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LA MONNAIE FRANCHE
en vue de provoquer une diminution des prix par la réduction de l'offre de monnaie. Et vice versa. Si elle le fait exactement, les paiements doivent toujours s'équivaloir, et la formation d'un excédent sera évitée. De sorte que l'exportabilité de la monnaie nationale devient pour le moins superflue. Je dis « pour le moins », car la faculté pour la monnaie de rentrer et de sortir peut causer de graves préjudices ; cette faculté prive les banques nationales du monopole de la gestion monétaire; elle soumet le marché national à la domination de puissances étrangères souvent hostiles (1). Toute manœuvre troublant la stabilité des monnaies étrangères se répercute à l'intérieur du pays, et il est impossible de se défendre autrement que par des barrières douanières. Si des états étrangers abandonnent l'étalon-or, pour l'étalon-marchandises, ce métal afflue vers notre pays pour y chercher emploi, et fait monter les prix à un moment où ceux-ci se trouvaient déjà assez hauts sans cela. Si des pays étrangers suppriment l'étalon-argent ou l'étalon-marchandises pour rétablir l'étalon-or, le métal jaune prend le chemin de l'exil, bien souvent au moment où il ne faisait déjà que trop défaut. Que de difficultés ces manœuvres ont suscitées à nos agriculteurs endettés! Tout cela avait été depuis longtemps démontré théoriquement(2). Mais il fallait la monnaie franche pour apporter la preuve tangible. Aujourd'hui nous avons de la monnaie de papier entièrement affranchie de l'or ; la monnaie franche n'est nullement gagée ; en dépit de ce fait, notre change est ferme à l'étranger. Il est plus stable que jamais. Au début, notre Institut d'émission s'est occupé de la stabilisation de l'indice des prix, Il apparut alors que, tandis que les prix se stabilisaient dans le pays, notre change baissait et haussait alternativement à l'étranger. Cela provenait du fait que, à l'étranger où règne encore l'étalon-or, les prix oscillaient—comme jadis chez nous. À l'étranger, on n'admettait pas cette explication, et l'on accusait notre monnaie de papier. Maintenant notre Institut d'émission a voulu prouver à l'étranger que ces fluctuations sont dues à l'or ; il a laissé osciller les prix à l'intérieur du pays, pour tendre en revanche à stabiliser notre change. Si le cours du change montait, autrement dit si les lettres de change tirées sur l'étranger devenaient plus chères, l'Institut d'émission laissait se réduire la quantité de monnaie en circulation ; si le cours du change baissait, on amplifiait la quantité de monnaie en circulation. Et comme, sous le règne de la monnaie franche, la monnaie représente ellemême la demande de marchandises, les prix et ensuite le change ont obéi docilement. De cette manière nous avons fourni à l'étranger la preuve qu'il est vain d'attendre de l'étalon-or un change stable en même temps que des prix intérieurs stables, et que ces deux buts (1) Durant la crise marocaine, (les devises françaises déposées dans des banques allemandes, furent retirées dans le but de nuire à l'Allemagne. Le coup porta. (2)Silvio Gesell : « Die Anpassung des Geldes und seiner Verwaltung an die Bedürfnisse des modernen Verkehrs » Buenos-Aires 1897- Frankfurth und Gesell : « Aktive Währungspolitik“, Berlin 1909.