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LA MONNAIE MÉTALLIQUE
ne l'acquiert pas pour sa substance, mais pour sa propriété de moyen d'échange, c'est qu'on ne la consomme pas, mais qu'on l'utilise comme instrument d'échange. La monnaie parcourt un circuit, qu'elle boucle continuellement ; elle retourne à son point de départ. Pour pouvoir se comparer à une monnaie, le paquet de thé venu de Chine aurait dû, après des pérégrinations de plusieurs années à travers les colonies de l'Amérique du Nord, retourner en Chine, à l'instar du dollar d'argent qui, parti du Colorado pour un long voyage en Chine et rapatrié par le hasard des échanges, peut redescendre, un jour de paye, dans les mines d'argent du Colorado, et retourner dans les mains de l'ouvrier qui l'a produit. Le paquet de thé coûterait d'ailleurs toujours davantage à mesure qu'il s'éloigne du port; le fret, les bénéfices et les intérêts grèveraient son prix, alors que le dollar pourrait faire vingt fois le tour du monde sans coûter plus cher à l'ouvrier mineur. On rencontre dans presque tous les pays des pièces vieilles de plus de cent ans et qui ont peut-être changé de propriétaires plus de cent mille fois, sans qu'il soit venu à l'idée d'aucun de ces multiples propriétaires, de les consommer, c'est-à-dire de les fondre pour en utiliser l'or ou l'argent. Durant cent ans elles ont servi de moyen d'échange. Pour cent mille propriétaires, elles furent, non de l'or, mais de la monnaie, et aucun d'entre eux n'eut besoin du métal. On reconnaît toujours la monnaie au fait que sa composition n'a pour le propriétaire aucune importance. C'est cette complète indifférence qui seule explique que des pièces de cuivre couvertes d'un dangereux vert-de-gris, des monnaies d'argent élimées, de belles pièces d'or et des feuilles de papier multicolore circulent ensemble, et au pair. Le cas des coquillages diffère de celui du thé. Ce moyen d'échange utilisé en Afrique centrale offre plus de ressemblance avec la monnaie. On ne consomme pas les cauris ; l'acquéreur leur accorde moins d'intérêt que dans le cas du thé ou de la poudre. Ils circulent ; il n'est pas nécessaire de les remplacer continuellement ; il arrive même qu'ils repassent par leur lieu d'origine : la côte. Il peut se produire que quelque négresse les ravisse à la circulation pour s'en faire une parure, mais cet emploi ne leur confère pas d'importance du point de vue économique. À moins d'être détrônés par quelque autre moyen de paiement, les cauris resteraient moyens d'échange s'ils venaient à passer de mode pour la parure. Ils constitueraient alors un pur moyen d'échange, une véritable monnaie, comme nos pièces de cuivre, de nickel et d'or, et comme nos billets, qui, eux aussi, n'offrent d'autre utilité que celle de moyen d'échange. Et nous pourrions les qualifier, comme notre numéraire, de monnaie nationale, en accordant à ces mots le sens qu'ils prennent dans des conditions aussi primitives. Le monopole d'État de la production des monnaies serait ici, exactement comme sous l'étalon-or, protégé par l'impossibilité de produire des cauris à volonté, ceux-ci ne pouvant se récolter que sur les côtes, à des milliers de kilomètres de là. (Le coquillage ne peut s'obtenir,