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LE SOL FRANC
Par la nationalisation foncière, chacun naît propriétaire foncier. Chaque enfant qui naît tient, comme l'Enfant Jésus de Prague, le globe terrestre dans sa main. Aux noirs, aux rouges, aux jaunes, aux blancs, à tous sans exception, la terre appartient sans partage. Tu es poussière, et tu retourneras en poussière. C'est peu. Mais qu'on n'aille pas sous-estimer l'importance économique de cette poussière. Celle-ci fait partie de la terre. Et la terre appartient aux propriétaires fonciers. Pour naître et pour grandir, il te faut des éléments du sol. La moindre déficience en fer, dans ton sang, affecte ta santé. Sans la terre, nul ne peut naître ; et si le sol appartient à un propriétaire foncier, il faut sa permission. Ceci n'est pas une exagération. L'analyse de tes cendres décèle quantité d'éléments précieux qui ne se puisent pas dans l'air. Ces éléments terrestres ont appartenu à des propriétaires fonciers. Ils leur ont été achetés ou ils leur ont été volés. C'est un dilemme. En Bavière l'autorisation de se marier était subordonnée à un minimum de revenu. La loj défend de voir le jour, à ceux qui ne sont pas en mesure de payer la poussière dont seront faits leurs os. Sans la permission du propriétaire foncier, nul non plus n'a le droit de rendre l'âme. Tu retourneras en poussière. Cette poussière-exige de la place. Et si les propriétaires fonciers te refusent cette place ? Celui qui meurt sans autorisation sur le sol d'un propriétaire, vole ce propriétaire. Aussi, ceux qui ne peuvent payer la place où les enterrer, vont-ils droit en enfer. L'Espagnol dit : « Il n'a rien où tomber en mourant. » Et la Bible: « Le Fils de l'Homme n'a rien où il puisse reposer sa tête. » Mais du berceau au cercueil, il y a toute la vie. Et la vie, on le sait, est une combustion. Le corps est un foyer, dont la chaleur constante est indispensable au maintien de. la vie. Cette chaleur, nous cherchons à l'entretenir à l'aide d'aliments, de vêtements .et d'habitations. Ces aliments, et les matières nécessaires à l'habillement et à l'habitation appartiennent elles aussi, aux propriétaires fonciers. Et que faire, si les propriétaires ne veulent pas les octroyer ? Sans la permission des propriétaires du sol, nul n'a donc le droit de manger, de se vêtir, ni même de vivre. Qu'on ne nous taxe pas ici non plus d'exagération. Les Américains refusent aux Chinois le droit d'immigration. Les Australiens repoussent de leurs côtes tous ceux dont la peau n'est pas absolument blanche. Même les Malais naufragés, qui cherchaient refuge sur les côtes australiennes, furent impitoyablement repoussés. Et comment la police agit-elle avec ceux qui n'ont pas de quoi payer les produits de la terre ? a Tu ne possèdes rien. Or tu vis. Donc tu voles. La chaleur de ton être, ce foyer qui ne s'alimente qu'avec des produits du sol, trahit ton forfait. En prison, voleur ! » C'est pour cela que les journaliers ont l'habitude de se constituer une réserve d'argent, à laquelle ils ne