Du grain à moudre
Quelques lectures pour aller plus loin. Où il est beaucoup question de reconversion, de néo-artisans, de valeurs éthiques et écologiques, de rapport au travail et au monde, de quête existentielle. Un argumentaire pour changer de vie ?
Par Sylvia Dubost
L’entrée en matière
Le récit
Comme une bonne intro dans une dissertation, cette note rédigée par le think tank La Fabrique écologique pose parfaitement les enjeux du sujet. Plutôt destinée à celles et ceux qui veulent se lancer dans une reconversion et celles et ceux qui les accompagnent, elle revient sur les chiffres, les motivations, les aspects économiques, écologiques, sociétaux de ces reconversions professionnelles, et rappelle quelques bases. « Le mouvement lui-même s’inscrit dans la continuité du courant de pensée américain Arts and Crafts qui pose la réhabilitation du travail artisanal comme un nouveau modèle pour la société, mettant en œuvre une intelligence pratique (la « mètis » grecque) capable de redonner du sens à l’organisation sociale du travail, qui ne cesse d’en perdre. Ce constat a été porté à la connaissance d’un large public et à une échelle internationale au travers des récents ouvrages de Richard Sennett (Ce que sait la main, 2008), de Matthew B. Crawford (Éloge du carburateur, 2010) et plus récemment encore par Arthur Lochmann (La Vie solide : La charpente comme éthique du faire, 2019) qui ont tous rencontré un réel succès d’édition. »
Cité dans la note ci-dessus, ce récit est un peu l’alter ego français d’Éloge du carburateur. Étudiant en philo et en droit, Arthur Lochmann choisit un CAP charpentier non par désir, mais pour gagner sa vie. Son nouveau métier finit par prendre une place qu’il n’attendait pas, et lui ouvre une manière inédite d’aborder et de comprendre le monde. « En développant un rapport productif à la matière, en apprenant à inscrire mes actions dans la durée, en adoptant l’éthique artisanale du bien faire, j’ai trouvé des clés pour m’orienter dans notre époque frénétique. Au fil des ans et des chantiers, j’ai acquis cette conviction : l’apprentissage et la pratique d’un artisanat sont un ensemble d’expériences, de méthodes et de valeurs adaptées aux défis individuels et collectifs de la modernité. »
Développer les métiers de l’artisanat local et écologique, La Fabrique écologique. Disponible sur lafabriqueecologique.fr
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ZUT ARTISANAT | Du grain à moudre
Arthur Lochmann, La vie solide. La charpente comme éthique du faire Éd. Payot, 2019
La mise en perspective La comparaison entre le mouvement actuel et celui des années 70 est inévitable. Et la lecture de cet ouvrage publié en 1977 la rend encore plus pertinente, tant les parcours et les motivations sont
similaires, mus par « une certaine idée du loisir et labeur, cette volonté d’une existence moins dévorée, de rythmes plus paisibles, mieux accordés au jour, à la nuit, aux saisons. » Pierre Barnley et Paule Paillet débarrassent cet exode urbain du folklore dont il se pare et du mépris qui l’accompagne. « Dès que l’on amorce le dialogue avec tous ces gens, jeunes pour la plupart, qui délibérément ont rompu les amarres qui les enchaînaient à un travail, un style de vie, un habitat de grande ville, reviennent avec insistance, formulés ou implicites, les thèmes de rapports neufs à redécouvrir, à réinventer, entre l’homme et la nature, l’homme et l’outil, l’homme et la matière qu’il travaille, la quête d’une identité perdue… » Pierre Barnley et Paule Paillet, Les néo-artisans, Éd. Stock, 1977 Disponible en PDF sur Place des libraires
L’indispensable Difficile de ne pas citer cet ouvrage qu’on peut qualifier de culte, en tout cas de classique sur le sujet. Économiste et anthropologue David Graeber, anarchiste et figure du mouvement Occupy Wall Street en 2008 (quand on avait le droit de se rassembler dans l’espace public…) observe ici les boulots à la con auquel nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à être réduits, et auquel les