BRAINCAST La
voix des neurones en partenariat avec lâInstitut
du Cerveau
Disponible sur www.cerveauetpsycho.fr/sr/braincast/ ainsi que sur toutes les plateformes de podcast
Braincast est le rendez-vous des amateurs des sciences du cerveau et de leurs derniers dĂ©veloppements, qui transforment notre sociĂ©tĂ© et expliquent dâune façon nouvelle nos comportements, nos pensĂ©es, nos Ă©motions, nos dĂ©sirsâŠ
Ce podcast emmĂšnera lâauditeur dans une conversation avec un chercheur qui a marquĂ© sa discipline, pour revenir sur sa vie, son parcours, ce qui lâa passionnĂ© dans le monde des neurosciences.
Ce moment privilĂ©giĂ©, axĂ© sur lâhomme ou sur la femme dans leur dimension humaine et sur les fondements de la recherche en neurosciences, va ouvrir pour lâauditeur des fenĂȘtres sur le fonctionnement de son propre cerveau.
N°
NOS CONTRIBUTEURS
ĂDITORIAL
p. 12-14
Diane Purper-Ouakil
Professeuse des universitĂ©s et praticienne hospitaliĂšre de psychiatrie de lâenfant et de lâadolescent, au Centre hospitalier universitaire de Montpellier, elle sâintĂ©resse notamment aux troubles neurodĂ©veloppementaux, comme le TDAH et lâautisme.
SĂBASTIEN BOHLER
RĂ©dacteur en chef
Sylvie Thirion
MaĂźtresse de confĂ©rences en physiologie et en neurosciences Ă Aix-Marseille UniversitĂ©, elle sâintĂ©resse Ă la façon dont le cerveau construit le lien amoureux.
Moi, ça me console
Lâautre jour, jâai appris que Bernard Arnault, le patron de LVMH, Ă©tait lâhomme le plus riche du monde. Apparemment, Elon Musk nâa pas apprĂ©ciĂ©. Il nâa plus que 171 milliards.
Mathieu Cassotti
Professeur de psychologie du dĂ©veloppement Ă lâuniversitĂ© Paris-CitĂ©, chercheur au Laboratoire de psychologie du dĂ©veloppement et de lâĂ©ducation de lâenfant (LapsydĂ©), il mĂšne des recherches sur le rĂŽle des Ă©motions dans la prise de dĂ©cision et la crĂ©ativitĂ©.
Cela vous fait sourire ? Moi, ça me console. Je ne suis pas le seul Ă me comparer. MĂȘme un multimilliardaire, qui nâaura pas assez de 1 000 existences pour dĂ©penser le quart de sa fortune, peut se sentir frustrĂ© de voir son petit copain le coiffer au poteau du Nasdaq.
Je conseille donc Ă Elon Musk la lecture de ce numĂ©ro, oĂč il pourra apprendre Ă se comparer intelligemment. Par exemple, Ă Jeff Bezos, qui nâa plus que 111 milliards aprĂšs son coĂ»teux divorce. Ha ! Ha ! On rigole, moins hein ?
La comparaison descendante, nous apprend le dossier central de ce numĂ©ro, nâest que la plus grossiĂšre des stratĂ©gies pour se rassurer quand lâestime de soi bat de lâaile. Les autres sont plus subtiles et plus Ă©panouissantes, je vous laisse les dĂ©couvrir.
p.
Vincent Trybou
Psychologue clinicien et psychothĂ©rapeute au Centre des troubles anxieux et de lâhumeur (CTAH), Ă Paris, il assiste notamment les personnes sou rant dâun sentiment dâinjustice dĂ©vastateur.
La vie est faite dâinjustices, de toute façon. Câest pourquoi nous vous avons concoctĂ© un petit guide pour surmonter ce sentiment si douloureux de ne pas ĂȘtre traitĂ© avec Ă©quitĂ©. Au programme : TCC, thĂ©rapie de dĂ©fusionnement, thĂ©rapie dâacceptation ou entraĂźnement Ă lâassertivitĂ©. Et ça, je vous parie tous les milliards du monde que Jeff Bezos nâen a jamais entendu parler.
Moi, ça me console. £
SOMMAIRE
N° 154 MAI 2023
p. 39-59
p. 6-35
DĂCOUVERTES
p. 6 ACTUALITĂS
Quand les clowns ne font plus rire
Le doudou idéal
MĂ©moire de travail : des synapses modiïŹĂ©es
Alzheimer : le microbiote en cause ?
La vitamine D, contre le suicide
Sexe : planiïŹĂ© ou Ă lâimproviste ?
p. 12 FOCUS
TDAH : un lien avec lâanxiĂ©tĂ© ?
La dĂ©couverte dâun lien entre TDAH et troubles anxieux est une donnĂ©e nouvelle qui change la prise en charge.
Diane Purper-Ouakil
p. 16 CAS CLINIQUE
GRĂGORY MICHEL
Thibault, le garçon qui détestait son nez
Thibault est persuadĂ© que son nez est di orme et nâose plus aller au collĂšge. Un trouble appelĂ© « dysmorphophobie », qui peut se soigner.
p. 24 PSYCHOLOGIE
p. 39
ChatGPT
: lâesprit dâun enfant de 9 ans ?
Le robot conversationnel ChatGPT semble attribuer des pensĂ©es aux humainsâŠ
Alex Wilkins
p. 28 NEUROBIOLOGIE
Amour : les leçons du campagnol
LâĂ©tude dâun rongeur monogame nous en dit long sur les bases de la ïŹdĂ©litĂ©.
Steven Phelps, Zoe Donaldson et Dev Manoli
p. 36
NEUROBIOLOGIE
Le sexe prĂ©pare le cerveau Ă lâattachement
Les liens entre sexualité et attachement durable apparaissent dans le cerveau. Entretien avec Sylvie Thirion
JUSQUâOĂ SE COMPARER ?
COMMENT SâĂVALUER
SANS (TROP) EN SOUFFRIR
p. 40 PSYCHOLOGIE SOCIALE NĂS POUR SE COMPARER
Se comparer est indispensable pour se situer dans un groupe. Mais cette tendance a aussi des e ets indĂ©sirablesâŠ
Steve Ayan
p. 48 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Entretien avec Mitch Prinstein
p. 52 PSYCHOLOGIE COMMENT SE COMPARER
Ă BON ESCIENT
Des mĂ©thodes simples permettent dâutiliser cette ressource sans en devenir lâesclave.
Christophe André
p. 56 DĂVELOPPEMENT DE LâENFANT COLLABORER EST PLUS IMPORTANT QUâĂTRE
PREMIER
Ce numĂ©ro comporte un encart dâabonnement Cerveau & Psycho, brochĂ© en cahier intĂ©rieur, sur toute la di usion kiosque en France mĂ©tropolitaine. Il comporte Ă©galement un courrier de rĂ©abonnement, posĂ© sur le magazine, sur une sĂ©lection dâabonnĂ©s. En couverture : © fran_kie/Shutterstock
Chez les enfants, lâinstinct de comparaison apparaĂźt tĂŽt. Il gagne ĂȘtre contrebalancĂ© par une Ă©ducation Ă la coopĂ©ration. Entretien avec Mathieu Cassotti
«âLA QUĂTE DE STATUT SOCIAL EST Ă DOUBLE TRANCHANTâ»
ĂCLAIRAGES VIE QUOTIDIENNE LIVRES
p. 62 NEUROLOGIE
DĂ©mence
frontotemporale : de quoi parle-t-on ?
Henrik MĂŒller
p. 64 NEUROLOGIE
« Les patients ont besoin dâune aide au quotidien »
Entretien avec Carlo Wilke
p. 68 LâENVERS DU DĂVELOPPEMENT PERSONNEL
YVES-ALEXANDRE THALMANN
Les mensonges du « non-verbal »
DĂ©masquer un menteur Ă ses gestes ?
Une promesse mensongĂšre !
p. 72 RAISON ET DĂRAISON
NICOLAS GAUVRIT
Quand ChatGPT apaise les réseaux sociaux
En modĂ©rateur des dĂ©bats, ChatGPT nâa pas son pareil pour apaiser les esprits.
p. 76 PSYCHOLOGIE COGNITIVE
Moins créatif en visio ?
Le nombre dâidĂ©es originales semble baisser dans les rĂ©unions en distanciel.
Bret Stetka
p. 80 LâĂCOLE DES CERVEAUX JEAN-PHILIPPE LACHAUX
Apprendre comme dans « Avatar »
Les interfaces de rĂ©alitĂ© virtuelle seront Ă lâavenir des outils dâapprentissage de plus en plus e caces.
p. 84 PSYCHOLOGIE
Comment surmonter son sentiment dâinjustice ?
Voici six clĂ©s pour ne pas se laisser ronger de lâintĂ©rieur en cas de harcĂšlement, de licenciement abusif ou de divorce inique.
Vincent Trybou
p. 92 SĂLECTION DE LIVRES
Le Cerveau lésé
Le Juste Ă©quilibre
Le club des anxieux qui se soignent Quand les animaux font la guerre
LâArchitecte invisible
La Nouvelle Peur des autres
p. 94 NEUROSCIENCES ET LITTĂRATURE
SEBASTIAN DIEGUEZ
LâHomme pressĂ©, toujours plus vite !
Dans ce roman de 1941, lâĂ©crivain Paul Morand dĂ©nonçait dĂ©jĂ les dangers dâune sociĂ©tĂ© oĂč tout accĂ©lĂšre.
DIANE PURPER- OUAKIL
Professeuse des universitĂ©s et praticienne hospitaliĂšre de psychiatrie de lâenfant et de lâadolescent, au Centre hospitalier universitaire de Montpellier. FOCUS
TDAH : un lien avec lâanxiĂ©tĂ© ?
Le trouble du dĂ©ïŹcit de lâattention avec hyperactivitĂ©, ou TDAH, est relativement frĂ©quent et touche 3 Ă 9 % de la population. MalgrĂ© cela, il nâest pas toujours trĂšs bien diagnostiquĂ©, notamment chez les adultes. Pourtant, les traits (ou symptĂŽmes) dâinattention, dâimpulsivitĂ© et dâhyperactivitĂ© affectent sĂ©rieusement le bien-ĂȘtre et la qualitĂ© de vie, au quotidien et en sociĂ©tĂ©, ne serait-ce que pour la planifcation et lâorganisation des tĂąches. Une nouvelle Ă©tude, parue dans la revue Scientifc Reports, vient ajouter un Ă©lĂ©ment important Ă ce tableau : les personnes prĂ©sentant des traits du TDAH ont aussi de forts risques de souffrir de symptĂŽmes dâanxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression.
Se manifestant en gĂ©nĂ©ral dĂšs lâenfance, le TDAH est lâune des pathologies du dĂ©veloppement cĂ©rĂ©bral les plus frĂ©quentes, avec le trouble du spectre de lâautisme (TSA), que lâon sait dĂ©jĂ associĂ© au risque de souffrir dâanxiĂ©tĂ© ou de dĂ©pression plus tard dans la vie, car
la recherche dans ce domaine est assez importante. Mais peu dâĂ©tudes se sont intĂ©ressĂ©es au TDAH et Ă ses consĂ©quences sur la santĂ© mentale. Câest donc ce quâont entrepris Luca Hargitai, de lâuniversitĂ© de Bath, en Angleterre, et ses collĂšgues en recrutant 504 participants, reprĂ©sentatifs en termes dâĂąge et de sexe des adultes vivant au Royaume-Uni, et en leur faisant remplir des autoquestionnaires permettant dâĂ©valuer les caractĂ©ristiques du TDAH, du TSA, de lâanxiĂ©tĂ© et de la dĂ©pression.
LES TROUBLES DU NEURODĂVELOPPEMENT RENDRAIENT ANXIEUX
Leurs rĂ©sultats rĂ©vĂšlent que les traits des deux troubles du dĂ©veloppement sont fortement associĂ©s aux symptĂŽmes dâanxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression. Mais les traits du TDAH le sont bien plus que ceux du TSA. En dâautres termes, les adultes souffrant de TDAH ont un risque encore plus Ă©levĂ© que les personnes autistes de dĂ©velopper anxiĂ©tĂ© ou
dĂ©pression, et ce dâautant plus que les symptĂŽmes neurodĂ©veloppementaux sont marquĂ©s. Les chercheurs anglais Ă©mettent des hypothĂšses quant aux mĂ©canismes en jeu. Les deux types de trouble partagent des facteurs gĂ©nĂ©tiques communs, certains dâentre eux Ă©tant aussi liĂ©s Ă lâanxiĂ©tĂ©. Par ailleurs, les diffcultĂ©s dâinhibition comportementale dont font preuve les personnes atteintes de TDAH joueraient un rĂŽle dans la survenue des symptĂŽmes de dĂ©pression et dâanxiĂ©tĂ© â via un dĂ©fcit de contrĂŽle des Ă©motions â, dâautant que ces problĂšmes dâinhibition ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© associĂ©s aux caractĂ©ristiques de la dĂ©pression dans une autre Ă©tude scientifque.
LE TDAH DES ADULTES EST NĂGLIGĂ
Ces nouveaux résultats ont le mérite de relier des traits associés aux deux principaux troubles du neurodéveloppement à des symptÎmes particuliÚrement fréquents chez
Le trouble du dĂ©ïŹcit de lâattention avec hyperactivitĂ© semble associĂ© Ă un risque accru de troubles anxieux. Une donnĂ©e Ă prendre en compte pour amĂ©liorer la santĂ© mentale des jeunes comme des adultes.
lâadulte : lâanxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression. Habituellement, ces domaines constituent des axes de recherche distincts, et les troubles du neurodĂ©veloppement ou les caractĂ©ristiques qui leur sont associĂ©es ont tendance Ă ĂȘtre nĂ©gligĂ©s dans la population adulte, tant en recherche quâen pratique clinique. Or ces donnĂ©es de Luca Hargitai et de ses collĂšgues soulignent que les traits du TDAH auraient une importance particuliĂšre dans lâapparition de symptĂŽmes dĂ©pressifs et anxieux, dont on peut supposer quâils se manifestent aprĂšs les signes dâhyperactivitĂ©, dâimpulsivitĂ© et dâinattention, habituellement prĂ©sents dĂšs lâenfance. Ces rĂ©sultats rejoignent dâailleurs les conclusions dâune mĂ©taanalyse rĂ©cente qui a mis en Ă©vidence une association entre le TDAH et le trouble bipolaire, caractĂ©risĂ© par lâalternance dâĂ©pisodes dâeuphorie et de dĂ©pression. Ainsi, le TDAH augmente le risque de trouble bipolaire et la prĂ©sence de cette pathologie augmente rĂ©ciproquement celui dâavoir des symptĂŽmes de TDAH.
STIGMATISATION SOCIALE
Bien sĂ»r, ces nouveaux travaux ont aussi leurs limites. Ils reposent sur des symptĂŽmes autodĂ©clarĂ©s par le biais de questionnaires, sans procĂ©dure de confrmation dâun quelconque diagnostic, et le nombre de participants nâest pas trĂšs Ă©levĂ© pour ce type dâĂ©tude dâassociation. De plus, les chercheurs anglais ne font pas mention, dans leur discussion, des possibles facteurs environnementaux qui pourraient contribuer Ă la relation entre TDAH (ou TSA) et symptĂŽmes anxieux et dĂ©pressifs.
En effet, on sait que les traits associés à des particularités neurodéveloppementales augmentent le
Des traits comme lâhyperactivitĂ©, lâimpulsivitĂ© ou lâinattention ont tendance Ă ĂȘtre nĂ©gligĂ©s dans la population adulte, notamment chez les femmes, car elles font plus dâe orts que les hommes pour compenser leurs symptĂŽmes.
risque de stigmatisation sociale. Dâailleurs, dans le TDAH, les consĂ©quences sociales, familiales ou scolaires des symptĂŽmes font ellesmĂȘmes partie du diagnostic. Les enfants atteints de TDAH ont plus de risques dâĂȘtre rejetĂ©s socialement, de subir des mauvais traitements ou dâĂȘtre victimes dâaccidents de la voie publique et domestiques. Ensuite, adultes, ils ont souvent des trajectoires de vie plus complexes que la population gĂ©nĂ©rale, marquĂ©es par de lâinstabilitĂ© relationnelle et professionnelle.
Les enfants comme les adultes avec TDAH sont donc susceptibles dâĂȘtre exposĂ©s Ă de lâadversitĂ© psychosociale ou Ă des Ă©vĂ©nements traumatiques. Et ces facteurs environnementaux sont dâautant plus frĂ©quents que les symptĂŽmes initiaux sont marquĂ©s, de sorte quâils vont Ă leur tour augmenter le risque de symptĂŽmes dĂ©pressifs et anxieux dans la trajectoire de vie de ces personnes.
NE PAS OUBLIER
LES FEMMES ET LES FILLESâŠ
Par ailleurs, bien que cette Ă©tude nâait pas mis en Ă©vidence dâeffet spĂ©cifique du sexe sur lâassociation entre TDAH et symptĂŽmes dĂ©pressifs et anxieux, il est nĂ©cessaire de souligner un point important : la mĂ©connaissance de ce diagnostic chez les flles et les femmes, source de reconnaissance et de traitement tardifs. En effet, chez les femmes, le trait prĂ©dominant du TDAH est lâinattention, mais elles produisent plus dâefforts dits « de compensation » pour attĂ©nuer les rĂ©percussions de leurs symptĂŽmes sur leur vie quotidienne. De sorte que lâexpression clinique du TDAH chez les femmes est souvent moins bruyante et peut ĂȘtre masquĂ©e par dâautres troubles⊠Cependant, en mĂ©decine, on a clairement montrĂ© une association frĂ©quente du TDAH avec les troubles dĂ©pressifs et lâexposition Ă des relations affectives insĂ©curisantes ou Ă de la violence conjugale.
DĂCOUVERTES Focus
TDAH : UN LIEN AVEC LâANXIĂTĂ ?
En attirant lâattention sur les relations mal connues entre traits du TDAH et symptĂŽmes dâanxiĂ©tĂ© ou de dĂ©pression, Luca Hargitai et ses collĂšgues vont dĂ©jĂ nous pousser Ă approfondir davantage les recherches sur ce trouble chez lâadulte. LâidĂ©al serait de mener des Ă©tudes de suivi de populations pour mieux comprendre la sĂ©quence temporelle des symptĂŽmes et les facteurs de risque ou de protection associĂ©s. Mais ces donnĂ©es, et les autres disponibles, doivent dĂ©jĂ nous alerter sur les caractĂ©ristiques communes Ă ces diffcultĂ©s, en particulier celles qui sont modifables. Car on peut agir pour amĂ©liorer la reconnaissance et le traitement du TDAH, chez les adultes et en particulier les femmes, et ainsi diminuer le retentissement des symptĂŽmes sur la vie personnelle et sociale. On peut aussi modifer les reprĂ©sentations nĂ©gatives associĂ©es Ă cette pathologie et agir pour un environnement plus respectueux des besoins des personnes concernĂ©es et de leur entourage. Par ailleurs, un Ă©tat dĂ©pressif ou anxieux, surtout rĂ©current ou ne rĂ©pondant pas bien aux thĂ©rapies, devrait Ă©galement faire rechercher un trouble du neurodĂ©veloppement, en particulier un TDAH⊠£
Bibliographie
Luca D. Hargitai et al., Attention-deïŹcit hyperactivity disorder traits are a more important predictor of internalizing problems than autistic traits, ScientiïŹc Reports, 2023
E. Khoury et al., Meta-analysis of personal and familial co-occurrence of attention deïŹcit/hyperactivity disorder and bipolar disorder, Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 2023
S. P. Hinshaw et al., Annual research review : Attention deïŹcit/ hyperactivity disorder in girls and women : Underrepresentation, longitudinal processes, and key directions, Journal of Child Psychology and Psychiatry, 2022
Les di cultĂ©s dâinhibition comportementale des personnes atteintes de TDAH joueraient un rĂŽle dans la survenue des symptĂŽmes de dĂ©pression et dâanxiĂ©tĂ© â via un dĂ©ïŹcit de contrĂŽle des Ă©motions.
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⹠Des reportages réguliers sur le thÚme »Women in Science«
Thibault, le garçon qui détestait son nez
DĂCOUVERTES Cas clinique
GRĂGORY MICHEL
Professeur de psychologie clinique et de psychopathologie Ă lâuniversitĂ© de Bordeaux, chercheur Ă lâInstitut des sciences criminelles et de la justice, psychologue et psychothĂ©rapeute en cabinet libĂ©ral, et expert auprĂšs des tribunaux.
EN BREF
ÂŁ Thibault, 13 ans, sâisole de plus en plus depuis quelques mois, sans raison apparente pour ses proches et ses amis.
ÂŁ Mais en rĂ©alitĂ©, il a peur de son physique â un nez un peu gros et des seins qui poussent â, et fait tout pour se cacher.
ÂŁ On parle de dysmorphophobie ; la thĂ©rapie va lui permettre de sâaccepter et de se confronter Ă nouveau au regard des autres.
Un mercredi en ïŹn dâaprĂšsmidi, je reçois un jeune garçon, accompagnĂ© de ses deux parents, car un collĂšgue mĂ©decin mâa demandĂ© de le voir. Le pĂšre, avec qui jâai eu une conversation tĂ©lĂ©phonique quelques jours auparavant, mâa informĂ© que son fls cadet sâisolait de plus en plus et quâil avait, depuis quelques semaines, des diffcultĂ©s Ă se rendre au collĂšge, sans raison apparenteâŠ
IL ĂVITE LE COLLĂGE
Dans la salle dâattente, Thibault, vĂȘtu dâun sweat Ă capuche noir avec un chino bleu marine et des baskets grises, est assis sur un fauteuil entre ses deux parents, en scrollant sur les rĂ©seaux sociaux. Son pĂšre, lui aussi habillĂ© en sportswear, feuillette une revue, alors que sa mĂšre, dâun style plus classique â robe et cardigan sombres â, semble rĂ©pondre sur son smartphone Ă des messages professionnels.
« Bonjour Thibault. » Ă son prĂ©nom, le jeune adolescent tourne la tĂȘte vers moi avec un regard inquiet. Son pĂšre, crispĂ© mais souriant, se lĂšve aussitĂŽt et sa mĂšre, gĂȘnĂ©e, me demande
Lorsque Thibault refuse dâaller au collĂšge, ses parents suspectent une phobie scolaire. Mais en consultant un psy, ils dĂ©couvrent que le jeune ado sou re dâune tout autre phobie : elle concerne son nezâŠÂ© Cerveau et Psycho, dâaprĂšs Oleg Samoylov/Shutterstock
DĂCOUVERTES Cas clinique THIBAULT, LE GARĂON QUI DĂTESTAIT SON NEZ
si elle doit Ă©galement venir, visiblement encore occupĂ©e Ă rĂ©diger son dernier message. Je lui rĂ©ponds que, pour ce premier entretien, je souhaite recevoir tout le monde. Thibault suit son pĂšre et sâinstalle sur le fauteuil situĂ© au milieu de ses parents. Visage tournĂ© vers son pĂšre, lĂ©gĂšrement baissĂ©, et regard dissimulĂ© par ses cheveux, le garçon semble attendre que son papa prenne la parole⊠« Câest sur les conseils de notre mĂ©decin que je vous ai contactĂ©, car notre fls nous inquiĂšte⊠Il voit de moins en moins ses amis et se plaint depuis quelques mois dâaller Ă lâĂ©cole. »
Thibault reste silencieux. Il est trĂšs tendu, les poings serrĂ©s tremblant sur ses cuisses. MalgrĂ© ses cheveux qui cachent son visage, je note ce quâon appelle dans notre jargon une hypomimie fagrante : ses traits sont fgĂ©s, peu expressifs, et il Ă©vite soigneusement mon regard. Sa mĂšre, plus en retrait, acquiesce Ă chaque dĂ©claration de son conjoint. « Nous ne comprenons pas ce qui se passe. Depuis quelques semaines, il a des maux de ventre et a mĂȘme refusĂ© dâaller au collĂšge plusieurs matinĂ©es⊠Notamment lorsquâil avait natation. Nous craignons que cela Ă©volue vers une phobie scolaire. »
«âJE NâAI PAS PEUR DE LâĂCOLEâ»
Alors que Thibault reste toujours murĂ© dans son silence, sa mĂšre ajoute : « Ce qui est compliquĂ©, câest que notre fls ne dit rien⊠On a pensĂ© quâil y avait eu des problĂšmes Ă lâĂ©cole, quâil avait Ă©tĂ© harcelĂ©. Mais mon mari a rencontrĂ© sa professeuse principale et elle nâa rien remarquĂ©. » Comme les parents semblent se focaliser sur le collĂšge, je demande Ă Thibault ce quâil en pense. Il prend beaucoup de temps pour me rĂ©pondre : « LâĂ©cole ne me fait pas peur⊠» « Alors quâest-ce qui te fait peur ? Dis-nous. On est lĂ pour ça, prĂ©cise son papa dâun ton angoissĂ©. Ăa fait beaucoup plus longtemps que ça que tu ne vas pas bien. Tu te replies sur toi depuis lâannĂ©e derniĂšre, tu as mĂȘme laissĂ© tomber le handball. Et tu te rĂ©fugies beaucoup sur ton tĂ©lĂ©phone. » Thibault se met Ă haleter, ce que jâinterprĂšte comme une gĂȘne respiratoire jusquâau moment oĂč je mâaperçois quâil retient des sanglots. Il est temps que je mâentretienne seul Ă seul avec lui.
Ses parents sortis, le jeune adolescent reste fgĂ©, ses tremblements aux mains sâĂ©tant mĂȘme propagĂ©s lĂ©gĂšrement au niveau du visage, oĂč je perçois des microcontractions Ă la commissure des lĂšvres. Une dystonie â des spasmes musculaires involontaires â de la mĂąchoire nuit mĂȘme Ă lâĂ©locution de ses premiers mots. Il sâexprime diffcilement, donnant lâimpression dâune dysarthrie â un
dysfonctionnement neurologique de lâexĂ©cution de la parole â, tant lâĂ©mission des sons est peu intelligible. Sa voix est basse et son ton voilĂ©, bas et monotone lui confĂšre une teinte dĂ©pressive certaine. Son regard, absent ou bien fuyant, donne une impression dâimmobilitĂ©, voire de passivitĂ©. Les signes dâanxiĂ©tĂ© sociale sont palpables et bien trop prĂ©gnants pour sâexpliquer par la seule timiditĂ© que mâont dĂ©crite ses parents. Lâangoisse est omniprĂ©sente.
AprĂšs un temps de silence, il me dit enfn : « Je ne veux pas parler de moi, je nâai rien Ă dire ! » En retrait et muet depuis plus dâune heure, le voilĂ maintenant sur la dĂ©fensive et dans lâopposition. Aurait-il un secret Ă cacher ? Tout au long de lâĂ©change qui suit, il Ă©vite mon regard comme si je risquais de dĂ©couvrir un secret inavouable et honteux quâil tenterait Ă toute force de dissimuler. Et je ne suis pas loin du compte. Au cours de notre deuxiĂšme consultation, trois jours plus tard, il dĂ©clare : « Mes parents nâont rien compris, ne savent rien⊠Ce nâest pas le collĂšge qui me fait peur, câest moi. Câest mon physique. »
UN BON ĂLĂVE
Son corps serait-il donc la cause de son retrait social ? Pour le dĂ©couvrir, faisons connaissance avec Thibault. ĂgĂ© de 13 ans, scolarisĂ© en classe de quatriĂšme, Thibault a un frĂšre de 17 ans prĂ©nommĂ© Paul, qui est en terminale. Son pĂšre est enseignant dâhistoire-gĂ©ographie dans le secondaire et sa mĂšre travaille en tant que directrice des ressources humaines dans une grande entreprise. La famille semble trĂšs unie ; la mĂšre, trĂšs impliquĂ©e dans son activitĂ© professionnelle, rentre souvent tard au domicile, donnant au pĂšre une plus large latitude dans lâĂ©ducation de leurs deux enfants.
Thibault a Ă©tĂ© trĂšs dĂ©sirĂ©, la grossesse et lâaccouchement se sont parfaitement bien dĂ©roulĂ©s. Son dĂ©veloppement psychomoteur ne prĂ©sente aucune diffcultĂ©, il a Ă©tĂ© propre, a marchĂ© et parlĂ© Ă des Ăąges tout Ă fait normaux. Durant sa premiĂšre annĂ©e, il a Ă©tĂ© gardĂ© par ses grands-parents paternels, avant de passer deux annĂ©es en crĂšche. Son adaptation Ă lâĂ©cole maternelle sâest dĂ©roulĂ©e de façon satisfaisante, sans aucun signe dâanxiĂ©tĂ© de sĂ©paration. DĂšs son entrĂ©e dans les apprentissages, il sâest situĂ© dans les premiers de sa classe et cela a durĂ© tant en primaire quâau collĂšge.
Les parents me dĂ©crivent Thibault comme Ă©tant plutĂŽt introverti et timide, sans toutefois que cela ait nui Ă ses relations sociales. « Câest un enfant trĂšs sensible, trĂšs Ă©motif, et il a toujours eu des copains dĂšs la maternelle⊠Et comme il est trĂšs sentimental, il a surtout eu un meilleur ami », prĂ©cise son pĂšre. DĂšs lâĂąge de 6 ans, le garçon a suivi des cours de dessin, puis sâest investi dans les sports collectifs Ă partir de 9 ans, notamment dans le handball, comme son frĂšre Paul et son pĂšre. Mais depuis septembre dernier, il rechigne Ă continuer le sport. « Cela fait maintenant deux mois quâil ne veut plus aller aux entraĂźnements », prĂ©cise son pĂšre.
LE NEZ DE SA GRAND-MĂRE
Je mâinterroge alors un peu plus sur son parcours scolaire et extrascolaire. Mais je ne dĂ©couvre aucun Ă©lĂ©ment dâanxiĂ©tĂ© sociale ni de performance. Il ne sâest jamais plaint de stress liĂ© aux examens, ou aux devoirs Ă la maison, ou encore moins aux matchs de handball. Au contraire, le garçon aime apprendre et se dit passionnĂ© par son sport et par lâhistoire. Sa pĂ©riode prĂ©fĂ©rĂ©e est la Seconde Guerre mondiale. « Mon
grand-pĂšre, qui est nĂ© en 1942, mâa donnĂ© beaucoup dâarchives et de documents sur ce sujet. Avec mon pĂšre, on les classe depuis que je suis tout petit. Ăa me passionne. » Aucune brimade Ă signaler de la part des autres Ă©lĂšves ou des professeurs. Sa scolaritĂ© nâest pas source de peurs, comme le redoutaient ses parents. Thibault ne souffre dâaucune phobie scolaire.
Mais alors, dâoĂč viennent ses angoisses ? Je reparle alors de son isolement social depuis septembre dernier, comme lâa dĂ©crit son pĂšre. Lâadolescent tente dâĂ©luder ma question. Puis il se met Ă minimiser les propos de ses parents : « Câest vrai, depuis quelque temps, je prĂ©fĂšre ĂȘtre seul⊠Je lis des romans historiques, et ça me va trĂšs bien. » Thibault a toujours des copains, certes, mais il sâen est Ă©loignĂ© physiquement, alors quâil reste en contact avec eux sur les rĂ©seaux sociaux. La cause de cette distanciation : lors dâune dispute « avec ses potes » Ă propos dâune jeune flle de sa classe, il y a plus dâun an, son meilleur ami ThĂ©o lui a dit : « Tâes moche avec ton nez Ă©norme⊠Il est comme une grosse patate. » Un incident mineur en apparence⊠Mais qui a fait Ă©cho aux propos tenus non seulement par son frĂšre, mais aussi par sa mĂšre. « Mon frĂšre mâa dĂ©jĂ dit que jâavais un gros nez et que je ressemblais Ă ma grand-mĂšre maternelle. Câest dâailleurs en raison de mon nez que ma mĂšre dit souvent que je tiens surtout dâelle. »
Et enfant, il se souvient quâil entendait souvent ses parents se moquer de sa grand-mĂšre Ă cause de son fort appendice nasal. Son frĂšre avait mĂȘme tendance Ă le comparer exagĂ©rĂ©ment aux personnages dâune bande dessinĂ©e de Lucky Luke, offerte par un de leurs cousins. « Câest lâalbum Les Rivaux de Painful Gulch. Il mâa marquĂ©. Câest lâhistoire de deux familles qui se font la guerre ; lâune se caractĂ©rise par des gens ayant dâĂ©normes oreilles et dans lâautre, ils ont un nez monstrueux, câest la famille OâTimmins. » Le nez est donc lâorgane dâattention de toute la famille de Thibault.
LE SYNDROME DE CYRANO
Ă la pubertĂ©, cet intĂ©rĂȘt presque « pathogĂšne » pour son nez sâest renforcĂ© avec lâapparition, dĂšs lâĂąge de 11 ans, dâune importante acnĂ©. ComplexĂ©, il a alors consultĂ© une dermatologue et, comme beaucoup de jeunes adolescents, sâest montrĂ© hyperattentif, voire trĂšs sensible, Ă ce que les autres pensaient de tous ses boutonsâŠ
Progressivement, Thibault est devenu obsessionnel envers son nez, et cela continue : il passe des heures Ă le scruter dans le miroir, se prend en photo puis retouche lâimage de son visage, et
Mes parents nâont rien compris, ne savent rienâŠ
Ce nâest pas le collĂšge qui me fait peur, câest moi. Câest mon physique.
Thibault, 13 ans
SYLVIE THIRION
MAĂTRESSE DE CONFĂRENCES EN PHYSIOLOGIE ET EN NEUROSCIENCES Ă AIX-MARSEILLE UNIVERSITĂ ET PRĂSIDENTE DE LâASSOCIATION VALBIOME ( VALORISATION DES SCIENCES BIOMĂDICALES)
Le sexe prĂ©pare le cerveau Ă lâattachement
La neurobiologie de lâamour est-elle identique chez lâhomme et le campagnol ? Identique, bien sĂ»r que non. Mais on observe de fortes similaritĂ©s. En particulier, lâactivation du circuit cĂ©rĂ©bral de la rĂ©compense lors dâun contact avec le partenaire, et le rĂŽle dâhormones comme lâocytocine et la vasopressine dans le lien amoureux.
Une Ă©tude rĂ©cente a montrĂ© que des campagnols privĂ©s de rĂ©cepteurs Ă lâocytocine restent capables de sâattacher Ă leurs congĂ©nĂšres.
Ces rĂ©sultats ne vous semblent donc pas remettre en cause le rĂŽle de lâocytocine ?
Pas du tout ; ce que ces rĂ©sultats nous disent, câest que la situation est plus complexe quâon ne lâa dâabord cru. Si lâocytocine est la plus Ă©tudiĂ©e,
dâautres hormones interviennent dans le lien amoureux, en particulier la vasopressine, dont la structure chimique est trĂšs voisine, ou la dopamine. Des mĂ©canismes compensatoires peuvent donc se mettre en place, surtout quand les gĂšnes codant les rĂ©cepteurs de lâocytocine sont supprimĂ©s dĂšs le stade embryonnaire, comme câest le cas dans lâĂ©tude que vous citez. Cela ne remet nullement en cause lâinfuence de lâocytocine sur lâattachement, attestĂ©e par des dizaines dâĂ©tudes, aussi bien chez le campagnol que chez lâhumain.
Quâont montrĂ© ces Ă©tudes, par exemple ?
Elles ont montrĂ© que plus le taux dâocytocine est Ă©levĂ© chez deux partenaires amoureux, plus leur lien est fort (ce quâon mesure par des questionnaires standardisĂ©s, oĂč les participants doivent, par exemple, indiquer le niveau de satisfaction dans le couple ou la frĂ©quence des activitĂ©s partagĂ©es). La force du lien est Ă©galement corrĂ©lĂ©e Ă lâactivitĂ© cĂ©rĂ©brale dans certaines zones du circuit de la rĂ©compense riches en rĂ©cepteurs de lâocytocine, comme le noyau accumbens, en prĂ©sence du partenaire. On pense donc que cette neurohormone participe, via cette activation, Ă crĂ©er un sentiment de plaisir associĂ© Ă une personne particuliĂšre, ainsi que le dĂ©sir dâĂȘtre avec elle.
Lâocytocine est en effet libĂ©rĂ©e lors des contacts physiques â caresses, cĂąlins, baisers, rapports sexuels⊠â, mais pas avec nâimporte qui. Dans une expĂ©rience, les chercheurs ont caressĂ© avec un
pinceau le tibia de volontaires placĂ©s dans un appareil dâIRM fonctionnelle (IRMf). Rien de bien fun, a priori ! Pourtant, quand on disait aux participants que câĂ©tait leur partenaire amoureux qui tenait lâustensile, les zones de leur cerveau riches en rĂ©cepteurs de lâocytocine sâactivaient plus fortement que lorsquâon prĂ©tendait que câĂ©tait une inconnue. Il existe donc une sorte de cercle vertueux : avoir un lien fort entraĂźne des comportements qui dĂ©clenchent une libĂ©ration dâocytocine, ce qui renforce le lien.
Finalement, notre espĂšce estelle monogame ou polygame ?
Diffcile de rĂ©pondre dâun point de vue neurobiologique. La monogamie est plutĂŽt la norme dans un certain nombre de sociĂ©tĂ©s, dont la nĂŽtre, mais toutes les confgurations sont possibles. Et cela se traduit par des diffĂ©rences visibles dans le cerveau. Dans une Ă©tude, une vingtaine dâhommes devaient observer des photographies romantiques, sexuelles ou neutres, aprĂšs avoir indiquĂ© sâils Ă©taient en couple exclusif ou sâils avaient des relations multiples. Or le circuit de la rĂ©compense sâest davantage activĂ© Ă la vue de photos romantiques (qui ne reprĂ©sentaient pas leur partenaire) chez les participants monogames que chez les polygames. Aucune diffĂ©rence nâĂ©tait observĂ©e avec les photos sexuelles ou neutres.
Certains hommes sont-ils alors biologiquement plus douĂ©s pour lâattachement ?
La difficultĂ© dans ce genre dâĂ©tude est de distinguer lâĆuf et la poule : est- ce parce que ces hommes Ă©taient sensibles aux expĂ©riences romantiques quâils ont bĂąti un couple durable, ou est- ce parce quâils ont vĂ©cu des moments positifs dans leur couple quâils sont devenus sensibles Ă ces expĂ©riences ?
Les gÚnes ont en tout cas une infuence. Une étude trÚs complÚte a été réalisée chez de jeunes époux, soumis à toute une série de mesures
au moment de leur mariage et un an plus tard : IRMf pendant quâils regardaient une photographie de leur partenaire, qualitĂ© de la relation Ă©valuĂ©e par des questionnaires, analyses gĂ©nĂ©tiques, prĂ©lĂšvements biologiques⊠Les rĂ©sultats ont confrmĂ© lâimportance de diverses hormones (lâocytocine, la vasopressine, la dopamine) dans la construction du lien amoureux, mais ils ont aussi montrĂ© que les porteurs de certains variants gĂ©nĂ©tiques avaient une activitĂ© cĂ©rĂ©brale plus intense dans les zones du circuit de la rĂ©compense riches en rĂ©cepteurs de ces hormones. Comme si ce circuit sâactivait plus facilement chez eux Ă lâĂ©vocation dâun partenaire amoureux.
Il est cependant trop tĂŽt pour en conclure que certains sont plus douĂ©s biologiquement pour sâattacher, car les chercheurs nâont encore analysĂ© que de petites fractions isolĂ©es des circuits impliquĂ©s. Autre prĂ©cision importante, il nây a pas de fatalitĂ© : si lâon nâest pas porteur de
ces variations gĂ©nĂ©tiques prĂ©disposantes, il reste toujours possible dâactiver les circuits de lâattachement de façon volontaire, en entretenant une certaine proximitĂ© physique et en ayant un comportement attentionnĂ© lâun envers lâautre. Câest un peu comme pour le sport : mĂȘme quand on nâa pas des prĂ©dispositions physiques incroyables, si on sâentraĂźne intensĂ©ment, on deviendra bien plus fort quâun « gĂ©nie naturel » qui passe ses journĂ©es dans le canapĂ© !
Observe-t-on des di Ă©rences entre lâhomme et la femme dans la neurobiologie de lâamour ?
Au niveau de lâactivitĂ© cĂ©rĂ©brale, il y a de forts recoupements entre les sexes, mĂȘme si on observe en effet quelques diffĂ©rences : par exemple, quand la personne regarde une photo du partenaire, câest plutĂŽt une zone appelĂ©e « insula postĂ©rieure », spĂ©cialisĂ©e dans la perception des stimulations sensorielles (visuelles,
auditives, etc.), qui sâactive chez lâhomme, et plutĂŽt lâinsula antĂ©rieure, impliquĂ©e dans les ressentis Ă©motionnels, chez la femme. En revanche, du point de vue de lâocytocine, il nây a aucune diffĂ©rence. Les concentrations sanguines sont identiques entre les deux sexes : plus Ă©levĂ©es quand la personne est en couple, plus basse quand elle est cĂ©libataire, de façon Ă©quivalente.
Hommes et femmes sont donc tous deux dotĂ©s dâun solide appareil neurobiologique pour lâattachement. Une Ă©tude a mĂȘme montrĂ© que lorsquâun jeune pĂšre prend son nouveau-nĂ© dans ses bras, un pic dâocytocine survient, ce qui ne se produit pas quand il Ă©treint un bĂ©bĂ© inconnu. Ce pic entraĂźne une diminution de la concentration de testostĂ©rone, trĂšs liĂ©e au dĂ©sir sexuel â et donc sans doute une baisse de lâenvie dâaller batifoler ailleurs. Autre consĂ©quence, le pĂšre reste plus en lien avec la mĂšre, plus focalisĂ© sur son couple et sa famille. Ce qui fait sens du point de vue de lâĂ©volution, tant les nouveau - nĂ©s humains exigent des soins parentaux.
Peut-on déduire des pistes pour renforcer son couple sur la base de ces connaissances ?
Oui, ce que ces rĂ©sultats nous disent, câest que tout ce qui contribue Ă maintenir un taux dâocytocine Ă©levĂ© renforce le couple, en crĂ©ant du lien et une certaine motivation Ă le faire durer : les Ă©treintes, les baisers, lâactivitĂ© sexuelle, et plus gĂ©nĂ©ralement toute forme dâinteraction plaisante (partager des loisirs, voire simplement discuter avec son partenaire dâun flm ou dâune piĂšce de thĂ©Ăątre quâon a aimĂ©e, active les circuits de lâocytocine). Ces conseils sont fnalement assez classiques, mais ils prennent une force nouvelle avec la dĂ©couverte de ces mĂ©canismes neurobiologiques.
Si les activités possibles sont trÚs variées, le contact physique garde
Bibliographie
B. P. Acevedo et al., After the honeymoon, Frontiers in Psychology, 2020
A. K. Kreuder et al., How the brain codes intimacy, Human Brain Mapping, 2017
L. D. Hamilton et C. M. Meston, Di erences in neural response to romantic stimuli in monogamous and non-monogamous men, Archives of Sexual Behavior, 2017.
S. Cacioppo et al., The common neural bases between sexual desire and love, The Journal of Sexual Medicine, 2012
I. Schneiderman et al., Oxytocin during the initial stages of romantic attachment, Psychoneuroendocrinology, 2012
un pouvoir inĂ©galĂ© sur les circuits de lâattachement. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e sur des personnes en couple depuis plus de dix ans a montrĂ© que plus elles avaient des rapports sexuels frĂ©quents, plus les zones riches en rĂ©cepteurs de lâocytocine dans leur circuit de la rĂ©compense sâactivaient fortement Ă la vue de leur partenaire. MĂȘme aprĂšs dix ou vingt ans ensemble, lâattachement est trĂšs Ă©troitement liĂ© Ă ce circuit, et aux sentiments de plaisir et de dĂ©sir â au sens de motivation Ă aller vers lâautre â quâil procure. Bien sĂ»r, ces sentiments sont souvent ressentis de façon moins « famboyante » quâau dĂ©but, mais ils sont toujours lĂ . Et nâoubliez pas : lĂ oĂč lâactivation spontanĂ©e des circuits de lâattachement dĂ©termine fortement le comportement amoureux des campagnols, nous gardons davantage de libertĂ©. Nous avons en effet des capacitĂ©s de planifcation et de prise de recul trĂšs supĂ©rieures, de sorte que si notre couple revĂȘt une importance majeure dans notre vie, nous pouvons choisir de stimuler dĂ©libĂ©rĂ©ment ces circuits qui façonnent le dĂ©sir dâĂȘtre ensemble. ÂŁ
Propos
par Guillaume Jacquemont
recueillis
Contrairement aux campagnols, nous pouvons choisir de stimuler dĂ©libĂ©rĂ©ment les circuits cĂ©rĂ©braux qui façonnent le dĂ©sir dâĂȘtre ensemble.
JUSQUâOĂ SE
p. 40
NĂ©s pour se comparer
p. 48 Interview
« La quĂȘte de statut social est Ă double tranchant »
p. 52
Comment se comparer Ă bon escient
p. 56 Interview
« Collaborer est plus important quâĂȘtre premier »
COMPARER ?
Vous voilĂ arrivĂ© Ă la ïŹn de lâannĂ©e, et les nouvelles sont bonnes : votre entreprise a rĂ©alisĂ© dâimportants bĂ©nĂ©ïŹces. Votre patron vous annonce que vous allez toucher une prime Ă©quivalente Ă trois mois de salaire ! Bien sĂ»r, vous ĂȘtes tout heureux et songez dĂ©jĂ aux belles vacances que vous allez pouvoir vous o rir. Mais pile Ă ce moment votre voisin de bureau entre et vous annonce quâil a touchĂ© lâĂ©quivalent de six mois. Une sensation de brĂ»lure vous perfore lâestomac, tout votre plaisir est gĂąchĂ©. Nous ne semblons apprĂ©cier les choses que par comparaison. Et cela nous empoisonne la vie. Comment nous libĂ©rer de cette tendance qui nous colle Ă la peau ? Ce dossier vous donne des clĂ©s pour user des comparaisons plus intelligemment. Le but nâest pas de les Ă©liminer â câest impossible â, mais de les limiter au strict nĂ©cessaire et de ne surtout pas se focaliser dessus. Par exemple, en se demandant si lâon a soimĂȘme progressĂ© Ă lâaune de ses propres exigences, ou en apprenant Ă rĂ©guler les Ă©motions nĂ©gatives quâon ressent dans les situations de comparaison dĂ©favorable. Car Ă trop se comparer, on en oublie parfois de savourer.
SĂ©bastien BohlerNĂS POUR SE COMPARER
Se comparer aux autres semble un vĂ©ritable rĂ©ïŹexe. Son origine serait un besoin de reconnaissance profondĂ©ment enfoui en nous. Mais comment le satisfaire sans que cela tourne Ă la compĂ©tition et au casse-tĂȘte ?
Deux silhouettes dâallure hostile se font face. Elles se heurtent, reculent en titubant, se bousculent sans quâaucune parvienne Ă sâimposer. Puis, dâun seul coup, lâune dâelles sâincline et laisse passer lâautre. Les observateurs de la scĂšne peuvent ensuite dĂ©cider avec lequel des deux personnages ils veulent jouer. Vers qui le choix se porte-t-il ? Vingt des 23 sujets prĂ©fĂšrent celui qui sâest imposĂ© Ă lâissue de cette confrontation. Mais seulement si le perdant a cĂ©dĂ© de luimĂȘme â si le « vainqueur » lâa bousculĂ©, alors câest la victime qui est la plus apprĂ©ciĂ©e.
QUI EST LE PLUS FORT ?
Il ne sâagit pas dâune scĂšne tirĂ©e dâun jeu tĂ©lĂ©visĂ©, mais dâune sorte de thĂ©Ăątre de marionnettes au service de la science, dont les spectateurs Ă©taient ĂągĂ©s de 2 ans. Les deux adversaires Ă©taient des petites fgurines ressemblant Ă des poupĂ©es. Avec leur Ă©tude de 2018, les psychologues de lâĂ©quipe de Ashley Thomas, de lâuniversitĂ© de Californie Ă Irvine, ont confrmĂ© que les enfants en bas Ăąge ont dĂ©jĂ un sens aigu de ce quâon appelle le « statut social ». Et, de façon invariable, ils se tournent vers ceux qui sont respectĂ©s. De toute Ă©vidence, la poupĂ©e Ă©vitante se soumettait Ă lâautre, sinon elle nâaurait pas quittĂ© le terrain de son plein grĂ©.
DOSSIER JUSQUâOĂ SE COMPARER ? NĂS POUR SE COMPARER
Dâautres travaux de recherche, menĂ©s ces derniĂšres annĂ©es, dĂ©montrent que les enfants plus ĂągĂ©s recherchent Ă©galement des camarades de jeu qui sont assurĂ©s de lâadmiration et de la reconnaissance des autres. Les psychologues sociaux expliquent ainsi cette orientation prĂ©coce vers le statut : savoir qui est trĂšs respectĂ© dans un groupe et lui ĂȘtre le plus proche ou le plus semblable possible augmente les chances de bĂ©nĂ©fcier de son rayonnement et dâĂȘtre Ă©galement considĂ©rĂ©. Alors, il faut bien comparer les diffĂ©rents protagonistes.
UN RĂFLEXE ANCESTRAL
Il y a probablement derriĂšre cela une profonde empreinte Ă©volutionnaire chez lâhomme. DĂšs la naissance, nous avons besoin de soins et de soutien ; sans la compĂ©tence et la bienveillance des autres membres de notre propre groupe, nous serions perdus. Par consĂ©quent, mĂȘme les plus petits sâintĂ©ressent de prĂšs aux signaux qui indiquent le statut social relatif de leurs proches.
On sait que les communautĂ©s humaines ne sont pas homogĂšnes. Il existe en leur sein de nombreux ordres et hiĂ©rarchies, des chefs et des suiveurs ainsi que des spĂ©cialistes pour diffĂ©rentes tĂąches, de la recherche de nourriture aux soins des enfants. Dans de telles conditions, il est essentiel pour sa propre prospĂ©ritĂ© de reconnaĂźtre le rang social des uns par rapport aux autres et dâĂ©lever le sien autant que possible sur cette Ă©chelle. Comme le montre lâexpĂ©rience de la poupĂ©e, le fait que le statut social repose sur la dominance dâun individu ou sur son prestige nâest pas indiffĂ©rent dans cette affaire. Les dominants misent sur lâintimidation et la peur en menaçant ceux qui ne se soumettent pas Ă leur bon vouloir de sanctions pouvant aller jusquâĂ la violence ouverte. Ils imposent leurs exigences aux autres en cherchant Ă briser leur rĂ©sistance. Les personnes jouissant dâune grande rĂ©putation nâont en revanche guĂšre besoin de cela : on fait confance Ă leurs capacitĂ©s et Ă leur engagement, on leur attribue donc dâoffce une position de premier plan.
POURQUOI SE COMPARE-T-ON ?
Les Ă©tudes de psychologie rĂ©vĂšlent que, dans le registre du sport, de la beautĂ© ou du succĂšs, nous nous comparons volontiers Ă des icĂŽnes. Celles-ci nous prĂ©senteraient une sorte dâidĂ©al Ă atteindreâŠ
En 2015, une Ă©quipe dirigĂ©e par le psychologue Cameron Anderson, de lâuniversitĂ© de Californie Ă Berkeley, a mis en avant lâ« hypothĂšse du statut » dans ces processus. Selon cette hypothĂšse, tout part dâune quĂȘte de reconnaissance comme motif humain universel, qui guide nombre de nos pensĂ©es et de nos comportements, et nous amĂšne Ă nous comparer. Dâun point de vue psychologique, le statut dâun individu se compose de trois Ă©lĂ©ments : le respect et lâadmiration des autres, leur subordination volontaire, et un rang Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie du groupe. Ces dimensions permettent de distinguer le statut social de concepts apparentĂ©s, comme le statut
« Il ne su t pas dâĂȘtre heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux. »
Pierre Desproges
socioĂ©conomique qui dĂ©crit la prospĂ©ritĂ© relative dâune personne â câest-Ă -dire son revenu, son Ă©ducation et sa situation professionnelle â, parfois assez diffĂ©rent ; ainsi, certains peuvent avoir peu dâargent et de pouvoir matĂ©riel, mais beaucoup de prestige â câest le cas des artistes, des Ă©rudits, voire des religieux dans de nombreuses sociĂ©tĂ©s. Cela montre Ă©galement quâil nâexiste pas une forme unique de statut, et que celui-ci varie notamment en fonction du groupe de rĂ©fĂ©rence dans lequel Ă©volue un individu, comme de son domaine de compĂ©tence ; ainsi, une personne peu considĂ©rĂ©e par ses collĂšgues peut ĂȘtre trĂšs respectĂ©e par sa famille â ou vice versa. Et telle autre peut ĂȘtre trĂšs sollicitĂ©e pour ses conseils en cas de confit, mais pas pour des questions techniques ou fnanciĂšres.
UNE ĂCHELLE POUR MIEUX SE SITUER
Les gens attribuent gĂ©nĂ©ralement un certain statut Ă leurs semblables de maniĂšre assez rapide et automatique, tout en prenant en compte une grande variĂ©tĂ© dâindices. Le simple « test de lâĂ©chelle » offre une possibilitĂ© de mesurer cela dans le cadre dâexpĂ©riences. On prĂ©sente Ă des volontaires lâimage dâune Ă©chelle Ă dix barreaux et on leur demande sur quel Ă©chelon ils placeraient leur propre statut. Si on ne prĂ©cise pas Ă lâintĂ©rieur de quel groupe ils doivent se situer (leur famille, leurs collĂšgues, la sociĂ©tĂ© entiĂšre, etc.), ils se basent gĂ©nĂ©ralement sur leur environnement privĂ© â famille, amis ou voisins. On pourrait alors supposer que les personnes interrogĂ©es se comparent positivement et estiment rĂ©guliĂšrement que leur propre statut est supĂ©rieur Ă celui des autres personnes du groupe. Ătonnamment, ce nâest guĂšre le cas : lâautoestimation correspond assez bien Ă celles livrĂ©es par les autres membres de la communautĂ©. Dans une Ă©tude menĂ©e par des psychologues autour de Dacher Keltner, Ă©galement de lâuniversitĂ© de Californie Ă Berkeley, la corrĂ©lation, câest-Ă -dire la mesure du lien statistique entre deux valeurs, Ă©tait dâenviron 0,5. Une valeur considĂ©rĂ©e comme Ă©levĂ©e lorsquâil sâagit de relier des paramĂštres psychologiques.
La grande congruence des jugements dâautrui et de soi-mĂȘme est probablement liĂ©e au fait que les erreurs dâapprĂ©ciation Ă propos de son propre statut sont particuliĂšrement prĂ©judiciables. Imaginez que vous fassiez comprendre Ă vos collĂšgues, Ă vos camarades dâuniversitĂ© ou Ă dâautres membres de votre club de sport que vous ĂȘtes bien plus respectable et plus remarquable que les autres. Câest le moyen le plus effcace de se rendre immĂ©diatement impopulaire ! Par consĂ©quent, si
les gens surestiment souvent leur intelligence, leur ouverture dâesprit ou leur rapiditĂ©, ils ont gĂ©nĂ©ralement une perception assez juste de leur rang social et en tiennent compte (Ă lâexception des narcissiques pathologiques).
LâINTĂRĂT DE SE CROIRE MEILLEUR QUE LES AUTRES
MalgrĂ© tout, une question se pose : surĂ©valuer ses propres capacitĂ©s aiderait-il Ă obtenir rĂ©ellement un meilleur statut aux yeux des autres ? Câest ce que les psychologues Cameron Anderson et Jessica Kennedy ont voulu savoir en 2012. Lors de leurs expĂ©riences, ils ont variĂ© les activitĂ©s : dans un premier temps, les participants devaient rĂ©aliser diverses tĂąches dâestimation, comme dessiner la position de grandes villes sur une carte vierge des Ătats-Unis, dĂ©terminer la valeur moyenne dâune sĂ©rie de chiffres, ou encore estimer le poids de personnes vues sur des photographies. Puis, ils Ă©taient soit informĂ©s de leurs performances rĂ©elles, soit fattĂ©s par des
COMBIEN JE VAUX ?
TOUT DĂPEND DES AUTRES
Des personnes Ă qui on attribue une certaine note sur lâimportance de leur statut social dans un groupe vont se sentir bien si le statut global de leur groupe dâappartenance est plutĂŽt bas (Ă gauche), mais beaucoup moins si leur groupe possĂšde dĂ©jĂ un fort statut (Ă droite). Les chercheurs en concluent que la recherche de statut est compĂ©titive : nous ne dĂ©sirons pas seulement un statut Ă©levĂ©, mais plus Ă©levĂ© que celui des autres.
PRINSTEIN MITCH
PROFESSEUR DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROSCIENCES Ă LâUNIVERSITĂ DE CAROLINE DU NORD.
LA QUĂTE DE STATUT SOCIAL EST Ă DOUBLE TRANCHANT
Mitch Prinstein, la popularitĂ© dont on jouit en tant quâadolescent, au lycĂ©e, a-t-elle des consĂ©quences plus tard dans la vie ?
De façon tout Ă fait remarquable, les rĂ©sultats de la recherche suggĂšrent que mĂȘme quarante ans plus tard, il est possible de prĂ©dire le niveau de diplĂŽme universitaire dâun individu, de rĂ©ussite professionnelle, son recours Ă lâaide sociale, voire un certain nombre de problĂšmes de santĂ© mentale ou
dâaddictions, en observant Ă quel point il Ă©tait populaire au lycĂ©e. Ce facteur permet mĂȘme de prĂ©dire notre santĂ© physique : les personnes les moins « populaires » dans lâenfance sont plus susceptibles de souffrir de maladies cardiovasculaires et mĂ©taboliques, des dĂ©cennies plus tard, que celles qui Ă©taient apprĂ©ciĂ©es. Une analyse a suggĂ©rĂ© que les risques dâune impopularitĂ© sur notre mortalitĂ© seraient aussi forts que ceux liĂ©s au tabagisme !
Le plus surprenant, cependant, est que cela joue un rĂŽle qui ne peut ĂȘtre expliquĂ© entiĂšrement par le statut socioĂ©conomique, le QI, les antĂ©cĂ©dents familiaux ou lâapparence physique. Il y a quelque chose dans la façon dont nous sommes considĂ©rĂ©s par les autres qui change nos trajectoires de vie de façon signifcative et substantielle.
Mais quâentendez-vous au juste par le terme de « popularitĂ© » ?
Câest une question importante, car la plupart des gens ne savent pas que les scientifques ont identifĂ© deux types de popularitĂ© diffĂ©rents, chacun associĂ© Ă des rĂ©sultats trĂšs diffĂ©rents. Dans lâenfance, on la dĂ©f-
nit comme le fait dâĂȘtre plus ou moins apprĂ©ciĂ© des autres. Les enfants les plus populaires sont ceux qui ont une sorte de capacitĂ© Ă mener les autres avec calme sur une situation, qui les aident et coopĂšrent avec eux. Ce type dâinfuence prĂ©dit de nombreux rĂ©sultats positifs Ă long terme.
Un deuxiĂšme type de popularitĂ© apparaĂźt toutefois Ă lâadolescence, refĂ©tant les changements dans nos circuits neuronaux dĂ©clenchĂ©s par les hormones de la pubertĂ©. Câest Ă cette pĂ©riode que la popularitĂ© commence Ă refĂ©ter notre statut plutĂŽt que notre seule sympathie. Tous les marqueurs de statut â la visibilitĂ© dans un groupe, lâinfuence, la domination et fnalement le pouvoir âactivent les centres de rĂ©compense de notre cerveau et modifent Ă jamais notre relation avec ce quâon appelle la « popularitĂ© ». En effet, tout au long de notre vie dâadulte, nous avons le choix entre rechercher une plus grande sympathie de la part de nos semblables ou un meilleur statut dans nos groupes â une dĂ©cision rendue beaucoup plus diffcile par le nombre croissant de plateformes (tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, mĂ©dias sociaux, etc.) conçues pour nous aider Ă obtenir un certain rang.
En fait, lâimportance que nous accordons aujourdâhui Ă un statut facile Ă obtenir est peut-ĂȘtre plus forte quâelle ne lâa Ă©tĂ© Ă tout autre moment de lâhistoire de lâhumanitĂ©. Cela pose un problĂšme. En effet, contrairement aux rĂ©sultats positifs associĂ©s Ă une vive sympathie, les rĂ©sultats de la recherche indiquent que jouir dâun statut Ă©levĂ© conduit plus tard Ă des comportements plus agressifs, un risque dâaddictions plus lourd, Ă des Ă©motions qui sont de lâordre du ressentiment, et mĂȘme dans certains cas Ă une dĂ©sespĂ©rance.
Pouvez-vous mâen dire plus sur les problĂšmes que vous entrevoyez dans la quĂȘte de statut ? Ces diffcultĂ©s concernent dâune part les individus lancĂ©s dans cette quĂȘte, et dâautre part lâensemble de la sociĂ©tĂ© qui subit les consĂ©quences de cette dynamique. Les rĂ©sultats de recherches, comme celles publiĂ©es par Joe Allen, professeur Ă lâuniversitĂ© de Virginie, indiquent que les personnes qui se soucient le plus de leur statut social ont des diffcultĂ©s dans leurs relations interpersonnelles des annĂ©es plus tard. Elles font une fxation sur ce domaine et mĂȘme
Les personnes qui ont le plus soif de statut social sont Ă©galement les plus susceptibles de sou rir plus tard dâanxiĂ©tĂ©, de dĂ©pression ou de problĂšmes de toxicomanie.
sur le statut des autres, plutĂŽt que sur les attributs qui peuvent conduire Ă une relation humaine Ă©panouie. Dâautres recherches suggĂšrent que les personnes qui dĂ©sirent le plus obtenir cet attribut sont les plus susceptibles de faire Ă©tat plus tard dâanxiĂ©tĂ©, de dĂ©pression et de problĂšmes de toxicomanie.
Sur le plan sociĂ©tal, certains signes indiquent dĂ©jĂ que notre dĂ©sir de statut occasionne aussi des dĂ©gĂąts. Si lâon compare la situation actuelle avec ce quâil en Ă©tait il y a seulement quelques dĂ©cennies, les recherches suggĂšrent que les objectifs de vie affchĂ©s dans les sociĂ©tĂ©s consumĂ©ristes refĂštent encore davantage le souhait de possĂ©der plus de biens, dâacquĂ©rir plus de pouvoir et de se sentir plus visible et infuent que les autres. Une grande partie de la jeunesse reçoit le message selon lequel le nombre dâadeptes de leurs mĂ©dias sociaux est un accomplissement qui mĂ©rite dâĂȘtre activement recherchĂ©. Pourtant, ironiquement, plus nous recherchons ces marqueurs de statut en ligne â retweets, likes, partages â, plus nous nous sentons segmentĂ©s et dĂ©connectĂ©s les uns des autres.
Ătiez-vous populaire quand vous Ă©tiez enfant ?
Pas vraiment. Avec mon mĂštre quatre-vingt-dix en classe de seconde, et une intransigeante assiduitĂ© en cours depuis la maternelle, jâĂ©tais plutĂŽt un modĂšle de nerd ! Mais je pense que jâĂ©tais sympathique. Et il sâest avĂ©rĂ© que câĂ©tait plus important.
Comment cela a-t-il inïŹuencĂ© votre vie ?
Des Ă©tudes montrent que les personnes apprĂ©ciĂ©es bĂ©nĂ©fcient de privilĂšges qui se renforcent et se perpĂ©tuent. Dans lâenfance, ceux qui sont apprĂ©ciĂ©s sont invitĂ©s Ă se joindre aux autres plus souvent, et chacune de ces interactions offre des occasions supplĂ©mentaires dâacquĂ©rir des compĂ©tences qui Ă©taient refusĂ©es Ă leurs pairs peu apprĂ©ciables et exclus. Au fl du temps, ces compĂ©tences leur attirent une sympathie de plus en plus prononcĂ©e, mĂšnent Ă des occasions dâapprentissage supplĂ©mentaires, et ainsi de suite, crĂ©ant un cycle qui conduit les personnes chaleureuses Ă jouir non seulement dâune rĂ©putation plus positive, mais aussi dâaptitudes et de compĂ©tences plus dĂ©veloppĂ©es.
Cela vaut aussi pour les adultes. De deux employĂ©s aussi qualifĂ©s lâun que lâautre, le plus agrĂ©able visĂ -vis de son entourage ira statistiquement plus loin dans sa carriĂšre, non pas pour des questions de favoritisme, mais parce quâil deviendra plus avantageux objectivement de travailler avec lui.
Si vous me posez la question de mon cas, je peux dire que jâai eu de la chance et quâun bon sens de lâhumour Ă propos de mes diffĂ©rences physiques Ă lâadolescence mâa permis dâĂ©viter les cas les plus fagrants dâintimidation et de nouer des amitiĂ©s avec mes pairs qui mâont guidĂ© vers de bonnes dĂ©cisions et de nouvelles opportunitĂ©s. Je nâĂ©tais pas ce quâon pourrait appeler un individu « cool », mais jâĂ©tais capable de mâadapter Ă la plupart des contextes et dâacquĂ©rir des compĂ©tences dont je me sers encore aujourdâhui.
Existe-t-il des moyens de convaincre les gens de passer de la recherche du statut Ă celle dâune popularitĂ© socialement agrĂ©able ?
Notre besoin de considĂ©ration fait littĂ©ralement partie de notre ADN. En tant quâadultes, nous avons toutefois la possibilitĂ© de choisir le type de reconnaissance que nous recherchons. Pour certains, le simple fait de savoir quâil existe ces deux orientations possibles sera en soi une aide pour rĂ©fĂ©chir sur leur comportement passĂ© et poser un regard critique sur ce qui les motive parfois de façon inconsciente. Une fois que vous avez compris le lien scientifquement Ă©tabli entre la quĂȘte de statut pur et ses retombĂ©es plutĂŽt nĂ©gatives, il devient beaucoup plus facile de se concentrer davantage sur la sympathie. Mais pour dâautres personnes, cela peut prendre un peu plus de temps. ÂŁ
Propos recueillis par Gareth Cook, laurĂ©at du prix Pulitzer et rĂ©dacteur en chef de la rubrique dâinformation en ligne Mind Matters, de la revue Scientifc American.
Tous les marqueurs de statut â la visibilitĂ© dans un groupe, lâinïŹuence, la domination et ïŹnalement le pouvoir âactivent les centres de rĂ©compense de notre cerveau.
Marie-Aline a aidĂ© Boris Ă former 43 demandeurs dâasile au maraĂźchage biologique.
Marie-Aline verse chaque annĂ©e 1% de son chiffre dâaffaires Ă des associations agrĂ©Ă©es 1% for the Planet dont La Terre en Partage. onepercentfortheplanet.fr
COMMENT SE COMPARER Ă BON ESCIENT
En ce matin de NoĂ«l, les enfants dĂ©ballent leurs cadeaux, mais Margot, 7 ans, est crispĂ©e : elle surveille du coin de lâĆil son frĂšre et sa sĆur, et surtout leurs cadeaux Ă eux ! Les parents lâobservent, un peu inquiets, car ils savent que chaque annĂ©e, câest la mĂȘme chose, Margot est déçue par ses jouets : ils lui semblent toujours moins beaux que dans ses rĂȘves ; et moins beaux aussi que ceux des autres.
Non loin de là , son cousin Lucas, 15 ans, scrolle fébrilement sur ses réseaux sociaux, et
dĂ©couvre que ses amis ont lâair de passer de meilleures fĂȘtes que lui : ils publient chaque jour des photos de beaux endroits, et dâactivitĂ©s passionnantes. En comparaison, ses vacances lui semblent ternes.
Plus tard dans la soirĂ©e, ses parents discuteront Ă voix basse des parents de Margot, quâils aiment bien pourtant : mais leurs visites les mettent dans lâinconfort, car ces derniers font mieux quâeux en tout â leur maison est plus grande, leur voiture plus belle, leurs situations professionnelles plus brillantes. Pourtant, les parents de Lucas ont une vie qui leur convient, et ne sont pas Ă plaindre dans ces domaines.
Margot, comme Lucas et ses parents, voit sa fĂȘte de NoĂ«l gĂąchĂ©e par le poison des comparaisons. Ils sont loin dâĂȘtre les seuls : pourquoi les comparaisons sociales nous font-elles si souvent souffrir ?
En thĂ©orie, elles devraient nous ĂȘtre utiles : observer ce qui arrive aux autres pourrait nous servir de source dâinformation pour ajuster nos comportements et nos efforts. Les chances et
Il y a de bonnes et de mauvaises comparaisons. Savoir les distinguer est essentiel pour vivre avec nos semblables sans ĂȘtre esclaves du miroir quâils nous tendent.
rĂ©ussites de nos semblables devraient nous rĂ©jouir et surtout nous inspirer : car lâapprentissage par imitation de modĂšle est central dans lâespĂšce humaine, comme cela a Ă©tĂ© montrĂ© dĂšs les annĂ©es 1960 par le psychologue canadien Albert Bandura, professeur Ă Stanford.
COMMENT GĂCHER SON BONHEUR
Mais non, lorsque nous nous comparons aux autres, la souffrance nâest jamais loin. DâoĂč les nombreux dictons qui le rappellent : « Comparaison Ă©gale poison », « Comparaison nâest pas raison ». Câest que nous ne sommes pas des ordinateurs, capables dâĂ©valuer froidement et rationnellement les Ă©carts entre nous et les autres, et de planifer les actions pour les combler. Toute pensĂ©e humaine sâaccompagne dâĂ©motion, et lâĂ©motion de la comparaison est souvent lâenvie, dont le philosophe Descartes disait : « Il nây a aucun vice qui nuise tant Ă la fĂ©licitĂ© des hommes [âŠ]. »
Rien dâĂ©tonnant alors Ă ce que les comparaisons aient un si grand impact sur deux piliers
de cette « fĂ©licitĂ© » : nos capacitĂ©s au bonheur et Ă lâestime de soiâŠ
Dans le monde de la psychologie positive, un modĂšle explicite a Ă©tĂ© proposĂ© pour expliquer nos diffcultĂ©s Ă nous satisfaire de ce que nous avons : le modĂšle des « trois gaps ». Pour gĂącher mon bonheur actuel, je nâai quâĂ le comparer : Ă celui de mes semblables (comparaison avec les autres) ; Ă celui que jâattendais (comparaison avec mon idĂ©al) ; Ă ceux que jâai connus autrefois (comparaison avec le passĂ©).
Insatisfaction garantie ! Dâautant plus que, dans chacune de ces comparaisons, nous sommes victimes de distorsions largement documentĂ©es : pour les autres, nous voyons toujours lâherbe plus verte dans leur jardin ; pour lâidĂ©al, le fait dâavoir des attentes quant aux bonheurs Ă venir les altĂšre ; pour le passĂ©, on lâembellit presque toujours, par le phĂ©nomĂšne du biais de positivitĂ©, liĂ© Ă lâĂ©vocation de souvenirs personnels (le fameux « câĂ©tait mieux avant »).
Globalement, les Ă©tudes sur les personnes qui se disent heureuses montrent quâelles ont moins
EN BREF
ÂŁ Nous avons le rĂ©ïŹexe de nous comparer, car nous sommes des animaux sociaux qui cherchons Ă ajuster notre position Ă notre statut.
£ Dans notre société hyperconnectée, les comparaisons tournent vite au supplice, car nous avons mille occasions de tomber sur des personnes plus attirantes ou populaires que nous.
ÂŁ Pour ne pas en sou rir, sachons aussi nous comparer Ă ceux qui rĂ©ussissent moins bien, voire Ă nous-mĂȘmes dans le passĂ©, pour constater les progrĂšs accomplis.
ÂŁ EnïŹn, reconnaĂźtre que les situations de vĂ©ritable compĂ©tition sont rares apporte un soulagement certain.
tendance Ă comparer leur situation Ă celle des autres ; et que si elles le font, câest plutĂŽt « vers le bas », avec des gens moins chanceux quâelles.
UN SUPPORT DE LâESTIME DE SOI
Structurellement, lâestime de soi est un sociomĂštre nous indiquant comment nous percevons inconsciemment notre valeur sociale : comment les autres nous apprĂ©cient, nous approuvent, nous admirent. Et comment nous positionner par rapport Ă eux ; avec cette diffcultĂ© que les informations sur ce positionnement sont si prĂ©cieuses, voire vitales pour savoir comment nous comporter et Ă quoi prĂ©tendre auprĂšs des autres, quâelles doivent ĂȘtre constamment mises Ă jour et rĂ©ajustĂ©es. DâoĂč le rĂŽle central des comparaisons dans lâĂ©tablissement et la stabilisation (ou non) de lâestime de soi.
Le fonctionnement de ces comparaisons est complexe, car, comme nous lâĂ©voquions plus haut, elles ne sont jamais objectives. Par exemple, on a en gĂ©nĂ©ral tendance Ă sâestimer lĂ©gĂšrement supĂ©rieur Ă la moyenne. Câest lâeffet « meilleur que la moyenne » (better than average effect), bien connu de la psychologie sociale : la plupart des gens se jugent meilleurs conducteurs, meilleurs Ă©tudiants, meilleurs enseignants, etc., que les autres. Mais ce biais ne fonctionne que si on se compare aux autres de loin et au calme !
Si on est perturbĂ© (placĂ© en situation de compĂ©tition ou stressĂ© au prĂ©alable), alors les comparaisons que nous Ă©tablissons avec nos semblables nous sont moins systĂ©matiquement favorables. Câest ce que lâon retrouve chez les personnes qui souffrent dâanxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression, qui en gĂ©nĂ©ral ne procĂšdent quâĂ des comparaisons dĂ©favorables, câest-Ă -dire avec des individus mieux lotis quâelles.
Pourquoi le fait de se comparer nous causet-il tant de tracas et de frustration ? La rĂ©ponse est simple : parce que nous sommes des animaux sociaux perturbĂ©s. Et chacun de ces trois termes compteâŠ
« Animaux » : la comparaison est un mĂ©canisme largement rĂ©pandu dans le monde animal, Ă la fois pour apprendre des compĂ©tences de la part de ses semblables, mais aussi pour juger du cĂŽtĂ© acceptable ou non dâune situation sociale. Dans une Ă©tude classique, des chercheurs apprenaient Ă deux petits singes Ă accomplir une tĂąche simple ; ils les rĂ©compensaient alors par un morceau de concombre. Les cages Ă©tant voisines, les singes voyaient ce qui se passait chez le copain. Un jour, lâun des deux singes obtient une friandise pour le travail accompli, alors que son collĂšgue ne reçoit que le concombre rĂ©glementaire : comparant les deux rĂ©compenses, ce dernier
sâemporte alors, et refuse la sienne, quâil jette au visage de lâexpĂ©rimentateur. Nous sommes en outre des animaux sociaux : nous lâavons Ă©voquĂ©, la comparaison est nĂ©cessaire chez les animaux qui vivent en groupes riches dâinteractions complexes, pour ajuster notre position Ă notre statut :
comparer permet de jauger Ă quelle place prĂ©tendre. La comparaison est, sans doute, parfois douloureuse chez les animaux dotĂ©s dâĂ©motions, comme les mammifĂšres, mais globalement plus utile que toxique : elle Ă©vite dâentrer en compĂ©tition avec plus fort ou plus puissant que soi, et de sâen trouver puni.
DES ANIMAUX SOCIAUX PERTURBĂS
Enfn nous sommes des animaux sociaux perturbĂ©s⊠par la sociĂ©tĂ© que nous avons nousmĂȘmes crĂ©Ă©e ! Les sociĂ©tĂ©s humaines sont parmi les plus inĂ©galitaires du monde animal et conduisent, par consĂ©quent, Ă des comparaisons vers le haut douloureuses. Elles sont trĂšs compĂ©titives et insĂ©curisĂ©es (qui peut prĂ©tendre aujourdâhui ĂȘtre sĂ»r de garder son mĂ©tier et son statut social ad vitam ĂŠternam ?), et engendrent donc des comparaisons incessantes et Ă©puisantes. Elles sont enfn, dans leur version contemporaine, immensĂ©ment mensongĂšres : elles nous incitent Ă des comparaisons non seulement avec nos semblables et nos proches, mais aussi avec des humains ultracompĂ©titifs, comme des mannequins et des stars, ultratransformĂ©s et embellis (comme cela se fait sur les rĂ©seaux sociaux). Un exemple : lorsque jadis nos ancĂȘtres comparaient leur apparence physique avec celle des autres, ils regardaient autour dâeux, leur famille et leurs voisins, et il y avait fort peu de chance quâun top model soit dans les parages ! Aujourdâhui, les corps que nous voyons le plus souvent ne sont plus ceux de nos proches, mais ceux de cĂ©lĂ©britĂ©s mises en avant par les mĂ©dias ; comme elles sont,
Ă lire
Pour gĂącher mon bonheur, je nâai quâĂ le comparer : Ă celui de mes semblables (comparaison avec les autres) ; Ă celui que jâattendais (comparaison avec mon idĂ©al) ; Ă ceux que jâai connus autrefois (comparaison avec le passĂ©).Consolations, celles que lâon reçoit et celles que lâon donne, LâIconoclaste, 2022.
au dĂ©part, favorisĂ©es par la nature, quâelles consacrent leur temps Ă leur apparence, et que leurs images sont magnifĂ©es Ă dessein, la comparaison ne peut tourner quâen notre dĂ©faveur !
Tout ce qui prĂ©cĂšde nous conduit donc Ă accepter que les comparaisons sont inĂ©vitables, et quâil est prĂ©fĂ©rable dâen avoir conscience afn dâen faire un usage lucide et mesurĂ©. Voici quelques remarques pouvant nous guider dans cette « hygiĂšne mentale de la comparaison ».
Y A-T-IL UNE BONNE FAĂON DE SE COMPARER ?
Tout dâabord, nous pouvons choisir avec qui nous comparer selon les situations et les besoins. Certaines comparaisons peuvent mĂȘme nous remonter le moral. « Je me regarde, je me dĂ©sole ; je me compare, je me console », dit le proverbe. Si nous prenons soin de ne pas seulement comparer vers le haut (avec les mieux lotis), mais aussi vers le bas (avec les moins chanceux), nous nous donnons une chance Ă la fois de mieux prendre conscience de notre bonheur, mais aussi de stabiliser notre estime de soi. VoilĂ pour lâaspect Ă©motionnel ; dâautres travaux menĂ©s auprĂšs dâĂ©tudiants et publiĂ©s en 2023 ont montrĂ© que la comparaison vers le haut sert plutĂŽt nos objectifs de dĂ©veloppement personnel, tandis que celle tournĂ©e vers le bas sert Ă nous valoriser.
Ensuite, lâenvie qui naĂźt souvent des comparaisons gagne Ă ĂȘtre domestiquĂ©e, voire sublimĂ©e. Il faut garder Ă lâesprit que lâenvie est un ressenti frĂ©quent, et souvent culpabilisant. Elle peut prendre une forme dĂ©pressive (« jâaimerais tant, moi aussi, rĂ©ussir ainsi ; mais je ne suis pas capable, pas Ă la hauteur ») ou agressive (« pourquoi ces imbĂ©ciles sont-ils plus heureux et estimĂ©s que moi ? »). Tous nos efforts gagnent dĂšs lors Ă la rĂ©orienter vers une envie dite « Ă©mulative » : « Si ce que les autres ont me fait envie, je ferais bien de mieux observer ce qui leur a permis dâen arriver lĂ , pour mâen rapprocher moi aussi par mes efforts. »
Un autre moyen de limiter la survenue de lâenvie, et de mieux vivre les comparaisons, consiste Ă porter un regard empreint dâadmiration vers ce qui nous semble plus beau et plus haut. Les Ă©motions sociales positives, telles quâĂ©merveillement, bienveillance ou compassion, non seulement nous rendent plus agrĂ©ables Ă frĂ©quenter, mais aussi nous permettent de nous sentir plus heureux et estimĂ©s dâautrui, comme lâont montrĂ© dâassez nombreuses Ă©tudes.
Ă dĂ©faut, mieux vaut se comparer Ă soi-mĂȘme quâaux autres. En effet, dans la poursuite dâun objectif, se jauger par rapport Ă des personnes qui
sont en avance sur nous nâa dâutilitĂ© que pour sâinspirer de leurs stratĂ©gies, pas pour juger de nos progrĂšs. Or il est tout aussi important de savoir si lâon est sur le bon chemin. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt de se comparer avec⊠soi-mĂȘme, en nâoubliant pas dâoĂč nous sommes partis, quels progrĂšs nous avons accomplis, etc.
RENONCER AUX COMPĂTITIONS INUTILES
« Lâhomme humble ne se croit â ou ne se veut âpas infĂ©rieur aux autres : il a cessĂ© de se croire â ou de se vouloir â supĂ©rieur », Ă©crit le philosophe AndrĂ© Comte-Sponville. Ătre humble, câest se mĂ©fer des compĂ©titions inutiles : pourquoi vouloir Ă tout prix ĂȘtre partout dans les premiers ? Parce que je le vaux bien ? Slogan publicitaire plus que source de sagesse⊠Il y a dans nos vies quelques situations rĂ©ellement compĂ©titives : le sport, certains concours dans nos Ă©tudes ou nos mĂ©tiers⊠Pour le reste, vouloir faire toutes les courses en tĂȘte nous apportera plus de stress que de bonheur, plus dâinsĂ©curitĂ© que dâestime de soi.
Il faut en cela bien repĂ©rer le danger venu des miroirs et incitations que nous tend la sociĂ©tĂ© de lâhypercommunication. Le principe mĂȘme des Ă©crans (cinĂ©ma, tĂ©lĂ©vision, magazines, et bien sĂ»r rĂ©seaux sociaux) tient au fait quâils sont des vitrines Ă ego. Chacun sây prĂ©sente sous son meilleur profil, et nây raconte que les meilleurs moments de sa vie. Une bonne hygiĂšne de la comparaison suppose de se souvenir de ce fait Ă chaque fois que nous y plongeons. Et de sây plonger le moins souvent possible !
Mais au fond, peut-on oublier la question : « Quâest-ce que je vaux ? » Il existe des situations oĂč elle devient en quelque sorte caduque. Ce sont toutes celles oĂč lâon sâengage dans des mouvements associatifs ou politiques pour changer la sociĂ©tĂ© : militer pour lâacceptation (et non la valorisation) des diffĂ©rences, pour une sociĂ©tĂ© plus inclusive et moins compĂ©titive⊠Se dĂ©dier Ă une cause fait souvent paraĂźtre secondaire la question de savoir si lâon est mieux ou moins bien que le voisin.
Finalement, les comparaisons, auxquelles notre esprit ne peut Ă©chapper, ne sont donc quâun outil, une fonction, dont il nous appartient de faire bon usage, afn quâelles ne soient pas, comme le notait le philosophe Gustave Thibon, un prĂ©texte à « toujours se dĂ©mener pour rejoindre ou pour dĂ©passer autrui ». Et quâau contraire, selon les mots dâun autre philosophe, Alain, « la comparaison Ă©claire nos pensĂ©es afn de les faire marcher du mĂȘme pas que le monde » : autrement dit, comparer pour sâajuster. On le voit, la rĂ©fexion sur lâart de bien se comparer ne date pas dâhier⊠£
Bibliographie
A. Bandura et R. H. Walters, Social Learning and Personality Development, Holt, Rinehart and Winston, 1963.
S. Deri et al., Home alone : Why people believe othersâsocial lives are richer than their own, Journal of Personality and Social Psychology, 2017
S. Lyubomirsky et L. Ross, Hedonic consequences of social comparison, Journal of Personality and Social Psychology, 1997.
M. R. Leary et R. F. Baumeister, The nature and function of self-esteem : Sociometer theory, Advances in Experimental Social Psychology, 2000
T. Du ues et al., Donât look up ! Individual income comparisons and subjective well-being of students in Thailand, Journal of Happiness Studies, 2023.
JEAN-PHILIPPE LACHAUX
Directeur de recherche Ă lâInserm, au Centre de recherche en neurosciences de Lyon.
Apprendre comme dans « Avatar »
Imaginez apprendre lâanglais dans une version numĂ©rique de la ville de Londres, ou les mathĂ©matiques dans un monde gĂ©omĂ©trique en 3D⊠Les interfaces de rĂ©alitĂ© virtuelle le proposeront dans lâavenir, mais câest dĂ©jĂ possible en partie en entraĂźnant son cerveau.
Lorsque je suis allĂ© voir le ïŹlm Avatar 2, câĂ©tait dans le but dâapprĂ©cier la qualitĂ© dâillusion que la technologie est maintenant capable dâentretenir dans le cerveau des spectateurs. Et jâavoue avoir Ă©tĂ© abasourdi par cette impression de ne plus ĂȘtre en train de regarder les personnages dâun flm, mais de vivre une aventure Ă leurs cĂŽtĂ©s, au sein mĂȘme de leur groupe, avec la sensation quâĂ tout moment, lâun dâentre eux pouvait se tourner vers moi pour me tendre un objet ou mâadresser la parole.
Cet effet est bien connu des spĂ©cialistes de la rĂ©alitĂ© virtuelle, qui sây intĂ©ressent Ă travers des concepts comme
celui de « tĂ©lĂ©prĂ©sence » (je me sentais rĂ©ellement prĂ©sent dans ces scĂšnes pourtant distantes) ou bien dâ« illusion de nonmĂ©diation » et de « suspension de la noncroyance » (jâoubliais totalement que jâĂ©tais assis dans une salle en train de regarder une histoire fctive projetĂ©e sur un Ă©cran). Le neuroscientifique Olaf Blanke, spĂ©cialiste de la sensation du soi et de sa prĂ©sence dans lâespace, va jusquâĂ proposer avec son Ă©quipe que cette tĂ©lĂ©prĂ©sence utilise des ressorts neuronaux similaires Ă ceux qui sont responsables de lâillusion de « sortie du corps » : cette sensation dâoccuper une rĂ©gion de lâespace diffĂ©rente de celle de son propre
corps, qui peut ĂȘtre dĂ©clenchĂ©e en activant des rĂ©gions cĂ©rĂ©brales bien prĂ©cises. Câest dire Ă quel point ce flm transforme notre perception de la rĂ©alitĂ©.
FIN DES COMBATS, DĂBUT DE LA RĂFLEXION
Malheureusement, Avatar utilise surtout cette qualitĂ© dâimmersion pour faire vivre des situations de guerre Ă des enfants et des adultes, en les privant de toute distance par rapport Ă la violence des scĂšnes â jâai eu une pensĂ©e Ă©mue pour les chercheurs qui attendent patiemment quâun comitĂ© dâĂ©thique les autorise Ă montrer des petits ronds et
des carrĂ©s sur un Ă©cran Ă des enfants Ă des fns expĂ©rimentales. Mais au-delĂ du questionnement Ă©thique, il ne fait nul doute que la qualitĂ© dâimmersion de ce flm â qui sera bientĂŽt courante dans tous les jeux de rĂ©alitĂ© virtuelle â peut ĂȘtre mise Ă proft pour lâapprentissage. Il est envisageable dâimaginer, par exemple, dâ« envoyer » un Ă©lĂšve dans une ville dâAllemagne au sein dâun groupe de petits Allemands, avec qui il devrait trouver un moyen de communiquer pour rĂ©soudre des Ă©nigmes, et donc apprendre progressivement le vocabulaire et la grammaire nĂ©cessaires pour ce faire. Ă condition que lâinteraction sociale soit
suffsamment rĂ©aliste et crĂ©dible â dans ce sens, on constate les progrĂšs constants des agents conversationnels avec lâexemple de ChatGPT â, les conditions seraient idĂ©ales pour maximiser le niveau dâengagement de cet Ă©lĂšve, qui apprendrait la langue au fur et Ă mesure de ses besoins, en constatant immĂ©diatement lâintĂ©rĂȘt de tout ce quâil apprend.
RĂALITĂ VIRTUELLE, MOTIVATION RĂELLE !
Engagement et motivation, besoin dâapprendre pour un objectif immĂ©diat, correction instantanĂ©e de ses erreurs, soutien et intĂ©rĂȘt du groupe : autant
dâĂ©lĂ©ments connus pour ĂȘtre de grands moteurs de lâapprentissage et qui facilitent les progrĂšs dĂšs les premiers Ăąges de la vie. Pour lâinstant, certaines Ă©tudes montrent dĂ©jĂ un apport de la rĂ©alitĂ© virtuelle pour lâengagement des Ă©lĂšves et leur motivation â notamment pour apprendre les langues Ă©trangĂšres, mais il faut bien prendre en compte le caractĂšre encore trĂšs peu rĂ©aliste des interactions sociales â et donc de la tĂ©lĂ©prĂ©sence â dans la gĂ©nĂ©ration actuelle de programmes. Avatar nous permet dâentrevoir ce quâelle sera dans un futur proche⊠et avec les sommes ahurissantes investies dans la mise au point de
vĂ©ritables univers virtuels (le fameux mĂ©tavers), il est clair que ce type dâapplications est au coin de la rue.
Pourtant, on peut aussi se demander si toute cette technologie nâest pas un peu encombrante et fnalement peu utile au vu de ce que notre cerveau est dĂ©jĂ capable de faire sans quâil soit besoin de rien lui ajouter. Je vous incite Ă faire lâexpĂ©rience suivante : regardez simplement une tasse ou un verre, en imaginant autant que possible les sensations que vous auriez au niveau des doigts en les manipulant, afn de bien faire attention Ă leur forme en 3D : « ressentez-vous » le contact du matĂ©riau et sa rĂ©sistance ? En vous concentrant de la sorte, vous rehaussez lâactivitĂ© de rĂ©gions visuelles â dans le lobe pariĂ©tal â qui sont chargĂ©es dâanalyser la forme tridimensionnelle des objets afn de prĂ©parer leur saisie, en lien avec le cortex moteur. En jouant simplement avec son attention, il est donc possible dâaugmenter cette impression de 3D et de rendre ainsi le monde moins « plat », comme dans le flm Avatar (avouez quâil est Ă©trange quâil faille utiliser son attention pour cela, sachant que le monde est vraiment tridimensionnel). Ce type dâexercice est utile pour apprendre Ă manipuler des objets de façon trĂšs prĂ©cise (des instruments de musique, par exemple), ou bien tout simplement pour se prĂ©parer Ă bien se concentrer pour tracer un cercle au compas ou Ă©crire proprement. Et jâai dĂ©jĂ Ă©voquĂ© dans ces colonnes comment lâimagerie mentale â visuelle et somesthĂ©sique â aidait Ă comprendre des concepts mathĂ©matiques comme celui de bissectrice dâun angle.
DRIBBLER PAR LA PENSĂE
Un deuxiÚme jeu attentionnel peut faire penser à la réalité augmentée (cette technologie qui projette une image virtuelle sur une image réelle). Considérez un instant le mot tervetuloa, qui signife « bienvenue » en fnnois, puis recopiez-le sur une feuille de papier, en ayant pris
soin au prĂ©alable de le « voir Ă©crit » sur cette feuille, Ă lâendroit prĂ©cis oĂč vous vous apprĂȘtez Ă lâĂ©crire. Dans une dĂ©marche de rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, lâidĂ©e est que lâimage mentale du mot â avec toutes ses lettres â apparaisse comme « projetĂ©e » sur le papier au point de vous servir de calque. En procĂ©dant ainsi, vous portez une attention particuliĂšre Ă ce mot et Ă son orthographe, qui va renforcer son empreinte dans votre mĂ©moireâŠ
Le cerveau humain est donc trĂšs bien Ă©quipĂ© pour crĂ©er une impression de rĂ©alitĂ© augmentĂ©e, sans aide technologique. Dâailleurs, de nombreux sportifs de haut niveau lâutilisent au quotidien : je me souviens dâun footballeur professionnel connu pour la qualitĂ© de ses dribbles qui mâavait expliquĂ© voir spontanĂ©ment sâaffcher sur la pelouse lâimage mentale de la trajectoire quâil devait suivre avec le ballon pour esquiver les dĂ©fenseurs ! Par consĂ©quent, nâhĂ©sitons pas Ă exploiter dĂšs maintenant â avant lâavĂšnement dâune rĂ©alitĂ© virtuelle et augmentĂ©e hyperrĂ©aliste â tout ce que notre cerveau est dĂ©jĂ capable de produire tout seul au prix dâune simple gymnastique attentionnelle : une rĂ©alitĂ© 0.0 low cost et low tech, mais bigrement effcace et sans bug informatique. ÂŁ
Bibliographie
J. GarzĂłn et al., Systematic review and meta-analysis of augmented reality in educational settings, Virtual Reality, 2019.
B. Herbelin et al., Neural mechanisms of bodily self-consciousness and the experience of presence in virtual reality, pp. 80-96, in Andrea Gaggioli (Ă©d.), Human Computer InïŹuence, De Gruyter, 2016.
S. V. Symonenko et al., Virtual reality in foreign language training at higher educational institutions, 2 nd International Workshop on Augmented Reality in Education, 2020
A. E. Welchman, The human brain in depth : How we see in 3D, Annual Review of Vision Science 2, 2016
La qualitĂ© dâimmersion de ce ïŹlm peut ĂȘtre mise Ă proïŹt pour lâapprentissage, en maximisant lâengagement des Ă©lĂšves : dans lâacquisition dâune langue, par exemple, ils constateraient en temps rĂ©el et en situation lâintĂ©rĂȘt des progrĂšs accomplis.