OUTRE-MER grandeur Nature n°17 _ juillet-août 2023

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ÉDITO | O livier T hibaulT , direc T eur général de l ’OF b SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON | écOuTer l ’Océan avec le prOjeT inOuï TAAF | le crayO n p O ur décrire la beau T é des Taa F SOMMAIRE 2 édito 3 actu outre-mer 6 Saint-Pierre-et-Miquelon 8 Saint-Martin 10 Saint-Barthélemy 14 Martinique 18 Guadeloupe 24 Guyane 28 Île de La Réunion 34 Mayotte 36 TAAF 41 Wallis-et-Futuna 44 Polynésie française 50 Nouvelle-Calédonie OcéIndia
UNE n°17 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT JUILLET | AOÛT 2023 POLYNÉSIE FRANÇAISE | CORAL GARDENERS : OBJECTIF 100 000 CORAUX
grandeur Nature OUTRE-MER

ÉDITO

PAR OLIVIER THIBAULT, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’OFFICE

FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ (OFB)

Fort de ses 3 000 agents, l’Office français de la biodiversité (OFB) s’installe dans sa troisième année d’existence et avec elle, se poursuit un important travail de co-construction pour œuvrer chaque jour en faveur de la biodiversité.

En Outre-mer, notre responsabilité est grande et l’établissement maintient son ambition de renforcer ses moyens d’action tant à l’échelle nationale qu’aux échelles locales (à l’heure actuelle, ce sont environ 200 agents dédiés aux Outre-mer dont 180 implantés hors Hexagone). La direction des Outre-mer s’articule entre des missions de police, de connaissance, de financement et de mobilisation des territoires ; des missions profondément complémentaires et réparties dans différents services qui travaillent conjointement.

Dans les trois océans, l’OFB déploie des programmes d’appui aux acteurs tandis que les délégations territoriales (DT) en assurent le déploiement local. Dans les DROM, les Unités Techniques Connaissances (UTC) interviennent sur le terrain pour mieux comprendre la biodiversité et les services départementaux (SD) sont, eux, spécifiquement déployés pour assurer le respect de la règlementation environnementale. Enfin,

les Parcs naturels marins de Mayotte et de Martinique ainsi que le sanctuaire Agoa aux Antilles assurent la gestion d’importantes aires marines protégées.

Territoires aux identités plurielles, les Outre-mer font face à un éventail d’enjeux aux fortes spécificités locales. Mais de nombreuses priorités se recoupent. C’est le cas de la problématique des espèces exotiques envahissantes, un enjeu déterminant à La Réunion et aux Antilles par exemple, où les UTC tentent d’améliorer les techniques de gestion et de limiter le déclin des espèces locales. Côté police, les atteintes aux milieux et aux espèces sont des sujets prégnants pour une majorité des territoires, en particulier le braconnage des tortues marines ou les pollutions. La biodiversité ultramarine est aussi fortement impactée par la destruction des habitats naturels, les territoires devant faire face aux défis d’une urbanisation grandissante. Ainsi, les DT œuvrent avec les partenaires locaux pour mieux intégrer la biodiversité aux sujets d’aménagement et concourent à renforcer l’implication des collectivités locales au moyen de dispositifs tels que les ABC (Atlas de biodiversité communale). Enfin, l’une des priorités majeures des Outre-mer reste l’eau, et en particulier l’assainissement. Les infrastructures étant encore insuffisantes, parfois non conformes, nos équipes des UTC constatent les impacts négatifs des polluants sur les milieux naturels et les SD interviennent juridiquement sur les atteintes à l’environnement liées aux pollutions. En parallèle, l’établissement déploie un budget annuel de plus de 20 millions d’euros pour financer des travaux d’assainissement et d’eau potable ou surveiller la qualité des eaux. Avec l’annonce du « Plan eau », les moyens seront encore renforcés : 120 millions d’euros supplémentaires sur quatre ans doivent être débloqués dès 2024.

En tant que nouveau directeur général de l’OFB depuis le 5 juin, et à l’issue de mes 20 années d’expérience au service de la gestion de l’eau et de la protection de la biodiversité, j’ai à cœur de poursuivre la structuration de ce beau collectif de travail qui engage chaque jour toutes ses forces, aux côtés des acteurs des territoires, pour le bien commun. En Outre-mer tout particulièrement, c’est par l’action locale, adaptée et concertée, que nous parviendrons à relever ensemble le défi de préservation de l’incroyable richesse de nos patrimoines naturels et culturels.

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Couverture : les « jardiniers du corail », Coral Gardeners, en Polynésie. © Noé Langronier | Olivier Thilbault. © DR | Portrait ci-dessus : © OFB

« LES OUTRE-MER FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE » AU PROGRAMME DU HUB DES TERRITOIRES

Le Hub des Territoires est un dispositif d’échanges et de développement de la Banque des Territoires créé pour mettre en relation les acteurs publics et privés autour de projets de développement des territoires.

Ouverte par le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon Stéphane Artano, la seconde édition du Hub des Territoires dédiée aux outre-mer s’est tenue le 19 juin et a porté sur la question du changement climatique. Elle a réuni l’ensemble des partenaires et des acteurs territoriaux autour de la thématique « innover pour s’adapter ». La Banque des Territoires et son Hub ont ainsi proposé une séquence consacrée aux outre-mer où experts, collectivités, porteurs de solutions et représentants de l’État ont partagé leurs éclairages et retours d’expériences sur l’enjeu clé de l’adaptation au changement climatique.

Selon Stéphane Artano, qui est également président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, l’enjeu de l’adaptation est déterminant. « En outre-mer, nous formons de petits territoires à l’échelle de la planète, nous sommes en grande majorité des territoires éloignées, isolés des grands pôles d’activités humaines. Nous ne pouvons pas “lutter” contre le changement climatique à l’échelle de nos outre-mer… Mais l’outre-mer, c’est un effet loupe de ce qui se passe en métropole. Si on échoue à s’adapter sur un petit territoire comme Miquelon-Langlade par exemple, comment pouvons-nous imaginer y arriver sur un territoire aussi grand que l’Hexagone, avec près de 66 millions d’habitants ? » Pour plus d’information, les échanges de cet événement sont consultables depuis le lien ci-dessous.

+ d’info ici : https://www.youtube.com/

watch?v=ZoAoIfrVIGo

L’UNION EUROPÉENNE INVESTIT 33 MILLIONS D’EUROS POUR LA BIODIVERSITÉ ULTRAMARINE D’ICI 2030

Au cours de la « Semaine verte européenne » qui a eu lieu du 3 au 11 juin dernier, le député européen Stéphane Bijoux a annoncé le lancement d’une nouvelle phase de l’initiative BEST 1, baptisée BESTLife 2030, pour un montant de 33 millions d’euros sur la période 2023-2030.

Cette initiative vise à financer et accompagner des porteurs de projets engagés pour la préservation de la biodiversité dans les Pays et territoires d’outre-mer (PTOM), soit à l’échelle des outre-mer européens. Pour le député réunionnais : « Il est impératif de valoriser cette initiative et d’aider les acteurs locaux à accéder aux financements. Les Outre-mer ont le potentiel de devenir, avec le soutien de l’Europe, de véritables territoires de solutions locales aux défis environnementaux globaux. »

Au cours des 12 dernières années, l’initiative BEST a notamment permis de définir des profils d’écosystèmes ainsi que des stratégies d’investissement, et de soutenir plus de 100 projets tels que : la restauration des habitats prioritaires à Saint-Martin, la protection de la forêt sèche en Nouvelle-Calédonie, l’inventaire des populations d’échinodermes à Mayotte... 1 BEST est l’acronyme de Biodiversity and Ecosystem Services in Territories of

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European overseas – Biodiversité et services écosystémiques dans les territoires d’outre-mer européens.

SAINT-BARTHÉLEMY : LES ENFANTS

MOBILISÉS POUR LA GESTION DU FORT KARL

En 2022, une aire terrestre éducative a été mise en place par l’école de Gustavia sur le site du Fort Karl, propriété du Conservatoire du littoral gérée par l’Agence territoriale de l’environnement de Saint-Barthélemy. Les enfants ont pu présenter leurs actions et productions réalisées sur ce site lors d’une exposition fin mai dans le cadre de l’anniversaire des 10 ans de l’ATE.

MAYOTTE : LE RÉSEAU DES

GESTIONNAIRES DES ESPACES

NATURELS DU LITTORAL SE RENFORCE GRÂCE AUX INTERCOMMUNALITÉS ET AUX ASSOCIATIONS NATURALISTES

À l’occasion de la visite à Mayotte en juin d’Agnès Langevine et Agnès Vince, respectivement présidente du conseil d’administration et directrice du Conservatoire du littoral, la gestion de quatre nouveaux sites a été confiée à la CADEMA (anse d’Hajangoua), à la 3CO (baie de Soulou), au GEPOMAY (baie de Bouéni et lac Karihani) et aux Naturalistes de Mayotte (îlots d’Hajangoua). L’implication sur le terrain de ces nouveaux gestionnaires est indispensable pour la surveillance, l’entretien, la valorisation et l’animation des sites.

GUYANE : LE PLATELAGE DES SALINES DE MONTJOLY REFAIT À NEUF

LA RÉUNION : BONNE NOUVELLE POUR

LA BIODIVERSITÉ À L’ÉTANG DU GOL !

Alors que l’espèce n’avait plus été observée sur l’île depuis 1889, un groupe d’ibis falcinelle de 13 à 17 individus s’est installé mi-avril aux abords de l’Étang du Gol, dans la commune de Saint-Louis, sur un site protégé par le Conservatoire du littoral et géré par la CIVIS. Un suivi régulier a été confié à la SEOR et aidera à définir les meilleures conditions d’accueil de cette espèce.

Après près de 20 ans de bons et loyaux services, le sentier en platelage qui permet la découverte de la mangrove des Salines de Montjoly présentait des signes d’usure et nécessitait une réfection généralisée pour continuer à accueillir en toute sécurité le public nombreux qui le parcourt chaque jour. C’est désormais chose faite grâce à l’intervention du Conservatoire du littoral, qui a bénéficié pour cela d’une aide financière de 100 000 euros du ministère de la Transition écologique.

En Guyane, le platelage –ou plancher de charpente –des Salines de Montjoly a été récemment rénové et sécurisé par le Conservatoire du littoral. © Matthieu Delfault

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Exposition réalisée à Saint-Barthélemy par les élèves de l’école de Gustavia pour les 10 ans de l’ATE. © Anne-Marie Bouillé Visite de la présidente et de la directrice du Conservatoire du littoral à Mayotte en juin 2023. © Alain Brondeau Ibis falcinelle observés à l’Étang du Gol. © Nicolas Boulard

GUADELOUPE : LA SECRÉTAIRE D’ÉTAT

À LA BIODIVERSITÉ

EN VISITE SUR LE PROJET JA-RIV

Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, s’est rendue en visite officielle le 15 juin sur le site du projet JA-RIV. Elle a ainsi pu découvrir le travail mené par le Conservatoire du littoral et ses partenaires pour reconquérir pas à pas la forêt marécageuse grignotée au cours des dernières décennies par la zone d’activités adjacente. À travers des échanges sur le terrain avec les entreprises riveraines parties prenantes au projet, elle a pu se rendre compte de ses avancées concrètes et des difficultés rencontrées.

SAINT-MARTIN : GRAND NETTOYAGE AU GRAND-ÎLET

En février 2023, le Conservatoire du littoral, la Collectivité territoriale de Saint-Martin et l’association « Nature is a key » ont signé la première convention de gestion du Grand Îlet, situé au milieu de l’étang de Simpson Bay.

En l’absence de gestion, cet espace naturel se dégradait sous l’effet d’usages anarchiques – élevages de cochons, poulets, cabris – et d’un amoncellement de constructions précaires, de mobiliers dégradés et de nombreux déchets volumineux, polluants et souvent dangereux.

Une vaste action de nettoyage de l’îlet a débuté fin mai grâce à la mobilisation des trois partenaires. Ce préalable indispensable est la première étape d’un projet associant restauration écologique, accueil du public et animation de quartier.

MARTINIQUE : SOUTENIR

LA RÉGÉNÉRATION NATURELLE DE LA MANGROVE AU LAMENTIN

La ville du Lamentin est engagée depuis plusieurs années dans le programme « Réciprocité » qui vise notamment à la réhabilitation de la mangrove de la Lézarde et la Cohé du Lamentin. Les arrivées d’eau douce, issue de la zone d’activité économique adjacente, entraînent en effet la prolifération d’espèces invasives et empêchent la régénération naturelle des palétuviers. L’écosystème, fragilisé, se retrouve moins résilient. C’est ainsi que des actions d’élimination des espèces envahissantes ont été réalisées par la ville du Lamentin de manière à favoriser la régénération naturelle, et que des espèces indigènes adaptées au milieu ont été plantées. À moyen terme, le projet prévoit la réalisation d’un cheminement piéton et de supports pédagogiques.

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Visite en Guadeloupe de la secrétaire d’État Bérangère Couillard, le 15 juin, sur le site du projet JA-RIV. © Janis Beuve À Saint-Martin, le site du Grand Îlet où une importante opération de nettoyage a été organisée fin mai. © Anne-Marie Bouillé En Martinique, la mangrove du Lamentin a fait l’objet d’actions de lutte contre les espèces envahissantes. © Marie-Michèle Moreau

SAINT-PIERREET-MIQUELON ÉCOUTER

L’OCÉAN

L e projet I nouï porte haut et fort L a vo I x des océans a L exandra h ernandez , art I ste nat I ve et pass I onnée de L ’ arch I pe L , a I ns I qu ’ une équIpe de scIentIfIques de Brest, ont choIsI de mêLer art et scIence pour sensIBILIser à La Beauté et à La fragILIté des fonds marIns.

INTERVIEW

ALEXANDRA FERNANDEZ, AUTEUR-COMPOSITEUR-INTERPRÈTE

• Quelle a été la genèse du projet Inouï ?

- Artiste et Saint-Pierraise, j’ai toujours été attirée et inspirée par l’océan. Le projet Inouï, porté par l’association Transboréales, a démarré il y a un an et demi lors d’une rencontre avec Laurent Chauvaud, directeur de recherche au CNRS. Avec son équipe du laboratoire LEMAR à Brest, il travaille sur les zones

arctiques et subarctiques et évalue, entre autres, l’impact du son anthropique sur les invertébrés.

À la suite d’une année d’échanges et quelques plongées en eaux froides avec eux, j’ai pu réellement comprendre l’impact de l’homme, du bruit, de la pêche, de la pollution, du changement climatique, sur cette faune marine unique en France. Je me suis intéressée aux effets de la surpêche à Saint-Pierre-et-Miquelon et surtout à son avenir particulièrement vulnérable qui doit se préparer à +4 degrés d’ici la fin du siècle. J’ai cherché à mettre des mots et du cœur sur ce constat. Nous avons ainsi réalisé plusieurs sorties en mer, mis des hydrophones à l’eau et débuté l’automne dernier un grand travail d’écriture artistique en studio.

Après trois missions de plongées et des heures de vidéos, nous avons constitué une base de données son et images qui s’inscrit aujourd’hui au patrimoine immatériel de l’archipel et donc de la France.

• L’art, un moyen de faire passer des messages ?

- Tout à fait. L’art et la science n’ont pas toujours été dissociés. Aujourd’hui, on constate des cursus bien distincts dès le lycée puis à l’université avec un niveau de spécialisation qui fait que les scientifiques finissent par perdre cette forme d’intuition que les artistes cultivent. L’intérêt du mariage art/science est de pouvoir réfléchir ensemble, regarder le monde en même temps, sortir du cadre, des mots et des habitudes.

• Comment est construit votre spectacle ?

- D’une durée d’une heure, composé de 10 chansons que j’ai écrites, le spectacle est un voyage dans les eaux de Saint-Pierre-et-Miquelon. Mélange de poésie, de musique, d’images sous-marines, il repose sur un langage hybride traduisant aussi l’émotion des scientifiques qui ont parfois du mal à exprimer ce qu’ils ressentent. Les sons et les chansons ont été arrangés par le pianiste Dominique Fillon et habillés par le percussionniste Franck Camerlynck. Le réalisateur Mathieu Duboscq s’occupe des montages et projections vidéos. Sur scène, je chante, je raconte et je donne aussi la parole à quelques intervenants : acousticiens, chercheurs, expert en biodiversité. La force de ce projet est vraiment dans la création collective.

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Portrait : © Géraldine Robin

• Quels sont ses objectifs ?

- Inouï est un avant tout un spectacle vivant qui porte en musique la beauté et la fragilité des fonds marins. Son objectif est d’émerveiller le public à travers le son et l’image pour lui donner envie de s’intéresser à l’Océan. La forme n’est pas moralisatrice, tout se joue dans l’esthétique. Il s’agit de montrer la réalité et de « maritimiser » les consciences. Avec Inouï, le spectateur découvrira la voix d’une faune sous-marine qui lance un cri d’alerte ! Il nous suffit de tendre l’oreille.

Rédaction et interview : Sandrine

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Chopot Représentations prévues dès mars 2024. Spectacle coproduit par l’Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine (OARA). + d’info ici : https://www.inouï-ocean.com Ci-dessus, de haut en bas : une anémone plumeuse. | Une natice de l’Atlantique. Photos de cette page : © Erwan Amice

SAINTMARTIN

LA FLORE

VASCULAIRE ENDÉMIQUE DES PETITS TERRITOIRES D’OUTRE-MER EST MENACÉE

a ux côtés de p L antes de W a LLI s - et - f utuna , des î Les é parses et de s a I nt - p au L et a msterdam , deux espèces végéta L es de s a I nt - m art I n ont I ntégré L a L I ste rouge de L a f Lore vascu L a I re endém I que des pet I ts terr I to I res d ’ outre - mer c et état des LI eux v I se à I dent I f I er L es pr I or I tés d ’ act I ons af I n de préserver ces espèces endém I ques , parm I L es p L us rares d ’ outre - mer

Au sein des petits territoires ultramarins français, pas moins de 15 des 17 espèces de plantes endémiques qui y sont recensées – dont 9 à Saint-Paul et Amsterdam dans les TAAF – apparaissent comme étant menacées de disparition. Les raisons du déclin de ces plantes qui n’existent nulle part ailleurs sur la planète : l’introduction d’espèces exotiques, la destruction des habitats naturels et les dérèglements climatiques.

Le pois-ficelle de Saint-Martin, de même que le merisier de Boldingh, tous deux endémiques de l’île, ont ainsi rejoint en fin d’année 2022 la Liste rouge des espèces menacées en France, une liste établie conformément aux critères de l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature. Ces deux végétaux de Saint-Martin uniques au monde sont aujourd’hui considérés en danger d’extinction. Si les chèvres en divagation font peser une pression de pâturage sur le pois-ficelle de Saint-Martin, le merisier de Boldingh, arbuste des fourrés secs aux sols calcaires, a vu son habitat grignoté par l’urbanisation et notamment la construction de villas de luxe dans le secteur auparavant préservé de Terres Basses.

Le merisier de Boldingh ou myrcia de Saint-Martin, arbuste endémique très rare de l’île, ajoute son nom à la Liste rouge des espèces menacées en France. © Nils Servientis | Biotope Rédaction : Stéphanie Castre
+ d’info ici : consulter la publication «
vasculaire
petits territoires
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Jadis présent du côté néerlandais de l’île, puis tombé dans l’oubli, le myrcia de Saint-Martin (Myrcia boldinghii) a été redécouvert en 2020 côté français, sur les Terres Basses. © Mark Yokoyama
Flore
endémique des
d’outre-mer »

Ci-dessus : le pois-ficelle de Saint-Martin (Galactia nummularia), également appelé « galactia de Saint-Martin » a été redécouvert en 2021 par l’association Bivouac Naturaliste. L’espèce, qui n’avait plus été signalée sur l’île depuis 1954, se trouve principalement sur les falaises rocheuses. © Mark Yokoyama

LA LISTE ROUGE DES ESPÈCES MENACÉES EN FRANCE :

« Cet inventaire de référence, fondé sur une solide base scientifique et réalisé à partir des meilleures connaissances disponibles, contribue à mesurer l’ampleur des enjeux, les progrès accomplis et les défis à relever pour la France, en métropole et en outre-mer. » (source : UICN Comité français, OFB & MNHN).

TÉMOIGNAGE

JENN YERKES, PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION SAINT-MARTINOISE

LES FRUITS DE MER

« Nous adorons raconter l’histoire de ces plantes. Lorsqu’ils viennent dans notre musée Amuseum Naturalis, les élèves et autres visiteurs découvrent l’exposition que nous avons créée au sujet de ces deux plantes, et réalisent à quel point la nature est unique à Saint-Martin. Cela rend les gens fiers de l’endroit où ils vivent, et leur donne une raison de protéger les espaces sauvages. L’histoire de la redécouverte de ces espèces est aussi importante. Cela nous rappelle que nous apprenons encore de nouvelles choses tout le temps. Nous voulons que les enfants sachent qu’ils peuvent être les scientifiques du futur, faisant de nouvelles découvertes sur leur île. »

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d’info ici : exposition de l’association Les Fruits de Mer
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Ci-dessus : aperçu de l’exposition de l’association Les Fruits de Mer consacrée à ces plantes locales uniques. © Mark Yokoyama

SAINTBARTHÉLEMY

CANALISER LES CHÈVRES POUR

PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ

à saInt-BarthéLemy, des chèvres redevenues sauvages ont pro LI féré ces dern I ères années et c ’ est tout un pan de La BIodIversIté LocaLe quI est menacé. pour enrayer ce phénomène, L ’ assocIatIon IsLand nature experIences mène des opératIons de réguLatIon pour Le compte de L ’ ate 1 . a vec comme o B ject I f f I na L , L a m I se en p L ace d ’ une f ILI ère de product I on de v I ande L oca L e .

À Saint-Barth, les premiers colons ont rapidement importé des chèvres pour assurer leur approvisionnement en viande. Les habitants élevaient alors ces caprins dans de petits enclos et les abattaient en fonction de leurs besoins. Mais le développement du tourisme haut de gamme a bouleversé les habitudes et les habitants de l’île se sont tournés vers d’autres sources de revenus, plus rentables. Peu à peu, les éleveurs ont relâché leurs chèvres, puis le cyclone Irma de 2017 a fait le reste, détruisant de nombreux enclos et redonnant aux caprins leur liberté. « En 2016, une étude révèle que 3000 à 5000 chèvres sont livrées à elles-mêmes sur l’île. Or, ce sont de redoutables prédatrices pour la flore locale », indique Tom Farago, chef de projet pour Island Nature Experiences (INE).

Grâce à une reproduction rapide, deux portées par an avec deux à quatre nouveau-nés à chaque fois, les chèvres sont rapidement devenues un problème pour la biodiversité locale. « Non seulement, elles entraînent une diminution des espèces locales mais en plus, elles détruisent les habitats des autres animaux. En mettant la terre à nu, elles provoquent des éboulements et des ravinements qui participent à l’eutrophisation du milieu marin », souligne Tom Farago, ingénieur agronome de formation.

DES OPÉRATIONS DE CAPTURE

Pour enrayer le phénomène, l’association s’emploie à mettre en œuvre des opérations de capture à l’aide de filets. Les lieux et horaires de passage des chèvres sont d’abord repérés puis l’équipe d’INE déploie ses filets pour capturer les caprins. Ils sont ensuite remis à des éleveurs ou conservés par l’association, qui dispose depuis 2022 d’un enclos. « Nous travaillons actuellement sur la mise au point d’une filière de production laitière, et sur la création d’un conteneur dédiéàl’abattagedeschèvres », annonce Tom Farago.

À terme, dans le cadre d’un projet plus global financé par l’ATE, l’OFB et l’Union européenne, c’est toute une filière de production de viande et de lait qui verra le jour. Le tout dans le respect des normes européennes avec, à la clé, la création de deux à quatre emplois dans l’abattoir. La viande sera alors commercialisée auprès du grand public, mais aussi des restaurants et hôtels de l’île. Enfin, la dernière phase du projet sera consacrée au reboisement des zones dévastées par les chèvres et de nombreux acteurs de l’île seront impliqués. Écoles et hôtels participeront alors aux opérations de replantation à partir des plants cultivés dans la pépinière de Island Nature Experiences.

Rédaction : Mariane Aimar

+ d’info ici :

Facebook : Island Nature Saint Barth Experiences

INE : contact@instbarthexperiences.com

INE ACTIVE À TERRE, MAIS ÉGALEMENT EN MER :

L’association est en charge de l’installation de récifs artificiels grâce au procédé Biorock qui apporte aux coraux une croissance plus rapide. INE participe aussi à des suivis naturalistes pour l’ATE et réalise des animations dans les écoles de l’île.

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1 Agence territoriale de l’environnement de Saint-Barthélemy.
L’équipe INE avec Coral Restoration lors d’une opération de nettoyage à Colombier en février 2023. © INE
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Island Nature Experiences
Photos ci-dessus : élevage de chèvres de l’association à Saint-Barthélemy. © Thomas Roubio
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Ci-contre : les logos des partenaires d’INE.
Le
Guadeloupe Guyane Martinique Saint-Pierre-et-Miquelon La Réunion Mayotte Nouvelle-Calédonie Polynésie française Wallis-et-Futuna • • • • • • • • Pour tout savoir sur les Outre-mer 24h/24 Rendez-vous sur la1ere.fr grandeur Nature OUTRE-MER 12
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PLANÈTE OUTRE-MER

LES OUTRE-MER, PÉPINIÈRES DE PROJETS DE SOLUTIONS FONDÉES SUR LA NATURE

m angroves , her BI ers , réc I fs cora LLI ens et végétat I on côt I ère préservent L e LI ttora L des a L éas de L a météo mar I ne m a I s L eur dégradat I on , L a montée des eaux et L ’ échec des enrochements ont encouragé L e déve L oppement de projets de restaurat I on de ces écosystèmes un peu partout outre - mer . c ’ est ce qu ’ on appe LL e des so L ut I ons fondées sur L a nature .

En 2020, le programme Adaptom a été lancé avec pour objectif d’évaluer 25 projets, partout outre-mer, et de lister ceux qui fonctionnent face au dérèglement climatique. Virginie Duvat, membre du GIEC –Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – et coordinatrice du projet Adaptom :

« On a beaucoup de projets de restauration des systèmes côtiers végétalisés, particulièrement développés en Guadeloupe par exemple, mais aussi à La Réunion, et de plus en plus testés en NouvelleCalédonie. On a également des expérimentations de revégétalisation de la bande côtière en Polynésie française, à la fois sur les îlots et dans les atolls. C’est ce qui domine. Ensuite, un certain nombre de projets consistent en une restauration et une meilleure gestion des mangroves. On va en trouver par exemple à la Martinique, on va en trouver en Guadeloupe où on essaie de rendre toute sa place à la mangrove dans la zone très urbanisée, industrielle, commerciale, aménagée de Pointe-à-Pitre. »

Adaptom liste également les écueils à éviter. Règle numéro un pour qu’un projet fondé sur la nature fonctionne : la population doit être associée.

« On a par exemple à Mayotte des projets de restauration de mangroves qui ont échoué parce que les éleveurs de zébus n’avaient pas été impliqués, donc les élus ont dégradé les replantations.

On a eu un autre exemple à Wallis, dans lequel une partie de la population a été opposée aux solutions fondées sur la nature et beaucoup plus favorable, comme les élus de ces communes, aux enrochements, doncàl’utilisationdesméthodeslourdes,etçaagénéré des phénomènes de vandalisme avec une destruction des pépinières qui avaient été mise en place pour produire des palétuviers, donc restaurer la mangrove ».

L’équipe d’Adaptom ira restituer ses conclusions aux porteurs de projets. Première étape en Martinique et en Guadeloupe du 7 au 10 novembre prochain.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT Ce texte est issu de la chronique radio « Planète Outre-mer » présentée par Caroline Marie à écouter sur La1ere.fr , l’offre numérique Outre-mer de France Télévisions
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Photo : Trou Cochon dans la commune du Vauclin en Martinique. © Jean-Jacques Montabord97px

MARTINIQUE

UNE ACTION COORDONNÉE POUR LA CONSERVATION DE LA FLORE MARTINIQUAISE

d ans L e cadre de ses m I ss I ons de contr IB ut I on à L a gest I on conservato I re de L a f L ore , L e conservato I re B otan I que nat I ona L de m art I n I que ( c B nm q ) an I me p L us I eurs p L ans nat I onaux d ’ act I ons ( pna ) en faveur de L a conservat I on de L a f L ore I nd I gène menacée de L ’ î L e . t our d ’ hor I zon avec I raïs L o I seau , chargée de m I ss I on an I mat I on des pna au c B nm q .

Destinés à améliorer la situation conservatoire des espèces végétales indigènes et menacées d’extinction sur le territoire, les Plans nationaux d’action animés par le CBNMq sont aujourd’hui au nombre de trois : deux en cours et un en phase de validation. Ils se déclinent en une quinzaine d’actions concernant à la fois l’acquisition de connaissances, la conservation des espèces, la restauration des milieux, ainsi que la communication, la sensibilisation et l’animation.

L’ESTRÉE DE SAINT-PIERRE, LE TOUT PREMIER « PNA FLORE » DE MARTINIQUE

Espèce endémique stricte classée en danger critique d’extinction, l’estrée de Saint-Pierre (Polygala antillensis) fut officiellement découverte en Martinique en 1853. Le nombre d’individus, déjà limité, disparait en 1902 à la suite de l’éruption de la Montagne Pelée. Des individus sont à nouveau signalés en 1977 sur la station historique, puis la population croît de nouveau avant de décliner à partir des années 2000 jusqu’à l’extinction en 2020. L’espèce semble actuellement disparue à l’état sauvage.

Cette plante fait donc l’objet d’un PNA au cours duquel des campagnes de prospection et d’inventaire ont notamment été menées sur des sites du Carbet, de Bellefontaine et de Saint-Pierre, à partir de la cartographie de zones dont l’écologie semblait être favorable à l’estrée de Saint-Pierre. Aucun individu n’a cependant été retrouvé. Des opérations de réintroduction de l’espèce, à partir de stocks de plants

produits dans la pépinière du CBNMq seront alors mises en place. L’identification de zones de réintroduction adaptées ; des conventions avec les propriétaires des parcelles adjacentes à la station historique de l’espèce ; un cahier des charges pour mener une campagne de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ayant pu altérer l’état écologique des stations historiques, et in fine, la réintroduction effective de l’espèce dans le milieu naturel, sont les actions prévues dans le cadre de ce PNA.

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L’estrée de Saint-Pierre bénéficie d’un Plan national d’actions. © CBNMq Une plantation conservatoire de l’estrée de Saint-Pierre a été réalisée au Centre de découverte des sciences de la terre. C’est la première fois que cette espèce a pu être plantée en collection conservatoire ex situ, c’est-à-dire en dehors de la pépinière du CBNMq, dans le cadre d’un PNA qui s’achèvera en 2025. © CBNMq

RESTAURER LA MONTAGNE DU VAUCLIN, POUR RENFORCER LES POPULATIONS DE CERISIERS MONTAGNE ET D’ANANAS BOIS

Du fait de sa grande richesse biologique, la montagne du Vauclin fait l’objet d’un second PNA animé par le CBNMq. Ce site du sud-est de la Martinique est en effet l’aire de répartition naturelle de deux végétaux, le cerisier montagne (Eugenia gryposperma) et l’ananas bois (Aechmea reclinata), dont l’habitat est considéré en danger du fait de la prolifération d’espèces exotiques envahissantes et de l’anthropisation.

À la suite de l’amélioration des connaissances sur les espèces indigènes et exotiques présentes sur la montagne du Vauclin, une lutte contre ces espèces exotiques envahissantes sera menée avant l’introduction du cortège floristique originel du site. Des études sont également prévues pour établir les relations mycorhiziennes – c’est-à-dire la symbiose entre des champignons et les racines des plantes – du cerisier montagne et ainsi améliorer sa maîtrise culturale.

La protection par un arrêté de protection de biotope est un des objectifs du PNA, démarche d’ores et déjà initiée avec le soutien de la commune du Vauclin, qui permettra notamment de mieux concilier préservation des espèces et usages traditionnels, par le biais de sentiers de randonnée et d’un chemin de croix. Les acteurs associés au PNA bénéficieront de formations du CBNMq pour assurer la pérennisation des actions.

UN PLAN NATIONAL D’ACTIONS INÉDIT POUR LES ESPÈCES DES RIPISYLVES

Ce plan de conservation se consacre à la préservation de neuf espèces menacées des ripisylves, ces boisements bordant les rivières particulièrement impactés par l’anthropisation en Martinique.

Un travail de prospection des ripisylves et ravines a dans un premier temps été réalisé pour rédiger ce PNA. En cours de validation, ce dernier a pour missions principales : le suivi des stations d’espèces retenues dans le projet, l’amélioration des connaissances de leurs habitats puis leur restauration à travers une lutte contre les EEE, la mise en culture des espèces menacées et des espèces associées typiques des ripisylves puis leur réintroduction dans le milieu, l’actualisation de leur statut de menace et enfin la formation des parties prenantes. Ces actions seront notamment menées avec le soutien financier de l’Office de l’Eau Martinique.

Rédaction : Axelle Dorville

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Grâce à l’amélioration de la maîtrise culturale de l’ananas bois (cidessus en haut) et du cerisier montagne (ci-dessus en bas) en pépinière, ces deux espèces endémiques strictes de Martinique vont pouvoir être réintroduites sur la montagne du Vauclin. © CBNMq Iraïs Loiseau, chargée d’animer les PNA au sein du CBNMq.

CAMAC, UN PROJET RÉGIONAL POUR LIMITER

LES INTERACTIONS AVEC LA MÉGAFAUNE MARINE

L e projet camac v I se à amé LI orer L es conna I ssances sur L es I nteract I ons entre act I v I tés huma I nes et mégafaune mar I ne en renforçant L a coopérat I on rég I ona L e . c e L a permettra

In fIne de fourn I r aux I nstances d I r I geantes de L a c araï B e et aux acteurs env I ronnementaux des recommandat I ons et out IL s pour rédu I re L es I mpacts négat I fs de ces I nteract I ons

Les habitats de la plupart des espèces de la mégafaune marine – requins, tortues marines, mammifères marins et oiseaux marins – sont souvent les mêmes que ceux d’activités humaines telles que la pêche, le trafic maritime ou encore le tourisme. Ce chevauchement engendre de fréquentes interactions entre ces diverses activités et les espèces marines.

Cela peut entraîner des blessures ou des modifications des comportements vitaux des animaux, mais aussi avoir un impact négatif sur les activités humaines, à cause de la déprédation par exemple ou encore de la dégradation des engins de pêche. En outre, certaines activités dépendent directement de la présence des espèces de la mégafaune marine, comme le whale watching ou la plongée sous-marine. Dans la Caraïbe, ces interactions sont bien identifiées mais mal connues et par conséquent peu maîtrisées.

C’est dans ce cadre qu’a été conçu le projet CAMAC qui a commencé début 2023. Concrètement, pendant les quatre prochaines années au moins, les partenaires du projet travailleront à :

• renforcer les liens avec le secteur de la pêche et évaluer les interactions avec la mégafaune marine ;

• renforcer la connaissance et le suivi des impacts d’origine anthropique sur les mammifères marins et les tortues marines via les réseaux échouages ;

• sensibiliser à la préservation de la mégafaune marine et renforcer les compétences en éducation à l’environnement via des échanges scolaires ;

• renforcer les connaissances sur l’abondance et la distribution de la mégafaune marine présente dans la Grande Région Caraïbe par un inventaire régional

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Une tortue verte (Chelonia mydas) dans les eaux de la Martinique. Les tortues marines sont particulièrement soumises aux pressions anthropiques. © Benjamin Guichard - OFB | Ci-dessus, de haut en bas : l’activité de pêche se déroule souvent sur les mêmes zones que les lieux de vie de la mégafaune marine. Des interactions négatives peuvent avoir des conséquence sur les animaux (enchevêtrement par exemple) mais aussi pour les pêcheurs : déprédation, perte de matériel, etc. © Benjamin Guichard - OFB | Des interactions existent entre les oiseaux marins et les activités humaines et peuvent donner lieu à des enchevêtrements mais aussi à de la déprédation. © OFB

Le projet est découpé en deux phases. La première court sur l’année 2023 et vise à constituer le réseau de partenaires autour des thématiques des quatre axes de travail ci-dessus, mais aussi à réfléchir en groupes de travail aux protocoles scientifiques.

La phase 2 devrait débuter en 2024 et se déroulera sur au moins trois ans. Elle verra la mise en place des protocoles de suivis scientifiques, la création d’outils et la concrétisation d’échanges scolaires.

CAMAC concerne les Antilles françaises, mais implique également des partenaires internationaux de la Grande Région Caraïbes et au-delà. Il s’agit donc d’un projet ancré dans la coopération et qui bénéficie à cet égard d’un cofinancement du programme Interreg Caraïbes au titre du FEDER, ou Fonds européen de développement régional. Ces partenaires, bénéficiaires ou non, sont issus de divers horizons puisqu’il s’agit aussi bien d’associations, que de scientifiques, d’établissements publics, de bureaux d’études, etc.

Le projet CAMAC a été initié par le CAR-SPAW –Centre d’activités régional pour le protocole relatif aux zones et à la vie spécialement protégées de la Grande Région Caraïbe – et le Sanctuaire Agoa, aire marine protégée gérée par l’Office français de la biodiversité (OFB), qui en est le chef de file.

Carte de la portée du projet CAMAC, qui réunit des partenaires de la Grande Région Caraïbe et au-delà. Le but : équiper les parties prenantes d’outils pour maîtriser les impacts des activités humaines sur la mégafaune marine.

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Vous faites partie d’une structure caribéenne intéressée par ce projet ? Contactez Magali Combes par mail : magali.combes@ofb.gouv.fr Baleine à bosse observée dans le sanctuaire Agoa. © Franck Mazéas
+ d’info ici : https://sanctuaire-agoa.fr/editorial/camac
Groupe de cétacés côtoyant un gazier à Fort-de-France. © Aquasearch © CAMAC

UN PROJET DE RESTAURATION ÉCOLOGIQUE

AU CŒUR DU PARC NATIONAL DE LA GUADELOUPE

L e p arc nat I ona L de L a g uade L oupe p IL ote un projet de restaurat I on éco L og I que d ’ une anc I enne pép I n I ère à L a su I te des d I agnost I cs de s I te , extract I ons de déchets et act I ons de L utte contre L es espèces exot I ques envah I ssantes , L es prem I ères expér I mentat I ons de renaturat I on sont actue LL ement m I ses en p L ace .

S’étendant sur plus de 10 hectares, le site de « Providence » a accueilli depuis les années 1970 plusieurs pépinières d’arbres et de plantes ornementales avant d’être laissé à l’abandon dans les années 2000.

Créé en 1989, le Parc national de la Guadeloupe a hérité de la gestion de la zone et engagé en 2022 un projet de restauration de la biodiversité du site, pour retrouver un état de forêt non dégradée, notamment grâce aux fonds de France Relance. L’objectif de ce projet Providence est de pouvoir trouver des solutions de remédiation aux problématiques du site : présence de déchets disséminés sur l’ensemble de la zone, remblais de plus de 3 000 m² et identification de plus d’une vingtaine d’espèces exotiques envahissantes sur les deux tiers du site, comprenant notamment des petites surface ou « patchs » monospécifiques –à savoir composées très majoritairement d’une seule essence – de 500 à 3500m ²

En 2022, une phase préliminaire a permis d’extraire du site plus de 20 m 3 de déchets et de premières espèces d’arbres et de plantes exotiques, après avoir défini des protocoles de gestion pour chacune de ces espèces. Les arbres coupés seront valorisés par les agents du Parc national de la Guadeloupe et transformés afin de réaliser de petits travaux de proximité sur les autres sites du Parc.

En raison de l’absence de données sur la restauration des forêts hygrophiles 1, la suite du projet a été pensée en tant qu’expérimentation, en partenariat avec les organismes de recherche. Il s’agira de définir les meilleures espèces et les techniques de plantation pour trouver un schéma de renaturation le plus efficient possible. Des espèces pionnières ont été sélectionnées et seront plantées selon des schémas d’intervention, pour déterminer les conditions les plus favorables à la pousse de la forêt sous une forme non dégradée.

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En haut : équipe mobilisée sur le projet Providence. © PNG - Lynda Obydol | 1 Dont l’humidité est nécessaire au bon développement.

INTERVIEW

EVENS DELANNAY, RESPONSABLE DU PROJET

PROVIDENCE AU PARC NATIONAL DE LA GUADELOUPE

• Pourquoi faire de la restauration écologique sur un site intégralement protégé ?

- Lorsqu’il s’agit de restauration écologique, nous nous trouvons toujours dans une dualité entre le fait d’intervenir ou non. Dans le cas du site de Providence, en cœur de Parc national, des perturbations d’origine anthropique sont venues bouleverser le milieu et porter atteinte aux services écosystémiques que nous rend la nature. C’est donc notre rôle d’avoir cette action de renaturation pour retrouver une forêt non dégradée. Ce projet n’a cependant pas pour unique cible la préservation de l’environnement, il nous permet aussi de rapprocher les jeunes de la nature, de créer de la connaissance et de mieux comprendre le fonctionnement de la forêt hygrophile 1

• Comment ce projet a-t-il intégré ces dimensions de sensibilisation ?

- Il me semblait impensable de mobiliser autant de moyens humains et financiers sans vision pédagogique forte. Un premier partenariat a été noué avec l’association d’insertion Saint-Jean de Bosco, puis avec le RSMA 2 pour faire (re)découvrir à des jeunes la forêt avec une approche de gestion et de conservation.

Ces journées ont été des grands moments de découverte et de partage autour des métiers du Parc, de la connaissance de la forêt, du travail en équipe, etc. Nous sommes également en train d’établir un partenariat avec le lycée agricole pour valoriser les espèces exotiques de fleurs coupées, sous la forme d’une formation à la confection de bouquets

• Quel est selon vous le plus grand défi de ce projet ?

- Aujourd’hui, le projet Providence est situé dans une zone particulière du Parc national, et nous permettra de restaurer d’autres sites en zone protégée. Le véritable défi sera de créer des résultats réplicables et adaptables dans d’autres contextes liés plus étroitement à nos activités humaines, que ce soit dans des zones agricoles ou semi-urbanisées. Il y a enfin, plus largement, le défi d’accompagner l’évolution de nos pratiques quotidiennes pour garantir le maintien de la biodiversité en Guadeloupe.

Rédaction et interview : Lucie Labbouz

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Le Régiment du service militaire adapté (jeunes de 18 à 26 ans).
Ci-dessus : extraction de grumes de bois d’espèces exotiques envahissantes (EEE). © PNG | Briefing des jeunes du RSMA avant un chantier de lutte contre les EEE du site. © PNG

LA XII ÈME CONFÉRENCE D’INTERCO’ OUTRE-MER

SE TIENDRA EN GUADELOUPE

d u 16 au 19 octo B re 2023 aura LI eu notamment depu I s L ’ hôte L a raWak au g os I er L a x II ème conférence organ I sée par I nterco ’ o utre - mer sur Le thème « v a Leurs , projets , réa LI sat I ons ». p L us I eurs sujets seront a B ordés : r I sques nature L s , fonc I er , transports , ha BI tat et tour I sme é c L a I rage avec deux é L us en g uade Loupe , L y LI ane p I qu I on - s a Lomé et p h ILI ppe d ezac

les collectivités des cinq DROM, d’aborder les réalités de chacune, de débattre des ambitions et enjeux.

Éric Jalton, Président de Cap Excellence, se réjouit, avec le concours des collectivités majeures et les EPCI de Guadeloupe, d’accueillir les présidents d’intercommunalités, les maires, les parlementaires, les élus, les acteurs économiques, les techniciens et invités des outre-mer. La présence de partenaires, d’institutions locales, domiennes et nationales, devrait contribuer au succès de cette conférence.

• Quels seront les sujets abordés lors de ce rendezvous annuel des intercommunalités d’outre-mer ?

- La conférence s’articulera autour de cinq thèmes principaux :

INTERVIEW

LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, VICE-PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE DE CAP EXCELLENCE 1 ET 1 ÈRE VICE-PRÉSIDENTE D’INTERCO’

OUTRE-MER

• Pouvez-vous nous présenter cette conférence ?

- Chaque année, Interco’ Outre-mer organise une manifestation dédiée aux élus et services des collectivités d’outre-mer. Cette année, elle se tiendra en Guadeloupe. Ce sera une excellente opportunité d’échanger sur les particularités et similitudes entre

« Mobiliser les ressources et vivre avec les risques » : il s’agira ici d’aborder la problématique des risques naturels majeurs. En effet, les populations ultramarines sont confrontées aux risques de cyclones, de raz-demarée, d’inondations, aux risques sismiques, de fortes pluies, de boues volcaniques, de recul du trait de côte… Il convient de s’interroger sur ces multiples risques afin de les anticiper, d’informer, de protéger les populations par des actions de prévention et des méthodes opérationnelles efficaces.

« Foncier : ouvrir la voix d’un dialogue sincère et responsable » : dans les DROM nous souffrons en effet du désordre du foncier. Pour tenter de le résorber, Interco’ Outre-mer, dans le cadre de son recueil d’observations, d’alertes et de propositions publié en décembre dernier, a proposé plusieurs pistes concrètes de progrès dont une particulièrement importante, celle visant à mobiliser l’ensemble des acteurs pour trouver des solutions adaptées.

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1 Communauté d’agglomération de Guadeloupe regroupant ces trois communes : Les Abymes, Baie Mahault et Pointe-à-Pitre.

« Transport : encourager l’acculturation au fait maritime » : les DROM doivent engager une véritable révolution culturelle et donner toute sa place au fait maritime, sensibiliser les populations à l’intérêt d’utiliser ce mode de déplacement. Cela nécessite un certain nombre d’outils à mettre en place.

« Territoires d’Outre-mer : donner un sens à l’habitat » : on ne peut pas construire en outre-mer comme dans l’Hexagone. Les grosses opérations de logements ont trouvé leur limite dans l’acceptabilité sociale. On ne parle plus de « logement » mais « d’habitation ». Cette séquence sera l’occasion de débattre de la manière dont l’habitat doit être pensé dans nos territoires au regard des risques majeurs, des contraintes climatiques et sociales, tout en tenant compte du vieillissement de la population.

« Faire du tourisme un levier de prospérité économique » : le choix de cette thématique relève d’une volonté forte des élus d’Interco’ Outre-mer d’aborder le sujet du développement économique. Les DROM accusent un retard de développement et connaissent des inégalités sociales plus importantes que celles de l’Hexagone. Et pourtant des perspectives de développement existent notamment par le biais du tourisme. Ce sera donc l’occasion d’aborder le potentiel d’actions des intercommunalités ultramarines dans l’exercice de cette compétence.

Durant ces journées, des visites de terrain seront organisées afin de mettre en évidence les réalisations des actions concrètement abouties ou en voie de l’être.

TÉMOIGNAGE

PHILIPPE DEZAC, ENSEIGNANT À LA RETRAITE, 7 ÈME VICE-PRÉSIDENT DE LA RÉGION GUADELOUPE ET ADJOINT AU MAIRE DE PETIT-BOURG

• Quel message souhaitez-vous faire passer ?

- L’urgence climatique sur nos territoires ultramarins nous pousse à repenser les politiques publiques, avec simplicité et efficacité, vers une vraie continuité territoriale adaptée. Avoir des actions pragmatiques, intégrer une gestion dynamique des risques pour anticiper et valoriser demain, c’est pour nous, une nécessité absolue.

Éric Jalton, président de la communauté d’agglomération Cap Excellence en Guadeloupe, selon l’expression consacrée, nous invite à « prendre le changement par la main ». Je pense que c’est le bon chemin à suivre.

« Je représente la communauté au sein de l’établissement public foncier (EPF) de Guadeloupe du SMGEAG (Syndicat mixte de gestion de l’eau de l’assainissement de la Guadeloupe) et je suis aussi secrétaire d’Interco’ Outre-mer. Par ailleurs, j’exerce la fonction de vice-président de la Région Guadeloupe, j’ai été élu président de la commission Transport et vice-président de la commission Énergie et de plusieurs autres commissions. Enfin, je suis conseiller communautaire au sein de la CANBT2, communauté d’agglomération créée en 2010 et constituée de six communes bordées par la mer des Caraïbes ou l’océan Atlantique, qui rassemble une population de plus de 76 000 habitants.

À travers ces engagements, je pense avoir développé une vision assez globale des problématiques environnementales en Guadeloupe, dont le Parc national occupe une bonne partie. Les principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés sont les coupures d’eau, les déchets, les sargasses et les transports. Notre ambition est de devenir un territoire à Haute Qualité Environnementale, de mettre en avant la diversité de notre paysage, de nos plages, nos rivières, notre arrière-pays, qui sont de véritables atouts ».

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2 Communauté d’agglomération du Nord Basse-Terre en Guadeloupe.

VALORISER LA DIVERSITÉ DES IGNAMES PAR LA SÉLECTION VARIÉTALE

p L ante v I vr I ère trop I ca L e , L ’ I gname fa I t part I e de L ’ a LI mentat I on quot I d I enne de m ILLI ons de personnes dans L e monde , notamment en a fr I que de L ’ o uest . a ux a nt ILL es , IL s ’ ag I t d ’ une des pr I nc I pa L es cu Ltures v I vr I ères , en dehors de L a B anane et de L a canne à sucre .

Dans le cadre de sa mission d’accompagnement de l’agriculture des pays du Sud, le Cirad travaille depuis de nombreuses années sur des techniques de création et de sélection variétale de l’igname, afin de répondre aux besoins des producteurs comme des consommateurs. Zoom sur le programme de sélection variétale du Cirad Guadeloupe débuté en 2002, avec deux de ses chercheurs.

ou l’indice glycémique du tubercule, sur lequel nous travaillons particulièrement actuellement.

Sur le plan agronomique, nous cherchons à optimiser la performance de la plante au champ et en particulier sa résistance à la maladie principale de l’igname, l’anthracnose, à travers le projet Interreg AUSCAR.

Le rendement est également un trait d’intérêt étudié. Alors que le rendement moyen observé au niveau mondial est de 8 à dix tonnes l’hectare, nous avons sur notre station expérimentale des variétés générant jusqu’à 40 tonnes de tubercules à l’hectare. Nous recherchons aussi des variétés d’ignames permettant de limiter les dépenses liées à la gestion de l’enherbement, grâce à leur vigueur et leur capacité de recouvrement rapide des billons par les tiges et les feuilles.

Dans tous les cas, notre objectif n’est pas tant de créer de nouvelles variétés, que de développer la connaissance biologique sur la plante et la mise au point d’approches innovantes de sélection variétale. Cela suppose d’assembler diverses populations d’ignames, qu’elles soient naturelles ou issues d’hybridation, afin de conduire des travaux de séquençage des génomes de ces variétés par le biais de la bioinformatique.

KOMIVI DOSSA, CHERCHEUR GÉNÉTICIEN SUR L’IGNAME

« Ma mission est de comprendre l’architecture génétique des traits d’intérêt de l’igname, c’est-à-dire des caractéristiques agronomiques ou de qualité du tubercule. Cela consiste plus précisément à retracer dans le génome de la plante les parties qui codent pour des traits d’intérêt particuliers afin d’optimiser la création variétale et de pouvoir transmettre aux nouvelles variétés des comportements avantageux. Il peut s’agir des traits de qualité : la couleur de la chair, l’oxydation, la forme, la teneur en protéines

Une phase de terrain est destinée à évaluer les traits d’intérêt, puis le croisement des données à travers des modèles statistiques, pour identifier les régions du génome qui codent pour ces traits d’intérêt. Nous développons ensuite des marqueurs moléculaires qui vont permettre d’optimiser les schémas de sélection variétale au sein des différents programmes de recherche sur l’igname dans le monde. Les hybrides prometteurs issus de nos travaux sont testés auprès des producteurs d’igname en Guadeloupe à travers les projets FEADER pendant plusieurs saisons et les meilleurs sont diffusés localement et auprès de nos partenaires en Afrique de l’Ouest. »

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PUBLI-COMMUNIQUÉ + d’info ici : www.cirad.fr

ÉRICK MALÉDON, CADRE TECHNIQUE

« Je suis chargé des travaux de laboratoire destinés à conserver des collections d’ignames en culture in vitro, pour pouvoir conduire nos études. Nous disposons d’une collection d’ignames provenant de 16 pays différents qui sert de support pour les travaux en génétique. Mon rôle est de m’assurer de la qualité des échantillons et de développer des protocoles de préservation plus efficients.

Un de nos protocoles phare est la conservation du pollen de l’igname par la lyophilisation. L’igname a des pieds mâles et femelles qui fleurissent de façon très erratique. D’une année à l’autre, une variété d’intérêt peut ne pas fleurir. La lyophilisation consiste à extraire toute l’eau des tissus de la fleur mâle d’igname dans le but de conserver le pollen pendant plusieurs années, et à température ambiante, ce qui est essentiel pour les programmes de recherche basés dans les pays du Sud. La floraison de l’igname

n’étant par ailleurs pas synchronisée entre les deux sexes, il peut être difficile de créer des hybrides pour progresser dans la sélection variétale.

Une autre problématique rencontrée dans la recherche sur les ignames est que la plante est aisément victime de virus, ce qui nécessite d’assainir les échantillons destinés à être échangés entre les différents programmes de sélection variétale. Ce processus d’assainissement qui peut durer jusqu’à deux ans est cependant lourd à mettre en place et chronophage. Exempt de contamination, le pollen peut plus facilement être échangé et la lyophilisation permet de le conserver de façon optimale afin de pouvoir, en période de pénurie, utiliser le pollen conservé pour réaliser la pollinisation.

Chaque variété hybride ayant fait ses preuves au champ est introduite ou réintroduite en culture in vitro dans l’objectif de maintenir les collections d’individus conservés qui seront échangés avec des partenaires, et de renouveler en permanence le matériel d’étude en cas de perte au champ. »

L’igname est une plante annuelle, récoltée aux mois de janvier et février. Pour éviter le pourrissement du tubercule et perdre des variétés, la conservation des individus est essentielle.

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En Guadeloupe, il existe une collection sécurisée d’ignames, conservée au sein du centre de ressources biologiques Plantes Tropicales, coanimé par le Cirad et l’INRAe. | Photos : © Cirad

GUYANE

COLONISATION, CIVILISATION,

(LÉON-GONTRAN DAMAS)

n é à c ayenne , k ar L j oseph pu I se ses sources d ’ I nsp I rat I on en g uyane à travers son œ IL de photographe aguerr I , IL s ’ I ntéresse en part I cu LI er aux pro BL émat I ques soc I oéconom I ques et po LI t I ques du terr I to I re . é c L a I rage .

en métropole. Après avoir travaillé quelques années pour le Comité du Tourisme de la Guyane, j’ai choisi en 2005 de changer de cap pour me consacrer entièrement à la photo, une passion qui m’anime depuis toujours. J’ai suivi une formation de photojournalisme à l’École des métiers de l’information (EMI-CFD) à Paris.

• Racontez-nous un peu votre parcours professionnel en tant que photographe...

- Je suis photojournaliste depuis 2005, ce qui m’a amené à quitter la France jusqu’en 2009 pour vivre en Espagne puis au Mexique. J’ai collaboré à de nombreux titres de presse, comme par exemple Le Monde, Télérama, VSD, Libération... tout en poursuivant mes projets personnels. J’ai publié Les Guyanais aux éditions Ibis Rouge en 2011, après Les contes de Malastrana aux éditions Terrail en 2007.

INTERVIEW

KARL JOSEPH, PHOTOJOURNALISTE ET COFONDATEUR DES RENCONTRES

PHOTOGRAPHIQUES DE GUYANE

• Comment vous décririez-vous ?

- J’ai 49 ans. Aujourd’hui, je vis entre Sète et Cayenne. Dès l’âge de 19 ans, je suis parti faire mes études

En 2011, sur une demande de la Région Guyane, j’ai cofondé la biennale des Rencontres Photographiques de Guyane, dont je suis le directeur artistique. Cet événement unique sur le territoire et dans les outremer est une plateforme d’expression, de diffusion et d’exposition de qualité pour les artistes guyanais, régionaux et internationaux. Aujourd’hui, j’essaie d’allier travaux personnels et direction artistique.

• Quelles sont vos sources d’inspiration ?

- Mes mentors en tant que photographe se réclamant du photojournalisme et de la photographie documentaire sont les grands photographes de chez Magnum

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«
ASSIMILATION, ET LA SUITE… »
L’une des photographies favorites de l’artiste. © Karl Joseph

mais aussi d’autres tels que Robert Franck, Pieter Hugo ou encore plus proche Luiz Braga… Ce que j’ai toujours photographié c’est la Guyane, une colonie en pleine évolution. Je m’intéresse aux problématiques socioéconomiques et politiques du territoire. Pour reprendre une phrase du poète guyanais Léon-Gontran Damas : « Colonisation, Civilisation, Assimilation et la suite… ». C’est une phrase qui m’inspire, c’est peut-être « la suite » que je photographie.

• Quel est votre processus de travail ?

- J’ai longtemps travaillé seul mais depuis 2017, j’essaie d’établir des collaborations sur des sujets qui me plaisent. J’ai travaillé avec l’écrivain Colin Niel sur le livre La Guyane du Capitaine Anato aux éditions du Rouergue. Œ uvrer à plusieurs permet de multiplier les points de vue. Du point de vue technique, je suis un coloriste. Pour des projets personnels, je peux travailler l’argentique mais pour des commandes, je privilégie le numérique.

• Que souhaitez-vous transmettre à travers vos photos ?

- Mon rôle est plutôt d’interroger, d’éveiller les esprits critiques à travers l’esthétique et l’émotion qu’une photo peut transmettre. Ma photo doit provoquer une interrogation. Tous mes travaux en Guyane s’inscrivent dans la poursuite ou dans la recherche de cette suite dont parle le poète…

• Des projets ?

- Je termine deux travaux. Un premier sur le monde politique en Guyane, en collaboration avec un autre artiste Olivier Menanteau, un film est en cours de réalisation. Le deuxième est une collaboration avec Marc-Alexandre Tareau, ethnobotaniste avec un livre à venir, Kalalou, qui mettra en lumière les relations des cultures afro-guyanaises à la biodiversité amazonienne. Durant deux années, nous avons sillonné le territoire à la rencontre de certaines populations et organisé notre travail autour de six thèmes : cueillir, cultiver, manger, se soigner, croire, faire. Plusieurs expositions du projet Kalalou ont déjà eu lieu à Berlin, à Roura, à l’Université de Guyane, et récemment à Stuttgart en février. Une autre exposition aura lieu en Guadeloupe à la fin de l’année.

Enfin, je travaille avec l’association porteuse de la biennale des Rencontres Photographiques de Guyane, à la création de la Maison de la photographie de Guyane-Amazonie. Elle devrait voir le jour en février 2024.

• Une photo coup de cœur ?

- Il y en a deux. Un monsieur sur un vélo, sa tête est cachée par un cocotier. Cette photo symbolise le fait que l’être humain a sa part à jouer dans la circulation des plantes. L’autre, c’est purement esthétique, une jeune fille qui transporte des plantes utilisées pour le bain.

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

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« MA PHOTO DOIT PROVOQUER UNE INTERROGATION », KARL JOSEPH
La Guyane, terre d’exploration du photographe, qui s’intéresse notamment au rapport des hommes à la nature. © Karl Joseph
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Ci-dessus : dans l’ouest guyanais, des femmes et des hommes pénètrent dans la forêt lors d’une procession vaudou. © Karl Joseph
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En haut : à Saint Laurent du Maroni, un homme cueille une branche dont les feuilles serviront à un bain traditionnel noir marron. © Karl Joseph

ÎLE DE LA RÉUNION

REEF CHECK RÉUNION

FÊTE SES 20 ANS D’ACTIONS

AU SERVICE DE LA BONNE SANTÉ DES RÉCIFS

à L a su I te de L ’ événement c LI mat I que majeur e L n I ño de 1998, L es réseaux de surve ILL ance de L ’ état de santé des réc I fs cora LLI ens se sont m I s en p L ace sous L a hou Lette du gLoBaL coraL reef monItorIng netWork (gcrmn) et de sa composante cItoyenne et partIcIpatIve : r eef c heck . B IL an de deux décenn I es d ’ act I ons de terra I n sur L ’ î L e de L a r éun I on

Fondée en 1996 par le docteur en biologie marine Gregor Hodgson, Reef Check est une organisation non gouvernementale (ONG) siégeant en Californie, aujourd’hui présente dans plus de 80 pays. C’est sous l’impulsion de l’IFRECOR en 2010, qu’est créée l’association Reef Check France (RCF) dont la mission est de fédérer les initiatives locales, les rapporter au niveau national, tout en développant des formations adaptées et certifiantes. Dans chacun des outre-mer français, une initiative Reef Check existe, portée par une association ou une Réserve naturelle marine.

RCF a un double ADN : (i) aider à assurer annuellement des campagnes de relevés écologiques pour disposer d’un tableau de bord national et (ii) sensibiliser, éduquer les citoyens intéressés – et concernés – par l’avenir des récifs en leur permettant de participer aux actions. Et former régulièrement des « EcoDivers » pour obtenir des relevés de qualité satisfaisante du point de vue scientifique.

À La Réunion, où l’association ARVAM – Agence pour la recherche et la valorisation marines – gère historiquement le portage, Reef Check fête ses 20 années de relevés écologiques et de sensibilisation. L’édition 2022 de la Route du Corail par Reef Check a mobilisé ainsi près de 130 personnes de tous âges pour « prendre le pouls » de zones sentinelles du récif corallien appelées « stations ». Ce sont environ 35 stations qui sont chaque année expertisées pour dresser un bilan à l’échelle de l’ensemble de l’île.

Les stations se répartissent dans les récifs de l’ouest, ainsi que du côté de Sainte-Rose, par exemple sur la coulée sous-marine de l’éruption volcanique de 1977. Ce réseau complète harmonieusement, de manière citoyenne et participative, le réseau scientifique géré par la Réserve naturelle marine depuis 1999.

Lors de la conférence-débat organisée début mai avec le soutien de l’OFB-Te Me Um et du Département de La Réunion, une analyse globale a été faite sur la trajectoire écologique des récifs coralliens réunionnais, ainsi qu’un bilan des actions d’éducation et de sensibilisation des publics. Il s’agissait aussi de réunir les partenaires afin de revisiter le mode de fonctionnement local des prochaines années.

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Le réseau Reef Check Réunion permet l’acquisition de connaissances nécessaires pour évaluer les menaces pesant sur les récifs de l’île. Reef Check : « La France est le seul pays au monde à posséder des récifs dans les trois océans, ce qui lui confère une responsabilité forte ». © Jean-Pascal Quod

Le bilan écologique est mitigé et sans appel qu’il s’agisse des stations Reef Check ou de celles de la Réserve naturelle marine : l’état de santé des coraux ne cesse de se dégrader au fil des dernières décennies, sous l’influence conjuguée de pressions locales ou globales. L’indicateur d’état « corail dur - HC » a en effet chuté de 30 % en 2009 à 20 % en 2022, selon Reef Check. Cet indicateur de couverture corallienne sert à témoigner principalement de la bonne santé du récif, cette dernière soutenant dans le temps et l’espace un ensemble de services écologiques et socioéconomiques conséquents. La valeur économique des récifs de La Réunion, estimée par IFRECOR à 45 millions d’euros, s’avère étroitement dépendante de la bonne vitalité du récif.

Si les stress chroniques liés à une littoralisation croissante des activités humaines continuent de se développer, force est de constater que la survenue d’événements majeurs aigus, comme les cyclones ou les épisodes El Niño, ont aussi des conséquences néfastes et durables, telles que les coulées de boue issues du bassin versant ou les blanchissements coralliens. Par exemple, le lagon de Saint-Leu, qui avait en une quinzaine d’années bien récupéré après l’épisode cyclonique de Firinga de 1989, a connu successivement plusieurs épisodes néfastes en 2018 (coulées de boue) puis 2019 (blanchissement) et sa résilience semble actuellement faible selon les constats faits début 2023.

Les actions de sensibilisation et d’éducation constituent une part importante des activités – essentiellement bénévoles – des membres de l’équipe d’ani -

mation : Reef Check Discovery pour la découverte des protocoles, Reef Check Day pour le comptage des poissons-papillons-cochers, formations EcoDiver pour aller plus loin…

Plus récemment, un module « biodiversité » a été développé de façon à mobiliser les photographes sous-marins pour évaluer, à l’échelle d’une station donnée, la diversité biologique.

Face aux conclusions du bilan dressé, confrontées aux bilans respectifs de la Réserve naturelle marine et de l’IFRECOR, il apparaît désormais important, voire urgent, de ne plus se limiter à simplement observer l’évolution des récifs, mais d’engager avec courage des actions concrètes et innovantes pour rétablir, autant que faire se peut, la vitalité globale de l’éco-socio-système corallien de La Réunion.

Outre l’indispensable réduction des pressions issues du milieu terrestre, figurent notamment parmi les pistes celles nécessitant de l’ingénierie écologique, des techniques innovantes et adaptées de fragmentation d’espèces résistantes et/ou résilientes…

Rédaction : Jean-Pascal Quod

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 29
+ d’info ici : www.facebook.com/reefcheckfrance Téléchargez ICI la BD de Reef Check (gratuite)
La colonie sentinelle « Porites » du Cap La Houssaye, âgée de trois siècles, ne présente qu’une vitalité de 20 % en 2023. Cette colonie de coraux durs qui blanchit de manière alarmante fait désormais l’objet d’une surveillance en photogrammétrie 3D. © Armand Daydé

UN 3 ÈME FORUM SCIENTIFIQUE POUR LA RÉSERVE NATURELLE MARINE DE LA RÉUNION

Les 28 et 29 juIn, La réserve marIne a organIsé La 3ème édItIon de son forum scIentIfIque. oBjectIf pr I nc I pa L de L ’ événement : « cartograph I er » Les données ex I stantes sur Le m ILI eu mar I n , tout en opt I m I sant Les mutua LI sat I ons entre sc I ent I f I ques pour encourager de futures co LL a B orat I ons

Au cours du premier jour d’échanges, les présentations se sont succédé sur des thèmes aussi variés que la distribution des tortues imbriquées dans le lagon de l’Ermitage, le suivi photogrammétrique des récifs, la représentation et les usages du littoral au fil des cartes... Puis le lendemain, les cessions de discussions se sont articulées autour d’une thématique centrale : comment faire en sorte que les études de terrain soient en adéquation avec les objectifs fixés par la Réserve. Rencontre avec quelques-uns des acteurs présents.

TÉMOIGNAGES

MAGALI DUVAL, RESPONSABLE CELLULE ENVIRONNEMENT IFREMER OCÉAN INDIEN

« Développé par l’lfremer, QUADRIGE est le système d’information de référence national pour les eaux littorales. Les données “brutes” de description de l’environnement marin, issues de programmes de recherche et de suivis de surveillance et d’observation, sontainsibancariséesdanscetteapplication:hydrologie, phytoplancton, benthos, microbiologie, contaminants chimiques...Ellessontvisualisablessousformegraphique et cartographique et téléchargeables via SURVAL. Enfin, l’lfremer a aussi développé SEXTANT, une interface de données géographiques mettant à disposition des cartes de synthèse, par exemple des cartographies d’habitat. Le but de ces outils est de sécuriser les données et les rendre disponibles à tous de façon interactive. »

+ d’info ici : https://quadrige.ifremer.fr/support

LÉO BROUDIC, CHARGÉ

« Le projet “Utopian”, démarré en 2021, vise à cartographier les récifs coralliens de l’île afin notamment d’identifier des zones d’enjeux prioritaires de conservation. L’état de santé des récifs a été évalué sur plus de 4300 points fixes (100 m2 de fond marin chacun) et à travers 1600 parcours aléatoires de 10 minutes dans le lagon et sur les pentes externes. Une des conclusions est qu’à La Réunion, moins de 5% des récifs sont dans un état très bon et plus de 20% dans un état mauvais. »

FABIEN BRIAL, UFR LETTRES ET SCIENCES HUMAINES À L’UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION

« L’histoire de La Réunion montre, à travers les cartes, que si l’attractivité du littoral est ancienne, ce n’est que très récemment que la pression anthropique qui s’y exerce nécessite des mesures de préservation. La forte croissance démographique observée depuis 30 ans se traduit spatialement par de nombreux aménagements sur le littoral, dessinant un anneau urbain tout autour de l’île. Arrivant à saturation en termes de développement urbain et d’axes de transport sur le littoral, il est urgent d’engager des mesures de gestion durable très fortes ».

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PUBLI-COMMUNIQUÉ
DE PROJET « UTOPIAN » À L’ASSOCIATION BEST RUN
+ d’info ici : https://www.facebook.com/aufildescartes Un projet financé par :
https://surval.ifremer.fr/ https://sextant.ifremer.fr/

INTERVIEW CROISÉE

ANNE-LAURE CLÉMENT, RESPONSABLE DU PÔLE USAGES ET ACTIVITÉS DE LA RÉSERVE MARINE DE LA RÉUNION, ET TÉVAMIE RUNGASSAMY, RESPONSABLE DU PÔLE PATRIMOINE NATUREL DE LA RÉSERVE

• En quelques mots, quel est l’état des lieux de la Réserve marine de La Réunion aujourd’hui ?

Tévamie Rungassamy - Malgré les efforts entrepris, on observe une tendance à la dégradation du milieu marin, avec des causes multifactorielles. La Réserve subit un certain nombre de pressions, qu’elles soient liées aux prélèvements de pêche, aux dégradations de l’habitat – en raison par exemple des piétinements sur les platiers – au réchauffement climatique, cyclones, fortes houles, mais également aux activités en provenance des bassins versants. En effet, l’île est très pentue et s’imperméabilise de plus en plus en raison des surfaces bétonnées. Les ruissellements, rejets de l’agriculture et pollutions présentes en amont finissent par se déverser dans le lagon sous forme de coulées de boue notamment, c’est pourquoi nous souhaitons développer une approche globale, en concertation avec l’ensemble des acteurs des bassins versants.

• Quels résultats ont été atteints grâce à la 3 ème édition du Forum scientifique ?

Anne-Laure Clément - Le Forum a permis tout d’abord la rencontre entre l’équipe gestionnaire de

la Réserve et les scientifiques qui étudient et œuvrent dans ce périmètre marin protégé. Chacun a pu prendre connaissance des projets de ses confrères et cela était l’un de nos objectifs car les scientifiques travaillent sur des sujets d’études spécifiques, parfois très techniques, et donc forcément un peu “en vase clos”.

• Votre pôle « Usages et activités » est récent. En quoi sa création s’inscrit-elle dans les grands enjeux de la Réserve marine de La Réunion ?

Anne-Laure Clément - Depuis un an, la Réserve a ouvert au sein de sa cellule scientifique ce nouveau pôle, qui complète désormais celui dévolu au patrimoine naturel. En accord avec notre Plan de gestion, l’objectif est de concilier au mieux la protection du milieu marin et l’ensemble des activités touristiques, économiques et sportives associées. Si environ 6 % de son périmètre est intégralement protégé, donc interdit d’accès, le rôle de la Réserve est de tendre vers le difficile équilibre à trouver entre activités humaines et respect de l’écosystème marin. C’est là tout l’enjeu finalement des travaux évoqués lors du Forum.

+ d’info ici : http://www.reservemarinereunion.fr/

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 31
Les participants au 3ème Forum scientifique de la Réserve naturelle marine de La Réunion, qui a eu lieu à Saint-Gilles-les-Bains fin juin 2023. Photo : © Audrey Valéry | RNMR

LE GRAND PORT MARITIME DE LA RÉUNION

CONSTRUIT SA « STRATÉGIE BIOSÉCURITÉ »

a u carrefour de nom B reuses routes mar I t I mes , Le gpmd L r , seu L port de commerce de L ’ î Le , est Le LI eu de trans I t de p L us de 99 % des marchand I ses I mportées ou exportées à L a r éun I on .

I L est a I ns I assujett I à L a pro BL émat I que de L ’ I ntroduct I on de potent I e LL es espèces exot I ques , et s ’ app LI que à y fa I re face à travers L a m I se en p L ace d ’ un p L an opérat I onne L de BI osécur I té

Les espèces exotiques à risque incluent la macrofaune, mais aussi les bactéries, champignons... Ces individus ou organismes ayant voyagé hors de leur aire naturelle peuvent potentiellement devenir envahissants au point de menacer la biodiversité locale, l’économie voire la santé humaine. Pour renforcer la prévention de ces introductions, forfuites ou non, le GPMDLR a confié à Cynorkis une étude débutée en mars. À partir d’un état des lieux, celle-ci a vocation à déterminer à l’échelle du port des leviers d’action en matière de biosécurité.

Cette notion encore méconnue intervient à la première phase du processus d’invasion biologique : l’introduction. La biosécurité regroupe ainsi les mesures visant à prévenir les risques de contamination, de pollution de l’environnement ou d’appauvrissement de la biodiversité. Elle englobe à la fois la surveillance préfrontière pour identifier les menaces potentielles, à la frontière pour contrôler les importations et enfin postfrontière pour une détection et une réaction coordonnée d’élimination de l’espèce exotique envahissante (EEE).

TÉMOIGNAGES

« Dans mon métier ou dans ma vie personnelle, l’impact négatif des espèces exotiques envahissantes (végétales) sur la biodiversité et les paysages est une préoccupation quotidienne. Que ce soient les remparts de l’ouest de l’île totalement envahis par la liane papillon ou les pentes de l’est par le jambrosade, nos erreurs passées ont définitivement dégradé les écosystèmes réunionnais. Aussi, m’impliquer dans la construction de la stratégie biosécurité du Grand Port et concevoir des mesures permettant d’éviter de futures introductions est une vraie satisfaction. Le plan d’actions que nous avons construit s’adresse à l’ensemble des acteurs de Port Réunion mais vise également le législateur et les citoyens, maillons qui me semblent essentiels à la mise en place d’une biosécurité efficace. »

« Le Grand Port Maritime est une porte d’entrée d’espèces envahissantes, c’est par là que s’est introduit probablement un lézard invasif, l’agame des colons, il y a presque 25 ans (retrouver ICI notre article dans OMGN13, NDLR).Dans le but d’éviter d’autres introductions comme celle-ci, le GPMDLR nous a commandés une étude de biosécurité à mener avec l’ensemble des acteurs concernés. En ce moment, concernant la faune, le corbeau familier (Corvus splendens) arrive sur l’île par l’intermédiaire des cargos de marchandises. Nous savons qu’il représente une menace pour la faune endémique et qu’il peut être vecteur de maladies comme la grippe aviaire. Empêcher sa présence à La Réunion est essentiel, cela fait partie de notre mission pour le Grand Port Maritime. »

grandeur Nature OUTRE-MER 32 PUBLI-COMMUNIQUÉ
À CYNORKIS LISA SPENLÉ, INGÉNIEURE CHARGÉE D’ÉTUDES FAUNE À CYNORKIS
MARC ROUSSIN, INGÉNIEUR CHARGÉ D’ÉTUDES FLORE

INTERVIEW

• Comment évaluez-vous aujourd’hui la place de La Réunion en matière de biosécurité ? Est-ce un domaine suffisamment développé ?

- La littérature scientifique montre que La Réunion peut devenir l’une des pionnières en France sur les enjeux de biosécurité et cela se traduit par des actions concrètes qu’on peut mener entre autres à l’échelle du GPMDLR. Notre évaluation dans le cadre de l’étude montre que les mesures de biosécurité actuelles restent insuffisantes face aux enjeux écologiques annoncés et en comparaison avec d’autres pays leaders – Nouvelle-Zélande, Australie... – en la matière.

• Quelles sont les premières préconisations qui se dégagent de votre étude pour le GPMDLR ?

- Il existe tout un panel d’actions de biosécurité à l’échelle internationale applicables à La Réunion et qui

agissent à trois niveaux : prévention d’introduction, puis détection précoce et enfin lutte rapide. L’efficacité opérationnelle dépend d’un travail collaboratif mené depuis l’élaboration des actions jusqu’à leur réalisation, entre le Grand Port Maritime et les acteurs privés et publics : législateur, entreprises et acteurs privés, acteurs institutionnels, citoyens, etc.

Ainsi, nous avons associé dès le départ de notre mission les acteurs locaux – Société d’études ornithologiques de La Réunion (SEOR), Nature océan Indien (NOI), Office français de la biodiversité (OFB), Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF), capitainerie du port… – pour construire un plan opérationnel qui se décline en neuf actions à réaliser sur les cinq prochaines années (2024-2029) :

• poursuivre la sensibilisation des acteurs du GPMDLR et de la population à la biosécurité ;

• identifier les voies d’introduction prioritaires ;

• renforcer le rôle de contrôle de la capitainerie et de la Direction de la mer sud océan Indien (DMSOI) ;

• installer des pièges à large spectre aux points d’entrée, de transit et de sortie de potentielles EEE ;

• détecter de nouvelles EEE grâce à la méthode de l’ADN environnemental ;

• construire des mesures d’urgence facilitant l’action en cas de détection précoce ;

• créer et animer un réseau local et régional des ports maritimes ;

• systématiser la mise en quarantaine d’espèces à risque ou non identifiées ;

• mettre en place un scanner à rayon X...

Autant de pistes proposées pour améliorer la lutte contre les invasions biologiques, qui sont la principale menace pour la biodiversité (Lenzner et al. 2020). La Réunion fait partie d’un hotspot mondial de biodiversité et le Grand Port Maritime s’affirme, à travers ce travail très innovant sur la biosécurité, parmi les acteurs de l’île répondant à ces forts enjeux de conservation.

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 33
DOMINIQUE HOAREAU, GÉRANT DU BUREAU D’ÉTUDES EN ÉCOLOGIE CYNORKIS, BASÉ À LA RÉUNION
La liane papillon a envahi les remparts de l’ouest réunionnais. © Life Corexerun | Le corbeau familier. © Jean-François Cornuaille - OFB

« MAYOTTE SUBIRA LES CONSÉQUENCES DES DÉCISIONS PRISES PAR LES

GRANDES PUISSANCES »

h ausse des températures et du n I veau de L a mer , éros I on côt I ère , sécheresse , fortes hou Les ... L e projet B r I o , mené par m étéo - f rance , L ’ a gence frança I se de déve Loppement ( afd ) et L a c omm I ss I on de L ’ océan I nd I en ( co I) apporte des project I ons ch I ffrées pour a I der m ayotte à ant I c I per L es effets du réchauffement c LI mat I que

Alors que les conséquences du changement climatique sont déjà bien visibles dans ce département français, le projet Brio (Building Resilience in the Indian Ocean) apporte, pour la première fois, des projections sur la situation climatique dans l’océan Indien à l’horizon 2100.

Objectif : permettre aux autorités locales et aux institutions de mettre en place, rapidement, des politiques adaptées. « Les résolutions apportées par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, NDLR) couvrent l’ensemble du globe. Aucun modèle n’étudiait le cas spécifique des petites îles de la région », analyse François Bonnardot, responsable de la division études et climatologie océan Indien pour Météo-France.

SIX MOIS DE FORTES CHALEURS

Dans le scénario le plus positif, le projet prévoit un réchauffement de 1 à 1,5 ° C à Mayotte d’ici 2100 à condition que les émissions de gaz à effet de serre diminuent drastiquement.

Si ces émissions restent stables, la température augmentera de 4 ° C. « Mayotte subira les conséquences des décisions prises par les grandes puissances », regrette-t-il. Les simulations indiquent une baisse de 30 % des précipitations de mai à octobre, une augmentation de la sévérité des périodes de sécheresse et un nombre de jours de fortes chaleurs

bien plus élevé. « Il pourrait représenter plus de six mois de l’année, contre 30 jours actuellement ».

Les cyclones ne seront pas plus nombreux mais plus intenses, augmentant ainsi les dégâts matériels et humains. D’après François Bonnardot, le changement climatique doit être anticipé selon la vulnérabilité d’un territoire : « Pour un même niveau d’élévation de la mer, l’île de Mayotte étant plus basse, elle sera plus impactée que La Réunion. Pour définir la vulnérabilité d’un territoire, il faut croiser les aléas climatiques et les spécificités géographiques ».

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MAYOTTE
Submersion marine lors d’un épisode de grande marée sur le littoral de Pamandzi en Petite-Terre, fin mars 2023. © Météo-France Le cyclone Hellen, qui a frappé Mayotte en 2014, comme ici dans la commune d’Acoua, est resté dans les annales pour son intensification très rapide. © BRGM | DEAL Mayotte

INTERVIEW

FLORIANE BEN HASSEN, RESPONSABLE DU CENTRE MÉTÉOROLOGIQUE DE MAYOTTE

• Mayotte est-elle plus vulnérable face au dérèglement climatique ?

- C’est un territoire insulaire, il est donc particulièrement sensible à l’évolution du niveau de la mer et aux modifications induites par le changement climatique sur les saisons, notamment lors de celle des pluies.

On constate déjà un raccourcissement des saisons dites « de recharge » en eau des nappes et cette tendance va s’accentuer. Alors que l’île s’est enfoncée de plus de 15 centimètres en 2018 après une crise sismo-volcanique, des quartiers sont déjà inondés. Le littoral de Mayotte est fortement peuplé et des projets d’aménagement du territoire se font encore sur cette zone vulnérable. De nombreux bidonvilles implantés dans les hauteurs sont sujets aux vents et aux glissements de terrains en cas d’aléa cyclonique. La façade la plus peuplée est mécaniquement la plus vulnérable.

• Quelles sont les conséquences sur l’agriculture et la biodiversité ?

- Les Mahorais sont confrontés à un important manque d’eau, notamment en période de sécheresse comme cette année. Ce n’est pas sans conséquence sur l’agriculture car la majeure partie de l’agriculture est vivrière et non professionnelle, ce qui ne permet pas de bénéficier des aides européennes de la PAC (Politique agricole commune). Si l’eau venait à manquer, il y aurait une priorisation des usages entre l’agriculture et les besoins en consommation. On observe

aussi une importante érosion des sols causée par la déforestation intensive et la monoculture, de manioc et de banane.

Le phénomène de blanchiment des coraux est une des conséquences de l’augmentation de la température de l’eau. C’est très inquiétant car la barrière de corail est fragilisée alors qu’elle joue un rôle protecteur face à la houle et aux phénomènes climatiques extrêmes. La mer gagne du terrain alors que de nombreuses plages ici sont des zones de ponte pour les tortues.

• Comment un territoire si pauvre peut-il faire face ?

- L’île est à une étape cruciale de son développement, le changement climatique implique de gros dilemmes. Il faut trouver un équilibre entre les infrastructures nécessaires et la préservation de la biodiversité.

D’un côté, les pouvoirs publics doivent agir pour anticiper le réchauffement climatique, et en même temps, Mayotte a besoin de se développer afin de répondre aux besoins des habitants, alors même que 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Rédaction et interview : Marion Durand

En générant une élévation du niveau des océans et des phénomènes météorologiques plus sévères, le changement climatique accélère l’érosion marine, comme ici en février 2023 à Sada, où elle a atteint le mur d’enceinte de l’école maternelle de Mangajou. © Météo-France

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TAAF

LE CRAYON POUR DÉCRIRE LA BEAUTÉ DES TAAF

Un palangrier dans les tempétueuses mers australes. © Nadia Charles

r are spéc I a LI ste en outre - mer du crayon graph I te et de cou L eur , n ad I a c har L es nous LI vre son regard d ’ art I ste sur L es t erres austra L es et antarct I ques frança I ses ( taaf ), qu ’ e LL e a eu L a chance de découvr I r Lors d ’ un fa B u L eux voyage à B ord du marIon dufresne.

- Dans le cadre d’une importante commande d’inventaire de la faune pour la Réserve naturelle des Terres australes françaises, j’ai eu l’opportunité de vivre une expérience unique en me rendant, lors d’une rotation du Marion Dufresne en novembre 2017, dans ces lieux grandioses peuplés d’espèces emblématiques telles que les albatros, les manchots, les orques...

INTERVIEW

NADIA CHARLES, DESSINATRICE NATURALISTE DANS L’OCÉAN INDIEN

• Quelle est votre spécialité en dessin ?

- Ma spécialité est le crayon graphite et de couleur, expression originale et pourtant basique au regard des nouvelles technologies infographiques. Une technique sèche sur papier, de la matière pigmentaire écrasée sur le support en superposition, en couches lisses qui donne un aspect cireux. J’utilise également le pastel sec pour les plus grands formats. L’aérographe est aussi une technique rapide et intéressante pour rendre des matières et des transparences.

• Quel regard portez-vous sur la faune et la flore de Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam ?

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L’œil de l’albatros timide. | Un timbre dédié à l’éléphant de mer.

J’ai été éblouie, émerveillée, fascinée devant tant de beauté. J’ai pu croquer des oiseaux, comme par exemple le prion bleu, que j’ai ensuite décliné sur un timbre-poste. J’ai réalisé des tableaux de sensibilisation que l’on retrouve au siège des TAAF, mais aussi dans les différents districts, des illustrations pour des rapports d’activité, etc. Pour ce faire, j’ai échangé des crobars contre des photos de professionnels qui étaient à bord du bateau. J’ai des trésors dans mes malles !

Éloigné des centres d’activité humaine, ce patrimoine naturel unique est resté un sanctuaire de la biodiversité dont les paysages volcaniques spectaculaires abritent l’une des plus fortes concentrations et diversités d’animaux et de mammifères marins au monde. La volonté de préserver cette partie de l’océan Austral pour les générations futures est un enjeu digne d’être célébré par un travail graphique complémentaire en termes visuels. Isabelle Autissier se souvient « de ce sentiment d’approcher un paysage évoquant l’aube du monde et de fréquenter des animaux qui ont oublié que l’homme a été leur ennemi mortel ». J’ai eu cette impression en observant le vol majestueux et serein des albatros au-dessus du bateau. Dans ce monde hostile, ces seigneurs des airs semblent nous regarder avec amusement, comme de petites choses fragiles et inadaptées à cet environnement.

• Lors d’une résidence d’auteurs au Muséum d’Histoire naturelle de La Réunion, vous avez publié récemment un ouvrage imposant qui recense la collection de vos plus beaux dessins. Les TAAF sont à l’honneur dans cet ouvrage ?

- Ce livre s’intitule Dessins naturalistes, une traversée de l’océan Indien... à la pointe du crayon. Il regroupe 25 à 30 ans de commandes dont la plupart sont issues de l’île de La Réunion. Les TAAF occupent un bon tiers du livre. Les planches réalisées à l’occasion de mon voyage illustrent la faune, la flore, mais aussi la vie des habitants, le travail des agents de la Réserve, l’activité liée la pêche australe et les actions menées dans cette immense Réserve naturelle.

Au bout de mon crayon, j’essaie de faire ressortir le caractère unique et exceptionnelle de ces îles, des espèces qui y vivent, pour sensibiliser tout un chacun à la nécessité de préserver ce joyau inscrit au titre du Patrimoine mondial de l’UNESCO et sur la Liste verte des aires protégées et conservées de l’UICN. Le crayon est un outil de communication qui parle à tout le monde !

Rédaction et interview : Sandrine Chopot

: https://nadiacharles.fr/

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 37
Le navire ravitailleur et océanographique des TAAF, ainsi que plusieurs espèces emblématiques peuplant les districts. © Nadia Charles
+
d’info ici

LA FONDATION DES MERS AUSTRALES FÊTE SES 10 ANS ET CONTINUE SON AVENTURE

g râce à L ’ engagement de tro I s de ses mem B res fondateurs – p êche a ven I r , c omata s capêche et c ap B our B on – L a f ondat I on des mers austra L es va être prorogée de c I nq ans et a pour nouveau prés I dent L aurent v I rapou LL é , d I recteur généra L de L ’ armement p êche a ven I r r encontre avec tro I s personna LI tés qua LI f I ées du conse IL d ’ adm I n I strat I on de L a f ondat I on

profondes, l’organisation de spectacles sur l’environnement ou encore l’accompagnement de jeunes sur des bateaux dans la zone océan Indien. Elle est très dynamique sur la partie culture, science, technologie à La Réunion et ouvre des portes intéressantes sur le monde professionnel.

• Les mers australes, des lieux à part pour la recherche scientifique ?

INTERVIEW

JAMES CARATINI, DIRECTEUR DE SCIENCES RÉUNION

• Que représente ce titre pour vous et en quoi consiste votre mission à la Fondation ?

- C’est au titre de directeur de Sciences Réunion que j’ai été nommé il y a deux ans comme personnalité qualifiée au sein du conseil d’administration de la Fondation des mers australes. Ma mission consiste à apporter des conseils sur l’étude de projets aussi bien culturels, sociétaux que scientifiques avec un regard extérieur aux enjeux financiers.

• De quelle façon la Fondation répond-elle à des enjeux importants en matière de science et d’environnement ?

- La Fondation des mers australes soutient la réalisation de projets ambitieux dans le domaine de la recherche en accompagnant des doctorants, mais également des projets sur l’île de La Réunion en eaux

- De par leur situation géographique, les mers australes sont des lieux uniques et compliqués. On se trouve sur une zone éloignée avec une mer difficile. La position de la France et les enjeux économiques y sont prépondérants et la recherche scientifique a une place de choix pour l’amélioration de la gestion des ressources. L’ensemble des adhérents à la Fondation ont bien conscience de ces enjeux. La gestion des ressources, le travail sur la déprédation des orques et des cachalots sont essentiels pour l’avenir économique de La Réunion.

• Vous allez bientôt prendre votre retraite. Après cette longue carrière au plus près des jeunes Réunionnais notamment, vous avez sensibilisé un public nombreux à l’environnement, quelles ont été vos « recettes » pour y arriver ?

- La recette est simple : de la Passion, beaucoup d’empathie, de l’écoute, être attentif aux évolutions de la société et essayer d’innover sur les sujets proposés. Aller au bout des projets avec mon équipe, et être disponible pour les autres… Le rôle de Sciences Réunion, c’est aussi de créer du lien et d’accompagner les porteurs de projets. C’est une mission formidable pour un directeur et je passe le flambeau à Phillipe Lassoeur qui va, j’en suis persuadé, prendre autant de plaisir que moi dans les années à venir. Me concernant, je vais continuer ma passion de caméraman sousmarin, l’idée étant d’écrire un long métrage…

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TÉMOIGNAGES

ÉMILIE RICHARD, RESPONSABLE ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES HALIEUTIQUES

À LA COMATA SCAPÊCHE, 1 ÈRE FEMME CONTRÔLEUSE DES PÊCHES DANS LES TAAF

« Depuis quatre ans, je fais partie du conseil d’administration au titre de représentante des salariés des membres de la Fondation. L’objectif est de promouvoir des projets de recherche innovants en lien avec l’environnementdesmersaustralesetpluslargement tout ce qui touche au maritime autour de La Réunion et notamment la pêche à la légine. Le projet OrcaDepred, qui consiste à comprendre les mécanismes de la déprédation pour concilier pêche à la palangre et conservation des orques et des cachalots, ainsi que le suivi du projet Deteclic sur la déprédation et l’acoustique, m’ont tout particulièrement intéressée. L’interaction mammifères marins et pêcheurs est un enjeu important pour l’avenir de certaines pêcheries dans le monde. Je souhaite un bel avenir à la Fondation, encore plus de projets à soutenir et notamment dans la préservation du patrimoine maritime. »

STÉPHANE CICCIONE, DIRECTEUR DE KÉLONIA, CENTRE DE SOINS DES TORTUES MARINES

À SAINT-LEU, ÎLE DE LA RÉUNION

« En tant que directeur de Kélonia, je travaille sur la préservation des tortues marines, les relations entre les sociétés humaines, les pêcheurs et les tortues. C’est à ce titre que j’ai été nommé il y a deux ans personnalité qualifiée au conseil d’administration de la Fondation des mers australes.

La pluralité des compétences présentes à la Fondation en fait la richesse. Le projet de recherche qui a été accompagné sur la vulnérabilité des raies capturées dans la pêcherie palangrière ciblant la légine australe à Crozet et aux Kerguelen, dans les TAAF, m’a beaucoup motivé. Les raies sont en effet des espèces emblématiques souvent oubliées. Le fait de travailler avec des pêcheurs qui essaient de gérer la ressource marine au lieu d’être dans l’exploitation à outrance, c’est passionnant. »

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT 39
Ci-dessus : James Caratini lors d’une plongée sous-marine au milieu d’un banc de platax. | Exposition de Sciences Réunion. © James Caratini
grandeur Nature 40 OUTRE-MER Biodiversité marine (green version), sérigraphie de Delphine Ciolek, 2018. © D. Ciolek | + d’info ici : https://rougemezzanine.net/

WALLISET-FUTUNA

EN PREMIÈRE LIGNE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

d ans Le cadre du programme « e n 1 ère LI gne » L ancé par L a 1 ère de f rance t é L év I s I ons , neuf personnes de L a soc I été c I v IL e sont devenues L es v I g I es c LI mat I ques et env I ronnementa L es de L eur terr I to I re u Ltramar I n . r encontre avec f a L akI ka f ano I u gata I 1 , v I g I e à W a LLI s - et - f utuna .

• Pourriez-vous nous citer quelques exemples de « changements qui se voient à l’œil nu » et « d’habitudes qui disparaissent petit à petit » ?

INTERVIEW

FALAKIKA FANOI UGATAI, VIGIE DU PROGRAMME « EN 1ÈRE LIGNE » À WALLIS-ET-FUTUNA

• Qu’est-ce qui vous a amenée à vous engager pour la protection de l’environnement local ?

- Depuis ma naissance, j’ai très rarement quitté mon territoire. Sur une toute petite île comme Wallis, les changements se voient à l’œil nu : la population wallisienne avait pour habitude de vivre en harmonie avec cet environnement très riche mais ces habitudes de vie, au fil du temps, disparaissent petit à petit. Ce que je souhaite retrouver, c’est un environnement sain

- Avant, quand j’étais encore au collège, c’est-à-dire il y a maintenant 15 ans, nous avions l’habitude d’aller à la plage pour nous baigner et nous détendre, mon grand-père habitait au bord de cette plage sous un petit « falé » traditionnel avec un toit en feuille de pandanus. Tout ça aujourd’hui n’existe plus, il n’y a plus de plage ni de petit falé traditionnel à cause du changement climatique qui favorise la montée des eaux et l’érosion. Autre facteur qui favorise également l’érosion dans nos îles, c’est le prélèvement de sable par la population pour construire leurs maisons. Je vois bien, surtout moi qui n’ai presque jamais quitté mon île, que les habitudes changent. Par exemple, les choses qui arrivent par bateau pour ravitailler nos deux petites îles se modernisent, avec l’arrivée de toujours plus de produits contenant du plastique, que l’on retrouve aujourd’hui comme déchets au bord des routes…

Aussi, l’habitude d’aller faire les champs pour planter des féculents soit pour la coutume soit pour manger à la maison disparaît et meurt avec nos grands-parents car aujourd’hui il est rare de voir des jeunes faire des champs et c’est pour cela aussi que maintenant la liane Merremia peltata envahit les végétaux, même les cocotiers. Alors qu’avec une production locale on pourrait réduire le nombre de cargos venant à Wallis-et-Futuna et ainsi réduire la production de gaz polluant l’air.

Rédaction et interview : Stéphanie Castre

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Nous retrouverons Falakika Fanoi Ugatai dans le prochain numéro d’OUTRE-MER grandeur Nature. À Wallis, la belle plage de Vailala subit l’érosion due au réchauffement climatique et aux prélèvements de sable. © Falakika Fanoi Ugatai

L’INITIATIVE KIWA : DES SOLUTIONS FONDÉES SUR LA NATURE POUR LA RÉSILIENCE CLIMATIQUE DANS LE PACIFIQUE

c oordonnée par L ’ a gence frança I se de déve L oppement ( afd ), L ’I n I t I at I ve mu Lt IB a ILL eurs k IWa permet d ’ ag I r à L ’ éche LL e rég I ona L e pour proposer des s o L ut I ons f ondées sur L a n ature communes aux é tats I nsu L a I res et aux terr I to I res frança I s du p ac I f I que , et renforcer L a rés ILI ence de ces terr I to I res aux effets du changement c LI mat I que

Dotée de 75 millions d’euros, l’Initiative Kiwa est un fonds multibailleurs financé par la France, l’Union européenne, le Canada, l’Australie et la NouvelleZélande, qui vise à simplifier l’accès aux financements pour les Solutions Fondées sur la Nature dans 19 États et territoires insulaires du Pacifique. L’Initiative Kiwa finance des projets régionaux – comprenant au moins deux territoires ou pays éligibles – tels que le projet « POLFN » (photo ci-contre), avec la création d’un réseau de fermes biologiques pédagogiques pour accroître la résilience des petits producteurs à Fidji, Nauru, Tonga et aux Îles Salomon. Des projets locaux sont aussi soutenus et coordonnés par le bureau régional océanien de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN-ORO). Outre le soutien financier, l’Initiative Kiwa offre également de l’assistance technique grâce à ses partenaires que sont la Communauté du Pacifique (CPS) et le Programme régional océanien de l’environnement (PROE), pour renforcer les capacités des soumissionnaires en termes de développement de projets et de promotion des Solutions Fondées sur la Nature dans les politiques et stratégies d’adaptation au changement climatique. Une véritable « communauté Kiwa » se construit ainsi depuis 2021, sous la forme de collaborations entre les différents porteurs de projets et entre acteurs des États insulaires et des territoires français.

grandeur Nature OUTRE-MER PUBLI-COMMUNIQUÉ
Sur l’île fidjienne de Vanua Levu, les bailleurs et partenaires de l’Initiative Kiwa ont visité en mai 2023 un projet local dans le village de Raviravi, où les communautés replantent notamment de la mangrove pour lutter contre la montée des eaux. © KiwaInitiative
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Arthur, bénéficiaire du projet régional Kiwa POLFN (Pacific Organic Learning Farms Network) cultive de la vanille sur son exploitation, aux Fidji. © KiwaInitiative

INTERVIEW CROISÉE

AURÉLIEN GUINGAND, RESPONSABLE D’ÉQUIPE PROJET BIODIVERSITÉ, FORÊTS ET AIRES PROTÉGÉES À L’AFD, ET JOANA HAUATA, SECRÉTAIRE DE L’ASSOCIATION PU TAHI HAGA NO GANAA

• Comment s’organise la gouvernance de cette Initiative Kiwa ?

Aurélien Guingand - L’Initiative Kiwa portée par l’AFD bénéficie d’une gouvernance à la fois multibailleurs et multipartenaires. Au sein de son Comité d’Orientation Stratégique, on retrouve ainsi les organisations régionales (IUCN-ORO, CPS et PROE), mais aussi des représentants des trois sous-régions : Micronésie, Mélanésie et Polynésie. Les décisions sont prises au consensus de l’ensemble des acteurs, selon les usages du Pacifique. Grâce notamment à cette gouvernance partagée, Kiwa se place comme une véritable plateforme de dialogue, élément clé pour la mise en œuvre des Solutions Fondées sur la Nature dans le Pacifique.

• Qu’est-ce que le projet local de préservation de la ressource en eau de l’atoll Anaa, financé via l’Initiative Kiwa ?

Joana Hauata - Ce projet s’inscrit dans la continuité des actions menées par l’association Pu tahi haga no Ganaa qui œuvre dans le domaine de la culture et de la biodiversité d’Anaa, atoll de l’archipel des Tuamotu en Polynésie française.

Au cours des années précédentes, notre association a piloté des projets qui ont permis d’améliorer les connaissances culturelles et scientifiques de l’atoll et aussi d’identifier une formation corallienne soulevée fossilisée comme zone de conservation prioritaire. La forêt primaire et sa faune spécifique se trouvant dans cette frange de corail soulevé sont en effet menacées par la pression anthropique. Le projet financé par l’Initiative Kiwa vise à améliorer la connaissance et la préservation de la ressource en eau de cette zone de conservation prioritaire, qui joue un rôle crucial de barrière contre les phénomènes naturels et climatiques et pour la protection des populations d’Anaa.

• Quelles sont les spécificités de l’Initiative Kiwa portée par l’AFD ?

Aurélien Guingand - Au-delà de la gouvernance originale ou de la présence de différents bailleurs autour d’un même fonds commun, l’Initiative Kiwa est singulière au sens où elle a mis en place plusieurs guichets adaptés à différents types de projets. Cela touche une grande diversité de bénéficiaires – ONG, autorités nationales, organisations régionales – à toutes les échelles : locale, nationale, régionale.

L’AFD nourrit par ailleurs l’ambition d’un échange d’expertise entre les territoires étrangers et français, notamment au travers de projets régionaux favorisant la coopération régionale. Enfin, une véritable attention est portée à l’équité entre les genres et à l’inclusion sociale pour chaque projet de Solutions Fondées sur la Nature soutenu. La prise en compte de ces sujets

« GEDSI » (Gender Equity Disability and Social Inclusion) se révèle particulièrement pertinente dans la région, au vu de la convergence entre les thématiques Culture et Nature pour les populations du Pacifique.

+ d’info ici : https://kiwainitiative.org/fr/

L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
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Des membres du Comité d’Orientation Stratégique de l’Initiative Kiwa, dont Philippe Orliange, directeur exécutif en charge des géographies à l’AFD, lors de la visite d’un projet aux Fidji en mai 2023. © KiwaInitiative

POLYNÉSIE FRANÇAISE

CORAL GARDENERS : OBJECTIF 100 000 CORAUX

Boutures coralliennes matures transplantées par Coral Gardeners sur le récif après avoir grandi en nurserie. © Killian Domingo

d epu I s 2017, L es jard I n I ers du cora IL de c ora L g ardeners , I nsta LL és à m oorea , é L èvent et rep L antent des coraux dans L es L agons po Lynés I ens . s u I v I e par un dem I - m ILLI on de personnes sur I nstagram , L ’ organ I sat I on s ’ ouvre à présent à L ’ I nternat I ona L et prévo I t d ’ I nsta LL er des B ureaux en t haï L ande et à f I dj I . r encontre avec son fondateur , t I touan B ern I cot .

• Vous avez replanté des dizaines de milliers de coraux en Polynésie. Comment procédez-vous ?

- Nous comptons planter 70 000 coraux en 2023, et d’ici à la fin de l’année, nous espérons atteindre le nombre de 100 000 coraux plantés dans le monde par notre association, depuis sa création en 2017.

Le principe de la restauration corallienne est assez similaire aux techniques utilisées sur terre pour les arbres. La première étape est la collecte de coraux. Ensuite on les bouture, on les fragmente et on les place en nurserie pendant une période de 12 à 18 mois selon l’espèce. Une fois qu’ils sont prêts, nous les replantons dans des zones où les récifs sont endommagés, entre un et quatre mètres de profondeur.

• Comment choisissez-vous les zones de transplantation ?

- Tout d’abord, on prélève des coraux résilients, c’està-dire qu’ils ont grandi dans des conditions extrêmes et qu’ils ont su s’adapter. Ces coraux peuvent, par exemple, avoir résisté à de nombreux phénomènes de blanchiment, vivre dans des eaux plus chaudes ou plus acides. S’ils sont résilients, ils résisteront davantage face au changement climatique. On fait ensuite un état des lieux des zones de transplantation et on essaie d’y réduire les causes de stress qui ont autrefois causé la mort des coraux comme la surpêche, le rejet d’eaux usées dans l’eau, le piétinement des coraux…

grandeur Nature 44 OUTRE-MER
INTERVIEW
L’ASSOCIATION
TITOUAN BERNICOT, FONDATEUR ET PRÉSIDENT DE
CORAL GARDENERS
Portrait : © Ryan Borne

• Une fois replantés, suivez-vous l’évolution des coraux ?

- Ça fait longtemps que l’on suit la croissance des coraux, mais cette année on passe à un niveau supérieur grâce à des outils technologiques qui nous permettent de suivre en temps réel l’évolution du récif. Cela va nous donner la possibilité de faire un suivi constant des boutures et des coraux replantés en étudiant les conditions environnementales dans lesquelles ils évoluent. Ces outils faciliteront la compréhension des facteurs de réussite, afin de calculer réellement l’impact de notre action.

• Vous avez lancé le projet éducatif Toa Ora en 2020 pour sensibiliser les jeunes Polynésiens. Où en êtes-vous ?

- Le projet Toa Ora existe en effet depuis bientôt trois ans. On travaille avec des écoles en Polynésie, notamment à Moorea, l’île sœur de Tahiti où est installée l’organisation. On fait venir les jeunes avec nous dans l’eau pour qu’ils plantent eux-mêmes leur propre corail et qu’ils suivent ensuite la croissance de leur bouture. C’est une manière pour nous de les reconnecter aux récifs et ils se réapproprient leur culture.

Notre but est vraiment de sensibiliser les enfants à l’importance des coraux, pour qu’ils en parlent autour d’eux dans les quartiers et aux anciens dans leur famille. Cette année, on a sensibilisé 400 enfants.

Rédaction et interview : Marion Durand

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Ci-dessus : boutures dans la nurserie à Moorea. © Noé Langronier | Observation de la croissance des coraux après deux ans. © Noé Langronier
https://coralgardeners.org/
Sur le site Internet de Coral Gardeners, il est possible d’adopter un corail et de lui donner un nom, afin de soutenir le projet. + d’info ici : © Killian Domingo © Dustyn Alt
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haut : atelier de restauration du corail à Teahupo’o, sur la presqu’île de Tahiti, lors d’une compétition de la World Surf League. © K. Domingo
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À gauche : nurserie créée par Coral Gardeners. © Ryan Borne | Ci-dessus : le « bamboo tree », structure en bambou. © Killian Domingo

L’IFREMER ACTEUR DE LA WORLD AQUACULTURE CONFERENCE EN AUSTRALIE

Une équipe de l’unité « Ressources marines en Polynésie française » (RMPF) de l’Ifremer était invitée pour ces deux événements prestigieux avec trois présentations axées sur les recherches innovantes autour de l’huître de roche en cours à Vairao.

Les experts de l’Ifremer du Centre Pacifique ont ainsi présenté la stratégie de développement de l’huître de roche (Saccostrea cucullata et Saccostrea echinata) dans sa globalité et ses perspectives pour une aquaculture durable de cette huître en Polynésie française.

« La parfaite maîtrise du conditionnement des géniteurs, du cycle de production de l’élevage larvaire au prégrossissement, positionne l’Institut en leader dans le domaine. Aujourd’hui, par le développement d’une technique permettant d’éviter l’infestation par le ver parasite polydora, notamment par l’exondation automatisée, système de mise hors d’eau régulière utilisé en partenariat avec notre partenaire privé Ostrea Tahiti, nous visons l’objectif de la maîtrise totale du cycle et la valorisation commerciale de ces productions. Ce projet implique également la Direction des ressources marines de Polynésie française », précise Guillaume Mitta, responsable de l’Unité RMPF, présent à la WA avec ses collaborateurs Cristian Monaco et Manaarii Sham Koua.

Les interventions des chercheurs de l’Ifremer à ce symposium international ont permis de mettre en avant le potentiel de l’Institut dans le domaine de l’ostréiculture au niveau mondial. Les participants ont apprécié les résultats exceptionnels atteints par l’unité RMPF ces dernières années : 85 % de taux de réussite, 90 % de taux de fixation sur un cycle.

Un objectif plus institutionnel de la présence Ifremer à Darwin était également d’établir des contacts avec des interlocuteurs internationaux. Des discussions ont été menées entre autres avec le Darwin Aquaculture Center, James Cook University, University of the Sunshine Coast pour l’Australie, et le Cawhtron Institute pour la Nouvelle-Zélande. Ce fut également l’occasion de rencontrer d’autres pays du Pacifique Sud comme Fidji et la Nouvelle-Calédonie, afin de rayonner au-delà de la Polynésie française.

p our L a prem I ère fo I s depu I s 2014, L ’ a ustra LI e a accue ILLI L a W or L d a quacu Lture (Wa ) du 29 ma I au 1 er ju I n à d ar WI n , sur L e thème « r enforcer L ’ a quacu Lture », a I ns I que L e I nternat I ona L t rop I ca L rock oyster W orkshop deux jours avant L a Wa + d’info ici : https://www.was.org/Meeting/code/WA2023

(Re)lire le dossier de presse : « L’Ifremer dans le Pacifique : 50 ans de sciences océaniques »

grandeur Nature OUTRE-MER 48 PUBLI-COMMUNIQUÉ
Ci-dessus : procédé de la table d’exondation pour remédier au problème d’infestation des huîtres par le ver parasite Polydora. © Ifremer | Unité RMPF

INTERVIEW

MANAARII SHAM KOUA, TECHNICIEN EN ZOOTECHNIE

• Manaarii, quel a été votre parcours scolaire et professionnel pour arriver au poste que vous occupez aujourd’hui ?

- J’ai la mer dans le sang depuis tout petit. C’est pourquoi après ma scolarité à Raiatea jusqu’au bac, je suis parti à Cherbourg afin d’obtenir un diplôme de technicien supérieur de la mer. C’est dans ce cadre que j’ai effectué un stage de quatre mois au centre du Pacifique, sur l’écophysiologie de l’huître perlière.

J’ai ensuite continué mon parcours en Bretagne en tant qu’observateur des pêches sur les chalutiers hauturiers dans le cadre du programme « Obsmer ».

En 2010, de retour à Vairao en CDI, j’ai débuté l’entretien et le suivi biométrique des huîtres perlières Pinctada margaritifera en élevage en mer. Je me suis ensuite spécialisé en écloserie d’huître perlière avec la production de microalgues, la gestion des géniteurs et des reproductions, l’élevage larvaire, le grossissement mais également des missions de terrain dans le cadre de greffes expérimentales.

• Quelles recherches innovantes menez-vous actuellement à Vairao ?

- Le développement de l’huître de roche est un projet prioritaire avec la société privée Ostrea Tahiti et la Direction des ressources marines. Les protocoles d’écloserie ont été mis au point ces deux dernières années avec d’excellents résultats. L’étape du grossissement reste le verrou majeur sur lequel nous devons travailler. Nous avons mis en place il y a peu un système de tables d’exondation en collaboration avec Ostrea Tahiti et l’entreprise Médithau située en Occitanie, qui permettra de répondre au problème d’infestation des huîtres par un ver parasite.

Un autre axe de recherche est la production de familles biparentales d’huîtres perlières dans le cadre du projet « PinctAdapt ». Deux thèses sont en cours sur l’adaptabilité de l’espèce au changement climatique. Nous avons déjà réussi à produire 21 familles biparentales entre juillet 2022 et juin 2023, dont 15 nouvelles entre mai et juin 2023.

Je citerais enfin l’étude de l’influence des stress biotiques ou abiotiques au niveau des premiers jours de développement sur différents modèles biologiques. Cette étude, dans le cadre du projet « Plasticité développementale » (Plan d’Action Outre-Mer/ Direction scientifique Ifremer), est réalisée sur les espèces d’huîtres Pinctada margaritifera et de poissons Platax orbicularis pour améliorer leur robustesse face à différents stress durant leur cycle de vie (maladies, stress physico-chimiques…).

• Quel ressenti tirez-vous de votre participation à WA en Australie ?

- Après avoir assisté pour la première fois à un congrès mondial comme World Aquaculture, j’ai compris que présenter nos projets dans un congrès de ce rang est essentiel pour la reconnaissance de notre travail, le rayonnement de nos recherches et de notre institut.

+ d’info ici : (Re)voir la « carte bleue à l’huître de roche en Polynésie française » avec Manaarii : https://www.youtube.com/watch?v=39E_AKlB-1E

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Ci-dessus : Manaarii Sham Koua au sein de l’écloserie des huîtres de roche du centre Ifremer Pacifique. © Ifremer | Heivini Le Gléau

NOUVELLECALÉDONIE

à L ’ î L e des p I ns , en n ouve LL e - c a L édon I e , g u ILL aume v ama a été L e prem I er à promouvo I r L ’ agroforester I e . L e jeune kanak de 29 ans , à L a tête de L ’ assoc I at I on a g I r nc , accompagne des agr I cu Lteurs de tout L e p ac I f I que dans L eur trans I t I on vers une agr I cu Lture a LLI ant respect de L ’ env I ronnement et déve Loppement personne L

• Vous êtes le premier à avoir privilégié l’agroforesterie comme mode d’exploitation à l’Île des Pins. Quand avez-vous commencé et pourquoi ?

- J’ai commencé il y a quatre ou cinq ans, j’ai choisi l’agroforesterie car j’ai pris conscience qu’il fallait changer les méthodes de production pour se tourner vers des valeurs plus humaines et plus respectueuses de l’environnement. J’ai créé le projet Tradtech, diminutif de tradition et de technologie, et j’ai développé un système de culture et d’élevage qui prend en compte la nature, le cycle entre le carbone, le sol et l’aérien. Je suis toujours à la recherche d’investisseurs privés afin de pouvoir développer davantage l’agroforesterie en Calédonie.

• Quelles différences y a-t-il avec une exploitation traditionnelle ?

- En agroforesterie, le design de chaque exploitation évolue selon l’espace, le lieu ou les sols. On crée des lignes de plantations où on insère des arbres, du manioc, des arbustes, un ensemble qui évolue en symbiose pour créer une petite forêt.

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INTERVIEW GUILLAUME VAMA, PRÉSIDENT ET COFONDATEUR DE L’ASSOCIATION AGIR NC
Rédaction et interview : Marion Durand Exploitation agricole de Guillaume Vama. © Weregnia
« LE MEILLEUR SCIENTIFIQUE EST CELUI QUI OBSERVE »

On peut également y ajouter une valeur économique en plantant du santal, pour produire des huiles essentielles, de la vanille, du cacao… Mais cette technique d’exploitation permet aussi de remettre l’humain au centre du projet, c’est lui le capitaine du bateau. Il faut que l’agriculteur soit satisfait, mature et sage. Tout cela se gagne avec de l’expérience, pas avec un diplôme. C’est le temps et le développement personnel qui mènent à la réussite.

• Comment accompagnez-vous les agriculteurs qui souhaitent se tourner vers l’agroforesterie ?

- Je les accompagne pour que leur projet s’inscrive dans le développement durable et cela passe par une partie plus technique : l’analyse des sols. On ne fait pas la même agriculture que l’on soit sur un sol chargé en métaux lourds, en argile ou en bord de mer. Aujourd’hui on évolue dans un système qui ne prend pas suffisamment en compte la nature. Pourtant, le meilleur scientifique est celui qui observe, les plantations ne sont pas là par hasard. Quand je fais mes formations, je dis souvent qu’il ne faut pas perdre du temps avec des choses qui ne fonctionnent pas. Il faut regarder ce que l’on a autour de soi.

• Vous dites que c’est un projet clanique, un projet individuel qui vit dans une communauté. Pourquoi ?

- L’agroforesterie repose sur des valeurs sociales car on apporte du bonheur, on crée de l’échange et du dialogue. C’est une façon de pousser les jeunes à s’intéresser à leurs terres. C’est un bon équilibre pour la jeunesse kanak qui s’identifie dans ces valeurs traditionnelles de valorisation de la terre. L’agroforesterie repose sur un triple capital : social, économique et agronomique. On valorise l’humain puisqu’on cultive des produits ayant un intérêt nutritif et positif pour le corps, mais on valorise aussi la terre car on favorise la régénération des sols et la biomasse.

TÉMOIGNAGE

HENRI POAGNIDÉ, CHARGÉ DE DÉVELOPPEMENT DANS L’ASSOCIATION NKAT (NAPÔ KÈJÊ AMÛ TÊNYÈ 1)

« Depuis qu’on travaille avec Guillaume Vama, on a mis en place les méthodes d’agroforesterie dans cinq champs à Poindimié, un à Koné et un à Poya. Depuis 2019, on a organisé deux formations chaque année avec une trentaine de participants. La toute première a même réunie 75 personnes. L’enjeu est de permettre aux agriculteurs d’être autonomes et de pouvoir se nourrir tout en se passant de certains produits qui sont de plus en plus chers dans le commerce. En NouvelleCalédonie, les habitants cultivent depuis toujours, ils savent le faire. Nous, on les forme pour développer des microprojets autour de quatre thématiques : la vanille, le cacao, le café ou les ruches. Les agriculteurs peuvent intégrer ces cultures à leur champ en créant un écosystème grâce à l’agroforesterie. On apporte un petit plus à ce qu’ils ont toujours fait. Les anciens chez nous disaient « la terre est notre mère nourricière », l’humain dépend de la nature car elle nous donne de quoi vivre. Si on l’abîme, on s’abîme avec elle. »

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1 Signifie «
Henri Poagnidé, ferveur défenseur de l’agroforesterie locale.
Notre pays » en langues kanak paicî et cèmuhî.

Fédérer l ’ OuTre-mer, FavOriser les échanges, meTTre en lumière les acTeurs de Terrain, les iniTiaTives pOur la prOTecTiOn de la naTure eT le dévelOppemenT durable

grandeur Nature OUTRE-MER

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SUPPORT

:

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Un support proposé par aux Éditions Insulae

OcéIndia

7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion

Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Axelle Dorville, Romy Loublier, Alain Brondeau, Érick Buffier, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Marion Durand, Amandine Escarguel, Jean-Pascal Quod, Caroline Marie Conception graphique : Océindia

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et réseaux sociaux SOMMAIRE OcéIndia
D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX
décideurs publics acteurs ultramarins de l ’ environnement académies d ’ outre-mer internautes via de nombreux sites web
UNE n°16 L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT MAI | JUIN 2023 N.-CALÉDONIE | DES DONNÉES INÉDITES SUR LA POLLUTION LUMINEUSE ÉDITO | Valérie Verdier, Présidente-directrice générale de l’ird GUADELOUPE | Pourquoi cette hausse des Prix des billets d’aVion ? POLYNÉSIE FRANÇAISE | le Projet aoa, Pour régénérer la forêt 2 édito 3 actu outre-mer 5 Saint-Pierre-et-Miquelon 8 Saint-Barthélemy 11 Saint-Martin 12 Martinique 18 Guadeloupe 22 Guyane 28 Île de La Réunion 36 Mayotte 38 TAAF 40 Polynésie française 42 Nouvelle-Calédonie 46 Wallis-et-Futuna 47 Clipperton
OUTRE-MER

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