Mars 2020, les projets s’arrêtent, l’aiguille de l’horloge semble figée sur son cadran. Musées, spectacles, commandes industrielles et libres échanges sont reportés à un temps inconnu de tous. Dans ce contexte, L’Industrie Magnifique doit elle aussi se repenser, se montrer agile, innovante et créative, s’emparer, en quelque sorte, du manteau de l’artiste… Par Valérie Bisson Illustration Amélie Dufour
Habiter un monde commun L’Industrie Magnifique, mouvement de coopération associant artistes, entreprises mécènes et collectivités locales, pour promouvoir et développer la création, l’art et le patrimoine industriel dans les territoires, a vu le jour sous l’impulsion de Jean Hansmaennel et de son association Industrie et Territoires. L’événement qui met en scène l’industrie par le biais de l’art sous toutes ses formes est soutenu par une idée : une entreprise, un artiste, un lieu. Une trentaine d’entreprises de la région, dont des poids lourds industriels comme Hager, Schmidt Groupe ou Soprema sur l’édition 2018 endossent l’habit du mécène pour subventionner les œuvres disséminées dans la ville de Strasbourg. La cathédrale se souvient encore de la visite du Mammuthus Volantes, commandée par Pierre-Étienne Bindschedler, PDG de Soprema, le numéro deux mondial de l’étanchéité de bâtiment et de Dominique Formhals d'Aquatic Show International, ainsi que de la une du New York Times qui créa un buzz international lors de la première édition. Sous le regard averti d’Hélène Ziegelbaum, en charge du mécénat pour L’Industrie Magnifique, les dynamiques de proximité et de collaboration qui sous-tendent le projet 22 — ZUT — L’Industrie Magnifique
se mettent en mouvement entre les 75 partenaires privés et publics et les 35 entreprises mécènes. « Les entreprises privilégient de plus en plus les projets qui ont lieu à l’échelle locale, indique-t-elle. Ils permettent de nouer des relations avec les acteurs de proximité et de constater l’impact direct de leurs actions sur les bénéficiaires. Une autre dynamique en pleine expansion est celle du mécénat collectif car il mutualise les ressources et renforce les leviers d’action ». Si la loi de 2003, dite Aillagon, permet de réduire l’impôt sur les sociétés, ce dispositif fiscal avantageux n’explique pas à lui seul l’essor du mécénat d’entreprise. En effet, il offre un attrait stratégique et philanthropique, car il incarne à la fois les valeurs de l’entreprise et l’image humaine d’une structure économique. Il permet de s’inscrire dans la cité de manière inédite. Pour les artistes, c’est une opportunité et une autre manière de réaffirmer l’importance de leur place dans la vie publique. À l’heure de l’inauguration, si l’idée fondatrice n’a pas changé dans ses grandes lignes, la crise mondiale est venue renforcer des questionnements qui sous tendaient déjà ceux des industriels.
Créer du sens et fédérer le soutien La pandémie de Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur de particules autour de certaines questions fondamentales. Face à la violence de la réalité vécue, les questions du sens et du lien ont fait surface : comment réinventer les relations ? Comment refondre les projets ? Comment les soutenir financièrement ? Comment innover face à la crise ? Comment rencontrer un public confiné ? Comment contribuer ? Comment vivre ensemble ? Autant d’interrogations qui engagent les notions de responsabilité individuelle et collective. Dans ce mouvement, une forte prise de conscience se met également en place. « Les entreprises ont affirmé le besoin de redonner du sens et de s’inscrire dans une territorialisation forte de leurs activités, témoigne Jean-Damien Collin, délégué régional à la Fondation de France Grand Est. Ce que l’on peut observer aujourd’hui, avec la crise sanitaire, même si nous manquons encore de recul sur ses effets, c’est cette forte recherche de sens et le besoin de créer un maillage territorial plus fin et resserré. Le besoin de sens et de proximité devient très fort ».