OUTRE-MER grandeur Nature n°26 _ janvier-février 2025

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grandeur Nature OUTRE-MER

ÉDITO

PAR ALI MADI, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION MAHORAISE DES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES (FMAE) - CPIE MAORE

Le samedi 14 décembre, alors que Chido s’abattait sur Mayotte, j’étais à La Réunion. J’y énonçais un discours pour les 40 ans du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) de La Réunion, en tant que vice-président du CCEE de Mayotte. Malgré l’honneur de prendre la parole devant mes amis réunionnais, mon cœur était à « Maoré ».

Chido n’est pas un cyclone comme les autres, mais, comme l’attestent les météorologues, un cyclone tropical intense tel que Mayotte n’en avait plus connu depuis 90 ans. Le souvenir qui s’en approche le plus dans la mémoire des Mahorais remonte à l’année de mes huit ans, 1984, lorsque Kamisy avait frappé notre île de plein fouet.

Dès le 15 décembre, avec mes collègues de la Délégation de Mayotte à La Réunion et d’autres structures, nous organisions les premiers circuits logistiques permettant d’acheminer des aides d’urgence sur l’île. Je me suis envolé vers Mayotte le 18. Dès mon arrivée, cela a été un cauchemar. Plusieurs de mes proches restaient injoignables, nous ne savions rien d’eux.

Avant d’arriver à destination, je ne pouvais que m’imaginer les choses. Sur place, je n’ai presque rien reconnu. Près de l’aéroport, il n’y avait plus l’immense baobab accolé depuis toujours au cimetière, tout avait été détruit, à commencer par la tour de contrôle. Mon fils a prononcé cette phrase : « Papa, ça ressemble à la Palestine ». Partout, des bombes semblaient avoir éclaté, mon île ressemblait à un pays en guerre.

Après Kamisy, c’était différent, car en 1984, nous avions des habitations et un cadre de vie mieux adaptés, et les nombreux espaces arborés amortissaient les vents. Les noix de coco, alors en abondance, avaient étanché la soif et nourri la population pendant les premières semaines post-cyclone. Aujourd’hui, on trouve de moins en moins de manguiers, d’arbres à pain ou de cocotiers à Mayotte. Les jours qui ont suivi Chido, les habitants ont eu faim et ont eu peur de la famine. Quand j’ai vu tous ces amas de tôles jonchés au sol sur les pentes de Kawéni et ailleurs, ces bangas effondrés, ces matelas éventrés, ces panneaux solaires brisés, ces arbres déracinés, cela formait dans le paysage d’étranges amas très colorés : rouge, vert, bleu, jaune, or, marron... Depuis, mon esprit rejette en quelque sorte les couleurs, comme s’il les avait associées au malheur et à toutes ces vies perdues.

Très vite, psychologiquement, j’ai eu besoin d’aller chercher mes outils, ma tronçonneuse, d’enfiler mes gants. Il fallait venir en aide aux gens. Comme beaucoup d’autres, j’ai acheté à la pharmacie des médicaments, à la boutique des denrées alimentaires, pour aider, me sentir dans la compassion et le partage, dans la « musada » si chère à notre culture, et qui signifie « entraide » en shimaoré.

MAYOTTE, BLESSÉE MAIS DEBOUT

Vous savez, les Mahorais ont en eux une singulière capacité de résilience. Après l’état de choc, c’est une force positive et combattante qui les a animés. Les Mahorais, historiquement, ont subi bon nombre de catastrophes, des razzias perpétrées par des guerriers venus de Madagascar en pirogue, etc. Forts de leur tempérament déterminé et de leur force collective, ils ont rapidement pu trouver les ressources et l’organisation nécessaires. En fait, nous avons renoué avec notre esprit communautaire. Je salue ici le courage, le dévouement de tous les bénévoles qui œuvrent sans relâche sur le terrain, dans les jours qui ont suivi Chido, au plus près des plus démunis.

LA COOPÉRATION RÉGIONALE

Cette « calamité naturelle » renforce l’une de mes réflexions. Je pense qu’il est plus que jamais nécessaire de coopérer avec les pays voisins – Madagascar, l’Afrique de l’Est et du Sud – de façon à favoriser un acheminement plus rapide des aides. Il nous faut réussir à structurer des réseaux solides. Si Mayotte investissait par exemple dans l’agriculture à Madagascar, nous pourrions bénéficier d’une meilleure autonomie alimentaire en cas de catastrophe naturelle. Cette coopération régionale que j’appelle de mes vœux ne s’arrêterait pas au domaine alimentaire : il conviendrait d’étendre entre tous ces pays et Mayotte les flux migratoires de connaissances et de compétences pour mieux s’adapter à ces phénomènes climatiques. Dans notre région, le peuple malgache, notamment, a une forte expérience des cyclones qui le conduit, par exemple, à disposer sur les toits en tôle de lourds sacs de sable afin d’éviter qu’ils ne s’envolent... Les méthodes employées sont multiples et les apports réciproques entre nos pays devraient, je crois, l’être également.

LES CRAINTES DES AGRICULTEURS

En tant qu’apiculteu mahorais, j’ai perdu avec Chido 90 % de mes ruches. Et je ne suis qu’un exemple parmi tant d’autres. La FMAE-CPIE Maore réunit 32 associations adhérentes et une soixantaine de structures qui gravitent dans tous les villages de l’île. Après Chido, nous avons réuni nos agriculteurs, qui nous disent avoir quasiment tout perdu. De plus, des forêts entières ont été mises à nu par le cyclone. Or, dans ces zones protégées devenues vierges, sans couvert végétal, les agriculteurs craignent que des individus ne s’accaparent les terres illégalement pour y faire pousser des cultures. Ils redoutent aussi une aggravation des pénuries d’eau à Mayotte, l’eau de pluie n’étant plus retenue par les systèmes racinaires des arbres. Je pense que l’urgence est de replanter au plus vite dans ces espaces forestiers ravagés par Chido. Sinon, la terre va continuer de ruisseler jusqu’au lagon...

Nous appelons ainsi les autorités à travailler sur un plan pluriannuel de reconquête de ces espaces forestiers sur la base des documents déja existants, comme le Shéma Départemental des Espaces Naturels Sensibles, le Schéma d’Entretien et de Restauration des Rivières à enjeux à Mayotte ou le pacte des acteurs de l’environnement, à finaliser. Nous pourrions copiloter la logistique de ce plan, mettre en réseau des pépiniéristes locaux, etc.

UN BESOIN URGENT D’INGÉNIERIE

Je viens de participer à une réunion en distanciel avec un réseau d’agriculteurs des Antilles, qui nous a fait part de retours d’expériences à la suite d’Irma. Quelle ingénierie ont-ils développée, quelle méthodologie ? L’accent a été mis sur des aspects pratiques, facilement reproductibles. Par exemple, dès les premiers jours après Irma, nos confrères antillais se sont aperçus que les espèces exotiques envahissantes (EEE) prenaient le dessus sur la flore indigène et endémique. Or, si les EEE sont arrachées d’un coup, on met la terre à nu. C’est pourquoi un plan de contrôle doit être planifié sur quatre à cinq ans. La réunion a aussi mis l’accent sur l’impossibilité de tout sauver – il faut l’accepter – et l’importance de focaliser notre attention sur des plantes à enjeux, que nous allons recenser. Par ailleurs, nous serons surpris de voir que certains arbres indigènes, que l’on croit détruits, vont se régénérer... Autant d’expériences fructueuses pour nous à Mayotte.

Pour conclure, les associations environnementales de Mayotte sont prêtes à donner beaucoup d’elles-mêmes pour la reconstruction de l’île. Mais nous manquons d’ingénierie. Nous avons besoin de monter en compétence rapidement. Nous avons besoin de personnes qui nous aident à monter des projets soutenus par l’Europe. En cela, je crois beaucoup à la constitution de groupes de travail Réunion-Mayotte pour nous aider à nous relever de tels événements climatiques extrêmes.

FAIRE UN DON À LA FONDATION DE FRANCE pour venir en aide aux populations de Mayotte touchées par le cyclone Chido : LIEN ICI

La faune a également été rudement touchée par Chido, à l’image des makis de Mayotte et des roussettes, des pollinisateurs essentiels à la reproduction de nombreuses plantes. © Stéphanie Castre

ACTU OUTRE-MER

Les ouvrages de Caraïbéditions sont proposés à la vente dans les rayons des librairies et grandes surfaces d’outre-mer.

CARAÏBÉDITIONS, UNE MAISON D’ÉDITION SPÉCIALISÉE

EN OUTRE-MER

Depuis leur création en 2007 aux Antilles, les éditions Caraïbéditions publient des ouvrages qui ont comme dénominateur commun un lien avec les territoires d’outre-mer français et étrangers, que ce soit au travers des langues locales, de l’origine de leurs auteurs ou des thématiques et histoires qui se déroulent dans ces territoires de l’ailleurs. Caraïbéditions a été la première maison d’édition à publier des ouvrages mondialement connus traduits en créole de Guadeloupe, Martinique, Guyane ou La Réunion tels que Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, le roman L’Étranger d’Albert Camus, ou encore les BD Tintin de Hergé.

Dans ce numéro d’OUTRE-MER grandeur Nature, notre rédactrice Lucie Labbouz, qui vit en Guadeloupe, s’est intéressée (pages 14 et 15) au lancement du label écologique de Caraïbéditions « Livres pour apprendre à protéger l’outre-mer ». La nouvelle collection « Les petits héros de la planète » propose notamment aux plus jeunes lecteurs des albums à tirettes interactifs, qui favorisent, de manière ludique, une initiation aux questions environnementales.

LANCEMENT DU PROJET MAHEWA, DÉDIÉ AUX CANICULES MARINES

DANS LES OUTRE-MER DU PACIFIQUE

Porté par l’IRD, avec l’appui de l’Ifremer, en partenariat avec le CNRS, l’Institut Louis Malardé (ILM) et MétéoFrance, le projet MaHeWa (Marine HeatWaves) vise à mieux comprendre les menaces que représentent les canicules marines en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Associant l’Université de la Nouvelle-Calédonie, l’Institut agronomique néo-calédonien (IAC) et l’Université de Bretagne occidentale (UBO), ce nouveau projet a été lancé le 27 novembre à la représentation de l’IRD à Nouméa, en présence d’experts transdisciplinaires –océanographes, biologistes, anthropologues, économistes – et de partenaires locaux.

Épisodes de réchauffement extrême de l’océan, les canicules marines menacent gravement les écosystèmes et les sociétés insulaires du Pacifique en provoquant un blanchissement des coraux, une mortalité massive d’espèces marines et la prolifération d’algues toxiques. MaHeWa veut renforcer la résilience de ces territoires face à ces bouleversements climatiques grâce à des solutions basées sur des connaissances scientifiques partagées, en collaboration avec les communautés locales et les gestionnaires. Ce projet cherche ainsi à mieux comprendre les impacts des canicules marines pour répondre et s’adapter aux défis qu’elles posent aux écosystèmes et aux communautés insulaires dépendantes des ressources maritimes.

+ d’info ici : https://mahewa.fr/

Les épisodes de températures océaniques extrêmes peuvent avoir des effets dévastateurs sur les écosystèmes marins. © IRD

Ces dernières années, la production de pommes de terre a fortement augmenté à Saint-Pierre-et-Miquelon. © Cacima

SAINT-PIERREET-MIQUELON

UN NOUVEAU PLAN DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE DURABLE

S i le nombre d ’ exploitant S a doublé entre 2019 et 2023, l ’ agriculture S aint - pierrai S e et miquelonnai S e re S te trè S entravée par un manque d ’ accè S au foncier , de S norme S non adaptée S et de S S urcoût S de production u n nouveau plan de développement agricole durable 2024-2028 a été S igné en octobre pour répondre à ce S problématique S

Une orientation « plus pragmatique » qui part des « demandes du terrain » pour développer l’agriculture à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 27 octobre, la préfecture et la Collectivité territoriale ont signé le prochain Plan de développement agricole durable (PDAD) de l’archipel.

En vigueur jusqu’en 2028, cette feuille de route de la filière agricole a pour objectif de renforcer la souveraineté alimentaire du territoire, alors qu’à ce jour la production locale ne couvre que 3 % des besoins. Surtout, ce chiffre faible n’a presque pas bougé ces dernières années, malgré un doublement du nombre d’exploitants – ils sont passés de quatre à huit –pendant le précédent PDAD (2019-2023). Si la production de pommes de terre, de salade ou d’œufs a sensiblement augmenté, la production de volaille de chair a fortement décliné tandis que la filière ovine a disparu, le seul atelier existant ayant cessé cette activité.

DES COÛTS DE PRODUCTION TROP ÉLEVÉS

« Le nombre d’installés reste trop faible, mais ce n’est pas le seul frein », analyse Cassandre Bourgeois, conseillère agricole à la Cacima 1. « Nous pâtissons d’une double insularité, la plupart des agriculteurs étant installés à Miquelon, alors que le marché et le port principal se trouvent à Saint-Pierre. Cela rend l’importation des moyens de production comme les poussins ou les semences, très longue et coûteuse. »

Pour faire baisser ces coûts de production, plusieurs pistes sont évoquées dans le PDAD, comme la mise en place d’outils collectifs partagés entre les différents exploitants ou la création d’un système de fret pour les produits locaux entre Saint-Pierre et Miquelon.

activités : production de fromages et préparations fromagères, caprins, poulets de chair et accueil à la ferme. Le nouveau PDAD vise à limiter les contraintes qui se posent à la filière dans son développement, à travailler sur une économie d’échelle et à favoriser le développement agricole. © Cacima

Mais, une fois que les porteurs de projets motivés ont été identifiés, encore faut-il avoir des terres où les installer. Or, si une grande partie des terres de la plaine tourbeuse de Miquelon a été requalifiée en foncier agricole – une demande de la profession – celles-ci ne sont pas arables pour autant. Il faut encore restructurer les sols afin de pouvoir y planter une prairie ou des légumes, ce qui demande de l’investissement.

« C’est la Collectivité qui a la propriété de l’essentiel du foncier. La réhabilitation en terres agricoles relève donc de sa compétence. C’est une demande de la filière et un axe fort du prochain PDAD. Sans cela, on ne pourra pas étendre les exploitations existantes ni installer de nouvelles personnes », nous confirme Cassandre Bourgeois.

ANTICIPER LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

Sur les dix objectifs que s’est fixé le PDAD, se trouve aussi la précision du statut d’agriculteur selon des critères répondant aux particularités locales. Ce statut, bien qu’existant dans les textes, ne fait pas l’objet de décret d’application, ce qui, concrètement, freine l’obtention de certaines aides comme des dotations à l’installation ou des subventions spécifiques aux agriculteurs exerçant à titre d’activité principale.

Pour assurer son développement, l’agriculture miquelonnaise doit également anticiper les défis de demain comme le dérèglement climatique. « Il n’existe pas de système assurantiel pour les exploitations et les cultures comme dans le reste du pays. Or, nous savons qu’avec le dérèglement climatique, nous serons de plus en plus confrontés à des vents exceptionnellement violents, tandis que la plaine de Miquelon est de plus en plus exposée aux inondations », analyse Cassandre Bourgeois.

La concurrence – impossible à tenir – avec le Canada et les importations venues de l’Hexagone font aussi partie des préoccupations, notamment pour la culture de pomme de terre, produit très consommé pour lequel les Saint-Pierrais et Miquelonais ne font pas vraiment preuve de patriotisme économique. Le PDAD prévoit ainsi « d’accompagner la commercialisation des produits locaux », en menant un travail de sensibilisation auprès des habitants.

Malgré ces difficultés structurelles, la crise qui secoue l’agriculture hexagonale n’a pas de répercussions locales, essentiellement en raison des différences de normes et de contexte. « On a des problèmes, comme partout, notamment avec la gestion de l’abattoir qui est assez compliquée », rappelle Cassandre Bourgeois. « Mais le dialogue reste apaisé, facilité par le fait que ce soit un petit milieu », conclut-elle.

Rédaction : Enzo Dubesset

Exploitation Saveurs Fermières située dans la zone du Calvaire à Miquelon et créée en 2022 pour exercer ces
Si la filière ovine a aujourd’hui disparu de l’archipel, deux élevages caprins perdurent à Miquelon. Historiquement positionné sur le secteur de la pêche industrielle, le territoire essaie ainsi de s’ouvrir à de nouvelles perspectives de développement en matière d’agriculture. © Cacima

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TERRE OUTRE-MER

LES BALEINES À BOSSE, DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON AUX ANTILLES

Joël Detcheverry, dit Coco, a tout de suite reconnu le mammifère marin qu’il vient de photographier. Ce passionné de la mer fait de la photo-identification pour mieux connaître les baleines de Saint-Pierre-etMiquelon et, en particulier, les baleines à bosse.

– Il faut savoir que chaque queue de baleine est unique, c’est comme les empreintes digitales. Quand tu vois une queue noire avec telle tache, 10 ans après, tu vas retrouver la même tache au même endroit. Le but, c’est de prendre en photo la nageoire caudale des baleines. Et ensuite, à travers nos bases de données, on compare les photos avec celles qu’on a déjà prises ici. On en a à peu près 1500, je crois, donc on voit celles qui reviennent régulièrement. On fait du matching d’images. La photo-identification est pratiquée sur la route de migration des baleines, depuis les îles au large du Canada, puis aux ÉtatsUnis et dans les Antilles également. Tiens, il y en a une autre là-bas, juste un peu plus loin, qui souffle. On va aller la prendre en photo.

En croisant leurs clichés, les photographes cherchent à identifier un même spécimen à deux endroits différents. Cette méthode permet de mieux connaître les déplacements des baleines à bosse. Lyne Morissette, biologiste marine, professeure à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, au Canada :

– Les baleines à bosse qui sont dans le Saint-Laurent, au Québec, par exemple à Tadoussac pendant l’été, elles vont passer par Saint-Pierre, puis par la côte

est des États-Unis et elles vont aller dans la Caraïbe : Guadeloupe, Martinique, République dominicaine... La baleine à bosse est, parmi les baleines, probablement celle qui a le comportement le plus exubérant. Elle est facile à voir. Quiconque a eu la chance de voir une baleine à bosse une fois dans sa vie va s’en souvenir pour le restant de ses jours. Donc si on veut avoir la prétention de faire une différence pour cette espèce-là, et bien, il faut travailler ensemble.

Travailler pour que les migrations des baleines soient plus sûres, c’est aussi le souhait de Roger Etcheberry, écologue basé à Saint-Pierre-et-Miquelon.

– Les baleines à bosse, dans le sud, ne mangent pratiquement pas pendant plusieurs mois. Elles sont occupées à s’accoupler, à mettre bas, etc. Comme ce sont des mammifères, elles allaitent les jeunes. Elles ont encore assez d’énergie pour remonter vers nos eaux pour se nourrir. Quand elles remontent par ici, ce sont des machines à manger ! Là, elles ont besoin de se refaire de la graisse pour passer l’hiver suivant. Par contre, le plus gros problème, je crois, est celui des collisions. Des baleines sont massacrées : traces d’hélices sur le dos, la moitié de la queue coupée...

Collisions avec les bateaux, pollution, empêtrement dans les engins de pêche : les menaces qui pèsent sur les cétacés s’avèrent nombreuses, d’où l’intérêt d’établir des aires marines protégées dédiées à la préservation des mammifères marins. Aux Antilles, le sanctuaire Agoa est un début de réponse.

Visuel
: © Valentine Dubois

SAINTBARTHÉLEMY

LA MYGALE DE L’ÎLE PORTE ENFIN UN NOM !

bien connue deS habitantS de Saint-barth, cette mygale pré S ente S ur la petite île antillai S e de 21 km 2 po SS édait ju S que - là un S tatut incertain depuiS novembre 2024, une publication Scientifique lui attribue un nom : la mygale du banc d ’anguilla.

Une publication scientifique corédigée notamment par l’Association de recherche en arachnologie et l’Agence territoriale de l’environnement (ATE), vient de confirmer et rétablir le nom d’origine de cette araignée, attribué en 1894, mais qui avait entre-temps été rétrogradé comme synonyme d’une autre espèce fréquentant l’île d’Antigua.

UNE MYGALE RÉPUTÉE SANS DANGER POUR L’HOMME

Cette araignée, dont le corps atteint 5 centimètres de long, n’est pas agressive et son venin n’est pas considéré comme dangereux pour l’homme. « Si vous en croisez une chez vous, ne la tuez pas et remettez-là dans la nature », tel est le message que véhicule l’ATE de Saint-Barthélemy pour inciter à protéger l’espèce. Rédaction : Stéphanie Castre

La mygale du Banc d’Anguilla (Cyrtopholis antillana) est présente uniquement sur les îles de Saint-Barthélemy, Saint Martin et Anguilla.

(Urva auropunctata) s’introduisant dans un nid de ponte de tortue imbriquée à Saint-Martin. ©

SAINT-MARTIN ILLUSTRATION

DE L’IMPACT D’UNE

ESPÈCE NON-NATIVE SUR LA FAUNE MENACÉE

n on naturellement pré S ente S S ur l ’ île , la faune et la flore exotique S peuvent générer de S con S équence S dommageable S pour le S éco S yS tème S du territoire , en mettant notamment en péril de S e S pèce S indigène S déjà en danger d ’ extinction . c ette petite mangou S te indienne photographiée S ur un nid de ponte de tortue imbriquée e S t un exemple de ce phénomène

Si de nombreuses espèces endémiques des Caraïbes subissent aujourd’hui les impacts d’espèces exotiques envahissantes (EEE), « pour d’autres, plus largement présentes dans le monde, mais à statut de conservation préoccupant, c’est une phase clé de leur cycle de vie qui peut être menacée par la présence d’une EEE ou la divagation d’espèces domestiques en milieu naturel », relate la Réserve naturelle nationale de Saint-Martin. Tel est le cas de la tortue imbriquée, classée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) parmi les reptiles en danger critique d’extinction dans le monde, et dont les plages de Saint-Martin hébergent des sites de ponte. À titre d’exemple, « cette problématique récurrente et parmi les premières causes mondiales d’érosion de la biodiversité insulaire est ici illustrée par la présence d’une

mangouste indienne, venue tenter de consommer quelques œufs de cette tortue imbriquée encore en action de ponte sur notre littoral », poursuit la Réserve.

IRONIE DE L’HISTOIRE...

À la fin du XIXe siècle, la petite mangouste indienne avait été introduite par l’homme à Saint-Martin et dans les « îles à sucre » des Antilles pour lutter contre un invasif ravageur des plantations : le rat noir (Rattus rattus). Or, ce mammifère carnivore opportuniste s’attaquant aux reptiles, oiseaux, amphibiens... fait lui-même partie des espèces animales les plus envahissantes du globe.

Rédaction : Stéphanie Castre

Petite mangouste indienne
RNNSM
La tortue imbriquée (Eretmochelysimbricata) subit les attaques de la petite mangouste indienne, qui dévore ses œufs. © RNN de Saint-Martin

L’IFRECOR DÉVELOPPE LA CARTOGRAPHIE

AU SERVICE DES GESTIONNAIRES DE MILIEUX MARINS

l ’ i nitiative françai S e pour le S récif S corallien S ( ifrecor ) S ’ e S t fixé pour objectif de créer de S guide S méthodologique S de cartographie S thématique S – habitat S , u S age S , pre SS ion S –S ur le S milieux récifaux , à l ’ intention de S ge S tionnaire S dan S le S territoire S ultramarin S

Dans le cadre de son 5e programme national 20222026, l’IFRECOR articule ses actions autour de quatre grands axes stratégiques. Parmi eux, l’axe « connaître et comprendre pour mieux gérer » inclut le thème « classification et cartographie des habitats récifaux ». Il s’agit notamment de proposer aux gestionnaires et aux services de l’État des outils d’aide à la décision, parmi lesquels les cartes thématiques, qui représentent des types précis de données.

SIMPLIFIER LA COMPLEXITÉ DES MILIEUX

L’intérêt premier d’une carte est de représenter schématiquement, et en miniature, toute la complexité d’un territoire, pour faciliter sa compréhension et les prises de décisions. Les cartes d’habitat ou d’état de santé du milieu marin aident à caractériser l’écosystème étudié et, croisées avec des cartes des pressions et d’usages, à quantifier les impacts potentiels des activités humaines et les conflits d’usages s’y exerçant.

Améliorer, mobiliser et valoriser les connaissances sur la biodiversité est l’un des objectifs de PatriNat, centre national d’expertise et de données sur le patrimoine naturel. Depuis 2020, une nouvelle dynamique a été amorcée autour des typologies d’habitats marins dans les territoires d’outre-mer français. Elle provient d’une volonté d’améliorer les connaissances sur la biodiversité et notamment sur les habitats, à l’instar de ce qui a pu être réalisé pour l’Hexagone. De ce fait, l’IFRECOR œuvre depuis plusieurs années à la construction de typologies d’habitats marins et à la réalisation de cartes représentant ces habitats. Par exemple, la carte des habitats marins côtiers de Martinique (0 à -40 mètres) a été publiée en 2024, de même que la carte de l’ensemble des habitats marins côtiers – récifaux ou non – de La Réunion.

Le but recherché est de poursuivre l’élaboration de cartes d’habitats pour les collectivités d’outre-mer ne disposant pas de carte récente.

DES CARTES NORMALISÉES ET PARTAGÉES

La première phase de ce travail a consisté à publier un guide afin de proposer une méthode de production cartographique permettant aux acteurs des territoires de disposer d’outils communs et de cartes normalisées. S’il existe en effet de nombreuses manières de figurer spatialement un milieu naturel, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, il est nécessaire de disposer d’une méthodologie robuste, éprouvée, et surtout partagée à l’échelle d’un territoire – et plus largement au niveau mondial – pour servir de support aux échanges entre les différents acteurs.

Les travaux de l’IFRECOR portent aujourd’hui sur le stockage des cartes au format SIG pour qu’elles puissent être partagées et réutilisées librement dans les territoires ultramarins, grâce au portail Sextrant 1 Gérée par l’Ifremer, Sextant est une Infrastructure de données géographiques (IDG) marines et littorales conçu pour « documenter, diffuser et promouvoir un catalogue de données relevant du milieu marin ».

INTERVIEW CROISÉE

JEAN-BENOÎT NICET, EXPERT EN ENVIRONNEMENT MARIN, COFONDATEUR DU GIE MAREX, ET SÉBASTIEN GRÉAUX, DIRECTEUR DE L’AGENCE TERRITORIALE DE L’ENVIRONNEMENT (ATE) DE SAINT-BARTHÉLEMY

• La cartographie est-elle un outil efficace pour protéger nos territoires ?

Jean-Benoît Nicet - Je dirais même que c’est un outil indispensable ! On observe, en outre-mer, de plus en plus d’interactions en milieu marin. Il me semble difficile de se passer de cartes qui représentent les habitats, les usages – que sont la pêche, les loisirs ou le commerce – mais aussi les pressions issues des bassins versants, car c’est en croisant toutes ces informations que les décideurs pourront prendre les meilleures décisions possibles pour leurs territoires.

Sébastien Gréaux - De notre point de vue de gestionnaire de la Réserve naturelle de Saint-Barthélemy, nous avons besoin de l’outil cartographique dans notre travail au quotidien. Nous nous en servons par exemple pour suivre la progression de certaines espèces exotiques envahissantes, comme Halophila stipulacea, en concurrence avec nos herbiers natifs. Grâce aux cartes, nous pouvons aussi déterminer les zones à plus forts enjeux et imaginer des réglementations particulières pour y garantir une protection spécifique.

• Les cartes peuvent-elles prendre en compte les impacts du changement climatique ?

Jean-Benoît Nicet - Au-delà de la cartographie des habitats marins, l’IFRECOR va concevoir en 2025 un guide méthodologique qui facilitera la production de cartes dans le cadre d’études d’impact, pour de futurs projets d’aménagement en particulier.

Ces cartes croiseront plusieurs données : l’intensité de la pression sur le milieu marin et son étendue spatiale, les enjeux propres à l’écosystème tels que la sensibilité de l’habitat... L’impact du changement climatique pourrait être représenté sur ces cartes et servir à anticiper ses effets potentiels sur les territoires.

Sébastien Gréaux - Pour vous donner un exemple, après le passage du cyclone Irma en 2017, nous avons dû désensabler en urgence le port afin de permettre aux secours d’arriver. La Collectivité de Saint-Barthélemy nous a sollicités pour définir une zone où reverser le sable pompé. Grâce à la cartographie des habitats, nous avons pu rapidement déterminer l’endroit où l’impact serait moindre pour le milieu marin. Les cartes ont vraiment été un outil crucial à la suite de cet événement climatique.

+ d’info ici : Guide pour les gestionnaires

Ci-dessus : aperçu de la carte des habitats de Saint-Barthélemy (EDS 2020) montrant les zones sédimentaires, mangroves, herbiers, etc.

CONCLUSIONS DE LA RÉUNION DU COMITÉ NATIONAL DE L’IFRECOR

La 16 e réunion du comité national de l’IFRECOR, qui élabore notamment le programme d’actions national et en assure le suivi, s’est tenue du 19 au 21 novembre 2024 au ministère des Outre-mer, à Paris. Ce comité a été l’occasion de faire un point d’étape à mi-parcours sur le 5 e programme national et de valider le premier bureau de l’IFRECOR composé de représentants de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Saint-Barthélemy.

Rédaction et interview
:
Lucie Labbouz

MARTINIQUE

CARAÏBÉDITIONS, ÉDITEUR ULTRAMARIN ENGAGÉ POUR

L’ENVIRONNEMENT

Ci-dessus : extrait de l’album Ti Racoun et les sargasses. Caraïbéditions couvre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion.

c araïbédition S , mai S on d ’ édition fondée aux a ntille S , publie depui S prè S de 20 an S de S ouvrage S en lien avec leS territoireS ultramarinS. conSciente de la néceSSité de protéger leur biodiverSité, elle a créé le label lapom, « livreS pour apprendre à protéger l ’outre-mer ».

UNE DÉMARCHE ENGAGÉE DEPUIS

LA CONCEPTION…

S’il existait des brochures, livrets documentaires ou autres mallettes et outils pédagogiques traitant de sujets environnementaux locaux, il n’y avait pas, aux Antilles-Guyane, de collection éditoriale dédiée proposant des albums, romans ou essais qui associent la lecture à la sensibilisation à l’environnement. Soucieux de participer à l’éducation au développement durable par la lecture, Caraïbéditions a souhaité proposer aux enfants ultramarins des livres qui leur ressemblent, afin de mieux les sensibiliser à la protection des milieux naturels.

C’est dans cet esprit que le label LAPOM, « Livres pour Apprendre à Protéger l’Outre-Mer », est né : quand le thème d’un ouvrage – album, roman, pièce de théâtre... – de littérature jeunesse ou adulte entrera en résonance avec l’écologie, le logo du label sera apposé sur sa couverture, pour signifier au lecteur qu’une attention particulière est portée à la question de l’environnement.

… JUSQU’AU PROCESSUS DE FABRICATION DES OUVRAGES

En cohérence avec ce nouveau label, la production des ouvrages de Caraïbéditions se veut respectueuse de l’environnement. Ainsi, l’imprimeur lié à la maison d’édition plante un arbre pour chaque titre imprimé

et dispose d’une certification garantissant que les livres sont fabriqués avec des encres écologiques sur des papiers recyclés ou issus de forêts gérées durablement.

Le label LAPOM représentera ainsi un repère dans le monde de l’édition ultramarine pour identifier les livres évoquant la protection de la planète en outremer, issus d’une production écoresponsable.

LE MOT DE FLORENT CHARBONNIER, CRÉATEUR ET DIRECTEUR DE CARAÏBÉDITIONS

« Puisque nous pensons que tout le monde est concerné et que c’est par les enfants que le monde de demain sera préservé, nous avons décidé de publier des ouvrages jeunesse traitant d’écologie.

Loin de tout alarmisme et de toute leçon de morale, nous pensons que chacun peut être acteur, que chaque petite main peut faire quelque chose, et il faut pour cela commencer par connaître, savoir, comprendre. C’est notre part du colibri que d’instruire, en espérant que chaque ouvrage, à son tour, motivera des colibris et, qu’au bout du compte, on se rapprochera de la part du pélican ! »

+ d’info ici : https://www.caraibeditions.fr/

INTERVIEW

JADE AMORY, ILLUSTRATRICE

DES OUVRAGES DE LA COLLECTION

« LES PETITS HÉROS DE LA PLANÈTE », PUBLIÉS CHEZ CARAÏBÉDITIONS

• Quelle est cette nouvelle collection ?

- Il s’agit de livres pour tout-petits, où les enfants participent à la lecture avec les parents. À chaque page, ils ont une action à faire qui impacte l’image, l’histoire et l’environnement de manière plus large. L’histoire reste avant tout l’épopée d’un héros ou d’une héroïne qui part à l’aventure en mer, en forêt, dans la mangrove, mais ces petits livres à tirettes permettent également de sensibiliser les plus petits et de leur montrer qu’ils peuvent avoir un impact positif sur la planète, dès le plus jeune âge.

• Pour vous, la littérature peut-elle effectivement « Apprendre à Protéger » ?

- Bien sûr ! La lecture peut être un véritable vecteur de changement, surtout auprès du très jeune public. Les livres édités sous le label LAPOM informent sur l’environnement, de manière ludique, avant même que l’enfant ne se questionne. En grandissant, il aura déjà en lui des valeurs environnementales fortes et pourra porter les actions nécessaires pour protéger la nature. Je pense que, par les gestes du quotidien, chacun peut agir dans la bonne direction. Cela aura un vrai impact si tout le monde s’engage. Pour moi, lire des ouvrages qui parlent de protection de l’environnement aux plus petits fait pleinement partie de ces écogestes !

Rédaction et interview : Lucie Labbouz
En haut : la collection « Noémie » présente de courtes histoires locales pour s’immerger dans les trésors naturels des Antilles françaises.
| Ci-dessus : aperçu d’une double page de l’album Embarque avec Aaron, écrit par Delphine-Laure Thiriet et illustré par Jade Amory.
En haut : aperçu du livre Ti Racoun et les Sargasses. | Ci-dessus : la pièce Sous les plastiques, la mer de notre rédactrice Lucie Labbouz, « a vocation à être jouée par une quinzaine de jeunes, une façon de les amener à s’engager pour protéger encore mieux le milieu marin ».

RÉTABLIR LE BON ÉTAT DES EAUX

EN MARTINIQUE : COMBIEN ÇA COÛTE ?

e n m artinique , on e S time aujourd ’ hui qu ’ environ deux tier S de S rivière S et de S eaux

littorale S S urveillée S par l ’ o ffice de l ’ e au ( ode ) ne S ont pa S en bon état écologique . q uel coût repré S enterait la re S tauration d ’ un état de S eaux S ati S fai S ant S ur l ’ île ?

COCONSTRUIRE LA POLITIQUE DE L’EAU AVEC TOUS LES ACTEURS

Le bon état des masses d’eau est un objectif général, fixé par la directive-cadre sur l’eau (DCE), qui harmonise la réglementation européenne en matière de gestion de l’eau. La DCE impose une gestion de la ressource par bassin hydrographique, avec des cycles de planification de six ans.

En France, le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) est le document permettant cette gestion à l’échelle du territoire. Le 3e cycle de planification du SDAGE (2022-2027) arrivant actuellement à mi-parcours, un diagnostic environnemental et économique – appelé état des lieux –doit être réalisé. Il s’agit d’évaluer l’état des rivières, des eaux souterraines et littorales, mais également d’inventorier les usages de l’eau, les pressions et l’impact sur les milieux aquatiques.

Cette politique est élaborée collégialement avec les gestionnaires, les professionnels, les élus et les usagers. L’ODE Martinique réunit ainsi les acteurs de l’eau lors de séminaires de coconstruction du SDAGE.

MOBILISER L’EXPERTISE LOCALE

PAR DES ATELIERS PARTICIPATIFS

Le séminaire organisé le 14 novembre 2024 a réuni une soixantaine d’experts locaux sur ce thème : évaluer le coût engagé pour remettre en bon état les milieux aquatiques. Il s’agissait de chiffrer les actions améliorant directement ou indirectement l’état des masses d’eau.

En introduction des échanges, la rencontre a débuté par une présentation de l’état qualitatif des eaux en Martinique, le bilan financier des actions identifiées attenantes au SDAGE, ainsi que par la caractérisation des pressions et des usages anthropiques de la ressource en eau. Un format d’atelier expérimental, initié par l’Institut des Ressources Environnementales et du Développement Durable (IREEDD), bureau d’études d’analyse économique spécialiste de l’eau, a été privilégié pour mobiliser activement les acteurs.

Au cours de trois ateliers thématiques, les participants ont partagé leur expertise technique et économique pour un objectif commun : cibler et chiffrer les actions de l’amélioration de l’état des eaux.

Cette carte de 2024 ne montre aucune masse d’eau cours d’eau (MECE) en très bon état, 15 % sont en bon état, 40 % en état moyen, 25 % en état médiocre et 10 % en mauvais état.

MAIS AU FAIT, COMMENT

DÉFINIT-ON UNE MASSE D’EAU ?

Portion de cours d’eau, canal, aquifère, plan d’eau ou zone côtière homogène, la masse d’eau, artificielle ou non, est le découpage élémentaire des milieux aquatiques destiné à représenter l’unité d’évaluation de la directive-cadre sur l’eau.

CETTE DÉMARCHE AMBITIEUSE ET INTERACTIVE A ÉTÉ FRUCTUEUSE. UN RICHE MOMENT D’ÉCHANGES ENTRE ACTEURS DE L’EAU, À RENOUVELER !

+ d’info ici : Retour sur les ateliers du séminaire

Rédaction : Mathilde
Edmond-Mariette
Minoton /
ODE
Martinique

LES PREMIÈRES ASSISES DE L’EAU

ET DE L’ASSAINISSEMENT ORGANISÉES EN OUTRE-MER

l ’ événement a eu lieu à S choelcher en m artinique , du 26 au 28 novembre 2024. i n S crit danS le cadre du plan eau dom 1 , il a eu vocation à aborder leS défiS SpécifiqueS rencontréS au S ein de S territoire S ultramarin S , en matière de ge S tion de l ’ eau et de l ’ a SS aini SS ement .

UN RENDEZ-VOUS SPÉCIALEMENT

DÉDIÉ AUX OUTRE-MER

Durant trois jours rythmés par des tables rondes, conférences, ateliers thématiques et visites de terrain, ces assises accueillies au Palais des Congrès de Madiana ont réuni les acteurs ultramarins de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans un contexte de changement climatique d’autant plus marquant pour les outre-mer, notamment du fait de leur caractère principalement insulaire.

Cet événement, qui a rencontré un vif succès, découle du Plan eau DOM, initiative phare pour améliorer durablement la gestion des services publics d’eau potable et d’assainissement en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Martin, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte et, depuis 2024, à Saint-Pierre-et-Miquelon.

UN PLAN EAU DOM POUR AMÉLIORER LE SERVICE RENDU AUX USAGERS

Dans les territoires d’outre-mer, les services publics d’eau potable et d’assainissement sont confrontés à des difficultés spécifiques qui constituent des freins au développement social, économique et sanitaire et à la préservation de la biodiversité.

Si les plans d’urgence menés par le Gouvernement peuvent répondre aux situations de crise causées par des événements climatiques extrêmes, le Plan eau DOM, lancé en 2016 pour une période de 10 ans, accompagne les acteurs de l’eau sur le long terme dans leur intervention indispensable. Cet accompagnement se traduit notamment par un soutien aux collectivités d’outre-mer en matière de renforcement de leurs capacités techniques et financières.

+ d’info ici : Les assises de l’eau et de l’assainissement en outre-mer

INTERVIEW

INTERMINISTÉRIEL DU PLAN EAU DOM AU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, DE LA BIODIVERSITÉ, DE LA FORÊT, DE LA MER

ET DE LA PÊCHE

• En quoi cet événement organisé en Martinique a-t-il eu un aspect inédit ?

- Tout d’abord, c’est la première fois qu’une telle rencontre traitant de l’eau et de l’assainissement a lieu en outre-mer et qu’elle réunit des participants d’origines différentes : élus, experts, Offices de l’eau, État et ses opérateurs, universitaires, associations…

C’est tout l’écosystème d’acteurs de l’eau dans les outre-mer, dont nous avons besoin pour mettre en place une politique publique de l’eau fonctionnelle, qui s’est mobilisé pour ces Assises !

Cela est une grande satisfaction d’avoir pu croiser ces regards divers, et d’avoir ainsi permis une transversalité entre les acteurs de l’eau et les territoires.

• Quelles perspectives d’avenir ces assises ontelles ouvertes en outre-mer ?

- De nombreuses idées ont émergé des débats et des tables rondes, et nous sommes en train de préparer un recueil de propositions issues de ces Assises. Ce recueil sera partagé, puis intégré à la feuille de route du Plan eau DOM. Il guidera les actions à venir pour les prochaines années. Nous allons ainsi travailler sur des thématiques particulières, telles que l’ancrage des compétences dans les territoires ou le partage des retours d’expériences positives.

En abordant ces sujets plus vastes que la question des infrastructures et en intégrant tous les enjeux liés à l’eau, nous souhaitons insuffler le changement de paradigme indispensable à la mise en œuvre d’une vraie politique publique de l’eau au service des citoyens et respectueuse de l’environnement.

La station d’épuration Leblond à Cayenne, première de ce type en Guyane, est une station dite biologique
boues

TERRA-KERA

GUADELOUPE

1 , UNE PASSION POUR LA BIODIVERSITÉ DE L’ARCHIPEL

Rédaction et interview : Lucie Labbouz

a moureux de la g uadeloupe et de S a biodiver S ité exceptionnelle , m ike h élion e S t un botani S te pa SS ionné qui intervient dan S de nombreux domaine S lié S à la flore : inventaire S ou S uivi S botanique S , étude S d ’ impact , formation de S profe SS ionnel S , S en S ibili S ation et S ortie S grand public … r encontre avec un amoureux de la flore guadeloupéenne .

INTERVIEW

• Comment en êtes-vous arrivé à créer Terra-Kera, entreprise qui vous permet d’être écologue généraliste indépendant en Guadeloupe ?

- J’ai su très tôt, au collège, lors de mes premiers cours de SVT, que je me consacrerais plus tard à l’étude ou à la protection de la nature. J’ai réalisé mon stage de master (Biodiversité végétale et Gestion des écosystèmes tropicaux) ici, en Guadeloupe, où j’ai eu l’occasion d’étudier le cactus tête à l’Anglais (Melocactus intortus). Ce fut mon premier contact (piquant) avec la flore de l’archipel. J’ai continué à me passionner pour les plantes sur mon temps libre, en parallèle d’un travail sur les milieux marins.

Puis, j’ai finalement réalisé que je ce que je voulais, c’était travailler à l’étude et à la préservation des plantes guadeloupéennes. C’est ainsi que Terra-Kera 1 a vu le jour début 2021 ! Je m’embarquais alors pour une aventure de plus de 3 000 espèces à chercher, reconnaître, photographier, comprendre…

En haut : « À l’inverse des gros plans, une vue d’ensemble permet aussi de capter toute la beauté d’un milieu ! Ici, les crêtes de la BasseTerre vues depuis la Soufrière par un matin dégagé. » © Mike Hélion / TK | 1 Karukera : nom de la Guadeloupe donné par les Kalinagos.

En partenariat avec le Pôle-relais zones humides tropicales (PRZHT), découverte de la flore de l’aire marine

François, à Baillif. | Terra-Kera approvisionne en graines d’espèces indigènes deux pépinières de Baie-Mahault. | Un inventaire de la flore vasculaire est en cours jusqu’en mai 2025 dans la Réserve naturelle nationale de la Désirade. | Cactus tête à l’Anglais aux Saintes.

• Parmis vos différents projets en Guadeloupe, pouvez-vous nous en présenter certains que vous avez particulièrement appréciés ?

- Ce que je fais est très large, mais toujours dans le domaine des plantes. Je peux être appelé pour réaliser des inventaires naturalistes purs en un milieu naturel, comme être amené à faire des études d’impact pour de futurs projets d’aménagement, afin de minimiser les conséquences de ces projets sur les milieux.

En 2023, j’ai également mené des actions de formation auprès d’agents du Parc national de la Guadeloupe, pour leur apporter une connaissance générale en matière de botanique.

Ce que j’aime aussi beaucoup, c’est la sensibilisation auprès du grand public. J’ai eu l’occasion d’organiser des visites autour de la biodiversité ordinaire, dans le cadre des Atlas de la biodiversité communale (ABC) de différentes municipalités. Et j’organise à mon compte des visites en milieu naturel le weekend. Ce sont toujours des moments d’échange très riches, notamment quand des Guadeloupéens participent à ces sorties nature, et qu’ils m’apprennent des noms de plantes en créole ou des usages que je ne connaissais pas. Les balades durent deux à trois heures, mais je pourrais parler de plantes pendant des jours sans m’arrêter !

« AU TRAVERS DE MON TRAVAIL, JE FAIS DE MON MIEUX POUR PRÉSERVER CE PETIT COIN DE PARADIS ET LUI RENDRE TOUT CE QU’IL M’OFFRE »

• Comment avez-vous réussi à développer votre entreprise dans le domaine de l’environnement ?

- Mes trois premières années n’ont pas toujours été évidentes, comme pour toute entreprise, mais j’ai aujourd’hui un agenda 2025 déjà quasiment rempli ! Il faut dire que la biodiversité de Guadeloupe est exceptionnelle, pour un « si petit » territoire. Une conséquence de cette richesse est qu’il y a encore beaucoup à faire dans le domaine environnemental. Des taxons comme les champignons, les lichens ou certains groupes d’insectes sont à étudier. Et les interactions entre les plantes et les autres êtres vivants restent à comprendre pour la plupart. Il y a donc encore beaucoup à faire, tout en poursuivant les actions de préservation, de restauration et de sensibilisation. L’enjeu est que nous puissions continuer à profiter de cette nature luxuriante et à nous émerveiller de la chance que nous avons, en Guadeloupe, de vivre chaque jour au contact de cette biodiversité !

+ d’info ici : https://terrakera.tk/

éducative (AME) de Gros-
Photographies
Hélion
L’iguane des Petites-Antilles (Iguana delicatissima) est en danger critique d’extinction. | Miconia angustifolia appartient aux spermatocytes –ou plantes à graines – groupe représenté par environ 2 500 espèces en Guadeloupe. Les reconnaître constitue la base du travail de Mike Hélion.
Photographies
L’algue bulle dépolie (Dyctosphaeria cavernosa), une espèce envahissante. |Libellule mâle d’altitude (Rhionaeshna psilus). | En Guadeloupe, les fougères sont présentes des falaises sèches en bord de mer (comme ici, Pityrogramma chrysophylla) jusqu’au sommet de la Soufrière.

INTERCO’ OUTRE-MER, PARTENAIRE DE L’ANEL, DONT LE 43E CONGRÈS A PORTÉ SUR LES OUTRE-MER

du 2 au 6 décembre, la guadeloupe accueillait la 43e édition du congrèS annuel de l ’anel, qui a miS en lumière leS défiS SpécifiqueS aux outre-mer : préServation de la biodiverSité, impactS du changement climatique S ur le S littoraux , développement durable adapté aux contexte S in S ulaire S r etour S ur cet événement auquel i nterco ’ o utre - mer a activement participé

« Les Outre-mer en première ligne », tel était l’intitulé du programme de ce congrès qui s’est tenu au Gosier durant cinq jours pour y réunir élus, experts et acteurs du littoral afin d’échanger autour des grands enjeux qui façonnent l’avenir des territoires littoraux. L’ANEL, qui avait déjà tenu en 2017 son congrès annuel à La Réunion, affirme ainsi sa volonté de mettre à l’honneur les outre-mer dans le cadre de cet événement qui s’est distingué par la richesse et la diversité des thématiques abordées (retrouver ICI la programmation).

UNE MOBILISATION REMARQUÉE

L’importance des enjeux littoraux dans les outre-mer, ces refuges de biodiversité situés aux avant-postes des défis climatiques, explique la présence au congrès de Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la Mer et de la Pêche, du directeur général des Outre-mer, du commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, mais aussi la venue de nombreux élus des littoraux de l’Hexagone et des territoires ultramarins.

TÉMOIGNAGES

PRÉSIDENT DE L’ANEL ET MAIRE DES SABLES D’OLONNE

« Nos territoires ultramarins, joyaux de biodiversité et vigies avancées face aux défis climatiques, ont été au cœur de notre engagement cette année. Les outre-mer sont confrontés aux premiers effets du changement climatique : montée des eaux, érosion côtière et menaces sur les écosystèmes marins.

Pourtant, ces territoires sont aussi des laboratoires d’innovation, où se dessinent les solutions de demain pour faire face à ces bouleversements globaux. Ce congrès en Guadeloupe a fourni une occasion de partager des expériences, de débattre des meilleures pratiques et de tracer tous ensemble des pistes pour renforcer la résilience de nos littoraux. »

LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, PRÉSIDENTE D’INTERCO’ OUTRE-MER

« Tout au long du congrès, les participants ont contribué à construire des actions concrètes pour préserver et valoriser les atouts naturels et économiques de nos outre-mer. Je suis intervenue notamment sur la table ronde 3, pour mettre en avant la résilience et la créativité des territoires ultramarins, tout en insistant sur la nécessité d’un accompagnement renforcé par des politiques publiques adaptées et des mécanismes de financement ciblés. J’ai aussi rappelé que les savoir-faire traditionnels des outre-mer sont une ressource précieuse pour réinventer le lien entre développement et nature. Interco’ Outre-mer s’est fortement mobilisée, en particulier lors des ateliers et de la table ronde évoqués ci-après. »

ATELIER 1 : COMMENT FAIRE DE LA LOI

LITTORAL UN LEVIER ET NON UN FREIN ?

L’essence même de la loi Littoral est reconnue comme positive et nécessaire à la préservation des écosystèmes sensibles. Cependant, les discussions durant l’atelier ont permis d’identifier les freins concrets rencontrés par les collectivités dans l’application de cette loi, liés notamment à des interprétations variables et à des blocages administratifs. Des pistes ont été explorées pour adapter les outils juridiques et les démarches, tels que des dispositifs spécifiques tenant compte des réalités locales, afin de transformer ces contraintes en opportunités.

« Le groupe de travail sur la loi Littoral, conduit par l’ANEL et Interco’ Outre-mer, a émis des recommandations, notamment pour clarifier les concepts de la loi et moderniser son application. L’importance de mobiliser tous les acteurs (collectivités, État, acteurs économiques, citoyens...) autour d’une gestion concertée et durable des espaces littoraux, au bénéfice des territoires ultramarins et hexagonaux, a également été confirmée », souligne Eugène Larcher, vice-président d’Interco’ Outre-mer et maire de Les Anses d’Arlet.

ATELIER 2 : DÉFAUT D’ASSURABILITÉ DES COMMUNES : LA VULNÉRABILITÉ

DES COLLECTIVITÉS LOCALES EST-ELLE IRRÉMÉDIABLE ?

Cet atelier s’est consacré aux problématiques d’assurabilité des collectivités locales face à l’aggravation des risques naturels, avec un focus sur les outre-mer. Joseph Peraste, maire du Marigot et membre du bureau d’Interco’ Outre-mer, a notamment déclaré : « Les collectivités locales sont de plus en plus exposées à des événements climatiques et naturels imprévisibles et dévastateurs. Cette réalité engendre de nouveaux défis dans leurs relations avec les assureurs : difficultés de contractualisation, résiliations unilatérales, retards dans les expertises et indemnisations, hausse significative des primes d’assurance. Par ailleurs, ce sujet soulève des interrogations sur les impacts du changement climatique, la gestion et l’entretien des biens, les stratégies de prévention des risques, la capacité financière des collectivités à y faire face, le cadre législatif des contrats d’assurance, et la structuration du marché de l’assurance pour répondre à ces enjeux. »

TABLE RONDE 3 : LES OUTRE-MER EN 1ÈRE LIGNE POUR UN DÉVELOPPEMENT

DURABLE EN SYMBIOSE AVEC LA NATURE

Face aux défis environnementaux, les outre-mer jouent un rôle pionnier dans la recherche de solutions innovantes. Laboratoires vivants, ils expérimentent des approches originales, comme la gestion des sargasses, la protection des tortues marines ou encore le développement des énergies renouvelables, démontrant ainsi qu’il est possible de concilier le développement économique et la préservation de la biodiversité. Les intervenants ont souligné l’importance de partager ces initiatives exemplaires, qui peuvent inspirer d’autres territoires littoraux, en France hexagonale et à l’international.

Rédaction
Caroline Cunisse
Stéphanie Castre

GUYANE

SÉCHERESSE EN GUYANE : QUEL AVENIR CLIMATIQUE ?

b ai SS e de la pluviométrie , hau SS e de S température S , effacement du « petit été » de mar S ... a lor S que la g uyane connaît une S échere SS e hi S torique , à quoi faut - il S ’ attendre dan S le S prochaine S année S , avec le dérèglement climatique ?

Jamais le niveau d’étiage des cours d’eau guyanais n’avait été si bas en saison sèche. La situation est si critique qu’il est presque impossible de relier les communes les plus en amont des fleuves en pirogue.

Le 29 octobre, la préfecture a même déclenché un plan Orsec Eau afin d’assurer, via un pont aérien, le ravitaillement des communes isolées, où les fleuves font normalement office de route, comme Maripasoula, Papaïchton, Grand-Santi ou Camopi.

Cette situation exceptionnelle est la conséquence de 18 mois de déficit hydrique – à l’exception de mai 2024 – et de températures anormalement hautes. Sur les 10 premiers mois de 2024, le cumul de pluie a été inférieur à la normale de 16 % et l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis 1968.

Les températures de l’an dernier ont été de 0,2 ° C au-dessus de la moyenne de 2023, année qui avait déjà marqué un record de chaleur historique, selon les relevés de Météo-France.

LE RAPPORT GUYACLIMAT

L’intensité historique de cette sécheresse est avant tout liée au phénomène océanique El Niño, qui s’est terminé en août, mais dont les effets restent perceptibles. Toutefois, le dérèglement climatique agit en toile de fond en intensifiant, comme sur le reste de la planète, les épisodes extrêmes.

« Actuellement, on parle de phénomène extrême, mais ces sécheresses vont devenir de plus en plus normales à mesure que les conséquences du dérèglement climatique vont se faire sentir », confirme Jérémy Lepesqueur, météorologue spécialiste du climat des Antilles et de la Guyane.

À en croire les résultats de l’étude GuyaClimat, publiée en 2022, qui modélise les impacts locaux du changement climatique, la Guyane, à l’instar du reste du bassin amazonien, va connaître un « déplacement de la Zone de convergence intertropicale (ZCIT) au sud de l’équateur, lors du premier trimestre 2025 »,

En haut de page : à la fin de l’année 2024, le niveau historiquement bas du Maroni a placé les habitants des communes les plus en amont du fleuve dans une situation d’enclavement inédit, avec l’arrêt des approvisionnements par transport fluvial. © Enzo Dubesset

Le transport en pirogue entravé par la sécheresse. © Enzo Dubesset | Températures moyennes en Guyane de 1991 à 2020 (en bleu), puis en 2023 (jaune) et 2024 (rouge). | Aperçu, en saison sèche, de la bande littorale sans nuages (en noir) sous influence de la brise de mer.

ce qui se traduira par une « réduction des précipitations » alors même que cette période de l’année coïncide avec la saison des pluies. « Selon les scénarios, il faut s’attendre à une baisse de pluviométrie de l’ordre de 15 à 25% par rapport à la moyenne des années 1980-2014, ce qui est vraiment significatif », prédit le météorologue.

La variabilité des années, plus ou moins pluvieuses en fonction de l’influence d’El Niño ou de la Niña, va, elle aussi, s’atténuer, avec en conséquence une tendance globale à l’assèchement de la Guyane. Le « petit été » de mars qui, selon de nombreux agriculteurs guyanais, a déjà presque disparu, deviendra une forme de petite saison sèche.

UN RISQUE D’HYPERTHERMIE

Enfin, les températures minimales augmenteront en Guyane de 2,5 à 4,5 ° C à l’horizon 2100, en fonction des scénarios SSP2 (émissions de CO 2 contenues, scénario considéré comme le plus probable) ou SSP5 (hausse des émissions due à une dépendance aux combustibles fossiles) du GIEC. Un phénomène qui augmentera le nombre de « nuits chaudes », ces nuits où la température reste trop élevée pour permettre la bonne régulation du corps humain.

« La principale conséquence, c’est le risque de multiplication des cas d’hyperthermie, notamment pour les sportifs ou les personnes travaillant en extérieur. À terme, une adaptation des modes de vie devra s’opérer pour limiter les efforts physiques lors des heures les plus chaudes de la journée », analyse Jérémy Lepesqueur.

Outre les sécheresses qui demandent de repenser les transports, l’agriculture ou encore l’approvisionnement en eau potable de régions entières, le dérèglement climatique exposera également la Guyane à d’autres phénomènes extrêmes.

Parmi ces derniers, les pluies cinquantennales, qui désignent des pluies tropicales dont l’intensité est telle que leurs débits ont la probabilité d’être atteints en moyenne tous les 50 ans, risquent par exemple d’être plus sévères à l’avenir, avec un risque accru d’inondations.

Enfin, la montée globale du niveau de la mer – de 0,24 à 0,28 mètre d’ici 2050 – expose les côtes guyanaises, déjà très basses, et certaines agglomérations à l’érosion du littoral, au risque de submersions marines en cas de grandes marées.

Rédaction : Enzo Dubesset

Graphique et image satellite
2024)
Météo-France
Commune du Haut-Maroni isolée à l’ouest de la Guyane, comptant 11 000 habitants, Maripasoula a beaucoup souffert de la sécheresse historique de 2024. Depuis le quasi-arrêt du transport fluvial fin octobre, l’approvisionnement par avion des produits de première nécessité
s’est avéré très onéreux. C’est pourquoi une dizaine de restaurateurs, un boulanger et un agriculteur de la commune se sont associés, fin novembre, pour regrouper leurs commandes de marchandises depuis Cayenne et ainsi bénéficier de prix plus avantageux. © Enzo Dubesset

LA MOBILISATION CITOYENNE ANIMÉE PAR

LES AGENCES RÉGIONALES DE LA BIODIVERSITÉ

a vec la création de S a gence S régionale S de la biodiver S ité , le S r égion S , l ’ ofb et l ’ é tat font le pari de S territoire S . e n outre - mer , deux arb exi S tent à ce jour : en g uadeloupe , depui S 2021, et à l a r éunion , depui S 2023. Z oom S ur deux action S portée S par ce S jeune S S tructure S , qui encouragent la mobili S ation collective au S ervice de la biodiver S ité

Les ARB jouent un rôle de catalyseur des énergies et des compétences territoriales. Elles impulsent une dynamique partenariale collaborative pour généraliser, au plus près du terrain, les bonnes pratiques de préservation et de restauration des milieux naturels.

UNE DYNAMIQUE PARTENARIALE

Les Agences régionales de la biodiversité associent l’ensemble des acteurs locaux volontaires – collectivités, associations, acteurs socioéconomiques, citoyens –pour lutter contre l’érosion de la biodiversité. Elles sont créées à l’initiative de la Région et de l’OFB, présent dans les territoires via ses directions régionales ou la direction des outre-mer, et sont en lien avec les services de l’État en régions et tous les acteurs concernés. Ce maillage local permet de déployer des actions conjointes et vient renforcer l’efficacité des politiques publiques. Les ARB ont ainsi vocation à optimiser les projets dans les territoires et à les démultiplier grâce à une meilleure efficience des moyens et des acteurs.

LES ARB, DES STRUCTURES MULTIFORMES ET INNOVANTES

La raison d’être des ARB et de leurs missions repose sur une démarche adaptée à la réalité et aux enjeux de chacun des territoires.

Les ARB s’appuient sur une diversité des formes de coopération – en termes de statut, de choix des partenaires et de champ d’action – et sur des dynamiques locales existantes. Elles encouragent chaque acteur à apporter sa contribution aux politiques publiques de reconquête de la biodiversité et elles sont le berceau d’idées et de compétences, d’outils et de savoir-faire, de capacités d’action mutualisées.

TROIS MISSIONS : COORDONNER, ANIMER ET SENSIBILISER

Au travers des ARB, les partenaires construisent un plan d’actions à l’échelle de leur territoire et en faveur de la biodiversité, qui vise à :

• Piloter des stratégies et mettre en cohérence des politiques publiques, comme par exemple la stratégie régionale pour la biodiversité, la territorialisation de la stratégie pour les aires protégées 2030, la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser »...

• Animer des réseaux d’acteurs, avec un guichet unique pour l’accès aux fonds, un réseau régional des gestionnaires d’espaces naturels ; aider et appuyer les porteurs de projets en faveur de la biodiversité...

• Informer, sensibiliser et mobiliser en ce qui concerne les aires marines et terrestres éducatives, la formation des élus, lors d’événements grand public...

• Améliorer la connaissance et sa diffusion via une stratégie régionale de la connaissance, la collecte et la gestion des données, l’observatoire régional de la biodiversité, les sciences participatives…

Utiliser des foyers déjà existants, pour réduire l’impact sur la végétation et éviter l’érosion des sols. © ARB île de La Réunion

« ZÉRO DÉCHET » SUR LES AIRES DE PIQUE-NIQUE À LA RÉUNION

Le 8 décembre, l’ARB de l’île de La Réunion lançait avec le soutien de la Région et de nombreux partenaires la première édition de Gayar Pik Nik. Gratuit et ouvert à tous, l’événement s’est tenu simultanément sur six sites emblématiques de pique-nique, répartis entre littoral et forêt : Bras-Panon, Maïdo, Saint-Leu, Bébour, le Brûlé et Grande Anse. Les pratiques écoresponsables y ont été encouragées dans une ambiance conviviale : ne pas casser de bois sur place, utiliser les foyers mis à disposition et des couverts non jetables, respecter la tranquillité des oiseaux, emporter avec soi ses déchets... Au Maïdo, les discussions ont ainsi porté sur les espèces invasives et endémiques, sur les risques de feux de forêt. À Bébour, des ateliers ont été consacrés aux oiseaux de La Réunion, tandis qu’à Saint-Leu le focus a été fait sur les récifs coralliens, la ponte des tortues, la végétalisation des plages...

Karine Pothin, directrice de l’ARB de l’île de La Réunion, témoigne : « Entre ateliers pratiques pour apprendre à réduire ses déchets, quizz, jeux interactifs pour petits et grands et lots à gagner, cette journée de pique-nique dominicale a donné lieu à de beaux moments de partage entre citoyens de toutes classes d’âge. Un “rond causé” a même été organisé avec des personnes âgées grâce à l’association Partaz’ Lokal !

Gayar Pik Nik a très bien fonctionné. Il est important que nous allions vers le public, car si c’est lui qui vient à notre rencontre, par exemple dans le cadre de foires, nous attirons alors des visiteurs qui sont très souvent déjà convaincus. Nous devons rallier à la cause de la biodiversité un public nouveau. Pour cela, le prochain Gayar Pik Nik devrait avoir lieu dès juin 2025, sur six autres sites littoraux et forestiers de l’île. »

DES ANIMATIONS SCOLAIRES

AUTOUR DE LA PLANÈTE REVISITÉE DES ÎLES DE GUADELOUPE (LPRIG)

La campagne LPRIG a permis d’explorer, du 27 septembre au 10 novembre 2024, la biodiversité « négligée » – crustacés, insectes et autres petites espèces – de la Désirade, de Marie-Galante et des Saintes. Une belle opportunité pour sensibiliser petits et grands à la richesse de la biodiversité de l’archipel guadeloupéen. Avec les chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et les animateurs de l’Agence régionale de la biodiversité des îles de Guadeloupe (ARB-IG), plus de 600 élèves et étudiants du CE1 au Master 2 ont visité les laboratoires scientifiques de la mission et participé à de nombreuses activités pédagogiques.

Kanell Ambroise, directrice de l’ARB des îles de Guadeloupe, témoigne : « En complément de ces actions de mobilisation citoyenne, des animations ont eu lieu en fin d’année pour présenter les missions et le métier de naturaliste dans 25 établissements de Guadeloupe. Au total, près de 1 500 élèves ont été sensibilisés. »

Rédaction

+ d’info ici : www.cirad.fr

UNE RÉVOLUTION DANS LA LUTTE CONTRE LES

MALADIES TRANSMISES PAR

LES

MOUSTIQUES

g râce à la technique de l ’ in S ecte S térile ( ti S) renforcée , le c irad et l ’ i n S titut de recherche pour le développement ( ird ) S ’ attaquent à la reproduction du mou S tique tigre , afin de contribuer à endiguer le S épidémie S de dengue et chikungunya à l a r éunion .

Depuis 2017, les épisodes de dengue sont récurrents à La Réunion, avec pour principaux vecteurs les espèces de moustiques Aedes albopictus et Aedes aegypti La méthode de lutte, jusqu’à présent utilisée en France, consiste à pulvériser de la deltaméthrine dans les zones où des cas de dengue sont déclarés. Cette méthode étant peu appréciée de la population pour son action insecticide sur d’autres espèces, une expérimentation de la TIS renforcée a été menée par le Cirad et l’IRD en 2021. Réalisée dans la commune de Saint-Joseph, alors particulièrement atteinte par la dengue, elle a permis la réduction de plus de 90 % des populations d’Aedes aegypti en trois mois. En Espagne, où des études ont été menées sur l’Aedes albopictus en parallèle, des taux de réduction de 50 à 95 % ont pu être observés.

LA TECHNIQUE DE L’INSECTE STÉRILE

(TIS) RENFORCÉE, PORTEUSE D’ESPOIR

Actuellement testée dans 39 pays, la technique de l’insecte stérile est porteuse d’espoir pour la lutte contre le virus de la dengue. Cette arbovirose étant transmise par les femelles, la TIS permet de rendre celles-ci stériles par le biais des mâles.

Singapour est aujourd’hui le premier pays planifiant une application de cette méthode de lutte à l’échelle de tout son territoire. Et La Réunion pourrait potentiellement lui emboîter le pas, avec le lancement dès cette année 2025 d’une seconde expérimentation de la TIS renforcée – 10 fois plus efficace que la TIS seule – toujours à Saint-Joseph, mais à plus grande échelle sur une zone de 200 hectares. Si ce nouvel essai, appelé OPTIS, est concluant, l’extension technique de la TIS renforcée devrait être réalisée par une entreprise sur l’île. Aux Antilles, où le virus de la dengue sévit également, un projet test de TIS est prévu en parallèle, porté par l’ARS Guadeloupe.

En 2021, les moustiques étaient produits et irradiés à l’étranger (en Autriche). Pour cette expérimentation de 2025, toute la production est réalisée à La Réunion, grâce au soutien financier du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. © J. Bouyer / Cirad

© Antoine Franck / Cirad
© Marion Dailloux / Cirad

INTERVIEW

JÉRÉMY

DIRECTEUR DE RECHERCHE, EXPERT EN LUTTE CONTRE LES VECTEURS, COORDINATEUR DU PROJET TIS RENFORCÉE AU CIRAD

• Qu’est-ce que la TIS renforcée ?

- Elle consiste à relâcher, dans des zones précises, des moustiques mâles irradiés porteurs de mutations aléatoires et couverts d’un biocide appelé pyriproxyfène. Une double action est alors observée. D’une part, ces moustiques étant stériles, aucun individu viable n’est produit à la suite de l’accouplement. D’autre part, le biocide, transmis aux femelles lors de l’accouplement, est ramené dans les gîtes larvaires par celles-ci. Et la croissance des larves contaminées n’aboutit pas.

En pratique, il s’agit de poser des pièges nommés ovitraps – pièges à œufs en français – dans lesquels des femelles sauvages viennent pondre. Ces œufs sont collectés afin de constituer une souche locale. Après avoir vérifié que cette souche n’est pas porteuse de virus, elle est multipliée de façon exponentielle dans un insectarium. Puis, un robot sexeur sépare automatiquement les mâles des femelles. Un irradiateur vient alors stériliser les populations de mâles, qui sont ensuite relâchées au sol ou par des drones.

Les pièges à moustiques sont positionnés dans des zones stratégiques. En bout de processus, les lâchers de mâles stériles sont réalisés en petits effectifs par hectare, pour éviter un effet « essaim » qui pourrait inquiéter les habitants, bien que les mâles ne piquent pas.

que des espèces non cibles vivant dans les mêmes habitats larvaires ne soient pas impactées par les biocides dont sont couverts les mâles. C’est le cas des abeilles qui pourraient accidentellement récolter du biocide en buvant dans ces habitats.

• Comment le projet est-il reçu par la population ?

- La municipalité de Saint-Joseph s’est montrée réceptive lors de la première phase d’expérimentation et a accompagné l’équipe projet dans la sensibilisation des habitants. La technique est ainsi bien acceptée. Ce projet ne pourrait être mené sans la confiance de la population et le soutien de la commune, qui a mis à disposition un local pour l’implantation d’un laboratoire. Ce projet doit aussi son existence au soutien stratégique et financier de la Région Région sur fonds FEDER, que nous remercions. Enfin, l’État apporte une aide précieuse à travers le financement de l’irradiateur.

• Cette technique est-elle inoffensive pour les autres espèces d’insectes ?

- La TIS a l’avantage d’être une technique très spécifique, les mâles relâchés ne s’accouplant qu’avec les femelles de l’espèce cible. L’expérimentation comporte toutefois des opérations de suivi, afin de s’assurer

Tous les trois mois, du miel, du pollen, des abeilles et de la cire d’abeille seront collectés dans des ruches sentinelles afin de vérifier qu’elles ne soient pas contaminées par du biocide, comme cela avait été fait à plus petite échelle lors de l’expérimentation de 2021. © M. Dailloux / Cirad

Rédaction et interview
: Axelle Dorville
© Pierre Marchal
© J. Bouyer / Cirad

ÎLE DE LA RÉUNION

UNE AGRICULTURE EN PLEINE MUTATION

Formation par la Chambre d’agriculture auprès d’agriculteurs de Mafate, sur la conduite des arbres fruitiers en vergers.

à l a r éunion comme dan S toute S le S région S d ’ outre - mer , le S agriculteur S doivent faire face aux con S équence S du dérèglement climatique et adapter leur S technique S de culture o livier f ontaine , S ecrétaire général de la c hambre d ’ agriculture de l a r éunion , évoque avec nou S le S enjeux climatique S de S on territoire

INTERVIEW

OLIVIER FONTAINE, SECRÉTAIRE

GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DE LA RÉUNION

• Le changement climatique a-t-il des répercussions visibles sur l’agriculture locale ?

- Depuis trois ou quatre ans, nous observons réellement les effets du dérèglement climatique, avec une météo de plus en plus aléatoire. Les cyclones sont plus intenses, imprévisibles et nous alternons entre des périodes de fortes sécheresses et de pluies diluviennes. Cette année, les cours d’eau et les nappes

phréatiques sont au plus bas, ce qui nous conduits à réfléchir à de nouvelles stratégies pour l’avenir de l’agriculture à La Réunion.

• Avez-vous déjà des pistes dans ce domaine ?

- Oui, le monde agricole va devoir faire preuve d’adaptation, en maîtrisant mieux la ressource aquacole. Il s’agit d’envisager des réseaux d’irrigation, des retenues d’eau, des systèmes de goutte-à-goutte, mais aussi une véritable lutte contre le gaspillage. Les pratiques vont devoir évoluer en ce sens et, d’ailleurs, certains financements privilégient d’ores et déjà ces méthodes dans la sélection des projets.

• Quel regard portez-vous sur les normes environnementales actuelles ?

- Elles sont de plus en plus contraignantes et compliquent chaque année davantage le travail des agriculteurs. Pourtant, ils ont fait ces 20 dernières années de nombreux progrès et s’attachent à développer les bonnes pratiques. Sur l’île, de nouvelles méthodes de culture sont ainsi apparues, de l’agroécologie en passant par l’agriculture biologique ou le couvert végétal. La recherche scientifique avance, mais le transfert vers le monde agricole prend du temps et c’est bien normal. Car c’est tout un système qui doit évoluer tout en faisant face à une concurrence déloyale.

• D’autant que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur a été conclu. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

- Cet accord nous inquiète bien évidemment, car les producteurs du Mercosur ne sont pas soumis aux mêmes

contraintes environnementales que nous. Ici, nous devons appliquer la réglementation européenne, la réglementation française, qui est souvent encore plus contraignante, et faire face aux excès de zèle de l’administration locale. Tout cela va trop loin pour un secteur qui, aujourd’hui, doit en plus affronter un climat déréglé.

• Dans ce contexte, comment voyez-vous l’avenir de la profession ?

- Il n’y a pas de crise de la vocation dans notre région et c’est une chance. Les futurs agriculteurs disposent d’un cursus de formation adapté aux techniques de demain et ils sont nombreux chaque année à vouloir s’installer. Mais les surfaces agricoles manquent et le problème foncier s’avère réel. D’autant plus que l’implantation d’un jeune agriculteur coûte cher et que les outils financiers sont complexes, durs et longs à obtenir.

Pourtant, il est crucial aujourd’hui que ces jeunes puissent prendre la relève, car 53 % des agriculteurs actuels ont plus de 53 ans. La Chambre d’agriculture s’emploie à rechercher des solutions et à mieux accompagner ces jeunes professionnels pour assurer la pérennité de l’agriculture réunionnaise.

• L’avenir est-il dans le développement de la filière biologique de la canne à sucre ?

- Il pourrait en effet en faire partie et une étude de faisabilité a été réalisée en ce sens. Mais l’industrie sucrière implique des structures importantes et il faudrait de 25 à 30 000 tonnes de canne biologique chaque année pour rentabiliser une usine. C’est pourquoi nous réfléchissons à développer de plus petites unités, plus adaptées au contexte et au territoire local.

Une chose est sûre, 30 agriculteurs expérimentent déjà la culture de la canne biologique et, d’ici deux ans, nous aurons plus de visibilité sur cette filière.

Mais là encore, nous devrons affronter la concurrence de grands pays producteurs comme le Brésil ou le Panama, qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes environnementales que nous !

Rédaction et interview : Mariane Aimar

Produits agricoles transformés, mis en valeur au Village Réunion du Salon International de l’Agriculture 2024 à Paris.
Photos de l’article : © Chambre d’agriculture de La Réunion

DES BADAMIERS DE L’INDE TRANSPLANTÉS VERS LE CŒUR VERT FAMILIAL

c apitale de S outre - mer , S aint - d eni S pour S uit S a mutation ver S une ville verte et durable avec la tran S plantation de plu S ieur S badamier S de l ’ i nde . c e S immen S e S arbre S offrant un ombrage exceptionnel ont ain S i été déplacé S de la rue de S p oivrier S ju S qu ’ au parc urbain j ean - p ierre e S peret , à la t rinité , où il S pourront jouir d ’ une S econde vie

UNE OPÉRATION DÉLICATE, QUI S’INSCRIT DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DE LA VILLE

Engagée dans un tournant écologique pour faire du chef-lieu un territoire plus apaisé, plus vert et plus responsable, la Ville de Saint-Denis, en collaboration avec la direction Environnement de la Ville du Port, a procédé à la transplantation de plusieurs badamiers de l’Inde, qui jalonnaient la rue des Poivriers dans le quartier de Montgaillard. « Avant leur transplantation, les racines de ces arbres de plus de 10 mètres de haut allaient jusqu’à soulever les trottoirs, les rendant impraticables pour les piétons, qui risquaient de chuter

et se blesser. Des murs de clôture ont par ailleurs été fissurés », souligne Émilie Catherine, directrice des Espaces publics, Environnement et Cadre de vie de la Ville. Le badamier de l’Inde (Barringtonia asiatica), arbre à fleurs également appelé « bonnet du prêtre » ou « bonnet d’évêque » peut en effet atteindre une hauteur de 30 mètres. « L’arbre est un être vivant, à la recherche d’eau et de nutriments. Ses racines sont donc allées “chercher” l’eau ».

La transplantation s’est déroulée en deux temps. Elle a d’abord été préparée à partir du 18 octobre, à travers la découpe de la chaussée, un élagage préventif pour stresser les sujets transplantés et l’aspiration des gravats afin de dégager au mieux leurs

De plus, le déplacement de ces

spécimens, matures et sains, permettra à la Ville d’entreprendre des travaux de voirie dans la rue des Poivriers, dont les trottoirs ont été partiellement détruits par la présence des badamiers de l’Inde. © Ville de Saint-Denis

L’opération s’inscrit pleinement dans la politique de verdissement portée dès le début de la mandature actuelle. | Un représentant de la Ville du Port en chasuble orange entouré par M. Poleya, M me Adame, M. Sambassouredy et M me Catherine, de la Ville de Saint-Denis.

racines. Ensuite, le 22 octobre a marqué le début des actions de dessouchage en présence et sous la coordination des équipes de la Ville du Port, suivi de la replantation des arbres au parc de la Trinité JeanPierre Esperet. « Nous avons pu observer que les racines avaient aussi endommagé les réseaux d’eaux usées, ce qui a compliqué la tâche des agents pour retirer les arbres sans les abîmer ni endommager les réseaux », ajoute Émilie Catherine.

Ce sont une quinzaine d’agents des deux communes qui se sont mobilisés autour de ce projet qui a permis de transplanter cinq arbres de plus de 15 ans à Saint-Denis, au parc de la Trinité, et quatre arbres au Port. « La Ville du Port disposant du savoir-faire nécessaire à l’opération, un partenariat s’est donc mis en œuvre afin de “donner une seconde vie” à ces arbres », se félicite la directrice. Une alternative à l’abattage pour ces sujets de grande taille, sachant qu’il faut patienter une vingtaine d’années avant de les voir atteindre une telle envergure et maturité. Le parc urbain Jean-Pierre Esperet, à la Trinité, étant à proximité et soumis au même microclimat, ce site a naturellement été retenu pour leur replantation.

« Les conditions étaient réunies pour espérer une très bonne reprise des sujets transplantés et un niveau de stress diminué », considère Émilie Catherine.

REDENSIFIER LA STRATE ARBORÉE DU PARC URBAIN DE LA TRINITÉ

Ce projet concourt ainsi à la redensification de la strate arborée du parc de la Trinité, en y ramenant très rapidement ombre et fraîcheur. Les plantations sur chacune des strates – herbacée, arbustive, arborée – de ce parc urbain revêtent leur importance, et entrent dans une stratégie plus globale de gestion différenciée. À titre d’exemple, la strate herbacée contribue à favoriser la protection des insectes.

Ce parc, poumon vert de Saint-Denis, est un espace de respiration et de détente, en particulier actuellement, en période estivale. « La Ville de Saint-Denis, consciente du réchauffement du climat et de ses conséquences à venir, s’engage dans la protection de la biodiversité, ce qui participe à la résilience du territoire face aux impacts du changement climatique », conclut Émilie Catherine.

Les cinq arbres transplantés font l’objet de soins constants par l’équipe de la direction de l’Environnement – arrosage quotidien de 15 minutes par sujet, surveillance des racines et des branches – afin que leurs feuilles se développent et que les arbres s’ancrent durablement dans ce nouvel environnement.

transplantation réussie qui permettra, une fois la réfection des trottoirs terminée, l’installation d’arbustes fleuris et colorés.

Rédaction
Stéphanie
Castre | Pauline Bénard
Photos
© Ville de Saint-Denis

L’ÉCOGÎTE DU VOLCAN A OUVERT SES PORTES !

Se fondre danS le maSSif du piton de la fournaiSe a été la clé de voûte de la reconStruction du gîte du volcan à l ’ i SS ue d ’ un ambitieux chantier débuté en 2021, l ’ établi SS ement a ouvert

S e S porte S le 15 novembre 2024. u n lieu d ’ accueil unique , re S pectueux de l ’ environnement , à découvrir au cœur d ’ un S ite cla SS é au p atrimoine mondial de l ’ u ne S co .

Avec plus de 650 000 visiteurs extérieurs enregistrés en 2023, La Réunion demeure un formidable pôle d’attractivité touristique pour ses plages, pour sa population métissée et accueillante, mais surtout pour ses pitons, cirques et remparts inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité. Parmi ces espaces naturels exceptionnels figure le massif du Piton de la Fournaise où le Gîte du Volcan, nouvelle structure touristique équipée de 101 couchages et d’un restaurant aux produites locaux de 120 couverts, vient d’être inauguré.

LE GÎTE DU VOLCAN, BALCON SUR LE MASSIF DU PITON DE LA FOURNAISE

« C’est complet pour les premiers jours. Nous sommes prêts ! » souriait début novembre Yves Picard, gérant de l’ancien gîte et président de l’AGGM (Association des gestionnaires des gîtes de montagne), en charge de la délégation de service public de cet équipement départemental sorti de terre à 600 mètres de l’accès au cratère du Piton de la Fournaise.

Lors d’une dernière visite de chantier en présence de la presse, le président du Département Cyrille Melchior a souligné le caractère exceptionnel de ce chantier : « Le bâtiment a été réalisé en suivant une démarche de haute qualité environnementale et s’inscrit dans un principe d’écogestion, avec notamment une autonomie en eau chaude et en électricité, ainsi qu’une intégration parfaite dans le paysage. »

L’architecture s’insère en effet harmonieusement dans la nature environnante. « Lesbâtimentsprennentlaforme de trois cordées à l’image des formations laviques à surface ridée et se fondent dans le paysage, sans rompre la perception globale du massif », ajoute Julien Gemehl, architecte d’Altitude 80 Architecture.

Le Gîte du Volcan, accessible en voiture, ainsi qu’aux personnes âgées et PRM, se situe près du départ de la randonnée vers le majestueux Piton de la Fournaise. © Jiovanni Picard | L’écogîte, surmonté

En haut : terrasse d’observation. © Jiovanni Picard | Les randonneurs peuvent profiter de prestations de qualité. | Ci-dessus : aperçu du confort d’une chambre double. © Bruno Bamba / Département de La Réunion | Petit déjeuner préparé pour les voyageurs. © Jiovanni Picard

TÉMOIGNAGE

CYRILLE MELCHIOR, PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT DE LA RÉUNION

« Le Département de La Réunion, en tant que propriétaire du domaine forestier départemento-domanial, intervient sur plus de 100 000 hectares de milieux naturels, soit près de 40% de la surface de l’île, dont des espaces naturels sensibles comme le Maïdo, véritable balcon sur le cirque de Mafate, le Piton des Neiges, plus haut sommet de l’océan Indien, ou le Piton de la Fournaise, site touristique le plus visité de l’île – avec 400000 visiteurs par an – qui présente des paysages époustouflants.

Ces sites méritent donc toute notre attention, et tout notre engagement, pour favoriser une expérience de découverte à la hauteur de nos ambitions en matière de développement du tourisme vert, du tourisme des Hauts, à La Réunion. C’est la raison pour laquelle un ambitieux Schéma directeur d’aménagement et de développement touristique des espaces naturels départementaux est en cours d’élaboration par la Collectivité. Il vise une amélioration qualitative de nos sites touristiques, au premier rang desquels figurent les gîtes départementaux, dont l’emblématique “Gîte du Volcan” situé au Pas de Bellecombe-Jacob.

Après trois années de travaux, nous avons touché au but en novembre 2024 avec la livraison de ce fabuleux écogîte, dont la construction a représenté une prouesse architecturale et environnementale au cœur du Parc national. Une telle structure a vocation à devenir un lieu incontournable pour bon nombre de Réunionnais et de touristes souhaitant découvrir ou redécouvrir ce somptueux massif du Piton de la Fournaise. Le nouveau Gîte du Volcan répond à toutes les exigences d’intégration architecturale et d’innovation écologique. Il propose aussi d’excellentes prestations aux visiteurs et s’inscrit dans une réelle montée en gamme de l’offre touristique pour le territoire.

Nous nous engageons ainsi à offrir aux voyageurs une expérience exceptionnelle de découverte de l’île, à la hauteur du label “Patrimoine mondial” ».

+ d’info ici : https://www.legiteduvolcan.re/

Portrait de
Cyrille Melchior
© Bruno
Bamba
Rédaction
Béatrice
Tevanee | Stéphanie Castre

PORT RÉUNION ÉLARGIT LA PRÉVENTION ET LA LUTTE

CONTRE LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES

a u p ort o ue S t , le foyer du g rand p ort m aritime de l a r éunion ( gpmdlr ) accueillait , le 14 novembre, un rendeZ-vouS inédit : la rencontre entre leS acteurS portuaireS engagéS à l ’ encontre de S e S pèce S exotique S envahi SS ante S ( eee ). l ’ occa S ion d ’ échanger S ur le S défi S que repré S entent ce S menace S environnementale S et le S S tratégie S pour mieux le S anticiper

Organisée par l’Union maritime interprofessionnelle de La Réunion (UMIR) dans le cadre de sa commission « Gestion des risques » et en partenariat avec le GPMDLR dans le cadre de son Schéma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN), cette séance de travail a été consacrée à un sujet majeur : la lutte contre les EEE.

SENSIBILISER L’ENSEMBLE

DES AGENTS ŒUVRANT SUR LE PORT

L’événement, qui a rassemblé durant une matinée une trentaine de personnes, avait vocation à informer et sensibiliser les acteurs portuaires sur l’importance de la détection et des alertes précoces pour prévenir la propagation de ces espèces, et ainsi préserver la biodiversité réunionnaise.

Président de l’UMIR, Philippe Leleu a ouvert la séance en rappelant que l’UMIR apporte depuis 22 ans son

expertise au service de la performance de l’activité portuaire de La Réunion. « L’UMIR fédère une quarantaine d’acteurs locaux, présents sur toute la chaîne portuaire et représentant l’ensemble de ses opérateurs. Chaque année, nous interrogeons nos membres pour définir les sujets prioritaires. L’une de nos commissions travaille sur la gestion des risques, dont font partie les EEE ». Selon Philippe Leleu, pour rendre cette lutte plus efficace, il convient « de renforcer le lien entre la communauté portuaire et les autorités compétentes ».

Cela implique aussi de collaborer avec les structures de l’île spécialisées dans la maîtrise de ces espèces – SEOR, SREPEN, OFB, NOI, IRI, DEAL... – « afin de rendre chaque professionnel du port, qu’il soit docker, remorqueur, pilote, etc., acteur de cette lutte ». Et de poursuivre : « chacun(e) doit savoir exactement quoi faire, quand il ou elle observe une EEE sur le port ». Le ton était donné : la clé d’une action efficace contre les EEE réside avant tout dans sa dimension collective.

Une attention toute particulière a été portée à l’agame des colons, à la perruche à collier et au corbeau familier, des EEE susceptibles d’être signalées régulièrement dans l’enceinte portuaire. La perruche à collier, dont l’élimination du milieu naturel est encore possible, se trouve dans une situation intermédiaire entre l’agame des colons, qui a déjà envahi l’île, et le corbeau commun, en détection précoce. © UMIR

DES MENACES DIRECTES POUR

LA BIODIVERSITÉ NATIVE DE L’ÎLE

Il a été rappelé par la SEOR – Société d’études ornithologiques de La Réunion – que la propagation des EEE était liée à leur résistance aux maladies, à leur reproduction rapide et au caractère opportuniste de ces espèces qui s’adaptent aisément à de nouveaux milieux. A contrario, la faune et la flore natives insulaires, ayant évolué dans un écosystème restreint, n’ont pas développé de capacité d’adaptation. Le paille-en-queue, oiseau marin indigène de l’île, voit ainsi ses sites de nidification volés par le martin triste, introduit à La Réunion vers 1760 pour lutter contre les sauterelles. Autre exemple, parmi tant d’autres : le grand gecko vert de Madagascar est responsable de la destruction des populations d’un lézard endémique et protégé, le gecko vert de Manapany.

DE PRÉCIEUSES CONTRIBUTIONS

Pour Stéphane Esparon, chef de l’unité Biodiversité de la DEAL Réunion, le constat est clair : « nous avons besoin de ces moments d’échanges avec les acteurs ». Car, malgré une réglementation étoffée sur les EEE et « des associations l’appliquant très bien », il faut « agir dès la phase d’introduction, le plus fort possible, sinon cela coûtera très cher, si tant est que nous puissions encore agir ». La course contre la montre est engagée.

Responsable du service Environnement et Aménagement du GPMDLR, Priscille Labarrère a souligné les efforts de sensibilisation menés au port contre les EEE. Elle a cité le protocole bilatéral franco-mauricien « vers blancs », mis en place du 1er novembre au 15 janvier pour empêcher l’échange entre les deux îles des scarabées de la canne à sucre, ravageurs de cultures, via des

extinctions de lumière et contrôles à bord des navires.

Bernadette Lebihan-Ardon, ancienne présidente de la SREPEN – Société réunionnaise pour l’étude et la protection de l’environnement – a ensuite mis en avant l’importance « d’impliquer aussi les grands transporteurs, pour qu’ils puissent avoir une action vertueuse ».

Des propos appuyés par Fabrice Hoarau, conseiller régional délégué à l’environnement, qui a relevé que « 140000 containers entrent chaque année au Grand Port Maritime. Beaucoup ne sont pas contrôlés. Ne vaut-il pas mieux mettre beaucoup d’argent pour contrôler ces navires, que pour éradiquer les EEE ? » Ensuite, le président de l’IRI – Initiative pour la restauration écologique en milieu insulaire – Gilles David Derand a attiré l’attention sur un point. « Les moyens de contrôle, la détection précoce, cela est bien sûr crucial, mais certaines EEE, comme l’arbre-pieuvre, ne sont pas interdites. À La Réunion, des centaines d’espèces invasives restent autorisées ! », regrette-t-il.

Les échanges se sont poursuivis avec Jean-François Cornuaille de l’OFB. « Sur les 2000 EEE installées sur l’île, environ 150 posent problème, dont le corbeau familier, l’une des 100 espèces les plus problématiques au monde. Les Seychelles ont réussi à l’éradiquer. À La Réunion, on est au stade de détection précoce, alors on peut y arriver plus facilement que pour d’autres espèces. Tandis que sur l’agame des colons, qui monte en altitude, on est dépassé, c’est trop tard, il envahit déjà toute l’île jusqu’à 600 mètres... » Enfin, l’association Nature Océan Indien (NOI) a abordé la notion de l’éthique, avec par exemple un recours privilégié à la nasse à entrée unique, plutôt qu’à la colle, pour capturer sur le port les agames des colons.

Le GPMDLR souhaite renouveler à l’avenir ce partage d’initiatives, qui a été très apprécié. La prochaine étape sera d’impliquer les grandes compagnies maritimes dans cette lutte essentielle contre les EEE.

MAYOTTE

QUEL AVENIR

POUR L’YLANG-YLANG DE MAYOTTE ?

culture autrefoiS incontournable de l’île de mayotte, l ’ ylang-ylang, Surnommé « la fleur deS fleurS » a aujourd ’ hui preSque diSparu du pay S age . d epui S 2019, l ’ entrepreneur k a SS im f idaly cherche à relancer la filière

S ur un modèle plu S durable que celui de S concurrent S malgache S et comorien S

Deux fleurs jaunes d’ylang-ylang ornent encore le blason de Mayotte, évoquant la prospérité agricole de l’île. Pourtant, la « fleur des fleurs », exploitée sur plus de 1 000 hectares dans les années 70, n’est, sur l’île aux parfums, guère plus cultivée que dans une perspective agritouristique.

En 2017, lors du dernier recensement effectué par la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte, l’ylang-ylang n’était plus exploité que sur une centaine d’hectares, avec une dynamique à la baisse. « Le modèle économique est très vieillissant. On a de petits producteurs, avec de toutes petites surfaces et des coûts de production beaucoup plus élevés que la concurrence », expose Kassim Fidaly, un porteur de projet qui s’est mis en tête, depuis 2019, de relancer la culture.

UN MODÈLE QUI N’EST PAS DURABLE

Au-delà de ces contraintes économiques, la filière se heurte aussi à un enjeu écologique. Comme ses concurrentes comoriennes et malgaches, la filière mahoraise n’est pas du tout durable. « Pour produire 2 à 2,5 kilos d’huile essentielle, il faut une demi-tonne

Spécialisée dans la transformation de la fleur d’ylang-ylang en cosmétiques réglementés, l’entreprise Neosent répond aux problématiques spécifiques de Mayotte, en ayant notamment recours à l’énergie solaire afin de préserver les ressources locales en bois. © Kassim Fidaly

à une tonne de bois et 40 m3 d’eau, car le procédé de distillation est extrêmement énergivore », résume le fondateur de Néosent, dont le but est justement de mettre en place une unité de production plus résiliente.

La région, en pleine expansion démographique, manque déjà cruellement d’eau, notamment en raison de la multiplication des sécheresses, dont on sait qu’elles s’aggraveront avec le dérèglement climatique. Quant à la déforestation, elle est aussi extrêmement forte dans la région, mettant en péril la très riche biodiversité de ces territoires.

« La culture d’ylang ylang n’explique pas entièrement le recul de la forêt, mais elle y a participé. À Nosy Be [une île au nord-ouest de Madagascar], où nous avons la production familiale, tous les producteurs vont chercher le bois de plus en plus loin pour assurer leurs besoins en énergie. Ce n’est pas viable », confirme Kassim Fidaly, lui-même d’origine malgache.

Aux Comores, la plateforme Global Forest Watch estime que 25 % de la forêt a été défrichée ces 20 dernières années. Quant à Mayotte, si le taux de déforestation actuel (1,2 %) se maintient, la forêt aura carrément disparu en 2070.

L’ÉNERGIE SOLAIRE ET LE RECYCLAGE DES EAUX

Fidaly, fondateur passionné de l’entreprise Neosent, s’attelle depuis 2019 à structurer une filière ylang-ylang durable à Mayotte.

« Nous proposons de remplacer le bois par de l’énergie solaire, car c’est une énergie abondante et peu chère, et de recycler les eaux de refroidissement qui, aujourd’hui, sont rejetées dans la nature », annonce l’entrepreneur et auteur d’une thèse en photochimie. Des études de faisabilité, financées par l’Ademe, ont déjà été effectuées et cette distillerie devrait voir le jour courant 2025 sur la commune de Ouangani, au centre de Mayotte.

Alors, comment Mayotte pourrait-elle retrouver la fleur qui a fait sa richesse tout en préservant un écosystème déjà très abîmé ? Si des initiatives un peu plus durables ont été lancées à Nosy Be ou aux Comores, elles sont, de l’avis de Kassim Fidaly, trop peu ambitieuses.

Pour la production, Kassim Fidaly assure travailler avec des agriculteurs sur la base d’un cahier des charges respectueux de l’environnement. « L’ylangylang est une plante très résistante qui ne nécessite pas d’intrants, donc l’ensemble des cultures peuvent être valorisées en bio. Notre objectif est d’avoir un label écologique et de pouvoir certifier que notre procédé est sobre en carbone », explique-t-il.

UNE INITIATIVE RECONNUE

La durabilité de la production sera, espère-t-il, un critère pour se démarquer sur le marché, en plus d’une formule un peu particulière, qui mettra en valeur les fractions hautes supérieures de la plante. Si la relance de la filière ne sera pas chose aisée, notamment car il reste à convaincre les producteurs de relancer cette culture alors que, justement, les jeunes Mahorais tendent à s’éloigner des métiers agricoles, le projet de Kassim Fidaly a déjà été reconnu au-delà de Mayotte. Neosent a été lauréat des programmes Mouv’Outremer océan indien 2021 et French Tech Tremplin 2024, et finaliste du concours Innovation Outre-Mer 2024, des initiatives promouvant l’entrepreneuriat.

Rédaction : Enzo Dubesset + d’info ici : https://neosent.fr/

Kassim

En haut : avant Chido, champ d’ylang-ylang (Cananga odorata) à Mayotte, un territoire considéré « comme le terroir d’exception pour la production en particulier des fractions les plus raffinées de l’ylang, ce qui justifie les efforts visant à relancer la filière », rappelle Kassim Fidaly. « Des initiatives d’agritourisme, telles que celles proposées par les partenaires de Neosent (AROmaoré d’Hassani Soulaimana et Le Jardin d’Imany d’Anwar), peuvent aider à maintenir la production tout en favorisant le développement économique local », note-t-il. © Kassim Fidaly

Autres images de la double page : l’article a été rédigé avant le passage du cyclone tropical intense Chido. Voici des vues de champs d’ylangs et de cocotiers à Mayotte après l’événement climatique et, ci-dessous, le témoignage de Kassim Fidaly.

« Ce 1er janvier, l’heure était au constat des dégâts causés aux ylangueraies. J’ai pris le temps de sillonner les routes de l’île dans les principaux fiefs de l’ylang-ylang, au Pôle d’excellence rurale, à Ouangani, en allant jusqu’aux plantations Guerlain à Combani. Entre Coconi et Kahani, le site de Valarano, avec sa forêt et sa biodiversité unique, a été dévasté. Le Lycée agricole y développe une cocoteraie pour valoriser la filière noix de coco : plus de 90% de nos cocotiers sont à terre. Je rends visite à Hassani Soulaimana d’AROmaoré qui habite Ouangani. Un ami, qui fait partie de ceux qui ont permis de préserver l’ylang de Mayotte depuis tant d’années. Beaucoup de dégâts, mais on admire la patience et la solidarité qu’ont les agriculteurs pour se relever. À Vahibé puis à Combani, la désolation est encore plus grande. L’eau et le vent se sont déchaînés sur le paysage vert de Mayotte. Je me rends alors aux anciennes plantations Guerlain, 13 hectares d’ylangueraies. La quasi-totalité du site Guerlain semble détruite. Mais les ylangs sont encore là ! Certes, ils ont été malmenés, mais ils sont toujours debout et ils incarnent cet espoir que nous avons de relancer la distillation. »

Photos de la double page : © Kassim Fidaly

MAYOTTE : TOUS UNIS POUR REDONNER VIE À

L’ÎLE !

d u 5 au 7 décembre, « mon île propre », la toute première opération collective de nettoyage et de S en S ibili S ation initiée à l ’ échelle de l ’ en S emble du territoire par le conSeil départemental et le Sidevam 976, a connu un vif S uccè S f ocu S

UNE OPÉRATION INÉDITE À MAYOTTE

Durant trois jours, munis de gants et de sacs-poubelle, les scolaires, les agents de l’administration, les salariés des entreprises et le grand public se sont mobilisés, sur un périmètre précis de nettoyage, pour collecter tous types de déchets – excepté les dangereux –dans les zones urbaines et rurales de Mayotte, les espaces naturels, les sites remarquables.

Cette opération d’envergure a nécessité une importante logistique. Des bennes ont été déployées sur l’ensemble du territoire pour les encombrants, les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), mais également les déchets ménagers et les batteries. « Si la mise à disposition des déchets de la part du concitoyen a duré seulement trois jours, l’opération de collecte par les entreprises en bord de route a perduré encore les 15 jours suivants », confie le docteur Hidaya Chakrina, directrice de communication du Département de Mayotte.

L’ensemble de la population mahoraise a été conviée à prendre part à l’opération « Mon île propre ». © Hannah Dominique

NETTOYER, ET SURTOUT SENSIBILISER

Au-delà du passage à l’action, l’objectif de l’opération a été de sensibiliser la population à l’importance du tri des déchets, en montrant que chaque geste compte pour préserver l’environnement. Le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville a souligné : « Mayotte n’est pas une île propre, il faut le reconnaître. On a une problématique d’écoresponsabilité. Il faut que nos concitoyens comprennent que le moindre détritus, le moindre objet en plastique, la moindre canette mettent des dizaines, des centaines d’années à disparaître dans la nature et impactent durablement l’environnement. »

À titre d’exemple, Habit’Âme a participé, aux côtés de VINCI, à cette grande opération « Mon île propre ». « Nous avons ramené nos machines pour montrer au public comment nous pouvons recycler les déchets plastiques. Chacun est reparti avec un objet qu’il a fabriqué, comme un peigne, un porte-clé… », décrit Hannah Dominique, gérante de Habit’Âme.

« MON ÎLE PROPRE », UN BILAN POSITIF, UNE OPÉRATION PÉRENNE

• 43 000 participants dans les 17 communes de l’île, 185 associations, 50 partenaires privés

• 25 000 tonnes de déchets collectés sur tout le territoire mahorais

• 400 carcasses de véhicules évacuées au sein de la commune de Mamoudzou

Dominique

c omme chacun Sait, le 14 décembre 2024, m ayotte a été trè S lourdement frappée par le cyclone tropical inten S e c hido , qui a généré de S con S équence S déva S tatrice S pour la population et l ’ environnement é clairage avec h annah d ominique

INTERVIEW

HANNAH DOMINIQUE, COFONDATRICE ET GÉRANTE DE LA STARTUP HABIT’ÂME À MAYOTTE

• Quel regard portez-vous sur la situation ?

- Une profonde tristesse, un sentiment d’impuissance. Toute l’île de Mayotte est à reconstruire. Cette catastrophe climatique a non seulement causé des morts, détruit des habitations et infrastructures, mais c’est également toute la forêt, la faune, la flore qui sont à terre. La population est privée de nourriture, d’eau, d’électricité. Toutes les terres agricoles sont dévastées. Les coulées de boue impactent le lagon. Les lémuriens sont désorientés et sont davantage visibles en milieu urbain, et meurent très souvent sur la route. Une explosion du braconnage des tortues est à craindre. Les déchets s’entassent, ce qui va amener des maladies. C’est un drame à la fois humanitaire et environnemental.

Malgré ce paysage de désolation, une grande solidarité s’est mise en place. La population, sans relâche, frappe la tôle pour reconstruire les habitations. Il y a aussi un sentiment de colère, car Mayotte se sent abandonnée du monde.

HABIT’ÂME RECYCLE LE PLASTIQUE

Soutenue par le Département de Mayotte, lauréate de la 9e édition du concours Innovation Outre-Mer dans la catégorie Cleantech & recycling, Habit’Âme est une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle récupère les déchets plastiques du territoire pour les transformer en matériaux de construction de second œuvre, en mobilier et objets divers. De plus, elle sensibilise aux enjeux environnementaux via des ateliers en milieu scolaire, dans les entreprises et collectivités, forme aux métiers du recyclage... Habit’Âme emploie 13 salariés, dont sept en insertion. Elle a pour but ultime la création de logements modulables en kits à Mayotte, accessibles à tous et à base de plastique recyclé.

Habit’Âme souhaite apporter son soutien en donnant des matériaux de construction, mais aujourd’hui, c’est très compliqué, car seulement 40 % du territoire est raccordé à l’électricité et notre site de production fait partie des 60 % restants. Nous accompagnons les associations à travers la distribution de repas, la fourniture d’aides d’urgence, etc.

• Comment envisagez-vous l’avenir de l’île ?

- Il y a un monde d’avant et un monde d’après ! Nous devons transformer ce drame en opportunité pour repenser nos modes de consommation, construire des bâtiments dignes et respectueux de l’environnement, arrêter la déforestation, remettre au goût du jour une forêt endémique et une terre qui s’autoprotège.

Comme les locaux de nombreuses entreprises, le siège de Habit’Âme a été ravagé par ce cyclone hors norme. © Hannah Dominique
Rédaction et interview
: Sandrine Chopot
Le cyclone tropical intense Chido a atteint une puissance telle que Mayotte n’avait pas connu de phénomène similaire depuis 90 ans. Les vents ont dépassé les 220 km/h et ont littéralement soufflé les habitations précaires, ainsi que de nombreuses constructions en dur par ailleurs.
Chido a semé la désolation partout sur l’île. Le bilan humain provisoire de son passage, communiqué par la préfecture de Mayotte en date du 24 décembre, faisait état de 39 morts et de 4 260 blessés, dont 124 grièvement. Photographies de la double page : Hannah Dominique

LA CADEMA MET EN ŒUVRE SON PLAN

CLIMAT-AIR-ÉNERGIE TERRITORIAL (PCAET)

premier outil de ce type déployé à m ayotte , le pcaet mi S en place depui S 2021 par la cadema Se décline en 69 actionS portant Sur ceS thématiqueS : la réduction deS émiSSionS de ga Z à effet de S erre , l ’ adaptation au changement climatique , la S obriété énergétique , la qualité de l ’ air et le développement de S énergie S renouvelable S

Un PCAET est un outil de planification stratégique et opérationnel obligatoire pour toutes les collectivités de plus de 20 000 habitants. Révisé tous les six ans, avec une évaluation à mi-parcours, il leur permet d’appréhender l’ensemble des problématiques en lien avec le changement climatique et de construire un programme d’actions adapté.

Consciente des enjeux du réchauffement climatique, la Cadema, Communauté d’agglomération de DembéniMamoudzou, a engagé dès l’année 2019 des ateliers de concertation et d’échanges avec les acteurs du territoire et les autorités compétentes pour mettre en place son PCAET. « Adopté pour la période 20212026, le PCAET est un projet territorial de développement durable qui a deux objectifs principaux : lutter contre le changement climatique et adapter notre territoire aux conséquences de ce changement », explique Mouniya Mboiboi, responsable à la fois de la Transition écologique et énergétique et de la Stratégie biodiversité à la Cadema.

UN PLAN D’ACTIONS AMBITIEUX !

• La mobilité douce est en plein essor au sein de la Cadema, comme le premier réseau de transport collectif interurbain du territoire. Avec ses quatre lignes, Caribus ambitionne de desservir les déplacements du nord au sud de la communauté d’agglomération. De nouveaux aménagements verts, des pistes cyclables et des zones piétonnes sont prévues. Un projet qui permettra à la fois de désengorger Mamoudzou et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

• Le développement des énergies renouvelables couplé à la qualité environnementale des bâtiments forment un autre axe fort du PCAET. La Cadema engage ainsi son territoire sur la trajectoire de l’autonomie énergétique, dont le cap est donné par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette dernière vise à réduire de 10 % la demande en électricité d’ici 2030 et à augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. La construction

La Cadema présente son PCAET au public scolaire pour le sensibiliser aux écogestes, notamment sur la maîtrise de l’énergie. Cette maquette de maison permet d’évoquer les panneaux solaires et les matériaux biosourcés, tels la brique de terre mahoraise, le bambou et le bois. © Cadema

Pour atteindre les objectifs fixés par le PCAET, les acteurs du territoire doivent revoir à la baisse leur consommation énergétique en favorisant l’utilisation de nouvelles énergies dans tous les secteurs : transport, mobilité, bâtiment, agriculture, industrie... | Mouniya Mboiboi. © Cadema

de fermes solaires, d’une centrale solaire par EDM et la pose de toitures photovoltaïques auprès des particuliers, participent à cette réduction.

• Un plan local d’urbanisme (PLU) a été intégré au PCAET. Il autorise désormais l’élévation des bâtiments jusqu’à 16 mètres, contre 11 mètres auparavant.

• La collecte des déchets a été mise en place dans les zones inaccessibles. De plus, des actions de sensibilisation auprès de la population sur l’énergie, la qualité de l’air, l’eau et les déchets sont effectuées par les Ambassadeurs « écogestes » présents sur le terrain.

« À ce jour, nous en sommes à environ 50 % des actions réalisées. L’objectif, d’ici 2026, est d’amorcer le plus d’initiatives possibles, voire d’en mutualiser certaines. Il ne s’agit pas uniquement du PCAET de la Cadema, c’est aussi celui des communes, des acteurs économiques publics et privés, des institutions, des citoyens. Il est important que tout un chacun puisse se

Journée contre la précarité énergétique, le 12 novembre 2024 à la MJC de M’Gombani, en partenariat avec l’association Soliha. © Cadema

l’approprier. Enfin, ce PCAET n’est pas un outil figé : il va devoir s’adapter à la nouvelle réglementation et s’aligner sur les nouveaux objectifs fixés par la PPE », précise Mouniya Mboiboi.

UNE RENTRÉE 2025 RICHE EN ACTUALITÉS

Le décret tertiaire est une obligation réglementaire qui engage les acteurs du tertiaire vers la sobriété en matière d’énergie. Dans ce cadre, la Cadema est lauréate du programme national ACTEE, qui finance les collectivités primées pour leurs projets de rénovation énergétique.

« Nous allons poursuivre les audits énergétiques dans les écoles primaires », communique la Cadema. De plus, en collaboration avec Hawa Mayotte, association locale agréée pour la surveillance de la qualité de l’air, les résultats de l’étude en cours sur la qualité de l’air au sein de 48 écoles primaires seront publiés cette année.

Dans le domaine de la mobilité, les choses bougent ! La phase 1 du projet Caribus va être lancée en début d’année. Les premières navettes circuleront sur un tronçon d’environ cinq kilomètres. Et Mouniya Mboiboi de conclure : « 2025, c’est aussi, nous l’espérons, la pose de la première pierre du siège des nouveaux bâtiments certifiés Haute Qualité Environnementale de la Cadema ! »

TAAF – VENDÉE

l ’ admini S tration de S t erre S au S trale S et antarctique S françai S e S ( taaf ) S ’ e S t a SS ociée à

la 10 e édition du v endée g lobe , entamée le 10 novembre , et dont une partie du tracé S e déroule dan S le S mer S au S trale S , prè S de S rare S terre S émergée S du S ud de l ’ océan i ndien

Partis le 10 novembre dernier des Sables d’Olonne, les 40 skippers participant à la 10 e édition du Vendée Globe navigueront entre les quarantièmes rugissants 1 et les cinquantièmes hurlants 2, dans les mers australes, parmi les plus agitées de la planète.

Ce passage au large des trois districts subantarctiques français – Crozet, Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam – est d’autant plus symbolique que cette année, l’administration supérieure des TAAF est partenaire du Vendée Globe. Pour elle, cet événement médiatique offre l’occasion de rappeler le « rapport privilégié » qu’entretiennent ces territoires avec le monde maritime, et les actions de la France en faveur de la biodiversité exceptionnelle de la région.

Les TAAF abritent en effet l’une des plus fortes concentrations d’oiseaux et de mammifères marins

au monde et accueillent en permanence des équipes scientifiques et techniques, chargées d’étudier ces écosystèmes uniques. Des forces militaires sont aussi présentes pour assurer la souveraineté nationale et faire face aux menaces de pêche illégale.

La Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, étendue en 2022, est à ce jour le deuxième plus vaste espace maritime protégé mondial – avec plus d’1,6 million de km 2 – derrière le parc marin étatsunien « Marae Moana » des Îles Cook

OPÉRATIONS DE SAUVETAGE

Le lien entre les TAAF et le Vendée Globe s’incarne de façon plus pragmatique avec le Marion Dufresne, le navire « couteau-suisse » chargé du ravitaillement de

Haut de page : excursion sur des caillebottis protégeant la flore de l’île de la Possession, à Crozet, où le Marion Dufresne est au mouillage. | 1 et 2 Noms attribués respectivement aux latitudes situées entre les 40e et 50e, puis les 50e et 60e parallèles dans la zone de l’océan Austral

Crozet, des Kerguelen et de Saint-Paul et Amsterdam et qui mène, comme n’importe quel navire, des opérations de sauvetage en mer lorsque cela s’avère nécessaire. En 2008 et en 2016, il a par exemple été mobilisé pour secourir des skippers participant à la course du Vendée Globe.

Pour faire connaître les TAAF, ainsi que les femmes et les hommes qui y évoluent, plusieurs actions ont été mises en place. Une immersion à bord du Marion Dufresne a par exemple été organisée, dans le cadre de laquelle les inscrits ont reçu des « colis numériques », avec des nouvelles en temps réel de l’équipage ayant assuré, en décembre, la quatrième rotation australe du navire en 2024.

Navigatrice, connue, entre autres, pour avoir été la première femme à avoir accompli un tour du monde en solitaire lors d’une compétition, et présidente du Conseil consultatif des TAAF, Isabelle Autissier incarne ce pont entre les Terres australes et antarctiques françaises et le Vendée Globe.

INTERVIEW

ISABELLE AUTISSIER, NAVIGATRICE ET PRÉSIDENTE DU CONSEIL

CONSULTATIF DES TAAF

• Pouvez-vous revenir sur les liens existants entre le Vendée Globe, les TAAF et le Marion Dufresne, sur lequel vous effectuez actuellement l’une des quatre rotations annuelles (OP4) ?

- Au-delà des missions de secours que le Marion Dufresne peut être amené à réaliser comme tout autre navire, il y a plusieurs points communs entre les deux univers. Quand on se trouve en mer, on est extrêmement vulnérable et nous avons cette obsession de la sécurité et de l’attention au milieu dans lequel nous naviguons. Nous sommes en permanence vigilants à la météo et devons faire preuve d’une grande adaptabilité. C’est aussi vrai pour le skipper en solitaire qui va devoir bricoler pour réparer son bateau que nous, sur le Marion, quand une escale ne se passe pas comme prévu.

« IL FAUT TOUT FAIRE POUR PROTÉGER

CETTE PETITE OASIS DE VIE »

• La biodiversité des mers australes est aussi riche que menacée par le dérèglement climatique. Quelle émotion cela provoque-t-il chez vous ?

- Quand d’un côté, on voit la biodiversité s’appauvrir tout autour de nous et, de l’autre, qu’on a ici des écosystèmes encore très fournis et vigoureux avec de nombreuses espèces endémiques, je pense que l’on est tous saisis de la même émotion : il faut tout faire pour protéger cette petite oasis de vie.

Le dérèglement climatique, qui touche avant tout les pôles, a un impact particulièrement grave. Ici, dans les TAAF, un réchauffement d’un degré a de grandes conséquences. Cela a par exemple un effet asséchant qui permet au vent d’arracher les rares plantes parvenant à pousser. Les oiseaux perdent alors des sites de nidification. Il y a des effets en chaîne. Et, vu l’isolement des populations, si elles disparaissent ou s’amoindrissent, il n’y a pas de retour en arrière possible.

• Comment, en tant que présidente du Conseil consultatif des TAAF, menez-vous ce combat pour la préservation des océans ?

- Pour sauvegarder la vie sauvage, il ne suffit pas de tracer une réserve sur une carte. Il faut avoir tous les aléas en tête et une vision à 360 degrés. Par exemple, il faut avoir des scientifiques pour comprendre comment évolue le milieu, une force militaire pour empêcher la pêche illégale. Mon rôle, dans tout ça, c’est de prodiguer des conseils au préfet ou à la préfète des TAAF et de m’assurer que l’ensemble des points de vue soient bien entendus.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset

POLYNÉSIE FRANÇAISE

TAHITI S’ATTAQUE ENFIN À L’IMMENSE PROBLÈME DES PNEUS USÉS

Les pneus sont déposés sur un tapis roulant qui les emporte vers le broyeur, où ils sont tronçonnés. © Anne-Charlotte Lehartel

pour la première foiS, une filière de valoriSation deS pneumatiqueS a vu le jour Sur la côte oueSt de tahiti en 2023, alorS que l ’ immenSe majorité deS pneuS uSéS – au moinS 2 800 tonneS par an – terminaient danS la nature, avec effet cumulatif depuiS deS décennieS. un broyeur leS déchiquette afin de produire de S chip S , S orte S de copeaux calibré S aux utili S ation S diver S e S .

Sur 2 400 tonnes de pneus importées chaque année en Polynésie française – hors les pneus qui arrivent déjà montés sur les véhicules neufs – seules 400 tonnes au mieux étaient récupérées par Fenua Ma, syndicat chargé du tri en Polynésie française et signifiant « Pays propre ». Qui, au mieux, en réexpédiait une infime quantité vers la Nouvelle-Zélande, mais le plus souvent les stockait en surface, à la suite d’incendies qui ont dissuadé le syndicat de les enfouir dans des casiers. Compétent à Tahiti et Moorea sauf à Faa’a, Fenua Ma est censé recueillir tous les pneus de la filière professionnelle sur cette zone, puisque les vendeurs de pneumatiques ont en principe l’obligation de s’assurer du bon traitement de leurs déchets…

À plusieurs reprises, le syndicat a lancé des appels d’offres restés infructueux pour ces « déchets ultimes ». Classés comme déchets non dangereux, les pneus usés représentent malgré tout un risque pour l’environnement et la santé publique en cas d’incendies (émissions de gaz toxiques) ou de dépôts sauvages (gîtes pour les moustiques). Il est interdit de les enterrer, de les abandonner dans le milieu naturel ou de les brûler.

UN NOUVEAU MATÉRIAU DE REMBLAI, À UN PRIX PLUS ABORDABLE

Finalement, la société Enviropol, spécialisée dans le tri, le transfert, l’enfouissement et la valorisation

des déchets, a remporté un nouvel appel d’offres lancé par le Pays. Elle a installé, sur le site du Centre d’enfouissement technique (CET) de Paihoro en 2023, une machine d’origine américaine opérationnelle depuis quelques mois.

Les pneus sont déposés par un opérateur sur un tapis roulant qui les emporte vers le broyeur, où ils sont tronçonnés. Les fragments arrivent dans un crible à recirculation : ce qui ne franchit pas le crible repart dans les mâchoires de l’engin. Enviropol obtient au final des éléments calibrés et normés de 10 cm maximum, un matériau qui peut être valorisé, notamment dans des tranchées drainantes, ou alors comme matériau de remblai pour des applications notamment en voirie et réseaux divers (VRD). La question des agrégats devient sensible à Tahiti : les pierres utilisées par les travaux publics sont prélevées dans les vallées, et les concessions sont de plus en plus difficiles à obtenir. Plutôt que d’utiliser du basalte, Enviropol propose à la vente ses chips de pneus à petit prix. Selon Fenua Ma, l’activité va tourner entre 1 400 et 1 700 tonnes de pneus broyées par an pour deux à trois jours de fonctionnement par semaine, afin d’évacuer peu à peu le stock historique mis de côté depuis 2012. Les pneus usés ne représentent « que » 0,5 % du gisement global des déchets, mais les associations savent qu’il y en partout dans la nature, y compris sous l’eau.

Rédaction : Damien Grivois

TÉMOIGNAGE

WINIKI SAGE, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT (FAPE-TE ORA NAHO)

« L’arrivée à Tahiti de ce broyeur est une bonne nouvelle, les pneus usés faisaient partie des dossiers jamais résolus. Des milliers de pneus “disparaissent” dans la nature chaque année, depuis des décennies, rien n’ayant été prévu en matière de recyclage. Lors des opérations de nettoyage du lit des rivières ou des lagons, les associations en récupèrent des quantités incroyables. Le tonnage de pneus collectés par Fenua Ma reste très inférieur à ce qu’il devrait être : il faut impliquer davantage les importateurs. Peut-être faudrat-il envisager un autre broyeur destiné aux autres îles que Tahiti ? Si les chips de pneumatiques broyés représentent une alternative aux agrégats, c’est encore mieux, même si ça ne remplacera pas tout. Nous pensons qu’il faut cesser les extractions dans les lits des rivières, d’autant que pendant longtemps, les tonnages prélevés n’ont pas été contrôlés. La Fape milite pour l’ouverture de vraies carrières. Et peut-être envisager d’inclure une partie de chips de pneus dans le revêtement des routes, ça renforce, paraît-il, leur résistance, adhérence et confort sonore. »

À gauche : Winiki Sage se réjouit de l’arrivée du broyeur, mais s’inquiète que seul un pneu sur quatre arrive au retraitement. © Damien Grivois | Ci-dessus : lors de chaque opération de nettoyage, le même constat : on retrouve des pneus usés partout. © JMM

SEUL UN PNEU SUR QUATRE RÉCUPÉRÉ PAR FENUA MA

Selon l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF), Tahiti importe chaque année près de 150 000 pneus rien que pour les véhicules de tourisme, sans compter les pneus déjà montés sur les voitures neuves, qui totalisent a minima 25 000 pneus par an.

L’article L541-2 du Code de l’environnement national stipule que « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ses déchets jusqu’à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. Tout producteur ou détenteur de déchets s’assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. »

Le Pays, adhérent au syndicat Fenua Ma au titre de sa compétence sur les déchets toxiques et spécifiques (piles, batteries, huiles, médicaments, carcasses de voitures, déchets électroniques, fusées de détresse, etc.), a voulu résoudre le problème.

Après une première consultation demeurée infructueuse en 2017 « en raison de réponses financières trop élevées », Fenua Ma a lancé un nouvel appel d’offres remporté par Enviropol. Les pneus usés sont en principe collectés lors de leur remplacement, puis envoyés chez Fenua Ma. En réalité, le syndicat récupère aujourd’hui au mieux 25 % des pneus des seuls véhicules de tourisme.

NOUVELLECALÉDONIE

VALORGA CULTIVE LES RICHESSES DES DÉCHETS ORGANIQUES

depuiS Sa création en 2018, le cluSter valorga S ’ attache à optimiSer l ’ impact écologique et économique de S initiative S de valori S ation de S déchet S organique S mi S e S en œuvre par S a trentaine d ’ adhérent S l e S objectif S pour S uivi S : réduire le S déchet S , utili S er de S produit S locaux et naturel S , créer une filière économique .

La valorisation des déchets organiques s’est d’abord développée autour de la réutilisation des déchets verts, principalement via le compostage. Recycler pour ne plus enfouir, l’enfouissement étant « un non-sens économique et environnemental », considère Chloé Saglibene, animatrice du cluster Valorga. Quitte à payer pour que son déchet soit géré, autant le faire pour qu’il soit traité plutôt qu’enfoui. Cet enjeu a rencontré celui du traitement des boues de stations d’épuration du Grand Nouméa, qui concentre deux tiers de la population calédonienne. La voie du cocompostage a été retenue, explique Chloé Saglibene. « Le principe est de mélanger deux volumes de déchets verts pour un volume de boue. » Une plateforme privée, qui a vu le jour en 2022 à Tontouta, au nord de l’agglomération, vend désormais du compost local.

Au fil des ans, de nouveaux projets émergent chez les adhérents de Valorga. « Une société propose du lombricompostage, une autre de la microméthanisation,

qui consiste à produire du biogaz à partir de la fermentation de matières organiques. Et puis, il y a la start-up Neofly qui teste un procédé innovant. Elle transforme des larves de mouches nourries de biodéchets organiques issus de l’industrie agroalimentaire locale en farine riche en protéines pour l’alimentation animale, tandis que les restes servent d’engrais. »

LEVER LES A PRIORI

Dans le cadre d’un appel à projets Ademe national, Valorga va comparer l’impact sur le sol, l’environnement, la culture – comme le maïs ou le fourrage – de deux types de fertilisations, une avec des apports organiques locaux, l’autre constituée d’engrais minéraux importés. L’idée est de lever les craintes et les a priori Pas toujours évident quand les pratiques sont ancrées depuis longtemps. « Il y avait une certaine réticence au début à utiliser les composts locaux en raison d’un

En haut de page : cocompostage – c’est-à-dire mélange de déchets verts et de boues de stations d’épuration – présenté par Mango Environnement, la plus grande plateforme de compostage de Nouvelle-Calédonie, dans le quartier de Nessadiou à Bourail. © Valorga

production de fourrage, avec une démonstration d’épandage de produits organiques. © Valorga

manque de confiance dans leur qualité », note Chloé Saglibene. « Faire des études et des démonstrations sur le terrain est le meilleur moyen de convaincre les agriculteurs », poursuit-elle. Pour aider les différents acteurs à s’y reconnaître et les inciter à tester, la structure a réalisé en 2023 un catalogue regroupant les produits disponibles, décrivant leur composition et leur utilisation.

Au-delà du monde agricole, le cluster explore actuellement d’autres pistes : revégétalisation minière, pépinière… « Nous avons encore pas mal de choses sur lesquelles travailler, mais ça avance petit à petit. » D’autant qu’avec les récentes crises – Covid, guerre en Ukraine, etc. – les articles proposés commencent à devenir attractifs. « Le coût des engrais importés augmente, donc on devient compétitif. Cela montre aussi tout l’intérêt de développer des filières locales. » Favoriser l’autonomie et une moindre dépendance visà-vis de l’import, ainsi que la création d’une économie. L’environnement est également un facteur déterminant. « Il faut préparer les cultivateurs à mieux entretenir les sols afin d’être plus résilients face au changement climatique », ajoute Chloé Saglibene. « On est au début de l’histoire du traitement des déchets organiques. » Et Valorga veut en écrire la suite.

Rédaction : Anne-Claire Pophillat

RECYF : LA SECONDE VIE DES POISSONS

Alors que Charles André cherche un projet porteur de sens et d’un intérêt pour son île natale, l’idée lui vient, au retour d’une sortie de pêche, de valoriser les restes de poissons de la filière hauturière, traités jusqu’alors comme n’importe quel déchet. « Entre 1 000 à 1 400 tonnes partent à l’enfouissement chaque année », relève l’entrepreneur. Et cela représente un coût pour les professionnels, qui doivent payer « 16 francs Pacifique le kilo » (0,13 euro).

Or, ces résidus organiques sont riches, naturels et bio. Les exploiter permettrait de préserver l’environnement en évitant de les jeter, et de créer un nouveau produit local, grâce à un procédé déjà utilisé un peu partout dans le monde. Après trois ans de recherche et développement, l’usine démarre son activité début 2024 à Nouméa, à côté des pêcheries situées à Nouville. Recyf produit principalement de la farine et un peu d’huile de poisson. Leurs principales utilisations ? « Vu sa teneur en protéines, notre farine entre dans la composition de l’alimentation animale, notamment pour l’aquaculture, et surtout la crevetticulture, et peut aussi être utilisée comme engrais dans l’agriculture. »

Et le modèle fonctionne. « Nous sommes rentables tout en étant moins cher que l’import. C’était important que ce soit viable. » Pour Charles André, le process est vertueux. « Cela participe de l’économie circulaire, permet d’être moins dépendant des farines importées, de créer de l’emploi et d’aider le secteur de la pêche en supprimant une charge financière. »

Chloé Saglibene anime le cluster Valorga, qui fédère les acteurs de la filière valorisation des déchets organiques. © A.-C. Pophillat | Journée technique autour de la
Charles André propose des sacs de 500 kg pour les professionnels et de 20 kg pour les particuliers, qui utilisent la farine dans leurs jardins.

Des entreprises rejoignent Valorga pour valoriser leurs déchets, comme ci-dessus Nouméa Archives, qui « exporte le papier broyé, mais aimerait le réutiliser en local. Il y a eu des essais en tant que paillage et les agriculteurs sont contents », raconte Chloé Saglibene. C’est le cas aussi de la société Bois du Nord, qui recycle ses connexes (copeaux, plaquettes, chips...) ou de CMF-Ecobag, pour ses rebus de carton. © Repair

Ci-dessus, de gauche à droite : réalisation par Valorga d’un bilan de fertilité du sol. | Formation sur le lombricompostage avec l’association Repair (Réseau professionnel pour une agriculture innovante et responsable) proposée par l’entreprise Agri New Concept. © Valorga

La taille de l’usine est adaptée au marché local. « La ligne de production que nous avons achetée, qui fait 440 m2, est la plus petite du marché au monde », indique Charles André de Recyf. Parmi les projets de développement : capter les déchets de la pêche lagonaire. © Recyf

« Avec un kilo de déchets, on fabrique 250 grammes de farine et 50 grammes d’huile » précise Charles André. © Recyf

Recyf peut fabriquer 300 tonnes de farine de poisson par an, alors que les besoins du territoire calédonien sont estimés à 900 tonnes.

L’AFD SOUTIENT LES ÉTATS INSULAIRES DANS LEUR

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

r amener le S donnée S climatique S à l ’ échelle de S petit S é tat S in S ulaire S pour leur permettre d ’élaborer leurS StratégieS d ’ adaptation : c ’ eSt l ’ objectif du projet clipSSa, lancé en 2021 par l ’ afd l e S troi S collectivité S françai S e S du p acifique et le v anuatu pourront profiter , d ’ ici 2026, de ce S donnée S inédite S dan S leur combat face au dérèglement climatique

Les États insulaires du Pacifique sont en première ligne face au changement climatique. Érosion côtière, ressources en eau et sécurité alimentaire menacées… Ce sont eux qui subissent de manière la plus brutale le réchauffement global. Pour s’adapter, ils ne peuvent s’appuyer que sur les données existantes en termes d’évolution climatique. Ces données, notamment celles publiées par le GIEC, sont indispensables pour élaborer des stratégies au niveau mondial, mais elles ne sont pas adaptées à la petite échelle de ces États du Pacifique.

CLIPSSA : DES DONNÉES NOUVELLES

SUR LE CLIMAT FUTUR DU PACIFIQUE SUD

À leur demande, l’Agence française de développement (AFD) a initié, en 2021, le projet CLIPSSA, qui signifie « Climat du Pacifique, savoirs locaux et stratégies d’adaptation ». Quatre territoires en bénéficient : la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et le Vanuatu.

En lien avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et Météo-France, des données inédites voient le jour : températures, cyclones, précipitations… « Des données qui influencent la capacité des États insulaires à faire de l’agriculture, à avoir accès à l’eau… », détaille Charlotte-Fleur Cristofari, experte climat à la direction régionale océan Pacifique de l’AFD.

Cette collecte de données va de pair avec des travaux de recherche auprès des communautés locales, notamment à Wallis-et-Futuna, dans le but de comprendre comment les agriculteurs s’adaptent. « Ont-ils déjà ajusté, par exemple, leurs pratiques de culture du taro ? Observent-ils un changement des cycles de précipitations, de semences ou de récoltes ? Ces données sont capitales dans le cadre de la sécurité alimentaire », insiste Charlotte-Fleur Cristofari. « L’objectif est que les pouvoirs s’emparent de ces données et qu’ils s’en servent comme outil d’aide à la décision. » Afin de prendre les meilleures décisions possibles, de manière éclairée, car il en va de la survie de ces joyaux du Pacifique.

INTERVIEW CROISÉE

ISAAKE TUIKALEPA, INGÉNIEUR

D’ÉTUDES EN ANTHROPOLOGIE ET EN AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, ET DIDIER LABROUSSE, CHEF

D’ANTENNE DU SERVICE TERRITORIAL DE L’ENVIRONNEMENT (STE) À FUTUNA

• Quels sont les enjeux économiques et culturels du projet CLIPSSA sur Wallis-et-Futuna ?

Isaake Tuikalepa - L’agriculture, en plus de son rôle vivrier, tient une place très importante dans la culture futunienne. Les récoltes entrent dans les circuits d’échanges coutumiers, garants de la cohésion sociale. Le changement climatique et ses impacts sur l’agriculture sont un enjeu majeur pour la population locale. CLIPSSA permet de rendre compte des pratiques agricoles à Futuna, de comprendre leur évolution et donc leur capacité d’adaptation afin d’aiguiller les politiques publiques. Les travaux ont aussi permis d’identifier les leviers et les freins de la commercialisation des produits agricoles.

Didier Labrousse - Les changements climatiques concernent également la pêche récifale et côtière, du fait de l’augmentation des températures océaniques, de la variation des courants et donc du déplacement des poissons, notamment les pélagiques. Il y a donc un impact sur la ressource et l’alimentation. De nombreux enjeux existent aussi par rapport à l’eau, ressource agricole essentielle pour la culture du taro irrigué. L’eau provient des rivières à Futuna et les épisodes de sécheresse raréfient la ressource. Par ailleurs, les petites nappes phréatiques de Wallis sont menacées par l’élévation du niveau de la mer.

• Quelles sont les problématiques spécifiques à Wallis-et-Futuna ?

Isaake Tuikalepa - Principalement l’érosion côtière avec l’élévation du niveau de la mer, le blanchissement des coraux, la gestion de la ressource en eau. Les agriculteurs ont une capacité d’adaptation remarquable. Si les anciennes variétés plantées sont moins résistantes aux changements du temps, les nouvelles variétés s’intègrent facilement dans l’agriculture locale. Elles font l’objet d’expérimentations permettant leur usage par les agriculteurs et leur diffusion à plus grande échelle.

Didier Labrousse - La montée du niveau de l’océan et la fréquence des aléas climatiques érodent et font reculer le trait de côte. Or, l’habitat en zone littorale et les infrastructures routières n’offrent que peu d’alternatives de déplacement et de relogement des populations. Il n’existe qu’une route côtière à Futuna. C’est une île haute, mais avec peu de plateaux aménageables. Cela implique donc également une réflexion sur la répartition des sols entre urbanisation et agriculture.

Porté par l’AFD, l’IRD et Météo-France, CLIPSSA aide à renforcer les capacités d’adaptation de la région au changement climatique. + d’info ici : Le projet CLIPSSA

CLIPSSA est un projet qui a débuté en juillet 2021, pour une durée de trois ans et demi, d’un montant de 3,8 millions d’euros.
Photos de l’article : ©
Isaake Tuikalepa

WALLISET-FUTUNA

Rédaction et interview : Justine Taugourdeau

VERS L’ÉCOTOURISME À WALLIS-ET-FUTUNA

l’écotouriSme permet de découvrir un milieu naturel, tout en le reSpectant et en appréciant leS pratique S culturelle S qui y règnent . b ien loin du touri S me de ma SS e , l ’ archipel de W alli Set - f utuna , grâce à S a nature pré S ervée entre mer et montagne au cœur du p acifique , e S t un territoire propice à cette forme de touri S me durable , qui bénéficie aux communauté S locale S

LA SITUATION ACTUELLE

DU TOURISME DANS L’ARCHIPEL

À la suite des Assises des Outre-mer qui se sont tenues d’octobre 2017 à février 2018, le tourisme a été nommé comme la toute première solution de désenclavement de ce territoire insulaire. Depuis 2019, un pôle dédié au tourisme existe sur l’île de Wallis et se charge de l’accueil des visiteurs.

L’archipel connaît un tourisme de niche dominé par quelques catégories telles que le tourisme d’affaires, majoritaire, ainsi que les tourismes de découverte et également religieux, ces îles étant un lieu de pèlerinage sur les traces de Pierre Chanel, saint patron et martyr de l’Océanie, mort assassiné à Futuna en 1841.

LE SECTEUR ÉCONOMIQUE

DU TOURISME EN QUELQUES CHIFFRES

En 2023, on recensait près de 3 000 touristes à Walliset-Futuna. Dans le cadre de la Stratégie du développement touristique mise en place par l’archipel, l’objectif est d’atteindre 11 000 touristes annuels en 2030, soit autant que la population wallisienne.

UNE DESSERTE RESTREINTE

L’accès à ces îles reste limité. Wallis est la seule à posséder un aéroport international, la liaison avec Futuna se faisant via un Twin Otter, un petit avion dont la circulation dépend fortement des conditions météo.

Ci-dessus : case traditionnelle, appelée « fale », avec sa toiture en feuilles de pandanus tressées. Wallis-et-Futuna souhaite s’affirmer comme un archipel où les traditions, très vivaces, rencontrent la beauté brute de la nature. Photos de l’article : © Wallis-et-Futuna Tourisme

LE POTENTIEL DE L’ÉCOTOURISME

Wallis-et-Futuna est protégé du tourisme de masse grâce à sa configuration : l’absence de points d’entrée adaptés dans la barrière de corail de Wallis empêche les bateaux de croisière d’accéder à l’île. Ceci a pour effet d’éviter la surfréquentation. Et ici, le premier critère de subvention d’un aménagement touristique est le respect de la nature, de façon à contrôler les constructions.

INTERVIEW

MARION MANUOFIUA, RESPONSABLE DU PÔLE TOURISME DE WALLIS-ET-FUTUNA

• Comment développer l’écotourisme local ?

- Le tourisme durable est le plus adapté sur l’archipel et celui qu’on retrouve naturellement sur place. Ceci constitue donc un avantage. Le tout est maintenant de le promouvoir en augmentant l’offre touristique et d’attirer les visiteurs de façon raisonnable. Pour cela, il faudra perfectionner notre capacité d’accueil, en créant par exemple un office du tourisme et aussi en développant la palette des activités disponibles.

• Quels sont les grands défis du développement touristique à Wallis-et-Futuna ?

- L’enclavement de nos îles est encore un critère de réticence pour les touristes, qui ne connaissent pas Wallis-et-Futuna ou optent pour des destinations voisines telles que Fidji, plus faciles d’accès. L’objectif est de transformer cette contrainte en avantage, en

misant sur la tranquillité de ce territoire, la préservation de sa culture et de son patrimoine naturel. De plus, le tourisme local est un secteur récent, qui demande à être structuré. Il va notamment nécessiter de sensibiliser la population locale à l’accueil d’un plus grand nombre de visiteurs, et de l’encourager à garder son authenticité. L’aménagement touristique demandera aussi une certaine gestion, car il dépend de règles administratives représentant la République française, mais aussi de celles des rois locaux, qui ont un fort pouvoir de décision dans les questions foncières.

• Quels sont les atouts écotouristiques des îles ?

- Wallis est une île accessible depuis l’international. Elle possède un lagon typique des îles du Pacifique, et 16 motus (îlots), sur lesquels on peut se rendre en pirogue et profiter d’un repas traditionnel local. Grâce à son lagon, Wallis propose de nombreuses activités nautiques : kitesurf, pirogue, plongée sousmarine... D’ailleurs, l’île accueillera en 2025 la Manatai, une compétition de sports nautiques rassemblant plusieurs nationalités du bassin pacifique. En face, l’île de Futuna, bien plus sauvage, présente un gros potentiel pour l’écotourisme. Contrairement à Wallis, c’est une île montagneuse, moins peuplée, où l’on peut explorer des sentiers avec des vues à couper le souffle. Enfin, la troisième île de l’archipel, Alofi, est inhabitée, mais permet aux habitants d’y développer l’agriculture.

Un point intéressant est qu’en raison de l’isolement de l’archipel, la quasi-totalité des produits est importée, l’approvisionnement en denrées s’avère donc très aléatoire. La population fait ainsi perdurer au maximum la consommation de produits naturels locaux, pour rester le plus autonome possible. Enfin, la culture locale est encore très vivante et présente au quotidien.

Rencontre privilégiée avec le Lavelua (roi coutumier) d’Uvéa (Wallis). La culture locale est au cœur des projets écotouristiques de l’archipel.
Anakélé, un site historique et naturel majeur de Futuna. | À plus de 16 000 kilomètres de l’Hexagone, les îles de Wallis-et-Futuna sont encore largement inexplorées par les circuits touristiques. Cependant, les activités nautiques s’y développent. © Wallis-et-Futuna Tourisme
Pour passer une journée sur un motu (îlot), des taxiboats sont disponibles, ou des kayaks peuvent être loués au spot nautique de Vakala.
| Le « To’o Kava », cérémonie coutumière permettant de rendre grâce à la nature pour les bienfaits reçus. © Wallis-et-Futuna Tourisme

Fédérer l ’ outre-Mer, FAvoriser les éChAnGes, Mettre en luMière les ACteurs de terrAin, les initiAtives pour lA proteCtion de lA nAture et le développeMent durAble

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Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion

Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Enzo Dubesset, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Damien Grivois, Axelle Dorville, Justine Taugourdeau, Julien Mazzoni, Anne-Claire Pophillat, Mathilde Edmond-Mariette Minoton, Caroline Cunisse, Pauline Bénard, Béatrice Tevanee, Caroline Marie Conception graphique : Océindia

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OUTRE-MER grandeur Nature n°26 _ janvier-février 2025

1min
page 68

Wallis-et-Futuna

5min
pages 64-65

AFD

5min
pages 62-63

Nouvelle-Calédonie

6min
pages 58-59

Polynésie française

6min
pages 56-57

TAAF

5min
pages 54-55

Cadema

5min
pages 52-53

Département de Mayotte

6min
pages 48-49

Mayotte

6min
pages 44-45

Port Réunion

6min
pages 42-43

Département de La Réunion

4min
pages 40-41

Ville de Saint-Denis

5min
pages 38-39

Île de La Réunion

5min
pages 36-37

Cirad

5min
pages 34-35

OFB

6min
pages 32-33

Guyane

5min
pages 30-31

Interco' Outre-mer

5min
pages 26-27

Guadeloupe

5min
pages 22-23

Ministère de la Transition écologique

4min
pages 20-21

ODE Martinique

3min
pages 18-19

Martinique

4min
pages 14-15

IFRECOR

6min
pages 12-13

Saint-Martin

2min
pages 10-11

Saint-Barthélemy

1min
pages 10-11

Terre Outre-mer

3min
pages 8-9

Saint-Pierre-et-Miquelon

5min
pages 6-7

Actu outre-mer

3min
pages 4-5

Édito

7min
pages 2-3
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