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LA MONNAIE MÉTALLIQUE
baisser durant le temps qui sépare l'achat de la revente. Le prix de revente doit dépasser celui d'achat, parce que la différence contient le tribut. En période de prospérité, durant la « conjoncture ascendante », lorsque le prix moyen des marchandises augmente, l'attente des commerçants se réalise. La différence de prix, le bénéfice, couvre les frais commerciaux et le droit exigé par l'argent. Durant les périodes de conjoncture descendante, en temps de baisse, la levée de ce droit devient problématique, sinon impraticable. L'incertitude suffit. Le commerçant suspend ses achats. Quel commerçant, quel spéculateur, quel entrepreneur irait escompter une traite à la banque et payer des intérêts, pour payer des marchandises qui menacent de baisser de prix ? Ce serait s'exposer à ne pouvoir jamais récupérer ses frais. La double condition à laquelle le numéraire subordonne son entremise, rend le commerce mathématiquement impossible en temps de baisse. Notons que ceux qui détiennent le numéraire sont les seuls à invoquer cette impossibilité. Pour les propriétaires de marchandises, les pertes les plus lourdes n'opposent à l'offre aucun obstacle; pour eux, il n'est jamais question d'impossibilité mathématique. La marchandise est toujours prête à l'échange, qu'il en résulte profit ou perte. L'argent, lui, se met en grève, dès que le tribut traditionnel n'est plus garanti, dès qu'une cause quelconque, rompant l'équilibre entre l'offre et la demande, fait baisser les prix. Mais, dira-t-on, que faut-il entendre par là ? La demande se retirerait, la circulation monétaire serait mathématiquement impossible, dès que les prix baissent ? Mais les prix baissent précisément quand l'offre d'argent est insuffisante. La baisse des prix, conséquence d'une offre de numéraire déjà insuffisante, ferait baisser encore cette même offre d'argent ? Absolument. Ni l'auteur ni l'imprimeur ne se sont trompés. L'argent se relire bel et bien du marché, la circulation monétaire s'avère impossible, mathématiquement impossible, dès que l’offre de numéraire est insuffisante et qu'une baisse des prix s'amorce ou s'annonce. Lorsque fut adopté l'étalon-or, la production de numéraire se réduisit du montant intégral de la production de métal argent. Les prix fléchirent. La. circulation monétaire était devenue impossible. La monnaie s'accumulait dans les banques. Le taux de l'intérêt ne cessait de baisser. Les bimétallistes menèrent une campagne contre l'étalon-or. Ils accusèrent la pénurie de numéraire d'être la cause de cette crise économique interminable. En réponse, les défenseurs de l'étalon-or, Bamberger et consorts, invoquèrent l'existence d'énormes dépôts en banque, la modicité du taux de l'intérêt. C'était, d'après eux, la preuve éclatante « qu'il y avait encore beaucoup de numéraire ». Selon eux, la chute des prix provenait du progrès technique réalisé dans la production (dans celle de l'or aussi ?) ; il y avait « surproduction ».