126
LA MONNAIE MÉTALLIQUE
4. Parce que le moyen d'échange ne se conçoit, de par sa nature même, que sous la forme d'une monnaie nationale, d'État; 5. Parce que, dans notre hypothèse, l'État n'émet pas d'autre monnaie que celle de papier ; 6. Parce que les détenteurs de marchandises n'ont eu d'autre choix que d'accepter la monnaie de papier en échange de leurs produits, ou d'abandonner la division du travail, et enfin : 7. Parce que les détenteurs de ce papier ont refusé de le céder gratis, dès qu'ils ont vu que les possesseurs de marchandises, dans l'embarras où ils se trouvaient, offraient leurs produits pour ces billets. La preuve qu'il est possible de faire de la monnaie avec de la cellulose est maintenant complète. Nous pourrions déjà passer à la question suivante, qui est celle ci : « Combien un bout de papier rapportera-t-il, ou bien doit-il rapporter?» Mais l'importance de la question me force à m'arrêter aux préjugés qui s'opposent à l'idée de la monnaie de papier, et de prouver l'absurdité des plus importants d'entre eux. Mon but est de gagner la confiance de ceux d'entre les lecteurs qui, tout en reconnaissant la rigueur de ce raisonnement, craindraient que l'hypothèse ne soit incomplète et n'omette quelque circonstance pouvant invalider la démonstration. Les prochains développements (1) manqueraient de base si le lecteur n'était convaincu de la possibilité absolue de fabriquer de la monnaie de cellulose, monnaie sans valeur matérielle et sans matière de valeur, portant n'importe laquelle des inscriptions indiquées plus haut. C'est à cette seule condition que le lecteur admettra la suite. Si cette possibilité n'était pas aussi certaine que la mort de Marley (2) tout ce qui suit serait réduit à néant. J'aurais pu, comme tant de ceux qui se sont escrimés à résoudre l'énigme de la monnaie de papier, me faciliter la tâche en disant que l'État pourrait exiger le payement des impôts, des amendes, en monnaie de papier. Si l'État exige, notamment, que l'on paie avec sa monnaie de papier les timbres-poste, les coupons de chemin de fer, les droits de douanes, l'enseignement, le bois provenant des forêts de l'État, le sel des mines de l'État, chacun considérera ce papier comme précieux, et refusera de le céder gratuitement. Dans ce cas l'État promettrait au porteur, non de l'or, mais des services. Ce qui reviendrait à dire que ce sont ces services qui donnent la vie à la monnaie de papier. Mais cette explication ne nous mènerait pas loin. Nous le verrons plus tard. Comme tous les réformateurs à « monnaie papier » et à (1) Il est prudent de rappeler qu'il s'agit ici uniquement de savoir s'il est possible de faire, à partir du papier d'un billet, de la monnaie de papier. La question des avantages que pareille monnaie peut avoir sur la monnaie métallique, reste entièrement à l'écart. Nous l'examinerons ultérieurement. (2) Dans les « Contes de Noël » de Dickens.