SPÉCIAL L’AFRIQUE AU FRONT
Ils et elles sont de la même génération, se connaissent depuis leurs études de médecine effectuées à Tunis. Leurs voies s’étaient séparées et aucun ne pensait avoir à vivre une pandémie de cette ampleur. Ils se retrouvent aujourd’hui en première ligne dans la guerre déclarée au Covid-19. par Frida Dahmani
Hechmi Louzir,
directeur général de l’Institut Pasteur de Tunis CE PROFESSEUR en immunologie se destinait à évoluer en France, avant d’adhérer au grand projet de relance de l’Institut Pasteur de Tunis lancé par l’éminent professeur Koussay Dellagi. Aux commandes de la fondation depuis 2007, Hechmi Louzir « s’occupe plus de maladies que de malades ». Après des travaux essentiels sur les interactions hôte-pathogène dans les maladies infectieuses, notamment dans la leishmaniose, il se consacre au déploiement des activités de l’Institut Pasteur avec un 68
soutien au développement de la recherche, le dépôt de brevets et l’accès aux technologies. Fort de sa solide carrière hospitalo-universitaire, Hechmi Louzir a préparé la riposte à l’épidémie de H1N1 en 2009 et fait acquérir à son institution une expertise incontournable. Membre de la task force anti-coronavirus du ministère de la Santé tunisien, il contribue à la veille sur l’épidémie, recommande, informe et rassure. Mais il anticipe aussi et axe une recherche multidisciplinaire sur les diagnostics rapides de masse, la production par l’Institut Pasteur de molécules utiles aux tests et une réflexion autour de simulations ou de modèles mathématiques épidémiologiques. Il ose voir grand et met à profit l’expérience de ses équipes en matière de développement de vaccins pour activer la recherche, mais aussi pour examiner toutes les questions, dont l’éventuelle corrélation entre la vaccination du BCG et la
diminution de l’importance de l’infection au Covid-19. Très écouté à Tunis, il est également, par le biais du réseau des Instituts Pasteur, un interlocuteur et un fournisseur de vaccins et d’expertise du continent africain. Il a ainsi permis à l’institut de Tunis d’être la première structure de recherche financée par le programme européen Horizon 2020 en matière de nombre de projets. ■
Samy Allagui, médecin généraliste et urgentiste
LA MÉDECINE D’URGENCE, c’est la passion de ce généraliste qui n’aurait pas pu se suffire de son cabinet. Le docteur Allagui ne compte plus les nuits de garde. Il
procède également à l’accompagnement de malades durant le transport et à l’encadrement sur des sites spécifiques, comme les forages, et participe à des simulations de catastrophes naturelles. La pandémie l’a placé au cœur de la détresse humaine. Entre les crises d’angoisse à gérer à distance, la violence domestique qu’il constate lors des visites à domicile et les urgences réelles, Samy Allagui observe le traumatisme d’une population prise de panique : il y a le patient convaincu qu’il va mourir qui veut sacrifier son chat pour ne pas le laisser seul, ou celui, contaminé, qui plutôt que d’avouer qu’il est malade s’enivre et tabasse sa famille. Avec certains confrères, il a mis en place la plate-forme de soutien psychologique Ahkili. Une soupape nécessaire durant cette période. Mais il est aussi dans l’après : il suggère d’enrayer l’automédication, de rétablir des contrôles sanitaires lors des voyages, de faire en sorte que les assurances prennent en charge les épidémies pour que le système de santé reste viable et que le noyau familial, passée la violence pouvant être engendrée par le confinement, retrouve son rôle protecteur. ■
AFRIQUE MAGAZINE
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404 – MAI 2020
DR
Une équipe tunisienne pour faire face