Quand l’art rencontre l’écologie. Une sculpture de feuillages, des photographies mettant en scène des corps dénudés au milieu de sublimes paysages, une évidente inspiration venue des peuples autochtones d’Afrique et d’Amérique Latine. Depuis 2017, le plasticien Hugo Mairelle et le photographe Vincent Muller conduisent le projet Être(s) qui, après plusieurs expositions et la parution d’un livre, connaitra une nouvelle résurgence dans le cadre de L’Industrie Magnifique. Par Lucie Chevron Photos Vincent Muller
L’Homme occidental face à la Nature Marigot VINCENT MULLER ET HUGO MAIRELLE AQUATIRIS Salle de l’Aubette
126 — ZUT — L’Industrie Magnifique
Un gigantesque masque anthropomorphe fait de matériaux naturels au cœur de l’Aubette. Des branches et des lianes tressées en guise d’ossature, diverses plantes telles que le roseau des étangs pour donner sa forme au fétiche, de la terre. C’est dans la forêt de la Robertsau que le duo artistique du projet Être(s), accompagné d’acteurs de l’entreprise Aquatiris, vont cueillir des végétaux, deux jours avant le début de l’exposition. Composée à la dernière minute pour favoriser sa conservation, l’œuvre entièrement biodégradable va se désintégrer au gré des dix journées durant lesquelles elle va être présentée. Ses restes seront rendus à la terre, comme pour lui rendre ce qui lui appartient. Dans sa temporalité globale, elle évoque la vie, mais aussi la mort, ce cycle empreint de beauté autant que de terreur. Après plusieurs voyages en Afrique et au Mexique, le plasticien Hugo Mairelle rentre en France, enrichit par les savoir-faire manuels et le quotidien des cultures autochtones qu’il a côtoyées. Aux antipodes d’une conception occidentale de la vie où le progrès régit toutes les strates de nos existences, là-bas, c’est en symbiose avec la nature que l’on traverse les âges. « Chez les peuples autochtones, le concept de “nature” n’existe pas. Il n’y a pas de division entre l’Homme et cette “nature”, donc pas de hiérarchisation, comme c’est le cas en Occident. L’Homme y est continuellement connecté, comme le sont par exemple les oiseaux. »
Vivre simplement avec l’environnement qui nous entoure, à l’image des animaux et végétaux, tel est ce à quoi les membres de Être(s) aspirent. Fermer les yeux au milieu d’une forêt, écouter les bruits qui s’en émanent. De cette vision holistique, il se dégage une certaine spiritualité où les masques humanoïdes jouent un rôle de passerelle entre le monde des hommes, celui des autres êtres vivants, et les esprits. Aux antipodes des corps-modèles De retour dans sa contrée alsacienne, Hugo Mairelle contacte Vincent Muller, photographe et ami de longue date perdu de vue. Il lui propose ce projet collaboratif à quatre mains et plus. Depuis, le rituel est immuable. Ensemble, ils choisissent un site, en Alsace ou juste à côté, et partent à l’aventure, toujours accompagnés d’un modèle. Qu’il vente, pleuve, neige, ou que le soleil s’invite à la partie, ils débarquent sur les lieux, toujours dans cette dynamique d’agir au rythme et en harmonie avec l’environnement. Pendant qu’Hugo Mairelle collecte les éléments qui constitueront son masque, Vincent Muller repère les environs afin d’y trouver le spot idéal pour déclencher. Une fois les photographies prises, la composition est toujours laissée sur place pour y disparaitre, là où ses composantes ont pris vie. Dans la lignée des théories énoncées par Paul Ardenne, historien de l’art et auteur de la préface du livre Être(s) sorti en fin d’année dernière (lire ci-contre), cette pratique écologique du land art est une manière pour les deux acolytes de confronter l’Homme occidental à sa relation avec la nature. Pédagogique, ce projet est une invitation à réfléchir à d’autres façons de faire, à l’extrême opposée de la destruction anthropique prônée en Occident. Et si à l’Aubette, un de leurs masques est pour la première fois exposé au cœur de l’urbanisme strasbourgeois et en intérieur, pour eux, c’est une façon de s’immiscer dans un espace différent. Participer à cet événement leur donne aussi l’opportunité de