L'ORDRE ECONOMIQUE NATUREL (Silvio Gesell)

Page 83

LES FINANCES DU SOL FRANC

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des dettes, comme les dettes elles-mêmes, est fixé sur le papier. C'est vrai, mais examinons de plus près ces éléments variables de la rente foncière du point de vue de ceux qui nous font cette objection ; c'est-à-dire du point de vue des propriétaires fonciers eux-mêmes. Comment ceux-ci se sont-ils donc jusqu'ici défendus contre une baisse de la rente foncière ? N'ont-ils pas toujours, en pareil cas, fait appel à l'État et laissé toute la charge de leurs difficultés à ce même État, qu'ils prétendent protéger contre les risques fonciers ? En même temps ils omettent de signaler que là où il y a un risque, il y a généralement aussi une chance équivalente de bénéfice ; et qu'eux-mêmes ont soin de se décharger sur l'État de la perte, mais de revendiquer les bénéfices. Le rôle de l'État en face de la propriété foncière privée a toujours été le même : celui du perdant à la loterie. À l'État les pertes ; aux propriétaires les bénéfices. C'est un fait : lorsque les rentes ont monté, les bénéficiaires n'ont jamais proposé de restituer à l'État ce qu'ils avaient obtenu de celui-ci pendant les périodes de détresse. À l'origine les rentiers du sol s'en tiraient généralement seuls : ils alourdissaient la servitude. Quand cette arme s'émoussa, l'État dut venir à la rescousse en élevant le droit d'établissement, de façon à faire monter d'autant le niveau des prix. Lorsque ce procédé devint trop dangereux, l'État dut agir sur la monnaie qu'il avilit, afin de sauver, par une hausse générale et irrésistible des prix, la classe endettée des propriétaires fonciers, aux dépens des autres classes. Quand l'appel au sacrifice des autres rentiers — ceux de l'argent — échoue, les rentiers du sol se répandent en lamentations et réclament des protections douanières ; ils basent leurs revendications sur ce qu'ils appellent la détresse de l'agriculture. Pour sauver la rente foncière et la faire remonter, les masses devraient payer le blé plus cher. De sorte que ce fut toujours l'État, le peuple, qui, bon gré mal gré, prit sur soi le risque lié à la propriété foncière. Le risque supporté par une classe aussi nombreuse et aussi influente que celle des propriétaires fonciers, s'identifie en effet à un risque du trésor public. Sous ce rapport, la nationalisation du sol n'apporterait de changement qu'en ce que, en compensation du risque, l'État aurait aussi les chances. Du reste, du point de vue économique, la chute du revenu foncier n'implique aucun risque. De ce point de vue, la disparition même complète du revenu foncier ne constituerait pas une perte. Le contribuable, qui supporte aujourd'hui en même temps et l'impôt et la rente foncière pourrait, si cette dernière disparaissait, payer d'autant plus d'impôt. La solvabilité du peuple devant l'impôt varie en raison inverse «le celle du rentier (1). (1) En France, la moyenne de la rente foncière pour la période de 1908 à 1912 tomba de 22,4 % par rapport à la moyenne de 1879 à 1881. Le prix des terres baissa de 32,6 %. Pour la période de 1879 à 1881, l'hectare coûtait 1830francs : pour celle de 1908 à 1912, 1214 francs. (Grundbesitz und Healkrcdit. 18 April 1918.)


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