Paroles de délégués
Aux prises avec le réel Organisation de l’activité spécifique, responsabilité professionnelle, transformation du travail en lien avec le numérique et questions environnementales : c’est principalement sur ces grandes thématiques que se développe le débat sur le rapport d’ouverture et le bilan d’activité.
U
n d é l é g u é d e l a Fo n c t i o n publique territoriale ( Ville de Paris) situe son intervention dans le contexte de la loi de transformation de la fonction publique et l’un de ses pans peu connus : le Code de la fonction publique, véritable machine « à dissoudre le statut », statut qui protège pourtant les fonctionnaires de l’arbitraire et évite l’instrumentalisation de l’administration à des fins partisanes. « Or, nous savons que les cadres sont les plus exposés aux pressions politiques », signale-t-il, en illustrant son propos par le cas d’un cadre responsable des permis de construire à la Ville de Paris, mis au placard après avoir « déplu » à un maire d’arrondissement. Le passage du statut à un Code ? « C’est le passage des droits collectifs attachés à la personne à des pseudo-droits non négociables attachés à la collectivité. Partout, il faudra négocier pour ses droits face à son administration. C’est la fin du cadre national de la fonction publique et donc la fin d’une égalité territoriale d’accès aux services publics. Pour les agents, ce sont des droits en recul et une carrière chaotique. » Fabien Beiersdorff (Union fédérale du commerce, Disneyland) dit se « reconnaître complètement dans le rapport d’ouverture », en prise avec la réalité vécue dans son entreprise. « Depuis un an et demi, la Cgt et son Ugict y ont mené de grandes batailles victorieuses. » Parmi celles-ci : réintégration de 1 650 intermittents du spectacle et salariés en Cdd ; mise en échec d’un plan de sauvegarde de l’emploi concernant 2 000 salariés ; non-homologation d’une rupture conventionnelle collective portant sur 1 000 départs… il parle d’un déploiement sans précédent. Une pétition dénonçant les pressions exercées sur l’encadrement et la dégradation des conditions de travail a ainsi recueilli 3 843 signatures, dont 207 maîtrises et cadres. Un total de 175 nouvelles cartes a été enregistré (33 maîtrises et 44 cadres) : « Du jamais-vu, avec désormais 1 037 syndiqués Ugict », deuxième organisation syndicale de l’entreprise. 18
Deux interventions portent essentiellement sur le rôle et la place des commissions départementales (Cd). Après avoir présenté la réalisation de guides à destination des Ictam, dont l’un porte sur les questions digitales, une déléguée de l’Union fédérale du commerce fait valoir des progrès en termes de syndicalisation, avec davantage de cadres sur les listes Cgt et davantage d’élus dans les comités sociaux et économiques (Cse). Mais, dans un contexte où les champs professionnels sont éclatés sur différents territoires, elle souligne : « Nous avons besoin des commissions départementales Ugict pour mieux nous structurer et poursuivre dans le développement de la syndicalisation. »
Les Cd peuvent être un outil à disposition des professions Éric Masquelin (coanimateur de la Cd du Nord), après avoir salué un rapport d’ouverture qui fixe le sens de l’Ugict et de son activité, revient également sur ce thème. Si les Cd sont le parent pauvre, c’est notamment faute de moyens, expose-t-il en substance. Mais pas seulement : « Nous n’avons pas toujours de contact avec les professions qui n’ont pas forcément, elles-mêmes, connaissance des Cd. Dans le cadre de réduction “relative” des moyens, les commissions départementales peuvent être un outil à disposition des professions pour faire le relais sur le terrain, dans des lieux où nous ne sommes pas véritablement organisés, à l’instar des Ssii. » En conclusion, il évoque, pour le département du Nord et particulièrement à Lille, des cibles de syndicalisation intéressant des sites de start-up et de petites entreprises, essentiellement composées de jeunes diplômés, de salariés cadres et d’ingénieurs. Laetitia (Ufcm Limoges) introduit son intervention en insistant sur plusieurs éléments de contexte : dérive autoritaire, crise écologique, sociale, mais aussi crise de sens, y compris chez les militants. Elle explique : « Nous sommes divisés sur la question du passe sanitaire et de la vac-
cination. Ne laissons pas s’installer une politique liberticide qui n’a rien à voir avec les enjeux sanitaires. Comment nous positionnons-nous à la Cgt ? Nombre d’entre nous sont en attente de réponses fortes contre les mesures Macron portant sur le passe sanitaire, et nous sommes nombreux à nous demander pourquoi il n’y a pas eu d’action en ce sens, hormis quelques actions locales dans certains corps de métier. » Dans cette société du contrôle et de la surveillance, sur fond notamment d’hypernumérisation du monde du travail, « nous connaissons mal les outils et nos droits ». Elle appelle à « monter en puissance pour stopper les dérives du numérique ». S’agissant des questions d’égalité, après avoir salué le travail confédéral sur ce dossier, elle souligne que, si les outils existent, c’est « leur déploiement “en proximité” qui fait souvent défaut ». En matière d’environnement, enfin, le débat écologique est souvent posé sous un angle global et sociétal. Mais n’oublions pas, ajoute en substance la déléguée de l’Ufcm, qu’il se joue aussi dans l’entreprise : « Nous avons toute notre place […]. Mais si les élus maîtrisent les revendications en termes de santé et de sécurité au travail, c’est beaucoup moins le cas s’agissant des revendications environnementales. Il nous manque le développement de techniques revendicatives “de terrain” pour, notamment, avoir les moyens d’interpeller les directions sur ces sujets. » Le thème, axe conducteur du dernier congrès de son syndicat, est repris par Romain Desmettre, contrôle aérien (Usac-Cgt, Équipement). Il met en garde contre la présentation visant à affirmer qu’« il nous reste dix ans pour agir », sauf à dépasser le 1,5 °C de réchauffement climatique, en mettant l’accent sur un double écueil lié à l’affirmation de l’existence de seuils au-delà desquels la situation deviendrait insoutenable : remettre l’action à plus tard et mener au désespoir. « Il nous faut être plus positifs, ne pas réfléchir en termes de seuils. Sur OPTIONS N° 671 / NOVEMbre-DÉCEMBRE 2021