DANS LA JUMELLE
LE TIR DÉCRYPTÉ PAR L'ORDINATEUR
MIS AU POINT À L’ORIGINE PAR LES ADEPTES DU TIR SPORTIF, LE SCATT ET SES DRÔLES DE GRAPHIQUES SONT APPARUS IL Y A QUELQUES ANNÉES À L’ENTRAÎNEMENT DES BIATHLÈTES.
U Manzoni/Nordic Focus
n drôle de gribouillis se dessine sur la cible. Il est digne d’un enfant de deux ans. Un coup à gauche, un détour par le haut, un virage à droite... Un filament vert est en mouvement perpétuel sur l’écran. Le tireur semble pourtant immobile. Mais l’impression est fausse. Ce que l’œil nu ne peut détecter, le SCATT permet de le visualiser avec une précision chirurgicale.
SCATT
Patrick Favre, entraîneur de tir de l’équipe de France masculine.
6 | BIATHLON MAGAZINE • N°3
Adepte de cet outil depuis de nombreuses années, l’Italien Patrick Favre, entraîneur de tir en équipe de France masculine, avait fait appel à cette technologie en amont des Mondiaux de Pokljuka (Slovénie) la saison passée. Le Vosgien Fabien Claude, dans le dur au tir couché et à la recherche d’explications, avait eu droit à sa séance assistée par ordinateur. À la conclusion, il y avait ces étonnantes courbes semblables à des encéphalogrammes. Elles racontent bien des choses sur le comportement des biathlètes face à la cible. À une distance de seulement cinq mètres, l’outil reproduit les conditions du tir à 50 mètres. Certaines nations l’utilisent aussi en situation réelle. Le capteur optique installé sur le canon de la carabine retranscrit sur l’écran d’un ordinateur et de manière amplifiée tous les mouvements du tireur. « C’est un bon moyen de comprendre son tir et les erreurs qu’on commet, appuie Fabien Claude. On voit qu’elle est la meilleure entrée en cible et si on lâche trop tard sa
balle après être pourtant passé sur la cible. » Autant de micro-détails que l’observation humaine perçoit difficilement. « Par-delà les mouvements de la carabine, le SCATT permet d’étudier la respiration des athlètes sur le pas de tir. On n’en a pas toujours conscience mais la moindre respiration fait bouger la carabine », complète Patrick Favre. « Je percevais les battements de mon cœur tellement la machine est précise », s’étonne encore Fabien Claude, au sujet de sa séance d’avant-Mondiaux. Au très haut niveau, le moindre mouvement parasite transforme une balle dans le mille en un aléatoire cordon. « Avec le SCATT, on a une idée précise du temps passé en visée. Chronomètre en main, on ne perçoit pas tous ces éléments. C’est plus facile de laisser un ordinateur calculer tout ça », prolonge Patrick Favre. Convaincu des bienfaits de cet équipement, Fabien Claude n’en perd pas sa lucidité pour autant : il ne peut pas résoudre tous les problèmes. Rien ne remplace les sensations éprouvées à l’effort. « Cela m’a permis de constater que je ne tirais pas de la même manière essoufflé et au repos. En revanche, cela n’a pas expliqué pourquoi j’envoyais autant de balles basses au couché, reconnaît le Vosgien. Il faut trouver le bon compromis entre le travail avec l’ordinateur et les séances ‘’normales’’, mais c’est pra-
Larisa Kuklina, double médaillée de bronze aux championnats d’Europe de 2021 à Duszniki-Zdrój en pleine séance avec le SCATT.