Ardennes Alpes
On entend dire d’un vieil alpiniste qu’il fut un bon alpiniste mais je pense plutôt qu’un vieil alpiniste a eu plus de chance que d’autres.
Et voici la dernière astuce : dans les situations les plus difficiles, se dire que cela aurait pu être pire.
TEXTE DE JEAN BOURGEOIS MIS EN IMAGE PAR AUDREY CAUCHIEédito
Commençons par un anniversaire…
Le 18 février 1883, il y a donc 140 ans, François Crépin et quelques amis fondent le Club Alpin Belge, dont le premier siège est établi au Jardin Botanique. Le Club comptera rapidement une centaine de membres parmi lesquels l’industriel Ernest Solvay, qui fera don à la communauté alpine d’un refuge perché sur la célèbre arête du Hörnli, au Cervin (1917)1 .
Notre Fédération a quant à elle été créée il y a 45 ans, le 25 mai 1978.
Poursuivons par une préoccupation récurrente…
Nous terminions l’année 2022 en nous inquiétant de l’impact des changements climatiques sur les populations et l’environnement. À l’heure d’écrire ces quelques lignes, on constate un manque de neige dans les stations de moyenne montagne. Les sports d’hiver en pâtissent directement, mais cela signifie également un manque de recharge pour les glaciers et un impact direct sur l’économie en eau dans les massifs alpins. Il est grand temps de repenser le concept « neige » quand on voit que le Grand-Bornand (Aravis) a fait acheminer 24 000 m3 de neige « artificielle » pour organiser la coupe du monde de biathlon fin décembre 2022 !2Une transition doit absolument s’amorcer pour l’avenir des stations de sports d’hiver.
À notre niveau, nous venons de créer au sein du Conseil d’administration de notre Fédération, une commission « Environnement » qui sera chargée d’étudier les aspects liant nos pratiques et leurs impacts sur l’environnement. D’un autre côté, nous inaugurons dans ce numéro une rubrique « Environnement » dans laquelle vous pourrez lire un
1 - https ://www.clubalpin.be/histoire
2 - https ://www.montagnes-magazine.com/ actus-coupe-monde-biathlon-grand-bornandneige-acheminee-camion
article très intéressant d’Éric Berthe et Serge Raucq poursuivant la mise en situation amorcée dans le n°213 d’Ardennes & Alpes. Toutes les idées visant à réduire l’impact de nos activités sur l’environnement sont les bienvenues : si vous avez des cas pratiques à présenter, n’hésitez pas à nous les adresser. Nous les analyserons avant publication dans votre magazine favori.
Terminons par du positif…
Avec son ascension de La Rambla, Sébastien Berthe signe son deuxième 9a+ et s’installe dans le cercle très fermé des « nanogradistes ». Bravo et félicitations, Seb !
Les plus attentifs d’entre vous auront certainement noté la présence de Sébastien dans la programmation estivale de Montagne en Scène3. Vous pourrez revivre en images ce que vous avez déjà pu lire dans Ardennes & Alpes à propos de Cap sur El Cap ! Mais je vous laisse découvrir ce numéro très varié d’Ardennes & Alpes. J’épinglerai un bel article de Gilles Denis consacré à la Nanok Expedition. J’allais oublier : la Fédération accueille dans l’équipe Simon Vankeerberghen (responsable communication, en remplacement de Marie Pierret), Ambre Tudisco (responsable administratif, en remplacement de Marianne Coupatez admise à une retraite bien méritée) et Pierre Guyaux qui vient prêter main-forte à Ysaline Sacrez pour la formation. Bienvenue à eux !
Signalons pour terminer que la « European Cup Boulder » aura lieu à Loverval les 27 et 28 mai prochains.
Bonne lecture !
DIDIER MARCHAL Président du CAB3 - Toutes les dates sur : https ://www.montagne-en-scene.com/
Alexandre Buslain / Nanok © 2022CAP EXPÉ À L’ASSAUT DE TORGON
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Tout a commencé quand Guich (vice-champion de Belgique 2023) a partagé sa publication annuelle sur le groupe Cap Expé – forum : « Cette année, les championnats de Belgique de ski-alpi auront lieu à Torgon (Suisse) le 4 février.
PODIUMS EN COUPE DU MONDE : DANS LA TEMPÊTE ANDORRANE
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Les 21 et 22 janvier avaient lieu deux épreuves de coupe du monde de ski-alpinisme à Arinsal, en Andorre. Seul problème, la météo annoncée… Avec le froid, les chutes de neige et le vent, maintenir cet événement a été un grand défi pour les organisateurs.
EXPÉDITION-SIMULATION
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Le noir avait pris la place du crépuscule, nous n’étions plus que deux lampes frontales au bord de la bretelle reliant Modane à Valfréjus, en attendant qu’une voiture daigne nous charger.
IMMAQA : IMPRESSIONS PERCHÉES
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En avril 2022, Gilles Denis et Nathan Goffart entreprennent le projet « NANOK EXPÉDITION » : un triathlon atypique en immersion totale dans les étendues sauvages du Groenland. Ce défi sportif, qui a duré 6 mois, est doublé d’une mission scientifique ambitieuse...
Sommaire
5 23 ans de Neige & Montagne
8 Cap Expé à l’assaut de Torgon
11 Podiums en coupe du monde : dans la tempête andorrane
14 Expédition-Simulation
18 IMMAQA : impressions perchées
26 La pratique de nos activités : dans le respect de la montagne
28 Le voyage à vélo est-il écolo ?
31 Un premier groupe féminin outdoor voit le jour en Belgique
33 7 jours en autonomie sur les lacs suédois
36 Un mois de marche le long de la Manche : l’aventure là où on ne l’attend pas !
40 Ambassadeur du Népal : histoire d’une rencontre
40 LIRE : Curés Alpinistes
41 LIRE : Chamonix Langtang
41 Bibliothèque du CAB : une nouvelle orientation
42 Anecdote d'un jour de grimpe
44 Loverval : centre d’entrainement de l’équipe belge d’escalade sportive
45 Championnat de Belgique de bloc 2023 : recette pour une compétition d’escalade façon « Camp de base »
49 Allons nous balader sur La Rambla
50 GRIMP : Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieu Périlleux
23 ans de Neige & Montagne
Une histoire sportive et humaine ou le ski de randonnée entre copains et copines.
MARC VANDEN HAUTE
Simon Vankeerberghen : Qu’est-ce qui se cache derrière le titre Neige et Montagne lié au CAB Namur-Luxembourg ?
Marc Vanden Haute : Neige et Montagne, c’est d’abord un concept mis au point par Christian Massart et Jean-Marc Dunstheimer en l’an 2000 lors de sorties de ski de randonnée qu’ils faisaient ensemble à l’époque. En philosophant dans la montée vers le Wildstrubel, ils en arrivèrent à se dire qu’il devait bien y avoir au CAB d’autres personnes intéressées par ce genre d’activité et que la sécurité à 2 en environnement glacier est assez limitée.
L’idée était née : créer un groupe de copains et copines qui partagent le même attrait pour la montagne, la randonnée et surtout le ski, plus précisément le ski de randonnée. Pas d’encadrement au sens strict. Il s’agit ici de mettre des
gens en contact. Ni guide, ni nounou : le ton était donné et le principe assez clair. Comme l’a rappelé dernièrement Joe Dewez, le rôle d’un club n’est pas seulement de proposer des activités, mais aussi de créer un cadre qui permet aux gens de se rencontrer dans un but commun.
Comment le groupe s’est-il développé au fil du temps ?
Au départ, Jean-Marc Dunstheimer, qui entretenait des relations étroites avec Pierre Savary et la section du CAS Jaman, est parvenu à embrigader un noyau suisse dans cette histoire. Christian Massart, très féru d’informatique, décide alors de créer un site et de le rendre visible via la plateforme du CAB Namur-Luxembourg. L’idée était bonne, le concept s’est développé et est rapidement devenu un groupe de skieurs randonneurs. Ensuite, par le bouche-à-oreille et les amitiés
diverses, le noyau a grossi assez rapidement. Dès la saison 2001, une dizaine de sorties sont programmées. Les participants sont venus de toutes les sections du CAB de l’époque. Françoise Bosschaert, Katrin Karlsson ou Isabelle Denis entre autres y ont ajouté une touche féminine. Petit à petit, des habitudes se sont installées et certaines sorties sont devenues de grands classiques tels que : Verbier devenu ensuite Gabiet, un WE Vosges en décembre et un RV début décembre pour se retrouver et faire un rappel des consignes
Un vallon perdu
et principes de sécurité et manipulations diverses. Les autres sorties se font en général dans les Alpes dans des sites tels que l’Otztal, l’Oberland, le Beaufortain, Chamonix, La Vanoise ou le Valais. Nous rassemblons aujourd’hui un groupe d’environ 120 personnes intéressées. Ce sont environ 16 à 20 sorties qui sont programmées chaque hiver. Il y a au total plus de 170 inscriptions pour cette saison.
À qui s’adresse ce groupe hétéroclite ?
À priori ce groupe s’adresse à toute personne capable de randonner et skier en montagne, c’està-dire hors-piste. Bien entendu, étant donné qu’il n’y a pas d’encadrement, la confiance des uns envers les autres est capitale. Un des adages est : tu es responsable de ta sécurité et de celle de tes partenaires. En aucun cas, nos sorties ne sont ciblées sur la compétition ou le ski extrême. Nous recherchons avant tout le plaisir de nous retrouver en montagne, même si bien entendu certains se font leur petite compet avec eux-mêmes ou leurs potes.
En quoi Neige et Montagne est-elle différente d’autres organisations du CAB ?
Comme déjà dit, il s’agit de sorties entre copains, les participants sont supposés être autonomes. Chacun met ses compétences au service du groupe. Un des points forts est la souplesse de la formule sans encadrement. Il suffit de réserver des lieux d’hébergement, prévoir des parcours ou traces et d’essayer de s’organiser pour covoiturer au mieux non sans avoir checké les conditions neige et météo avant le départ. Une autre particularité est la participation et la présence de membres des différents cercles du CAB : Brabant, Namur, Liège, Evolution verticale, Serac, etc. Cer-
Un des adages est : tu es responsable de ta sécurité et de celle de tes partenaires.
Neige & Montagne © 2022
tains groupes ont aussi réalisé des sorties plus exotiques comme des voyages en Pologne, Roumanie, Maroc, Norvège, etc.
Qu’est ce qui, d’après toi, a changé depuis le commencement en 2000 ?
Ce qui a bien entendu beaucoup changé entre 2000 et aujourd’hui c’est l’utilisation intensive d’Internet, des mails, de WhatsApp et du GPS. Aujourd’hui on trouve des traces et des commentaires un peu partout sur la toile.
Ce qui n’a pas changé c’est la magie des rencontres lors des sorties, que ce soient des retrouvailles d’habitués ou l’arrivée et l’intégration des nouvelles têtes. À ce titre, N&M est une véritable usine à se fabriquer des copains ou des amis.
Comment vois-tu la suite de Neige et Montagne ?
Le groupe historique du début prend de l’âge et petit à petit des plus jeunes se sont ajoutés à nous. On a vu principalement depuis l’hiver dernier toute une série de jeunes et de nouveaux venus s’intéresser à notre manière de nous organiser ou non et de pratiquer le ski de randonnée. Ils sont ravis de pouvoir profiter des conseils et habitudes des plus expérimentés. C’était le cas fin novembre à Chokier lors du grand rendez-vous de lancement de saison, puis dans les Vosges en décembre et un peu plus tard à la sortie contemplation découverte de Beckenried ou à celles plus engagées du Beaufortain ou d’Argentière. C’est extrêmement gratifiant de sentir l’énergie des jeunes qui nous pousse à continuer. Nul doute que d’ici un an ou deux, ils forment une petite communauté qui en attirera d’autres.
À côté de cela, les plus anciens continuent à fréquenter le groupe et à proposer des sorties alors que fondamentalement ils n’en ont plus vraiment besoin tellement ils se connaissent. Les sorties proposées par Léon, Katrin, Luc ou Didier par exemple sont immédiatement complètes. Bonne preuve de l’attrait général s’il fallait encore en douter.
As-tu un souhait à émettre ?
On peut déplorer trop peu de sorties dite « faciles ». Il y a beaucoup plus de demande que d’offre et je dois souvent à regret dire : « Non, pas possible pour cette fois ». Si l’un ou l’autre souhaite proposer une activité ou participer à des sorties, il ne faut pas hésiter à en parler.
Ci-contre à gauche : Eve et sa team au refuge Gabiet
Neige & Montagne © 2022
Liste des principaux organisateurs qui ont contribué à ce jour.
• Alain De Wilde
• Alain Thomas
• Albert Soudan
• Benoit Henry
• Berto Zapalla
• Bruno Frackowiak
• Catherine Kessels
• Christian Massart
• Cyprien Vogels
• Colette Liegeois
• Daria Jezierska
• Didier Wolf
• Éric de wolf
• Étienne Monseur
• Eve Tondeur
• Hadrien Michel
• Isabelle Denis
• Jean-Marc Dickes
• Jean Marc Dunstheimer
• Katrin Karlsson
• Laurent Toisoul
• Léon Gramme
• Luc Bontemps
• Marc Lambert
• Marc Vanden Haute
• Michel Thomas
• Pascal Van Hoeye
• Philippe Resteau
• Pierre Gramme
• Rachel Debakker
• Simon Lambin
Rendez-vous en novembre 2023 pour le calendrier de la suite de nos aventures. Les propositions apparaîtront sur le site Neige et Montagne.
À droite : Sourires à l'approche du sommet du Risetenstock
MARC VANDEN HAUTE
Neige & Montagne © 2022Cap Expé
À l’assaut de Torgon
Tout a commencé quand Guich (vice-champion de Belgique 2023) a partagé sa publication annuelle sur le groupe Cap Expé – forum1 : « Cette année, les championnats de Belgique de ski-alpi auront lieu à Torgon (Suisse) le 4 février. (…) Venez découvrir ce sport fantastique qui consiste à monter le plus vite possible pour se détruire au mieux les cuissots dans la descente ». S’il publie son message chaque année, c’est sans doute la première fois qu’il a un tel succès. Et pour cause, le CAB et le KBF ont décidé cette année d’organiser la compétition au plus proche de nos frontières. Les uns après les autres, les membres de la communauté Cap Expé se sont donc motivés au point que la question de s’y rendre en party-bus émerge doucement. 1
ImbaudVerhaegen©2023
Certains partent s’entrainer dans le massif des Vosges, d’autres font une croix sur toute forme d’alcool et junk food pour permettre à leur foie d’assurer la gestion d’énergie et se lancent dans un programme d’entrainements spécifiques. D’autres sont déjà en altitude et ajoutent le championnat de Belgique à leurs objectifs de la semaine.
C’est le cas de Rodrigue (17e senior hommes BE, 3e open hommes U23) qui, comme beaucoup d’autres, a décidé de revoir sa façon de se rendre en montagne. L’ambiance festive du ski étudiant pourrait lui changer les idées après une session d’examens éprouvante, mais l’appel des grands espaces a pris le dessus. Rodrigue a profité de l’élan de Cap Expé pour se rendre à l’Hospice du Grand Saint Bernard. Ce sont ses premiers pas en ski de randonnée. Il faut bien commencer un jour non ? Il profite des conseils de quelques collant pipettes2 au Super Saint Bernard pour apprendre à coller ses peaux sous sa latte. Malgré ses quelques jours d’expérience, il se laisse convaincre par Dorsan (3e senior hommes) de tenter sa chance à Torgon.
La veille de la course, c’est le branle-bas de combat. Les compatriotes expatriés sont pris d’assaut, c’est la course à qui trouvera le logement le plus proche de Torgon pour maximiser le temps de sommeil. Au même moment, une équipe de courageux travailleurs assume encore un départ en dernière minute après un vendredi bien chargé. C’est quand même bien de pouvoir rejoindre le championnat de Belgique en 7h, non ?
2 - Collant pipettes : surnom donné aux skieurs de haut niveau dans la discipline www.capexpe.org/ – http://torgonskialpi.ch/
À Torgon, le village est comme mis en pause pour cette compétition. Le championnat de Belgique s’était greffé à celui qui départagerait les Suisses de cette même discipline, et en Suisse on ne rigole pas avec le ski-alpinisme. Les villageois se sont tous levés de bonne heure, les uns pour contribuer bénévolement à la signalisation et à la sécurité des coureurs, les autres pour faire retentir les énormes cloches que nous avons plutôt l’habitude d’entendre en été dans les alpages. Nous sommes au cœur de l’attention et la tension commence à être palpable.
8h26 : Bernard (2e vétéran hommes), Augustin (16e senior hommes) et Alexis (12e senior hommes) qui ont roulé toute la nuit récupèrent leur dossard des mains de ces valeureux supporters.
8h28 : Leur DVA est contrôlé, ils rejoignent, essoufflés, le box de départ.
Ils ne sont pas les seuls Belges à regretter le réveil tardif. « Je n’ai pas eu le temps de m’échauffer et je suis en train de chipoter à mon sac à dos parce que ma gourde tombe systématiquement. Soudain, tout le monde démarre en trombe autour de moi “Tonio, c’est le départ !” Et merde, 8h30, je remballe mes trucs en commençant à marcher frénétiquement. Autour de moi, la poignée de Belges présents est facilement reconnaissable parmi les Suisses en collant pipette : skis de freeride, leggings multicolores et matos de
randonneurs du dimanche, toujours prêts à lâcher une blague entre deux conversions. Cela commence bien ces championnats de Belgique ! » (Antoine, 6e senior hommes).
Le championnat démarre sur les chapeaux de roues. Après une demi-heure seulement, une partie de l’équipe belge se retrouve déjà au sommet de la première côte (500 m D+). Le ton est donné, le rythme est soutenu et il n’est pas question de se déconcentrer. Les transitions s’enchainent, le temps que nous perdons à la montée, nous le rattrapons en descente grâce aux 95 cm que nous avons aux patins. « Allez Alex », « Eh t’es là, come on Agnès, donne tout ! », toujours à bloc, mais on arrive quand même à se croiser sur le parcours.
C’est à chaque fois une piqûre d’adrénaline. Et que dire de Maximilien Drion ? Absent à la course pour se concentrer sur 3 manches de coupe du monde, le champion belge était posté à chaque point clé pour nous encourager avec son drapeau tricolore. Merci Max !
La course se poursuit avec encore quelques transitions et quelques portages. À l’arrivée, la petite bande de Belges que nous sommes se repère facilement au milieu de la foule. Comment ? Le groupe rayonne de bonheur et de joie de se retrouver avec les supporters et d’avoir relevé ce défi tous ensemble.
« Que c’est bon de pouvoir pleinement profiter d’être en compagnie d’un groupe aspirant à l’aventure, aux grands espaces, déterminé à prendre de la hauteur et surtout à poursuivre cette passion pour la montagne coûte que coûte ! » Alessandra (open dames)
Page précédente : La Cap Expé SkiMo team, fière de représenter une partie des Belges au championnat de ski-alpinisme. Dorsan Lepour (3e senior hommes) encouragé par Maximilien Drio Maximilien Drion © 2023« La poignée de Belges présents est facilement reconnaissable [...] toujours prêts à lâcher une blague entre deux conversions »
Ardennes & Alpes — n°215
De haut en bas : Une équipe de supporters valaisans à fond derrière les Belges.
Agnès
La montagne, c’est avant tout une histoire d’amitié.
Et si ce championnat de Belgique n’était pas qu’une façon de s’octroyer une place officielle dans les rangs pour se la raconter, mais aussi une façon de se retrouver tous ensemble, entre passionnés, entre Belges, entre amis, entre père et fils, pour une aventure d’un week-end hors du temps ?
Et toi Agnès, qu’est-ce que ça te fait de rentrer en Belgique avec la médaille de championne de Belgique ? Ressentais-tu la pression dans le box de départ ?
« Je dirais que je ne la sentais pas physiquement. Le ski-alpinisme, je le pratique essentiellement pour le plaisir du partage avec les copains. Par contre, le fait qu’en participant nous représentons toutes en quelques sortes les femmes belges en montagne, c’était important pour moi. Montrer que nous sommes là, que nous en sommes capables et qu’il ne faut pas être la plus expérimentée pour venir concourir. C’est cette pression-là que je ressentais.
Mon plus grand souhait pour les championnats, c’est d’ailleurs d’être détrônée et d’avoir toujours plus de concurrentes pendant les années à venir. Alors lancez-vous, en espérant pouvoir partager ensemble le fromage de la victoire en 2024. » (Agnès, championne de Belgique 2023)
Cap Expé comptabilisera finalement 4
médailles cette année. Quelle fierté d’avoir contribué à l’ambiance bien belge au milieu de la compétition, tous rassemblés autour d’un sport qui nous plait tant. C’est promis, l’année prochaine nous serons encore plus nombreux !
Croisons les doigts pour qu’Agnès puisse représenter le drapeau noir-jaune-rouge aux JO d’hiver en 2026 aux côtés de Maximilien Drion et Guillaume Funck…
ALEXIS DE KNOOPPodiums en coupe du monde
Dans la tempête andorrane
MAXIMILIEN DRION
Les 21 et 22 janvier avaient lieu deux épreuves de coupe du monde de ski-alpinisme à Arinsal, en Andorre. Seul problème, la météo annoncée… Avec le froid, les chutes de neige et le vent, maintenir cet événement a été un grand défi pour les organisateurs. Mais bon, le ski-alpinisme est un sport d’extérieur et être en mesure de s’adapter à toutes les conditions est l’essence même de notre sport.
Le vendredi soir, lors du traditionnel briefing d’avant course, on nous annonce que le parcours va être raccourci à cause de la tempête. La discipline qui nous attend est une course individuelle.
Cette discipline a lieu en dehors des pistes et est composée de plusieurs montées, portages et descentes et offre généralement un dénivelé positif total de 1 600 m. À cause de la tempête, la course ne fera que 850 m de dénivelé. À l’altitude de départ de la course (2 250 m), la température sera de -13°C et le vent de 70 km/h, et donc la température ressentie sera d’environ -25°C… Cela nous paraît tellement extrême que l’on se demande si la course aura vraiment lieu le lendemain. Malgré ces incertitudes, je parviens tout de même à rester concentré et à suivre ma routine d’avant course. Le départ de l’individuelle sera donné à 11 h 10. Je me réveille toujours 3 h 30 avant le départ, donc à 7 h 40. Je commence par un petit réveil musculaire où je vais marcher dehors et trottiner pendant 15 min. Même en bas de la montagne, le vent souffle fort. J’ai de sérieux doutes sur le maintien de la course. Je reste pourtant concentré et je respecte ma routine. Je prends mon petit-déjeuner puis prépare mes affaires. Nous sommes tous à l’affût de la moindre info. Rien ne nous parvient et l’heure de s’échauffer approche. Pour rejoindre la zone de départ, il faut monter en télésiège. Nous sommes balancés dans tous les sens et le froid nous transperce. On n’a jamais eu de telles conditions lors d’une coupe du monde !
Le départ des femmes est donné un peu avant celui des hommes. Les voir partir nous fait comprendre que ce sera bientôt à notre tour… nous accélérons notre échauffement. Chacun a sa propre stratégie pour lutter contre le froid. Certains mettent des tapes sur leur visage, d’autres décident de courir avec des moufles, un surpantalon et une veste par-dessus leur combinaison. Personnellement, je décide de simplement partir avec une veste par-dessus ma combi.
Ça peut paraître fou à certains mais j’aime bien ces conditions difficiles ou rien que le fait de tenir debout dehors est un exploit. Ces conditions me font me sentir vivant.
Notre départ est finalement donné, pile au moment d’une grosse rafale. Je me porte directement aux avant-postes. Je suis rejoint par le favori Rémi Bonnet. Le peloton s’étire rapidement et nous sommes tous les uns derrière les autres, comme si nous cherchions à nous abriter derrière le coureur devant nous. J’arrive au sommet de la première montée de 250 m de dénivelé en 4e position. En quelques secondes, je retire mes peaux et plonge dans la descente sans aucune visibilité. Les 3 coureurs devant moi me précèdent de quelques secondes et les voir m’aide à m’orienter. Après avoir remis les peaux en environ 30 secondes, je pars dans la deuxième montée de 220 m dénivelé. Nous sommes les uns derrière les autres. Le premier doit refaire la trace, le vent a rebouché les traces que les organisateurs avaient réalisées quelques minutes avant notre passage. Les deux
premiers créent un petit écart et je me retrouve seul avec le 3e. Au sommet de la montée, d’autres coureurs nous ont rejoints. La 3e montée est la plus longue, fait 350 m de dénivelé et contient un portage (partie trop raide où il faut mettre les skis sur le sac). Je suis 5e au pied de cette montée. Je me sens bien et je parviens à accélérer pour revenir sur les coureurs devant moi. Je dépasse le 4e dans le portage et recolle avec l’italien Robert Antonioli au sommet. Il ne reste qu’une montée de 30 m de dénivelé, une descente de 300 m et une montée de 10 m pour rejoindre l’arrivée. Cela va se jouer dans les transitions ou au sprint final. Robert est un des meilleurs mondiaux dans ce domaine, mais j’ai fait de beaux progrès et surtout mentalement je ne lâche jamais rien. Sur le moment je ne pense pas à ça. Je me bats corps et âme. Nous sommes côte à côte au sommet de l’avantdernière montée, il retire ses peaux quelques secondes plus rapidement que moi. Il part devant moi dans la dernière descente, cela va être difficile de prendre la 3e place. La 4e place serait déjà incroyable, car mon meilleur résultat dans cette discipline est une 9e place. Dans la descente, je l’ai en ligne de mire, je reviens légèrement sur lui. Il ne nous reste plus qu’à remettre les peaux et à sprinter jusqu’à l’arrivée sur ce faux-plat montant de 100 m de distance et 10 m de dénivelé. À nouveau, il repart 2-3 secondes devant moi. Je crie pour me donner de la force et entame le sprint de ma vie. Je donne tout ce que j’ai. Il a une cible sur le dos et moi le couteau entre les dents. Je reviens sur lui centimètre après centimètre. J’arrive à sa hauteur à 20 m de la ligne ! Je passe devant, mais ne relâche pas mon effort. Je crains trop qu’il me dépasse à nouveau. Quelle explosion de joie au moment de passer la ligne en 3e position !
SkiMo Stats © 2023 Page précédente : Le podium avec la deuxième place sur la verticaleIls’agit de mon premier podium dans cette discipline ! Évidemment les émotions sont très fortes et c’est difficile de réaliser ce qu’il vient de se passer. Nos amis, le froid et le vent, sont toujours là et nous invitent à aller au chaud. Je me rends donc à l’abri, me change rapidement, puis je dois retourner dehors pour monter sur le podium en compagnie de Thibault Anselmet (1er) et Rémi Bonnet (2e).
On n’a pas trop le temps de faire la fête, car demain a lieu une autre compétition : la course verticale. Il s’agit d’une seule montée sur piste (sans descente) avec un dénivelé positif variant entre 500 et 750 m. Le concept est simple : on part tous ensemble et le premier en haut a gagné.
sent et je respecte toujours ma routine d’avant course à la lettre (réveil musculaire, petit-déj habituel, échauffement structuré).
Le vent et le froid sont toujours bien présents, mais comme je me le suis déjà dit la veille, je me répète que j’adore ces conditions.
Le départ est donné et vu que la course est très courte (l’estimation de course pour le vainqueur était de 12 min), je me porte directement aux avant-postes pour être dans le groupe de tête. Après 2 min de course, un groupe de 5 (dont moi) se détache légèrement. Le suisse Rémi Bonnet parvient ensuite à se détacher et nous nous retrouvons à quatre à nous battre pour la 2e place. Chacun à son tour prend les commandes de ce petit groupe. Dans un virage, une très grosse rafale de vent nous arrête complètement. Dès que le vent s’est calmé, j’ai décidé de me porter à l’avant du groupe. Je ne cherche pas forcément à attaquer, seulement à relancer le groupe. Sans le vouloir, je crée un tout petit écart. Je me sens bien et je me dis « pourquoi pas ? ». Il ne me reste que 3-4 minutes à tenir jusqu’à l’arrivée, ça peut le faire ! Dans ma tête, bien que je sois 2e et que Rémi est intouchable, je me sens invincible. Dans le dernier mur, je me retourne rapidement et vois que j’ai une petite avance, la deuxième place sera pour moi !
Il faut donc optimiser la récupération. Je commence par 15 minutes de décrassage à ski durant lesquelles je bois ma boisson de récupération. Puis je me rends à l’hôtel pour me doucher et manger un bon repas. L’après-midi sera composé d’une sieste, d’un massage, d’une petite marche, d’un peu de méditation, de stretching et de blackroll
Le soir, on nous annonce une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : le lendemain il y aura du soleil ! La mauvaise : le vent sera de 100 km/h sur le haut du domaine skiable. La course sera donc également raccourcie. Au lieu de 750 m de dénivelé, la montée n’en fera que 360 ! La course verticale est habituellement la discipline dans laquelle je performe le mieux et, avec la forme que j’ai affichée sur l’individuelle, je sais que je suis à nouveau candidat pour un podium. Cependant, jusqu’à présent, je n’étais jamais parvenu à enchaîner deux excellents résultats de suite. Après une très belle performance, on est davantage sollicités par les médias, sur les réseaux sociaux et par les messages et appels des amis. Les émotions prennent également de l’énergie et c’est souvent difficile de bien dormir. Mais cette fois-ci, je compte bien écrire un autre scénario…
Plus facile à dire qu’à faire… La nuit a été pitoyable. Cependant, les jambes ont l’air de répondre pré-
Deux podiums en deux jours ! Quel weekend de fou ! Maintenant je peux savourer…
MAXIMILIEN DRION
Après le passage de la ligne d'arrivée
Il a une cible sur le dos et moi le couteau entre les dents. Je reviens sur lui centimètre après centimètre.
Expédition -Simulation
FLORENCE DUVAL
Le noir avait pris la place du crépuscule, nous n’étions plus que deux lampes frontales au bord de la bretelle reliant Modane à Valfréjus, en attendant qu’une voiture daigne nous charger. Cela ne se présentait pas vraiment bien au vu de la maigre fréquentation de ce bout d’autoroute un mardi de février. Et là, une voiture arrive, droit dans notre direction. C’est notre chance, doucement.
Ingrid est quelques mètres devant moi, on lève le pouce toutes les deux, mais ils ne sont pas visibles dans le noir, alors je lui crie au dernier moment cette phrase mythique, emblème de notre amitié : « Éclaire-moi »
Elle braque sa lampe sur moi en m’aveuglant, la voiture nous repère, s’arrête et nous charge… Mais qu’est-ce qui peut bien pousser deux humains à faire du stop en plein hiver au bord de cette route glauque ? Le froid, la peur, l’envie de survivre ? Ni l’un, ni l’autre, ni le troisième, mais bien une promesse de raclette. Pour nous comprendre, il faut remonter 5 jours en arrière…
L’ambiance est différente, on est chargées comme des mules avec plus de 20 kg sur le dos : bivouac, réchaud, raquettes et crampons…
On avance en direction du refuge de l’Avérole en remontant les pistes de Bessans dans la Haute Maurienne.
On avance mal, on est lourdes et déséquilibrées, la piste est damée mais on hésite à mettre les raquettes aux pieds pour avoir plus d’adhérence. Je me suis toujours demandé laquelle de nous deux est la plus têtue, d’ordinaire nous sommes une cordée complémentaire où les points forts de l’une viennent compléter les points faibles de l’autre. Mais en termes d’entêtement, on est parfaitement ex aequo
Je finis par mettre les miennes et Ingrid reste en « grosses », le résultat est similaire, elle glisse plus et j’avance moins vite…
On quitte le domaine et on monte à travers les hameaux abandonnés de la vallée pour enfin arriver aux abords du refuge de l’Avérole. Nous nous arrêtons 500 mètres avant et installons notre camp vers 2 500 mètres d’altitude.
L’objectif de la semaine est simple : 5 nuits en « expédition simulation » avec le refuge en « filet de secours ».
Florence Duval © 2022Nous n’avons jamais fait de bivouac en hiver et nous avons plein de questions pratiques : Va-t-on avoir froid ? Les sacs de couchage vont-ils sécher en journée ? Le gaz 4 saisons MSR va-t-il fonctionner dans le froid ?
Construction du camp
Nous nous installons loin des coulées d’avalanche possibles et creusons un énorme trou à côté d’un gros rocher, rebaptisé par la suite le rocher du pipi (pas besoin de dessin, j’imagine).
Creuser un trou, ça prend vraiment du temps. Plus d’une heure plus tard, le trou est toujours en travaux, on ne le trouve pas assez plat et les murs pas assez hauts. On finit par tomber d’accord sur le dessin final de notre architecture et on y plante la tente… un chef d’œuvre…
Et voilà que la nuit tombe sur notre première journée éreintante en recouvrant le fond de notre cirque d’un froid glacial bien en dessous de zéro degré tout en enflammant les cimes. C’est à la fois le plus froid et le plus beau coucher de soleil de toute ma vie…
Vite, des photos avant que les doigts ne nous fassent mal et hop dans les duvets.
Nous mangeons nos lyophilisés depuis notre lit, tel le Roi-Soleil…
Il est 18 h 30… et on n’a plus rien à faire, on ne veut pas boire de thé de peur de devoir se relever la nuit. On ne peut pas lire ni jouer aux cartes, il fait trop froid. Alors on parle, emmitouflées dans nos duvets et on se raconte des blagues, d’abord des bonnes et ensuite des très nulles (les plus nulles se révèlent être les plus drôles).
Des nuits interminables avec -15°C au compteur…
Vers 20 h, on passe en mode « dodo » en remplissant nos gourdes d’eau chaude pour nous servir de bouillotte. Et là, petit problème : toutes nos gourdes sont isothermiques à l’exception d’une seule… On vote alors le pacte nocturne : on a le droit de réveiller durant la nuit la détentrice de la gourde pour procéder à l’échange du bien sacré…
Et la nuit commence… et l’insomnie aussi. Est-ce le froid, l’altitude, l’excitation ou la conjonction des trois qui nous empêche de dormir ? Les minutes ressemblent à des heures. Le but n’est même plus de chercher le sommeil mais de s’occuper l’esprit. Je réfléchis à l’aménagement de mon appartement, je me repasse des films en
essayant de me souvenir des dialogues pour faire durer l’occupation. Heureusement, même après les nuits les plus longues, le jour finit toujours par arriver.
On déjeune comme le Roi-Soleil, on se brosse les dents à moitié (cela signifie qu’une seule des deux l’a fait, et ce n’était pas Ingrid). Et on démarre notre journée.
Jour
1 : le mal des montagnes
Direction le col d’Arbéron à 3 000 mètres d’altitude en contournant la rivière par une pente raide en diagonale.
Le col est merveilleux mais à peine arrivés là, je ressens un mal de tête et une fatigue intense : le mal des montagnes est possible. Alors on redescend vite de quelques centaines de mètres et on décide de faire la sieste comme deux grosses marmottes sur les rochers chauffés par le soleil… Quelle superbe journée : grand bleu et zéro vent.
Jour
2 : renoncer au col
Le jour suivant, on part explorer le vallon de la Lombarde. C’est une énorme vallée secrète dissimulée derrière des gorges un peu techniques à passer. Après des heures de marche sous un soleil de plomb avec comme seule compagnie des traces de loup et de lièvre, on arrive enfin au pied du col de l’Autaret. Et là, surprise, une plaque à vent semblable à une énorme langue domine le col et menace de se détacher… Un peu comme si le col embrassait mal et souhaitait nous faire un mauvais bisou baveux. On décide alors de ne pas y aller…
Établissement du campement à 1 km du refuge de l'AlvéroleExpédition -Simulation
MATOS :
∙ Sac de couchage confort -12°C
∙ Matelas gonflable 4 saisons.
∙ Tente 3 saisons semi enterrée si la météo est bonne
∙ Pas de bâton en carbone
∙ Grosse doudoune et veste imperméable
∙ Deux fois plus de nourriture qu’en été
PAS DE RÉSEAU
Le InReach mini est un téléphone satellite qui permet de communiquer par message, pratique pour recevoir la météo et le bulletin nival si on se trouve hors réseau.
POINT SÉCU
∙ DVA-pelle-sonde
∙ Formation sur les avalanches (Club Alpin)
∙ Livre « Avalanches » de Philippe Descamps
∙ Rester informé du bulletin d'estimation du risque d'avalanches
∙ Tenir compte du bulletin pour choisir sa rando du jour
ITINÉRAIRE
∙ GPS obligatoire avec la trace de la rando.
∙ Itinéraires tracés à l’avance en s’appuyant sur la carte des pentes de l’IGN, Camp-to-Camp et OpenRunner
∙ Plusieurs itinéraires possibles en fonction de la stabilité du manteau neigeux
∙ On avance beaucoup moins vite en raquettes qu’en rando, inutile des faire des itinéraires trop gourmands
Jour 3 : le toit du monde à 3 600 mètres d’altitude
Aujourd’hui, c’est la grosse journée intitulée mission Ouille d’Arbéron. Notre langue fourche volontairement quelques fois sur le nom juste pour le plaisir.
On fait l’approche en raquettes en repassant par le col du même nom et on finit l’ascension en crampons en passant par une énorme crête bien large et confortable qui monte en pente douce avec quelques ressauts rocheux gentils.
En hiver, on voit plus loin, comme si l’air était plus pur et les sommets recouverts de neige donnent l’impression d’être au sommet du monde.
Je vous parlerais bien des autres jours, de la crête du Colerin et des italiens en détresse qui ne trouvaient pas le refuge dans le noir, mais cela rendrait l’article tellement long que vous ne le finiriez pas.
Retour à la civilisation
Cinq nuits plus tard, alors que la neige est devenue notre routine, nous défaisons le bivouac et reprenons le chemin de la civilisation. Des émotions mélangées nous submergent : la tristesse de partir, la fatigue, la faim (car oui, parfois la faim devient une émotion) et le bonheur d’avoir vécu une telle aventure.
On réalise aussi en redescendant que la montagne n’est pas une affaire de sommets, mais plutôt une affaire humaine : ce qui résonnera à travers les années ne sera pas l’exploit des cimes, mais bien les éclats de rire, les moments intenses de froid, les nuits interminables, les blagues nulles, les traces de loup, la chanson du soleil et les punchlines mythiques. C’est à ce moment-là qu’on s’est promis une raclette le soir après une bonne douche à l’hôtel.
Alors quand on s’est rendu compte que Modane, un mardi, était aussi animée que Marche-lesDames, sans même un resto ouvert, on a décidé de faire du stop jusqu’à Valfréjus…
Car une promesse, c’est une promesse…
Pour le retour, lourdes d’une demi-meule et d’un dessert au chocolat, nous nous sommes juste mises en boule et avons roulé jusqu’à Modane comme deux tonneaux…
IMMAQA
Impressions perchées GILLES DENIS
IMMAQA
En avril 2022, Gilles Denis et Nathan Goffart entreprennent le projet « NANOK EXPÉDITION » : un triathlon atypique en immersion totale dans les étendues sauvages du Groenland. Ce défi sportif, qui a duré 6 mois, est doublé d’une mission scientifique ambitieuse en collaboration avec les chercheurs de cinq centres de recherche belges et danois. Ici, l’aventure est mise
au service de la science et vise ainsi à renouer avec le caractère foncièrement exploratoire de la recherche scientifique, quelque peu oublié sans doute au contact des techniques modernes.
À l’heure de la sortie de leur documentaire « LA TRAVERSÉE, L’histoire de l’expédition Nanok » (film documentaire de 90 minutes, réalisé par Xavier Ziomek de Sioux Productions et co-produit par la RTBF) Gilles vous livre ses impressions perchées, issues de son carnet d’expédition, sous forme de lettres rédigées à l’attention de ses deux frères pendant l’ouverture de leur voie de Big Wall (IMMAQA, en 7a+/A2, sur 550 mètres et 14 longueurs). L’équipe présentera d’ailleurs son documentaire le 13 avril à la Maison Haute de Watermael-Boitsfort, lors de la soirée du CAB BruxellesBrabant. Les autres dates de projections sont listées sur www.nanokexpedition.be
– oui en effet, sacré bazar. Bon, parfois je t’avoue que je me demande un peu ce que je fous là, perché à 300 mètres de haut, ou suspendu pendant des heures à 3 cams dans mon harnais, les pieds dans le vide, mais certainement pas ce soir, pas dans des moments pareils : je suis parfaitement à ma place, là où je suis censé être, là où je veux être – absolument.
30 juillet 2022
Hermanito !
Je t’écris depuis une petite vire rocheuse à 300 mètres du sol, sur ce qu’avec Nathan on a baptisé « La grosse bite noire » – sorte de grand pilier assombri par de grosses rosaces de lichen noir qui prolifèrent à la surface du rocher, chapeauté donc par la seule réelle vire sur les 550 mètres que fait notre voie ! (Ah oui excuse-moi, c’est une règle assez généralisée : les grimpeurs ont ce penchant pour l’absurde, et donnent bien souvent des noms à la con à leurs voies et tout ce qui s’y trouve… Une façon sans doute de reconnaître la flagrante inutilité de leur quête ?) Ici nous sommes au Camp 3, avec une vue plongeante sur le fjord de Tasermiut 1 200 mètres plus bas. C’est un spectacle absolument grandiose, d’ailleurs tout est hors normes dans ce coin-ci ! Pour tout te dire, il y a aussi le Camp de Base tout en bas à un bon 10 kilomètres au bord du fjord, pour les jours de repos ou de mauvais temps, le Camp Avancé (et même encore le Camp Avancé II) au bas de la paroi, et puis sur la paroi même les Camp 1 et 2
Avec Nathan on a sorti l’apéro (la ration de fromage, de saucisson et mélange de noix salées que nous n’avons pas mangées pendant la journée, trop affairés à notre déménagement) et, depuis notre promontoire, devant notre portaledge nouvellement installé, nous admirons un coucher du soleil à véritablement couper le souffle. La paroi est plein ouest, le Pilier Central et le Pilier Gauche du Nalumasortoq sont aux aguets et nous voguons dans une mer de granite. Sous nos pieds s’étend ce qu’il reste du glacier du Nalu ; à gauche un glacier plus vaste borde le Half Dome, Little Ula, Honey Buttress et une magnifique paroi que j’ai baptisée en moi-même « La gueule de loup » ; derrière Little Ula, vers notre Camp de Base, s’élève cette espèce de corne de rhinocéros, pilier magnifique qui s’élève sur 1 200 mètres, l’Ulamertorsuaq – du sommet on pourrait presque plonger dans le fjord (c’est ce que notre ami Ed a fait il y a quelques années, en base jump, tu imagines ça ! ?) ; droit devant le fjord de Tasermiut et passé l’autre rive d’innombrables autres montagnes, dont la superbe Kirkespiret (ou Napasorsuaq, tout a 2 voire 3 noms ici… ou pas de nom du tout !) qui éclipse le soleil à l’heure où je t’écris ; à droite encore, la Pyramide du Ketil et le Ketil lui-même, en chair et en os. Enfin tu l’auras compris, d’ici en-haut l’œil, ne sachant plus sur quel sommet s’attarder, se perd dans une sorte de contemplation béate… C’est complètement fou ce qu’on vit, parfois j’aurais presque besoin de me gifler pour y croire !
D’ouvrir un itinéraire vierge de 600 mètres de haut, sur une paroi mythique du sud du Groenland, c’est la découverte à la verticale : au-dessus de chaque soubresaut du rocher une nouvelle perspective, derrière chaque coin franchi un nouveau défi et, dès que nous quittons un système de fissure rassurant pour partir en traversée, afin de rester à l’écart des deux énormes goulottes noires qui bordent notre itinéraire, l’inconnu le plus total. C’est incroyable, parfois un peu
Page précédente : Coucher du soleil sur l'Ulamertorsuaq en face
Ci-contre : Marche d'approche depuis le Camp de Base, 10 km et 1 000 mètres de dénivelé. On la connait par cœur !
effrayant même si on s’habitue – même à cette exposition folle on s’habitue, c’est dingue ! On est très prudents, on fait de notre mieux de ce côté-là, même s’il ne faut pas se mentir : il y a des risques inhérents à ce qu’on entreprend ici, et tout ce qu’on peut faire, vraiment, c’est tenter d’identifier les dangers et de les prévenir avant qu’ils ne nous surprennent… Mais l’autre jour, en posant mon pied gauche sur une protubérance subtilement plus sombre, j’ai décroché un rocher gros comme mes deux poings réunis ; tout juste eu le temps de crier « Rocheeer ! » mais Nathan, debout sur le portaledge découvert, n’a pas eu le temps de réagir et heureusement c’est au travers de la toile de notre bivouac suspendu que le projectile est passé, à 30 centimètres devant ses deux pieds et comme dans du beurre, et non sur sa tête. Autant dire que je me sentais mal ! Ceci dit, de façon plus générale, on s’en sort bien, je dirais. Mais il est vrai que le projet ambitionné est
À gauche : L'équipe Nanok au sommet !
En bas : On s'échauffe les doigts sur les nombreux blocs jouxtant notre camp de Base.
coriace et aucune des 14 longueurs n’est réellement donnée. « Tout est dur ! », pour reprendre l’expression de nos caméramen sur l’inlandsis. Donc ça prend un temps dingue et demande des efforts surhumains ! Le processus est super intéressant ceci dit et on en apprend toujours plus ; il faut être stratégique aussi, car on peut vite perdre beaucoup de temps et d’énergie dans des manipulations inutiles ou en n’étant pas réalistes dans nos estimations… On grimpe « full trad » (c.-à-d. qu’on ne grimpe que sur des protections amovibles, p. ex. coinceurs et friends) et ça peut être très impressionnant parce la paroi est très verticale et même légèrement déversante sur les premiers 200 mètres, tout ça presque sans vires ni replats pour nos relais ce qui veut dire que quand nous ne sommes pas les doigts et orteils empêtrés dans nos fissures (à moins d’y engager tout le corps pour un combat féroce – on appelle ça des « offwidths »), nous pendons dans nos harnais comme du jamón espagnol. On fixe aussi les relais pour les cordées suivantes – ce serait juste incroyable que notre voie devienne une « classique » de la région, une voie qui puisse être à elle seule l’objectif de futures expéditions… Quelle fierté ce serait pour nous. Enfin bien sûr on en n’est pas encore là, mais on peut toujours rêver, non ? D’ailleurs la toute première broche sur la paroi, nous avons dû l’enfoncer à la main. Tu le crois ça ! ? Un marteau, un tamponnoir et moi en équilibre suspendu à un petit crochet à taper comme un forain pour faire un trou de 12 centimètres dans du granite. 45 minutes de barbarie, tout ça parce qu’on avait négligé de tester notre perceuse au Camp de Base (et que bien sûr la mèche était mal fixée). Et Nathan pendu juste en-dessous qui se prend toute la poussière dans la gueule ! La scène.
Mais le jeu en vaut la chandelle. Et de loin. Ce soir, j’écris dans mon carnet : « Sur la reliure du livre, l’équipe Nanok écrit une page de l’histoire de l’alpinisme au Groenland. » (Le livre ouvert c’est l’autre nom donné à Nalumasortoq.)
Bref. Quatre mois se sont écoulés depuis notre départ et je ne sais plus trop quoi te dire… Alors je t’écris ce qui me passe par la tête. On dirait que le temps, en s’épaississant de toutes nos expériences fortes, s’est étiré, comme si le laps entre chaque seconde ne suffisait plus à contenir toute cette intensité et que sa densité même le mettait sous pression comme une cocotte-minute. Je me demande ce qui me plait le plus, entre la traversée polaire et l’introspection profonde, l’escalade et
les sensations fortes, ou le kayak et le dédale des fjords, les découvertes à chaque tournant. La côte Est continue à me hanter1 – y reviendrais-je ? Toujours est-il que de partir 5 jours sur les parois, à vivre à la verticale, j’ai l’impression d’avoir vécu un mois entier.
Nathan est mon frère d’armes, mais toi petit frère, frère des glaces2, tu me manques bougrement.
1er août
2022
Salut frangin, Le mois de juillet touche à sa fin, les jours se sont déjà fortement raccourcis depuis notre arrivée dans le Sud et le soleil ne vient réchauffer la face ouest du Nalu que de plus en plus tard… Alors nous faisons la grasse mat’ et terminons à la frontale ! Les températures chutent aussi. Hier soir, la toile intérieure du portaledge était pleine de condensation due à la différence de température entre l’air à l’intérieur et l’air à l’extérieur de la tente, et cette nuit le duvet 0 °C confort et le petit matelas mousse étaient à leur limite de confort…
Ton fils devrait naître incessamment sous peu (si ce n’est pas déjà fait3), mais ici je suis coupé du monde, le signal satellite ne passe pas. Je t’appellerai dès que nous serons redescendus. Je suis tellement impatient de rencontrer cette nouvelle petite machine à pâté !
Après 4 jours sur la paroi, nos mains souffrent et sont couvertes de blessures en tout genre, le contact avec le rocher pique et brûle, alors nous les emballons de « tape » (sorte de scotch en tissu pour grimpeur, qui sert à protéger les mains). Mais aujourd’hui, une grosse journée de grimpe nous attend, puisque nous visons le sommet !!! D’ailleurs, il est temps pour nous de s’activer.
Je t’aime ! Et je suis fier de toi, tu feras un merveilleux Papa.
1 - L’accès à la côte est nous a été refusé par le Gouvernement du Groenland 13 jours avant notre départ en kayak de mer, un périple de 1 000 km et plus d’un mois et demi parmi les banquises et l’objet de 4 années de préparations… En raison d’une erreur de communication en interne, qu’ils ont reconnue sans rien pouvoir y faire.
2 - « Frères des Glaces » est le nom de notre premier documentaire d’aventure, avec mon frère Antoine Denis. Une première expédition menée au Groenland, en vue de Nanok. Le film est disponible sur YouTube (35 minutes).
3 - Bruno est né le 1er août 2022, à 00 h 25. Le gamin du grand frère. C’était tout vu pour le sommet !
Ci-contre : Topo route Immaqa
En arrière-plan : Aurores boréales nos deux derniers soirs... Et encore, nos photos ne leur rendent pas justice.
4 août 2022
CUUUMBRE !!! Le sommet ahah !
Une nouvelle étape est franchie : nous avons fini l’ouverture de notre voie ! Ce lundi 1er août, vers 18 h 30, nous franchissions les derniers mètres de notre voie IMMAQA. La dernière longueur était infâme – pas franchement la sortie rêvée : 55 mètres d’artif4 sur des blocs instables et dans des fissures sales, le moindre centimètre carré de rocher couvert d’un lichen noir qui s’étale en grosses rosaces cassantes, grandes comme la paume de la main, un vrai combat mené à coups de ferraille contre un rocher pourri. Mais la vue est splendide et la sensation exquise. 2e objectif sur 3 rempli, dans les grandes lignes en tout cas. Après toutes les péripéties de la côte est et nos changements de plan incessants qui nous ont finalement amenés ici dans le Sud, c’est une grande bouffée d’air frais que d’être venu à bout de ce 2e objectif ! La pression retombe. J’entrevois un retour possible, libéré de la honte de l’échec puisque notre expédition est à deux tiers réussie… Place au plaisir de la libération de notre belle voie, histoire de pouvoir lui mettre une belle cotation. Ensuite viendra le kayak de mer, sur la côte ouest jusqu’à Arsuk. Mais nous n’y sommes pas encore !
Couché sur les mousses et lichens, mes mains gonflées de fatigue et de blessures de guerre, baignées de soleil, caressent les tiges des hautes herbes qui dansent souplement dans la brise du fjord. Sous ma casquette, posée sur le front, j’observe le ballet des nuages sur les sommets alentour. Moments de grâce comme on en fait peu – la tête constamment dans des projections futures et les to-do-list à rallonge… Vivre l’instant présent, se laisser aller à exister – simplement. Quel bonheur.
Ce soir : saumon du fjord et confiture de myrtilles ! La belle vie.
17 août 2022
Hello frangin !
Comment va le petiot ! ? ? Sache que je pense beaucoup à vous quatre.
C’est reparti pour 2 nuits sur le portaledge et un bon 2,5 jours en paroi. Je suis bienheureux ! Cette
4 - Grimpe en artificielle, c.-à-d. en tirant et en nous hissant sur nos friends et coinceurs, plutôt que de grimper à l’aide de nos mains et de nos pieds en contact direct avec le rocher.
fois-ci c’est pour libérer un maximum des longueurs qu’il nous reste… Le créneau est court, très court, trop court sans doute, mais c’est nettement mieux que rien. Entre la venue de notre ami caméraman Alex et tout le bazar que c’est de faire un film, puis les créneaux météo qui se sont fait attendre, le temps a filé. C’est notre dernier séjour sur le mur et le 20 au matin notre ami José viendra nous chercher en bateau. Il nous a fait savoir qu’il faudra être sur la plage, armés de tous nos bagages, à l’heure. C’est la haute saison5 en ce moment et tout le monde est débordé. Il nous faut encore tout démonter sur le mur, tout descendre et faire les portages du retour (en allers-retours de 20 kilomètres).
De la neige fraîche est tombée sur les sommets la nuit dernière et ce soir le coucher du soleil est encore plus spectaculaire que d’habitude ! Perchés sur notre promontoire, nous planons au-dessus des nuages et le ciel arrache aux sommets de longues trainées blanches que les derniers rayons de soleil peignent de teintes orangées fabuleuses. Sous le fly (nom donné à la toile de tente qui chapeaute la portaledge), nous nous gavons d’un repas pantagruélique et bientôt les premières étoiles apparaissent. C’est Byzance et nous sommes les rois du monde ! Mais bientôt c’est le ciel tout entier qui s’embrase de draperies de lumières vertes, rouges et violettes au ballet hypnotique – des aurores boréales, depuis le plus bel observatoire sur Terre ; elles viennent nous souhaiter bonne chance et c’est l’Univers qui s’offre à nous !
J’ai le devoir absolu de me souvenir de ces instants magiques, car de tels cadeaux doivent me porter bien au-delà du jour suivant… mais m’animer d’une force qui décuple ma motivation et apaise mes peines pour les mois et les années à venir. Ne pas oublier ces instants précieux. Cette lettre est ma boîte à souvenirs et j’y enferme ce trésor.
Notes et références :
Expédition et ouverture de voie : NANOK EXPEDITION, avec Gilles Denis et Nathan Goffart
Site Web, trailer du documentaire et dates de projections : www.nanokexpedition.be
Réseaux sociaux : @gillesdenisexpeditions / @nathan_goffart
5 - Tasermiut South Greenland Expeditions est une agence de voyage espagnole pour laquelle je travaille comme guide depuis 2016.
GILLES DENISLa pratique de nos activités
Dans le respect de la montagne
SERGE RAUCQ & ÉRIC BERTHENotre planète est vivante.
Depuis sa formation il y a environ 4 700 millions d’années, la Terre est dans un cycle de renouvellement permanent. Les continents se forment puis se désagrègent au gré des mouvements des plaques tectoniques. Les océans subissent le même sort. Ce recyclage constant des matières et des gaz a permis l’émergence de la vie, et l’entretient avec une constance mise en évidence, paradoxalement, par les épisodes d’extinction de masse. De fait, la vie a toujours gagné. Elle a toujours trouvé son chemin malgré des épisodes de crise d’ordre cataclysmique.
Les montagnes sont des fenêtres de visite de ces cycles immémoriaux. Tout y est : orogenèse, érosion, cycles de glaciation et réchauffements, prise d’altitude et effondrements… Tout cela, nous pouvons le lire, simplement en les regardant. Elles nous montrent à la fois le passé tumultueux de notre planète, mais aussi l’avenir qui attend nos paysages.
Posons-nous un instant. La chaîne des Alpes a commencé à se former il y a de l’ordre de 65 millions d’années. Tout ce temps a été nécessaire pour qu’une mer se transforme en une énorme chaîne de montagnes ; pour que ces dernières soient façonnées par la glace, la neige, le vent, l’eau. Nous en héritons et elles nous émerveillent. Les dénivelés impressionnants rendent distants de quelques centaines de mètres des milieux par ailleurs séparés de milliers de kilomètres. En quelques heures de marche, un bon marcheur fait la jonction entre une forêt feuillue collinéenne et une pelouse alpine. Encore un effort et il côtoie un milieu semblable au continent antarctique. Cette proximité est source de diversité. Diversité des paysages, des milieux, des espèces…
Depuis le début du néolithique, l’être humain est entré dans la danse de la transformation de la montagne. Il a fondé des villages, semé des
céréales, poussé ses troupeaux dans l’alpage. Par son action, l’être humain a transformé les paysages. Parfois pour le meilleur : l’ouverture des alpages a permis l’installation d’une biodiversité botanique exceptionnelle. Parfois pour le pire : la déforestation de certains versants favorise la survenance d’avalanches ou de torrents de boues dévastateurs.
Ce qui est particulièrement marquant actuellement, c’est la vitesse de la transformation. Depuis quelques dizaines d’années seulement, la montagne change exceptionnellement vite. Et toujours du fait des actions de l’être humain. Par exemple, ses ubacs verdissent à grande vitesse, vers 2 000 m d’altitude1. Ce verdissement spectaculaire est attribué au réchauffement climatique. Il pousse vers le haut des espèces végétales pionnières, avec tout le cortège animal qui l’accompagne (notamment entomologique). La biodiversité des lieux concernés est évidemment directement impactée.
Ce changement rapide impacte aussi nos activités. La neige hivernale abandonne progressivement les adrets, à moyenne altitude. Des stations comme La Clusaz souffrent de la situation. Les élus de cette dernière envisagent le creusement d’une retenue d’eau collinaire, notamment (mais pas seulement) pour nourrir les canons à neige2 Ce projet et les conséquences écologiques qui en
1 - Choler, P., Bayle, A., Carlson, B.Z., Randin, C., Filippa, G., & Cremonese, E. (2021). The tempo of greening in the European Alps : Spatial variations on a common theme. Global Change Biology, 00,000000, https ://doi.org/10.1111/gcb.15820
2 - https://www.lemonde.fr/planete/ article/2022/10/25/a-la-clusaz-suspensionde-la-construction-d-une-retenue-collinairedestinee-a-assurer-l-enneigement-de-lastation_6147268_3244.html
Keystone ©Ci-contre : Des skieurs empruntent une piste bien délimitée entre Chuenisbaergli et Boden, le mercredi 28 décembre à Adelboden, dans le canton de Berne.
découlent doivent interroger ceux qui parmi nous pratiquent le ski alpin. La question qui se pose à nous est de nature éthique : convient-il d’exploiter le milieu qui nous sert de terrain de jeu jusqu’à sa transformation irréversible en un lieu artificialisé, ou bien convient-il de modifier nos pratiques pour en préserver le caractère sauvage ? Le propos n’est pas de stigmatiser uniquement les pratiquants de ski alpin. De toute évidence, toutes nos pratiques sont concernées. Alors, que faire ? Faut-il abandonner nos pratiques ?
Abandonner nos pratiques revient à éroder le lien intime avec la montagne, à casser la chaîne de transmission de cet émerveillement issu de la contemplation dans l’effort. Alors plutôt que d’abandonner, modérons et transformons nos pratiques. N’abandonnons pas. Ce serait contre-productif. En tant qu’utilisateurs avertis de la montagne, nous faisons partie de ses sentinelles, de ses gardiens. Agissons en tant que tels. L’article que nous avions proposé dans l’A&A 213 contenait déjà quelques idées. En voici trois supplémentaires. Vous avez d’autres idées ? N’hésitez pas à les transmettre !
Fiche pratique 1
Je choisis intelligemment mes vêtements (origine, seconde-main, impact écologique).
En moyenne, les européens achètent plus de 12 kg de vêtements par an, et en recyclent 1/3 (le reste est jeté). La production des vêtements, à l’échelle mondiale, représente plus de 1,2 milliards de tonnes de gaz à effet de serre, soit plus de 3 % des émissions totales. À cela s’ajoutent les conséquences sociales du caractère mondialisé de l’industrie du textile et les impacts des microparticules rejetées lors de chaque lavage. Il est cependant hors de question de pratiquer l’alpinisme tout nu. Alors quoi ? Faut-il privilégier les vacances à la mer, avec pour seul vêtement un maillot de bain ? Bien sûr que non. Un peu de bon sens permet de minimiser l’empreinte textile : En priorité, je diminue drastiquement mes achats. Je lis l’étiquette du vêtement que je veux quand même acquérir.
1. Je rejette a priori les pays qui pratiquent le dumping social ou qui n’ont pas de politique claire en matière de respect de la nature.
2. Je me renseigne sur les matériaux utilisés et je privilégie ceux qui sont renouvelables.
3. J’évite le greenwashing (ex. : le lyocell ou le tencel sont issus de plantations d’eucalyptus qui contribuent à la déforestation).
Je ne cède pas aux sirènes de la tentation des achats encouragés par les acteurs du commerce (à ce sujet, Chamonix n’est qu’un gros shopping center auquel il importe de résister). Je conserve mes vêtements le plus longtemps possible. De temps en temps, il y a une petite réparation à effectuer… mais qu’est-ce que c’est bon de pratiquer avec des vêtements qu'on connaît par cœur. Et mieux vaut les aérer plutôt que de les laver à chaque utilisation.
Fiche pratique 2
Je me mets au rythme de la montagne.
Le monde moderne impose sa vitesse. Elle est folle. De plus en plus, nous entendons parler de « minitrips d’hiver ». Vite, vite on part vendredi en soirée pour un weekend de ski. Vite, vite on consomme la montagne puis on revient épuisé. La rencontre avec la montagne, dans ce contexte, est gâchée à l’avance. Elle est pervertie. Soufflons. Prenons le temps, prenons congé, mettons-nous en retrait. Voyageons à l’aise, sans stress. Déplaçons-nous moins et mieux. En prenant un peu le temps, nous pouvons profiter du train qui permet d’accéder à la plupart de nos sites de pratique de manière bien plus confortable avec un impact plusieurs dizaines de fois moindre que la voiture.
Fiche pratique 3
J’identifie et abandonne les activités à gros impact.
Toujours avec un peu de bon sens, j’identifie les activités dont l’impact sur la montagne et la nature en général n’est pas soutenable. Non seulement je les abandonne, mais aussi je lutte contre leur pratique. Les déposes en hélicoptère pour ski hors-piste en sont une évidente et leur nuisance doit faire consensus au sein de notre communauté. Mais sans aller jusqu’à cet extrême, reconnaissons que le ski alpin (de pistes) en fait aussi partie avec tout son florilège de conséquences nuisibles : déplacements de masse, remontées mécaniques, canons à neige artificielle (ou « de culture » pour utiliser un terme qui apaise les consciences), mise à nu et érosion des versants, logements énergivores, produits de fartage des skis,… Pérenniser ce modèle participe au dépassement de plusieurs limites planétaires dont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’utilisation excessive d’eau,… Face à ce constat, une solution : STOP !
SERGE RAUCQ & ÉRIC BERTHELe voyage à vélo estil écolo ?
DEBRY & SOPHIE BERTHENous voilà au Kenya, après plus de 4 mois de vélo. Notre voyage a commencé dans la capitale bruyante d’Égypte, j’ai nommé : le Caire.
Le but est d’atteindre Cape Town, en un an, et tout ça à la force de nos jambes. Ce rêve un peu fou est né dans ma tête il y a des années, alors que j’étais encore sur les bancs de l’école primaire. Et si un jour, je faisais le tour du monde à vélo ? Cette idée reste dans un coin de ma tête, jusqu’à ce que je rencontre Loïc. Il me semble être le partenaire idéal pour m’accompagner dans cette grande épopée. J’aimerais commencer par une traversée du continent africain, tout simplement parce qu’il faut bien commencer quelque part ! La première fois que je lui fais part de ce projet, la réponse est catégorique : c’est non. Heureusement, je ne suis pas du genre à baisser les bras et, comme je sentais qu’à deux, on allait bien rigoler, j’ai un peu insisté. Je lui ai montré quelques belles images par-ci, par-là. Je lui envoyais des vidéos de voyage vélo « juste comme ça ». Et puis un jour, sur l’oreiller, Loïc me dit : « Allez, on part ! ». Bingo ! Il me donne quand même une condition, que j’accepte sans discuter : il ne veut pas quitter l’escalade pendant toute une année. C’est ainsi qu’on embarque, dans nos fontes, chaussons, crash pads et poutre d’entraînement. On espère ouvrir plein de blocs sur la route (spoiler alert : on n’en a pas encore trouvé beaucoup pour le moment) et, surtout, arriver en forme en Afrique du Sud, et plus précisément, à Rockland.
Jusqu’ici, le voyage s’est plutôt bien passé. Nous découvrons des paysages incroyables et nous faisons des rencontres inoubliables. Nous aimons découvrir cette nouvelle façon de voyager et nous n’avons même pas mal aux fesses (enfin, peutêtre juste un tout petit peu) !
Ce qu’il faut savoir, c’est que de base, nous ne sommes pas des cyclistes. Et du coup, on nous demande souvent : « Mais alors, pourquoi le vélo ? ». Et en général, les gens supposent que nous faisons ça spécifiquement pour limiter notre empreinte carbone. D’ailleurs, lorsqu’on nous a demandé d’écrire cet article, le but était d’expliquer, je cite : « (…) Le projet, et alors peutêtre axer sur l’impact environnemental très faible, voire zéro de votre expédition en liant ça au vélo et à la mobilité douce de manière générale. Pourquoi ce choix, qu’est-ce que ça implique, etc. (…) ». Mais donc, notre voyage a-t-il réellement un impact carbone très faible ?
Rentrons un peu dans les chiffres pour y voir plus clair…
Imaginons qu’à la place du vélo, nous avions décidé de voyager en van, parce que c’est trop stylé d’avoir un van quand on est un grimpeur ou une grimpeuse. Traverser l’Afrique, du Caire à Cape Town (soit à peu près 12 000 km) en van émettrait 4,7 tonnes d’émission de CO21. Ces émissions prennent en compte la totalité des émissions produites par le van : le diesel brûlé dans le moteur pour parcou-
1 - CO2.myclimate.org, consulté le 20/02/2023, https ://CO2.myclimate.org/fr/car_calculators/new
LoïcDebry©2023 LOÏCCi-contre : Vélo au petit matin dans le désert Égyptien avant Abu Simbel
rir tous les kilomètres, la production du van, les émissions liées à la construction, à l’entretien des infrastructures routières, etc. Nous consommerions donc 2,35 tonnes de CO2 par personne.
Quant à nos vélos, ceux-ci n’ont émis que 200 kg de CO2 lors de leur production (100 kg de CO2 en moyenne par vélo produit).2
En regard de ces chiffres, il semble assez clair que le vélo semble être le meilleur moyen de transport pour diminuer son impact carbone. Il vaut donc mieux privilégier ce type de voyage.
Oui, mais… Nous avons pris l’avion pour nous rendre au Caire. Et si nous ne trouvons pas de bateau pour le retour, nous devrons prendre l’avion pour refouler la terre du plat pays (Cape Town-Belgique).
Reprenons nos chiffres
Prendre l’avion de Bruxelles au Caire émet 0,55 tonnes de CO2 par personne et prendre l’avion de Cape Town à Bruxelles émet 1,6 tonnes de CO2 par personne (ces émissions prennent en compte la totalité des émissions nécessaire au vol : le kérosène brûlé dans les réacteurs, la production de l’avion, la construction des infrastructures de l’aéroport ou encore le nombre de sièges moyen réellement occupés dans l’avion).3
À deux, nous consommerons donc 4,3 tonnes de CO 2 si nous prenons effectivement l’avion pour rentrer.
À noter que dans ces calculs, nous prenons en compte nos seules consommations liées à nos moyens de transport. Il est évident que pour faire avancer notre vélo, nous devons manger. Nous préférons aussi nous laver de temps en temps pour sentir bon et, parfois, nous dormons dans un lit, qui se trouve lui-même dans un hôtel. Nous utilisons également Internet pour pouvoir communiquer sur notre voyage et, surtout, avec nos proches. En bref, nous sommes loin de respecter les 2 tonnes/an par personne qui est la consommation requise si nous voulons rester sous la barre des +1,5 degrés avant 2050.4 Quand on voyage, on consomme.
2 - Sustainability report Trek, 2021, consulté le 20/02/2023, https ://view.publitas.com/trek-bicycle/ trek-bicycle-2021-sustainability-report/page/6
3 - CO2.myclimate.org, consulté le 20/02/2023, https ://CO2.myclimate.org/fr/flight_calculators/new
4 - 2tonnes.org, consulté le 20/02/2023, https ://www.2tonnes.org/
Alors à la question : « Le voyage à vélo est-il écolo ? », la réponse est : « Pas forcément ». Et dans notre cas, la réponse est non. Il nous semble important d’être honnêtes face à cette question. Et nous sommes souvent étonnés et dérangés de voir que de nombreux voyageurs à vélo surfent sur la vibe « écolo-bobo » de la bicyclette pour faire des likes, alors qu’en même temps, ils et elles n’hésitent pas à prendre plusieurs fois l’avion sur leur trip pour aller rouler sur les plus belles routes du monde. Bien entendu, nous ne sommes personne pour donner la morale (vous connaissez le serpent qui se mord la queue ?). Cependant, il est tout de même important de faire preuve de transparence afin que chacun·e ait toutes les (bonnes) cartes en main avant d’entreprendre ce genre de voyage.
Alors, au final, pourquoi avons-nous choisi de voyager à vélo ?
Si vous avez bien suivi, on ne peut pas dire que l’on voyage de cette façon pour diminuer notre empreinte carbone : ce serait comme si l’on disait voyager en van électrique pour être écolo.5
Par contre, nous avons d’autres raisons. La première raison est le challenge sportif. Ça fait bien longtemps qu’on n’a pas fait chauffer nos cuisses et, ayant tous les deux l’âme de la compétition, le voyage à vélo nous semblait idéal. Effectivement, on ne s’était pas trompé !
Ensuite, il faut avouer qu’on aime vraiment pas mal l’aventure. On adore les galères, mais on aime encore plus la découverte. Depuis le départ, nous apprenons beaucoup, tous les jours. Il faut s’adapter en permanence, et c’est le bonheur.
5 - La production de grosses batteries pour véhicules électriques est très énergivore. L’électricité consommée par ce genre de véhicules peut aussi être source de grandes émissions de gaz à effet de serre en fonction du mode de production de celle-ci. (Quel est l’impact écologique d’une batterie, consulté le 20/02/2023, https://greenly.earth/fr-fr/blog/ actualites-ecologie/empreinte-carbone-batterie)
À deux, nous consommerons donc 4,3 tonnes de CO2 si nous prenons effectivement l’avion pour rentrer.
De haut en bas : Une grosse montée comme on en trouve beaucoup en Ethiopie Pause devant les chutes du Nil bleu en Ethiopie Escalade devant les pyramides de Méroé au Soudan
Nous voyageons aussi à vélo parce que cela nous permet de voyager lentement. Pour passer d’un point touristique à un autre, nous devons rouler sur la route qui les sépare. Et il y a tant de choses à y voir ! Animaux, paysages à couper le souffle, spots de bivouacs magnifiques, etc.
Enfin, le vélo nous permet d’apprécier encore plus nos moments de repos et nos destinations. Et surtout, nos moments de grimpe :).
Si vous voulez en apprendre encore plus et connaître tous les détails croustillants de notre voyage, n’hésitez pas à nous suivre sur Instagram (@soph_et_lo) et sur Polarstep (« Soph et Lo à travers l’Afrique »).
On cherche aussi un lift de retour en voilier depuis Cape Town vers l’Europe pour l’automne 2023 : contactez-nous si vous avez une connaissance qui a une tata qui a un ami qui a une fille ou un fils qui possède un voilier et qui serait prêt(e) à nous embarquer avec nos vélos (Via Instagram ou par mail : sophberthe@gmail.com ou loicdebry@gmail.com).
Toute autre piste est bienvenue !
LOÏC DEBRY & SOPHIE BERTHE Loïc Debry © 2023 Loïc Debry © 2023Un premier groupe féminin outdoor voit le jour en Belgique
ÉLISE MASQUELIER
Fin juillet… Voilà plusieurs années qu’Agnès et moi grimpons, tant en salle qu’en falaise.
Nous avons commencé l’alpinisme depuis quelques mois seulement, mais nous avons le pied de plus en plus ferme. Un petit refuge gardé perché dans les montagnes nous accueille après une journée très active. Le repas est l’occasion de papoter avec les deux hommes assis à côté de nous. Nous n’avons pas encore abordé le sujet de la course que nous comptons faire le lendemain, ni n’avons communiqué notre niveau d’escalade, mais cela ne les empêche pas de nous conseiller des voies dans les environs : « Je pense que la grande voie en 3-4 serait parfaite pour vous, ça doit être votre niveau ».
Ensuite, nous expliquons ce que nous comptons faire le lendemain, c’est une course d’alpinisme longue, mais très facile. « Waouh, mais vous êtes si courageuses les filles, c’est très difficile ce que vous comptez faire. Vous avez déjà un sacré niveau ».
Ah… Comment connaît-il notre niveau d’escalade ? Si nous avions été des hommes, auraient-ils autant soutenu que la course était difficile ? Leur remarque était très probablement bienveillante, mais je me suis sentie blessée et surtout profondément agacée. Il y a des voies spéciales pour les femmes, correspondant à leur « niveau inférieur » ? Cet exemple ne donne qu’un tout petit aperçu de ce que nous vivons à chaque course d’alpinisme et dans le sport outdoor en général.
Lorsque je parle avec des femmes qui veulent se lancer dans les sports outdoor, elles semblent souvent un peu effrayées à l’idée de se lancer dans des sports dits plus « extrêmes ». Elles ont l’impression que c’est très difficile, inaccessible. Je remarque aussi qu’elles ont besoin d’avoir un niveau d’expertise très avancé (parfois bien supérieur à certains hommes) pour considérer qu’elles sont autonomes. Elles ne se sentent souvent pas légitimes et ont toujours l’impression qu’elles n’en connaissent pas assez. En général, elles ont déjà une super condition physique et une motivation en béton mais, curieusement, elles manquent cruellement de partenaires de cordées.
Si nous avions été des hommes, auraient-ils autant soutenu que la course était difficile
Ci-dessus : Romane en pleine concentration à Beez
Il y a quelques mois, j’entends parler de « Lead the Climb » (cercle du CAF proposant des sorties en non mixité pour autonomiser les femmes en montagne), de « Pyr.elles » (même concept dans les Pyrénées). Je décide alors de lancer une conversation Facebook avec les quelques femmes de mon entourage qui sont intéressées. Très rapidement, je me rends compte que l’engouement est bien plus important que ce que je ne pensais ! Je recrute Olivia, Margaux V, Margaux P, Inès, Priscilla et Sirga pour former un noyau dur et essayer d’organiser des choses ensemble.
Actuellement, notre conversation est devenue un groupe facebook « Groupe féminin outdoor belge ». Les membres peuvent poser des questions, trouver des partenaires de sport. Notre objectif, à terme, est d’organiser également des évènements. Ceux-ci seront soit des formations avec des personnes formées pour nous initier à l’autonomie dans divers sports soit des soirées d’échange d’expérience, des rencontres, des weekends sportifs, etc.
Ci-dessus : Agnès & Elise au sommet de la roche Faurio
Maëlle et Nathalie en voyage à vélo, en direction de l’Allemagne
Notre premier évènement a eu lieu le 15 mars 2023 à Bruxelles. Le but est bien sûr de se rencontrer et d’échanger nos expériences. Trois intervenantes (membres de notre noyau dur) viendront partager leurs expériences dans un sport outdoor et le chemin qu’elles ont réalisé pour devenir autonomes. Nos évènements sont proposés en non mixité (oui, uniquement pour les femmes). Je pense que nous avons besoin de nous former entre nous, de retrouver une certaine autonomie afin de pouvoir à nouveau pratiquer dans des groupes mixtes qui seront plus égalitaires ! Si jamais vous n’êtes pas encore sur ce groupe Facebook, n’hésitez pas à nous rejoindre.
ÉLISE MASQUELIER
Elise Masquelier © 2022 Agnès Peten © 20227 jours en autonomie sur les lacs suédois
C’est après une énième vague d’un certain virus que l’inquiétude à propos des vacances s’est fait ressentir. Réserver des logements à l’avance sans savoir si nous pourrions nous y rendre… Pas question ! Et si on faisait du bivouac ? En Suède ? Avec un canoë ? Sans aucune expérience ?
Ni une, ni deux, 2 mois plus tard nous entamions nos quelques
1 000 km jusqu’Olofström, collée à la réserve naturelle d’Halen où commencerait notre aventure.
bon imperméable ainsi qu’une bâche. Et je vais faire de même : si vous avez, comme nous, une semaine assez pluvieuse, un simple poncho ne suffira pas. Pour la bâche, nous l’utilisions pour protéger nos sacs dans le canoë, mais aussi pendant la nuit. Nous avions une tente de trek qui ne pouvait pas accueillir nos sacs, donc cela nous a vraiment bien dépannés. Une corde pour pendre les vêtements humides et faire sécher la tente est aussi un must have. En-dehors de la veste de pluie, nous avons essayé de prendre un minimum d’affaires dans notre sac. Dans le mien, un short et un pantalon (porté depuis le départ). Quelle joie quand, le 2e jour, mon pantalon a décidé de craquer au niveau de la couture arrière. Après un fou rire inoubliable, nous avons essayé de le réparer avec un fil de pêche (spoiler alert : ça n’a pas marché).
Qu’y a-t-il au menu ?
Nous voilà lancés dans l’eau, sous un soleil radieux. Un soleil radieux… Pour l’instant ! En effet, il n’aura fallu qu’une heure pour que nous nous retrouvions au cœur d’une bonne grosse drache avec grêlons (bonjour le dépaysement).
Nous sommes contraints de nous arrêter sur la première île que nous croisons, ce qui n’était pas le plus facile car les bordures ne sont pas toujours très accessibles. C’est après ce moment que nous avons compris pourquoi les gens partis avant nous nous avaient conseillé de prendre un
L’été étant particulièrement chaud et sec, il nous est interdit d’allumer un feu sauf dans les zones autorisées : les shelters . Ces endroits sont en général assez fréquentés car il y a un ou plusieurs petits abris, des bancs et un chouette endroit pour passer la soirée autour du feu avec vue sur le lac. Très sympa si on a envie de rencontrer d’autres personnes. En Suède, on parle d’allemanstätten : le droit du libre accès à la nature. Le bivouac est autorisé partout et cela nous laissait l’opportunité de choisir n’importe quelle île pour monter notre tente. Évidemment, le but est de ne laisser aucune trace de son passage. Pour manger, nous avions un réchaud à éthanol, mais cela ne nous a servi qu’une soirée où nous ne dormions pas à proximité des shelters. En plus de la nourriture
NOÉMIE TRIBOLET – Texte et images« Un vrai belge ne sort jamais sans son K-Way »
lyophilisée, nous profitons de ce que la nature peut nous offrir. Étant amateurs de pêche, nous avons eu la chance de déguster du brochet et de la perche tous les jours (pensez à prévoir un bas de ligne en titane au risque de vous faire couper tous vos plus beaux leurres). En nous baladant dans la forêt, nous trouvons assez facilement des coulemelles, des bolets, des cèpes de Bordeaux ainsi que des girolles. Et pour le dessert, des myrtilles ! Des îles entièrement recouvertes de ce petit sous-arbrisseau. Nous qui craignions de ne pas avoir assez de nourriture, nous sommes revenus avec des kilos en plus.
Pour boire, l’eau du lac n’étant pas polluée, nous pouvons directement remplir nos gourdes dedans (pour les plus frileux avec cette pratique, il y a plusieurs points d’eau à proximité des shelters pour remplir vos bidons). Finalement, pour ceux qui aimeraient recharger leurs batteries en mangeant un repas non brûlé sur le feu, le Breanäs est un restaurant à proximité du lac Immeln et nous avons eu de bons échos (pensez à réserver en allant sur place à l’avance).
Joyeux anniversaire !
Notre périple a commencé sur le lac Halen. Nous avions la possibilité de naviguer sur 3 lacs : Halen, Raslangen et Immeln. Entre les lacs se trouvaient des points de passage à pied où nous devions mettre le canoë sur roulettes. Notre objectif était de profiter un maximum du calme et de la pêche, c’est pourquoi nous avons décidé de rester uniquement sur les deux premiers lacs, plus sauvages qu’Immeln. Et quel plaisir d’être seuls au milieu de cette nature ! Notre volonté de déconnexion était totale : téléphones dans le fond du sac, pas de montre et nous sortions la GoPro 2-3 fois par jour pour immortaliser nos prises ou nos spots de camping. Déconnectés au point d’avoir oublié mon anniversaire qui était au milieu du séjour.
Nous vivions en fonction de nos besoins et de nos envies (et de la météo), et, contrairement à ce que je pouvais croire au début, cela a été très facile. Ce voyage a vraiment été une expérience unique que nous recommandons sans modération pour les personnes désirant se couper du monde et se reconnecter à l’essentiel. Et pensez à prendre 2 pantalons !
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En bas: Deuxième nuit sur un spot que nous partagions avec un autre couple
NOÉMIE TRIBOLETUn mois de marche le delong la Manche…
L’aventure là où on ne l’attend pas !
ALICIA GRAFÉ – Texte et images
Fin mai, je me lançais dans un nouveau trekking longue distance. Cela faisait un an que j’avais quitté ma vie bien rangée d’avocate pour celle de vagabonde. Depuis lors, l’eau avait coulé sous les ponts : j’avais tant gagné en expériences et en liberté ! Le cœur empli de gratitude pour ce joli tournant, je voulais marquer le coup. Et qu’y a-t-il de mieux pour fêter cela qu’un nouveau trek ?
Le plan : marcher un mois le long du littoral, sur le sentier E9. Pour être tout à fait honnête, c’est un peu au hasard que j’ai choisi l’itinéraire. Je voulais démarrer de chez moi pour limiter mon empreinte carbone et, comme j’emmenais mon chien pour la première fois, rester proche de la civilisation et des vétérinaires dont je devrais éventuellement solliciter les services.
Démarrant de Bruges, ce n’est qu’au Coq que je retrouve la mer et le soleil qui est enfin de retour après deux jours de drache ininterrompue. Ce dernier m’invite à ma première baignade, suivie, pour
la première fois également, d’un bivouac dans les dunes : les prémices de ce qui fera mon quotidien pendant un mois. Je m’endors au doux son de la musique traditionnelle jouée par un groupe qui s’est installé non loin. Quelle belle entrée en la matière !
À partir d’Ostende, je réapprends à fonctionner en duo puisque je retrouve une amie qui m’accompagnera une semaine dans cette aventure. Nous marchons beaucoup en commençant et finissant tard (et en parlant autant que ce que nous marchons… C’est dire !). Nous assistons à la prestation d’une superbe fanfare à Nieuport et sympathisons avec un vieil homme qui nous cède de quoi nous offrir notre prochain apéro. Nous passons ensuite à la Panne, après laquelle nous voilà en France et désormais sur le GR120.
Parfois, l’instabilité du sol dans les dunes et le vent nous donnent du fil à retordre. Une rafale aura d’ailleurs raison de notre toit en brisant l’un des arceaux de la tente… Mais ce qui aurait pu être perçu comme une fatalité est aussi une opportunité : celle de se challenger en tirant un trait sur l’un des éléments de la liste de nos biens de nécessité. À partir de ce moment, nous dormirons donc à la belle !
L’humidité est importante en fin de nuit, mais en se glissant sous la toile de tente, on s’en sort.
Mon chien, quant à lui, est au sommet, ce qui me ravit puisqu’il s’agit de sa première randonnée longue distance.
Réveil dans les dunes (quand j’avais encore une tente).
Page précédente : Les réveils sont humides, mais vivifiants !
Les vestiges de la guerre sont nombreux sur le chemin. Bunkers, blockhaus et casemates parsèment la côte, plus ou moins dégradés par les assauts de la mer et décorés par les graffeurs.
Le sentier nous réserve de jolies surprises dans les bois et le long des canaux : il y fait doux, l’on y évolue aisément. Nous passons aussi par de splendides réserves naturelles, notamment celle du platier d’Oye.
Mais les aventures sont loin d’être terminées. À Calais, alors que nous sommes hébergées dans un studio de yoga, nous sommes réveillées par un crépitement et une lueur étrange… Le circuit d’alimentation du chauffe-eau a pris feu ! Nous parvenons heureusement à maîtriser l’incendie, quoi qu’in extremis, non sans une espèce d’euphorie sans doute suscitée par l’adrénaline.
Nous poursuivons le long du littoral dans le Pasde-Calais et découvrons avec plaisir les trésors de la côte d’Opale. Les fameux Caps Blanc-Nez et Gris-Nez méritent largement leur réputation. Depuis leurs hautes falaises de craie et de marne, situées juste en face des côtes anglaises, l’on aperçoit les côtes britanniques. La promenade sur la plage fossilisée de la baie de Wissant n’est pas moins impressionnante. C’est sur cette jolie note que mon amie me quitte.
J’accumule les frasques pendant ce tour puisque je laisse couler mon (nouveau) téléphone dans un canal…
Une fois à nouveau seule, je commence à m’intéresser aux nombreuses plantes sauvages qui parsèment le chemin. Roquette de mer et sauvage, pissenlits, cerfeuil, prêle, armoise, trèfle, carottes sauvages, origan, chénopode, plantain,
bugrane, achillée millefeuille, arroche hastée, obione faux pourpier ou encore millepertuis, je m’en donne à cœur joie. C’est si satisfaisant de voir cette foisonnante nature se révéler au fur et à mesure que j’apprends à la connaître !
Je découvre avec beaucoup de plaisir le marché aux poissons de Boulogne-sur-Mer ainsi que les dunes d’Écault, la charmante baie de la Canche et sa réserve. Le sentier traverse ensuite le Touquet puis, après une longue portion sur la plage, il débouche sur Berck où je suis hébergée gracieusement, cette fois par des artistes de rue, crayeurs, avec qui je passe une nouvelle magnifique soirée, bercée par la guitare, les histoires et la bienveillance dans lesquelles je baigne.
Au fil de voyage, je reçois l’hospitalité de plus en plus souvent, alternativement recherchée ou non, couchsurfing ou impromptue. J’aime beaucoup la conjuguer avec la liberté du bivouac. C’est une manière de nourrir ma foi en l’humanité et ma créativité en me mettant en contact avec des personnes toujours infiniment plus ouvertes que la moyenne.
C’est si satisfaisant de voir cette foisonnante nature se révéler au fur et à mesure que j’apprends à la connaître !
Souvent, le sentier littoral est détourné par l’intérieur des terres en raison de l’effondrement des falaises. Le passage est alors dangereux à la fois au sommet des éperons rocheux qui s’érodent et à leur pied en raison de la chute de pans entiers des parois. Je dois alors arbitrer, non sans certaines approximations, entre le plaisir de border la côte et celui d’assurer ma sécurité…
Je vois mes premiers phoques en entrant dans la baie d’Authie, splendide et particulièrement riche en termes de faune et flore. Au sortir de la baie, j’arrive à Fort-Mahon où je trouve encore l’hospitalité. Je m’y sentirai si bien que je déciderai d’y passer deux nuits pour m’y reposer et soigner mes bobos, mes genoux commençant à grincer quelque peu.
Après avoir traversé le paisible parc du Marquenterre, me voilà en baie de Somme où je suis encore et toujours gratifiée d’un accueil généreux la nuit. Je redécouvre avec plaisir le Crotoy, puis Saint-Valéry ainsi que les marais salins qui les séparent : de véritables joyaux en dépit de l’affluence touristique !
Le chemin est égayé par les cabines de plage multicolores et, entre la pointe du Hourdet et Cayeux, le sentier est tout simplement splendide. Je ne croise quasiment personne hormis une colonie de phoques qui se prélassent sur un banc de sable au soleil couchant : incontestablement l’une des plus belles portions de l’itinéraire depuis mon départ !
Je suis également charmée par Ault, Mers-lesBains ou encore le Tréport, d’authentiques petites villes de pêcheurs aux jolies maisons colorées à colombages qui n’ont pas encore été dénaturées par le tourisme de masse.
À Dieppe, je suis chamboulée par l’accueil d’une personne particulièrement inspirante, forte d’une incroyable expérience humanitaire et dont le prochain projet s’articule autour de la reconstruction d’une vieille écurie en vue d’en faire un lieu d’accueil pour personnes écorchées par la vie.
Cela fait 6 ans qu’il s’y attèle, tout seul, pierre par pierre… Le résultat est bluffant et le potager (en permaculture) déjà bien fourni ferait rougir n’importe quelle tomate ! Pour l’heure, je passe une belle soirée dans une yourte posée dans ce coin de paradis.
Les
presque chanter.
À Fécamp, je passe sur le GR21, dit le « sentier des falaises » qui épouse le littoral normand le long de la côte d’Albâtre. Le vent continue de souffler des rafales comme je n’en ai jamais connues ! Par moments, je dois m’appuyer de tout mon poids contre les bourrasques pour parvenir à avancer. Le sentier traverse la cordillère de falaises crayeuses qui bordent une côte déchiquetée en mutation permanente. Le dénivelé s’accumule dans les valleuses qui les séparent les unes des autres et les
courants d’air créent de jolis ondoiements dans les hautes herbes que j’entendsLes premiers phoques aperçus en entrant dans la baie d’Authie.
courants d’air créent de jolis ondoiements dans les hautes herbes que j’entends presque chanter.
Nouveauté logistique : je réclame des déchets de viande pour Tuk-Tuk dans les supermarchés/ boucheries. Super plan !
Je profite d’une très agréable pause à Fécamp où je suis hébergée par un Couchsurf de grande qualité. Nous passons des soirées entières à nous fatiguer à force de réflexions et argumentations philosophico-socio-politiques. L’une d’entre elles s’écoule sur le port, au soleil couchant, alors que nous sommes arrosés par les embruns. Vive ambiance normande ! Je retrouve aussi avec un immense plaisir une vielle amie que je n’ai plus vue depuis des années. Mues par la même soif de liberté, nous refaisons le monde en nous arrosant de vin blanc le temps d’une après-midi.
Je poursuis jusqu’au Havre sur la côte d’Albâtre qui continue de me gâter les yeux et fatiguer les jambes avec ses falaises aussi belles qu’exigeantes. Le GR21 passe bien entendu par Étretat et sa fameuse arche. Tout le monde s’agglutine au même endroit pour des motifs qui m’échappent, je suis hilare !
Arrivée au Havre , il n’y a plus vraiment de sentier. En principe je refuse d’évoluer autrement qu’à pied… mais ce qui devait être un mauvais moment à passer se prolonge pendant ce qui me semble être une éternité. Je tente vainement de tracer ma route sous un soleil de plomb dans ce port de plus de 10 hectares (le premier en France en termes de trafic conteneurisé). J’ai l’impression de me brûler le regard partout où je le pose, heurtée de plein fouet par cette réalité rendue possible par mon mode de consommation. Il n’y a pas de
trottoir, pas de verdure : sur des étendues infinies, les machines ont colonisé l’espace de sorte qu’il est tout bonnement devenu impropre aux piétons. Devant le Pont de Normandie (qui me donne juste envie de m’en jeter), je me résigne : je monte dans un taxi qui m’emmènera tout droit jusqu’Honfleur qui, malgré l’affluence, m’apparaît tout à coup comme un havre (c’est le cas de le dire) de paix. Pour ma dernière journée de marche, je suis sur le GR 223 qui longe l’estuaire de la Seine et la côte Fleurie. J’atteins Deauville où je suis accueillie par une prof de country adorable rencontrée sur la plage.
Comment prétendre après un tel voyage que le bord de Manche est dénué d’intérêt à pied ? Je suis si heureuse d’avoir fait le pari inverse. J’ai été enchantée par la diversité de ce parcours et challengée par le revêtement exigeant et par le relief inattendu. Plus que jamais, je me suis immergée dans l’écosystème à travers les cueillettes, les nuits à la belle étoile et les demandes d’hospitalité. J’ai accordé ma confiance à la Manche et elle me l’a bien rendu !
ALICIA GRAFÉ Le fruit de mes premières cueillettes.Ambassadeur du Népal :
Histoire d’une rencontre
En novembre dernier, l’ambassadeur du Népal (pour la Belgique, les Pays-Bas, le Grand-Duché de Luxembourg et l’Union Européenne), S.E. M. Gahendra Rajbhandari, a reçu à Bruxelles les représentants des « clubs alpins » de Belgique : CMBEL (Climbing and Mountaineering Belgium), KBF (Klimen Bergsportfederatie), CAB (Fédération francophone d’escalade, d’alpinisme et de randonnée).
L’objectif de la visite était de faire part aux représentants belges des atouts du Népal au niveau touristique et du grand potentiel du pays au niveau des randonnées. Le Népal est certes plus connu pour ses hauts sommets, mais l’ambassadeur a
Lire
CURES ALPINISTES
Des Alpes à la Valpelline de BERNARD MARNETTE
Ou quand la foi soulève les montagnes.
Voici un nouvel ouvrage de notre ami historien Bernard Marnette où se révèle encore un travail de recherches assidu et passionné.
L’auteur a choisi un thème inhabituel où la spiritualité se mêle à l’exploit sportif et il s’attache à nous faire vivre cet âge d’or, de 1900 à 1920, pendant que des prêtres et non des moindres, au temps où ils étaient plus nombreux, ont parcouru, souvent seuls et parfois en pionniers, de nombreux sommets dans les Alpes en général et particulièrement dans la vallée de la Valpelline en val d’Aoste, là où une pépinière de prêtres ont scellé l’histoire de l’alpinisme local.
Ces prêtres éprouvaient parfois des difficultés à allier l’exercice de leur sacerdoce qui exigeait une présence de tous les instants auprès des paroissiens à leurs escapades montagnardes où ils pouvaient retrouver recueillement et ressourcement.
insisté sur le fait qu’il ne fallait pas nécessairement être un grand alpiniste pour venir au Népal !
Bordé au nord par la Chine et au sud par l’Inde, le Népal présente une altitude allant de 60 mètres (Teraï, partie sud du pays) à 8 849 mètres au sommet du Chomolungma (Everest). Cette amplitude est à l’origine d’une grande variété de climats et de paysages. De quoi randonner dans les zones de plaines et de moyenne montagne !
Renseignements concernant l’ambassade du Népal : https ://be.nepalembassy.gov.np/
C’est une alchimie délicate que Bernard Marnette a réussi à nous faire découvrir et comprendre.
L’ouvrage est publié aux éditions bien connues Nevicata à Bruxelles où il est en vente au prix de 19 € + frais d’envoi.
ALAIN PURNODE DIDIER MARCHALBibliothèque du CAB
Une nouvelle orientation
Par mesure de sécurité et pour assurer la pérennité des publications éditées par le CAB depuis 1886, un autre lieu de conservation était recherché.
Tout récemment, la direction de la bibliothèque centrale du SPW a marqué son accord de recueillir un exemplaire de nos publications.
Grâce au retour régulier par des membres qui se défont de leurs revues, une seconde collection a pu être réunie presque dans son entièreté.
Lire
CHAMONIX LANGTANG de PIERRE PILI
Le témoignage d’un médecin du secours en montagne dans les Alpes et en Himalaya
Ce petit livre, écrit d’une plume alerte, nous plonge dans l’univers des secouristes en montagne, été comme hiver, dans la région du Mont-Blanc. La rapidité des interventions, favorisée par les déplacements héliportés, permet, non sans risques, de sauver plus de victimes que jamais. La technicité est un facteur appréciable du succès. Mais Pierre Pili plaide aussi pour une technicité apportée aux sciences humaines. Les médecins sont-ils suffisamment préparés pour annoncer avec le tact nécessaire la nouvelle d’un décès aux proches de la victime ?
Se pose aussi le problème des responsabilités liées à un accident. La phrase de l’auteur est poignante : « S’il n’y a personne à accabler, il n’y aura demain personne sur qui déverser sa souffrance ».
Pierre Pili pratique volontiers l’hypnose sur les blessés qu’il soigne sur le terrain. Elle consiste à dévier l’attention du patient vers un autre objet que son mal, afin de pouvoir agir sur la blessure – une luxation d’épaule, par exemple – avec la meilleure décontraction musculaire possible.
L’expérience himalayenne de Pierre Pili consiste à donner des cours à de futurs guides et secouristes
L’occasion a été saisie pour ajouter à ce transfert les revues éditées par les sections provinciales du CAB.
Très prochainement, ces documents pourront être accessibles à la bibliothèque centrale du SPW, située avenue Bovesse, 39 à Jambes selon les horaires fixés.
Rappelons que tant les livres de la riche bibliothèque du CAB que les revues et les topos sont à la disposition des membres qui peuvent les consulter pendant les heures de bureau.
D’autres nouvelles de la bibliothèque qui bouge, bientôt.
népalais au Langtang, non loin de l’Everest. Là, force est de constater que le résultat n’est pas encourageant : les Népalais à qui il enseigne ne connaissent pas tous les rudiments de l’anglais et celui du docteur est des plus rudimentaire. Ce n’est que lors de l’examen oral final qu’il découvre l’échec de son enseignement. Espérons qu’à l’avenir il veillera à renforcer ses cours par une traduction immédiate dans la langue de ses élèves ! Mais ce sera ailleurs, puisque le village de Langtang a disparu, enseveli sous une centaine de mètres de débris à la suite d’un tragique glissement de terrain.
Un livre intéressant à lire, malgré les nombreux termes techniques qui ne sont pas expliqués en bas de page, mais à la fin de l’ouvrage dans un glossaire vers lequel on n’a pas vraiment envie de se référer au cours de la lecture, captivante d’un bout à l’autre.
Anecdote d'un jour de grimpe
Fin juin 2022, une de ces belles journées estivales où il ne fait pas encore trop chaud pour grimper. Je me lance dans Ménage à 3 pour, qui sait, l’enchaîner avec mes méthodes si peu étudiées.
La première section de Troucage se passe à merveille, j’ai un bon rythme et les mouvements sont fluides. J’arrive au repos qui sépare la voie de Ménage à 3 et hop c’est reparti. Inversée main droite, pieds bien écartés, clipper, réglette main gauche, bouger les pieds, mono main droite, vieux plat main gauche pour aller chercher une réglette, oh surprise, que je tiens, changer de pied maintenant, ccccccrrrrrrrr… Un bruit de jean délavé qui se déchire au niveau de la fesse. Mais là, c’est mon épaule gauche qui a parlé clairement. Pas de douleur intenable, juste cette sensation que ça sent mauvais. Je lâche tout. « Euh tu peux me descendre Yves ? ». Je l’assure une dernière fois avant de rentrer chez moi avec cette sensation que je ne reviendrai pas tâter ce beau caillou avant longtemps.
S’ensuivirent des examens médicaux en mode express ou en mode « vous n’avez rien » qui ne me rassuraient pas. J’adaptai mon quotidien et mon boulot avec ce qui s’avéra être une déchirure du bourrelet glénoïdien, après une arthroscopie. Que faire quand on a 37 balais et cette passion pour la grimpe ? Plusieurs options s’offraient à moi.
Une que j’aurais pu envisager était de simplement arrêter de grimper. Au final, j’y avais dédié 15 ans de ma vie à raison de je ne sais combien d’heures par semaine, de chaussons usés, de trips à gauche à droite, de trips à côté de chez moi et cela au détriment de tellement d’autres envies ou évidences. Je pouvais bien passer à autre chose. Serais-je devenu fou ? Ou la grimpe m’aurait-elle rendu fou plutôt ? Renoncer à tout ça ? On sait tous pourquoi on grimpe mais on s’en rend encore plus compte quand on est forcé d’arrêter. Ce plaisir d’être dehors, cette nécessité même ; assister à des spectacles de la nature différents à chaque sortie ; le kif de sentir son corps se mouvoir, de se sentir tantôt léger tantôt lourd comme un gros sac, de dépasser ses limites et puis aussi et surtout le plaisir de partager ça avec d’autres, de tisser au fur et à mesure de ces moments uniques des liens d’amitié et de confiance, de franche rigolade, de silence, de discussions intimes… Au final, l’escalade devient un prétexte pour vivre des infidélités.
La deuxième aurait été de faire le pari que ça allait se remettre au prix de séances de kiné, mais je souhaitais une solution qui allait m’assurer un résultat certain. Je passai donc sur le billard en octobre après avoir pesé le pour et le contre a priori. Les échéances classiques allaient me faire prendre mon mal en patience, loin d’être facile pour un fada de l’endorphine. Entre 3 et 6 mois avant de retravailler, 9 mois avant de retrouver ma force herculéenne et 12 mois avant de la retester sur le rocher.
Je me préparai à l’opération et à l’après comme pour une expédition hivernale face nord sans oxygène. Ma maison deviendrait le lieu de concentration d’une vie d’ermite à un bras et à deux gosses. Je préparai une dizaine de litres de soupe, quelque 5 kilos de bolo, autant de compote de pommes et plein d’autres victuailles potentiellement ouvrables ou cuisinables pour un manchot ou mes compagnons de cordée, deux enfants de 9 ans et 6 ans. Pour la vaisselle, on verrait bien. Je rentrai autant de bois que je pus n’ayant qu’un poêle pour chauffer la petite maison. La question des toilettes sèches à l’étage était celle qui me procurait le plus d’inquiétude.
Le 20, débarquement à l’hôpital à 8 h 00, avais-je fait le bon choix ? Sortie à 16 h 00 après une anesthésie générale. Réveil dans le coltar avec le bras en écharpe, sous l’effet de méga antalgiques. C’était parti pour la lente remontée du chemin de la convalescence. Est-ce aussi périlleux de s’habiller sur un portaledge qu’avec une attelle qui empêche le moindre mouvement de l’épaule ? En tout cas, pas question de faire la fine fleur niveau style. Le confort a primé. Un conseil ! Trouver un pote qui fait une voire deux taille en plus pour les tee-shirts et les pulls. Pour le bas, le jogging le plus baraki fera l’affaire. Le plus compliqué ? Mettre ses chaussettes et pisser avec un bras. Avant mon accident, je me rendais déjà compte du décalage que je vivais pour pouvoir assouvir ma passion. Ce paradoxe de se dépêcher pour aller chercher la lenteur finalement. Je courais pour aller grimper. Je le remarque encore plus aujourd’hui le vivant de l’extérieur. Ben là, je ne grimpais plus et j’avais le temps à moi, comme une sorte de soulagement. Après l’opération, ce rapport au temps et à l’espace s’est modifié davantage. Je ne pouvais plus me déplacer qu’à pied, en bus, en train ou avec du covoiturage. Ce qui me prenait avant 40 minutes montre en main me mettait maintenant 4 heures. J’ai dû m’adapter. Tout cela avec un bras qui m’en a fait baver dans la douleur, dans l’inconfort des nuits, de mon odeur (4 semaines avant une douche intégrale tout de même) et avec l’aide de plein de belles personnes.
Voilà 4 mois maintenant que je me suis fait opérer et j’ai déjà gravi pas mal de petites montagnes et regoûté à pleins de menus plaisirs comme renager
la brasse comme une mamie avec un bonnet en éponge. La convalescence suit son cours. Un peu comme le travail d’une voie a ses limites. Les premiers pas m’ont semblé impossibles à effectuer. Et puis le corps, avec son intelligence propre et un peu de rigueur, la science toute bienveillante de ma kiné, s’est habitué à l’effort et je me suis grisé des progrès. Je suis encore loin du compte et avec le temps, j’ai le sentiment que la route est quand même bien lente et longue. Il y a des jours où la motivation n’est pas au rendez-vous et puis d’autres où je suis motivé à bloc après un passage aux toilettes où, à côté des mots fléchés se trouve le topo de Freyr. Et là, je pars… Je fais ma petite liste des voies à faire, à refaire… Je resue du bout des doigts devenus trop beaux trop propres. Le constat est là. J’ai le virus de la grimpe et je n’ai qu’une hâte : repuer des pieds et enfiler mon baudard et dire à mon a(mi)ssureur : « C’est bon ! ? On ze wall again ! ». Bonne grimpe et je profite de cette tribune internationale pour dire un grand merci à celles et ceux qui de près ou de loin ont pris soin de moi.
Avant mon accident, je me rendais déjà compte du décalage que je vivais pour pouvoir assouvir ma passion.
Loverval
Centre d’entrainement de l’équipe belge d’escalade sportive
TIJL SMITZLa Belgique a déjà une longue histoire en matière d’escalade, de montagnes et d’alpinisme.
Le CAB a été fondé en 1887. Notre roi Léopold III fut l’un des premiers à envisager une vraie structure artificielle d’escalade : un mur d’escalade en béton dans le jardin du château de Stuyvenberg. L’escalade sportive s’est développée entre autres sur nos falaises avec notamment Freyr et, par exemple, 13 boulevard du vol, un des premiers 8a au monde. Et puis, quand l’escalade en compétition est arrivée, la Belgique s’est montrée parmi les meilleurs.
Isabelle Dorsimond s’est hissée sur le podium du premier championnat du monde. Ensuite, Muriel Sarkany nous a offert une place éternelle dans l’histoire de l’escalade en compétition en gagnant plusieurs fois le classement des coupes du monde. Elle a réalisé cela tout en faisant son trajet perso, à sa manière, une étoile unique. Entretemps, différents cercles ont commencé à se lancer dans la compétition et le CAB s’est impliqué de plus en plus. De nouvelles stars ont suivi Muriel : Chloé Graftiaux, Mathilde Brumagne,… (eh oui, les femmes belges surtout semblent être hyper fortes)
Et nous avons commencé à rêver. Imaginons-nous devenir un sport olympique. Imaginons-nous avoir une équipe performante. Imaginons-nous pouvoir rassembler tous nos Belges très forts dans un centre de haut niveau et réussir à organiser des compétitions du plus haut niveau.
Avec cette envie de créer une vraie équipe belge où l’émulation pousse chaque individu vers et au-delà de ses limites, nous avons pu compter sur le soutien de l’Adeps et de la FW-B. Non seulement nous avons reçu des subsides haut niveau augmentés et des contrats pour plusieurs de nos
athlètes, mais nous avons aussi obtenu de l’aide pour organiser un championnat d’Europe jeunes au Cinquantenaire en 2018. Cet événement nous a permis d’avoir enfin une première structure de haut niveau, un outil nécessaire dans la préparation de nos athlètes. Et en même temps, on nous a annoncé la création d’un centre de haut niveau à Loverval.
Une annonce inattendue mais tellement bienvenue. Ce centre nous permet de développer les disciplines officielles en escalade : lead, boulder et speed. Nos athlètes ont maintenant un endroit qui respire le haut niveau en escalade, avec des profils de mur comme on en rencontre en compétition internationale, avec des voies et des blocs ouverts dans le style des compétitions et avec la fréquence d’ouverture nécessaire afin de proposer à nos athlètes à chaque entrainement de nouveaux problèmes à résoudre. Parce que résoudre à chaque fois de nouveaux puzzles tridimensionnels, c’est ce qu’on doit faire en compétition.
L’entrainement n’est pas le seul à avoir sa place à Loverval. Le mur de bloc du championnat d’Europe jeunes de 2018 y a été placé dans un grand hall sportif. Le déménagement fut un énorme boulot qui a demandé beaucoup de bras, mais finalement, depuis janvier, nous avons un mur de compétition placé dans un espace qui permet d’accueillir un large public. Ce fut le cas le 28 janvier lors de la Coupe de Belgique de boulder. 44 athlètes, de 4 pays différents, se sont rencontrés pour faire vibrer l’atmosphère de Loverval pour la première fois avec les émotions des grimpeurs et grimpeuses, admirés par leur public. Simon Lorenzi a pris le devant chez les hommes, la Hollandaise Lisa Klem s’est imposée chez les femmes. Cela a servi de premier test pour la coupe d’Europe de boulder que nous accueillerons les 27 et 28 mai. Nous vous y attendons nombreux, cela va être du pur spectacle !
Le top 8 aux JO, tel est l’objectif de nos athlètes et de la fédération. Paris 2024, Los Angeles 2028, Brisbane 2032… plein de rêves pour plein de générations de grimpeurs et grimpeuses. Ce centre nous donne l’opportunité de mettre nos athlètes dans les meilleures conditions de préparation. Un tout grand merci à tous ceux qui ont contribué à sa réalisation !
TIJL SMITZChampionnat de Belgique de bloc 2023
Recette pour une compétition d’escalade façon « Camp de base »
UN ARTICLE SIGNÉ LE CAMP DE BASE
INGRÉDIENTS
Aliments
• Des blocs (majeurs si possible)
• Des grimpeurs (habiles si possible)
• Un public (en délire si possible)
Assaisonnement
• Du son (de qualité si possible) Un speaker (deux si possible)
• Un live (en direct si possible)
PRÉPARATION
1. Les blocs Mercredi, 8 février : J-3
À bout de bras, de cordes et de poulies, la grande bâche de cérémonie du Camp de base est tirée. Ça y est, le compte à rebours du championnat a officiellement commencé dans la salle.
Pendant trois jours, une équipe composée de 5 ouvreurs et une ouvreuse vont s’atteler à la tâche ardue de créer 5 x 2 blocs de qualification (femmes & hommes) ainsi que 4 x 2 blocs de finale. 18 blocs en tout, qui doivent être testés et approuvés par l’ensemble. Ouvrir un bloc c’est avant tout un art,
qui peut être visuel, gestuel, conceptuel, ou tout cela rassemblé. Mais ouvrir des blocs pour départager les meilleur(e)s bloqueuses et bloqueurs de Belgique, ça requiert surtout une grande expérience.
L’intérêt d’être plusieurs, et idéalement dans une mixité égale, permet de confronter les avis et expériences de chacun(e) afin d’avoir une variété de styles, mais surtout un niveau d’ouverture adapté à celui des athlètes. Il faut éviter que tous les blocs de la finale soient enchaînés trop facilement ou au contraire, qu’il n’y ait aucun top. S’il n’y a aucun top, il n’y a pas de spectacle. Pas de spectacle, pas de foule en délire. Pas de foule en délire, pas d’encouragements. Pas d’encouragements, c’est pas top. Bref pas de top, c’est pas top.
2. Les grimpeurs Samedi 11 février : jour J (journée)
Une soixantaine d’athlètes, femmes et hommes confondus, ont répondu à l’appel. Un chiffre record pour ce rendez-vous annuel. On y retrouve la fine fleur belge, à savoir les membres de l’équipe nationale mais pas seulement. C’est une compétition ouverte à toutes et tous, ainsi on y retrouve également des solides habitués du circuit, mais aussi de talentueux grimpeurs et grimpeuses de niveaux variables qui sont curieux de se frotter aux meilleurs et de découvrir l’univers de la compétition. Nous avons même eu l’honneur d’accueillir des athlètes hollandais et une Ukrainienne !
Quels que soient leur niveau de préparation et leurs attentes, une chose est certaine : elles vont tout donner, ils ne vont rien lâcher et, une fois dans l’arène, les combats seront sans pitié.
« Check, un-deux, 1-2, ok le micro fonctionne !
– LOÏC TIMMERMANS –
« Est-ce qu’on peut apporter à boire pour les speakers svp. Impossible de traverser la foule !
– SÉBASTIEN BERTHE –
Durant la journée, la phase de qualification est ardue et intransigeante. Entre les chevilles des uns, les larmes des autres en passant par l’égo de certaines, tout le monde en prend pour son grade. Finalement très peu parviennent à survoler aisément les qualif, ce qui signifie que les blocs ont été calibrés avec brio !
Les 12 finalistes (6 femmes et 6 hommes) sont annoncés et envoyés en isolement. C’est un peu comme le confinement, mais sans masque et avec un pass Urine. Ces athlètes ont su se démarquer des autres, mais maintenant il faudra être le ou la meilleur(e) pour prétendre aux tant convoités titres de champion et de championne de Belgique.
3. Le public
Samedi 11 février : jour J (soir)
17 h 00, la salle commence à se remplir. En 30 minutes les tapis sont recouverts et le moindre espace qui donne une potentielle visibilité sur le fronton de compétition est occupé. La tension monte. Même le canaportaledge déborde…
18 h 00, les athlètes débarquent sur le devant de la scène pour une présentation et une lecture des blocs de 6 minutes.
Par ordre de passage on accueille :
Chez les femmes : Zakharova KSENILA (Ukraine), Lucie DELCOIGNE, Chloé CAULIER, Lorraine KERVYN , Céline CUYPERS, Lisa KLEM (Pays-Bas)
Chez les hommes : Paul BRAND (Pays-Bas), Alexandre NOEL, Ties VANCRAEYNEST, Don VAN LAERE (Pays-Bas), Simon LORENZI, Nicolas COLLIN
« Chez les femmes ça se joue au coudeà-coude entre Chloé et Lisa. Allez public, elles ont besoin de vous !
– SÉBASTIEN BERTHE –
« Allez Nico, allez allez ! On va le pousser, il va le faaaaire !
LOÏC TIMMERMANS –
FEMMES
1re CHLOÉ CAULIER
2e LUCIE DELCOIGNE
3e CÉLINE CUYPERS
HOMMES
1er NICOLAS COLLIN
2e SIMON LORENZI
3e TIES VANCRAEYNEST
Pages précédentes :
Gauche : Lucie Delcoigne qui s'envole vers le podium
Droite : Nico Collin, la rage de vaincre
Alors que la lecture s’achève, une sombre mélodie s’élève doucement dans le hangar. Émile aux platines (@emil_disjockey), s’apprête à enflammer les finales…
Le timer retentit soudain ! Les cris des spectateurs entraînés par les speakers s’accentuent, Émile balance toute sa sauce, les deux premiers athlètes s’élancent…c’est parti !!!
Après deux heures de lutte acharnée, de démonstration de ruse, de technique et de force, le vainqueur et la vainqueresse sont connus et reconnus sans l’ombre d’une hésitation.
Nico COLLIN a fait preuve d’une incroyable tenacité en parvenant à toper les 4 blocs !
Chloé CAULIER quant à elle, avec un top de plus que Lisa qui occupe la 2 e place, s’octroie un
incroyable 10e titre de championne de Belgique consécutif ! Quelle performance mémorable !
Les podiums prennent place, comme à l’accoutumée au Camp de base, sur des portaledges suspendus au mur. Un ultime bloc à gravir pour recevoir sa coupe…
Les podiums laissent ensuite place à la piste de danse et le disque-jockey, toujours chaud, balance la purée pour une dernière performance, cette fois public et athlètes réunis.
UN ARTICLE SIGNÉ LE CAMP DE BASE
Pour les absent(e)s ou les nostalgiques, des étudiant(e) s en cinéma à Ilya Prigogine ont fait un travail de dingue pour retransmettre le show en live. Il est toujours accessible sur la chaîne YouTube du Camp de base sous l’onglet « En direct ». Encore un immense merci à toute l’équipe !
www.youtube.com/@lecampdebase.bruxelles
Michaël TimmermansAllons nous balader sur La Rambla
SÉBASTIEN BERTHE
La Rambla… Une allée, une avenue, une longue chaussée ! Parcourue chaque jour par des milliers de personnes, elle est la rue la plus emblématique et la plus connue de Barcelone qui relie les quartiers les plus animés de la ville.
Eh bien figurez-vous, fidèles lecteurs de l’A&A que ce n’est pas du tout de cette Rambla là dont je vais vous parler dans ces lignes. Celle dont je vais vous parler pourtant porte bien son nom. Une looongue ligne. La voie la plus iconique d’El Pati, le secteur le plus emblématique de Siurana, le site de grimpe le plus connu de Catalogne, la région la plus réputée d’Espagne, le pays le plus à la mode pour l’escalade à main nue (en excluant bien sûr la Belgique et sa vallée de la Meuse, entendons-nous !)
En effet, cette ligne de calcaire orange-bleu, d’une quarantaine de mètres, est une véritable chaussée d’histoire. D’abord parce qu’en 1994 Alex Huber, probablement le grimpeur le plus prolifique de tous les temps, ouvre et propose sa version courte à 8c+, l’une des voies les plus dures du monde à l’époque. Ensuite, parce qu’en 2003, c’est au tour de Ramon Julian de frapper fort : il ouvre la version longue en 9a+, ce qui en fait le 2e ou le 3e 9a+ de l’histoire (selon les versions de chacun). Depuis, la Rambla a vu passer tous les grimpeurs et grimpeuses les plus forts de la planète. Parmi eux, quelques noms familiers, et non des moindres : Sharma, Ondra, Megos, Gisolfi, Bouin, Graham,… Ainsi, la simple avenue devint légende : son début étriqué dans une fissure patinée (pour une dizaine de mètres approchant le gros 8b), sa traversée aux jetés explosifs, ses repos douloureux, et enfin son finish à doigt technique et redoutable ! En 20 ans et malgré quelques controverses et polémiques concernant l’utilisation de telle ou telle prise, on recense plus d’une grosse vingtaine d’enchaînements, ce qui fait de notre avenue le 9a+ le plus enchaîné de l’histoire. En 2017, cette allée fréquentée est au centre d’un nouveau coup d’éclat : l’américaine Margo Hayes débarque dans la place et roule littéralement sur La Rambla qui devient ainsi le premier 9a+ féminin de l’histoire ! Pour que ce boulevard ramblesque prenne enfin son statut mythique, il ne fallait plus que quelques anecdotes épicées : un Dani Andrada qui en fait sa bête noire et chute plus de 200x dans le dernier mouvement sans jamais y parvenir, l’interdiction de grimper dans la voie après la casse d’une prise, car on devait d’abord décider si oui ou non il fallait la recoller, ou encore le siège de la française Alizée Dufraize qui au bout de 10 ans s’approche dangereusement de la victoire…
Dès lors, me sachant bien en forme en passant sous la voie fin décembre dernier et en fan inconditionnel de son histoire, comment pouvais-je ne pas y mettre les doigts ? Allez, juste une petite montée pour voir, rien de plus !
Trois montées plus tard, la magie avait opéré : j’en étais obsédé ! Il me fallait essayer encore et encore jusqu’à ce que ça passe. Penser et repenser, nuit et jour, à ce morceau de caillou… Trouver la moindre astuce, essayer chaque pied, optimiser chaque repos, diminuer le tirage, analyser la position idéale des doigts sur chaque prise…
Les premières séances sont rudes ! Rudes… car mon corps est déconcerté, surpris, par la charge que je lui impose. Mes muscles sont pétris, broyés, écrabouillés par l’effort. Ma peau, suintante, fait de son mieux pour s’adapter aux contraintes du rocher coupant, mais chacun de mes doigts est affublé de son petit trou, témoin sanguinolent des batailles précédentes. Après chaque jour de grimpe, je dois prendre un jour de repos. Pourtant le corps est magnifique et s’adapte. Mes progrès sont fulgurants. C’est toujours comme ça les premières séances dans un projet, une véritable courbe de progression asymptotique ! Pour ma part, c’est souvent les 6 premières séances qui avancent bien… À partir de la 7e, il va falloir s’armer de patience, grappiller les moindres petites avancées. 10e séance, ça y est : je tombe dans les derniers mouv’, mais je sais que rien n’est joué. Nombreux sont ceux et celles qui sont arrivés dans ces derniers mouvements sans jamais avoir enchaîné la voie. Le dernier crux, la section la plus belle mais aussi la plus dure de la ligne, se compose de 3-4 mouvements sur réglettes et trous plats. Une petite compression dans laquelle il faut être précis et gainé sur les pieds. La moindre erreur, et zou, tu te retrouves dans le baudrier ! Après deux semaines de travail, la section en isolé ne me pose plus aucun problème… Par contre, la faire après 35 m d’escalade, c’est une autre histoire ! Que la bataille commence. Séance 11, j’arrive éclaté et chute ! Séance 12, rebelote. Sauf que cette fois je me sentais frais. Séance 13, je me sens particulièrement bien en arrivant dans ces fameux derniers mètres. Les conditions sont parfaites, cette fois c’est la bonne ! Mais non… Je retombe, encore une fois, à ce mouvement. Voilà que des questions prennent place dans ma tête : Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me battre ? Suis-je en train de craquer mentalement ? Suis-je vraiment capable d’enchaîner cette voie ?
Pourtant, toutes les pièces du puzzle sont assemblées, il ne me faut qu’un seul essai pour en venir à bout. Je me persuade de cette idée, la transforme en conviction qui devient vérité.
Séance 14, je chute à nouveau au même endroit. Mais cette fois, mon mindset est différent : au lieu de chercher les causes de mon échec, je cherche les détails qui peuvent mener vers la réussite.
Séance 15, il fait froid et sec. Je suis un peu nerveux, mais pas plus que d’habitude. J’arrive à ce fameux mouvement. Je ne me sens pas mieux que les séances précédentes, sauf que cette fois, mes doigts arrivent dans la prise et mon corps se gaine. Je me bats, un vrai combat. Ça y est, il faut rester concentré pour les derniers mouvements, plus faciles. Quelques instants plus tard, je clippe le relais d’une des voies les plus mythiques du monde. Quel bonheur !
Merci à celles et ceux avec qui j’ai partagé le processus et tous ces moments de grimpe (et de tapas).
SÉBASTIEN BERTHEGRIMP
JEAN-LOUIS GAUTHIER
La spécialité GRIMP (Groupe de Reconnaissance et d’Intervention en Milieu Périlleux) permet d’intervenir en matière de reconnaissance et de sauvetage dans les milieux naturels et artificiels où les moyens traditionnels des Sapeurs-Pompiers sont inadaptés, insuffisants ou dont l’emploi s’avère dangereux en raison de la hauteur ou de la profondeur et des risques divers liés au cheminement.
Dans la zone de secours NAGE1, le GRIMP intervient sur :
• des missions de sauvetages de parachutistes et de parapentistes atterrissant dans les arbres
• des missions de sécurité au sein des interventions pompiers
• le déblaiement après incendie les bâtiments instables
• par grand vent, le bâchage
• des missions de renfort ambulance brancardage
• des missions de sauvetages exceptionnels, tels que parc d’attractions, éolienne, pylône de haute tension, pont, antenne, grue, carrière, parcours de loisir extrême, falaises, milieux confinés, etc
La zone de secours NAGE dispose d’un important groupe GRIMP de 50 pompiers spécialisés et d’un véhicule 4X4 spécifique.
Les missions de sauvetage dans les cavités souterraines naturelles sont exclusivement réservées à Spéléo-Secours (Protection Civile).
Il est important, pour être secouru dans les meilleurs délais, de bien décrire le problème à la centrale d’appel 112. En effet, les informations qui seront transmises vont conditionner la rapidité et l’efficacité des secours. Il est primordial d’insister sur les notions de hauteur et/ou de cheminement difficile afin de déclencher une équipe GRIMP en première intention.
Les éléments clés à transmettre au centre 112 sont les suivants :
1. La localisation
La première étape dans le cas des interventions en milieu périlleux est de localiser précisément la ou les personnes en détresse.
1 - NAGE = Namur - Andenne - Gembloux - Éghezée
Si le requérant ne sait pas où il se trouve et que son téléphone portable fonctionne, le 112 peut utiliser une application pour obtenir les coordonnées GPS approximatives.
Si la victime est inconsciente ou que le téléphone du requérant est hors d’usage, la localisation peut être réalisée de manière moins rapide et surtout moins précise.
Il convient de définir avec précision le lieu de l’intervention :
• adresse complète ou nom de rue la plus proche du massif
• chemin d’accès
• site ou point remarquable
• nom précis du massif localisation de l’accident dans celui-ci
• coordonnées géographiques, GPS (si disponible)
2. La description de la problématique
• Nature de l’intervention
• Victime abordée et sécurisée ?
• Notion de hauteur Contexte de l’accident (type de milieu, situation de la victime, difficultés d’accès)
• Nombre de blessés et d’impliqués (en groupe ou séparés) Gravité (état de la victime, notamment en fonction du milieu)
3. Le requérant
• Les requérants sont une aide précieuse pour guider les secours vers la/les victime(s).
4. Les facteurs aggravants
• Contexte opérationnel (risque de suraccident…)
• Grand nombre de victimes et/ou d’impliqués
• Public sensible (âge, personnes âgées, handicap, etc.)
• Conditions météorologiques ;
• Difficultés de communication (transmissions radio/téléphone)
• Accessibilité (délais de transit)
JEAN-LOUIS GAUTHIER Sergent expert opérationnel GRIMP Zone de secours NAGE GRIMP © 2022Club Alpin Belge
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ÉDITEUR RESPONSABLE
Didier Marchal
GRAPHISME
Chez Vincent – STUDIO GRAPHIQUE vincenthanrion@gmail.com
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Fédération sportive reconnue et subsidiée par la Fédération Wallonie-Bruxelles
De murs en dévers, de trous en colonnettes, du gris compact aux ocres concrétionnés, le rocher de Manikia (Grèce) n’en finit jamais de délivrer des lignes incroyables pour des voies d’ampleur. Federica Mingolla y laisse s’exprimer toute la grâce et la fluidité de son escalade... évidemment équipée d’un casque SIROCCO, d’un harnais HIRUNDOS et des nouvelles dégaines SPIRIT EXPRESS de la gamme PERFORMANCE.