Frédéric Laffont expose Landscape in Motion, œuvre métallique émergeant de l’eau commandée par l’industriel Fein. Par Pierre Cribeillet Photo Christoph de Barry
Le jeu du miroir
« On est parti d’une feuille blanche. J’ai demandé à Frédéric Laffont de venir pour qu’on visite Strasbourg afin de voir les différentes places proposées par L’Industrie Magnifique. Très, très rapidement, les idées se sont assemblées. Notre artiste a flashé sur la place Kléber et les fontaines. Ce n’était pas prévu au départ, alors on a insisté pour pouvoir y exposer. » Ce sera Landscape in Motion, œuvre métallique émergeant des eaux de la place. Laurent Schwarz, directeur général chez Fein, connaissait l’artiste. « On avait déjà travaillé ensemble mais dans un contexte totalement différent. C’était plus mercantile, pas du mécénat pur », poursuit le boss de la filiale française de cette entreprise allemande dont le fondateur a, pour l’anecdote, inventé la perceuse électrique en 1867. Mais ici, il s’agit bien d’art et non de publicité. Le mécène avait une seule exigence ou presque : valoriser la matière qu’il travaille dans ses ateliers mais aussi une certaine maîtrise pour le polissage des miroirs. « La combinaison de notre savoir-faire dans l’acier inoxydable et l’intérêt de l’artiste pour 44 — ZUT — L’Industrie Magnifique
travailler ce matériau rejoignait très vite sa philosophie du mouvement, de la couleur et du reflet de la nature », explique Schwarz. « Le champ était totalement libre, je leur ai suggéré deux projets », rembobine Frédéric Laffont, habitué à travailler tous types de métaux. « Il nous a proposé certaines idées, certains croquis où il mettait en avant ses fameuses feuilles ou flammes jouant sur le mouvement dans l’eau », décrit le DG de Fein France. « L’idée est de partir de cette matière première, l’inox, pour proposer la survenue d’un nouveau paysage au cœur même de Strasbourg, dans un des deux bassins de la place Kléber », dévoile le sculpteur installé à Ivry-sur-Seine. Onirisme et réflexion Pas banale, cette œuvre veut jouer sur la perception du spectateur. Laffont s’explique : « Le mouvement m’a toujours attiré comme synonyme de la vie. Dès que quelque chose bouge, il suggère le vivant. L’autre aspect de cette œuvre est l’interaction. Avec le miroir, elle est permanente avec le public. L’œuvre n’a pas de physionomie fixe, elle change selon la position
de celui qui la regarde. Elle existe dans l’esprit des gens, ce sont eux qui vont la percevoir et donc lui donner du sens à leur manière. » Le titre, Landscape in Motion, soit paysage en mouvement en anglais, traduit cette ambition. « Les gens vont pouvoir bouger, se voir et s’imaginer dedans, jouer avec les lumières », salive Laurent Schwarz, impatient d’imiter ces curieux badauds qui flâneront autour du bassin pour étudier les reflets du métal et de l’eau, avant que la pièce ne rejoigne le siège de son entreprise à Saverne. Après une longue année de réclusion pour l’art, cette sculpture en mouvement a pour vocation d’interpeller, étonner et – pourquoi pas ? – redonner un brin de gaieté au public. « C’est notre rôle aussi, artistes, de sortir de la matérialité du quotidien et d’ouvrir à ce qui caractérise vraiment l’humain, l’esprit quoi, le rêve, l’imagination et tout ce qui singularise l’Homme. J’espère que ça va amener un petit peu d’onirisme et de réflexion, dans tous les sens du terme. » Ou quand lumière et pensée se mêlent dans un simple reflet.