet représentent lesdeuxtiers de sesdev ises étrangères. Mais si De Beersexploite lesmines de cettenationd’A frique australe depuis lesannées1960, la donneachangé.Désormais,c’est elle quisetrouveenposition de forcepournégocier, et non le conglomératfondé en 1888 parlecolonialistebritannique CecilR hodes(1853-1902).Selon un analyste de RMB, Morgan Stanley, interrogédébut juillet parReuters,lenouvelaccord pourrait faireperdre15% de sesrevenus au diamantaire.Un spécialistede cetteindustrie,R ichard Chet wode,aquant à luidéclaré àl’agencedepresselondonienne que,compte tenu de la haussedes coûtsdel’extractionminière,lepartenariat n’étaitplusaussi «juteux» qu’ill’a été. «DeBeers estpresque surles genoux », aenoutre commenté le magazine américain desprofessionnels de la joaillerie, JCKOnline
En mars dernier, afin de fairemonter la pression,legouvernementavait annoncéson intentiondeprendre uneparticipation de 24 %auseinde HB Antwerp, unesociété belge de tailleetdepolissagedediamantscrééeen2020. Le but étaitdedémontreraugéant sud-africainqu’il n’estpas sans concurrentsérieux,ni alternativecrédible… Lors de l’inauguration de la filialedel’entrepriseanversoiseàGaborone, le présidentMokgweetsiMasisiavait parlé« d’unenouvelle èrepourl’industriedudiamant au Botswana».Cette société présente l’avantage d’acheterses pierres (notammentcelles extraitesdelaminedeK arowe,exploitéepar le canadien LucaraDiamond)àdes tarifsplusélevés, carbasés surl’estimation du prix de la future gemmetailléeetnon surcelui
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Concurrence, baisse relative desprix, coûts d’extraction en hausse… La multinationale n’estpas en position de force.
du caillou br ut,évidemmentinférieur.« De Beersn’est pas la seulecompagnie… », avaitalorsinsisté Lefoko FoxMoagi. Or,curieusement, depuis le renouvellementdeson contratde mariageaveccette dernière,legouvernementsemblemoins empressédeconclureavecHBA nt werp :« Il n’ya pasd’accord signé»,a éludéleministre desMinerais et de l’Énergie,début juillet au Parlement. Sa ns cacher sesa mbitions: «Ils’agit d’un partenariat évolutif.Qui sait ?Peut-être qu’au termedes prochaines négociations,leBotswanaprendra 100%,etque De Beers se contentera de miner…RegardezSurat [villede l’ouestdel’Inderéputée pour sesdiamantaires,ndlr],regardez Anvers,regardezTel Av iv.Ils prennent lesdiamantsbruts.Ils lespolissent.Ils en font desbijoux. Et ilsfontunmalheur! Nous ne pouvonspas rester assissur nosdiamantsbruts.C’est cela,ledéveloppementdelachaînedevaleur. »Lepaysentend donc polir, tailler,puis vendre sespierres surson sol, ou tout au moinspar desjoailler ieslocales.Uncap estf ranchi,et plus rien ne sera commeavant :« Le Botswanafaitson entrée dans la première liguedumarchédudiamant », constate le site spécialisé Mining Weekly
DE LA SOUMISSION ÀL’INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE
L’ancien «Bechuanaland» britanniqueest ainsi l’un des endroits lesplusprospèresducontinent, et il entend le devenir plus encore !Pourtant, lors de sonindépendanceenseptembre 1966,nul n’aurait pariéuncarat surl’avenir de ce pays enclavé, en grande partie aride–ledésertduKalaharicouvre
la majorité du territoire –, peupléd’undemi-million d’habitantsseulement (pourune superficie équivalenteàcelle de Madagascar !).Semblantdestiné àdevenir un simple réservoir de main-d’œuv re pour sonpuissant voisin sud-africain,ilse trouvait dans unetelle relation de dépendance économique face àPretoriaqu’iln’avait pasosé s’associer auxsanctions africaines contre la Rhodésie ségrégationniste.Signe de son dénuementd’alors, il s’étaitchoisipourdev iseune incantation paysannefataliste,« Bringonthe rain »(«Que tombela pluie»), et pour monnaie, le pula, mot quisignifie également «pluie »entswana… Mais quelques mois aprèsson autonomie, la découverte d’immenses gisementsde diamantsbruts à Oropa, dans le centre du territoire,a bouleversé la donnedans desproportions phénoménales. «Lorsque lesdiamantsont été découverts en 1967,legouvernementacomprisque si les revenus miniersn’étaient pasemployés avecsagesse, le pays nouvellement indépendantresterait sous-développé », expliquaità Af rique Maga zine, en octobre2021, CharlesSiwawa, présidentdelaChambredes mines du Botswana, lui-même ancien cadredeDeBeers.Dès 1969,leconglomérat sud-africain asigné un accord avec le présidentSeretseK hama (au pouvoirde1966à1980) afin de créerdeuxjoint-ventures: Debswana,pourl’exploitationdes gisements, et DiamondTrading CompanyBotswana, pour la commercialisation d’environ45millionsdecaratspar an.
Lesdia ma nt sont la rgementassurélaréussitede« la Suisse de l’Afrique»,comme on le surnomme.Ils représentent
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JOAO SIL VA /THE NEW YORK TIMES/REDUX/REA
Un efamil le ré sidantd ans un hab itat sa ns él ectri ci té ni pl om be ri e, près de la mine de Jwag en g, la plus lu crativea um ond e.
90 %deses exportations,20% de sonPIB,et30% desrecettes publiques. En 1993,celui quel’onappel le également« le miracle af ricain »s’est inspirédel’exemple norvégienpour lancer un fondssouverain (unfonds de placement, possédé parl’État, quigère l’épargnenationale).Laformule aadmirablementréussiaupaysdes fjords,qui estdevenul’undes plus riches d’Europe alorsqu’il étaitpauvrejusqu’à la découvertedepétrole offshore dans lesannées1960. Concernant lesquelque 7milliards de dollarsduPulaFund, ilspermettent auxpouvoirspublicsdefinancerlagratuitédes écoles primaires et secondaires, tout commel’indispensableaccèsaux soinspourles personnesséropositives–prèsd’unquart de la population adulte.Engérantsihabilement la manneque luiapportent sesdiamants, ce pays d’Afriqueaustrale aréussiàéchapper àlamalédiction quif ra moulte xpor tateurs d’uneseu le et même ressourcenaturelle :lanécrosedel’économierentière, soumiseàlaf luct uation des cours,qui génère corruption et gabegie, fait du développement humain,etqui avaluaupét sonsurnomde« merdedudiable»
En 2011,unbouleversementseproduit conglomérat De Beers: la familleOppen heimer décide de se retirerducapital,revendant sesparts (40%)àlaholding AngloA merican, quidétenait jusqu’alors45% desactions. Le Botswana, actionnaireminor itaire (15%)depuis2004, peut alorsrenouvelerson cont rataveclesud-af ricain.En ef fet, le chef d’État IanK hama (f ilsdupremier président, SeretseK ha ma)met en avantune clause st ipulantqu’un changement d’action nariat l’autorise àrenégocierent ièrement leurs accords. «Jamaisauparavantlepaysn’avait exercé unetelle influence»,commentealorsl’exper tdiamantaire israélienChaim Even-Zohar au magazine Af ricanBusiness Ia nK ha ma ar racheàlamulti nationalelapossibi lité de vendre directement10% desdiamantsbruts extraits.Déjàà l’époque,certainscommentateurs occidentauxs’inquiètentde cetteconcession :« De Beersposeungenou àterre devant le Botswana»,ose écrire Salon,unwebzineaméricain.Pourtant, en 2020,lorsdurenouvellementdécennaldeson contrat, il parv ient àaccroître sa part de 10 à25%.Peu àpeu germe l’idée quel’exploitant atropbesoindeses mines pour ne pas céderduterrain
L’an dernier, De Beerslui aversé 2,8milliardsdedollars de revenus,pourune population s’élevantà2,5 millionsd’habitants. Lesindices de développement humain figurent parmi lesplushauts du continent, et le PIBpar habitant estestimé entre7 000 et 8000 dollars. Mais qu’importentces chiffres macroéconomiques.Lasimplearithmétique estparlante: un partage25/75 –unquart pour le pays producteur,trois quarts pour la multinationale –peut-il être considérécomme équitable? Pour lesautorités,laréponse estlogiquement négative.« Si nous sommes despartenaires égaux, pourquoi suis-je
toujours assissur mes25%?» déclaraitLefokoFox Moagi, lorsdes négociations.« Nousdevonsref user d’être réduits en esclavage»,amêmeargué Mokg weetsi Masisi,enmai,lors d’un meetingdansunv illagedel’Okavango.Cette référence estsansdouteunpeu osée –après tout,leprésident acommencésacarrièrecomme acteur de théâtreetdesérie B… –, mais elle reflèteladétermination du chef de l’État àreprendre le contrôle,aunom de la nation,d’une ressourcehautement prof itable.Deneplussecontenter d’unepor tion cong rue, même substantielle.« Nousavons beaucoup appris de notre relation avec De Beers, ycomprislefaitque nous perdons 15 milliardsdedollars paranenvendant nosdiamantsbruts, sans lesmettreenvaleur. Clairement, notreaccordest très restrictif pour nous,etnousdevonsobtenir un illeur deal,oubienchacunrentrechez soi»,mettait-ilengarde.Mokgweetsi Masisi resituaitl’accordsig né en 1969 dans le contexte de l’époque : celuid’unÉtatnouvellementindépen,démunifaceàune mult inat iona le cainesecondée parl’anciencolonisaque. «Selon cetaccord, nosdifférends devaient être réglés devant la loi britannique! Nous avonssigné avecignorance,car nous étions unenouvelle économie.Nouspouvons déciderd’une reddition,oubien nous battre pour unemeilleure issue. Je ne suis pasunlâche, et je refuse queleBotswanasoitvolésur la base d’un accord dans lequel nous étions entrés parcequ’on ne connaissaitpas mieux. »Avant d’ajouter: «Siceladoitmecoûter ma victoire auxélections,qu’il en soit ainsi !»
UNE DÉMOCRATIE EN CRISE
Lesdétracteurs du chef de l’État estiment justementque sa déterminationàarracherunmeilleurarrangement diamantaire estmotivée pardes calculs électoraux.Paysloué pour sa stabilité démocratique et sesalternances politiques, le Botswanat raverseeneffet unesér ieusec ri se depu is quelques années. Entre2014et2018,MogkweetsiMasisia étélev ice-présidentdeIan Khama(2008-2018),lequelavait démissionnéauterme de sonsecond mandat,conformément àlaConstitution,etl’avait désignépoursuccesseur. Fort de cet adoubement,ilavait égalementpucomptersur le soutiendu puissant PartidémocratiqueduBotswana(BDP). Mais après sa victoire,les relationssesontrapidementdégradées entre lesdeuxhommes.
Exilé en Af riqueduSud,K hama,70ans,aaccuséson remplaçantd’êtreune «menace pour la démocratie »et« la version botswanaise de Tr ump».Lorsdes électionslégislativesd’octobre2019, l’hommeamêmeappeléàvoterpourle partid’opposition Umbrella forDemocraticChange (UDC), et donc contre le BDP –pourtantcofondé parson père, Seretse Khama. En 2020,les autoritésl’ont accusé d’avoir détourné
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SHUTTERST OCK
L’ex pl orateu ret colon ia li steb rita nnique Ce cil Rh od es est le fo nd ateu rd el ’e ntre prise De Be ers ,e n1888 So nn om est àl ’o rigin e de l’ex-R hod és ie (a ujou rd ’hui le Zim ba bwe et la Za mb ie). En 2015,l es ét udiants de l’unive rs ité du Cap,e nAfri qu e du Su d, onto btenuq ue sa statu esur le ca mp us so it déb ou lo nn ée.
«Nousperdons 15 milliards de dollarspar an en vendant nosdiamants bruts… Nous devons obtenir un meilleur deal,oubien chacun rentre chez soi. »
RODGER BOSCH/AFP
100milliardsdepulas (soit9 milliardsdedollars)avecl’aide de la femmed’a ff aires sud-af rica ineBridget te Motsepe, pour financer l’opposition.Maisune enquête menéepar des expertsindépendantsbritanniquesafinalementqualifiéces accusationsde« fabrication ». Désormais, IanK hama, contre quileBotswanaaémisunmandatd’arrêt pour possession d’armes, soupçonnepubliquementson adversairedevouloir «l’emprisonner et l’empoisonner »–des propos jugés« scandaleux »par lesautorités nationales,qui soulignentnéanmoins la tradit ionderespect de l’État de droit, de la démocrat ie et desdroit shumainsdepuis l’indépendance. L’ex-président entend fédérer lesdif férents pa rt is d’opposition autour de sa personnedanslaperspective desélectionsde2024: «Je dois répa rer l’er reur quej ’a i comm iseennom ma nt Masisi co mm es uc ce ss eu r»,a -t-i l an nonc ée nm ar s. Da ns ce contexte tendu, nuldouteque la victor ieu se re négo ci at ion de l’accord avec De Beerspeut constituer un bel atoutpourleprésident de la République
Quellesque soient lesarrière-pensées électoralistes des uns et desautres, le développementannoncé de la chaîne de valeur pourrait inspirer plusieurs Étatsducontinent.Lapandémie–etlaparalysie économique quiena suivi–a démontré l’urgencepourles pays exportateurs de matièrespremières de transformer celles-cisur place, af in nonseulement de s’industrialiser,decréer desrichesses et desemplois, mais aussi de renforcerleursouveraineté, sans êt re soumis au xaléas boursiers et auxcrisesseproduisantenOccident, en Chine ou surles rivesdelaMer noire… En av rildernier,lerapport
St reng thenin gA fr ic a’sRolein theBattery andElect ricVehicle Value Chain, de la Banqueafricainededéveloppement (BAD), estimait quelemarchémondial desvéhicules électriques représenterait8 800milliardsdedollars d’icià 2025.Laproduction de mineraisnécessaires àl’indispensable transition énergétique(cobalt,graphite, lithium, nickel…) devraitêtremultipliéepar cinq d’icià2050, avec 3milliardsdetonnes. Et selon l’Institutd’étudesgéologiques desÉtats-Unis, la majorité de cesmétauxsetrouventsur le continent. Or,selon la BA D, si l’Af riquesecontented’expor terles mineraisbruts,sansles transformer, elle ne touchera que55milliards de dollarssur ces8 800… Partoutsemultiplient doncles initiatives af in de ne pasmanquercette opportunitéhistorique. Ainsi, un projet d’usinecongolaiseetzambiennedefabrication de batteries
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Lors de son indépendance en septem bre 1966, nuln’aurait pariésur l’avenir de ce pays enclavé et en grande partie aride.
XINHUA-REA -M ONIRUL BHUIY AN/AFP
Le
co nf lit fa it ra ge entrel
ep ré sid ent Mo kg we et si Mas is i (c i- contre) et son préd éc esse ur, Ia nK ham a(ci -d ess ou s) au pouvoir de 20 08 à2 018etréfugi é en Af riqu ed uS ud
pour véhiculesélect riques estenbonne voie :enmars, les deux pays ont lancéune étudedefaisabilité pour établirdans la prov ince du Haut-K atanga unezoneéconomiquespéciale frontalière de 2000 hectares,destinéeàaccueillir l’usine. Lors de la signaturedel’accordà Kinshasa avecson homologuezambien, le ministre congolais de l’Industriearésumé lesenjeux, proprementver tigineux :« Si l’on capte10% de ce marché,celanousfait700 milliardsdedollars.»
Révolutionnaire, hautementprofitableetsourced’inspiration pour tous lespaysendéveloppementcherchant àmieux ti rer pa rt ides ric hesses de leur sous-sol,lenouvelaccord doit encore parvenir àréglerles difficultés économiquesdu Botswana. Ca rmalgréunPIB pa rhabita nt pa rm iles plus élevéducont inent, il se trouve conf rontéà un chômage élevé(18 %) et àdes inégalités abyssales. Commelaplupart desnationsdontunseuletmêmeproduit écrase le PIB, il éprouvedes difficultés àdiversifier sonéconomie, laquelle
grav itelargement autour du diamant, malgré l’essor du tourismeaudelta de l’Okavango (deuxièmeplusgrand deltaintérieurdumonde,derrière celuiduNiger avec 18 000 km2), à la réserved’éléphants du parc national de Chobe, ou encore da ns le désert du Ka la ha ri (ent re lesbassi ns-versa nt sdes fleuvesZambèze et Orange)…Uncinquième du territoire est désormaisclasséenzones naturelles,etlesecteur touristique représente dixfoisplusd’emplois qu’il yav ingt ans. L’accord arrachéausud-af ricain De Beersprévoitjustement la mise en placed’unfonds de développement, doté parlamultinationalede75millionsdedollars,puis àterme 750, afin d’aideràlacréation d’entreprisesetd’emploisdansles secteurs du tourisme,des technologies, desénergiesrenouvelables Passûr cependantque celui- ci suffise :les commentateurs botswanaissoulignentque cela fait un demi-siècleque les gouver nementssuccessifss’efforcent de diversif ierl’économie, sans vraiment ypar venir ■
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ChloéLopes Gomes
LA DANSEUSE FRANÇAISERACONTE SONPARCOURS
d’excellence,del’Académie du Bolchoï,àMoscou, au StaatsballettBerlin, dans sonlivre Le Cygnenoir.Elleyconfieses épreuves familiales,ainsi queson combat contre la précarité et le racisme. proposrecueillispar AstridKrivian
À8ans,j’aiété émerveillée parleballet Le Lacdes cygnes : lescorps desdanseurs, leur jeu, le maquillage, lescostumes, l’histoire…J ’avais trouvé ma vocation !J ’aiprismon premiercours de danse, puis j’ai intégréleconservatoire de Nice, et ensuitel’École nationalesupérieurededanse de Marseille. Enfant de la DDASS, ma mère se rêvait peintre. Elle croyaitenl’épanouissement et la réussite àtravers lesarts. Ellenousainitiés àlamusique et àladanse classique, aux arts plastiques.Celam’a donnéune sensibilitéetune intelligenceémotionnelle. Àlamaison, monpèrenousmaltraitait,alorsjemefocalisaissur cesactiv ités.C’était moncocon
À14ans, j’ai étéreçue àl’AcadémieduBolchoï. J’yaiappris la rigueur, la discipline, le dépassementdesoi.Endanse classique, on vise sans cessel’excellence, le perfectionnement Je ne prends jamais rien pour acquis.J ’y ai aussitrouvéune deuxième famille, unemère et dessœurs dans la danse, au-delàdes différences de culture, de couleurdepeau. Nousétionstous unis dans ce butd’excellerdansnotre art, stimulés parune belleetsaine compétition. La dansem’a enseignélaposture,ainsi queles règles d’une société. Quandonest issued’unmilieutrèsmodeste,elleest égalementunmoyen de s’élever socialement, de côtoyer dessphères élitistes. Au niveau artistique,onpeutincarnerdes rôlestrèsdivers: sorcière,femme fatale,reine…Nousnesommespas seulementdes beauxcorps,maisaussi desartistesqui procurentdes émotions au public en racontantune histoire Monretourenrégionparisiennefut compliqué. Ma mère aété placée en détention pour desfaits graves.Enrupture avecmon père,j’étais la seuleà pouvoir« sauver » ma fratrie, tous mineurs àl’époque.Mon frère de 6ans aété placéàlaDDASS du jour au lendemain.J’aialorsmis ma carrière en sourdine pendantquatreans :jecumulaistrois jobs,jetravaillais 22h/24hpourréunirlasomme me permettant de loueruntrois-pièces et d’yaccueillir mon frère.Celaa étéleparcours du combattant.Onparle peudelaprécaritésociale en France, pourtant bien réelle et violente.Jemesuisaussi battuepourpayer lesfrais d’avocat de ma mère.J’avais si peur de perdre ma famille. Être admise au StaatsballettBerlin futunaccomplissement : leur répertoiremêle classiqueetcontemporain !Hélas,j’aiété la cibled’une maîtressedeballet raciste, en charge de distribuer lesrôles et de nous faireévoluer.Àses yeux,ilnefallait pasd’une femmenoire dans un corpsdeballet. Commeelleétait protégée paruncontrat àv ie,soitjerestais et subissais, soit je partais. J’ai tenu bon, mais sonharcèlement et sesproposouvertement racistes m’ont beaucoup affectée. Aprèsmoult rebondissements, j’ai intentéunprocèsàcette institutionpourlicenciementabusif. Et j’ai obtenu gain de cause. Monhistoire aété relayéedansles médias anglo-saxons,puis dans le mondeentier. La directrice en question adû s’excuserdevantlapresseinternationale. En me battantpourmes droits fondamentaux,j’aicréé un précédent en Allemagne: de nombreusespersonnes ontà leur tour pris la parole pour dénoncer le racisme. ■
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Le Cygn enoir, Stoc k, 24 0p age s, 18,5 0 €
ST ÉPH AN EL AV OUÉ
«Onparle peu de la précarité socialeenFrance, pourtant bien réelle et violente.»
QUELCHEMINP
Ou commentsortir d’unecrise économico-politiquesansprécédent…Éléments d’analyseapportéspar desacteurs de la sociétécivileetdes leadersd’opinion. par Fr ida Da hm an i
TU NI SI E SER VICE PRESSE PRÉSIDENCE/HO/AFP
NPOURDEMAIN?
Le chef de l’État Ka ïs Saï ed re ncontrel aPre mi èrem inist re italienn e Giorgia Me lon ia up al ais prés i de ntie l de Car tha ge,l e11juin, l or sd esavis iteoff ici ell e.
Le25juillet 2021,arguant d’un péril imminent, le présidenttunisienopérait un passageenforce en s’arrogeanttousles pouvoirs.Sur fond de pandémie et de criseéconomique, mais surtout de déliquescencepolitique, l’offensive de Kaïs Saïedaété la rgementsoutenuepar lesTun isiens, quisouhaitaientunclimatde gouvernancemoins clivant, plus efficace quecette république despartis. Ilsrejetaientune classe politiquedominée parles islamistes d’Ennahdha,qui allait de compromisencompromissions,etune corruption omniprésente.Larelance du pays et l’assainissement du paysagepolitique semblaient dèslors possibles. Pour cela, l’hommequi avaitfaitcampagnesans prog ra mmeetannonçait qu’i lseraitauser vice de ce que «lepeupleveut» devenait celuiqui tombeà pic :unsauveur, un héros, un intouchable. Unedimension quilui apermis, avec l’appuid’unplébisciteélectoral et le soutiende l’opinion publique,demener sonoffensive en répétant inlassablement qu’iln’y aurait «pas de retour en arrière».Vingt-quatremois plus tard,leprésident resterelativementpopulaire,maisle désenchantements’installesur fond de crisesocioéconomique permanente. Et avec la perception d’un netrecul surles acquis démocratiquesetles libertés.Les élites sont prudentes, l’opposition estdiffractéeetses leadersenglués dans desprocès kafkaïens. Lesrebellessont en prison.Lepouvoir de tous est désormaiscelui d’un seul,à l’originedetoutes lesdécisions Nouvelleconstitution, élection d’un nouveauParlement (avec destauxdeparticipation électorale très faibles),KaïsSaïed en appelle presqueàlalutte desclasses.Ses propos clivants séduisentune population tenueà l’écar tdudéveloppement ou desaccèsàlarichesse. Il semble annoncer queletemps de la revanchea sonné. Beaucoup ontencorefoi en leur chef d’État,qui adopte au fildutemps uneposture messianique. Lesnantissont prévenus et font profil bas. La pressiondela présidence finitpar avoirraisondes plus réfractaires,notamment dessyndicalistes.
Mais la réalitéetles défissont là.Incontournables. La situation économique esttendue. Surfonddeperte de confiance, les finances publiquescroulentsousune dettereprésentantplus de 80 %duPIB.Les pénuries de produits de première nécessité sont fréquentes,dujamais-vu dans la Tunisiemoderne.La question du pain aprobablementcoûté sonposte àlaPremière ministre NajlaBouden, remerciéele1er août dans la nuit.Etremplacée paruncadre de la Banquecentrale, Ahmed Hachani.Les entreprisespubliques sont sclérosées, et si le secteur privésemontre résilient, il estsoumisàune très forte pression fiscale. Seul le tourisme,encet été2023, tourne à pleinrégime, malgré leschaleurs records.LedealavecleFMI resteensuspens.Lacrise migratoire estvenue bouleverserle pays.Des migrants se sont retrouvésexpulsésdansledésert.
L’Union européenne estvenue promettredes centaines de millionsd’euros,àcondition quelaTunisie tienne sesfrontières… Àl’aspectsécuritaireest venues’ajouter unecrise humanitaire, dont lesimagesont fait le tourdumonde.LaPremière minist re italienneest venuedeuxfoisàTunis en quelques semaines (le6 juin et le 16 juillet), accompagnéed’une délégation de haut niveau,g rillantaupassagelapolitesse àla diplomatie française, commedépasséepar lesévénements. Le présidents’est renduàRomepourunsommetsur la migration rassemblantles dirigeants du pourtour méditerranéen, le 23 juillet.Une alliancedefacto entreles rivessud et nord, alorsque la Tunisiesecherche unestratégie de long terme, durable. Pour Kaïs Saïed, le timingest crucial. Lesprochaines électionsprésidentielles sont prév uespouroctobre 2024,dans un peuplusd’unan. D’icilà, lesforcespolitiquespeuvent se recomposer àl’infini…Sil’agendaest dominéavant tout parla multiplicitédes crises,laquestion de «demain », d’un chemin vers la post-révolutionetledéveloppementéconomiquereste ouverte. Af riqueMagazine s’estdonctournéversdes leaders d’opinion,intellectuels,représentants de la sociétéciv ile, toujours soucieux d’apporter leur éclairage.
Khadija Mohsen -Finan Politologueetspécialiste du mondearabe
«LEMOMENTEST PROPICEàune lecture critique.Mêmel’opposition se demandece qu’elle aàdéfendreetaux côtésdequi.La gauche,qui semble décalée, étaitdéjàinerte et inexistanteavant queKaïsSaïed ne l’aseptise. On s’estbeaucoupinterrogé :« Où estl’opposition? Que font sesacteurs ?» Mais il yalieudesedemander :« Àquoi s’oppose-t-on? »Àtousles projetsetinstitutionsqui ontété vidésdeleursensauprofitd’une présidentialisation? Et que reste-t-il àdéfendre, unefoisque lespartispolitiquesetles corpsintermédiairesont ététorpillés ?
Paradoxalement,KaïsSaïed aretournéles valeurs quiont fondélarévolutionpourenfaireles responsables de la faillite actuelle.Sibienque la démocratie estaccusée, et parfois même le peuple. Mais de quoi ce dernierserait-ilresponsable ? Unepartiedel’élite estime quel’onnepeutrienenfaire,alors que, convoqué àdes consultationsàtrois reprises,ilaàchaque fois exprimésadésapprobation –celle-cin’a pasété priseen compte.Les intellectuels, àqui il appartient d’avoirune lecture critique,n’ont passuffisammentdit quelapopulation asa part de responsabilité,etont préféré lessondages, surlesquels il faut égalements’interroger. Un vide en matière d’opposition et uneabsence de lecturecritiquedeladernière décennie ont permis àKaïsSaïed de réussirson coup,sanscompterlamain tendue de certainspaysétrangers,eux-mêmes en porte-à-faux DR
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La nat ion est sou mise àu ne imp or ta nte pé nu ri e de produ it sd ep re mière néce ss ité. Ic i, le srayons vi de sd ’u nsup er ma rc hé de la ca pi ta le
FETHI BELAID/AFP
vis-à-visdeleurproprediscours,qui renf louent sescaisses Ilsconfientunmandattrèsimportant surl’externalisation du contrôle desf luxmigratoires àquelqu’un quiabordelamigration subsaharienned’unpoint de vueracial.
Tout estébranlé aujourd’hui, depuis la foienlapolitique ou la démocratie au rôle desélitesetdes intellectuels, en passant parlaplace du peuple. Actuellement,lamoindre critique estinaudible.Onimputesystématiquementles responsabilitésaux autres et on fait dans la mise àl’index.Lerejet du système politique, incarnépar l’émergence desindépendants quisepréparaient auxlégislativesaprès avoirremportéles municipalesde2018, aété occulté. Mais cela mérite tout de même réflex ion. La mort du présidentBéjiCaïdEssebsi a bouleversé le calendrier électoraletdifféré l’analysedecette période. Lesreproches fusent sans discernement et sans que personne ne rev iennesur sonmandat, où il aété beaucoup plus loinavecEnnahdhaque Moncef Marzouki avec Ettakatol, quel’onf ustige pour tant pour la troï ka de 2011.Tous ont étédansune gestionverticale et uneprésidentialisation, quiremettent en question la constitution de 2014 et ôtent au peuplesavocation. Le reproche quipeutêtrefaitconcerne moinslerapprochement entreEnnahdhaetles modernistes quel’absence de débouché surunprojetcommunauprofit du pays.Lemanquedeculture politiqueest patent.Ilaurait fallusavoir s’arrêterpourfaireune lecturecritiquedecette transition,définirles manquements et adopterunpoint de départ àpartir deséchecs. Sans cettelecture politique, nous sommes dans uneposture d’abandondesoi et du pays,dans un laisser-faire. C’estcequi prévautactuellementetempêche d’anticiperlaTunisie de demain.»
Faouzi Abderrahmane Ancien ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle et ancien dirigeantd’AfekTounes
«L’E NJ EU ESTGLOBA L. On ne peut ni être dans l’év itement, ni se contenterde mesuresimproductives. Le tout estpolitique :iln’est plus question de consolider àmoindresfrais unestructure dégradée, il faut reconstruireles piliersd’une démocratie.Maisnous n’en sommes paslà, hélas. Unedémographie maîtrisée et un emplacementgéographiquesont desatoutsàvaloriser.Lavoie de sortie la plus sérieuse àlacrise économique et socialeest d’arrimernotre économie àcelle de l’Unioneuropéenne. Mais cela ne sauraitsuffire sans unev raie vision et unebonne exécution,dansuncadre politiqueapaiséetcompétent.Toutes lesinstitutionssont àréinventer,etriennepourraêtreentrepris sans uneconsciencecollective plus mature quecelle qui existe aujourd’hui. »
Kaïs Mabrouk Professeur en télécommunications et deputyCEO de Bouebdelli EducationGroup
«L ES PR IORI TÉSsesont accumulées et, partemps de crise, sont toutes urgentes pour se donnerles conditionsd’unenv ironnement propice au développement économique et social.Laséc ur ité, gage de stabilité, ne se résume pasàlalutte antiterroriste.Elleimpliqueaussi une gouvernanceàv isagehumain desf luxmigratoires.Ilenva de notrerespect et de l’imagedupays. Il n’ya pasderecette magiquepouraméliorer l’attractivité du pays :renforcer les affaires,promouvoirl’innovation, améliorerlacompétitiv ité, diversifierl’économie, développer dessecteurs àforte valeur ajoutée, et ce pour un développementpérenne.Enamont, assainir lesfinancespubliques, revoirlapressiondeladette et engagerdes réformes,afindelaisser présager davantage de transparence et unebonne gouvernance. Uneplusgrande clarté politiqueetl’efficacitédes institutions démocratiques seront aussiles garantes de cettestabilité.
Un développementinclusif, innovant et compétitif doit investir dans l’éducation, avecune montée en gammedusystème éducatif,une adaptation desprogrammesaux besoins du marché du travail pour former unemain-d’œuv re qualifiée et un renforcement de l’accèsàl’éducation privée de qualité pour tous.L’alarmante fuitedes cerveaux démontre l’urgence de fairepreuved’audaceetdev ision pour ancrer la Tunisie dansson tempsetdansles ambitionsdeses enfants. »
AbderrahmaneHedhili Enseignant,militant desdroitshumains et présidentduForum tunisien desdroits économiquesetsociaux
«DEM AIN? C’ESTTOU TDESUITE. La transition se cherche, mais il faut souligner qu’elle aaussi fait sonbilan en cours de route. L’erreur aété de donner la prioritéàlapolitique, tant nous étions sûrs qu’ilyauraitundébatnationalsur les questionssocialesetledéveloppement. Bienentendu,cela n’apas eu lieu et la gouvernancea étéunproblème, puisque personne n’avait, àv raidire, le mode d’emploi de la bonne marche d’un pays.Des sacrifices peuventêtreconsentis pour fédérerautourduprojetTunisie,maisilfautque lesautorités adoptent cetteapproche collective.Les catégories sociales ont besoinde reconnaissance, d’inclusion et de dignité. La crise actuelle aaussi pour origineladégradation du tissuindustriel
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DR (2) -A UGUSTIN LE GALL
Lesmouvementsprotestataires nésdeproblématiqueséconomiques et sociales n’ont pasrelayéles messages cont re la pauv reté,ledénuement et la misère,auxquelss’ajoutent aujourd’huiladéscolarisation et la migrationirrégulière.
Il estv raique rien ne peut se fairesansl’État, mais il peut sauver la mise en se mettantàl’écouteetcesser la riposte sécur itairequi vise lesjeunes. Ce pays estrésilient,etces dimensionsper mettentdes actionsàeffet rapide. Un nouveau modèle induiraitundéveloppement avec la conduite de réformes,notamment desmécanismesdefinancement de l’économie parl’inclusion desforceséconomiques et sociales, dont celles issues de l’informel,dansl’élaboration d’un modèle de développementa lter nati f, pa rlarefontedes systèmes éducatif et fiscal,maisaussi de la formationprofessionnelle, afin d’améliorer la productivité,les compétences, l’employabilité desjeunes, et de réduire lesdisparitésrégionales avec la justicesociale et l’amélioration desser vicessociaux.Cette construction estcelle quiferal’avenir de la Tunisie. »
HatemMliki
Ancien députéetexpert en gouvernanceet développementrégional
«L’AVENIRCONSISTEàsedemandersila Tunisie, avecles bouleversementspolitiques qu’elle connaît, va rejoindrelemonde moderneoupas.Pource faire, le pays ne doit pasrenonceràses acquis démocratiques, même s’ilssontunpeu embr yonnaires,fragiles et contestés. Malgré tous lesautresproblèmes,larésilienceactuelleàce sujetest notable. La batailledes acquis démocratiquesnedoit pasêtreperdue, tant au niveau politique, avecdes élections libres et transparentescomme seul mécanismed’accès au pouvoir,qu’au niveau de la préser vation desdroitsetlibertésen engageantdes réformes,dontcelle de la justice. Être dans le mondemoderne rev ient égalementàrendresajeunesseau
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ALESSIO
-D R
Un em an ifestation dans le srue sd eTuni sc ontrel ap ol it iqu em igratoi re du gouver ne me nt,e nfévri er de rn ie r.
MAMO/REDUX/RÉA
serv icepublic,enmatière d’accèsetdequalité,degestion et de management,etcesser de supporterdes coûtstrèsélevés pour desser vicesinappropriés.Leparadoxeest qu’un État dont lesfinancessontdéfaillantessepénaliselui-mêmepar sa qualitédeser vice médiocre et onéreuse. La transition d’un système paralysé vers un système efficace, avecune gestion modernequi intègreles nouvellestechnologies, estunimpératif. Remporterlabatailledelacompétitiv itéetdel’attractivité permet trad’éviterd’isoleretdef ragiliserlaTunisie.
Ellen’a peut-êtrepas autant d’avantagesque d’autres quiont plus de ressources ou unemeilleure organisation politique, mais sans être parmiles champions, elle esttoujours dans la coursedumonde libre.
Esquisserdes perspectivesouunscénarioest diff icile. Certes, le pays se maintientparmi ceux àrevenus intermédiaires,comme l’AlgérieouleMaroc pour la zone arabe, mais lesindicateurs de l’endettementetdudéficit public sont au rouge,aucontrairedes indicesdedéveloppement humain et de compétit iv ité. Il faut êt re vigilantsur la pauv reté et l’analphabétisme technologique, et opérerune transfor mation culturelle quiadopteles principesdu mondemoderne. La Tunisiedoitcesser de discuter d’év idencesoudeproblématiques déjà résolues et admisesà unetrèslarge majorité, commelagestion de l’eauoudes catastrophes,lechangement climatique, la gouvernance,ladémocratie. Le pays gagnerait en sérénité et en énergie pour réaliser sa métamorphose. »
HatemNafti
Essayisteetauteurde Tunisie: Vers un populismeautoritaire?
(éditionsR iveneuve)
«SORTI RDEL’I SOLATION es tl ’e nj eu actuel pour la Tunisie. Kaïs Saïed,aubout de deux ans, estenpasse de réussircet te prouesse. En indicateur majeur, un prêt de 400millionsde dollarsoctroyé parl’Arabie saoudite,qui coïncide avec la signature du mémorandum d’ententesur un partenariatstratégique et global avecl’Union européenne.LeFonds monétaireinternational (FMI) pourrait décaisserle1,9 milliard de dollarsen instance depuis 2022,essentiel àdes levées de fondsàl’international.Celarev ient àdireque le régime s’en sort plutôt bien
et qu’il amanifestementréussià convaincre lespartenaires internationaux,qui apportentleursoutien.Lemémorandum préciseque la Tunisiechoisira lesréformesàengager sans être soumiseàconditions. LesEuropéens craignentuneffondrementdupaysetlamenace migratoire,maisles États-Unis semblent avoirf léchisansraisonapparente.Laquestiondes droits humainsetdeladériveautoritaireest évacuée, et le pouvoirredev ient fréquentable.
L’absencedeprotestationofficielle despaysafricainsen réponseà la crisevisantles migrants subsahariens déclenchée parleprésident Saïed– hormis le communiqué de l’Union africaine–interroge et esttroublante. Tout se déroulecomme si le racismen’était odieux quelorsqu’il vientdes Blancs.En interne, l’opposition semble décidéeàlaisser fairejusqu’à ce quecelas’écroule,maismanifestement, despuissances n’appuient pascette option.C’est unev ictoirepourlecampoccidental, puisquelaTunisie restedanslegiron européen,et plus personne ne parled’intégrerles BR ICS(Brésil,Russie, Inde,ChineetA frique du Sud).Une formedevassalisation s’estinstallée –elleest perceptible avec le frère algérien.Cette situationpeutperdurerpar manqued’alternative crédible.»
Mourad Mathari
Créateur d’événements, producteur et organisateur de spectacles
«L APRESSIONDEL’ÉTATsur la cult ure estdeplusenplusfor te.L es pr ivés sont écartés, et le ministère desA ffairesculturelles accapare l’ensemble de l’activité de manière systématiqueetréf léchie,de tellesorte qu’il se crée unepetiteindustrieculturelleàson échelle. Ce derniergère lesespaces,les autorisationspourla création dessociétés, légifère,toutenpréférant lesanciennes loisensafaveur, et le protégeant de l’émergence d’un secteur privé. Il organise, subventionne,sanctionne et fait grimper lestar ifsdes prestationstechniques. Ce n’estpourtantpas sonrôle, et cespratiques relèvent d’unemauvaisegestion des denierspublics.Ildoit être dans l’équité et opérer unegestion desespaces sans s’at tr ibuerune sortedemonopoletacite. Le spectacleest un métier,etcer tainementpas celuid’un ministère. Lesfestivals,dontcelui de Carthage,sont en difficulté, fautedetenir compte desnouvelles exigences de la scèneetdel’évolution du public.Chacundoitêtredanscequ’il sait fairelemieux,etc’est justementainsi quelaculture peut rayonner.L’inter ventionnisme et la mainmise de l’État nuisent àlaculture,cequi ne peut être l’objectif.Sacontribution serait plus valorisante àtravers despartenariats, en déléguantaux privés et en encourageant lesfestivals thématiquesqui sont en train de disparaître. Ce quivautpourles spectacles vaut égalementpourtousles secteurs de la culture. » ■
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SHUTTERST OCK -D R( 2)
Àl ’été 2023,l af ré qu enta ti on tour is ti qu ee st au be au fixe.
dé cr ypta ge
L’AFRIQUE DANS SA VRAIE DIMENSION
Ce quel’ontient parfois pour évidentpeuts’avérer trompeur.Leplanisphère le plus utilisé –laprojection de Mercator –déforme la superficie descontinents. Conséquence? Notre perception de la planète estbiaisée et erronée! Il esttemps d’yremédier. par Cé dric Go uver ne ur
C’est le planisphère de toutes lesécoles, de tous lesatlas Celui qui, depuis le XVIe siècle, fa ço nn en ot re re pr és en tation ment ale– et colon ia le –de la pl anète. UneTer re où l’Af riquen’e st guère plus va ste queleGroenland, et àpeine deux fois plus quel’Europe. En réal ité, cetteperception dessuper ficies est fausse. Le continentafricain, avecses 30,37millionsdek m2, esttrois fois plus grandque l’Europe (10,53 millionsdek m2 jusqu’àl’Oural), et quinze fois plus queleGroenland (2,16millionsdek m2)! Ce dernierest même moinsimposantque la seuleRépubliquedémocratiqueduCongo (2,34millionsde km2). Si vous avez un doute, consultezlesiteThetruesize.com: cettecarte interactive aété créée pour s’affranchirdenos représentations déformées. Vous irez de surprise en surprise !Etvous prendrez conscience de la tailleréelledel’A frique…
La projection dite de Mercator,élaborée parlecar tographe du même nom, déformeles superf iciesdes continents àmesure quel’ons’éloignedel’équateuretque l’on se rapproc he des pôles. Situéeslelongdelaligne équatoriale, l’A frique et l’AmériqueduSud se montrentplusmodestesqu’en réalité. Quant
Vu ed e la Te rred ep uis l’esp ace. SHUTTERST OCK
àl’Europe, placée dans l’hémisphère nord,elleapparaîtplus grande.Cette distorsions’exerceégalement entrepayseuropéens, suivantleurlatitude: la Finlande yfigurepar exemple troisfoisplusimportanteque l’Italie.Enfait, le pays nordique pourrait presqueentièrementenfiler la bottedelaMéditerranée, lesdeuxÉtats étantdetaillecomparable (338 450k m2 et 301340 km2). Et quediredeSvalbard, cetarchipel polaireau nord de la Scandinavie? S’il semble aussigros quelaRépublique démocratique du Congo, il est, avecses 62 045k m2, àpei ne plus vasteque le Togo (56790 km 2)! Idemsur le continentaméricain,étendudepar tetd’autre de l’équateur, jusqu’auxconfins du pôle Nord,etdontlapointeméridionale frôlel’A ntarctique. L’Alaska semble avoirtrois fois la taille du Mexique, alorsqu’il estenfaitpluspetit quelevoisinméridionaldes États-Unis :1,71million de km2,contre1,96million de km2 !Maisc’est sans conteste l’Af rique, au centre du planisphère,qui s’avère la plus pénalisée parladistorsion polaire de cetteprojection.Lecontinentpourraitenréalité avaler l’Europe,les États-Unis (8,12millionsdek m2,sansl’A laska), la Chine(9,56 millions de km2)etmêmel’Inde (3,28millionsdek m2). Sauf quelaplupart desA fricains l’ig norent, leur vision du mondeayant étéfaçonnéepar le planisphère punaiséenclasse.
ÀL’ORIGINE DESTRACÉS, LE COMMERCETRIANGULAIRE
Alors, commentexpliquer unetelle déformation ?Toutsimplementparce quelaTerre estronde.Transposerune sphère surune surfaceplane relèveducasse-tête–amusez-vous à fairel’expér ienceavecune pelured’orange! Au XV Ie siècle, alorsque l’Europe conquiert le mondeetcolonisel’A mérique, ses navirescontournent l’Af riquedansle butdegag nerl’A siedes épices.Ils traversentl’Atlantiquedanstousles sens af in de se livrer au commercet riangulaire, c’est-à-dire àlat raite… Lescapitaines ontdoncbesoindecar tesf iables. Or,larotonditédelaplanète leur pose problème :lechemin le plus cour tentre, disons,Bristol et Bostonconsisteenun arcdecercle.A findesuivreune route exacte,unnav igateurdoitconstamment corr iger l’angledeladirec tion suiv ie. Si non, il risque de déba rquerdansun port plus éloignéque prév u. Autant dire un allersimplepourlamor toulacaptivité,car lesréser vesd’eau douceetde nourriture sont limitées,etles royaumes européenssont en guerre lesuns contre les autres…E nF la nd res, en 1569,le cartog rapheGerardusMercator (15121594)conçoit un plan isphère où le s courbes de navigation sont dessinéesen
lignedroite. Sa mappemonde aleméritederespecter la forme desîlesetdes continents et limite leserreurs de navigation, mais en distordles superf iciesàmesureque l’on s’éloigne de l’équateur.Saufqu’àl’époque,ceuxqui lisent cescar tes s’en contrefichent :ils sont blancs.Etles terres rétréciessont peupléesdecolonisés et d’esclaves…
Le souciest quelaprojection de Mercator s’estimposée bienau-delà de l’ère coloniale.Ellepersisteàfaçonnernos imaginaires,nos perceptionsdumonde.Cette carteaberrante demeurecelle desliv resscolaires,des salles de classe et des atlas. Lesécoliersafricainsgrandissent donc avec l’impression –dévalorisante –que leur continenttout entier estmoins grandque le Groenland !« En élargissantl’Europeetl’A mériqueduNord, la projection de Mercator adonné auxnations blanches un sens de la suprématie », constatait le géographe allemand Arno Peters (1916-2002). En 1974,ilproposa sa projection, plus respectueuse dessuperficies.Lav illedeBostona décidé,en2017, de n’utiliser dans sesécolesque celle-ci,dans le butdedébarrasser lesenfants,notammentafro-américains, d’unev isionbiaisée et ethnocentrée.Reste quelaprojection de Peters n’estpas plus conforme àlaréalité :les continents yparaissentamincis,donnant l’impression ridicule qu’ils se sont in fligéune cure d’amaigrissementpourrentrer da ns un pantalon taille36! La solution serait peut-êtred’intégrer le fait que, la Terreétant ronde, tout planisphère induit en erreur,comme le ferait un miroirdéformant… Et qu’il n’existe qu’une seuleetuniquereprésentationfidèledenotre planète: le globeterrestre ■
Le site Th eTru eS izep erm et de com pa re rl atail le de sp ayse ntre eu x. Ci -d essous, le sÉta ts -U nis (b leu), l’Inde (jau ne)etl a Chin e(oran ge)sup er po sés àl ’Afriqu e.
62 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛT -S EP TE MBR E2 02 3 DÉ CR YP TAGE
THETRUESIZE.COM
Ci -c ontre, la ma ppemonde du car to graph e Ge ra rd us Me rc ator, conçue en 15 69, et qui re stel a ré fé re nc ed ans le sl ivres sc ol ai re s et les atl as
Ci -d essous, l’al te rnative proposé ep ar le géog ra ph eA rn o Pete rs en 1974 , pl us re sp ectu eu se des su pe rf ici es, mais prés enta nt un evisi on ét irée de szones te rrestres
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(2)
DR
PHILIPPE MA TSAS/LEEXTRA VIA OP ALE PHOT O
re nc ontre
FEURAT ALANI
DE BAGDAD ÀPARIS
Né en France,originaired’Irak, grandreporter, réalisateur de documentaires, il navigueentre lesfrontièresetvient de publierson premierroman, Je me souviens de Falloujah. Uneœuvre fortesur la paternité,lamémoire,les origines.
proposrecueillispar Zyad Lim am
À
43 an s, Feurat Alan imèneu ne vie surplusieurs fronts.Avecdes origines entrelaSeine et l’Euphrate(d’où son pr énom). Avec de nombr eu xter ritoires de reportageetd’écriture. Et à Dubaïoùi lv it depuis 2012.Auteur, grandrepor ter, Feurat estnéàPar is le 5décembre1980, de pa rents irakiens, exilés.Son père Amir AhmedA lani étaitunopposant au régime de Saddam Hussein, et vivrepluslongtemps àBagdadn’était pasune option.Enfantd’unIrakv iolent et tourmenté, Feurat agrandiàNanterre, tout près de Paris, dans l’unedes 18 tours de la fameusecitéPablo Picasso.Samère yv it encore,etlejournaliste étaitlà, en juin dernier, quand lesémeutes d’unev iolencerareont éclaté,suite àlamor tdu jeuneNahel,tué parunpolicieraprès un ref us d’obtempérer
Aussiva-t-ils’exprimersur cettet ragédief rançaise parun textepubliésur le site Mediapart,qui fera du br uit.
Feurat commence sa carrière en 2003,endécouvrantà la télévision lespremiersbombardements américains surl’Irak Étudiant en journalisme, cesimagesprécipitentson retour à Bagdad, où il réaliseses premiers reportages,enimmersion da ns sa fa mille. Il devientcor responda nt de 2003 à2008 pour différents titres de la presse francophoneinternationale. De retour àParis en 2008,ilrejoint Canal+ et leséquipes de L’Ef fet papillon.Ileffectuedes reportages au xquatrecoins du monde, auxÉtats-Unis, en Ég ypte,enA lgérie,enMauritanie… Très vite producteur indépendant,ilretournedans le «paysdes deux fleuves» et réaliseundocumentairequi fera date, Irak :Les Enfants sacrifiés de Falloujah. Un témoignageglaçant surles conséquences de l’utilisation parl’armée américainedebombesàl’uranium appauv ri.Tweets, textes,
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reportages…L’Irakreste au cœur de sontravail.Une quête quiaboutit àlapublication d’un romangraphique, Le Parf um d’Irak , honoré parleprixA lber tLondres,en2019. Mais ce chemin desoriginesn’est pastoutà fait accompli.Son père meur ttoutjuste avantcette récompense. Feurat reprendsa quêted’écr it ure. Je me souv ien sdeFalloujah, sonprem ier roman,v ient de paraître.Ilretrace le parcours de Rami,réf ugiépolitique irak ienperdu dans sessouvenirsdejeunesse. Un texteémouvantsur le père,laf iliation,les ravagesde l’amnésie,lepoidsde l’histoire et dessecrets de famille.
AM : Vosparentssont Irakiens. Et ilsont quit té leur pays pourlaFrance.Quelle est leur histoire d’exil ?
Feur at Al an i: Monpèreaquittél’Irak en 1972 après avoir étéi ncarcéré pa rlerég ime. Saddam Hussei néta it alorsenc ha rgedepoursuivreles opposa nt s. Le pa rt iBaasaupouvoir ne tolérait aucune opposition ni voix discordante.Mon père était trotsk iste,etcomme beaucoup de mil it ants,aété ar rêté pour ac tivisme. Il adécidédef uiravecl’espoir de revenir un jour…Mamère n’étaitpas militante.D’une famille plus aisée, elle pouvaitvoyager plus faci lement.Fin desa nnées1970, el le arendu visite àsasoeur qui résidait en France.Elleyarencontrémon père et adécidéderester. La guer re Iran-Ira kaéclatédeu x ansplustard.
Vous êtes né en France et vous êtes un enfant de l’exil.Quel impactsur votre propre vie, votre chemin de travail ?
Je me souviens de Falloujah, JC Lattès, 288p., 20 €
Le Pa rfum d’Irak et Fa lloujah :M a ca mp ag ne pe rd ue so nt au ss itrè s pe rsonn el s, avec en to il ed efon d l’intimi té de l’auteu r.
Êt re un en fa nt d’ex il és ,e nl ’o cc urrence d’ Ir ak ,u np ay s loi nt ain et mé co nn u, n’ayantpas de passécolon ia l aveclaFrance(sauf un cour tmomentdel’histoireavecMossoul,v iteconcédéeaux Br itanniques), donnelesenti ment d’êt re en ma rge parmiceuxenmarge.Une sensation étranged’inv isibilité, d’être àcôté de la société. Cela acer tainementeuune incidence, je croispositive, surmamanière de voir leschoses. D’un pointdev ue différentsûrement, d’un angledécaléaussi. Être enfant de réfugiés donnecer tainement l’enviedes’intéresser auxparcours desautres. De raconter sonhistoire, mais aussicelle de l’altérité
Votreattachement àcet te terre desorigines s’exprime par votreprénom Feurat,qui estlaversion franciséed ’Euphrate. D’où vientceprénom donné par votrepère?
Monpèreagrandisur lesrives de l’Euphrate,àFalloujah. C’estunf leuvemythiqueetsurtout très importantenIrak, en particulier pour leshabitantsdes villes quilebordent.Mon pèreafailli se noyerdedans. Puis,après l’avoir apprivoisé, comme lesautresgarçons de sonâge,ilaappris àplongeret ày enterrer despastèques pour lesrécupérer rafraîchiesle soir.Ilanouéune relation particulière aveccet endroit, cette source. Peut-être m’a-t-il nomméainsi pour rester près d’elle et pour ne pasque j’oublie mesorigines. Vous -même, vous revenezenIrakpouryêtre correspondantdepresse,de2003à200 8, lors de l’invasion américaine et de la chutede Saddam Hussein. Quelle estvotre lecturede l’histoire irakienne ? Cettenation est- elle vouéeàlasou ffrance permanente?
Je n’ai co nnul ’I ra k qu ’e ng ue rr e. Je su is né en 1980,l ’a nnée du déclenchementducon fl it av ec l’ Ir an .D ep uis ma naissa nce, l’Ira kn’est que sy nony me de violence, dictature,invasion…Heureusement,j’aieulachancede découv rircepaysen1989, la seuleannée paisible de cesquarantedernièresannées. Alors, j’ai eu la preuve quenon,cette nation n’était pasvouée àlasouff rancepermanente. Je me suis raccrochéàcette année 1989,loind’être parfaite –c’était toujours unedictature –, mais durant laquelle lesgenssemblaientavoir une vienor ma le,qui ressemblaità la nôtreen France.Demanière généra le,l’histoi re irakien ne estfaite de périodedeg uerreetde paix.L’âge d’or de l’Islam, parexemple,naît àBagdad. C’estlointai ncer tes, mais je suis optimiste. Un jour,l’Irakv iv ra en paix. Vous avez étéhonoré par leprixAlber tLondres en 2019,pourvotre romangraphique, Le Parfum d’Irak. Vous yparlezd ’unjournalismed ’immersion , àhauteur d’homme,unjournalismedelavie aussi. Peut -onencorepratiquercet te presse de proximitéà l’époquedelatoute -puissance du Webetdes réseaux sociaux?
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Non seulementonlepeut, mais je penseque c’estplusque nécessaire ànotre époque digitale.Lejournalisme se meurt face àlasurinformation,aux fake news,àl’intelligenceartificielle.Ildevient de plus en plus difficilederecouper lesbonnes informationsetd’exercer cetteprofession.C’est clairementun défi.Jecrois qu’il faut œuvrer pour rendrelejournalisme d’immersionplusv isible,plusvalorisé. L’anecdote autour du Parfumd’Irak estjustement la dénonciation de la «sur-rapidité » et du tempscourt surles réseaux sociaux. J’ai alorsdécidé d’écrire le textedemon premierouv rage en prenant le temps surTwitter.Ladémarche étaitd’utiliser cetoutil pour montrer quel’onpouvait attirerdes liseurs curieux, avecunrécit au tempslong, surunsujet lointain, àcondition d’être sincère, justeetimmersif. Il faut allerchercherles lecteurs et lectrices, j’en suis convaincu.
Votrepèreest décédéen2019, quelquessemaines avantleprixAlber tLondres.Etvousvenez de faire
raconter son histoire,maisaussi celledel’altérité.
paraî treunroman, Je me souviensdeFalloujah, un récitqui évoquelepassé récent de l’Irak, mais quis ’appuie surtoutsur la vied ’unpère, justement, touché parlamaladie,comme pournepas laisser s’échapper son histoire.
Oui, la démarche première étaitderef user l’oubli d’un homme, monpère, monhéros. Je trouve insupportablel’amnésieautourdel’histoire et de la grande histoire.Dansma vie, monpère étaituntaiseux avecune histoire folle, riche,
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sous fo rm ed ’u ne we bsé ri ea ni mé ep ou rA rte.
2017,s on ro ma ng ra phi qu e Le Pa rfum d’Irak aété adapté
«Êtreenfant de réfugiés donne certainement l’envie de s’intéresser aux parcours desautres. De
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puissante. Il représente aussil’exilé quisesacrifiepoursa famille. C’étaitunintellectuelqui afaitdes boulotsder ue en France pour surv iv re.J ’aivoulu luirendrehommage,tout en racontantunIrakméconnu. Le sien surtout, et le mien,à hauteurd’homme et de femme.
Opposition,admiration,« modélisation »… Nos pères sont- ilsàcepoint déterminants ?Structurants? Et nousmêmes, que se passe- t- il lorsquenousdevenonspère ?
J’en suis persuadé,maintenant quejelesuis àmon tour. Au départ,onnelevoitpas.Jemesuisconstruit en opposition parrapport au mien sans me rendrecompte,audépart,detout ce quej’aiprisdelui.Ilbuvait, je n’ai jamais bu de ma vie. Il fumait,jen’aijamaisf umé. Il militaitpourunparti,j’aichoisi d’être journalisteetdoncnon partisan.Maisaujourd’hui, je prends conscience desvaleurs qu’ilm’a laissées.L’intégrité, l’honnêteté, la droiture,laloyauté.Seconstruireenopposition ou en admiration, àmon av is,nechange rien.Çanous construitmalgrénous.
Dansvotre documentairede2011, Irak :Les Enfants sacrifiésdeFalloujah,vousévoquez la bataille dantesque quis ’y estdéroulée. Une villequi, dites-vous,vingt ansaprès,est toujours dévastée parles ef fets de la guerre.
Oui,elleaété un laboratoirepourl’armée amér icaine. Deux bataillesenavril et novembre 2004 l’ontrasée. Et les conséquences su rlapopulat ion sont désast reuses encore aujourd’ hui. Desa rmes toxiques,pri ncipalementdel’uranium appauv ri et du phosphore blanc, ontété déverséessur la ville, tout cela àl’encontredes conventionsinternationales. Des bébés déformés naissent tous lesjours.Les cancersont explosé. Uneétude indépendanteafaitune comparaisonavec Hiroshima. Elle conclutque la toxicité àFalloujahest supérieure àcelle de la villejaponaise…
Vous avez grandiàlafameuse cité PabloPicasso, àNanterre. Vous étiezlà-bas pendantles émeutes de finjuinetdébut juillet,pourrendrevisiteàvotre mère.Etavezpublié unetribune dans Mediapart.
Comment analysez-vouscette éruption de violence ?
Quedit -elle de la sociétéfrançaise actuelle ?
J’ai grandi tout petità Paris, puis en banlieue,àArgenteuil, et ensuiteàNanterre, où j’ai passélaplusgrandepartiedema jeunesse. Quandonvit dans cesquartiers,quand on yrevient, quandonyreste connecté,cet te ér uption de violence n’est pasune surprise. C’estl’accumulation de beaucoup de choses, unemauvaisegestion politique, sociale, économiquedelapart desgouvernements français depuis le débutdes immigrations, mais notammentdepuis quarante ans. Le décalage entrelavie dans cesquartiers et celledansles autres,lesentiment d’avoir étéabandonné et d’être en marge(encore unefois) créent unecoupure socialedont il estdifficile de se relever. Tous les «plans banlieue »parlent de chiffresmaispas d’humains, de statistiques et nondeparcours.Ladéconnexion avec lesforces
de l’ordre, vues uniquement commerépressives,notamment depuis la findelapolicedeproximité (qui n’estpas la solution miracle nonplus),a exacerbé lestensions. Il faut le reconnaître,lasociété françaiseest fracturée.Ilya plusieurs France. Comment définissez-vous votre« francitude »?
Peut -onêtremétis,biculturel et françaisàlafois?
Comment gérer l’altéritédansunmonde qui se referme de plusenplussouvent surles questionsd ’identité, d’appar tenance, de religion… ?
Je n’aijamaisréellementintellectualisé la question avant d’yêtreconfrontédansmav ie.Jev ivaistrèsbienlefaitd’être français avantque,parfois,onmecontredise. Celam’est arrivé lors de contrôlesaveclapoliceoulorsdesimples questions curieusessur monpositionnement en France.Etpuis,unjour, j’ai découvert LesIdentités meurtrières, d’Amin Malouf,etj’ai lu deschosesassez simplesetpourtantsicompliquéesàformuler. Quandonest de double culturecomme moi, ce n’est jamais du 50/50. C’estuntout.Jemesensfrançaiscomme irakien. CitoyendelaRépubliquecomme musulman.Jecrois qu’il faut se concentrer surle« et », et nonpas surle« ou ». Nous ne choisissonspas.Noussommes.
Quevousreste -t -ildel ’Irak,aujourd’hui?
Vous vivezàDubaï,comme pourvousrapprocher toujours un peuplusdeceMoyen -Orient, centre de votremondeetcentre du monde…
L’Irak estdansmon cœur.J ’ail’impressiondepourchasser ce pays perduque j’ai cruapercevoiren1989. En même temps, monmétierm’a amenéàvoyager auxquatrecoins de la planète et àm’intéresser auxautres.L’Irak estessentiel dans ma vie, mais il n’estpas moncentre, il estmon pointdedépart. ■
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«Tousles “plans banlieue”parlent de chiffres mais pasd’humains, de statistiques et nondeparcours… Il faut le reconnaître, la sociétéfrançaise estfracturée. »
Du 27 ju in au 5jui ll et, de snuits d’ém eu te s onte nf lammé le qu ar ti er Pa bl oP ica sso, àN ante rre(ci -c ontre), ai nsi qu ed ’a utres vi ll es hexa go nal es, àl asuite de la mo rt de Nahe l Me rzou k, 17 ans , tu ép ar un pol i cie r.
MARIE MAGNIN/DIVERGENCE
DIDIER CLAES
LE PASSEUR D’ART
Dans un livreinédit, le célèbre galeristebelge magnifie le patrimoine classiqueafricain. Desœuvresmarquantes, magiques,créations de maîtres anonymes,etqui onttoute leur placedansles plus grands musées internationaux.
proposrecueillis par Lu is aN an nip ie ri
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TO NY FRANCK
Célèbregaleriste belge,d’origine congolaise, Didier Claesest spécialisé dans l’ar tc la ssique af rica in –dont il se passionnedès sonplusjeune âgeen voyageantaux côtésdeson père, collectionneur pour lesmuséesduZaïre (aujourd’huiRépubliquedémocratique du Congo). L’hommenousreçoit dans sonbureaupar isien. L’occasionde parler de sonpremier livre, Passionpartagée, de sa vision du métier de marchand d’artetdulienqui se crée avecles collectionneurs.D’aborder aussilaquestion complexe de la restitution desœuv resd’art et d’explorer quelques pistes de réflexion surlefutur du patrimoinecultureldu continent.
AM : Passionpartagée racontel ’évolution d’une collection privée,maisc’est également un voyage àladécouverte de l’artclassique africain. Quelle étaitl ’idéederrièrecelivre ?
DidierClaes: Cetouvrage estnéd’une passion commune, cellequi me liedepuis plus de ving tans au collectionneur Michel Vdk. Le premierqui afaitconfiance àmon regard Nous l’avons intitulé Shared Pa ssion (Passionpartagée en français), parceque nous voulionsmettreenavant le rapportde reconnaissanceréciproquequi lieunmarchandetson collectionneur.Etparlersousunprisme inédit de la façondont se construitune collec tion.L epri nc ipededépa rt est qu’iln’existepas de grande collection sa ns grandmarchand, et vice-versa. D’ habitude,onconsidère quetout le mérite rev ient au collectionneur,alors queleregardetles proposit ion sdu ma rc ha nd sont essentielsàsaréussite.Cet ouvrageest le résultat de ces ving tannéesdeconfiance réciproque et retracenotre relation humaine, comment nous avons évolué ensemble.C’est aussiune façondepar tageravecles autres (nos amis, lesamoureu xd’art, lespotent iels ac heteurs,les curieu x) notrepassion.Danslapréface,j’écr is quejemesenscomme un passeurde rêves,delavie et de l’histoire de chaque œuvre, dont le collec tion neur estle gardien. C’estmon rôle d’aidercedernier àtrouver sa voie,maisjeparsdu principe quepourqu’il devienne bon, il doit,avant d’acquérir sonpremier objet, trouverlemarchand aveclequelv iv re une belleaventure. Biensûr,ilyaplusieurs façons d’être collectionneur !Certainssecachent,gardent secrètesleurs acquisitions, alorsque nous,nousvoulonssurtout mettreenavant
lespièces, lesfairev iv re.Dansune périodeoùl’onparle de restitutiond’art africaine– et je suis l’un desmarchands qui atoujours penséqu’il fallaitundébat ouvert surcesujet –, notre propos estavant tout de mettre l’accent surlabeauté artistique de cesœuv res.
C’est- à- dire ?
La question de la restitution estsansdouteimpor tante, mais aujourd’hui, le débatarrivepresque ànousfaireoublier queces objets ontsur tout unemag ie plastique. Ils sont le résultat de ce qu’ily adeplusextraordinaire: descréations de ma ît resscu lpteurs anonymes.Ces œuv resfabu leuses,sculptées da ns les tribusles plus profondes, sont entrées da ns lesg ra ndsmuséesetcol lections du monde. Celapourraitêtreune source d’immensefiertésil’onnes’arrêtaitpas àl’idée reçue quetousces fantastiques objets devraientêtreenA frique.J ’aimerais qu’on lesregarde commeéta nt le plus belambassadeur de l’ar tducontinent.Pensezàl’obélisquedeLouxor. Il estsur la placedelaConcorde, àParis, et c’estleplusg ra nd ambassadeurde l’Ég ypte.Pensezaux piècesa fr icai nes au Louv re.Elles sont importantespour lespersonnes issuesdes diasporasqui vien nent lesvoi r, ca relles font pa rt ie de leur patrimoineculturel. Monliv re de chevet, Le Primitivi sme dans l’artdu XXe siècle :Les Ar ti stes modernes de vant l’arttribal, estlecatalogue d’uneexposition de 1984-1985auMuseumofModern Art(MoMA). La couverture montre côte àcôteunmasquedu Congo et LesDemoi sellesd’Avignon, de Picasso :unobjet africain et uneœuv re de l’un desplusgrandsartistes, peut-êtrele plus granddel’époquemoderne.Pourmoi,c’est la plus belle desreprésentations.Etjepense quec’est ça queles Africains
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Un voya ge dans une va ri été de st yle s et de ri te ss ur le con ti ne nt,à tr av er s 35 0p ages ri ch em en ti llu str ée s.
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«Ces objets ontune magie plastique. Et le travail photographique lesrendplus accessibles. »
ont enviedevoir. Ce qu’ondoitleurmontrer :voilà, ça, c’estdel’art africain,etila toutesaplace au MoMA ! Dans cetouv rage,mêmesinousn’avons pasfaitde rapportavecl’art moderne, nous allonsdanslemême sens,car nous magnifions lesobjets. Vous les exposez sur plus de 20 0superbes images en noiretblanc…
J’ai vouluà tout prix queles objets quiapparaissent dans cespages soient photographiés parHughesDubois, l’un desplusgrandsprofessionnels du genre. Sontravail apporte unetouchedemystère et de char me supplémentaireaux pièceseta permisdecréer un véritableliv re d’art. C’estun ouvragedidactiqueparce qu’ilcontientdes études très pointues,maisi ln’est pasuniquementdédié au xspécialistes. Le travail photographique le rendplusaccessible. Certaines prises de vues offrent, parexemple, un aperçuinéditdel’intérieurducollectionneur. On réaliseàquelpoint l’artclassique africain estdigne et intemporel en le voyant ainsi réuniaux créationsdegrandsartistescontemporains.
Le livreseraprésentélorsd ’une exposition àlagalerie JousseEntreprise,àParis, du 5au10septembre.
Unefaçon d’attirerunpublic plus large ?
On peut sortir un ouvragemagnifique,maiscelanereste quedes photos et du papier. Nouscherchionsune belle façon d’accompagnersapublication,etnousavons penséque le fait
d’offrir au grandpublic la possibilitéd’avoir un accèsdirect au xœuv resdontl’onparle,dansunbel espace, étaiten continuité avec l’idée de partage, quinousest chère.Tousles objets ne seront pasexposés,maisnousenavons sélectionné unesoixantaine– le tiersdelacollection.Nousavons décidé de le fairedanslacapitalefrançaise parceque c’estdevenu le centre nucléairedel’art africain.EnBelgique, où j’ai trois galeries et où je travailledepuis vingtans,iln’y apas eu de passationgénérationnelle dans le milieu. Lesgrandes galeries et lesmaisons de venteaux enchèrespubliques sont également baséesàParis.Les institutions publiquesy sont très actives. Je penseaux musées du Louv re,duQuaiBranly, etc. En effet, leschosessemblent se compliquer en Belgique pour les marchands d’artclassique africain.LaBrusselsNon European ArtFair,que vous présidiez depuis 2014 ,aannoncésadissolution. Et les galeristes du
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secteuront désertélaBrussels
HUGHES DUBOIS (2)
Ci -d es su s, une fi gur ed er eli qu air eKota -O ba mba (b oi se tm ét al ), du Gab on .Àd ro it e, une st atu eS uk u (b oi s),d el aR épub liqu ed émo cr ati qu ed uC on go
ArtFair –dont vous êtes vice -président –, après plusieurs saisies d’œuvres d’arttribaletasiatique dontonamis en causelaprovenance…
La Belgique abeaucoupété pointéedudoigt,plusàtort qu’à raison.Or, le marché de l’ar ty esttrèssur veillé.C ’est unebonne chose, parceque cela signifie qu’ilest sain et que le consommateur estprotégé. Le problème estqu’il yaeu desdérives.Des titres parusdanslapresseont entachéla réputation de certainsmarchands,alorsqu’ils n’avaientrien fait d’illégal –mon rôle me donneaccèsaux dossiers répressifs.J ’aipu constaterdes abus parméconnaissance du fonctionnement du marché.Celui-ciaénormémentévoluéets’est conscientiséaufil du temps. Tout cela interpelle également lescollectionneurs,qui veulent savoir s’ilsont toujours le droit de collectionnerdel’art africain.Nous, lesmarchands,devons avoirune éthiquedumétieretnepas proposer de piècesillicites, issues de pillages culturelsoudeprisesdeguerre. D’ailleurs, cesdernièresseretrouventaujourd’hui, la plupartdu temps, dans lesinstitutions. Personnellement, je mets unpoint d’honneuràceque tout ce quej’acquière aitune provenance indiscutable.Jepense quelapolitique belge en matièred’art africain n’estpas mauvaise, en soi. Lesobjetsdontonenala preuve qu’ils ontété malacquis doiventrevenir auxÉtats qui lesdemandent. Toutefois, je penseque le pays dans lequel ils se trouvent pourrait malgré tout en préser verlagarde.Entant quemarchand, je veuxque l’artafricaincontinue d’être valorisé. Je défendsfermement l’idée qu’ildoitêtrecollectionné au plus haut niveau,par desinstitutionsetdes amateurs émérites. Plusilauradelavaleur, plus il sera regardé.
Pensez-vousque l’on aquand même progressésur la restitution des œuvres ?
Je pensequ’il ya eu desava ncéessur la question.L e problème estque leshom mespol it iquesvont pa rfoisu n peutropv itepar rapportaugrand public.Ilaquand même falluattendreplusdecentans pour en arriverlàoùnousen sommes aujourd’hui: le débataété ouvert,etila désormais un revers. Lespersonnes comprennentqu’il ya desréalités af ricaines di fférentes et qu’i lfautles prendreencompte. En matière de restit ution, lespolitiquesdoivent êt re réfléchiesaucas pa rcas,pourc haque pays.Qua nd on entend Emmanuel Macron dire :« Je veuxrendreàl’A frique…»,avec tout le respectque j’ai pour le présidentdelaRépublique,cela n’apas de sens.L’A frique compte unetrentainedepaysqui ont despolitiquesculturelles et desapprochesdif férentes. Il faudrait yaller pour connaîtreetcomprendreleurs priorités. De l’autrecôté, cespaysdoivent,eux aussi, fairetout un travail de conscientisation.Cependant,jeremarque que lesÉtats af ricainsnesontpas vraimentendemande surces sujets, ilsveulent prendreleurtemps.Peut-être parcequ’ils sont aussiconscientsdeleurs priorités,des coûtsnécessaires à lasauvegardeetàlaconservation du patrimoine. C’estplutôt l’Occident quiveutaller vite,qui veutréglerles démons de son
propre passé. Il faudrait donc trouverunbon compromis. Ma vision,qui aété récemmentpartagéepar Hamady Bocoum, le directeur du Muséedes civilisationsnoiresdeDakar,est quelecontinent abesoindepouvoir avoiraccès àson patrimoineautantque de découv rirdes inspirationsdifférentes Parexemple,etcelaadéjàété fait,onpeutexposer Picasso à Dakar.Ou Basquiat,oules peintres anciens, ou dessculptures du MoyenÂge.Pourque l’on s’ouvreversl’extérieur et que l’on ne se replie passur soi. Le pire estcequ’afaitleroi de la Belgique.Quand il estalléenv isiteofficielleenR DC,après desdécennies,ilaoffertauprésident un masque en disant plus ou moins: «Voilà,onvousleramène. »C ’est regrettable, ca rc ’est de la très mauvaise commun icat ion, et pour plusieurs raisons. Premièrement, le muséenationaldelaRépublique démocrat ique du Congo en possèdet rois du même genre. Deuxièmement, c’étaitunobjet acquis légitimement. Et troisièmement, ce n’étaitpas un don, vu quelaloi prévoit l’inaliénabilité du patr imoine royal, mais un prêt.Ilaurait pu plutôt présenterune peinture ancienne et dire :« Voilàce qu’on adeplusprécieux et quenousvousprêtonspendant cinq ans. »Celaauraitété unefaçon de partager sa cultureet de témoignersaconfiance auxCongolais
Vous avez travailléaux États -Unis, puis en Europe, et biensûr sur le continent.Comment percevez-vous le marché sur celui- ci ?
Àunmomentdonné,ilya eu un véritableengouement, notammentenR DC et en Côte d’Ivoire. Peut-êtreétait-cedû àcemagnifique collectionneur,Sindika Dokolo.Outre le fait d’être monami,ilétait un incontestablepor te-étendardde l’artclassique af ricain.Ilenparlait partouteta sans doute poussébeaucoupdegensàs’y intéresser.Aujourd’hui, les choses sont un peupluscalmes. Il faut égalementcomprendre qu’iln’y apas de galeries quitraitentd’objetsanciens,etil n’ya paslesuivi nécessaire. Cela pose un vrai problème d’accessibilitéaumarché. En réalité, on ne peut plus trouverde pièces de qualitésur le continent. Donc toutes cesgaleries devraientserefournir en Europe,cequi esttrèscompliqué du pointdev ue législatif et administratif. Lespaysn’ont,par
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«Nousdevons avoirune éthique du métier et ne pas proposer de pièces illicites, issues de pillages ou de prises de guerre. »
exemple, pasderéellelégislation en matière d’œuv resd’art et de fiscalité. Quandjevendais en Afrique, on taxait lesobjets commedes produits de luxe et,enCôte d’Ivoire,onparle d’un impôtà100 %. Il faudrait donc imaginer desloisqui simplifientles choses,rienque pour lesinstitutionspubliques ou les grossesentreprises.EnFrance, si l’unedeces dernièresachète uneœuv re pour la donner àunmusée, elle estdéfiscalisée. Desoutilsdecet ypepourraientpermettreaucontinentde se développerculturellement. Lesmuséessontune invention occidentale, donc il faudrait égalementundébat plus poussé surlafaçon dont lesA fricains imaginentles leurs.Qu’ilsaient unev ision et fassentleurs choixsur lesobjetsàexposer.Sans se sentir obligésd’y mettre ceux quel’onsouhaiteleurrestituer.Sachant qu’une bonnepartied’entre euxont étécréés pour lesEuropéens commesouvenirs, afin de lesvendreou de lesoffriràdes fins de représentation
Àpropos de musées,notamment publics, où en est- on dans les pays avec lesquels vous avez des échanges directs?
J’ai de très bons rapports avec lesinstitutionsqui ontdes collectionspermanentes en Côte d’Ivoire et au Congo,mêmesi dans ce cas,les responsables changent tout le temps. Cesdeux pays ontdes objets fabuleux,maislamajoritén’est pasexposée. Ilssont entreposés,parfois dans desconditionscatastrophiquesetmalheureuses.LaRDC alachanced’avoir un musée national quiaété réaliséavecles fondsdel’Agencecoréenne de coopération internationale et quiest au xnor mesmondiales.Enrevanche, je suis beaucoup plus étonné parlaCôte d’Ivoire.Ellefaitpartiedeces Étatsqui avaientune politique culturelle très en avance surles autres,menée parl’ancien présidentFélix Houphouët-Boigny (1960-1983), et pourtant, plus de soixante ansplustard, elle ne possèdetoujours pas de muséedigne de ce nom. Aujourd’hui, lesobjetssont présentés dans uneanciennesalle desfêtes choisiecomme lieu prov isoire en attendantlacréationd’ungrand établissement. Comment veut-onmettreenvaleurdes œuv resd’art s’il n’y amêmepas de cathédrale pour lesaccueillir ?Onadoncdes nationsqui ont pris du retard,alorsqu’ellesétaient précoces en la matière.Prenonsensuite le Sénégal. Il avaitdéjàl’Institut fondamentald’A frique noire(IFAN), et amaintenant le Musée desciv ilisations noires,maiscelui-cidemeure plus un lieu d’expositionstemporaires.Eneffet,lepaysnedétient pasde collectionspermanentes importantes. Certes, il adel’artisanat et de la création artistique,maisiln’a paslemêmerapport avecles représentationssculpturalesclassiques, lesmasques et lesstatues qued’autresÉtats peuventavoir.Beaucoupde sesœuv resanciennes prov iennentenréalité d’autres cultures africaines et yont étéramenéespar lesFrançaispendant la périodecoloniale.PourleBénin,les choses sont encore différentes. Le débatsur le patrimoineculturelyest assez décomplexé, et même surles restit utions, lesinstitutionsont des demandes très ciblées. C’estcequ’il faudrait faire, je pense.
Chaque pays devraitprésenter desrequêtestrèsprécisessur lesquelquesobjetsindispensablesetsymboliques,représentant directement l’histoire d’uneciv ilisation. Et d’ailleurs,qui ditque l’artde la RDCdev rait se voir en RDCetcelle du Bénin au Bénin ?Ceserait justement fabuleux quelepublicbéninois puisse découv rircequi aété fait ailleurs !
Arrivez-vous malgrétoutàimaginerunfutur pourl ’art classiqueafricain surlecontinent ?
J’ai beaucoup d’espoir.Ont ravail le toujours surdeu x niveau x: le politiqueetleprivé.Les Étatsdoivent prendre leurs responsabilitésetfairesavoiràl’Occidentque ce n’estpas en leur imposant de reprendrecertainsobjetsqu’ilspeuvent régler leurscomptes. Il yaunfin débatàavoir surcette question pour lespaysdemandeurs.Maisilyaaussi besoinde rassurer le privé, en Af riquecomme en Europe.Les collectionneursindépendantsont toujours joué un rôle important auxcôtés desinstitutions. Si le privén’est passtigmatisé, il peut sans douteêtreunacteurdusecteur public –etsur le continentégalement.Aujourd’hui, on ne peut pasimaginer qu’un amateurpuisseoff rirune pièce àunmusée af ricain, commeonlevoitparfois en Europe.Etsiles politiques vont en guerre contre le privé, cela ne se fera jamais.Enrevanche, si on le rassure, il va se passer quelquechose de très sain :les collectionneurs vont apparaître surlecontinent. Il yenaura peut-êtrequi possèdentdes objets culturellementimportants pour teloutel autrepays, et quiles vendront ou les légueront auxinstitutions. L’autreproblèmeétant que, si on les braque, le secteur privérisquededevenir obscur.Ilnefautsurtout pasenarriverlà. ■
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MICHEL FIGUET
L’ouv ra ge no us fa it pén ét re rd ans l’in ti mi té d’un co ll ec tio nn eu r, dan ss on éc lec ti sm e cu lt ur el et sa cu rio sit é.
entret ie n
Faouzi Bensaïdi
«Jefaisuncinéma d’humanité »
Déserts, sonnouveau long-métrage,est une odysséeàtravers le Grand Sudmarocain, entre western, comédie, critique socialeetsouffespirituel. Avec brio,leréalisateur et acteur revisite lesgenres et livreune œuvreréussie, horsdes sentiers battus.
propos recueillis par As tr id Kr ivi an
IlfilmeleMaroc, sonpays, commepersonne. Pour le cinéaste et comédien,les lieuxsont aussides personnageschargés d’unepuissancedramatique. Après Volubili s (2017),mélodrame social situéà Meknès,sav illed’enfance, Faouzi Bensaïdiprésente Déserts,oùilposesacaméradansleGrand Sudmarocain. Le pitch? ÀCasablanca, Mehdiet Hamidtravaillentpourune agence de recouvrement de crédits. Ilssont chargésdeserendredans desvillages reculés de cetterégionaride pour soutirer de l’argent àdes familles surendet tées.Lef ilm suit les péripéties et lesmésaventuresdeces antihéros,leurs rencontres avec despersonnages parfoisrocambolesques, leurs bouleversementsintimes et profonds,aufil de leur traversée du pays, dans l’immensitédeces paysages désertiques, entreergsetregs. Avec maestria, le réalisateurs’approprie et rev isitedes genres cinématographiques–western,comédie burlesqueousociale, romance… –etsigne uneœuv re singulière,déjouantles codes na rrat ifs, ex plorantles out ilsest hétiques. Dé sert s mêle des incursions oniriques, du soufflespirituel,durire, de l’absurde, de la mélancolie,dulyrisme…Cewestern mystique livreune
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CHLOE SHARROCK/MYOP
critique cinglantedusystème libéraletcapitaliste quifragilise lesplusdémunis.Néà Meknès le 14 mars 1967,formé àl’Institutd’art dramatique et d’animation culturelle de Rabat, puis au Conser vatoirenationalsupérieur d’artdramatiquedeParis, Faouzi Bensaïdi amis en scèneplusieurs piècesdethéâtre.Son court-métrage La Falaise (sortieen1999)aremporté23prix dans desfestivals internationau x. Aprèsavoir coécritlescénariode Loin (2001), d’AndréTéchiné, il aréalisé sonpremier long-métrage, Millemois (2003),lerécit d’uneenfance dans l’Atlasdurantles années de plomb. Avec WWW:What aWonderf ul World (2006),ilarev isitélefilm noir américain àCasablanca, dans un st yledécalé. Sondrame, Mortàvendre (2013),ancré à Tétouan, aété récompensé àlaBerlinale et au Festival de Tanger. En tant qu’acteur, il ajouénotamment devant la caméra de NabilAyouch, Jacques Audiard, Meryem Benm’ Barekouencore DaoudAoulad-Syad. Sondernier film, Déserts, aété présenté à la Quinzaine descinéastes au Festival de Cannes cetteannée. Rencontre justeavant quel’artiste ne quitte Parispourseretirer dans ce désert cher àson cœur
AM : Comment estnéledésir de réaliser Déserts ?
Faou zi Bensaïdi : J’avaisenv ie de fi lmer le GrandSud marocain désertique depuis longtemps.Cette région estd’une beauté incroyable,millénaire, elle esttrèsinspirante. Il fallait attendre qu’une histoire naisse et rencontre ce désirde mettre en scène cetespace. Cesdécorsmerappelaientbeaucoup les grands wester ns amér icains. D’ailleurs,lagéographiemarocaineévoquecelle desÉtats-Unis, en plus petit. La traversée du pays offreune extraordinairerichessedepaysages, de flore, de fauneetdelumière –laMéditerranée, l’océan, lesgrandes rivières, lesforêts, le désert…J ’avais ce désirdedialoguer avec le western, mais,comme toujours dans moncinéma,pas d’une manièreclassique.J ’airev isitéquelquesséquences emblématiques appartenantà ce genre, commeces deux personnages réunis autour d’un feu, menant unediscussionintimiste. Le titre étaitdès le départ uneévidence. Car, nonseulement le film s’enfoncedeplusenplusdansceterritoire, mais il traverse des désertsdediversesnatures :intimes,économiques,mystiques… Qu ’est-cequi vous inspiredansces paysages d’immensité,immémoriaux ?Est-cepourinscrirevos personnages dansunlieuetuntemps quiles dépassent ?
Le rapportà la nature m’atoujoursintéressé. Je l’ai exploré dèsmon premiercourt-métrage La Falaise,j’aicontinuéavec monpremier long Millemoi s,avant de faireuncinéma beaucoup plus urbain.Avec Déserts, je rev iens àcethème,l’homme face àlanature, au mondequi l’entoure, et ce quecelarévèle. En étantdansdes espacesgrandioses, mespersonnages sortent de cesexpériences totalementchangés.Cen’est pasraconté explicitementdanslerécit,maisàtravers leur corpsetpar ces décors,cedésert. Meshérossereconnectentaveclemonde de manière très forte, plusv raie.Ils prennent conscience du futile de leur vie, de leur travail, et lesabandonnent
Vosdeux personnages principaux, Mehdi et Hamid, travaillent pourune agencederecouvrement de crédits. Ilssontchargés de soutirerdel ’argent àdes familles surendettéesdansdes villages très reculés.Qu’est- ce que leur métier raconteduMaroc d’aujourd’hui?
Ce n’estpas particulier au pays.Les agents de recouv rement,qui existent partout,nousplacent au cœur dessociétés actuelles. Ilspermettentdeparlerdemanière très détournéeet burlesquedelaconsommation, l’économie mondiale,lafinance, de cettefaçon de fairedel’argentsur le dosdes plus démunis. Notremonde fonctionne àladette d’unemanière démentielle. Ceux quiont desf insdemoisdif ficilespaientleplus, et les banques sont lesdébiteurs quigagnent beaucoup d’argent.Être en situationdesurendettementest le lot quotidiendebeaucoup de personnes, aujourd’huiplusque jamais avecl’inf lation.Certainsont pris descrédits parfoisdérisoiresetseretrouventàla finavecune pression énorme,car ilsnepar viennent pasà les rembourser.L’ubérisation du mondeest en marche.L’agence dans le film fonctionne ainsi :lapatronnepropose auxemployés de devenir desautoentrepreneurs.Adieu la sécuritéetles cotisationssociales!
Lorsqu’elle annoncecette ubérisation de l’entreprise,célébrant «lenouveau monde », les employés applaudissent… Effectivement.Les gens peuventapplaudir desdécisionsqui sont pourtant contre eux. C’estcomme si la conscience politique s’af faiblissait. La montée desdroites et desext rêmes droites en Europe m’interpelle.Biensûr quecen’est passeulement liéàcela, mais lesréseaux sociaux, et avanteux,latéléréalité
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«Mes héros se reconnectent avec le monde de manièretrès forte, plus vraie. Ilsprennent conscience du futile de leur vieetde leur travail, et lesabandonnent.»
n’ont-ilspas part icipéà unecer taineinconsciencecollective parrapport àcequi nous entoure? Àcediscours simplisteque d’aucuns applaudissent?
Déserts puisedansdifférentsgenres: la comédie, le western, la romance,lesocial… Qu’est-cequi amotivécechoix ?
Je l’ai fait sans conscience théoriqueforte,c’est naturel. Je ne connaispas le respectdugenre,jenesaispas ce quec’est. La vied’unhomme ne se limite pasàungenre.Quand il tombe amoureux,ilv it uneromance ;quand il perdunêtrecher, il estdansune tragédie ;quand il s’aventure dans deshistoires compliquées, il estprisdansunpolar ;quand il tombeamoureux d’unefemme fatale,ilest dans un film noir…Tousmes films ont mélangé divers st yles
Est- ce parceque,enfant, votrepère incarnait la version tragique de l’existenceetvotre mère, la comique?
On peut dire ça.Ils étaientdifférents dans leur manièrede voir la vie. Du côté paternel,tout avaitunsens, tout étaitsérieux. L’existenceavait quelquechose de grave, dans le bonsensdu terme: lesmotsetles gestes comptent,lav ie estcomme une suitedesymboles, de positionsetd’attitudes,avecune morale également, issuedesaculture de gauche,deces générations quiont connulaguerreetles grands mouvements politiques et sociauxdu XXe siècle.Etducôté de ma mère,c’était très léger Elletournaittoutendérision. J’ai dessouvenirsdefousrires.De monenfance,jegarde en effetces deux pôles, quiont sûrement participéàmav isionducinéma.Chaquechose peut être vue et vécuedemanièredifférente, sans quel’une annule l’autre.
Déserts montre -t-ilaussi des fractures sociales selon les territoires ?Lagrande précarité quisévit dans cesvillages reculés àl ’intérieur du pays?
Oui,hélas,cette économiemondialeenrichitles riches et appauv ritles pauv res. Partoutsur la planète, on assisteàcet abîme de plus en plus béantentre ceux àqui ce système économiqueprofite,qui amassent beaucoup d’argent,etceuxqui en ontdemoins en moins. Il ya uneraisontrèssimpleà cela :pour quecertainss’enrichissent, il faut qued’autress’appauvrissent ! Déserts se situeàlafoisaucœurdeCasablancaetses buildings etdansdes villages reculés,trèspauvres.Maiscette profonde disparitéexisteégalement àParis –entre lesbeaux quartierset ceux où sévitune grande précarité, parexemple. Le plus dur, c’estdes’habituer àcette situation.
Dansune scèneburlesque et mélancolique,vous incarnezunépicier quivoitson petitcommerce s’éteindre àpetit feu.Ilvenddes journauxque pluspersonne ne lit, et évoque avec nostalgie les élèves d’uneécole –désormaisdétruite –qui luiachetaient des sandwichs… Chez nous,l’épicier aune placeessentielle.Ilest liéàlavie du quartier,àses habitants, même dans lesgrandes villes,mais il estsûrementamené àdisparaître,hélas.Cen’est paspourrien que, justeavant,ily aune séquencedansungrand supermarché, avecdes superhéros issusdelaculture Marvel quidévorenttout. Cetteépicerie vitses derniers jours.C’est aussilepetit commerce de cinéma quejefais:uncinéma de proximité,d’humanité.
Cettescène racontelafragilité et la mélancolie d’un mondequi disparaîtauprofitd’unautre,qui appartient àl’agencedecrédits, au supermarché, àMar vel, àcette concentration desrichesses
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DULAC DISTRIBUTION
Ag ents de re couvre me nt,H am id (F ehd Be nchem si)etM ehdi (A bd el had iTalbi)p arcourentl ep ayse nq uête de sm au va is pa yeur s.
Vous déclarez que la dimension politique de votrefilm réside avanttoutdansunengagement esthétique.C’est -à -dire?
Je suis parfoisagacé quelecinéma arabe, aujourd’hui, soit réduità sessujets, auxtabousqu’il soulève. On s’yintéresseet on l’applauditquand il estengagéencesens. Je n’aimepas que ce soit misenétendard. Et je m’inquièteque nous,cinéastes de cetterégion, soyonscantonnés de cettemanière.Jenesuis pascontre lessujets, c’estimportant,maisune œuvrenese résume pasà soncontenu! Moiaussi,jefaisdes filmsengagés, du côté de l’humain –onprendlacaméraparce quel’onest touché pardes choses et quel’onaenv ie de lesexprimer.Mais on choisitunmédium, le cinéma,etonest d’abordmetteur en scène! Nousproposons surlemonde et surcet artunregard de réalisateuret, donc,l’engagementesthétiqueetformeldu projet esttout aussiimportant.Jeréalise un film en dehors dessentiersbattus, quin’est passimpleaupremierabord,car il interrogesur le récit,lamanièrederaconterles histoires, le langagecinématographique,lafaçon dont repositionner lesplans,s’interdire le champ, le contrechamp, etc. Ce sont desprisesdeposition esthétiquesimpor tantes.Etsouvent, j’ai l’impression quel’onn’y prête pasattention.Comme si l’on nous attendaitsur lest hématiques,maispas surnotre travaildecinéaste.Toutartiste interrogeson artd’abord,non ?
Quandjelis un roman, j’aimel’histoirequ’il me raconte, ses personnages, mais je suis égalementsensibleautravail de la langue de l’écrivain,à sonrapport àl’écriture. C’estlamarque de sa singularité.
Pourquoiappréciez-vousautantleplanfixe que le mouvement de caméra ?
Ce sont desdynamiquesdifférentes,etjelefaispar pur plaisir. J’aimeautantêtredansune fixité,àl’intér ieur de laquel le je travai lle, quej’a ffec tion ne lesmouvementsde caméra,lesquelsamènent unepoésieforte et belle, unemusicalité au septième art. Depuis toujours,jesuis aussiému par le mouvementd’unplanque parlejeu d’un acteur.L’émotion esthétique d’un mouvementdecamérapeutmefairepleurer
Déserts portel ’audace d’une quasi -absence de gros planssur vospersonnages principaux…
Mercidel’évoquer.Celafaitpar tiedemon engagement esthétique.À uneépoque où touteune génération regarde desfilms surles téléphones portables, lesordinateurs,v ia des plates-formesdestreaming, le gros plan estdevenuunlangage dominant, et donc du dominantpar conséquent.J ’avais envied’utiliserlegros plan d’unemanière très particulière, et pour despersonnages qui, selon lescodes du récit classique, sont secondaires. Et doncpas forcémentpourles héros. Ce n’estpas cettedémarchequi estattendueaujourd’ hui. La consom mation desi magessur lespet itsécranspousse inconsciemment às’éloigner desplans larges.Or, moi, quand je fais un long-métrage, je pense àlasal le obsc ure, pasà l’écrannumérique
Il ya une séquencetrès onirique, presque mystique, lorsque l’évadéetsafemme prennent la route dans le désert, s’enfonçantdansl ’horizon noyé et aveuglé parlesoleil.Comment l’avez-vousimaginée ?
Est- ce là unefaçon de casser lescodes narratifs ?
Oui,car si l’on s’en tientauscénario, la scèneserésumeen unephrase: la voiturequittelev illage. Selon unedémarche conventionnelle, on pose la caméra et on filmelevéhiculepartir. J’en ai fait uneséquenceentière quiraconteautre chose: d’un simple plan de coupe, on inventeunétat, uneémotionet unerupture formelle.Personnen’attendàcequ’il dure autant, et c’estunpoint de basculedansl’histoire, un moment où tout chavire, àl’image également. Cettefumée,cette poussière,ces voix…Lefilm s’engage dans deschemins brumeux, mystérieux, où la poésie prendtoutencharge. Le surréalisme se superpose auréalisme, àl ’image de la viequi elle -mêmen’est pas cohérente, pour reprendrevos mots
Dé sert s prenddes libertés,comme la vieetles gens en prennent.Par exemple, pourquoi un long-métragedoit-il durer 1h 40 selon lesstandards ?Iln’y aaucuneraisonà cela. Je suis conscientdel’industrie, de l’économie,maisilfaudraitquand mêmelaisser un peuplusdeliberté.Etleseptièmeart permet beaucoup.C ’est là, la beauté de cetoutil.Àlag rammaire, je préfère la «dé-grammaire» cinématographique.Ilfautla questionner, sinononreproduit lesschémas quel’onvoitfonctionner, et ce n’estpas très intéressant. La mise en scèneest souveraine, c’estpar elle quel’oninterroge ce langage. «Seules,les histoires n’existent pas»,déclare l’un de voshéros.Vouspartagez cetteidée?
Oui.Cette phrase raconteunmomentdufilm, mais également le métier de cinéaste.J ’aileplaisir de broder deshistoires,différentsniveaux de jeu.Les premièressontfragiles, ellesexistentquand on lespar tage.Quand l’un raconte, et
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«Cet amour de l’autremalgré tout peut paraître naïf,maisc’est très présentenmoi. Lesêtres sont aussimagnifiques parleurfaiblesse. »
quel’autre écoute. C’esttrèsbeaucerapport de l’humanité au récit,auconte,à ce médium,à l’ar tengénéral. Comment s’ef fectue votretravail avec lesacteurs?
Cela se fait àdeuxniveaux.Lorsdupremier, commece sont souventdes comédiensaveclesquelsjetravaille depuis un moment,jepeuxtrèsbienécrireenpensant àeux.Çaaide. Le second, c’estquand on mène ensemble un travailautour du film,faitd’improvisations, pasforcément de répétitions de scènesécrites du scénario. J’aimeles à-côtésetconstruire aveclamarge
Le cinéma est- il un moyend ’exprimer votrefoi en l’humain ,malgrétout?
Effectivement.Lecinéma fait partie de mescroyances,j’ai envers luiune foicomme peut connaîtreunhomme religieux. Cettefoi dans l’humanité,cet amourdel’autre malgré tout, peuventparaîtrenaïfs,maisc ’est très présentenmoi.L es êtressont aussimagnifiquespar leur faiblesse. Une dimension spirituelle irriguejustement cer tains momentsdufilm,avecces grandsespaces désertiques, ce soleil filmé de face,éblouissant, cette musiquemystique et méditative de Dhafer Youssef
C’esttrèsjuste.C ’était conscient. Filmer le soleil de face n’estpas un hasard.Etdanslasecondepar tie, la présence de la nature,laplace différentedel’animal établissentune reconnexion avecunmonde d’avantlaparole. La séquenceavecles exilés en transitenplein désert démontrel ’absurdité de notremonde.C ’est impor tant d’insu fflerdurireàpar tirdedrames?
La beauté du burlesqueest sonélégancedansledésespoir, cetteidéequ’il vaudrait mieuxenrire. On voit ainsimieux les choses,onest même prêtsàles accueillir.Leburlesque permet d’affronterdes événements plus difficiles,pluscompliqués. Pourquoi vous intéressez -vousà ce quel ’onnomme les antihéros ,des personnages un peumarginalisés , qui n’appar tiennent pasàlaclassedes dominants?
C’estmon af fection pour lesperdus. Je su is toujou rs très touché parles gens àqui la vien’a passouri.Celam’intéressebeaucoupplus. Lest rainsqui ar rivent àl’heure ne racontentpas d’ histoi res. Cel les- ci commencent quandi ls sont en reta rd.L es person nesqui traversent desmoments de viecompliqués,aveclesquelselles doiventnégocier, sont beaucoup plus attachantes. En quoileMaroc est- il votreterre d’imagination ?
Je fais du cinéma parceque ce pays aimprimé ma rétine. Pendantlongtemps,j ’éta is persuadé qu’onava it plus de chance de devenir réalisateursil’ong ra ndissait da ns une villedotée de cinémathèque,desallesobscures, de musées… Nous,nousdev ionsnousbattreunpeu plus,aller chercher desproductionsc ulturelles quinenousétaient pasaccessibles.Maisaveclerecul,jeconstateque toutelabeautéde ce pays,deses habitants, toutes seshistoires,toutlemélange incroyable entredes choses millénaires,une tradition forte,
ancien ne,etune ouvert uremoder ne,ont formémon œi l. Peut-êtrequ’ilsforgent plus profondément le regard quela cult ure, laquelle estrat trapable.Jereste donc très liéàce pays quim’inspire Comment dialoguez-vous avec l’histoire du cinéma marocain,relativement jeune –lepremierlong -métragedatantde1958?
Et est- ce unelibertéouunpoids?
Nousavons connudes réalisateurs intéressants,maisil n’yapas eu de courantartistiquet rèsfor tetécrasantqui s’estimposéàlajeune génération.EnFrance, un cinéaste qui arrive aprèslaNouvelleVague doit se positionnerpar rapport àelle, proposer d’autres choses.Nous, nous av ionslaliber té d’un en fa nt sauvage, pour ai nsidire, c’étaitpassion na nt. Cetteabsence de «pères »nousalaisséune ouverturepour dialog ueri ntensément avec d’autres ma ît resi magi na ires, très différents.
Quel estlepouvoir du cinéma ?
Il ne peut pasc hangerlemonde,maisilpeutc hanger la vied’unhomme.C ’est déjà énorme,trèsfor t. Il véhicule desengagementspolitiques et esthétiques. Mais voir un film porter un discours progressiste alorsque sa formenel’est pas m’interroge…Ilfautque l’ensemble soit engagé.Uncinéma quidonne la libertéauspectateur, parexemple,sedistingue fortementdecelui quilemanipule. ■
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DR (4)
Entre2 00 3et2 017, il aréa li sé qu atre long s- métrag es : Mil le mo is, WWW:What aWonde rful Wo rld, Mo rt àvendre et Vo lu bil is
Le jeune ta lentd ans L’Hi stoi re de Ma no n, de Ke nneth Ma cMi lla n, en ju il let2 023, au Pa lai sG ar ni er
entrev ue GUILLAUME DIOP «LADANSE ESTUN CADEAU RÉCIPROQUE AVEC LE PUBLIC »
Premiermétis àêtrenommé étoile àl’Opéra national de Paris, il apporteunsouffenouveau. Et bouscule lescodes établis de l’illustremaison.
proposrecueillis par Ca th er in eF aye
SVETLANA LOBOFF
Riennel’arrête. Le 11 mars dernier, en CoréeduSud –a lorsqu’il est« sujet » depu is àpei ne quat re mois –, Gu illaumeD iop de vientdan seur étoi le àl’issue de la représentation du très romantique Gi selle.Cejour-là, il accède àl’échelon le plus haut de la troupe de ballet,sanspasserpar celuidepremier danseur. À23ans,ilincarne le triomphe de la persévérance et de la passion, de la rigueuretdelatolérance.Cegrand jeté, tant surlascène quedanslav ie,dessine uneavancée inéditepourles nouvellesgénérat ions. Et ouvrelec ha mp despossibles.À la lumière desparoles de sa chansonfétiche (« IGotta Find PeaceofMind»): «Hesaysit’simpossible, but Ik nowit’spossible. »Unplaidoyer de Laur yn Hi ll,lasta r du tr io musica lFugees(abrév iation de «ref ugees »),pou r atteindrelapai xintérieurepar l’acceptation et l’exploration desluttespourypar venir.Uncombatégalement soutenupar le Franco-Sénégalaisàlasensibilité altr uiste.Trois ansavant sa nomination,ilcorédige et cosigne, avecprèsd’unquart dessalariésdel’institution prestigieuse, le manifeste De la question raciale àl’Opéra de Pari s,pourl’instauration d’une politiquea nt i- disc ri mi nation interneefficace. La requête estentendueeti nsuf flece quicompteplusque tout pour ce danseurpor té parlagrâce :l’humanisme.Rencontre avec cettejeune étoile montante.
AM : Vous êtes entré àl ’Opéra de Paris à12ans.Comment l’avez-vousvécu ?
GuillaumeDiop: Au départ,mes parents n’étaientpas pour.Lefaitque j’intègre l’Opéra leur faisaitpeur, d’autant qu’il yava it beaucoup de cas de dépression et d’anorex ie Monpèreétait très méfiantpar rappor tà ce monde-là, qu’il pensaitréser vé auxpetites filles blanches et riches.Maisils m’ont fa it conf ia nce. Néanmoi ns,jusque-là, j’avaisg ra ndi entouré d’amisd’originesdifférentes. Àl’Opéra,c’était l’opposé. Heureusement,mafamillem’avait tellementinculqué la richesseetlabeautédumétissage, de la double culture, et de la fier té quejedevaisentirer,que je n’ai ressenti aucune appréhension.Etpuis,dès le début, Marc Du Bouaÿs,mon professeur, très ouvert d’esprit,aété extrêmementbienveilla nt.I la da nsédansdenombreusescompag nies da ns le monde, et il estd’ailleurs toujours moncoach.Plustard, en revanche, cela aété dur.
Dèslors, comment s’estorganisée votrevie ?
Leplusdifficile étaitd’êtretout le tempsavecles mêmes personnes, pour la scolarité le matin, et pour la dansel’aprèsmidi.Jesuis restéinterne pendanttrois semaines,maisjene l’ai passupporté. L’externat aété l’unedemes plus grandes chances, parceque je pouvaisvoirmes amisd’avant.Etsurtout sortir du bâtiment,mêmes’ilest magnifique et entouré d’un grandparc.
À16ans,vouspartezsix moisàNew York rejoindrelacompagnie AlvinAileyAmerican Dance Theater. Qu ’êtes-vous allé ychercher?
Deux ansaprès monarrivée àl’Opéra de Paris, ça se passait très mal. Monnouveau professeuravait l’impression que je ne travaillaisjamaisassez,que j’étaistropdansleplaisir de danser.Nousavionsune vision complètement opposée. Pour lui, il fallaitpasserpar la douleur, la souffrance, et se donnerà millepourcent. Pour moi, danser,c’était le bonheur, la liberté.Nousétionsdansune luttepermanente. Je pleurais tout le temps, et ma mère voulaitque je démissionne.J ’ai commencé àmeposer desquestionssur ma couleurdepeau, ma place, mondésir de fairecemétier. J’ai perdu énormément de poids, je ne grandissaisplus. Alors, Marc Du Bouaÿs m’adit quejedevaisfaireunbreak.J ’aipensé au chorégrapheafroaméricainA lv in Aileyetàsacompagniededanse moderneà NewYork,etje suis partiprendrel’air.Chercherune nouvelle inspiration. Cetteexpériencea changé ma vie, redonné du sens àmon ambition,etm’a réconforté. D’autres personnes de couleursedestinaient àcette profession et yétaient heureuses.Avecune sincéritéabsolue.Peu importaientles différences.Lorsque je suis rentré àParis,j’étais dans un état d’esprit tout autre.
En quoi la danse a-t- elle réponduàl ’enfant quevousétiez et àl ’homme quevousêtesdevenu ?
Petit, j’avaisune relation très fusionnelleavecmamère et ma sœur.Nousv iv ionsdansune espèce de cocon. J’avaisle sentimentqu’il n’yavait pasbesoindeparlerpourêtrecompris.Ladanse classiquem’a permis de m’exprimer,malgréma timidité,etdecanaliser monénergie physiqueauseind’un cadrestrict.Danscet art, il ya tout un langage. C’estcequi m’aplu et me plaîtencore: respecterles codes, le vocabulaire
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«Lerapport au corpsetà l’image de soiest parfois compliqué. On est toujours devant le miroir,cen’est pas forcémenttrèssain. Surtoutquand on estadolescent. »
et l’assimiler techniquement,avecrigueur et de manière personnalisée. Afin de réussir àrester moi-même,toutenoffrant desinterprétations et unefaçon de bougerqui sans cessesetransforment. Le challenge estlà. Le corpsest inhérentàvotre vie. Quereprésente- t- il pourvous?
Dans le cadredeladanse, le rappor tau corpsetàl’image de soiest pa rfoiscompliqué. On esttoujours devant le miroir, ce n’est pa sforcément très sa in.Sur tout quandon estadolescent et quenot re morpholog ie se développeetchange. Grandirenfaisant face constammentà uneexpertise de soncorps n’est paschose aisée. On peut l’allongerunpeu,le travailler, mais l’ossature et la silhouette resteront commeelles sont.Ilfautdutemps pour s’accepter telque l’on est. Plustard, lorsquel’on devientprofessionnel, c’estencoreautre chose.
Il faut choyer et tonifierson corpspar desmassages,durenforcementmusculaire. En prendre soin de manière très assidue. Au fond,qu’est- ce qu ’undanseur ?
Pour biencer nerunrôle, il faut le transcr iresur soi, se demander ce quelepersonnage avécu, se souvenir de ce quel’ona vécu soi-même,ett rouver commentlet radu ire physiquement.Sansimposture.Cen’est pas seulementune question d’expression du visage. La tristesse, parexemple,s’exprime aussiphysiquement, dans unefaçon de bouger. Lorsque j’interprète un rôle,j’y insuff le unegrandepartiedemavie et de ce quejesuis. Dans unesorte de mise ànu. Visuelle,d’une part,car on voit chaque partie,chaqueexpression de moncorps.Etimmatérielle,d’autre part :danser, c’estoffrirdesoi,totalement, tout en recevant et en ressentant chaque vibration, chaque émotion desspectateurs.Au-delà de la satisfaction personnellequ’elle me procure, la danseest un cadeau réciproqueaveclepublic.
Est- ce qu ’elle soigne?
Même s’ilssesituent souventdanslepassé, lesballets classiques incarnentdes histoiresuniverselles. Ilsparlent d’amour, de mort,d’amitié, de rencontres, d’événements et de sentimentsdanslesquelschacund’entre nous peut se reconnaître.
Éprouver quelquechose quel’onavécuintérieurementà travers unechorégraphie, un corpsdansant,peutdonc, en effet, apaiseroustimuler, et provoquerdes questionnements. L’art estfaitpoursusciterdes émotionspositives ou négatives. Et la dansea un grandpouvoir dans ce domaine.
Vous avez éténommé danseur étoileenmars dernier. Qu ’induitune telleconsécration danslavie d’un jeune homme?
C’està la fois magnifique et compliqué. Et ce n’estpas le schéma quejem’étais fait du développementdema carrière. D’un côté,cette nominationmedonne l’opportunitédegrandirdansles rôles, de lesreprendre différemmentenfonction de ce quejev is jour aprèsjourdansmav ie personnelle.De l’autre, elle s’accompagne de nombreusesresponsabilités pas toujours év identesàporteràmon âge. J’ai 23 ans, et j’ai bien sûrenv ie,danslamesuredupossible, de ne paspasseràcôté de ma jeunesse, d’enprofiter. Cependant, il faut quejesois sérieuxpourbieninterpréter lesrôles,m’y préparer pleinement,continueràmûrir artistiquement et techniquement. Décrivez-nousune journéet ype.
En tempsnormal, je m’échauffe entrecinqàsept heures parjour. En période de représentations, de grosses répétitions ou de séances de travail avecdes chorégraphes invités, je travaillede 10 heures à16heures. Lesspectacles, quantàeux, se déroulentde 19 h30à22h30. Mais quandonest danseur étoile, on ne l’estpas nonplusà200 %, 365jours paran.
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JAMES BOR T
Pendantmes jours de repos, il m’arrive donc de sortir,derentrer à5heuresdumatin.À ce moment-là, je m’entraîne àpeu près uneheure le jour suivant, avecdes exercices de kiné,d’étirements et de cardio.Toutcelaest unequestion d’organisation Peut -onpasservingt -quatreheures sanss ’échauf fer,nidanser?
Si cela m’arrivait,jeleregretterais,d’unpoint de vuepsychologique plus quephysique. Un dicton ditque si on loupeun coursunjour, on le sent ;deuxjours,leprofesseurleconstate; troisjours,c’est le public quilevoit. Néanmoins, il estessentiel de se reposer. Durant cettesaisonetlaprécédente,jen’ai quasimentpas pris de vacances,etjel’aipayécher. Psychologiquement, j’étaisaffaibli, et physiquement,jemesuisblessé. C’estunéquilibre àtrouver.Lerapport àladanse doitêtre sain,ilnefautpas qu’ilsoitobsessionnel,sinon cela devient contre-productif
Quelle relation entretenez-vous avec lesjeunes de votregénération ?
Mesamissonttrèsfiers de moi, et réciproquement.J ’admireprofondémentlecourage de celles et ceux qui, après avoirpassé si xannéesdeleurv ie àl’Opéra,ont l’humilité de se dire qu’enfin de compte,cette voie n’estpas pour eux, et quirebondissentenfaisa nt desc hosest rèsdif férentes, commeintégrer unefaculté de chirurgiedentaireoudecommunication.Quelque soit le parcours quenousavons lesuns et lesautres,nousavons pleindechosesencommun. Et je continue àv iv re àl’extérieur desmurs de l’Opéra,enrestant toujours très ouvert Quelssont vosmodèles ?Etpourquoi?
J’ai beaucoup d’admiration et de respectpourLaurent HilaireetNicolas Le Riche, grands techniciens de la danse quiont réussi àadapter la maîtrise àleurcorps.Leurs interprétations sont toujours extrêmementv raies. Je dirais même qu’ellessont tellementsincèresque l’on ne dirait plus de la danse, mais presqueune pièce de théâtreoùles danseurs parlent. Ilssont très inspirants pour moi. Tout commeles danseuses en général, quiexécutent desmouvementsdes bras et du haut du corpsenalliant finesseetpuissance. Je pense notammentà la Suédoise NikishaFogo, première danseuse au
SanFrancisco Ballet
La Franco- Sénégalaise Germaine Acogny fait -ellepartiedevos mentors?
De manière générale,les personnesqui me bouleversent le plus et pour lesquelles j’ai le plus d’admirat ion sont les femmes noires quidoivent leur réussite àleurcourage et à leur combat pour exister. Commelacompositrice-interprète de hip-hop et de R’n’BLaury nHill,l’actrice ViolaDav is (que l’on peut voir dans La Couleurdes sent iments ou Fences), et Germaine Acogny, biensûr.C’est unefiguredeladanse en Af rique. J’ai d’ailleurs contactél’École desSables,lecentre internationaldeformation et de création en danses traditionnelles et contemporaines qu’elle acréé àDakar il ya vingt-cinq
ans. J’aimerais pouvoiryappor termacontribution.Maisil yaégalement beaucoup de travailà effectuerenFranceet, l’annéeprochaine, je vais donner descours dans uneécole de danseàGennevilliers,enrégionparisienne, avecpourobjectif de provoquerdes vocations. Il existe pleind’enfants quiont ça en euxetqui n’ont paslachancedecomprendrecomment une formed’anxiété physique peut se libérerpar la danse. Qu ’est -cequi vous aamené àcorédiger lemanifeste De la question raciale àl ’Opéra de Paris ?
Au moment de l’écr ire, je n’ar rivais pasàleconcevoir commequelque chosedepol it ique.Pourmoi,c ’éta it normal, humain.Nousyparlionsd’expériencedev ie,sansrien d’idéologiquenidet héor ique.Ennousréunissantavecles autres danseurs noirsdel’Opéra,nousnoussommesrendu compte que nous n’av ionsjamaisévoquénos mauvaises expériences. Commedansune espèce de déni.Pourque leschoses avancent,nousnevoulionssurtout paslancerune chasse aux sorcières. Nous avons donc décidé de lister ce quiétait àaméliorer dans l’établissement. En faisantbiencomprendrequ’il fa llaitimpérativement quecelacha nge.L’anciendirecteur Stéphane Lissnervenaitdepar tir, remplacépar Alexander Neef.Etl’ancienneétoileAurélie Dupont,àqui asuccédé José Martinez en 2022,était toujours là en tant quedirectrice de la danse. Notremanifesteaété très bien reçu.
De quelle façon a-t- il étéappliqué ?
Il s’ag issa it su rtoutderéf léch ir àu nengagementde l’Opéra de Pariscontre lesdiscriminations et àune mise en placed’une sortedecoded’honneur pour lesrésidents,mais aussipourles chorég raphes et professeurs invités: ne plus tenir certainspropos, ou biencesser despratiques telles que le blackface (consistant, àl’origine,pourune personneblanche d’apparaître griméeenpersonnenoire avec un maquillage caricatural).Jemerappelle qu’en2019, on donnait Raymonda,
86 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3 EN TR EV UE
«Avecmaposition aujourd’hui, j’ai le devoir d’inspirer desjeunes. Et,plus quederamener de la diversité, quechacunsoit àl’aiseavecsa couleurdepeau. »
un ballet où le Sarrasin Abderamtente de sédui re l’ héroïne, fa sc inée et angoissée. J’avaiseuune discussionavecl’undes garçons quidevaitinterpréter ce personnage
Il m’avaitexpliqué: «Sijenemecolorepas la peau,jen’arr ivepas àmemet tredans le rôle.» Je luiavais alorsrépondu quenon seulementbeaucoupd’A rabessontblancs, mais queses propos étaientgraves,car,en réalité, il me sig nif iait ne paspouvoir se considérer commeunusurpateurs’ilrestait avec sapeaublanche.Etj’avais ajouté :« Si demain,j’interprèteleprincedans Le Lacdes cygnes,tun’arriveraspas àmetrouver crédiblesijenemepeins pasenblanc ?»
Vous considérez-vouscomme
un militant pour la causeraciale ?
Il inte rpréta it Sie gf ri ed dans Le La cd es cygn es, de Rudol fN ou re ev, en du oa ve c Do roth ée Gilb er t (O dette),à la Ba stil le, en dé ce m bre2 022.
Il m’estdifficile de me considérer comme un vrai mil it ant. Ma is avec ma position aujourd’hui, j’ai ce devoir-là, et beaucoup de causes me tiennent àcœur: je veuxessayer d’inspirer desjeuneset, plus quederamenerdeladiversité,que chacun soit àl’aise avecsacouleur de peau et puisse avoirla chance d’assimiler ce quemes parents m’ont transmis.Mon père aété un modèle dans la famille. Celuidel’homme noir arrivé de Ouak am,dan slaban lieuedeDak ar,en France, à20ans,qui aréussiàfairecarrière dans uneentrepriseaérienneprestigieuse, à uneépoque où ce n’étaitpas facile.D’abord stagiairecomptable, il agravi leséchelons pour devenir directeur financier. Mais il agaléré pour avoir sespapiers.Ilaconnu la méfiance quandils’est mariéavec ma mère,d’origine auvergnate…Tout cela, ce sont deschoses quimesont proches, quejevoisetressens. Quel rapportentretenez-vous avec le Sénégal?
Nousy allonstousles ansavecmafamille,etjesuis en contac trég ulier avec ma grand-mère.Jelui ai longtemps cachéque je pratiquais la danse. Jusqu’àmanomination,qui afaitbeaucoupdebruit au Sénégal,ellepensait quejefaisais de la gymnastique.Elleafinalementcompris, lorsque je suis passéàlatélév ision.Cejour-là, elle m’aappelé: «Petit père (c ’est le su rnom qu’ellemedon ne)! Ça yest,t ues unecélébrité!»
L’exportation desballets de l’Opéra de Paris vers le continent africain est- elle envisagée?
Nousyréf léchissons depuis quel’onaécrit le manifeste. Au début, nous voulionsmonter un projet au Mali,maisil n’apusefaire en raison de la situation politique. La priorité estpourl’instant d’allerdansles outre-mer. Unefoispar an, l’Opérade ParisserendenGuyanepourdonnerdes cours
et organiserungala, dans le butd’éveillerdes passions.J ’y danserai la première semained’octobre avecla primaballerina Dorothée Gilber t. J’ai hâte ! Avez-vousété particulièrement marqué par uneœuvrelittéraire ou cinématographique ?
J’ai adoréleliv re Millepetitsrien s,deJodiPicoult.C’est l’histoire d’unesage-femmenoire auxÉtats-Unisqui s’occupe du bébé d’un coupleaupassé néonazi. On ypasse constamment d’un pointdev ue àunautre :l’avocate,les parentsou la soignante. Ce quiest incroyable,c’est qu’à chaque fois que l’on suit un personnage,onlecomprend. Quandjelisaisles partiesrelatives auxparents nazis–à l’opposé, donc,deceque je peux penser –, je pouvaispresque me mettredansleurpeau et je me sentaishorrible. Celam’a bousculé.C’est vraiment ça, l’art: il oblige às’interroger, àaller toujours plus loin. Si vous aviezunrêve,quelserait- il ?
Avantmêmededevenir danseurétoile, le rêvedemav ie atoujours étéd’avoir un enfant.Defonderune famille.Partager, transmettre, éduquerunf ils, unefille,leoulavoirgrandiretdevenir quelqu’un.Pourmoi,c’est le sens d’unev ie ■
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YONA THAN KELLERMAN
Notremonde vrai
Chaque année, le festival Visa pour l’image, àPerpignan,danslesud de la France,accueillelemeilleur du photojournalisme. Un espace et un moment plus quejamaisnécessaires. Essordelaphoto numériqueetdes outils de retouche,arrivée desimagesgénérées parl’intelligenceartificielle (IA), disparitionprogressive desgrandes agences, dictaturedelapeopolisation, de l’instant, du Web, du smartphone… Pourtant,l’imagedepresserésiste. Parceque nous avonstousbesoindevoir notremonde vrai.Tel qu’ilest. Plus quejamais, lesgrandsmédiasdoivent investir dans cettecaptation de la complexité et de la violence de notre humanité.Lephotojournalismeest au cœur de notredroit àl'information et au débat.Les expositionset lesrencontresdeVisapermettent aussidemesurer le courageetletalent de cesphotographes, femmes et hommes, quis'engagentchaquejoursur le terrain. ■
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VISA POUR L’IMAGE2023
PO
FO LI O
RT
présenté par Zyad Lim am
VISA POUR L’IMAGE,Perpignan (France),du2au17septembre visapourlimage.com
Ebra him Noroozi (A ssociatedPress), Afghan ista
n Ebra hi mNoroozi apassé plus d’unea nnée àc ouvr ir l’Afgh ani st an.Ave cle retour au pouvoi rdes ta li ba ns en 2021,lepaysc on na ît unec ri se hu ma nita ire sa ns préc édent.C ereport agetémoi gned ’u npaysenr ui ne et de la détresse du peuple face àu naveni rsan se spoi r. Déjà très répa ndu, le travail de senfants estenaug ment at ion, et le sfem me ssontdevenue sq ua si invi si bles da ns la so ciété. Ic i, unebriqueter ie da ns la périphér ie de Ka boul ,le20août2022
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Na nnaHeitman n (Mag nu mPhotos), Russie
Àt ravers ce projet photog raphiquesur l’inva sion br ut alede l’ Uk ra inepar la Ru ssie, Na nn aHeitm an ncherche àéta bl ir un compte rendu hi stor iq ue de sévénement s qu isedérou lent autour d’el le,a fi ndemet tre en lu mièrelefossé entre la ré alité de la guer re en Uk ra ineetsa perc eption déformée cu lt ivée da ns la so ciété ru sse. Commentu ne nation entièrepeut-el le su iv re aveu glément sond iri ge ant, sa ns se poser de question s?
Di mita rDil koff (A FP), Uk ra ine
Le 4novem bre2022, aprè sl ’exhum at ion de corpsenter ré sd an s de stom be sc reusées pend antl ’o cc upat ion ru ssedelav ille d’Iz ioum.Unc entre de prélèvementd ’A DN aété in st allépou ra ider àident ifier le s450 corps dé couver ts da ns de s fosses communes et épargner àleu rs proche s la doulou reuseépreuve de l’ident ification vi suel le
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Nick Brandt, Zi mbabwe
Kuda et SkyI I, « TheDay May Brea k» (« Le jou r peut se lever»).
Sérietoujoursen coursdepor traits de person nes et d’ani maux, photog raphiés ensemble,tous touchéspar la dég radation et la dest ruct ion de l’envi ronnement. Lesi magesdu prem ierchapitre ontété pr ises au Zi mbabwe et au Kenya, en 2020
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POR TF OL IO 92 AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3
Sa nd ra Mehl, Ét at s-Un is Sit ué eausud-e st de la Loui siane, l’Isle de Je an-C ha rles aperdu 98 % de sa su rfac edepui s1955. C’estàpré sent unem ince ba ndedeter re encerclée pa r le se au xdubayou (c i-cont re,en2017) En 2016,legouvernementfédéral aa lloué48m ill ions de dollar sàl ’État pour orga ni ser, à70k mau nord, la relo ca li sation de se sh abit ants,laq uelle aeul ieu en 2022.I ls sont depui s considérés commeles prem iers réfu giés cl im at iq ue soff ic iels de sÉtats-Uni s.
Collecti fdephotographe si ra niens, Iran
Le 16 septembre 2022 ,Jin aM ah sa Am ini meur t da ns un hôpita ldelac apit ale. Troi sjou rs plus tôt, el le avaitété ar rêté epar la police pour avoi renf reint le code ve st imenta ireenv ig ueu renRépublique isla miqued ’I ra n. Une mort ,u ne inju st ic edet ropq ui en flam me le peuple.Fem me sethom me ss’emparent de l’espace pu bl ic,bravent le sc onda mn at ions le s plus violentes,f il ment ,photog raph ient.C es im ages racontentu nsou lèvement hi stor iq ue au cr ide« Femme, vie, li berté».Ici ,le25o ctobre 2022 ,àTéhéran
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BUSINESS
Interv iew Ibra hi ma Couliba ly
Pétrole Tota lEnerg ies sous pression verte
Un prog ra mme sud-coréen pour le ri za fr icai n
Au Nigeria, la frénésie réformat rice de Bola Ti nu bu
L’Af riqueduSud ac croaucha rbon
Dette La ju rispr udence Zambie
Le pays estpar venu en juin àunaccord de rééchelonnement.Unprécédent quipourraitêtreappliquéailleurssur le continent. Il ya urgence. Le sommet du G20enInde, en septembre, proposera-t-il dessolutionspérennes?
par CédricGouverneur
Alourdiepar lesemprunts souscritsnotammentauprès de Pékin, sonéconomie avaitété laminéepar les impactsdelapandémiedeCov id-19 : en 2020,ellef ut la première nation af ricaineà fairedéfaut sursadette souveraine. Mais la Zambieest désormaislepremier État àobtenir la restructuration de cettedernière. Le 23 juin,enmarge du Sommet pour un nouveaupacte financiermondial, la délégation menéepar le président Hakainde Hichilema aconclu, après desmoisdenégociations, un accord avecleClubdeParis :cegroupede créanciers publicsinternationaux acceptederééchelonner6,3 milliards de dollarsdeladette zambienne, dont 4,1milliards dusà la Banque d’exportation et d’importation de Chine(Eximbank).Lav isite d’Emmanuel Macron àPék in en av rildernier aurait étédécisive.
Lescréanciersprivés–à quile pays doit 6,8 milliards –dev raient accepter desmodalités similaires. Au total,env iron 13 milliards de créances seront restructurées. «HH» (comme le surnomment lesZambiens),qui compareladette à« un py thon autour du cou»,peut se montrer satisfait: cinq fois candidat malheureux auxélections, cetéternel opposant avaitété largementélu en août 2021,faceauprésident sortantEdgar Lungu, justement aprèsavoir promis qu’il sortirait la Zambiedel’ornière de la dette.
1% D’INTÉ RÊTJUSQU ’E N2037
Le sommet de Paris, accusé parles organisationsnon gouvernementales et certainsÉtats (notammentl’A frique du Sud) de se borner àrec yclerde vieilles promesses sous-financées, aura donc eu le mérite de faire éclorecet accord historique sur
la dettezambienne,que l’agence Bloomberg qualif ie de «mission impossible deal ». Et pour cause: le pays ne payera que1 %d’intérêt jusqu’en 2037,puis un ma ximum de 2,5%,soitunrééchelonnement surplusdev ingt ans!
Tout commeleFonds monétaire international (FMI), lesÉtats-Unis se félicitent :lasecrétaired’Étatau Trésor JanetYellen(quis’était rendue en Zambie en janv ier) estime que ce «dealvasoulagerles familles et encourager lesinvestisseurs àrelancer l’économie ». Le pays anglophonede 20 millionsd’habitantsn’est passans atouts: c’estleplusgrosproducteur de cuiv re du continent, aprèsla République démocratique du Congo. L’accord pourrait serv ir de modèle de sortie de crise, notammentpourdeux autres nationsafricaineslourdement endettéesauprèsdePék in :l’Éthiopie et le Ghana. Signedelaconfiance
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Au total, environ 13 milliards de créances seront restructurées, surune période de plus de vingtans.
AF RI QU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BRE 20 23 95 SHUTTERST
retrouvéedes marchés: lesobligations d’État de la Zambieont vu leur cours grimper…toutcomme celles de l’Éthiopie et du Ghana!
Restructurer lesdettes af ricaines s’impose donc :selon la Conférence desNationsunies pour le commerceetledéveloppement (CNUCED),huitpaysducontinent se trouvent en situation de surendettement(Zambie, Zimbabwe, Soudan,Somalie,Sao Tomé-etPrincipe,Malaw i, Mozambique et Congo-Brazzaville) et treize présentent un «risqueélevé » (Bur undi,Cameroun,République centrafricaine, Tchad, Comores, Djibouti,Éthiopie,Gambie, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya,SierraLeone et Soudan du Sud).LaCNUCEDestime en outreque de nombreux États s’approchent d’un «mur d’échéances», dans un contexte de haussedes taux directeurs de la Réserve fédérale desÉtats-Unis, de dollar au sommet,etderesserrementdes conditionsfinancières, tandis que l’inflation ampute le pouvoird’achat et affole lesfinancespubliques.
LA QUESTION À920 00 MILLIARDS
Dans leur nouveaurapport, Un mondededettes,les Nationsunies évaluent sonmontantglobalà 92 000 milliardsdedollars,dont près de 30 %sontdus parles pays en développement !« Un montant disproportionné », s’estalarmé le 12 juillet le secrétaire généraldel’ONU,A ntónio Guterres.Cet te crise de la dette, rappelle-t-il, est« sy nony mede catastrophepour desmilliards de personnes »: «Lamoitié de l’humanité vitdans despayscontraintsde dépenser davantage pour le serv ice de la detteque pour la santéet l’éducation », sans mêmeparler du financementdel’indispensable transition énergétique.Les coûts d’empruntsont,selon lesestimations desNationsunies,huitfoisplus onéreux pour lespaysd’A frique subsaharienneque pour lesriches nationseuropéennes.« Un piège quigénère simplement davantage
de dette»,f ustige AntónioGuterres, pointant «une inégalitéhéritée de l’ère colonialeetintégréedans notresystème financierobsolète». « Parceque cesdettesintenables sont concentréesdansdes pays pauv res, ellesnesont pasconsidérées comme présentant un risque systémique pour le système financier mondial»,déplore le diplomatepor tugais. Lesinstitutions internationales ont en effet étémises en place en 1944,lorsdela conférence de Bretton Woods. Et malgré les critiquesrécurrentes quantàleurobsolescence, ellesn’ont jamais été réformées…Cesystème, constate le patron de l’ONU,n’est paspar venu àaider lespaysen développementàgérer« la cascade actuelle de chocsimprév us », tels queles conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Uk raine. Depuis 2020,165 millionsdepersonnes supplémentaires ont basculédans
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LEWIS JOL Y/EP A-EFE/POOL MAXPPP OUT
La CNUCED estime quede nombreux États s’approchent d’un« mur d’échéances ».
Le présid entH akaind e Hic hi lema lor sd el as éance de clôtured uS om met pour un nouvea up acte financi er m ondi al, àParis , le 23 ju in de rn ie r.
la misère,estimentles Nationsunies, quiinsistent surlacorrélation entre endettement, dépensessociales insuffisantes et paupérisation galopante.L’organisation plaide pour «unmécanismeefficace de règlement»,qui prenne en charge «lasuspension despaiements, desconditionsdeprêtpluslongues et destauxplusbas », ainsi qu’une« augmentation massivedes financements abordables àlong terme»,cequi passeraitpar la transformation du fonctionnement desbanques multilatéralesde développement afin de soutenir le développement durable.
C’estceque promeutl’agenda de Bridgetown,dunom de la capitale de la Barbade, cetÉtatinsulairedes Caraïbes particulièrementv ulnérable auxeffetsduchangementclimatique. LancéelorsdelaCOP27 de Charm el-Cheik h, en novembre 2022,et portée parladynamique Première ministre barbadienneMia Mottley, cetteinitiativepropose en effetla création d’un «fonds mondialpour l’atténuation deseffetsduchangement climatique », doté de 500milliards de dollarsetfinancé parles «droits de tiragespéciaux» du FMI.
Le sommet du G20, quia lieu les9 et 10 septembreà NewDelhi,pourrait voir cesidées avancer: l’Inde,pays organisateur,s’est en effetfixécomme prioritéune réformedes institutions financièresinternationales.Dans un mondeensurchauffe(du fait du changement climatique)etsous tension (à causedelaguerreen Uk raine),l’ambitieux et optimiste slogan de cette18e réunion desÉtats lesplusdéveloppéséconomiquement invite àlaconcordecomme àla responsabilité :« UneTerre,une famille,unf utur »(«One Earth, oneFamily, oneFuture»). ■
LESCHIFFR ES
109% C’estlahaussedes ventes de kits solaires àdes particuliers surlecontinentau secondsemestre 2022.
+1173% !
LA CAPACITÉ D’ÉN ER GI E
RE NOUVEL AB LE EN AFRIQU E D EVRAIT ÊTRE DE 21,5 GIGAWATT SE N2 023 (D EQ UO IALLUM ER 215M ILLI ON SD’AMP OU LE S ÉLECTR IQ UES DE 10 0WAT TS).
21 pays d’Afrique subsaharienne ontsubiuntaux d’inflation àdeux chif fres en 2022, contre neuf en 2021.
Lesexpor tations de pétrole russe vers l’Afriqueont quasimentété multipliées par 12 depuis les sanctions occidentales consécutives àla guerre en Ukraine.
LA DE MAN DE MO N D IALE EN LITH IUM (M INE RAI TR ÈS PR ÉS ENTS UR LE CO NTI NE NT )AÉ TÉ MULTI PLIÉ E PAR3 ENTR E2 017E T2 022.
1,9jour, soit la réductionenmoyenne du temps de passage en douane pour les exportations quepourraitentraîner l’accord commercial multilatéral dans le cadredelaZonede libre-échangecontinentaleafricaine(Zlecaf).
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SHUTTERST OCK (2)
Ibrahima Coulibaly
européenne estdavantage un concurrentqu’un partenaire »
Le Covid-19,puislaguerre en Ukraineont remisàl’ordre du jour la question de la souveraineté alimentaire.Leprésident malien du Réseau desorganisations paysannes et desproducteurs agricolesde l’Afriquedel’Ouest,également ex-ambassadeur desNations unies pour l’Annéeinternationalede l’agriculturefamilialeen2014, pointe la responsabilité du sous-investissement dans le secteur.
proposrecueillis par CédricGouverneur
AM : Le 29 juin dernier,vousavezcosigné un appel danslejournal français Le Monde,pourchanger lesrèglesducommerce internationaletatteindre la souveraineté alimentaire.
Ibrahima Coulibaly: En tant queréseaudela société civile,nousconstatonsque lesÉtats imposent leurs directivesà noscommunautés paysannes.Iln’existe pasde volontépolitique réellepourréglerleproblèmede la faim :les intérêts contradictoiresetoffensifs desÉtats et desgrandes entreprisess’entrechoquent avecles nôtres. LespaysduSud n’ont quetrèspeu de margedemanœuvre. Le 30 juin ,les ministres de l’Agriculturea fricains et européenssesont pourtantrencontrésàRome.
L’Union européenne estdavantage un concurrent qu’un partenaire: elle n’apas d’intérêtàrenforcer notre intégration régionale. Elle préfère négocier
séparémentavecdes pays af ricains, commeavec lesaccordsdepar tenariatséconomiques,plutôt que de voir nosÉtats négocier en bloc pour représenter lesintérêts du continententier.Les ministresde l’Agriculturearriventaux négociations en ordre dispersé. Pour tant,nousdisposons de notre propre espace d’intégrationcontinentale :l’Union af ricaine (UA). C’estdoncà sonniveauque cela doit se décider. Lesministres af fichentleurvolonté de créerdes «chaînes de valeur durables ». Qu ’enpensez -vous?
Il faut nourrirlaterre.Or, on sait quela« révolution verte» aprovoquédes dégâts en Asie,car trop d’entrants épuisentles sols.Cen’est pascemodèle quenoussouhaitonspromouvoirenA frique.R ien ne nous oblige àcultiverdes produits destinés à l’exportation,puis importer ce quel’onconsomme. Il faut quelecontinentmaîtrise sa propre direction. On peut produire du blé, ainsi queduriz. Lorsqu’une crisef rappeetque lespri xgrimpent, nosdirigeants vont mendierdel’aide. Alorsqu’il faudrait réorganiser leschaînes de valeur pour sortir de cettesituation.Car le vrai problèmeest le manqued’investissements dans l’agriculture, souventloindes engagements de Maputo [en2003, lesprésident safricains s’yétaient engagés àcon sacrer 10 %deleurbudgetausecteur, ndlr]. Lesproduits agricoleseuropéensimpor téssont souvent moinschersque les produits locaux ! Comment yremédier?
En mettantfin au sous-investissement. Prenez le «poulet-bicyclette »d’A frique de l’Ouest, élevépendant desmois, et non45jours commelepouletindustriel européen [sur nommé« poulet-morgue» au Bénin, ndlr] :le sous-investissementempêche de bienstr ucturer la filière af in queleproducteuretleconsommateurenprofitent. La maladiedeNewcastle, parexemple,décimedes élevages familiaux de volaille,alorsqu’ilsuffitd’investir
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«L’Union
dans la vaccination. Le Burk inaFasol’a fait,avecsuccès. Prenez le rizthaï: il estexpor té dans le mondeentier (notammentenA frique)car l’État thaï landaisl’achète àunprixgaranti et l’exporte. Il suffirait donc d’une politiquecohérente pour quecelafonctionne. Lespolitiques actuellesne profitentqu’àune minorité, alorsque 75 %de la population estpaysanne. Il faut investir pour protéger cettedernière,pourqu’elle puisse vivredeson travail, assurer un avenir àses enfants, sans succomber auxsirènes de l’exoderural,voire du terrorisme !Les paysansfont ce qu’ilspeuvent,maisils ont besoind’investissements. Le17juillet, Moscou asuspendu l’accord sur lesexportationsdecéréales ,signé un anplustôt. Quelsont étéles impacts de la guerre surl ’agriculture africainefamiliale ?
Ce bléukrainienetr usse n’apas d’intérêtpournous. Face àces crises répétées,ilfautinvestir dans lessolutions quifonctionnent. Le prix de certains engraisatriplé, et désormais, desministresserésignent àdireque, finalement,l’agroécologie estlasolution.Onatoujours tort d’avoirraisontroptôt :lorsque nous en parlionsil yav ingt ans, nous étionsprispourdes marginaux. Malgré le dédain desautorités de l’époque,nousavons forméplus de 20 000 personnes au Mali !Oui,les matières organiques nourrissentlaterre.Les famillespeuvent produire
leur propre compost.Noussoutenons cesdernières, mais nous n’avonsaucun soutienauniveauétatique. Comment limiter la spéculation surles produits agricoles(laquelle estenpar tieresponsable de la hausse descours depuis février2022) ?
Elleconstitue hélas uneforce économique qui, même si elle n’estpas vertueuse, permet àcer tains d’en vivre. Lesimpor tationsdeblé et de rizenrichissent certaines élites,qui n’ont pasintérêtàceque la situation change.Nousavons besoind’une volonté politique forte. LesÉtats doiventprendreleurs responsabilités. La monoculturemontreses limites :ladiversi fication descultures et l’agroforesterie progressent -elles?
Ce modèle importédel’accaparementdes terres est destructeurpourles communautés. Avantlacolonisation, notre système de production alimentaireavait toujours étédiversifié: nous pouvonsrecréerunenv ironnement diversif ié et nutritif, avec desarbresf ruitiers dans les champs –l’agroforesterie–, desvolailles et desherbes, qui, unefoiscoupées, serv iront de fertilisant naturel.Ilfauts’y mettre tous ensemble.Que les gouvernementsdéveloppent leurproprestratégie et mettentenplace une politiquecohérente,pourque l’agricultureredev ienneun secteurattractif,qui offre un avenir àlapopulation. Produireplusdecéréales et de tubercules africains(teff,sorgho…) pourrait- il constituer unealternative auximpor tations?
Lesgensn’ont jamais abandonnélemil,lesorgho, le teff [dan sla Cornedel’Afr ique, ndlr],lefonio,diététique et adapté auxdiabétiques.Nos grands-parents ne connaissaientpas le maïs.Or, il estgourmandeneau et en intrants.Cen’est paslepaysanqui le cultive quis’enrichit, mais lesintermédiaires.Les agriculteurs se retrouvent souventprisà la gorge, piégés, carl’achat desintrants lesendette.Làencore, nous avons besoind’une vraie volonté :s’ilexistaitune véritablepolitique de valorisation de cescéréales af ricaines,les paysansles cultiveraient davantage! Même lorsque la prisedeconscienceest là, quandonest prisonnier d’un systèmeetque l’on ades créditssur le dos, il estdifficile d’en sortir ■
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DR
«Riennenous oblige àcultiver desproduits destinés à l’exportation, puis importerceque l’on consomme. Il faut quele continentmaîtrise sa propre direction. »
Un puit se n cons tructi on, dans le pa rc nation al Murchi son Fal ls, en Ou gan da, en févri er 2023
Pétrole TotalEnergies sous pression verte
La mobilisation contre lesmégaprojets de la compagniefrançaise, en Ougandaet en Tanzanie, ne connaîtpas de répit.
Le6 juilletdernier, le tribunal judiciaire de Parisa jugé «irrecevable » la procédureintentée contre TotalEnergiespour« inaction climatique ». La bataille judiciairen’est cer tainementpas terminée :legroupe pétrolierest en effetpoursuivi devant lestribunaux,depuis janv ier2020, paruncollectif composédesix associationsf rançaisesetougandaises –maisaussi de 16 collectivités territoriales, parmilesquellesfigurent
notammentles villes de NewYork et de Paris–,qui devraitfaireappel. Cesdernières sont déterminées àcontraindrelamultinationale àrenonceraux mégaprojetsTilenga et Kingfisheretà l’oléoducEast Af ricanCrude OilPipeline(EACOP) –représentantuninvestissement de 10 milliards de dollars. Le 28 février, la justicef rançaise avaitdéjàjugé de la mêmefaçon la plainte déposée parles sixassociationscontre TotalEnergies, en vertud’une loi
de 2017 quiobligeles multinationales àveiller au respectdes droits humains lorsqu’ellesinvestissent àl’étranger.
LesprojetsTilenga et Kingfisher visent àl’extraction desréser vesde pétroledes alentours du lacA lber t, en Ouganda, parlegroupef rançais et la ChinaNational Offshore Oil Corp (CNOOC). Le pétrolepompé sera ensuitetransportév ia l’EACOP sur1 443k ilomètresjusqu’au port de Tanga, en Tanzanie. La production devraitdébuter dèslepremier
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BADRU KA TUMBA/AFP
Le contine nt ac onsom mé pl us de 30 0m il lions de to nn es de cettec éréa le,m ais n’en ap ro du it q ue 210m illion s. Ci -c ontre, au Sé né gal
semestre 2025,etson pic est estimé à230 000 barils parjour. En Ouganda, le projet implique le forage d’environ400 puits, dont 132dans le parc national MurchisonFalls(qui s’étendsur 3840 km2). TotalEnergies déclareêtreconscient du «contexte sociétal et environnementalsensible» et promet de «limiter à10lenombre d’emplacementdepuits »dansleparc, viades forageshorizontaux. Du côté de la Tanzanie,letracé de l’oléoduc implique l’acquisition de terrains et le déplacementderiverains.
Le groupe pétrolierfrançais abienmis en placeunprogramme de compensation,maisunrapport de l’ONGHuman Rights Watch, rendupublicle10juillet,évoque «undésastrepourlaplanète », le projet ayantdéjà« dévastéles moyens de subsistancedemilliers de personnes».Selon lestémoignages qu’elle arecueillis,celui-ci« déplacera plus de 100000 personnes» (un chiffrecontesté parTotalEnergies). Des agriculteurs ontenoutre indiquéàl’organisation qu’ils avaientété intimidéspoursignerdes documentsqu’ilsnecomprenaient pasetqu’ilss’étaient endettés en attendant–parfois desannées–leur indemnisation. «E ACOP ne devraitpas être mené àson terme»,conclut l’ONG.
Le contexte de la transition énergétique met lescompagnies pétrolièressouspression,alors que l’Af rique–qui atrès peu contribué au réchauffement climatique par rappor taux pays industrialisés
cherche àvaloriser sesressources en hydrocarburesafindese développer.Les autoritésougandaises estiment déjà lesinvestissements réalisés à6,9 milliards de dollars, dont 1,8milliardde dollarsdecontratsremportés pardes entrepriseslocales ■
Un programmesud-coréen pour le rizafricain Séoulethuitpaysont
signéunpartenariat
afindedevenir autosuffisants d’icià dixans.
Leministèredel’Agriculture sud-coréen et huit pays africains(Sénégal, Gambie, Guinée,Guinée-Bissau, Cameroun,Ghana,Kenya et Ouganda) ont lancéle10juillet l’initiative Korean Rice Belt (« ceinture de rizcoréenne »),avecpourobjectif d’atteindrel’autosuffisancedansla production de cettecéréale.En2020, le continenta consommé plus de 300millions de tonnes de riz, mais n’en aproduit que210 millions,le resteayant étéimporté.Or, la crise sanitaire, puis la guerreenUkraine ont démontré la vulnérabilitédes chaînes d’approv isionnement, tout commelavolatilitédes prix,encas de crise. L’agriculturedelaCorée du Sud– un pays pauv re jusque dans lesannées1960–asurépondre à90% desbesoins en rizdesa
population de 51 millions d’habitants. Séoul, parcet accord quientre dans le cadredel’aidepublique au développement,veutfaire bénéficier de sonexpérienceses partenaires africainspourqu’ilspuissent àterme se passer desimportationsderiz, en leur fournissantdes variétés de plants àhautrendement,des machines agricoles, et en leur partageant son savoir-faire.Danschacundes huit pays seront produitesles semences lesmieux adaptées auxconditions locales. La Korean Rice Belt bénéficiera d’icià2027d’unplande financementde80millionsdedollars, aannoncé ChungHwang-keun, le ministre de l’Agriculture. Séoul pourrait étendrecette coopération à d’autres Étatsducontinent, plusieurs d’entreeux luiayant exprimé leur volontédeparticiper. ■
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ALAMY
Au Nigeria, la frénésie réformatrice de Bola Tinubu
Depuis soninvestiturefin mai, le nouveauprésident bouleverse l’économie pour extraire le pays du marasme. Mais en attendant, la population souffre.
Élu le 25 févrierdernier et introniséle29mai, Bola Tinubu pourrait entrer dans l’histoire enétant l’exactopposéde son prédécesseur: en deux mandats (2015-2023), MuhammaduBuhari avaitgagné,par sonimmobilisme, le surnom guère flatteur de «BabaGoSlow»…Pourtant issu du même parti, le Congrès desprogressistes, Tinubu fonce, multipliant les mesuresradicales. Dèsle1er juin –etcomme promis
lorsdesacampagne–,ilasupprimé lessubventions surlecarburant, quiabsorbaient 10 milliards de dollarspar an,soit20% du budget de l’État fédéral: un coût décrié parles milieux économiques, la BanquemondialeetleFonds monétaire international(FMI).
Lesautorités avaientdéjà envisagéen2012deles supprimer, avantdereculer face auxrisques de troubles sociaux. Bola Tinubu, lui, aosé, malgré lesimpacts sur le pouvoird’achat de la population :
le coût d’un pleind’essence aété multipliépar troisenquelquesjours Le budget familialconsacréau carburantéquivautdésormais àun tiers, voireàlamoitiédusalaired’un employé… De nombreux Nigérians de la classe moyenneont renoncé àleurvoiture et optent pour le bus ou le covoiturage. L’administration incite au télétravail pour év iter des déplacements àses fonctionnaires, quiréclament deshausses de salaire. D’autant quelerenchérissement des coûtsdetransportsgénère deseffets
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EMMA OSODI/XINHUA/RÉA
Lo rs de sa victo ire le 1er mar sd er ni er, àA buja
en cascade: uneinf lation record de29% étaitattenduefin juillet.
Autremesurefor te :ladévaluation du naira. Lesmilieux économiques la réclamaient depuis longtemps, déplorantl’écart –souvent du simple au double –entre le taux de change surlemarchéparallèleetl’officiel, ar tificieletsurévalué,qui faisait fuir lesinvestisseurs.Lenaira est désormaisdavantage en phaseavec la réalitééconomiquedupays: il s’échangeait mi-juillet à770 pour 1dollar, contre 460fin mai!
Tinubu aégalement limogéle patron de la Banquecentrale, Godw in Emefiele,v ilipendé pour sa tentative de remplacerl’ensembledes billets de banque,cequi avaitprovoqué unepénurie de cash et desscènesde chaos, en pleine campagne électorale Le chef de la Commission nigériane contre lesdélitséconomiques et financiers aégalement pris la porte: Abdulrasheed Bawa estaccusé pudiquementd’« abus ». Lesautorités ont aussiannoncé la création d’un comité présidentiel surlapolitique budgétaireetles réformes fiscales dans l’optique« d’améliorer la collecte desimpôtsetdeluttercontrel’évasion fiscale»,etavecpour« objectif que lesimpôtscollectés contribuent à18% du PIBd’icitrois années».
Lesmilieux économiques et lesmarchés financiers saluentces décisions: le cours desobligations d’État estauplushautdepuis quinze ans. Unepar tiedelapresse nigérianeetdes associations (telle queA mnesty International) déplorent cependantque le président–qui mise surles effets bénéfiques à moyenterme pour l’économie nationale–tarde àannoncerdes aides compensatoires,afindepermettre àlapopulation de surmonter les impactsimmédiats de cesréformes. ■
L’Af riqueduSud accroaucha rbon
Le premierémetteurdeC02 du continentrechigne àrenoncerà cetteroche,malgréles pressionsoccidentales.
Douzièmeémetteurmondial de gazàeffet de serre et premierducontinent, l’AfriqueduSud n’est pasprête àrenonceràsaquinzaine de centralesà charbon, quiassurent 80 %desafournitureenélectricité Telaété le messagetransmisàla ministredes Affaires étrangères allemandeA nnalena Baerbock, en visite àJohannesbourg finjuin pour tenter de convaincrelepaysde tournerlapagedes énergiesfossiles, lorsqu’elle arencontré le président Cy ril Ramaphosa. Lors de la COP26 de Glasgowen2021, Pretoria s’était pourtant engagé àenfinir avec ses centralesàcharbon,notamment grâce auxfinancementsduPartenariat pour unetransition énergétique juste, un programmeà8,5 milliards de dollarsfinancéspar l’Union
européenne et lesÉtats-Unis. Depuis 2020,l’opérateur national d’électricité ESKOMs’avère en effet incapablederépondreaux besoins des60millions de Sud-Africains: le pays estconfrontéàdes coupures pouvantdurer 10 heures,cequi plombe sa productivité économique et fait fuir lesinvestisseurs.Les industrielsdes mines,qui emploient plus d’un demi-milliondetravailleurs (alors qu’untiers de la population active estauchômage), ontsu convaincre lesautorités quel’usage de davantagedecharbon étaitla solution àlacrise énergétique.Au granddam desécologisteslocaux, qui pointent au contrairel’obsolescence descentrales et l’énorme potentiel dontdispose le pays en énergies renouvelables,avec2 500heures d’ensoleillementpar an ■
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SHUTTERST OCK
Sa qu inza in e de ce ntra le sa ssure 80 %d esafou rn itu re en él ectri ci té
Stop auxintoxications alimentaires !
LE RISQUE ESTPER MA NENT,l ié àl ’hyg iène,sur tout ali ment ai re, et aggravépar la chaleu r. El lessontf réq uentes chez lesjeu nesenfants et lespersonnes âgées. Et sont àprend re au sérieu x.
Toutessortesdebactéries et agents infectieuxinv isiblessontprésentsdansles aliments crus ou peucuits.Engénéral,l’acidité de notreestomac tueles intrus,maislorsd’un manqued’hygiène ou de conser vation,les bactériessemultiplient àl’excès :elles s’attaquentà la muqueuse intestinaleetprovoquentlaplupart du tempsdes sy mptômes de gastro-entérite, quipeuvent entraîner, plus rarement,des intoxicationssévères, surtout chez lesjeunesenfants.Souvent dues àdes négligencesouàdes méconnaissances, lesinfectionsalimentaires sont plus fréquentes quandilfaitchaud,car lesbactéries prolifèrent alors àv itessegrand Vetproduisentbeaucoupdetoxines.Deplus, en périodedevacancesoudurantles voyages, nous prenonsnos repasàl’extérieur,etmaîtrisons donc moinsnotre hygiènealimentaire.
En cuisine,les gestes clés
Lors de la préparationdes repas, le respectderèglesstrictes permet d’écarterlerisque d’infections.Ilfautselaverles mainsavecdusavon pendantaumoins 20 secondes avantdecuisiner, et recommencer aprèsavoir manipulé desproduitscrus(viandes, volailles,œufs,végétaux),maiségalement avantdemanipulerdes aliments quiseront mangéssanscuisson.Ilest aussinécessaire de bienrincer leslégumes et lesfruits, même ceux quiseront épluchés.Les ustensiles (couteau,hachoir…)méritent beaucoup d’attention :ilfautles nettoyer entrechaqueproduit cru, ou bienenchanger.Unconseilqui vaut égalementpourlaplanche àdécouper,laquelledoitêtrescrupuleusement nettoyée àl’eau très chaude avec un détergent, en frottant bienles endroits entaillés,véritablesnidsà microbes.Enfin,lors d’un barbecue,neremettezjamaisdes aliments cuitsdansles platsutilisés pour lestransporter crus
La chaînedufroid,c’est essentiel
Quandilfaitchaud,les aliments fraisdoivent être rapidementmis au réfrigérateuraprès achat. La température de ce dernierdoit être à4°C maximumdanslazonelaplusfroide (variant selon les appareils),qui doit être utilisée pour stockerles viandesetles poissons crus,oules préparationsmaison àbasedeproduitsd’origine animale.Toutdoitêtreemballé, dans desboîtes(en verreouplastique), de l’aluminium, du film plastique… Chaque salissureest àenlever aussitôt,etilfautprévoirunlavage àfondaumoins unefoispar mois.L’appareilnedoitenoutre pasêtrerempliàl’extrême, afin quel’air circuleetrefroidisse bienles aliments.Ànoterqu’il faut placer au froidunplatcuitaumaximum 2heures aprèsl’arrêt de sa cuisson, sans l’ymettreencorechaud (lerépartir dans plusieurs récipientsaideau refroidissement), carcelaaugmenterait inutilementlatempératureduréfrigérateur.Enfin,les platsdu traiteur et lespâtisseries àbasedecrème sont àconsommer dans lestrois jours, la mayonnaise et la mousse au chocolat maison dans les24heures, et lesrestesd’unpique-nique au soleil doiventêtrejetés
VI VR EM IE UX 104A FR IQU EM AGA ZINE I 44 3- 444 –A OÛ T- SE PT EM BR E2 02 3
Pa ge sd iri gée sp ar Danie ll eB en Ya hm ed
Attentionaux personnes fragiles et auxpoissons!
Lesplats,potsouverts et biberonsdestinésaux nourrissonsne doiventpas rester plus de 1heure àtempérature ambiante,etde48heures au réfrigérateur. Pour lespopulations sensibles, commeles enfants, les personnesâgées ou immunodéprimées, il faut cuireàcœur(plus de rose) lesv iandes hachéesetles produits quiencontiennent. Pour tout le monde, lesvolailles(quipeuvent être contaminéespar desbactéries Campylobacter) doiventêtrebiencuites: pasdev ianderosée,oulaissantcoulerunliquide sanguinolent près de l’os (delacuisse souvent).Côté œufs,leurs coquilles, quipeuvent être porteusesdebactéries salmonelles, ne doiventpas être lavées ou exposées au soleil –cela détruirait le film barrière en surfacequi protègel’intérieur –et, en cas de perçageoudefissure,ilfautles jeter. Mieuxvautd’ailleurs ne pasles casser surlebordd’unrécipient,celapourraitlecontaminer.Les farines peuventenoutre cacher desbactéries Escherichiacoli: la cuisson en protège, mais il ne faut jamais goûter de la pâte àtarte crue,qu’elle soit maison ou industrielle (mêmechose pour lespâtes àgâteauouàpizza).
Enfin, lespoissonsdoivent fairel’objet d’unevigilance accrue.Deplusenplusconsommés crus (sushis, carpaccios,ceviches…)oumi-cuitsavecl’arête rosée, lessujetssauvages(ceux d’élevage sont sans risque)ont un risque de transmettredes parasites, avecàlaclé uneinfection nommée anisakidose. Merlus,anchois,chinchards, maquereaux, ainsique thons, bars,seiches et calamars sont beaucoup contaminéspar cesparasites,trèsprésents dans tous lesocéansetmersdumonde –etindétectables àl’œil nu.L’anisakidose provoque desdouleurs violentes et permanentesdel’estomac débutant 3heuresaprès l’ingestion dans la moitié descas,ouunventregonflé, desdouleurs abdominales souventintenses, desvomissementsetunblocage du transitintestinalauboutd’un àtrois jours.Ilarrivemêmequ’il failleôterune partie d’intestin contenant cesintrus. Pour s’épargner cesmaux, il existe uneprévention efficace à100 %: tout poissonqui sera utilisécru,marinéoumi-cuit estàcongeler préalablementpendant unesemaine. Et au restaurant,ilfautoserdemander si cettemesureest prise.
Si le maladvient, quefaire?
Lessignesdegastro-entérite sont nombreux: au moinstrois selles molles ou liquides en quelques heures,spasmes ou douleurs abdominales,parfois vomissements,fièvre… Si le malade estunenfantdemoins de 2ans,ilfauttout de suitelui donner unesolution de réhydratationorale (vendueenpharmacie)etconsulter rapidement. Même conseildeserendrechezunmédecin pour lespersonnes âgéesfragiles,etpourtoutunchacunfaisant face àplusieurs sy mptômes: sang dans lesselles, douleurs intenses et permanentes dans unepartie du ventre faisantcraindredes lésionsintestinales, ou fortefièvre pendantplusieurs jours.Autrement,durantl’orage digestif,ilest recommandédeboire beaucoup (les sodasàbasedecolanesuffisent pas),demangerdes glucides (amidonduriz, pâtesoupommes de terre) et salé pour quel’hydratation soit efficace. Lescrudités, lesfruits, lesjus et lesproduitslaitierssontàéviter. La guérison surv ient en un àtrois jours.Enattendant d’allermieux,prendredes médicamentsantidiarrhéiquespeutêtreutilepourles personnes devant continuerà travailler,maiscen’est pasforcément la meilleuredes choses : en réduisantles troubles digestifs, ilsbloquenteneffet lesmicrobes dans lesintestins et peuventainsi allongerladurée destroubles. ■ Annick Beaucousin
Touteeau n’est pasbonne àboire
En randonnée, il ne faut surtoutpas boire l’eaudes ruisseaux,mêmesielleest fraîche et claire,car elle peut être contaminée en amont pardes agents infectieuxvenant d’animaux ou autres.Dans unezonedebaignadeunpeu douteuse,rester la tête horsdel’eau permet d’éviter d’avaler bactéries et parasites. Et pour toutedestination àhaut risque de tourista, lesbouteilles encapsuléess’imposent :faute de certitudesur l’eaupotable,ycomprisàl’hôtel, il faut lesutiliser pour se brosser les dents et ne pas se rincer la bouche sousladouche. Àéviter également, lesglaçons, lesthés glacés et lesjus de fruits, parfois coupés àl’eau.
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SHUTTERST OCK
LE S2 0Q UE ST IO NS
BallakéSissoko
Le MA ÎTRE MA LI EN DE LA KORA estcon nu pour sa musiqueméd itat ive et raffinée.Sader nièreavent ure: un al bu mavecu nq uatuor inclassa ble proposrecueillispar AstridKrivian
1 Votreobjet fétiche?
Ma première kora,offer te parmamère
2 Votrevoyagefavori?
Ma première venueenFrance. Àladescente del’avion,j’aiété saisipar le froid, de la fumée s’échappaitdemabouche… Je découv rais !
Ma carrière internationale acommencélà.
3 Le derniervoyageque vous avez fait ?
En Provence, pour le festival LesSuds, àA rles
4 Ce quevousemportez toujou rs avec vous ?
Mestenuesdescène.
5 Un morceau de musique ?
Je suis fandepuis l’enfancede musiqueindienne. Je m’inspire des râga s pour monjeu de kora
Il yabeaucoupdesimilitudes aveclaculture malienne, commelerespect envers le maître de musique.
6 Un livresur uneîle déserte?
Lespoésiesetproverbes de monpays, desparoles de sagessequi conseillent et apprennent àpenserpar soi-même
7 Un film inou bliable ?
J’ai vu Le Magicien de l’enfer, quiest indien, à14ans.Jeleregarde encore aujourd’hui! C’est l’histoire d’unereine sauvée parson enfant.
8 Votremot favori ?
Je ne sais pas.
9 Prodig ue ou économe ?
Je dépense [rires] !J ’aiunfaiblepourles téléphones
10 De jour ou de nuit ?
De nuit.Enfant, dans notre cour,j’écoutaisjouerjusqu’à l’aube lesmusiciens venusdeGambie, de Guinée-Bissau, du Sénégal, avantleurdépart vers la Côte d’Ivoire
11 Twitter, Facebook, e-mail, coup de filoulettre?
Coup de fil. Et mails, mais àtrèspetites doses.
12 Votretrucpou rpenseràautre chose, tout ou blier?
Prendremakoraetaller chercherlecalme à45k m de Bamako,oùjereste tranquilleavecmes amis.
13 Votreextravagancefavorite?
Rouler la nuit desheuresdurant vers Ségou, Mopti, Kayes…
14 Ce quevousrêviezd’être quandvousétiez en fant ?
Joueur de kora.J ’aiapprisgrâce àmon père.Jejouais en cachette dans sa chambre, carilvoulait d’abord quej’étudie. Aprèsson décès, mongrand-père maternel,unautre maître de l’instrument,m’a transmis sonsavoir et donné sa bénédiction.
15 La dernière rencontre quivousa marqué ?
Lesmusiciens du quatuor LesÉgarés: Vincent Segal, ÉmileParisien, VincentPeirani. Leur musiquemetouche au cœur.
16 Ce àquoivousêtesincapable de résister ?
Jen’aipas vraimentdetentation
Et en cuisine, j’év itelegras.
17 Votreplusbeausouvenir ?
Monpremier mariageciv il
18 L’endroitoùvousaimeriezviv re ?
Au Mali,loindes br uits de Bamako
19 Votreplusbelle déclaration d’amou r?
Monmorceau« ToutiSak iliba»,dédié àmamère, surmon album ATouma.Quand je le joue surscène,j’ailes larmes auxyeux.
20 Ce quevousaimeriezque l’on retien ne de vous au siècleprochain?
Quej’étais un musicien ouvert quia développé la kora tout en respectant sa culture, en créant deschoses nouvellesavecdes collaborations àtravers le monde. J’ai àcœurdetransmettre mesconnaissances auxjeunes. ■
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ALAMY -D R
Si ss okoS ega lParisi en Pe irani, Le sÉga ré s, No Fo rm at !