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LA MONNAIE FRANCHE
ques, des prévisions agricoles, de l'habileté des chefs d'État, et qu'elle ne sera plus contrecarrée par la crainte de catastrophes économiques. La demande est désormais, tout comme l'offre des pommes de terre, du foin, de la houille, de la chaux, une chose mesurable, pondérable, sans vie ni volonté. Mue par une force naturelle et intérieure, la monnaie tendra constamment vers la vitesse de circulation la plus élevée pour le lieu et l'époque, et elle tendra sans cesse à faire croître cette vitesse limite. Comme la lune parcourt imperturbablement son orbite, sans égard pour les événement terrestres, la monnaie franche suivra, sans égard pour la volonté du porteur, son chemin à travers le marché. Dans toutes les circonstances imaginables, par les bons comme par les mauvais jours, la demande répondra exactement : 1. à la quantité de monnaie mise en circulation et contrôlée par l'État ; 2. à la vitesse de circulation monétaire la plus grande possible selon l'organisation commerciale existante. Qu'est-ce que cela signifie pour l'économie publique ? Cela signifie que nous maîtrisons les fluctuations du marché ; que l'Institut d'émission est en mesure d'ajuster exactement, par l'émission et le retrait de monnaie, la demande aux besoins du marché ; que ce ne sont plus les porteurs de billets, les petits bourgeois timorés, les spéculateurs, l'esprit régnant en Bourse, les caprices des affaires, qui créent la demande ; mais que c'est désormais à l'Institut d'émission de déterminer de manière absolue le niveau de la demande. L'Institut d'émission produit de la demande, comme l'État délivre des timbres-poste, et comme les ouvriers fabriquent de l'offre. Si les prix baissent, l'Institut d'émission produit de la monnaie et la met en circulation. Et cette monnaie, c'est de la demande sous forme matérielle. Lorsque les prix haussent, l'Institut d'émission incinère de la monnaie, et ce qu'il brûle, c'est de la demande. L'Institut d'émission est maître du marché, ce qui signifie que nous avons vaincu les crises et le chômage. Sans notre consentement, le niveau moyen des prix ne peut ni hausser ni baisser. Toute baisse ou hausse est une manifestation de la volonté de l'Institut d'émission, lequel est responsable de cette initiative. Abandonnée au gré du détenteur d'argent, la demande devait forcément engendrer des alternatives de hausse et de baisse générale, c'est-à-dire tour à tour la spéculation et le chômage. Grâce à la monnaie franche, l'initiative appartient à l'Institut d'émission. Conformément au but de la monnaie, l'Institut d'émission emploie son pouvoir à supprimer ces oscillations. En examinant cette monnaie, on se résoudra à abandonner la coutume plusieurs fois millénaire de garder des réserves d'argent,