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LA DISTRIBUTION' DES RICHESSES
Tels étaient les idées et les projets de Proudhon. Passant aux réalisations, il fonda les banques de troc. Comme chacun le sait, ce fut un échec. Et pourtant, le problème qui déroutait Proudhon était facile à résoudre. Il suffit d'abandonner le point de vue habituel, celui du détenteur d'argent, pour examiner le problème du point de vue du travailleur et de celui qui détient les marchandises. La solution apparaîtra immédiatement : c'est la marchandise et non l'argent qui constitue la raison d'être de l'économie politique. Les richesses consistent en effet, pour 99 % en marchandises ou en assemblage de marchandises, 1 % est fait d'argent. Conclusion : considérons les marchandises comme les fondations de l'édifice, et traitons-les comme telles. N'y touchons pas. Laissons-les telles qu'elles se présentent sur le marché. Qu'y pourrions-nous changer ? La marchandise se brise, se gâte, périt. Qu'elle périsse, c'est dans sa nature. Tous les perfectionnements que nous pourrions apporter aux banques de troc de Proudhon n'empêcheront jamais l'édition de six heures, qui fait courir ventre à terré les crieurs de journaux, de n'être plus bonne qu'à jeter au rebut si elle n'est pas vendue deux heures après. Remarquons aussi que l'argent constitue le moyen d'épargne général ; que tout l'argent servant de moyen d'échange au commerce, se déverse dans les caisses d'épargne, où il stagne jusqu'à ce qu'on l'en aspire à coups d'intérêts. Aux yeux des épargnants, comment serait-il possible d'élever les marchandises au rang du numéraire, au rang de l'or ? Comment arriver à faire en sorte que l'épargnant, au lieu d'emplir sa cassette d'argent, empile des réserves de paille, de livres, de lard, d'huile, de fourrures, de guano, de dynamite, de porcelaines, etc. ? C'est pourtant ce que Proudhon prétendait réaliser lorsqu'il voulait placer sur un pied d'égalité les marchandises et l'argent. Proudhon n'avait pas vu que la monnaie, telle que nous la connaissons, n'est pas seulement un instrument d'échange, mais aussi un moyen d'épargne, et que pour les réserves des épargnants, argent et pommes de terre, argent et chaux, argent et drap ne seront jamais, à aucun point de vue, des égalités. Devant le contenu du plus grand des grands magasins, le jeune homme qui épargne pour ses vieux jours se dit : La moindre pièce d'or serait bien mieux mon affaire. Ne nous en prenons donc pas aux marchandises : celles-ci constituent les données du problème ; elles forment le monde, auquel le reste doit s'adapter. Mais examinons de plus près la monnaie. De ce côté, des modifications sont plus facilement réalisables. Faut-il que la monnaie soit telle qu'elle est ? Faut-il qu'en tant que marchandise, la monnaie soit meilleure que les marchandises dont elle doit faciliter l'échange ? La monnaie doit-elle être la seule marchandise à l'abri des dégâts, quand toutes les autres craignent l'incendie, l'inondation, la crise, la guerre, etc ? Pourquoi l'argent, qui doit servir de moyen d'é-