ÉDITO
La Nouvelle-Calédonie est petite par ses terres, mais immense par ses océans. Créé en 2014, son Parc naturel de la mer de Corail s’étend sur une superficie de 1,3 million de km ² – soit plus de deux fois la surface de la France métropolitaine.
Il abrite l’un des écosystèmes les plus riches et diversifiés au monde, avec une mégafaune marine exceptionnelle. Remontées d’Antarctique pour se reproduire, les baleines à bosse y côtoient des raies manta. Sur les récifs et en haute mer, plus de 40 espèces de requins cohabitent, dont au moins 10 menacées de disparition comme le grand requin marteau. D’importantes populations de tortues grosse tête et de tortues vertes viennent pondre sur les mêmes îlots où nichent des colonies d’oiseaux marins comme la sterne de Dougall, la frégate du Pacifique, ou le pétrel de Gould…
Désireux de protéger ce patrimoine marin unique, le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a créé en 2018 un ensemble de réserves d’une surface de 28 000 km². Son souhait est maintenant de placer au moins 10 % de la superficie du parc sous protection forte, un objectif partagé avec la Stratégie nationale de biodiversité.
Cette démarche implique la création de plus de 100 000 km² de nouvelles réserves intégrales et naturelles (niveaux 1 et 2 UICN) d’ici fin 2023. Un important travail de concertation a été conduit avec l’ensemble des parties prenantes afin d’identifier les zones dont la protection est prioritaire, tout en minimisant les conflits d’usage, notamment avec la pêche hauturière.
Outre cette biodiversité remarquable, le parc recèle une géodiversité qui aiguise la curiosité des scientifiques depuis des décennies : une fosse océanique, des cheminées hydrothermales, des récifs coralliens, des îles volcaniques, et plus de 500 monts sousmarins, dont les écosystèmes sont encore aussi inconnus que mystérieux.
Au niveau mondial, l’exploitation des fonds marins suscite de vifs débats qui ont culminé cet été en Jamaïque, lors du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins. Aujourd’hui nous ne connaissons pas les impacts des activités minières sur les grands fonds, mais nous pouvons légitimement supposer qu’elles affectent fortement leur environnement. Il n’est pas possible de les laisser se développer sans contrôle.
C’est pourquoi le Gouvernement de la NouvelleCalédonie a choisi d’appuyer sur « pause » pendant une période d’au moins 10 ans, en validant en juin dernier un projet de loi du Pays portant moratoire sur l’exploration et l’exploitation des fonds marins. Le texte va maintenant être examiné au Congrès pour adoption définitive.
Avec ces deux projets d’ampleur, nous pourrons célébrer la dixième année d’existence du Parc naturel de la mer de Corail comme celle d’une ambition renforcée pour en faire l’un des espaces maritimes les mieux protégés et un véritable étendard de la Nouvelle-Calédonie dans le monde.
Jérémie Katidjo MonnierCOMMENT LES RÉSERVES NATURELLES CONTRIBUENT-ELLES AU BIEN-ÊTRE ET À LA SANTÉ ?
L’association Réserves Naturelles de France (RNF) travaille depuis quelques années sur la contribution des réserves naturelles au bien-être et à la santé de la société. Par le biais de ses commissions Éducation et sensibilisation à la nature / Territoires et développement durable, et en lien avec l’Observatoire du Bien-Être, RNF pilote une enquête auprès du public sur la relation entre fréquentation de ces espaces naturels protégés et bien-être subjectif, tout au long de l’année. L’objectif de cette enquête est d’établir un premier état des lieux sur les ressentis des visiteurs des réserves naturelles afin d’approfondir ce chantier à la croisée des sciences humaines, sociales et environnementales.
Pour Inès Baticam, chargée d’étude Éducation, sensibilisation à la nature et Territoires à RNF : « Ce champ d’études est assez récent au sein du réseau des RN, et plutôt éloigné du cœur de métier des gestionnaires. Cette approche est néanmoins essentielle et s’inscrit dans le concept développé par l’OMS “Une seule santé” ». En outre-mer, les Réseves naturelles de Trésor, des Nouragues en Guyane, des îles de la Petite-Terre, de la Désirade en Guadeloupe, ainsi que la Réserve naturelle marine de La Réunion (photo ci-dessus) se sont d’ores et déjà associées à cette démarche en relayant l’enquête auprès de leurs publics.
+ d’info ici : https://www.portail.reservesnaturelles.org/page/2120718-nature-bien-etresante-bonheur-naturel-brut
L’IRD DÉPLOIE SA STRATÉGIE DANS LES OUTRE-MER
Valérie Verdier, présidente-directrice générale de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) évoquait dans l’édito d’OUTRE-MER grandeur Nature n°16 (mai-juin 2023) : « Les outre-mer sont porteurs de solutions durables face aux enjeux planétaires actuels. La stratégie Outre-mer constituera la feuille de route de nos actions de recherche, de partenariat et de formation pour les années à venir. » Le pilotage d’un programme prioritaire de recherche « Outre-mer » a en effet été confié à l’IRD fin 2022 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, dans le cadre du plan France 2030.
Avec plus de 200 agents et quatre représentations en Nouvelle-Calédonie avec compétence à Wallis-etFutuna, à La Réunion avec compétence sur Mayotte et les Îles Éparses, en Polynésie française et en Guyane, l’IRD développe sa stratégie Outre-mer autour de trois axes : avoir une position de leader en science de la durabilité, renforcer son implication dans les politiques de site des universités ultramarines, et enfin renforcer les partenariats de recherche avec les pays des bassins respectifs, depuis les territoires ultramarins.
+ d’info ici : https://www.ird.fr/lird-deploie-sa-
CONNAÎTRE SON EMPREINTE SUR LE CLIMAT DANS LES OUTRE-MER
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a développé un calculateur d’empreinte carbone adapté aux territoires ultramarins.
Site web public et gratuit, « Nos gestes climat » offre à chaque citoyen et citoyenne la possibilité de réaliser un « bilan d’empreinte climat personnel » via un questionnaire d’une dizaine de minutes portant sur ces trois aspects de nos modes de consommation : alimentation, logement, transport.
Ce simulateur d’empreinte carbone propose ensuite un parcours de passage à l’action composé d’une série d’écogestes personnalisés, ayant un impact concret sur nos réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
Cet outil simple et intuitif permet ainsi à chaque personne de contribuer activement aux objectifs climat issus de l’Accord de Paris, signé lors de la COP 21 : émettre au maximum deux tonnes équivalent CO2 par an et par habitant. Si en France, pour l’année 2021, cette émission moyenne par habitant a été estimée à 8,9 tonnes équivalent CO2 par le ministère de la Transition écologique, l’empreinte carbone des Français aurait diminué de 9 % entre 1995 et 2021 (Source ICI , NDLR).
Première déclinaison ultramarine du calculateur d’empreinte carbone, « Nos gestes Climat » a été testé par plus d’un million de personnes et est disponible en version bêta pour les Antilles, la Guyane, Mayotte, La Réunion et la Polynésie française.
UNE CAMPAGNE
Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a lancé la campagne nationale « Plantes en danger » qui vise à sensibiliser le grand public sur le risque de propagation de certains virus, bactéries ou insectes nuisibles pour les plantes. « La menace liée aux espèces exotiques n’est pas une fatalité. Les étapes qui aboutissent à une invasion sont connues et il est possible d’éviter leur introduction et leur propagation grâce à des stratégies adaptées ». La campagne invite ainsi le grand public à surveiller la nature environnante et à indiquer tout insecte ou signe inhabituel identifié sur les plantes.
Dans les outre-mer, certaines plantes sont d’ores et déjà en danger en raison de l’introduction de différents micro-organismes. À Mayotte, la fusariose du bananier, causée par un champignon, a été repérée sur plusieurs plantations. En Guadeloupe, la maladie du jaunissement mortel du palmier est apparue en 2021 et à La Réunion et en Guyane, la maladie du dragon jaune menace les agrumes.
Une détection précoce des symptômes associés est nécessaire pour prendre des mesures de lutte les plus efficaces possibles. Préserver la santé de nos « Plantes en danger » permet ainsi d’agir en faveur de la production agricole, de la sécurité alimentaire et de la protection de l’environnement.
+ d’info ici : https://agriculture.gouv.fr/plantes-en-danger
SAINT-PIERREET-MIQUELON
D epuis quelques saisons , la lagune D u g ran D B arachois connaît D es transformations rapi D es : réchauffement D e la masse D ’ eau , D éveloppement excessif D ’ algues en été , D ifficultés D e navigation f ace à ce constat , une action collective D é D iée à la connaissance , la restauration et la préservation D e cet écosystème em B lématique D e l ’ archipel a vu le jour .
« Malgré des suivis écologiques en place et la réalisation d’études environnementales sur les écoulements de la masse d’eau, le fonctionnement naturel complexe de la lagune et les causes exactes des phénomènes observés sont encore mal connus, même si le changement climatique mondial n’est certainement pas étranger au déséquilibre observé. Il en va de même pour les conséquences sur la biodiversité, notamment la pérennité de l’herbier marin à zostère », annonce la Direction des territoires, de l’alimentation et de la mer (DTAM) de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Avec l’appui de Fabrice Télétchea, enseignant-chercheur natif de l’archipel, la Fédération des chasseurs et la DTAM se sont rapprochées pour tenter de trouver une solution afin de préserver collectivement la lagune. C’est ainsi qu’a été créé un consortium rassemblant un grand nombre de partenaires : des associations locales, deux laboratoires scientifiques – Université de Lorraine et station marine de Dinard – mais aussi le BRGM, l’Ifremer, l’OFB, le Conservatoire du littoral, la DTAM, la Collectivité territoriale et la commune de Miquelon-Langlade. Enfin, les Îles de la Madeleine, qui sont confrontées à des difficultés similaires dans leurs propres lagunes, font aussi partie du projet à travers un organisme environnemental, le Comité ZIP.
À droite : les « buttereaux », dunes de l’isthme Miquelon-Langlade.
PLUSIEURS AXES DE TRAVAIL LANCÉS
Par exemple, des actions de ramassage d’algues et d’amélioration de l’écoulement du goulet sont portées par la Fédération des chasseurs, avec le soutien financier de l’État au titre du Fonds vert. Nouvellement recruté, Nicolas Toupoint de la société Sardim a pour mission de coordonner ce projet de protection de la lagune et de trouver des financements. En septembre, un plan d’action collectif va être finalisé au vu des premiers résultats obtenus durant l’été.
RENDRE LES SCIENCES DE LA MER
ACCESSIBLES À TOUTES ET TOUS
l ’ i fremer participe à la construction D u sens critique chez les jeunes en les immergeant Dans la métho D e D ’ investigation scientifique . D es parcours D e mé D iation scientifique et D es outils pé Dagogiques , a Daptés aux enseignants comme aux associations ou plus largement à tous porteurs D e projets D e mé D iation , ont été conçus avec les scientifiques D e l ’ i nstitut
MISSION OCÉAN : DES MODULES PÉDAGOGIQUES À UTILISER SELON VOS BESOINS
Créé en partenariat avec La Fondation Dassault Systèmes, le ministère de l’Éducation nationale, l’Onisep et Canopé, Mission Océan est un parcours de sensibilisation des collégiens et lycéens au développement durable et aux enjeux qui concernent l’océan, jusqu’ici peu présents dans les programmes scolaires.
D’une part, le projet développe des pédagogies innovantes, centrées sur les outils numériques, et d’autre part, il fait le lien avec les futurs métiers qui pourraient intéresser les élèves. Les contenus cocréés par des enseignants en physique-chimie, en SVT, en mathématiques, en histoire-géographie et en sciences de l’ingénierie sont accessibles gratuitement sur les plateformes Folios et Etincel.
+ d’info ici : Mission Océan
LUMEXPLORE JUNIOR : ÉVEILLER LES CONSCIENCES SUR LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT
Le concours Lumexplore Junior donne une chance aux réalisateurs en herbe de montrer leur talent en réalisant un film de cinq minutes dans le domaine de l’exploration scientifique ou environnementale. « L’initiative a pour but de créer des vocations chez les plus jeunes, que ce soit dans les domaines scientifiques, technologiques ou dans celui du reportage, de l’écriture ou de la réalisation de films d’explorations » précise Érick Buffier, coordonnateur du concours. Les inscriptions sont ouvertes à tous les élèves des collèges et lycées de métropole et d’outre-mer, ainsi qu’aux pays francophones et aux établissements français à l’étranger. Les meilleures productions sont ensuite présentées officiellement au cours du Festival Lumexplore, organisé par la Société des explorateurs français à l’Eden Théâtre de La Ciotat, plus ancien cinéma au monde.
+ d’info ici : Lumexplore Junior
MON LOPIN DE MER : UN PARCOURS PÉDAGOGIQUE CENTRÉ AUTOUR D’UN JEU DE SOCIÉTÉ
L’océan est en proie à des bouleversements majeurs : changement climatique, surexploitation des ressources, pollutions… Il est nécessaire de mieux comprendre les milieux marins et d’agir pour les protéger. C’est dans le but de faire prendre conscience de ces enjeux aux élèves de tous horizons que l’Ifremer porte le projet Mon lopin de mer. « Cejeudesociétépermetauxélèves des’approprierlesenjeuxliésàl’océanetdeconfronter leurs perceptions de cet environnement. Afin d’étayer leurs réflexions, les élèves réalisent des expériences en groupe et s’initient à la démarche scientifique en collaboration avec des chercheurs de l’Ifremer. Le projet encourage les élèves à réaliser une action citoyenne pour l’océan.Lesparticipantssontégalementinvitésàpartager leurs actions auprès de leurs proches, voire du public. Ils peuvent ainsi inciter leurs concitoyens à devenir des acteurs de la préservation de l’océan », détaille Jade Burdallet, responsable du pôle Médiation à l’Ifremer.
+ d’info ici : Mon lopin de mer
ADOPT A FLOAT : ADOPTEZ UN ROBOT SOUS-MARIN POUR MIEUX
COMPRENDRE L’OCÉAN
Les flotteurs profileurs Argo sont des robots sousmarins autonomes qui permettent aux scientifiques du monde entier d’étudier le changement climatique et ses impacts sur l’océan. Le programme éducatif « Adopt a float », créé par « Culture Océan » de l’Institut de la Mer de Villefranche-sur-Mer en 2011 et déployé en collaboration avec l’Ifremer depuis 2020, invite les élèves de tous niveaux à découvrir cet océan global et les sensibilise à l’importance de son observation pour mieux le comprendre et le protéger.
La classe « adopte » un robot sous-marin, appelé « flotteur profileur » dont le trajet peut faire découvrir aux élèves une zone océanique (Méditerranée, Atlantique Nord…). Les élèves reçoivent en temps réel les observations collectées par cet engin et découvrent les recherches qui y sont associées, ainsi que les questions que se posent les chercheurs.
+ d’info ici : Adopt a float
(Re)trouvez l’ensemble de l’offre en médiation et culture scientifique et technique de l’Ifremer à travers des kits pédagogiques, des fiches connaissances et des sites ressources sur le site Internet de l’Ifremer : https:// www.ifremer.fr/fr/la-mediation-scientifique-l-ifremer
SAINTMARTIN
RELANCER LA BIODIVERSITÉ
MARINE DANS LES PORTS ET MARINAS
à l ’ initiative D e l ’ association D e gestion D e la r éserve naturelle D e s aint - m artin , un projet D ’ atténuation D es impacts liés aux aménagements portuaires a été mené D urant un an . e t le B ilan se révèle plus que positif .
Dans le cadre du plan France Relance financé par l’Union européenne, la Réserve naturelle a obtenu une subvention allouée à un projet pilote de relance de la biodiversité marine. Le concept en est simple : fixer sous les pontons des marinas et sur les quais des ports des habitats écologiques, appelés Biohut© et destinés à offrir de nouveaux abris pour les poissons et autres organismes marins. « Si dans l’Hexagone ces cages sont remplies de coquilles d’huîtres, ici, nous les avons remplacées par des conques de lambis », indique Aude Berger, responsable de ce projet au sein de l’association. Une matière locale qui offre des micro-habitats aux juvéniles de poissons.
Une fois les financements obtenus, la Réserve a donc contacté les structures portuaires de l’île pour mettre en œuvre le projet. « Nous avons reçu un accueil très favorable des trois ports et marinas encore en activité depuis le cyclone Irma et avons installé un total de 40 Biohut©, dont 16 à la marina de l’Anse Marcel, 16 à la marina Fort-Louis et huit au port de Galisbay », souligne Aude Berger.
Après un état initial destiné à recenser les espèces naturellement présentes dans les marinas et le port,
les plongeurs sous-marins de la Réserve naturelle ont réalisé quatre suivis scientifiques des habitats écologiques durant les 12 mois du projet.
Et lors du dernier bilan, les résultats se sont révélés plus que positifs. En effet, grâce à la présence de ces nouveaux habitats, le nombre d’espèces présentes dans le port et les trois marinas a été multiplié par trois. Quant aux poissons, ils sont 12 fois plus nombreux aujourd’hui qu’il y a un an. Un projet qui a donc un réel effet sur la relance de la biodiversité marine et qui a toutes les chances d’être reconduit.
TÉMOIGNAGE
LISA BARROT, DIRECTRICE DE LA MARINA FORT-LOUIS
« Nous avons accueilli ce projet avec enthousiasme, car il s’intègre parfaitement dans notre démarche environnementale. Les cages ont été installées sans occasionner de dérangement pour nos usagers et ne gênent en rien l’accostage des bateaux.
Les résultats sont plus qu’encourageants et nous permettent de jouer un vrai rôle sur la biodiversité marine locale. D’autant que notre marina bénéficie d’une bonne qualité des eaux et qu’elle héberge déjà naturellement de nombreux poissons et plusieurs tortues marines. Limiter nos impacts est une priorité, mais conquérir de nouvelles espèces ou augmenter le nombre de poissons présents, comme le bilan l’a démontré, est un atout supplémentaire.
Dans le cadre du projet porté par la Réserve naturelle, nous avons d’ailleurs valorisé cette action pilote par l’installation d’un panneau d’information sur le site et déposé un dossier de subvention afin de pouvoir le prolonger pour deux ans. Et dans cette seconde phase, nous développerons des programmes de sensibilisation du grand public et également des scolaires afin de montrer qu’il existe des moyens d’action pour relancer la biodiversité ».
SAINTBARTHÉLEMY
LES CHÈVRES MENACENT LES « TÊTES À L’ANGLAIS »
Un cactus entièrement vidé et momifié après le passage des chenilles.
l es melocactus intortus, appelés plus communément cactus têtes à l ’ anglais , sont une espèce en D émique D e la c araï B e . p rotégés D epuis 1988 par un arrêté ministériel et par le c o D e De l ’ environnement De saint-Barthélemy Depuis 2019, ils sont malgré tout menacés. une étuDe menée par le B otaniste é ric f rancius vient D e révéler leurs principaux pré Dateurs .
Emblématiques de la région Caraïbe, ces cactus à chapeau rouge poussent naturellement sur les pentes rocheuses et les falaises des îles. Avec leur croissance lente, ils n’atteignent l’âge adulte que vers 10 à 15 ans, mais pourraient vivre près de 70 ans. À Saint-Barth, comme dans beaucoup de territoires caribéens, ils sont en déclin depuis quelques années, principalement en raison de l’urbanisation des îles. Mais ces derniers temps, leurs populations subissent deux nouvelles menaces.
DES CHÈVRES GOURMANDES
En premier lieu, la prolifération des chèvres à SaintBarth, un phénomène ancien mais qui a été accentué par l’ouragan Maria de 2017, cause de réels dégâts sur les têtes à l’Anglais. « Elles attaquent particulièrement les juvéniles car ils ont moins de piquants, mais elles parviennent également à déraciner les grands pour ensuite s’en régaler », indique Éric Francius qui vient d’achever une étude sur ces cactus. Aujourd’hui, le botaniste ne peut que constater leur déclin sur de nombreux sites de l’île et invite la population à prendre conscience de la nécessaire régulation de ces caprins devenus envahissants
DES CHENILLES ET DES HOMMES
L’autre menace qui pèse sur les Melocactus intortus provient quant à elle d’une chenille appelée Pyrale du cactus ( Cactoblastis cactorum). Introduite dans
certaines régions du monde pour lutter contre l’invasion du figuier de Barbarie (Opuntia ficus-indica), elle a depuis fait bien du chemin et s’est disséminée dans toutes les îles de la Caraïbe depuis le début des années 1960. « À Saint-Barth, elle est apparue dans les années 1990 et a ravagé de nombreux cactus », souligne Éric Francius. Heureusement, comme le montre la dernière étude du botaniste, elle n’attaque pas tous les cactus.
« On note un fort taux de mortalité à certains endroits, mais là où les cactus poussent dans des zones caillouteuses, bénéficient d’un fort ensoleillement et d’une bonne exposition aux alizés, les têtes à l’Anglais semblent mieux résister ».
Reste une dernière menace, celle des hommes. Malgré la règlementation CITES – Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction – qui interdit toute mutilation ou prélèvement, de nombreux cactus têtes à l’Anglais font encore l’objet de commerce.
la
Page précédente, en bas : mesure de la croissance d’un tête à l’Anglais. © Éric Francius
| Ci-dessus : le suivi de l’état de santé des cactus nécessite rigueur et méthode. © Éric Francius | Des chèvres sauvages sur l’île de Saint-Barthélemy, friandes de cactus tête à l’Anglais. © Mariane Aimar
PROGRAMME TEMEUM 2023 : LES STRUCTURES
LOCALES SE MOBILISENT EN OUTRE-MER !
p rogramme national porté par l ’ of B, t e m e u m est D é D ié au soutien D es acteurs D e la B io D iversité Dans tous les o utre - mer français . a fin D ’ encourager les initiatives locales , le programme lance chaque année trois appels à projets : les lauréats 2023 viennent tout juste D ’ être annoncés !
Depuis bientôt 15 ans, TeMeUm – Terres et mers ultramarines – occupe une niche toute particulière pour les organismes ultramarins de protection de la biodiversité : le programme est à l’écoute des besoins des associations locales, des gestionnaires d’espaces naturels et des collectivités afin de les aider dans leurs recherches de financements, de formations ou encore de ressources techniques et juridiques.
En mars dernier, TeMeUm a lancé ses trois dispositifs phares : (1) l’appel à micro-projets, pour le financement de petits projets opérationnels à hauteur de 20 000 euros maximum ; (2) la campagne de compagnonnage qui permet de former les acteurs ultramarins par l’immersion professionnelle (l’OFB finance le séjour à hauteur de 5 000 euros maximum) ; et (3) l’appel à projets partenaires, réservé aux membres TeMeUm pour des projets à portée collaborative.
Cette année, les Outre-mer se sont fortement mobilisés avec un total de 80 projets candidats, soit une dizaine par territoire 1 et plus d’un million d’euros sollicité. La concurrence a été rude puisque l’enveloppe accordée s’élève à 400 000 euros pour 36 projets soutenus.
GUYANE : LA CULTURE
AU CŒUR DE LA NATURE
Les associations guyanaises l’ont compris : protéger la biodiversité, c’est aussi (re)questionner sa manière de cultiver, de se nourrir et de concevoir la place de l’humain au sein de son environnement. TeMeUm finance cette année six projets en Guyane qui portent tous cette ambition de tendre, à petits pas, vers une évolution profonde de la société. L’école élémentaire Guimanmin réalisera un projet pédagogique sur les enjeux d’une alimentation locale et durable grâce au jardinage à l’école. AMAKABA portera, elle, un projet de mise en place d’une cacaoyère syntropique sur une friche agricole. Autre exemple avec Panakuh : l’association déploiera des activités d’observations naturalistes au Centre des Savoirs de la Forêt dans une perspective de transmission des savoirs ancestraux.
L’association Martinique Entomologie va être soutenue par TeMeUm pour conduire l’un des premiers inventaires des invertébrés sur les plages martiquaises. © Magali Roche
ANTILLES : CONSIDÉRER LES ESPACES ET LES ESPÈCES
Du côté des Antilles, les six projets TeMeUm de Martinique et Guadeloupe concourent à une meilleure prise en compte des milieux naturels et des espèces dans la gestion du territoire, avec l’implication des populations locales. Les mares de la Ville du Gosier vont faire l’objet de suivis scientifiques et d’animations avec les Guadeloupéens. En Martinique, le Centre de culture populaire Ypiranga de Pastinha sensibilisera à la biodiversité végétale et animale de la rivière Madame. Côté mer, l’association Kap Natirel s’attachera à sensibiliser à la protection de la raie léopard, une espèce en danger d’extinction.
NOUVELLE-CALÉDONIE : PRENDRE SOIN DE LA TERRE
Riches d’une biodiversité exceptionnelle caractérisée par un fort endémisme, les terres néo-calédoniennes sont soumises à d’importantes pressions : érosion des sols, incendies, urbanisation, exploitations agricoles et minières... Des sujets de préoccupation pour les associations locales qui s’attelleront cette année, via le programme TeMeUm, à prendre soin des sols et des écosystèmes. Parmi les cinq projets lauréats, les associations Forêt sèche du Mont Vénus, Dumbea Rivière Vivante et SOS Mangrove porteront trois chantiers de restauration sur des sites naturels et urbains. Autre initiative en faveur de la résilience des terres : l’association REPAIR accompagnera des exploitations agricoles dans une démarche de régénération des sols grâce à la biodiversité.
OCÉAN INDIEN : PLATEFORME
TOURNANTE DU COMPAGNONNAGE !
Chaque année, le compagnonnage TeMeUm connaît un succès tout particulier dans l’océan Indien. Ce dispositif d’échanges et de formation est apprécié des Mahorais et Réunionnais, friands de partager leurs expériences et de bénéficier de l’expertise d’autres territoires. Les Naturalistes de Mayotte accueilleront un spécialiste de l’association Island Conservation pour lutter contre la propagation du rat noir. De son côté, l’antenne Mayotte du CF UICN 2 se rendra en Nouvelle-Calédonie pour acquérir des compétences en agroforesterie syntropique. Et à La Réunion, l’association Shark Citizen prévoit un séjour de deux semaines au Centre de recherche d’Arros (Seychelles) pour monter en compétence sur le suivi des requins.
POLYNÉSIE FRANÇAISE : TRANSMETTRE POUR PROTÉGER
Cette année, huit projets polynésiens seront soutenus par TeMeUm : des projets qui témoignent des liens profonds des populations locales avec leur environnement, une identité culturelle transmise de génération en génération. Te Miti e Te Fenua va poursuivre son projet « Kiff ton Reef » à Raiatea pour former et sensibiliser petits et grands au suivi de l’état de santé des récifs coralliens. Pour protéger les cétacés, l’association Oceania embarquera sur les routes maritimes les plus fréquentées pour limiter les risques de collisions des navires avec les baleines. Enfin, à Moorea, les enfants partiront à la découverte d’actions de conservation d’espèces agricoles anciennes et d’un projet de restauration du littoral sur la baie d’Opunohu grâce à l’association Tahitian Historical Society
MARTINIQUE
« L’AMOUR, LE RESPECT ET L’ENGAGEMENT, POUR LA NATURE ET LE MONDE ANIMAL »
p hotographe et vi D éaste spécialiste D u mon D e sous - marin , f a B ien l efe B vre travaille pour la protection D e l ’ environnement et D e la faune sauvage . p hotographe officiel D u cnrs et D e la m artinique , r éserve mon D iale D e B iosphère reconnue par l ’ unesco , il porte également D e nom B reux autres projets via son association ac Waa 1 .
-Je suis passionné par les animaux sauvages et le milieu marin depuis de nombreuses années. Ce que je voulais au départ, c’était partager avec mes proches ce que je voyais sous l’eau et qu’ils puissent ressentir les moments d’émotion que je vivais.
Ce sont ces moments de complicité et de respect mutuel avec les animaux qui continuent à être importants pour moi aujourd’hui. Lorsque je vais à la rencontre d’un animal, c’est lui qui décide s’il souhaite m’accepter ou pas et s’il y a une curiosité mutuelle qui se crée, alors je peux prendre des photos.
INTERVIEW
FABIEN LEFEBVRE, PHOTOGRAPHE
ET VIDÉASTE ANIMALIER, SPÉCIALISÉ
DANS LE MONDE SOUS-MARIN
• En tant que photographe du monde sous-marin, quelle est votre manière de travailler ?
Si je fais peur à un animal et qu’il fuit, la seule émotion qui se dégagera de la photo sera la peur, ça ne m’intéresse pas de faire ce genre de clichés. Sans parler de l’impact pour l’animal : courir après une tortue par exemple peut l’épuiser, et si elle passe son temps à fuir, cela aura un énorme impact sur son écologie.
Ma manière de travailler sous l’eau comme sur terre est de provoquer le contact avec l’animal, d’aller à sa rencontre, mais de le laisser décider s’il m’accepte ou non. C’est ce que j’aimerais qui ressorte de mes photos : l’amour, le respect et l’engagement pour la faune sauvage ; ce sont mes trois grosses valeurs.
• Pouvez-vous nous parler de votre association ACWAA ?
- Au-delà de mes travaux de photographe indépendant, j’ai cofondé avec ma compagne l’association ACWAA en 2020 afin de porter d’autres actions en faveur de la protection de la faune et la flore sauvages. Nous avons par exemple pu collaborer avec PatriNat 2 , à la réalisation de reportages pour le Compteur Biodiversité Outre-mer sur les coraux fluorescents de Martinique, sur la biodiversité du Centre spatial guyanais ou encore sur la Réserve naturelle nationale de Petite-Terre en Guadeloupe.
• Avez-vous un projet qui vous enthousiasme particulièrement ?
-Je collabore depuis plus de 10 ans avec Damien Chevalier du CNRS sur le programme scientifique qu’il mène sur les tortues marines en Martinique. L’objectif de ce programme de recherche est d’améliorer les connaissances sur ces espèces pour mieux lutter contre les menaces qui pèsent sur elles. Dans le cadre du projet, nous avons réalisé de nombreux suivis sur l’écologie des tortues marines et menons chaque année des campagnes de « capture marquage recapture », afin de surveiller l’état de santé des populations de tortues de mer. Depuis plusieurs années, nous posons des systèmes embarqués à largage automatique équipés de biologgers, d’une caméra et d’un hydrophone qui permettent de suivre les tortues 24h/24.
Grâce à ces dispositifs, nous avons pu découvrir que les tortues marines émettent des sons, ce que personne ne savait jusqu’à présent ! Le CNRS a ensuite travaillé à isoler le son signifiant « danger » dans le but d’équiper les filets de pêche de « répulsifs sonores ». L’idée finale est de réussir à éloigner les tortues des filets afin d’éviter qu’elles ne meurent enchevêtrées.
Les captures accidentelles dans les filets sont la première cause de mortalité dans le monde chez les tortues marines. Solidaires de ce programme, une collaboration a été mise en place avec les pêcheurs. C’est une action « gagnant-gagnant » qui rassemble à la fois la conservation et le monde de la pêche, c’est passionnant !
2 Centre d’expertise et de données sur le patrimoine naturel français, l’unité mixte PatriNat est le fruit d’une coopération entre l’Office français de la biodiversité (OFB), le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
• Quel serait pour vous un projet « coup de cœur » ?
-Ce qui me tient à cœur, c’est de participer à mon échelle à la protection de l’environnement. Ce que j’essaie de faire, ce sont des photos qui puissent mobiliser et émouvoir, afin que chacun puisse s’approprier la nature et ait envie de la protéger à son tour.
En 2020, la Martinique a candidaté afin de se voir accorder le titre de Réserve mondiale de Biosphère par l’UNESCO, et j’ai eu le plaisir d’être sollicité pour illustrer le dossier de candidature avec des photos du Patrimoine naturel martiniquais. Le projet a été soutenu par l’ensemble de la population et le territoire martiniquais a été désigné Réserve mondiale de Biosphère par l’UNESCO le 15 septembre 2021. En tant que Martiniquais d’adoption, c’est pour moi une grande fierté d’avoir pu participer à ce projet et d’apporter ainsi ma contribution à la Martinique.
Rédaction et interview : Lucie Labbouz
+ d’info ici : https://www.facebook.com/ fabienlefebvrephotography/
Fabien Lefebvre tient à remercier particulièrement Damien Chevalier pour sa confiance et ses sponsors Bigblue Dive Lights et Photo Denfert pour le soutien matériel.
En haut : corallimorphaires arborant des couleurs fluorescentes lors d’une plongée de nuit en Martinique. | Ci-dessus : le requin nourrice peut mesurer jusqu’à trois mètres. Également appelé « requin dormeur », il devient actif la nuit et détecte ses proies cachées dans le fond –crustacés, oursins, mollusques, poissons – grâce à ses deux barbillons situés près de sa bouche et qui le dotent d’un odorat surdéveloppé. | Rencontre avec la vie sous-marine sur un récif corallien en Martinique. Photographies : © Fabien Lefebvre / Association ACWAA
PLANÈTE OUTRE-MER
LES MANGROVES D’OUTRE-MER, TROP PROCHES DES HOMMES
on trouve outre-mer 88 000 hectares De mangroves. ces forêts tropicales situées le long Du littoral et Des estuaires protègent les côtes contre l’érosion, les cyclones et les tsunamis elles filtrent les métaux lourDs et les pesticiDes, limitent l ’ envasement et sont stratégiques pour la repro D uction et l ’ alevinage D es poissons et crustacés.
Pour l’outre-mer, les services écosystémiques fournis par les mangroves sont évalués à 1,6 milliard d’euros par une étude publiée en 2021. Pourtant, même si on connaît de mieux en mieux l’importance des mangroves, elles sont en outre-mer toujours victimes des pressions humaines.
Mélanie Herteman, écologue, spécialiste des mangroves : « Il existe encore en outre-mer de fortes pressions de remblais, des remblais qui vont assécher les sols et qui vont permettre des constructions ou des vastes zones de dépôts, de déchets, de casses, etc. Et ça, c’est un problème qui est encore prégnant sur les mangroves d’outre-mer ».
Ces pressions humaines reflètent la façon dont les mangroves ont été longtemps perçues : espaces inutiles, dangereux, voire même hantés. Autre explication : dans la plupart des outre-mer, les mangroves sont très proches des activités humaines.
« Les mangroves en Martinique sont toujours entourées effectivement d’activités soit maritimes soit routières. On a très peu d’endroits où on arrive assez loin dans la nature, avec aucun bruit autre que ceux du milieu naturel. En Guadeloupe c’est pareil, même si la forêt marécageuse de Jarry est beaucoup plus étendue et qu’à un moment donné on arrive à ne pas entendre de bruit venant des activités humaines, mais c’est un peu la même chose. C’està-dire qu’on a des mangroves de bord, qui sont souvent entourées de fonds de baie, à la différence de la Guyane où on a des mangroves très vastes qui peuvent atteindre des kilomètres de largeur et où là vraiment on a un son pur, nature. »
Les mangroves sont aussi cruciales dans la lutte contre le réchauffement climatique car elles séquestrent de grandes quantités de carbone grâce à la densité des feuilles et aux systèmes racinaires des palétuviers et à leur sous-sol.
GUADELOUPE
BIO WITH YOU : UN PRÉCURSEUR À L’ÉCHELLE DE L’ARC ANTILLAIS
p our mettre fin à la pollution plastique pétrochimique et assurer la sécurisation ainsi que la reminéralisation D e l ’ eau Dans les a ntilles , a rnol D B outon a créé l ’ entreprise B io W ith y ou , B asée au l amentin . s on cre D o ? f a B riquer D es contenants végétaux et offrir en parallèle une solution D ’ ultrafiltration et D e reminéralisation D e l ’ eau .
C’est à la télévision qu’Arnold Bouton, un industriel de Guadeloupe, découvre il y a quelques années, une société produisant des contenants à base de végétaux et déchets organiques. Alors directeur d’une des plus grosses imprimeries de l’île, Arnold Bouton aspire à une activité alignée à 100 % avec ses valeurs et se lance dans une aventure peu commune.
« Quand j’ai signé l’exclusivité de cet écoconcept pour l’arc antillais, je n’avais encore réalisé aucune étude de marché, j’avais juste l’intuition d’être sur la bonne voie, d’avoir enfin trouvé un moyen d’agir dans un secteur réellement utile pour mon île », souligne Arnold Bouton. S’ensuivent plusieurs mois d’études, de recherches de partenaires et de subventions. La Région Guadeloupe décide de soutenir Bio With You qui offre une réponse parfaitement adaptée à la politique de lutte contre le plastique pétrochimique à usage unique mise en place par l’Europe. L’Europe via le FEDER s’engage aussi et l’usine voit le jour en août 2022 dans la commune du Lamentin.
UNE ALTERNATIVE AUX BOUTEILLES EN PLASTIQUE
La consommation d’eau en bouteille produit chaque année à l’échelle mondiale 500 milliards d’emballages plastique peu ou pas recyclés. Des bouteilles, de surcroît, qui contiennent des microplastiques et des perturbateurs endocriniens 1 de plus en plus incriminés pour la santé. Pour répondre à ces enjeux majeurs, la
société Bio With You a conçu des contenants végétaux uniques, innovants, recyclables organiquement, compostables industriellement et biodégradables. Au Lamentin, l’usine d’Arnold Bouton accueille sur 2 000 m2 l’ensemble du process de fabrication. Une usine fondée sur l’économie circulaire avec à la base des granulés végétaux qui seront par la suite moulés et soufflés donnant naissance à des bouteilles, cups, pots végétaux et réutilisables. À terme, quand les contenants végétaux seront présents sur le marché antillais, ils pourront être recyclés directement chez Bio With You et les nouvelles bouteilles sorties de l’usine contiendront alors 30 % de produits recyclés issus des premières productions.
Au-delà des bouteilles d’eau, ce sont tous les contenants en plastique pétrochimique que Bio With You vise. « Nous travaillons d’ores et déjà avec des producteurs de rhum comme Bologne ou l’Artisan Rhumier qui ont choisi de prendre le train en marche et basculé une partie de leur gamme sur des bouteilles végétales. Quand j’ai démarré ce projet, personne n’y croyait », se souvient le directeur de Bio With You. « Aujourd’hui, les mentalités évoluent et de nombreuses entreprises veulent être actrices de cette transition ».
Les producteurs de cosmétiques locaux, confitures et autres délices créoles sont également ciblés par l’entreprise Bio With You. Car l’usine peut fabriquer à la demande tout type de contenants végétaux. Bouteilles de toutes tailles, bouchons, pots, verres, tout peut être conçu dans l’usine du Lamentin avec bien sûr de nombreuses personnalisations possibles
UNE EAU ULTRAFILTRÉE ET REMINÉRALISÉE
L’autre axe de développement de Bio With You est de proposer, après deux années intenses de recherche et développement, des unités d’ultrafiltration et de reminéralisation de l’eau. Une solution innovante révolutionnaire de traitement de l’eau dont l’objectif est d’offrir une eau saine et reminéralisée pour tous dans des contenants végétaux rechargeables.
Cette solution d’ultrafiltration a été développée en partenariat avec Khaled Al Mesayen, président de la société lyonnaise Inovaya, fournisseur d’équipement de traitement de l’eau, qui propose un système d’ultrafiltration permettant un accès à l’eau potable.
Les unités de traitement conçues vont ainsi traiter l’eau au niveau des points d’usage, que ce soit dans les collectivités, les lycées ou les points de vente. Cela permettra aux consommateurs de s’approvisionner directement en eau saine et reminéralisée à proximité de chez eux en rechargeant leurs bouteilles végétales.
Concrètement, les grandes enseignes alimentaires ou de bricolage vendront des bouteilles végétales rechargeables que les clients pourront remplir sur place avec une eau ultrafiltrée et reminéralisée.
Rédaction : Mariane Aimar
EN PRATIQUE
• Les bouteilles rechargeables produites par Bio With You, conçues dans un matériau biosourcé, sont recyclables avec des déchets organiques et compostables industriellement.
• Elles sont végétales, composées de bagasse de canne à sucre et peuvent aussi comprendre des coproduits.
• Elles ont une durée de vie d’au moins un an selon usage.
• L’usine peut produire 10 000 bouteilles par jour et affiche l’objectif de porter cette production journalière de 20 000 à 30 000 unités d’ici la fin d’année.
MARIE-GALANTE AFFIRME
SON ENGAGEMENT POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE
p remière intercommunalité créée en outre - mer , m arie - g alante , « l ’ île aux 100 moulins », étonne par l ’ état D e préservation D e ses paysages époustouflants . u n patrimoine naturel que la population locale a à cœur D e protéger . r encontre avec le D octeur m aryse e tzol , prési D ente D e la communauté D e communes rassem B lant les trois communes D e l ’ île .
INTERCO’ OUTRE-MER, POUR DES TERRITOIRES DYNAMIQUES ET SOLIDAIRES !
La Communauté de communes de Marie-Galante (CCMG) fait partie des membres de l’association Interco’ Outre-mer, qui anime l’intercommunalité en outre-mer depuis 20 ans et initie des échanges permanents avec ses adhérents dans un esprit de partage d’expériences. Force de propositions, Interco’ Outre-mer est devenue au fil des ans un acteur incontournable de représentation des intérêts des élus d’outre-mer. + d’info ici : https://www.interco-outremer.fr/
collecte des matériaux recyclables, avec 48 bornes sur toute l’île. Cela permet à chacun de contribuer au tri, de recycler et ainsi, de réduire la charge de traitement et de collecte que nous payons pour les déchets non triés ni recyclés. De plus, le verre va désormais faire l’objet d’un broyage, dont le produit pourra être réutilisé localement, notamment dans les travaux publics – dalles en béton par exemple – et d’aménagement paysager. La CCMG a en effet décidé d’entreprendre cette démarche en faisant l’acquisition d’un broyeur à verre d’une capacité de 4 000 bouteilles/heure qui va être mis en service d’ici la fin de l’année.
INTERVIEW
MARYSE ETZOL, PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE MARIE-GALANTE (CCMG)
• Marie-Galante est un territoire qui a su préserver son environnement naturel. Le développement durable est-il une notion importante aux yeux des Marie-Galantais ?
- Voilà plusieurs années que nous entendons de façon récurrente la notion de développement durable. Initialement peu incarnée localement, cette notion se traduisait essentiellement dans la rédaction de documents de planification et concernait peu le citoyen. Aujourd’hui, nous commençons à ressentir localement les effets du changement climatique et nous en constatons malheureusement les effets pour l’ensemble de la planète et pour Marie-Galante : accentuation des phénomènes climatiques, sargasses, sécheresse, montée du niveau des océans… Le développement durable s’incarne donc localement, car chacun prend conscience que ses actions individuelles doivent contribuer à ne pas affecter négativement notre environnement.
• Comment la CCMG aide-t-elle les habitants et visiteurs à diminuer leur impact sur la nature ?
- Dans le domaine de la gestion des déchets par exemple, nous avons doublé le nombre de points de
Par ailleurs, le centre de tri intercommunal est maintenant doté de véhicules de service électriques, qui seront rechargés avec un moindre impact environnemental, car avec la réalisation attendue de la centrale agrivoltaïque de Grand-Bassin, 100 % de l’électricité consommée à Marie-Galante sera renouvelable.
• Pouvez-vous citer un exemple d’action mise en place pour lutter contre la pollution plastique ?
- Notre eau, issue de notre nappe phréatique, est potable sans traitement et d’excellente qualité pour la consommation humaine, bien que calcaire. Prochainement, la campagne de sensibilisation « Dlo disi » sera lancée et des fontaines à eau installées dans les établissements scolaires et publics, ainsi notamment que des gourdes distribuées aux élèves, afin d’inciter à consommer l’eau du robinet et éviter l’importation de bouteilles en plastique. Nous négligeons parfois nos propres richesses pour consommer des produits extérieurs, qui ne sont pas nécessairement plus sains et il est bon de se rappeler que notre eau et nos produits agricoles sont exempts de chlordécone !
• Parmi les actualités de cette rentrée 2023, la Communauté de communes de Marie-Galante va élaborer son schéma directeur cyclable ?
- En effet, la CCMG dote également Marie-Galante d’un projet de développement des pistes cyclables, qui permettra aux collectivités gestionnaires de voirie de développer des aménagements cyclables et ainsi de favoriser la pratique du vélo. Celle-ci est un enjeu important de mobilité durable, mais aussi de santé, particulièrement lorsque les déplacements quotidiens se font ainsi, et c’est notre objectif.
BIO STRATÈGE OUVRE LA VOIE AUX JEUNES CRÉATEURS
D’ENTREPRISES TECHNOLOGIQUES EN GUYANE
D ans le ca D re D e la cérémonie « t alents D e l ’ o utre - mer » en 2019, m ariana r oyer s ’ était vu remettre la D istinction « t alent confirmé » Dans la catégorie « e ntrepreneuriat ». r encontre avec une jeune femme inspirante , aujour D ’ hui à la tête D e B io s tratège g uyane , premier la B oratoire in D ustriel D ’ innovation végétale D u territoire
Docteure en chimie des substances naturelles, Mariana Royer a suivi un parcours en génie chimique et chimie des procédés qui l’a menée à créer une première entreprise au Québec, dédiée à la valorisation des connexes de bois, dans le cadre de la conception de principes actifs pour la cosmétique. En 2018, après le rachat de la technologie développée, elle décide d’investir sur son territoire d’origine, en Guyane, dans la mise en place d’un laboratoire valorisant le végétal guyanais. Bio Stratège Guyane est née.
PREMIER LABORATOIRE INDUSTRIEL D’ÉCO-EXTRACTION EN GUYANE
L’industrie mondiale prend un virage vert et doit lutter contre les changements climatiques par la mise en œuvre de pratiques plus responsables et durables. Certains composés présents dans les produits finis destinés aux consommateurs sont réprimés par les réglementations en vigueur sur le marché cible, du fait
de leur impact nocif sur l’homme ou l’environnement, c’est le cas de composés pétrochimiques ou synthétiques. Bio Stratège développe des solutions alternatives à base d’actifs végétaux issus des plantes de Guyane, dotés de fonctionnalités recherchées dans les domaines de la cosmétique, de la nutrition et du biocontrôle, qui désigne les méthodes de protection des végétaux utilisant des mécanismes naturels.
Ces plantes sont sélectionnées par l’entreprise qui s’appuie sur la littérature scientifique et l’intérêt du marché pour les molécules qu’elles contiennent. Bio Stratège consulte également les botanistes et agriculteurs partenaires pour s’assurer de la disponibilité de la ressource et de la rentabilité de l’exploitation de l’espèce donnée. Pour la cosmétique, l’awara, fruit de palmier emblématique de la forêt amazonienne, est par exemple utilisé ou encore le couachi (Quassia amara), la mélisse de calme (Lippia alba) et la citronnelle (Cymbopogon citratus), plantes médicinales enregistrées à la pharmacopée française.
L’entreprise travaille principalement à développer des ingrédients naturels pour différents marchés d’application à partir des bioressources du territoire. Pour démarrer la filière végétale, consolider les approvisionnements et établir un réseau de producteurs, elle a conçu et mis à l’échelle préindustrielle la fabrication de divers produits issus d’une première ou seconde transformation dédiés au consommateur, tels que des poudres ou broyats de plantes standardisées, des poudres de superaliments ou des formules de soins de la peau à base d’huiles végétales de palmier.
Ses recherches appliquées se concentrent sur la composition phytochimique des plantes et la création de dossiers de preuves de concept et réglementaires. Le laboratoire propose des services analytiques et de développement sur mesure, faisant ainsi le pont entre la ressource locale et les marchés.
INTERVIEW
MARIANA ROYER, CRÉATRICE ET PRÉSIDENTE DU LABORATOIRE BIO STRATÈGE GUYANE
• Fin 2022, Bio Stratège a reçu le prix Projet d’avenir ainsi que le prix Business France au concours Innovation Outre-mer. Que signifient ces prix pour vous ?
- Ces deux prix sont pour Bio Stratège un signe de reconnaissance d’une communauté qui valorise les start-ups d’outre-mer, leurs avancées et leur impact, mais aussi une reconnaissance de nos technologies et de nos innovations par l’écosystème d’investisseurs français, des chefs d’entreprise et des instances publiques en soutien à l’industrie, l’innovation et l’économie nationale.
Cet événement nous a par ailleurs permis d’échanger avec des investisseurs, alors même que nous nous préparons à lancer de nouvelles levées de fond, d’une part pour passer à la phase de mise en application dans le cadre de notre projet Ecophyto ; et d’autre part, pour soutenir le développement de notre plateforme AmazonActiv Valley, destinée à devenir un fleuron de la bioactivation française.
• Vous souhaitez contribuer au développement d’une filière guyanaise de la bioextraction. Participer au développement économique local est-il une de vos priorités ?
- Nous avons en effet pensé AmazonActiv Valley comme un projet de territoire, voué à développer et stimuler l’activité de tous les acteurs de la filière des produits naturels ainsi que l’export. Nous accompagnons par exemple les entrepreneurs à l’origine de concepts connexes à celui de Bio Stratège, de la formulation au développement du produit et à la commercialisation de leur offre. Nous répondons ainsi à la demande de marques locales souhaitant travailler avec des ingrédients locaux standardisés, stables et
sûrs, leur permettant de développer une offre solide. Nous avons à cœur d’inspirer la jeunesse et de susciter l’envie de s’impliquer dans le développement technologique et environnemental.
Notre équipe est actuellement composée à 90 % de collaborateurs scientifiques, techniques et commerciaux embauchés localement. Bio Stratège reçoit ainsi des stagiaires, d’Hexagone, des Antilles et Guyane, afin de leur ouvrir le champ des possibles sur ce qu’il est possible de réaliser sur leur territoire, avec différents types de compétences et de diplômes.
• Quelles sont vos perspectives actuelles ?
- Nous souhaitons poursuivre le développement de nos portefeuilles d’ingrédients et services d’expertise dans le domaine du naturel et positionner nos produits sur davantage de marchés par la création de nouveaux partenariats. Nous envisageons notamment la mise en place de jumelages avec la Martinique et la Guadeloupe
afin de diversifier nos sources d’approvisionnement made in France. Nous nous sommes récemment rendus à La Réunion pour étudier le secteur industriel agricole et celui de l’agrotransformation, nouer des contacts et réaliser du partage d’expérience. Cela est prévu à court terme en Guadeloupe et en Martinique.
Rédaction et interview : Axelle Dorville
ÎLE DE LA RÉUNION
ÉTANG DU GOL : DES AMÉNAGEMENTS DE DÉCOUVERTE CONCILIANT ACCUEIL DU PUBLIC ET PATRIMOINE NATUREL
Illustration du site de l’Étang du Gol, où la répartition spatiale des usages a permis de mettre en défens des secteurs à enjeu écologique. © Thomas Rebecca / Conservatoire du littoral
l ’ é tang D u g ol est l ’ une D es rares zones humi D es littorales D e l a r éunion l e c onservatoire D u littoral , qui protège le site , a souhaité améliorer les con D itions D ’ accueil D u pu B lic D ans cet espace naturel remarqua B le , tout en préservant la tranquillité D es lieux .
Vasières, prairies humides à riz marron, gravières ayant servi à construire les routes du sud, zones boisées...
L’Étang du Gol, ancienne baie isolée de l’océan par un cordon littoral alluvionnaire, déploie une mosaïque de milieux aquatiques et terrestres sur 81 hectares. Dans la lagune saumâtre, le célèbre bichique évolue aux côtés notamment de l’anguille marbrée et de macrocrustacés, tandis que le héron strié, la poule d’eau ou encore l’hirondelle de Bourbon fréquentent cet espace lacustre favorable à une flore protégée.
Avec ses partenaires dont la CIVIS, gestionnaire de l’Étang du Gol, le Conservatoire du littoral protège ce site sous influence urbaine, qui subit également la pression d’espèces exotiques envahissantes comme le faux poivrier. Au-delà de son action en faveur de la préservation de la nature, le Conservatoire s’attache à valoriser le patrimoine culturel et à maintenir des pratiques et usages tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche. L’ouverture au public, dans le respect de l’esprit du lieu, reste l’une de ses priorités.
C’est pourquoi il a initié, en 2016, un projet d’aménagement 1 visant à mieux donner à voir l’étang, tout en veillant à contenir la pression sur le milieu naturel.
« Nous souhaitions créer, sans déranger la faune et la flore, un espace de respiration et de bien-être pour la population locale, afin qu’elle puisse se détendre, pêcher,pique-niquer,sepromener,toutenadmirantla
biodiversité. Le projet a été pensé pour bénéficier au site, non l’inverse », précise Nicolas Boulard, chargé de mission Aménagement et gestion à l’antenne réunionnaise du Conservatoire. Parmi les équipements réalisés, figurent par exemple un observatoire pédagogique de l’avifaune sauvage conçu pour s’approcher de la berge sans bruit, et un ponton adapté à la pêche familiale. « De plus, 4,3 kilomètres de sentiers ont été connectés à la forêt domaniale du littoral de l’Étang-Salé », se réjouit Nicolas Boulard. « Les équipements sont minimalistes, au sens artistique du terme, afin de ne pas s’imposer dans l’environnement. Plutôt que d’avoir installé des panneaux d’information, nous proposons depuis un QR code une visite virtuelle immersive au contenu augmenté. » (lien en fin d’article)
24 août 2023 des aménagements de l’Étang
TÉMOIGNAGE
FAMILLE EGAMBAROM, AGRICULTEURS ET ÉLEVEURS À L’ÉTANG DU GOL
« Notre famille est implantée depuis plus de 30 ans à l’ÉtangduGol,oùnousélevonsdesbœufsmoka.Les 16 hectares que nous occupons se répartissent entre zones de pâturage des bovins, mais aussi espaces naturels et sentiers que nous entretenons dans le cadre d’un accord avec le Conservatoire du littoral. Nous n’utilisons pas de produit sur les sols, ils sont à l’état naturel. Nos activités contribuent à contrôler les espèces envahissantes et à maintenir un espace ouvert. C’est un avantage pour nous et une fierté de travailler sur un site protégé. Nous profitons ainsi d’un cadre préservé, véritable écrin de biodiversité.
L’aménagement du site, c’est une très bonne initiative qui valorise et protège l’Étang du Gol. Nous sommes un peu les gardiens de ce lieu qui nous a vus grandir, et aussi les yeux du Conservatoire que nous remercions de sa confiance. Ce beau projet nous pousse à créer peut-être plus tard une ferme avec balades en charrettes à bœufs comme au “tan lontan”, et dégustation de canne à sucre, manioc, corrosol, sapote... Pour ainsi partager les saveurs péi de notre enfance. »
La gestion du site, qui était auparavant assurée par la commune de Saint-Louis, est assurée depuis le 1er janvier 2019 par la CIVIS 2, au terme d’une convention de gestion passée entre le Conservatoire du littoral et cette dernière.
La CIVIS mobilise les moyens humains et financiers nécessaires à la gestion. Afin de garantir l’équilibre entre protection d’un espace naturel à enjeu régional – vu les espèces d’oiseaux qui le fréquentent – et la nécessité de favoriser une fréquentation paisible du lieu, un arrêté municipal portant réglementation relative aux terrains du Conservatoire du littoral du site de l’Étang du Gol a été pris le 28 juillet 2023.
Cet arrêté, consultable en mairie, encadre les différents usages du site.
Le comité consultatif de gestion prévu le 14 septembre 2023 va permettre de faire le bilan de la gestion passée et de proposer, après concertation des communes concernées, des services de l’État et des associations d’usagers de protection de l’environnement, une gestion harmonieuse de cet espace.
Rédaction et interview : Stéphanie Castre
LA VISITE VIRTUELLE DE L’ÉTANG DU GOL est accessible depuis le QR code ou depuis ce lien : https://www.uicn-fr-ressources.fr/visites_virtuelles/etang_du_gol/ Bonne visite !
SOUTENIR LA POLLINISATION POUR UN MIEL D’EXCELLENCE
l a r éunion et m ayotte sont les seuls D épartements D ’ outre - mer français à hé B erger une a B eille mellifère in D igène . i l s ’ agit D ’ apis mellifera unicolor, étu D iée au c ira D D ans le ca D re D e travaux sur la D iversité génétique , mais aussi D e lutte contre les parasites et mala D ies , D e caractérisation D es pollens et D e restauration D es corri D ors écologiques
PRÉSERVER L’ABEILLE « PÉI » MENACÉE
fermentation du miel. Malgré une lutte à grande échelle dès son premier signalement, de nouveaux foyers sont détectés et sa dispersion, avérée dans des colonies sauvages. Des travaux sur la biologie de ce ravageur sont envisagés par l’UMR PVBMT en appui aux partenaires professionnels apicoles. »
HÉLÈNE DELATTE, ENTOMOLOGISTE
« Longtemps épargnées des bioagresseurs, les colonies d’Apis mellifera unicolor subissent depuis 2017 l’attaque de l’acarien ectoparasite Varroa destructor à La Réunion qui, accompagné de nouveaux pathogènes, engendre une importante mortalité et un affaiblissement des colonies, notamment par la propagation du virus des ailes déformées (DWV) 1
Afin de trouver des solutions durables à ce fléau, les équipes du Groupement de défense sanitaire et des professionnels apicoles, soutenues par l’UMR PVBMT2, ont lancé un ambitieux programme de sélection de l’abeille visant une meilleure gestion du varroa dans la ruche. Mi-2022 était cependant déplorée l’introduction d’un nouveau ravageur, le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida) qui se nourrit du couvain, du miel et du pain d’abeilles, et entraîne une
La pollinisation consiste au transport de pollen d’une plante à une autre, ou de l’organe mâle à l’organe femelle, afin de lui permettre de se reproduire. Les abeilles, mais aussi les chauves-souris ou les geckos, sont des pollinisateurs. © Antoine Franck / Cirad
CARACTÉRISER LA FLORE PRIVILÉGIÉE PAR LES ABEILLES INDIGÈNES
Je travaille par ailleurs, par suivi caméra, sur le comportement de pollinisation d’Apis mellifera unicolor sur des espèces indigènes d’importance économique et sociétale à La Réunion, telles que le tan rouge. Cela permettra notamment d’indiquer aux apiculteurs les périodes favorables pour déplacer leurs ruches sur les zones où pousse cette espèce. »
GÉRARD LEBRETON, INGÉNIEUR
SPÉCIALISÉ EN MÉLISSOPALYNOLOGIE 3
« Je travaille à approfondir la connaissance des ressources florales butinées par les abeilles mellifères de La Réunion et de Madagascar. Nous cherchons à identifier les plantes qu’elles privilégient et à caractériser les miels locaux par l’analyse et la reconnaissance des pollensqu’ilscontiennent.Pourcefaire,unecollection de référence des pollens a été mise en place au sein du Pôle de Protection des Plantes (3P). Après identification par des botanistes des espèces mellifères d’intérêt, principalement indigènes et endémiques, nous récoltons sur le terrain les boutons floraux juste avant leur ouverture, avant d’en extraire le pollen et de le nettoyer, afin de pouvoir l’étudier.
La Réunion offre une diversité floristique importante qui permet aux apiculteurs de réaliser des miels de grande qualité. Le plus connu est le « miel vert », dont le tan rouge (Weinmannia tinctoria – ci-dessus) serait la ressource principale. © Antoine Franck / Cirad
1 D’après des travaux menés avec le Groupement de défense sanitaire : thèse de doctorat de Benoit Jobart à l’UMR PVBMT. | 2 Unité mixte de recherche Peuplement végétaux et bioagresseurs en milieu tropical. | 3 Étude des pollens, pratiquée depuis 2014 au Cirad à La Réunion.
RESTAURER LES ESPACES ET CORRIDORS ÉCOLOGIQUES
L’abeille Apis mellifera unicolor contribue activement aux services écosystémiques et produit un miel de qualité exceptionnelle et très typique, non seulement de litchi et de baie rose, mais également des miels de forêt aux saveurs fruitées, mélange d’une grande diversité d’essences florales. © Antoine Franck / Cirad
JEAN-NOËL ÉRIC RIVIÈRE, CHERCHEUR EN ÉCOLOGIE DES COMMUNAUTÉS
« Au-delà de permettre la production de miel et de fruits, les pollinisateurs brassent les gènes entre les plantes et contribuent à la richesse génétique assurant la fertilité des plantes et leur résistance aux maladies et phénomènes climatiques. C’est dans ce cadre que nous contribuons aux projets ENDEMIEL, REMINAT et RUBAN, destinés à lutter contre la dégradation et la fragmentation des écosystèmes et donc la rupture de flux de gènes au sein des espèces végétales, ainsi que contre la disparition des pollinisateurs associés.
Il s’agit de mettre en place des corridors écologiques dotés d’espèces aux profils génétiques diversifiés, au niveau des interfaces des milieux naturels, agricoles, urbains et périurbains, afin que les pollinisateurs puissent jouer leur rôle d’échange génétique entre les milieux.
Après recensement par l’ONF et le Cirad des espèces indigènes et endémiques mellifères fréquentées par les abeilles, nous étudions en chambre climatique la biologie et en milieux naturels la phénologie4 de ces plantes avant transposition des résultats sous forme d’itinéraires de multiplication en pépinière. Nos études se sont notamment concentrées sur les sapotacées, les bois d’œuvre et sur des espèces indigènes patrimoniales telles que le fleur jaune ou le tan rouge qui contribue au fameux miel vert. »
Le pollen représente la principale source de protéines des colonies d’abeilles. Il s’agit donc d’une ressource cruciale pour leur développement, notamment pour les larves. © Antoine Franck / Cirad
Dans le cadre du projet ENDEMIEL, la commune du Tampon a décidé de planter massivement des espèces d’intérêt mellifère allant de 400 à 1 600 mètres d’altitude, pour créer des corridors écologiques entre les milieux urbains, périurbains et forestiers. © Maeva Naze / Cirad
MAISONS DES INGÉNIEURS : LA RESTAURATION DES JARDINS PORTE SES FRUITS
face à l’entrée Du port ouest, les maisons Des ingénieurs accueillent Depuis Deux ans un projet D e restauration agroécologique D e leurs jar D ins . B ilan D e cette opération D e « la B oratoire D u vivant » et rencontre avec l ’ artiste c hristine W
Propriétés du Grand Port Maritime de La Réunion depuis 2020, les Maisons des Ingénieurs logèrent les ingénieurs ayant construit, entre 1879 et 1886, le port de la Pointe des Galets. Ces anciennes demeures entourées de larges coursives constituent aujourd’hui le plus ancien patrimoine portuaire de la commune. Après leur rénovation, elles s’offriront une nouvelle vie en recevant le futur siège social du Grand Port Maritime ainsi qu’un espace dédié au « Port Center », lieu d’accueil et d’information du public.
Port Réunion a initié en août 2021, en amont de la réhabilitation des maisons, un projet de trois ans visant à restaurer leurs jardins et abords végétalisés 1. L’objectif était de redonner vie aux sols afin de produire, à partir des jardins existants très dégradés – terrains secs et drainants, végétaux en souffrance… – un écrin de nature évolutif, dans une démarche expérimentale à l’écoute de la nature et pédagogique.
En haut et à gauche : les Maisons des Ingénieurs sont inscrites au titre des Monuments Historiques. | Ci-dessus, de haut en bas : vue sur la dépendance d’une maison et, en arrière-plan, sur l’actuel siège social du Grand Port Maritime. | Des collégiens et lycéens du Port ont planté ici en mars dernier des « pié d’bwa » endémiques, dans le cadre du programme départemental de reboisement « 1 million d’arbres pour La Réunion ». | 1 Voir à ce sujet notre article dans l’e-mag OMGN9
TÉMOIGNAGE
ELLIOT BOGLIO, FORMATEUR TERRAIN EN AGROÉCOLOGIE
« Dans les jardins, la première tâche du projet fut de défricher, élaguer les parcelles et évacuer les déchets anthropiques qui s’y trouvaient. Dès le départ, nous avons formé une équipe du Service Bord à Quai (SBAQ) du Grand Port Maritime, pour qu’elle se familiarise avec les techniques de gestion agroécologique des espaces verts. L’idée était de recycler la matière organique pour développer la biodiversité du sol sans intrant et en préservant les ressources en eau.
Pour cela, nous avons créé des îlots fertilisants à l’aide de semis ou jeunes plants de cotonnier, mourongue ou zambrowat, qui ont fourni de la biomasse sous forme de broyatou paillage. La disposition en étagesdefeuillage a permis de protéger le sol du soleil : ces îlots ont ainsi profité de températures plus fraîches, avec un écart relevé allant jusqu’à 20 °C par rapport au sol à nu. Nous avons assisté dans ces zones au retour de la faune souterraine. C’est un travail de l’invisible ! Les résultats ne se voient que sous la terre, où insectes et vers de terre abondent maintenant. S’il y a des vers de terre, c’est qu’assez de matière organique s’est compostée. Il fallait trouver les bonnes espèces de plantes (zambrovate par exemple), les méthodes d’introduction (planter, bouturer, semer) et de gestion. Ce projet expérimental porte ses fruits et offrira un sol de qualité pour la conception des futurs jardins. »
La réhabilitation des Maisons des Ingénieurs s’inscrit dans une politique d’ouverture du port aux habitants et vient en complémentarité de l’opération « Les Portes de l’Océan » pilotée par la ville du Port. Dans cette démarche favorisant la proximité, le GPMDLR rendra le site accessible au public le 15 septembre, à l’occasion des Journées européennes du Patrimoine. Une exposition sur l’histoire portuaire sera proposée, agrémentée de cinq portraits en noir et blanc de figures marquantes du port, conçus par l’artiste photographe réunionnaise Christine Wong.
Parmi ces portraits, figurera celui du chef d’équipe du Service Bord à Quai (SBAQ) du Grand Port Maritime (ci-dessus). André Koue-Chon-Lim, dit « Tico », encadre une trentaine de personnes. « Je suis au port depuis 1979. Mon rôle, c’est le nettoyage des quais du Port Est, des routes, le déchargement des poubelles des navires, des magasins, la sécurité incendie... Quand Priscille Labarrère, aujourd’hui responsable du service Environnement et Aménagement, dirigeait le SBAQ, elle a initié de belles choses dans le domaine environnemental, notamment sur le tri des déchets et au niveau de la sécurité des navires pétroliers, qui se poursuivent aujourd’hui. » Il continue : « La Réunion est si belle, il faut qu’on la laisse propre, nous devons faire le maximum. On a tout ici, la mer, la montagne, et même la neige ! Je suis confiant par rapport aux jeunes. Mon petit-fils dit déjà qu’on doit ramasser les papiers, ne pas jeter partout... ». Tico avoue qu’il partira à la retraite en fin d’année « avec un pincement. On fait même les repas avec les collègues... Ces années au port, ça va nous manquer, on n’oubliera jamais. »
TÉMOIGNAGE
« Le Grand Port Maritime a souhaité ponctuer ses 10 ans par une exposition symbolique et éphémère d’une journée qui retrace l’évolution de l’institution au travers de photographies et documents d’archives. Il s’agit de clichés d’époque et d’autres plus récents de l’évolution physique et sociale du Port et de la ville qui s’est créée autour de celui-ci. Ce recueil historique s’accompagne d’un shooting que j’ai réalisé auprès de cinq personnes ayant travaillé ou travaillant toujours au sein du Grand Port Maritime. Ces portraits ont été créés dans l’enceinte des Maisons des Ingénieurs, d’une part pour le symbolisme des lieux et finalement aussi pour l’énergie et l’histoire qui en émanent.
L’exposition ne relève pas d’un travail historique comme on pourrait en attendre de la part d’un musée, il s’agirait plutôt d’un patchwork monochrome de moments forts de cette histoire économique, sociale et humaine des années 1880 à nos jours. Une histoire en photographies d’un port et de dockers qui ont engendré une ville. J’ai choisi de produire l’ensemble des photos sur de la bâche industrielle afin que les visiteurs puissent les regarder sans avoir peur de les toucher. Bien que visuelle, la photographie doit rester initiatique et passer aussi par le contact, donc le toucher. Les écoliers attendus sur place pourront ainsi s’exprimer au-delà du regard. L’exposition habillera les portes et fenêtres, aujourd’hui condamnées, de la maison centrale, ainsi que celles des dépendances, les premières prémices artistiques de sa prochaine rénovation. »
LA JEUNESSE RÉUNIONNAISE SENSIBILISÉE
AUX OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
l e 5 juin D ernier , l ’ a gence française D e D éveloppement ( af D) a signé avec le r ectorat D e l a r éunion une convention D e partenariat visant à promouvoir l ’ apprentissage D es o B jectifs D e D éveloppement D ura B le ( o DD) Dans les éta B lissements scolaires . c e partenariat permettra D e proposer aux enseignants et élèves réunionnais les outils pé Dagogiques D e l ’ af D.
En 2016, l’AFD a été mandatée par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement pour « promouvoir en France comme à l’étranger la connaissance par les citoyens des ODD ainsi que l’éducation au développement et à la solidarité internationale ». Dans le cadre de son mandat de sensibilisation, l’AFD a développé différents outils pédagogiques dont un kit de simulation de négociation des Conférences des Parties (COP) Climat et Biodiversité, de même que le programme « Réinventer le monde » de création de podcasts par les élèves, ou
encore la plateforme TILT, d’information sur les enjeux du monde d’aujourd’hui et de demain. Lors d’une mission de l’AFD au premier semestre 2023 à La Réunion, une centaine de professeurs et élèves ont ainsi été formés à l’utilisation des kits pédagogiques. Cette mission fructueuse a abouti à la signature d’une convention de partenariat entre l’Agence de SaintDenis et le Rectorat de La Réunion, pour poursuivre ce travail de sensibilisation des élèves aux enjeux climatiques et environnementaux, une première sur un territoire ultramarin.
INTERVIEW CROISÉE
MARIE-PIERRE NICOLLET, DIRECTRICE DE L’AGENCE LOCALE
LA RÉUNION – AGENCE FRANÇAISE
DE DÉVELOPPEMENT ET FABRICE
SORBA, INSPECTEUR D’HISTOIREGÉOGRAPHIE, RÉFÉRENT ÉDUCATION
AU DÉVELOPPEMENT DURABLE
À L’ACADÉMIE DE LA RÉUNION
• Comment est apparue l’idée d’un partenariat avec le Rectorat de La Réunion ?
Marie-Pierre Nicollet - Il existe au niveau national un partenariat entre le siège de l’AFD et le ministère de l’Éducation nationale qu’il me semblait évident de décliner au niveau de notre Agence. Il paraissait en effet impensable de ne pas proposer aux jeunes de La Réunion les mêmes actions que celles proposées aux jeunes de l’Hexagone. J’avais l’intuition que nous allions trouver ici une jeunesse facilement mobilisable et peut-être plus avisée sur les questions de changement climatique, du fait de l’éloignement et de l’insularité du territoire.
Nous avons eu beaucoup de chance car le Rectorat de La Réunion était déjà pleinement engagé dans ces problématiques de mobilisation de la jeunesse pour les Objectifs de développement durable, et comptait avec un réseau de quelque 3 000 écodélégués sensibilisés et un réseau de professeurs référents engagés.
Nous nous sommes ainsi inscrits en soutien au Rectorat pour lui apporter les outils et l’expertise de l’AFD, tout en accompagnant le monde éducatif et le corps enseignant dans la sensibilisation de la jeunesse aux Objectifs de développement durable. Nous serons également présents aux côtés du Rectorat pour le soutenir dans ses actions de coopération régionale.
• Que vous a apporté au niveau du Rectorat ce partenariat avec l’AFD ?
Fabrice Sorba - Cette déclinaison académique du partenariat national nous a permis de travailler de concert avec l’AFD sur les outils pédagogiques d’une grande qualité proposés par l’Agence. Nous avons découvert ces outils et étudié de quelle manière ils étaient déclinables sur l’île, afin que les enseignants puissent s’en emparer. Nous avons été très intéressés par les « kits de négociation » que nous souhaiterions rejouer ici à l’échelle des établissements. L’idée serait de mener des Conférences des Parties (COP), où les élèves joueraient leurs propres rôles. Cela amènerait les jeunes à réfléchir aux politiques à mettre en œuvre au sein de leur collège ou lycée pour y atteindre les ODD, et ils se formeraient ainsi à une citoyenneté démocratique.
Pour le Rectorat, il ne s’agit pas simplement de faire de l’éducation à l’environnement, mais aussi de prôner une éducation à la citoyenneté, à la solidarité internationale, d’inviter les élèves à penser à un projet global de société plus solidaire, dans le contexte de transition écologique actuel. La Réunion a de grands défis à relever, sociaux, économiques et environnementaux, avec une population à l’horizon 2030 qui devrait dépasser le million d’habitants. Au niveau du territoire, il est important d’avoir tous les acteurs autour d’une table pour réfléchir à ces questions. Ce partenariat avec l’AFD, au-delà d’une ambition forte partagée, s’impose à nous comme une nécessité.
+ d’info ici : Outils pédagogiques de l’AFD pour découvrir les ODD Partenariat entre l’AFD et le Rectorat de La Réunion
MAYOTTE
UNE SITUATION DE SÉCHERESSE AIGUË ET DE SÉVÈRES
RESTRICTIONS D’EAU POUR LES HABITANTS
Le 24 août, le niveau de remplissage de la retenue collinaire de Combani (ci-dessus) était de 25 %, et celui de la retenue de Dzoumogné de 14 %.
l a sécheresse per D ure D epuis D es mois à m ayotte , engen D rant D ’ importantes pénuries D ’ eau . l e 24 août , la préfecture a annoncé D es coupures D ’ eau D e 48 heures toutes les 24 heures De mise en service pour préserver les réserves jusqu’à la saison Des pluies, attenDue en DécemBre. e xplications avec j érôme j osseran D , D irecteur a D joint D e la D ealm 1 D e m ayotte
Sur la moitié nord de la Grande-Terre, le déficit est encore plus marqué, de l’ordre de 35 %, alors que les trois principaux bassins versants de Mayotte alimentant les grands cours d’eau et les deux seules retenues sont situés sur ce secteur nord.
• Y a-t-il une explication et quelles conséquences en découlent pour la population ?
INTERVIEW
JÉRÔME JOSSERAND, DIRECTEUR ADJOINT DE LA DEALM DE MAYOTTE
• La sécheresse observée cette année à Mayotte a-t-elle atteint des niveaux plus élevés que les saisons précédentes ?
- À l’échelle du département, la saison des pluies 2022-2023 présente un déficit pluviométrique de 24 % par rapport à la normale, ce qui en fait la saison la plus sèche enregistrée depuis 1997 et la deuxième plus sèche en 61 années de mesure.
- Cet épisode de sécheresse, qui a touché la plupart des îles du sud-ouest de l’océan Indien, est largement imputable à une phase très négative du dipôle de l’océan Indien (IOD) – ou El Niño indien – qui a concerné la région durant l’hiver austral et le début de la saison des pluies fin 2022. Cela s’est traduit par une anomalie froide sur les températures de surface de la mer dans une large moitié ouest du bassin océanique et notamment dans le nord du canal du Mozambique.
Ce type d’anomalie, qui concerne périodiquement la région, affecte durant plusieurs mois les conditions climatiques de Mayotte, apportant de l’air plus sec et des alizés plus vigoureux que de coutume, retardant ainsi l’entrée franche du flux de mousson humide (Kashkasi). Ce dernier n’a que très peu atteint notre département, seulement au mois d’avril qui est le dernier mois de la saison des pluies. Ainsi, les pluies ont étés abondantes en avril, mais le déficit accumulé depuis novembre 2022 n’a pas pu être rattrapé.
Ci-dessus : anomalie de précipitations à Mayotte de 1962 à 2023, sur la période d’octobre à avril. Moyenne entre Combani, Coconi, Dzoumogné et Pamandzi. L’histogramme à zéro révèle une année normale, en vert les années excédentaires et en orange ou rouge les années déficitaires enregistrées depuis 1962.
La période de pluies « efficaces » qui permet la recharge des nappes et le remplissage des retenues de Mayotte s’en est trouvé réduite à six ou sept semaines. Le réservoir de Dzoumogné n’a atteint que 30 % de sa capacité et celui de Combani à peine 50 %. Ainsi, les ressources mobilisables sont restreintes.
• Quel plan d’action la DEALM de Mayotte et ses partenaires ont-ils mis en place ?
- Tout d’abord, il faut rappeler que la pression sur la ressource en eau potable est très forte à Mayotte en raison de la faible superficie du territoire (374 km2) pour une population supérieure à 310 000 habitants. Dès le début de la saison des pluies, un monitoring hebdomadaire a permis d’examiner l’évolution de la ressource et la production d’eau, à travers : les données et prévisions météorologiques de Météo-France, l’état des nappes via le BRGM, le niveau de remplissage des retenues avec le syndicat des eaux de Mayotte, et enfin la production d’eau potable avec les données de l’exploitant détaillant les ressources utilisées (forages, prélèvements en rivières, dessalement et retenues).
Tout l’enjeu a été de retarder le plus possible l’utilisation des deux réservoirs de Combani et de Dzoumogné en réduisant progressivement la production de 39 000 m3 par jour à 30 000 m3 par jour en août et à 25 000 m3 par jour en septembre. Les coupures nocturnes ont été progressivement mises en place et généralisées début juillet. Des coupures d’eau deux jours sur trois sont instaurés à partir du 4 septembre à l’exception de certaines secteurs essentiels pour la poursuite des activités économiques de Mayotte. Un programme de travaux d’urgence vise à desservir les abonnés prioritaires tels que les établissements de santé, médico-
sociaux ou les établissements scolaires. Ainsi 1 000 cuves de 500 litres à 1 m3 ont été achetées pour les écoles, crèches, professionnels de santé, administrations essentielles. Un programme de recherche et de traitement des fuites a été lancé, ainsi que des travaux lourds sur le réseau pour mieux répartir la ressource entre les quelques secteurs excédentaires de Mayotte et les secteurs déficitaires, notamment le sud de l’île. Des campagnes de forages sont en cours et une unité de dessalinisation est attendue. Le programme des travaux d’urgence s’établit à 30 millions d’euros. De plus, le travail avec l’Agence régionale de santé (ARS) est étroit pour encadrer les mesures de restrictions des usages de l’eau. Il s’agit de limiter les conséquences sanitaires sur la population. Ainsi, des rampes vont être installées dans chaque quartier, chaque village pour permettre aux habitants d’accéder chaque jour à l’eau potable pour la boisson et l’alimentation.
Les volumes d’eau baisseront jusqu’à début novembre avec 20 000 m3 produit chaque jour à cette période. Une partie des travaux d’urgence sur les infrastructures sera livrée et l’objectif sera de stabiliser la situation avant la saison des pluies espérée en décembre.
Rédaction et interview : Stéphanie Castre
TAAF
UNE AVENTURE HUMAINE EXCEPTIONNELLE EN PLEIN OCÉAN
à la veille D ’ em B arquer sur le marion Dufresne ii pour la D euxième rotation D e l ’ année , f ranck l usten B erger , D irecteur D e l ’ environnement D es t erres australes et antarctiques françaises 1 ( taaf ), nous fait part D e son ressenti
• Quel est le déroulé type d’une rotation ?
- Quatre rotations d’un mois sont organisées au cours de l’année dans les districts austraux. Elles nous permettent de nous rendre sur l’île Tromelin, aujourd’hui accessible uniquement par bateau, puis de descendre plein sud sur l’archipel Crozet, les îles Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, avant de rentrer à La Réunion.
INTERVIEW
FRANCK LUSTENBERGER, DIRECTEUR DE L’ENVIRONNEMENT DES TERRES
AUSTRALES ET ANTARCTIQUES
FRANÇAISES (TAAF)
Pour cette deuxième rotation de l’année, en plein hiver austral, la mer s’annonce potentiellement assez mauvaise. Cette rotation est importante car elle correspond au renouvellement d’une partie des équipes sur les bases : les chefs de districts, représentants de la préfète, Madame Florence Jeanblanc-Risler, administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises, chargés de piloter au quotidien les bases australes et antarctiques ; les militaires et agents contractuels qui pendant une année vont s’occuper de la gestion technique des différentes bases ; les agents de la Direction de l’environnement, aux profils variés, qui interviennent dans la mise en œuvre des actions associées à la gestion de la réserve naturelle.
Sur les districts, on trouve une pluralité de métiers, des scientifiques, cuisiniers, menuisiers… tous indispensables au bon fonctionnement des bases. Enfin, il y a les interdistricts – ce qui est mon cas – qui sont de passage pour installer les nouvelles équipes, pour vérifier que les protocoles sont bien adaptés. Ces rotations nous permettent de rester connectés à la réalité des territoires.
• Qu’est-ce qui vous a marqué ?
- Nous passons la moitié du temps à terre et l’autre partie en mer. Sur un bateau, le temps s’écoule lentement. Nous en profitons pour travailler mais aussi pour échanger avec les passagers. C’est l’occasion de faire des rencontres humaines exceptionnelles. C’est une des belles surprises de ces rotations !
• Les principales menaces observées ?
- Ces territoires ont tous pour point commun une biodiversité riche et relativement bien préservée mais aussi très vulnérable. À souligner deux pressions majeures. D’une part, les effets du changement climatique. De nombreuses espèces voient leur habitat naturel se transformer rapidement. Dans les îles Éparses, on constate un blanchiment important des écosystèmes coralliens. Tous les milieux glaciaires sont en recul avec par exemple des records de diminution de la banquise, ce qui perturbe les écosystèmes polaires.
D’autre part, l’impact des espèces exotiques envahissantes telles que les rats, les chats sauvages, les souris, les rennes aux Kerguelen, les chèvres à Europa, mais aussi les végétaux comme les pissenlits ou encore les pathogènes tels que le choléra ou la grippe aviaire mettent en péril la biodiversité et nécessitent des actions spécifiques en matière de biosécurité.
• Quelles sont les mesures mises en place ?
- Nous avons plusieurs modes d’actions et outils de politique publique. Avec 1,6 million de km2, la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises est la plus grande aire marine protégée française et la deuxième plus grande au monde. Dans l’archipel des Glorieuses appartenant aux îles Éparses, nous œuvrons pour que l’ensemble de l’archipel soit classé en réserve naturelle nationale.
Par ailleurs, nous menons des actions très opérationnelles sur le terrain. Au-delà des actions de connaissance des écosystèmes, un projet tel que RECI (Restauration des écosystèmes insulaires de l’océan Indien) financé par l’Union européenne avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD), permet de conduire des opérations pour mieux suivre le patrimoine naturel, mettre en place de mesures de biosécurité et lutter contre l’impact des espèces exotiques envahissantes dans les îles Éparses et australes. En août, sur l’île Tromelin, une équipe a ainsi eu pour mission d’éradiquer les souris, une autre action est prévue en 2024 pour Amsterdam visant spécifiquement les rats et les souris. Il est important de souligner que de telles opérations ont déjà eu lieu en 1997 sur l’île Saint-Paul. Aujourd’hui, on en constate les effets bénéfiques avec le retour en abondance de certains oiseaux et d’espèces qui avaient disparu.
Par ailleurs, en Antarctique, dans le cadre du protocole de Madrid, avec l’Institut polaire français PaulÉmile Victor, nous souhaitons renforcer la prise en compte de l’environnement avec les bases présentes.
• Un projet de recherche à nous citer ?
- Il y en a plusieurs. Par exemple, dans le cadre d’un projet mené par le CNRS avec l’appui de l’Institut polaire français Paul-Émile Victor, intitulé « Circulation d’agents infectieux en subantarctique dans les populations de vertébrés coloniaux : surveillance, compréhension des processus et implications pour la gestion » (projet nommé ECOPATH), des travaux sont menés sur la problématique du choléra aviaire qui affecte l’albatros à bec jaune à Amsterdam. Le but étant notamment de mieux comprendre la diffusion de pathogènes et d’étudier un vaccin pour protéger cet oiseau classé « en danger » à l’échelle mondiale sur la Liste rouge de l’UICN en raison du déclin rapide de sa population. Les enjeux sont importants, d’autant plus que l’île d’Amsterdam abrite plus de 65 % de la population d’albatros à bec jaune de l’océan Indien.
• Les urgences ?
- Notre urgence est l’action à mener pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes (EEE), animales et végétales. Les exemples du passé nous montrent que ça marche, c’est motivant !
• Et enfin, un coup de cœur ?
- Mon dernier séjour en Antarctique ! Une expérience humaine, professionnelle, personnelle très forte. Ce temps long de la traversée des océans, l’été austral, le jour permanent, l’arrivée des premiers icebergs, tous ces animaux qui vivent en équilibre… c’est autant de beauté qui vous touche. C’est aussi se dire qu’il y a encore des espaces préservés sur Terre, que tout n’est pas perdu, mais qu’il est urgent d’en prendre soin !
LA FONDATION DES MERS AUSTRALES
ENTAME UNE NOUVELLE PAGE DE SON HISTOIRE
c réée en octo B re 2013 par six armateurs réunionnais D e la pêche australe , cette fon Dation D ’ entreprises est la première à avoir été créée par Des pêcheurs professionnels pour financer Des projets De recherche rencontre avec son présiDent, laurent virapoullé, et Deux personnalités qualifiées mem B res D e son conseil D ’ a D ministration , a lain f onteneau et m arc g higlia
INTERVIEW
LAURENT VIRAPOULLÉ, PRÉSIDENT DE LA FONDATION DES MERS AUSTRALES, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE PÊCHE AVENIR
reconnue dans l’écosystème de la pêche et du monde maritime. Je souhaite qu’elle perdure et rayonne davantage. Le temps est venu pour la Fondation d’être plus visible, de porter les ambitions de ses fondateurs et des pêcheurs de légine réunionnais.
• Quelle dynamique souhaitez-vous impulser au sein de la Fondation ?
- Nous devons continuer à accompagner des projets scientifiques, des thésards dont les sujets de recherche ont été sélectionnés, les organismes de recherche comme l’Ifremer, l’Université de la Réunion, le Muséum national d’Histoire naturelle, etc. C’est le cœur de l’activité de la Fondation.
En parallèle, deux missions importantes à souligner. D’une part, une mission culturelle qui consiste à valoriser le patrimoine autour de la pêche et des activités maritimes dans le sud-est de l’océan Indien. À titre d’exemple, nous avons financé une exposition intitulée « Terre Sainte, terre de pêcheurs » organisée par l’association des Femmes de Marins Pêcheurs de Saint-Pierre (AFEMAR). Notre objectif est de mettre en valeur le patrimoine culturel autour des navires de pêche, des familles, des métiers. La pêche c’est aussi le symbole du voyage, de l’aventure. Plusieurs projets artistiques intéressants sont sur la table.
• Vous êtes le nouveau Président de la Fondation, comment appréhendez-vous cette fonction ?
- Avec responsabilité et ambition. La Fondation des mers australes, qui a déjà 10 ans d’existence, n’a pas été facile à mettre en place. Aujourd’hui, elle est
D’autre part, la dimension sociale. Permettre à de jeunes Réunionnais qui ont peu de moyens financiers, qui n’ont pas toujours accès à des formations, de découvrir le monde maritime. Cela passe par des actions au sein des établissements scolaires, des visites de sites, des animations. C’est aussi un moyen de les sensibiliser à la préservation des écosystèmes marins, aux gestes citoyens. Nous souhaitons amplifier ces actions pour rendre la Mer et les formations maritimes accessibles à celles et ceux qui n’en ont pas les moyens.
• Pour les armements de pêche australe que vous représentez, quels programmes de recherche scientifique vous semblent les plus importants à développer aujourd’hui ?
- Je pense à la déprédation des cachalots et des orques, la préservation des raies, dont la Fondation continue à financer des programmes de recherche. Le réchauffement climatique sur les écosystèmes marins, notamment sur l’Antarctique, est un axe à regarder de très près. On sait aujourd’hui que le réchauffement climatique a des impacts sur certaines populations, mais nous n’avons pas encore réussi à les caractériser. C’est un travail de longue haleine !
• Quelles actions pour assurer la durabilité de la pêche australe ?
- Nous travaillons étroitement avec l’administration des TAAF pour limiter l’impact de nos activités sur l’écosystème marin. Une prochaine campagne scientifique d’évaluation de la biomasse, baptisée POKER (POisson KERguelen) devrait avoir lieu prochainement afin de garantir une exploitation durable des stocks.
• Un message au conseil d’administration ?
- Je suis très heureux que trois armements, Pêche Avenir, Comata, Cap Bourbon continuent l’aventure ! Concernant la SAPMER, aujourd’hui en vente, l’entreprise n’a pas souhaité continuer, mais la porte reste grande ouverte. La Fondation est une aventure qui doit demeurer collective et ambitieuse !
TÉMOIGNAGE
ALAIN FONTENEAU, RETRAITÉ CHERCHEUR À L’IRD, EXPERT DE LA RECHERCHE THONIÈRE INTERNATIONALE
• Quels sont les projets soutenus par la Fondation qui vous ont marqués ?
- Parmi les projets de grande envergure, la thèse sur les raies qui se termine cette année. Les raies des mers australes sont des espèces auxiliaires potentiellement menacées. Actuellement des recherches pointues sont menées et les premiers résultats sont là pour mieux les protéger. Les projets de recherche sur la déprédation par les orques et les cachalots sur les palangriers à la légine australe dans l’archipel de Crozet ont été très positifs. Cette déprédation est dramatique pour la profession qui perd une bonne partie de sa production. C’est aussi gâcher un produit d’excellente qualité.
• En tant qu’expert, quelle est votre vision de l’environnement ? ?
- Dans un contexte de changement climatique, j’ai l’impression que nos pêcheries des mers australes sont très bien surveillées et gérées, voire exemplaires. Il y a quelques années, on voyait beaucoup de bateaux de pêche illicite. Ils sont aujourd’hui très contrôlés grâce, entre autres, aux actions mises en place par les TAAF et le Muséum national d’Histoire Naturelle. Si l’on continue à avoir une gestion rationnelle de certaines ressources comme la légine ou encore la langouste australe, il n’y a pas, je pense, de danger à craindre. La Fondation, l’appui scientifique des TAAF, du Muséum d’Histoire naturelle, constituent une coopération triangulaire efficace.
MARC GHIGLIA, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’UNION DES ARMATEURS À LA PÊCHE DE FRANCE (UAPF), PERSONNALITÉ QUALIFIÉE DU MONDE MARITIME :
« La Fondation d’entreprises des mers australes est un bon vecteur pour faire la promotion des activités maritimes dans les Terres australes et sur l’île de La Réunion, pour tisser des liens entre le monde de la recherche et de l’entreprise. Les scientifiques sont toujours à la recherche de financements, la Fondation est un levier nécessaire et inhabituel parmi les initiatives prises par le monde de la pêche, pour faire émerger des projets innovants, pour l’acquisition sans arrière-pensée d’un savoir objectif. »
Créé en 1971, le CRIOBE est le plus éminent laboratoire français pour l’étude des écosystèmes coralliens. © Thomas Vignaud - CNRS Images
POLYNÉSIE FRANÇAISE
LE CNRS ACCÉLÈRE SON IMPLANTATION DANS LES OUTRE-MER
s i le cnrs 1 est le premier organisme D e recherche D ans l ’ h exagone , ce n ’ est pas le cas Dans les territoires ultramarins , où il est peu D éployé p our y remé D ier , le c entre D évoile une feuille D e route D é D iée aux outre - mer . e n p olynésie française , le cnrs est présent par l ’ intermé D iaire D u crio B e , un la B oratoire D ’ excellence D e recherche sur le corail .
INTERVIEW
ALAIN SCHUHL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ
À LA SCIENCE DU CNRS
ET DIRECTEUR SCIENTIFIQUE RÉFÉRENT
POUR LES OUTRE-MER
• Le CNRS a, depuis plusieurs années, une unité d’appui à la recherche en Polynésie, le Criobe. Pourquoi avoir fait le choix de la Polynésie ?
- Le CRIOBE est le Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement. C’est une unité de recherche basée en métropole sur le campus de
l’Université de Perpignan et qui s’intéresse à des sujets scientifiques impliquant la Polynésie française, dont notamment ceux qui concernent les coraux.
Un des deux grands axes de la feuille de route dévoilée par le CNRS pour se déployer davantage dans les outre-mer, c’est de coconstruire avec les partenaires locaux des activités de recherche. L’idée de s’installer en Polynésie répondait déjà à cette ambition.
• Pouvez-vous nous parler des futurs projets du CNRS en Polynésie ?
- L’étude des massifs coralliens continuera ces prochaines années. Le CRIOBE portait le projet « les récifs coralliens de demain », on va poursuivre dans cette direction. Le CNRS est en Polynésie à travers le CRIOBE mais il y a aussi différents projets, notamment portés par la Maison des sciences de l’Homme du Pacifique. On envisage également la création d’une zone atelier afin de renforcer la sécurité alimentaire marine en s’appuyant sur l’adaptation au changement climatique.
Le CNRS est aussi impliqué dans l’Observatoire Géodésique 2 de Tahiti (OGT). En octobre, quatre directeurs ou directrices d’Instituts du CNRS se rendront dans l’archipel pour discuter avec la gouvernance de l’Université de la Polynésie française, et il n’est pas exclu que dans les années futures, les liens avec l’Université se renforcent. Notre stratégie est vraiment de créer de nouveaux partenariats avec les acteurs locaux.
• Le CNRS affiche une réelle ambition de se développer dans les territoires d’outre-mer. Pourquoi seulement maintenant ?
- Il y a de nombreux défis posés par les outre-mer qui sont interdisciplinaires et nous avons besoin d’avoir une réponse globale fédérant les organismes plutôt que des solutions dispersées de la part de chaque institut. Aujourd’hui, on a lancé avec le ministère des Outremer une expertise sur l’impact du changement climatique dans les outre-mer. Nous avons embauché un chercheur qui travaillera depuis La Réunion sur le sujet. Ses données, en partie bibliographiques, donneront un état des lieux des connaissances scientifiques récoltées, qui pourra intéresser les acteurs politiques locaux tout comme le ministère des Outre-mer.
Il y a une prise de conscience et une volonté de redonner aux outre-mer une place importante. Le CNRS possède un réseau de bureaux de représentation à l’international très développé, et l’un d’entre eux intéresse la Polynésie, celui de Melbourne.
Il est essentiel d’aider nos chercheurs à bénéficier d’un accompagnement de ces bureaux afin de mener des actions à l’international.
NOUVELLECALÉDONIE
LE
CLUSTER
MARITIME DE NOUVELLE-CALÉDONIE
ENGAGÉ DANS LA DÉPOLLUTION DES NAVIRES HORS D’USAGE
l ’ association , créée en 2006, rassem B le les acteurs D u D omaine maritime en n ouvellec alé D onie . p armi les projets , le c luster travaille notamment à l ’ élimination progressive D es navires hors D ’ usage ou D es fusées D e D étresse laissées en mer et s ’ engage en faveur D e la transmission pour une plus gran D e connaissance D e la B io D iversité marine
INTERVIEW
PHILIPPE DARRASON, DIRECTEUR GÉNÉRAL
• Votre association réunit les acteurs du domaine maritime en Nouvelle-Calédonie. Pourquoi estil essentiel de fédérer ces acteurs ?
- Le Cluster maritime regroupe majoritairement des acteurs économiques. Ses objectifs sont ceux d’un développement économique durable associant la création d’emplois futurs pour notre jeunesse, l’innovation ou encore le renforcement et le développement de nouvelles filières, dans le strict respect des contraintes environnementales.
• Quels sont les projets actuellement portés par le Cluster en faveur de l’environnement en Nouvelle-Calédonie ?
- Nous travaillons sur plusieurs axes afin de proposer des solutions envisageables pour l’élimination progressive des navires hors d’usage, qui sont des déchets, ou des barges minières abandonnées sur les côtes. Toujours concernant les déchets d’origine marine, le Cluster maritime instruit, en partenariat avec les collectivités concernées, la question de l’élimination de fusées de détresse. Nous cherchons aussi des solutions en lien avec les nouveaux modes de transport écoresponsables ou l’utilisation d’énergies nouvelles et renouvelables.
• La préservation de la biodiversité marine faitelle partie des projets ?
- Des membres de Cluster mènent des projets liés à la connaissance de la biodiversité marine en vue de sa préservation et nous mettons en place un parcours éducatif mer et des conférences pour favoriser la prise de conscience et la sensibilisation de nos jeunes aux enjeux de préservation. Ces interventions ne traitent pas uniquement d’espèces emblématiques, mais aussi des questions de réhabilitation de la flore naturelle des îlots du lagon, de la sensibilisation à la pollution des littoraux par les plastiques, de l’érosion du littoral, de la disparition de patrimoines que sont nos plages, le tout grâce à une approche scientifique participative avec professeurs et élèves.
• Les bateaux abandonnés et hors d’usage représentent-ils un risque écologique important ?
- Nous nous mobilisons pour que la filière des navires hors d’usage (NHU) se développe. En 2017, nous estimions à 6 300 le nombre de bateaux qu’il faudrait déconstruire dans les 15 prochaines années. Entre 2018 et 2020, 15 navires ont été déconstruits et 23 bateaux en 2022. Dans le cadre du Pôle maritime, lancé en septembre 2022 et porté par le Gouvernement, le Haut-commissariat, la Province sud et le CMNC, nous menons des campagnes de dépollution sur le site de Numbo depuis mai 2023. L’enlèvement des épaves, leur dépollution et leur démantèlement s’inscrivent dans une des phases clés du projet de Pôle maritime. Plus de 300 tonnes de déchets vont ainsi être remontées à la surface.
Rédaction et interview : Marion Durand
TROIS SITES NATURELS
D’OUTRE-MER INSCRITS AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO
q uatrième parmi les pays les plus D otés en B iens inscrits au p atrimoine mon D ial D e l ’ unesco , la f rance porte une responsa B ilité à l ’ échelle mon D iale . s ur ses 49 sites inscrits , six sont reconnus au titre Du patrimoine naturel monDial, Dont trois Dans les territoires ultramarins.
La « Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de l’UNESCO », signée par la France en 1975, reconnaît la valeur universelle exceptionnelle des biens culturels et naturels à l’échelle planétaire et vise à concilier préservation de la nature et conservation des patrimoines culturels. Le ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires (MTECT) s’est engagé à identifier, protéger et mettre en valeur le patrimoine naturel français et accompagne les territoires souhaitant porter une candidature pour l’inscription d’un site naturel à la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. La direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature est responsable de cette politique au sein du ministère. Elle agit auprès de ces territoires d’exception afin d’assurer la conciliation entre objectifs de préservation et enjeux de transition écologique et énergétique, dans le contexte actuel d’adaptation au changement climatique.
En raison de la biodiversité exceptionnelle des territoires ultramarins, trois des sites naturels français classés se trouvent en outre-mer : les « Lagons de Nouvelle-
Calédonie : diversité récifale et écosystèmes associés », les « Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion » et les « Terres et mers australes françaises ».
Deux nouvelles candidatures ultramarines seront prochainement étudiées par le Comité du Patrimoine mondial dans les Caraïbes : « Volcans et forêts de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique », et en Polynésie française : « Te Henua Enata - Les îles Marquises » – une candidature qui associe les richesses naturelles et culturelles de l’archipel.
INTERVIEW CROISÉE
NATHALIE BAILLON, DIRECTRICE DE L’AGENCE NÉO-CALÉDONIENNE DE LA BIODIVERSITÉ (ANCB), ANAÏS MORLON, CHARGÉE DE MISSION PATRIMOINE
MONDIAL À L’ANCB ET CHRISTINE FORT, CHARGÉE DE MISSION ENVIRONNEMENT À LA DIRECTION DU SERVICE D’ÉTAT DE L’AGRICULTURE, DE LA FORÊT ET DE L’ENVIRONNEMENT (DAFE)
• Quelle a été la particularité de l’inscription du site des Lagons de Nouvelle-Calédonie ?
Christine Fort - Les lagons de Nouvelle-Calédonie sont un bien en série, inscrit depuis 2008, et constitué de six zones distinctes. Sur ce site, on retrouve quatre gestionnaires différents : les trois provinces Nord, Sud et des Îles Loyauté, et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. La démarche de classement du site émanait d’une volonté politique locale forte, mais ne pouvait être menée sans une concertation importante entre l’ensemble des acteurs. L’État a donc accompagné les gestionnaires en jouant un rôle de facilitateur et en portant l’inscription auprès de l’UNESCO. Ce qui est assez extraordinaire, c’est d’avoir réussi à créer une unité autour de ce projet, tout en prenant en compte les méthodologies et législations, ainsi que les fonctionnements propres aux comités de gestion de chacune des trois provinces et du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
• Quelles ont été les conséquences du classement UNESCO pour le territoire ?
Nathalie Baillon - Au-delà de la reconnaissance apportée par l’inscription au Patrimoine mondial, le classement a été un formidable catalyseur pour le
territoire à différents niveaux. À la suite de l’inscription, les codes de l’environnement des provinces ont vu le jour, de même que des brigades de l’environnement et de nombreuses connaissances ont pu être acquises. Le classement du site a en effet suscité l’intérêt des scientifiques et a permis d’obtenir des données sur l’état de santé des lagons. En 2011, le Conservatoire d’espaces naturels – devenu en 2023 Agence néo-Calédonienne de la Biodiversité – a été créé afin notamment d’assurer la coordination du bien « Patrimoine mondial » en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés (gestionnaires et société civile).
• Pouvez-vous nous présenter quelques actualités ?
Anaïs Morlon - Cette année, au travers de l’Initiative Récifs Résilients, nous avons travaillé à la montée en compétence des gestionnaires, en réalisant un atelier pour les soutenir dans la révision de leurs plans de gestion, avec une méthodologie intégrant les principes de résilience. Nous avons aussi établi de manière concertée le rapport périodique de l’UNESCO, à travers des groupes de travail avec les quatre gestionnaires et l’État : nous avons rempli les chapitres du rapport qui traitent du bien dans sa globalité, des moyens de protection, des risques et du changement climatique. Au bout de 15 ans, le bilan est incontestable : les Lagons de Nouvelle-Calédonie sont toujours en très bon état !
WALLISET-FUTUNA
FANOI, UNE VIGIE INVESTIE SUR SON ÎLE
n ous retrouvons Dans cette é D ition f alakika f anoi u gatai , vigie à W allis - et - f utuna D u programme « e n 1 ère ligne » sur l a 1 ère D e f rance t élévisions . f anoi nous livre son regar D D e lanceuse D ’ alerte sur les questions climatiques et environnementales D e l ’ archipel .
• Racontez-nous un peu votre parcours et les sujets environnementaux qui vous semblent importants à Wallis-et-Futuna.
INTERVIEW
FALAKIKA FANOI UGATAI, VIGIE DU PROGRAMME « EN 1ÈRE LIGNE »
À WALLIS-ET-FUTUNA
• Communiquez-vous avec les huit autres vigies du programme en outre-mer ?
- Oui, et j’ai pu découvrir l’environnement d’autres ultramarins, venus de Nouvelle-Calédonie, Tahiti, Mayotte. J’ai constaté que nous luttions tous contre le changement climatique, qui touche tous les territoires d’outre-mer. Il y a également des sources de pollution communes comme les déchets, les écoulements d’eaux usées qui impactent l’environnement...
- Je suis animatrice au sein du Service de l’environnement. J’y ai débuté en tant qu’engagée de service civique pour 10 mois durant lesquels j’ai mené un projet appelé « Porte à porte » avec deux autres collègues. Cela consistait à passer dans tous les foyers de l’île de Wallis afin de sensibiliser la population sur le tri des déchets et mieux informer les habitants sur le dispositif de l’écotaxe. J’ai d’ailleurs fait une vidéo en tant que vigie pour Wallis-et-Futuna afin d’expliquer le déroulement de ce dispositif qui a été mis en place en 2017. L’objectif était donc de lutter contre la pollution mais également de préserver notre lentille d’eau douce 1 , qui se trouve sous la terre, en réduisant l’enfouissement de ces déchets. Or nous rencontrons des soucis concernant la revalorisation de ces déchets car ils sont actuellement stockés dans l’unique Centre d’enfouissement technique (CET) en attendant une destination afin de pouvoir les réutiliser.
Autre impact sur l’environnement, les parcs à cochons qui sont placés sur le littoral et les effluents qui se retrouvent directement dans la mer. À ce sujet, un projet entre le Service de l’environnement et la chefferie du Nord, dans le district de Hihifo, a été initié pour déplacer les parcs à cochons appartenant à des particuliers, en hauteur, loin du littoral.
À Wallis, nous possédons vraiment une richesse naturelle qui permet de fournir des vivres aux personnes
n’ayant pas assez de ressources financières pour acheter les produits en magasin. Ces richesses telles que les fruits et légumes cultivés localement et toute l’année et les poissons frais du lagon s’avèrent être finalement meilleurs pour la santé que les produits importés. Enfin, nous avons la mangrove et une barrière de corail pour nous protéger, mais qu’il nous faut absolument protéger. Autant de thématiques qui sont au cœur de mes préoccupations...
• Une petite histoire, par exemple d’un ancien qui vous aurait parlé de son passé à Wallis ?
- J’ai mené plusieurs interventions de sensibilisation de la population, et je reçois très souvent cette petite phrase « Mole kei tatau te temi aeni mo te temi o matou », qui veut dire : « Rienn’estpluscommedansnos temps d’avant ». Vivre des champs qu’ils cultivaient et de la pêche, ça faisait partie du quotidien. Dans la logique wallisienne de nos grands-parents, on avance toujours en regardant en arrière. Aujourd’hui on a adopté un nouveau regard, qui consiste à regarder devant soi et à avancer sans se retourner. Ainsi l’ouverture au monde a rendu la population d’aujourd’hui dépendante des produits du monde. Nous évoluons très vite vers une société de consommation de masse à l’échelle de nos petites îles.
Une petite mamie m’a dit qu’elle ne changera sa façon de vivre pour rien au monde, tant qu’elle trouvera encore à manger dans la nature, c’est-à-dire en allant pêcher sur le platier et en n’utilisant que des produits
locaux. Les magasins, c’est juste pour prendre le nécessaire. Mais elle a aussi remarqué les changements en cours comme le niveau de la mer qui augmente et sa température aussi, des espèces qu’elle pêchait très souvent sur la côte est de l’île, qui se font rares maintenant comme les palourdes, les holothuries curry, etc.
• Que faut-il développer selon vous pour davantage sensibiliser la population à l’environnement ?
- Il est vraiment très important de continuer à sensibiliser les jeunes. Et cette mission fait partie de mon travail, j’aime partager les informations essentielles pour protéger notre environnement, mais aussi prévenir la population quant aux risques et changements que nous constatons et c’est pour cela que nous programmons des interventions de sensibilisation dès que l’occasion se présente, auprès des écoles primaires, des collèges, du grand public... De plus, avec ma collègue, nous suivons par exemple des projets de restauration de la mangrove financés par l’Ifrecor, et sensibilisons les membres associatifs des villages sur le rôle important de cet écosystème. De cette expérience, je sais qu’il faut continuer à sensibiliser en diversifiant les supports (événements, vidéos, réseaux sociaux…) afin de toucher toujours plus de monde et accompagner tous les acteurs dans des actions concrètes de préservation ou restauration pour les impliquer et les responsabiliser sur chacun de leurs gestes au quotidien. Il faut du temps et de la persévérance pour changer des habitudes. Préservons notre environnement, notre Fenua car personne ne le fera à notre place !
Fédérer l ’ outre-mer, Favoriser les éChanGes, mettre en lumière les aCteurs de terrain, les initiatives pour la proteCtion de la nature et le développement durable
grandeur Nature OUTRE-MER
L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT
SUPPORT D’INFORMATION BIMESTRIEL GRATUIT ADRESSÉ AUX : décideurs publics acteurs ultramarins de l ’ environnement académies d ’ outre-mer internautes via de nombreux sites web et réseaux sociaux
page faceBook « outre-mer granDeur nature »
Un support proposé par aux Éditions Insulae
OcéIndia
7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion
Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com
Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Axelle Dorville, Romy Loublier, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Marion Durand, Cyril Jourda, Caroline Marie, Julie Pagot
Conception graphique : Océindia