MESURE DU PRIX DE LA MONNAIE
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finances, qui doit sauvegarder l'économie nationale, et non servir des intérêts économiques particuliers. Il faut que la monnaie ait toujours et partout le prix qu'elle a aujourd'hui. Ce que l'on a payé en marchandises, pour obtenir une somme, il faut que toujours on puisse l'obtenir en échange de cette même somme, que ce soit demain, dans un an ou dans dix. Dans ces conditions, le débiteur remboursera ce qu'il a reçu et le créancier recevra ce qu'il a prêté. Rien de plus, rien de moins. Cela va de soi et se passe de démonstration.
7. La mesure précise du prix de la monnaie. Si le prix du numéraire (1) doit rester constant, il faut être en mesure de prouver qu'il n'a pas varié. Sans cette preuve, les intéressés ne seraient jamais satisfaits. Les créanciers réclameraient sans cesse la baisse des prix, les débiteurs, la hausse. Le seul moyen de réduire au silence les deux parties est de prouver noir sur blanc que le prix de la monnaie est resté immuable. La querelle entre partisans de l'étalon-or et bimétallistes tournait toujours autour de la question de savoir si le prix de la monnaie avait changé. Dans l'examen du problème, on se basait de part et d'autre sur une illusion — celle de la valeur. On parlait de valeur intrinsèque, de valeur matérielle, de réserves de valeur, etc. C'est précisément ce qui rendait la question insoluble. De ce point de vue absurde, les meilleures preuves, les arguments les plus sensés des bimétallistes apparaissaient comme des non-sens. Si les bimétallistes démontraient, à l'aide de statistiques patiemment accumulées, que les prix des marchandises avaient baissé de 10, 20 ou 50 % depuis l'adoption de l'étalon or, les défenseurs de ce dernier déclaraient que cela n'avait aucune signification. L'important n'était pas le prix d'une marchandise, mais sa « valeur ». Ce point, les bimétallistes l'admettaient. Le prix des marchandises avait baissé, parce que le progrès technique avait réduit les frais de production et de transport. Seuls des adversaires convaincus et irréductibles de la théorie de la valeur auraient pu prouver que l'étalon-or était une erreur à la faveur de laquelle les créanciers détroussaient les débiteurs, parmi lesquels l'État. Les bimétallistes auraient remporté la victoire, et même aisément, s'ils s'étaient cantonnés sur le terrain du prix de la monnaie. Dans le bourbier de la valeur, ils perdirent pied. fl) Il faut entendre par le prix du numéraire, la quantité de marchandises quo l'on doit donner en échange d'une somme déterminée.