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LA MONNAIE FRANCHE
a bâti davantage, si l'offre de logements est supérieure à la demande, les loyers vont naturellement baisser, et les immeubles ne rapporteront plus l'intérêt requis. Dans ce cas on ne tarde pas à congédier les ouvriers du bâtiment ; et l'activité dans la construction est interrompue aussi longtemps que l'accroissement de la population n'aura pas fait monter la demande de logements à un point tel que les loyers rapportent plein intérêt. Alors seulement, l'activité pourra reprendre dans le bâtiment. Il en est exactement de même dans les entreprises industrielles. Si leur nombre est devenu tel que la demande d'ouvriers (qui s'unissent) a fait monter les salaires au point que le patron n'a plus, aux prix où il peut vendre, le moyen de servir les intérêts du capital, la fondation de nouvelles entreprises est suspendue jusqu'à ce que l'accroissement du nombre des ouvriers, l'augmentation de l'offre de main-d'œuvre, ait fait descendre les salaires et créé ainsi de la marge pour le paiement de l'intérêt. Nous comprenons maintenant pourquoi les moyens de production apparaissent comme étant du capital. Le capital monétaire ne finance leur installation et ne les tolère que dans la mesure où il pourra maintenir continuellement sa prépondérance en face des chercheurs d'emploi. Il y a régulièrement moins de moyen de travail que d'offre de travail ; et cette pénurie perpétuelle d'ateliers entretient une pléthore de sans-travail, qui comprime les salaires à un niveau inférieur aux recettes. L'image est encore plus simple et plus claire si l'on considère-simplement l'entrepreneur comme un prêteur sur gage qui avancerait à l'ouvrier l'argent nécessaire pour machines et matières premières et qui se ferait payer avec les produits. L'argent exerçait ainsi un pouvoir absolu sur les échanges et sur la production (les moyens de travail). Tout était inféodé à l'argent. L'argent s'interposait entre consommateur et producteur, entre patron et ouvrier : il cloisonnait tout ; et pour s'unir, pour franchir ces barrières, il fallait payer une rançon : l'intérêt. On comprend aussi maintenant pourquoi la monnaie franche fait fléchir sans cesse le taux de l'intérêt et le fait tendre vers zéro. L'argent ne peut plus se soustraire au marché. Sans égard pour l'intérêt, il doit s'offrir, soit directement à l'échange contre de la marchandise, soit à l'emprunt. Plus d'intrusion entre les artisans. Contre son gré, en dépit de sa rapacité, l'argent reste à son poste et doit aider l'échange-des marchandises. Fini le règne du brigand ; l'argent travaille — et même pour rien. Maintenant les marchandises ne sont plus bannies du marché, les ouvriers ne chôment plus dès que l'intérêt fléchit. Sans égard pour celui-ci, les échanges se poursuivent.