la Batellerie et les mariniers en France pendant la Seconde Guerre mondiale

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La Batellerie et les mariniers en France pendant la seconde guerre mondiale par Stéphane Fournier

Août 2022 – Version 2

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Préambule Pourquoi une version en ligne gratuite ? 1 - Une étude évolutive Tous les livres que nous publions sont des objets et des études finis. Combien de fois ne nous sommes pas dits que l'on aurait pu ou dû mettre tel ou tel chose trouvée après l'impression. L'avantage de faire une version PDF en ligne c'est de pouvoir l'actualiser. Cela permet la participation des lecteurs afin d’y placer de nouvelles archives, des anecdotes ou des photographies... Pour le cahier sur la batellerie pendant la Grande Guerre, sur un site dédié, noté à la fin de l'ouvrage, batellerie grande guerre offre des compléments en ligne. Cet ouvrage est destiné à être lu sur une tablette. Il n'y a plus de limite du nombre de pages et de taille des images. De plus on peut zoomer sur l'écran et découvrir des détails. Un Cahier de l’A.A.M.B. fait normalement 72 pages. Ici cela dépasse les 300. Le papier a augmenté de 7% en 2021 et les frais d’expédition par La Poste de 22% en 6 ans. On peut placer des liens dans la bibliographie vers des sources ou des vidéos en ligne afin de prolonger la recherche. Et dernier avantage pas des moindre pour les lecteurs… c’est gratuit ! Le Cahier double sur la Première guerre coûte 28 € et celui sur les bateaux de gabarit freycinet 16 €. 2 - Contourner les pressions sur le fond et la forme Cette étude devait être publiée dans la série des Cahiers du musée de la Batellerie éditée par l’Association des Amis du Musée de la Batellerie de Conflans-SainteHonorine. (A.A.M.B.) Plusieurs obstacles internes et externes au projet font qu’il sort ainsi. Plusieurs de mes connaissances, historiens ou enseignants, me disent que j'ai raison de ne pas vouloir occulter les faits car la vérité, même si elle ne fait pas plaisir, est ce qu'elle est.

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Bilan : Cette étude sort maintenant. Un moment je pensais appeler ce travail «Mariniers nous voilà ! » pour pasticher un très bon ouvrage sur les syndicats durant la guerre, Syndicats nous voilà ! Au final son titre est : "la Batellerie et les mariniers pendant la seconde guerre mondiale". Il est bien plus précis. Le mot Batellerie est important car il se réfère à la Charte de la batellerie publiée en 1942. Il y a 80 ans en avril 2022. Le mot mariniers c'est pour coller aux témoignages rassemblés. Bonne lecture à tous et à toutes Stephane Fournier

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Introduction

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Avant la guerre La batellerie entre 1918 et 1939 la réglementation du marché qui s'organise ....................... P.12 La pléthore de syndicats au lendemain de la Der des Ders ................................... P.12 La crise économique de 1929 ................ P.14 l'organisation de la batellerie à partir de 1934 P.15 1936 et le Front Populaire ....................... P.19 Les « grandes » compagnies en 1936 ... P.21 La batellerie en 1938 ............................... P.22 Le statut d'artisan marinier de 1938 ...... P.26 1938 la fin du Front Populaire ................ P.27 Rouen un atout majeur sur la Seine ...... P.28

La guerre 1939 / 1940 à la déclaration de la guerre P.31 La mobilisation de la batellerie dès le début P.31 La Flottille du Rhin et les compagnies de sapeurs de navigation ....................... P.38 Les affectations spéciales ...................... P.39 Une lutte idéologique dès 1939 .............. P.45 La « Drôle de guerre » ............................ P.46 L'Exode .................................................... P.47 Les témoins racontent ............................ P.50 L'Exode de la batellerie .......................... P.53 La convention d'armistice ...................... P.61 Le retour au bateau ................................. P.65 Les destructions en 1940 ....................... P.66 Une géographie mentale particulière .... P.68 Le vélo ! ................................................... P.70

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De 1940 à 1944 Le ravitaillement ...................................... P.73 Le rationnement ...................................... P.74 Le système D ........................................... P.77 Le troc et le marché noir ......................... P.81 Le travail à terre ...................................... P.83

L’aide sociale aux mariniers L'Entr'aide Sociale Batelière .................. P.85 - l'abbé Bellanger le fondateur - l'E.S.B. avant la guerre - le Je Sers en 1940 - l'action de l'association dans la nouvelle France - Les syndicats de l'E.S.B. - à la Libération - bilan Un autre service social d’aide : le S.S.S.M.F. P.112 Le service médico-social de la batellerie P.113

Les prisonniers Le retour des prisonniers ....................... P.114

Le Service de Travail Obligatoire

P.126

Les Allemands Les réquisitions des bateaux ................. P.131 - opération Seelöwe - les « nez coupés » ................................. P.135 - l’exemple du Luno ……………………...P. 136 - les bateaux tombés dans l’escarcelle Allemande - les transports réquisitionnés Les relations quotidiennes ..................... P.149 La justice et les autorités militaires ....... P.151

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Les voyages Une question d'énergie ........................... P.156 - le halage mécanique ............................. P.157 - le remorquage ....................................... P.161 - le carburant végétal .............................. P.164 - les chevaux ........................................... P.166 - la bricole ................................................ P.166 - le moteur électrique ............................... P.168 Dans la zone occupée ............................. P.169 Dans la zone « libre » .............................. P.171 Le Reichland ou l’Alsace-Lorraine ......... P.174 Aller en Allemagne et en Belgique ......... P.178 La reconstruction après la Bataille de France

P.183

L'organisation de la profession et le trafic P.189 Les origines de la Charte de la batellerie P.190 L'opposition par Louis Louis ................. P.195 L'organisation syndicale des artisans ... P.197 La redéfinition du statut d’artisan batelier dans la Charte de la batellerie ................ P.198 Bilan …………………………………………..P.203 L'organisation administrative de la navigation P.205 - durant la guerre : des techniciens à la manœuvre P.205 - Jean Berthelot ....................................... P.206 - Jean Bichelonne ................................... P.208 au service de l'Occupant ........................ P.214 L'organisation en temps d'occupation .. P.215 Le fichier de la batellerie ........................ P.219 La réforme administrative de l'O.N.N. .... P.220 Le directeur de l’O.N.N. : Pierre Brousse P.221 Le trafic pendant la guerre ..................... P.224 Bilan ......................................................... P.231

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1944 / 1945 Le danger vient du ciel ! ......................... P.237 - le plan Transport .................................... P.237 - les bombardements Anglo-Américains P.241 - les mitraillages alliés ............................ P.246 Les derniers combats ............................. P.251 La Résistance .......................................... P.253 L'attente de la fin ..................................... P.256 Retraite allemande puis avancée des Alliés …P.258 La Libération ........................................... P.267 Les destructions à la fin de la guerre .... P.269 Les transports et réquisitions pour les Alliés P.272

Après les combats La reconstruction de la flotte et des ouvrages P.277 Séquestre de bateaux allemands …………….. P.279 Le retour des unités disséminées en Europe P.280

Après la guerre La Société pour la Reconstruction et le Renouvellement du Parc Fluvial : la S.R.P.F. ..................... P.296 Les Forces Maritimes du Rhin ................ P.303

Aujourd’hui Les épaves fluviales retrouvées en mer P.304 Les bateaux ayant de nos jours des noms liés à la Seconde Guerre ...................................... P.309

Conclusion générale

..................... P.313

Archives, sources, bibliographie et + .... P.318 Remerciements

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Introduction Entre 2014 et 2019 il y a eu l'opération dite du « Centenaire » de la Première Guerre Mondiale. Elle a eu un grand succès auprès du public avec une profusion de parutions et d'expositions marquant par-là l'engouement populaire pour l'étude de cette période.1 Sans attendre la disparition des derniers témoins, 80 ans après la bataille de France de 1940 et l’adoption de la Charte de la Batellerie en 1942, nous avons encore la chance de pouvoir recueillir la parole des témoins de ce deuxième conflit majeur du 20ème siècle. L'étude sur les voies navigables en France pendant la Première Guerre Mondiale n'a pas pu bénéficier de témoignages directs et il y a eu très peu d'écrits de souvenirs produits par les « pénichiens ». En revanche pour cette étude de nombreux témoignages furent rassemblés auprès de mariniers ayant connu la guerre. Ils ou elles ont plus de 80 ans. Ils étaient enfants mais face à des circonstances extraordinaires les souvenirs sont ancrés dans la mémoire. En même temps, au fil des biographies publiées entre autres dans la collection des cahiers du musée de la Batellerie, les années sombres de 1939 à 1945 sont présentes en filagramme dans ces récits. De plus, des acteurs de cette époque ont laissé des récits ou ont été les sujets d’études. Pensons à l’Abbé Bellanger2, Jean Bichelonne3 ou Louis Louis4. Ce dernier est très révélateur de ce qu’a été la Révolution Nationale du régime de Vichy où des hommes proches de l’idéologie socialiste ou communiste devinrent de farouches propagandistes antibolcheviques fidèles au « grand soldat de Verdun » Tous ces témoins ont été confrontés à la guerre, à leur niveau dans un maelstrom mondial. Afin de remettre ces témoignages en perspectives nous ferons appel à de nombreuses études qui analysent certains aspects de cette période. Enfin des archives de l'O.N.N. inexploitées et inédites sur les voies navigables durant Vichy et l'Occupation ont étés décortiquées. Elles sont particulièrement riches. Ainsi cette étude qui ne peut être exhaustive, hélas, se veut à la fois narrative et analytique pour coller au plus près du sujet. Comme le dit Marc Ferro dans un documentaire citant son Maître Fernand Braudel : « Des histoires ne font pas « l’Histoire ».

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Quel bilan scientifique pour le centenaire de 1914-1918 ? Arndt Weinrich et Nicolas Patin - PU Paris-Sorbonne - 02/2022 2 Joseph Bellanger, un prêtre au service des bateliers - Patrice Dupuy avec la collaboration d'Arnold Gautier, Raymond Carpentier, Père Yves Geneau, Josette Herry, Catherine Laignel et Annette Pinchedez - Conflans-Sainte-Honorine - juin 2016 3 Jean Bichelonne, un polytechnicien sous Vichy (1940-1944) - Entre mémoire et histoire - Limore Yagil - SPM Lettrage- 10/2015 4

Note bibliographique dans le dictionnaire Maitron du mouvement social et ouvrier - https://maitron.fr/spip.php?article118993

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Avant la guerre La batellerie entre 1918 et 1939 La réglementation du marché qui s'organise petit à petit Pourquoi remonter 20 ans en arrière ? Les importantes réformes administratives concernant les voies navigables et les mariniers faites par le régime de Vichy durant la seconde guerre mondiale sont les conséquences d'une évolution amorcée lors du conflit de 1914-1918 et qui vont s'articuler peu à peu durant cette courte période, deux décennies à peine, qui sépare les deux guerres mondiales. Au lendemain de l'armistice de 1918, dès 1919, le marché réglementé avec des systèmes de tour de rôle institué durant le conflit laissé sa place à un retour au marché de la libre concurrence entre l'offre et la demande comme c'était la règle avant 1915.5 Progressivement sous les doubles pressions interne dans le monde de la batellerie et externe avec le contexte mondial de la crise économie de 1929, des réglementations visant à encadrer le marché et les droits sociaux se mettent en place. L'apparition d'un courant communiste au début des années 1920 va accentuer les pressions des mariniers politisés et militants sur les gouvernements de la 3ème République et le patronat des compagnies de navigation. Ce retour progressif à des mesures d'organisation du marché est dans un premier temps facultatif puis devint obligatoire. La pléthore de syndicats au lendemain de la Der des Ders Le monde syndical batelier durant l'Entre Deux-Guerre est très fragmenté. L'action militante et revendicatrice des syndicats représentant les artisans cherchera au retour des lois qui régissaient les différents tours de rôle comme cela avait été le cas durant la guerre de 14-18. Parmi eux le Syndicat Unique de la Batellerie, S.U.B., sera particulièrement actif. En 1936 le syndicat revendique 5.000 adhérents (sur 11.000 bateliers). Il est animé par Roger Blankaert qui est le « monsieur batellerie » de 1929 à 1969. Fils d'un conseiller municipal de Dunkerque, ouvrier métallurgiste, il adhère à la C.G.T. puis devient un des responsables de la section dunkerquoise de la C.G.T.U.. Constatant 5

Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018

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la lutte sociale des mariniers, il fonde en 1929 la S.U.B.. C'est un syndicat résolument opposé au patronat. Il propose l'adhésion de son syndicat à la C.G.T. dès 1934. Le S.U.B. rejoint la Fédération unifiée des ports et docks de la C.G.T. et a pour principale revendication la généralisation des bureaux de tour. Le Parti Communiste français, S.F.I.C., venait de naitre au congrès de Tours de 1920. Le journal municipal de sa ville de naissance rapporte son action militante. 6 « Les luttes sociales du XXe siècle Afin de peser dans les transactions avec les courtiers de fret, la batellerie dunkerquoise s’organise à la fin du XIXe siècle. Ce qui n’empêchera pas l’apparition de tensions au sein de la profession au lendemain de la Première Guerre mondiale : les baisses de fret, la remise en cause de l’organisation obligatoire de l’affrètement, mais aussi l’avènement de l’automoteur, prisé des affréteurs, créent un terreau propice aux divisions internes. À Dunkerque, les mouvements de grève se succèdent. En août 1929, les mariniers décident de défendre eux-mêmes leurs intérêts en créant leur propre syndicat sous la houlette de Roger Blanckaert qui deviendra au fil des décennies « Monsieur Batellerie ». En juin 1936, les bateliers défilent aux côtés des ouvriers. Des barrages sont établis sur le canal de Mardyck et sur celui de l’Île Jeanty, paralysant ainsi totalement le port. Mi-juin, « la grève de la batellerie est totale de Dunkerque à Conflans », annonce le syndicat dunkerquois. Les bateliers obtiennent finalement gain de cause avec la Loi du 18 juillet 1936 qui organise de manière équitable l’attribution des voyages. » D'autres syndicats existent. : - Syndicat général de la petite batellerie de Calais. S.G.P.B., - Syndicat de la petite batellerie motorisée et tractionnée. S.P.B.M.T., -Syndicat de la batellerie artisanale. S.B.A. Il rejoint la C.G.T. en 1934. Secrétaire général Télesphore Lalouette, - Chambre syndicale des courtiers fluviaux, - Syndicat des armateurs fluviaux ... En 1944, durant le régime de Vichy, le Journal de la navigation revient sur cette situation. « Avant 1914, il y avait 7 syndicats, chacun avec à sa tête un président et un comité qui appliquent l'étrange tactique d’aller ; les uns après les autres, faire le siège des ministres des Travaux publics, afin de leur exposer des doléances contradictoires. Après 1918, on put assister à une magnifique génération spontanée de syndicats corporatifs. ... « la batellerie, c'est un panier de crabes ». »7 Ce petit tour d'horizon du monde syndical batelier des années 1920 – 1930 permet de comprendre pourquoi, en faisant table rase du passé, le Régime de Vichy cherchera à instituer Un syndicat unique à ses ordres dans la profession. 6 7

Dunkerque-Magazine-238-mars 2013 Journal de la navigation - 01/06/44 - La batellerie veut-elle devenir majeure ?

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La crise économique de 1929 et ses répercussions pour la batellerie Avec la crise économique mondiale après 1929 qui met plusieurs années à s'installer en France, les cours des frets rémunérateurs des années 1924 – 1929 deviennent un lointain souvenir. La crise économique est aussi une crise sociale dans la batellerie. Au début des années 1930, 19.000 bateliers font vivre 33.000 personnes, contre 44.000 en 1912, sans compter les éclusiers, pontiers, gardes, ingénieurs ou ouvriers des chantiers navals fluviaux, soit environ 7.000 personnes. 1929 : il y a 11 % de bateaux motorisés chez les artisans et 28% dans les compagnies. Il n’y a que 18% du parc en automoteurs mais ils représentent 25% du trafic kilométrique. Ils font une moyenne de parcours de 255 kilomètres contre 122 km pour les bateaux ordinaires.8 Pour tenter d’améliorer les choses, l’État prend en main le contrôle des importations et plus particulièrement le charbon avec un ensemble de mesures de contingentements et de licences. A Dunkerque, le tour de rôle, facultatif, est remis en cause. Le ministère des Transports en reprenant une idée défendue entre autres par le Syndicat général de la petite batellerie, créé des commissions pour l'amélioration des frets. A Lille en juillet 1931, les mariniers défendent avec vigueur le tour obligatoire et intégral ainsi que la création de commissions régionales de frets fixant des prix pour une période déterminée. A l'inverse la Ligue des mariniers d'automoteurs s'y oppose. A Paris, une commission nationale étudie une convention d'affrètement type imposable à tous comme ce fut le cas durant la Grande Guerre. 9 Ces conflits se déroulent surtout dans le Nord, entre la région des mines et Compiègne, car dans le Centre, les mariniers ont encore leurs chevaux et n'ont donc pas à attendre la traction. A l'époque, l'affrètement est libre et se déroule dans les cafés ou sur les places publiques. Des contrats tacites de fidélité commerciale unissent les mariniers et leurs courtiers Le gain de temps d'un automoteur sur un bateau tractionné était considérable. Sur un transport entre le Nord et Paris, l'automoteur peut gagner deux semaines. Dans le Nord, la préférence des clients ira très souvent au bateau le plus rapide. En août 1933, la colère des tractionnés est à son comble et entraîne une grève qui 8

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France - 1999 9

Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005

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paralyse la navigation pendant plus d'un mois avec des barrages de bateaux. 600 bateliers bloquent l’approvisionnement en blé et en charbon de la région parisienne. Ils refusent cette concurrence jugée déloyale et exigent la création d'un bureau d'affrètement, pour une distribution plus équitable du travail. Dans ce contexte de concurrences multiples, entre les compagnies et les artisans, entre les motorisés et les tractionnés, le contexte de la crise économique des années 30, les courtiers en profitent pour tirer à la baisse les tarifs puisque l'activité économique rentre en récession.10 Les grévistes critiquent aussi la circulation des bateaux étrangers, surtout Belges, en France. Dans le même temps, face à la diminution des transports de matières pondéreuses comme le charbon suite à la crise économique mondiale, une politique de régulation de l'offre de transport en diminuant le nombre des bateaux tout en modernisant la flotte est mise en place dès 1934. Au passage on peut constater que le politique de « déchirage » et de contingentement en diminuant l’offre du nombre de cales des bateaux Freycinet à la fin du 20ème siècle ne faisait que reprendre une politique appliquée 70 ans plus tôt11 et en 1954. Un article de journal revient sur cette décision. « L’arrêté ministériel du 7 novembre 1934 qui précise en effet que toute demande d'immatriculation de nouveaux bateaux doit être accompagnée du certificat de déchirage ou d'innavigabilité définitive de bateaux d'un tonnage équivalent à celui demandé. Ainsi, le décret du 15 mai 1934 portant sur la coordination des transports par fer et par eau aboutissait ni plus ni moins, à la stabilisation officielles et définitive, à son potentiel d'alors, de la navigation intérieure française. Cela revenait exactement au même que si, par une autre disposition – favorable celle-là à la voie d'eau – il eût été stipulé que le parc des chemins de fer ne saurait être augmenté dorénavant d'un seul wagon... »12 L'organisation de la batellerie à partir de 1934 Cela peut se résumer ainsi : une solution syndicale imposée à la grève générale. Le S.U.B. - Syndicat unitaire de la batellerie - à Dunkerque instaure le « tour syndical pour avalant », par des blocages et des intimidations en novembre 1930. C'est à dire un bureau de tour obligatoire pour les transports de charbon du bassin houiller à l'exportation en passant par Dunkerque et Calais. 10 10

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Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture Le freycinet : 1880 - 2020, bateau emblématique des batelleries industrielles de réseaux – Cahier de l’AAMB - 2020

Action française – 28/10/43 par Charles Maurras

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Les compagnies minières réagissent en boycottant la voie d'eau et en passant par des accords avec les chemins de fer. Pendant l'été 1933, la situation est explosive entre d'un côté les 3.700 adhérents revendiqués par le S.U.B. et de l'autre les automoteurs appartenant majoritairement aux grandes compagnies de navigation. 13 En juin 1934, le gouvernement de Paul Doumergue prend toute une série de mesures qui suivent les travaux du rapport Laroque du Conseil national économique, l'ancêtre du Conseil économique et social et environnemental, visant à donner à la navigation intérieure une organisation qui doit réduire les abus et amoindrir ou supprimer la concurrence dispendieuse entre le rail et la voie d'eau. C’est le premier décret d'une série de textes réglementaires sur la navigation intérieure et la coordination rail-voies navigables. C’est limiter la liberté commerciale des transporteurs afin d'optimiser la répartition du trafic et réglementer à la fois la concurrence intermodale et intramodale.14 Ensuite, c'est la réglementation du métier de courtier pour l’affrètement qui les regroupe dans des chambres syndicales et exigeant un certificat de capacité professionnel et de moralité. Il faut attendre un an, décembre 1935, pour qu'il y ait la première ouverture dans le Nord puis 1938 en région parisienne d’une telle chambre d’affrètement. 15 A partir de 1935, le ministère des Travaux publics désigne les membres des comités de direction des bureaux d'affrètement et il peut décider d'en créer de nouveaux là où il pense qu'il en faille. Cela dit cela n'a que peu d'effet puisqu’il n'y a qu'un seul bureau qui ouvre à Valencienne. Concernant la fixation des frets, le mécanisme des commissions paritaires régionales chargées de suivre l'évolution du marché et de conseiller des taux dits « adéquats à la situation de marché » est confirmé. Enfin, le gouvernement rend obligatoire l'emploi de formulaire types pour les conventions de voyages. L'arrière-pensée financière pour le budget de l’Etat n'est pas étrangère à cette politique. Depuis août 1926, une taxe est prélevée sur tous les transports de marchandises effectués par voies navigables calculée sur la valeur nette du fret.16 Dans le même temps, des réformes pour coordonner l'activité du rail et de la voie d'eau sont entreprises. Pour tenter de retrouver des taux de fret rémunérateurs pour la batellerie, le gouvernement tente de coordonner les transports afin de lutter contre l’âpre 13

Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 14 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005 14 Voir sur le lien un timbre fiscal de l’O.N.N. - http://www.timbres-fiscaux.fr/archives/2014/11/25/31029186.html 14

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concurrence entre les deux modes de transport et améliorer la rentabilité des entreprises. Elle se concentre sur deux aspects : - La répartition du trafic - Le contingentement du nombre de bateaux La transport batelier doit se spécialiser dans des chargements complets et homogènes et éviter le service de « messagerie ». Le gouvernement incite à la recherche d'accord de répartition avec un comité central de coordination et des commissions régionales constituées par des représentants des deux modes de transport. Ils élaborent des accords qui sont partiels car portent sur plusieurs paramètres comme une marchandise ou des lignes de circulations Mais il n’y a pas d'accord global sur toutes les marchandises et pour toute la France. Afin de diminuer l'offre de cales pour augmenter le taux de rentabilité des unités, le gouvernement contrôle la mise en service des nouveaux bateaux français et cherche à limiter l'activité des bateaux étrangers en France en soumettant l'immatriculation des nouveaux à une autorisation administrative. Nous avons trouvé les chiffres suivants : Le contingentement du parc des bateaux français entraine une diminution du nombre des bateaux : 1931 = 15286 1935 = 13235 1940 = 12700. Les bateaux étrangers diminuent également : 1931 = 1846 1935 = 1255. Le trafic dans cette décennie de crise économique mondiale se rétracte aussi. 1930 = 53 1930 = 50 1938 = 45 - en millions de tonnes – Mais la distance moyenne est en hausse.17 Le parc de la batellerie française en 1934 se compose de 12.104 bateaux ordinaires, dont 6.790 appartiennent à des patrons bateliers et 5.624 à des compagnies de navigation fluviale. La capacité totale de la flotte est de 4 millions de tonnes dont 600.000 tonnes pour les 2 101 automoteurs, 46.000 tonnes pour les 250 automoteurs citernes et 106.000 tonnes pour les 230 citernes non-automotrices. La crise économique des années 1930 accélère cette modernisation. La part des automoteurs dans le trafic fluvial passe de 9.6 % en 1930 à 23 % en 1934. « La vision pittoresque mais archaïque du marinier suivant lentement, le fouet sur 17

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 17 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France – 1999 17 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005

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l'épaule, la marche de ses chevaux de halage, est reléguée de plus en plus sur les canaux secondaires. »18 Donc les réformes de 1934 – 1935 établissent un cadre juridique sous la tutelle de l’État pour organiser l'affrètement sans remettre en cause les principes de l'économie libérale. Mais ces réformes échouent avec l'opposition des différents lobbies qui veulent la suppression des tours de rôle syndicaux comme ceux de Dunkerque et de Calais. A la fin de 1935, c'est donc l'échec des bureaux facultatifs. L'affrontement va monter d'un cran vers la violence entre d'un côté l'alliance du S.U.B. et du S.G.P.B., qui représentent surtout les tractionnés ou « pénichiens », et de l'autre les mariniers des compagnies et les automoteurs. 19 Des difficultés croissantes persistent à cause des oppositions issues de la coexistence sur le même réseau des flottes « industrielles » de compagnies et celle des bateaux appartenant à des artisans. Elles sont placées dans des conditions toutes différentes puisqu’il y a des navires effectuant des transports publics, pour tous les clients leur demandant de charger, et des navires réservés aux transports privés de leurs propriétaires. Cela entraîne la nécessité pour la batellerie de pratiquer des frets tels que le prix total de transport, charges terminales incluses, soit inférieur à celui du chemin de fer ou du camion. Dans le même temps, une trop grande partie du matériel flottant est vétuste. Pour remédier à ce malaise, à dater de 1934, et avec plus de précision en 1935, on réglementa l'affrètement en imposant des conventions-types et de lettres de voitures-types, en rendant obligatoire la publicité des frets par le visa des « conventions au voyage » dans des « bureaux d'affrètement » à créer par les Chambres de Commerce ou les groupements d'usagers, et en instituant des « bourses publique d'affrètement » où devraient se traiter les conventions intéressant les mariniers artisans. Ces palliatifs s'étant révélés inefficaces, les bureaux d'affrètement passèrent en 1936 sous l'autorité directe de l'Office National de la Navigation, dépendant luimême du Ministère des Travaux publics et on créa des « bureaux de tour » obligatoires pour tous les bateaux traités par conventions au voyage et non par convention « au tonnage » ou « à temps ». Ce système tendait à répartir les voyages à accomplir d'après l'ordre chronologique d'inscription des unités disponibles. Les artisans ayant objecté que les compagnies, qui ne concluent surtout des contrats au tonnage ou à temps, échappent à ces dispositions, il fut décidé, début 1939, que les titulaires de contrats au tonnage apporteraient aux bureaux de tour une fraction de ce tonnage, fixée périodiquement pour chaque secteur par arrêté ministériel afin de permettre aux artisans d’en bénéficier.

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1936 et le Front Populaire L'arrivée du gouvernement dit du « Front Populaire » va marquer une victoire pour les organisations syndicales batelières. Les forces de l'ordre doivent intervenir en février 36, avant les élections qui portent le Front Populaire au pouvoir, pour mettre fin aux batailles rangées entre les différents syndicats. Parallèlement à ceci, un rapprochement des différents syndicats bateliers d’artisans s’opère et aboutit à un congrès unitaire à Toulouse en mars 1936. Avec la victoire électorale du Front Populaire en juin 36, les bateliers à la demande du S.U.B. paralysent la navigation par une grève générale avec des barrages et l'occupation des écluses, drapeau rouge en tête. Le S.U.B. exige le tour de rôle obligatoire, la reconnaissance du droit syndical et la Loi des huit heures de travail quotidiennes de 1919. Dans le mois de juin un accord est signé suite aux négociations faites au ministère des Travaux publics entre les syndicats des « pénichiens », ou artisans tractionnés, ceux des artisans motorisés et les compagnies de navigation. La Loi du 18 juillet et le décret du 20 août 1936 donne largement satisfaction aux revendications syndicales en imposant une organisation de l'affrètement en faisant cohabiter un secteur libre et un secteur réglementé. Le premier concerne surtout les grandes compagnies qui travaillent avec des contrats à temps ou au tonnage, le second concerne les artisans qui travaillent au voyage avec toutefois une exception pour les citernes. L'obligation de passer par une bourse d'affrètement est actée en 1936. Ce système repose sur celui du tour de rôle. Dès qu'un bateau, du secteur du transport public, est vide, le marinier reçoit un document indiquant l'heure de son déchargement. Il peut ensuite aller « se mettre en tour » au bureau d'affrètement afin de participer à la bourse d'affrètement suivante. Celle-ci permet aux mariniers de prendre connaissance des transports proposés et de les choisir en fonction de leur tour de rôle, le bateau déchargé le premier ayant priorité de choix sur les autres et ainsi de suite. Malgré le passage obligé par la bourse d'affrètement, les mariniers arrivent encore à choisir les transports qui les intéressent et continuent pour la plupart à fréquenter leurs régions de prédilection.20 La batellerie artisanale connaît une métamorphose puisque le régime économique est dirigé et encadré par l'O.N.N. Le régime est très proche de celui préconisé par la C.G.T. 20

Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture

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Pourtant il n'y aura pas de nationalisation comme pour les chemins de fer avec la création de la S.N.C.F. en 1937. Cette fondamentale réforme marque un avant et un après dans l'histoire de la navigation intérieure. Cela s'articule autour de trois axes : - La création d'un réseau de bureau d'affrètement sous le contrôle de l'O.N.N. C'est le retour à ce qui existait durant une partie de la guerre de 14-18, - L'instauration d'un tour de rôle obligatoire pour tous les bateaux faisant l'objet d'une convention au voyage, - La fixation des taux de frets pour les conventions au voyage avec un barème des rémunérations. Cela permet la fin du marchandage avec les courtiers. En parallèle une coordination des transports rail-eau est développée selon le principe des cargaisons homogènes avec l’éventuel droit au contingentement des transports par l’État. Malgré tout, cette politique de coordination n'a guère le temps d'être appliqués avant la guerre. Des ajustements ultérieurs seront faits surtout pour diminuer les temps d'immobilisation entre deux voyages. Il y aura encore des grèves organisées par les syndicats qui craignent qu'à partir de 1937 l’État ne privilégie sa compagnie de chemin de fer et que les compagnies de navigation ne poussent à la hausse des tarifs de frets pour qu'elles puissent proposer ensuite des tarifs attractifs et ainsi « tuer » la concurrence des artisans. Les syndicats bateliers réclament la fin du secteur libre et le tour intégral. En novembre 1938, le décret du 12 novembre donne partiellement gain de cause puisque la commission centrale de surveillance des frets voit ses pouvoirs augmenter pour contrôler l'évolution des cours et leur harmonisation. L’État se réserve le droit d'imposer le tour de rôle intégral si les compagnies ne jouent pas le jeu. Ainsi les contrats à temps et au tonnage sont-ils plus encadrés et de plus les voyages non pourvus au tour sont attribués d'office. 21

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Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005

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Les « grandes » compagnies de navigations en 1936 Dans l’imaginaire collectif de nos jours batelier équivaut à artisan avec une péniche. Si le transport fluvial est majoritairement le fait d'artisan-bateliers, plusieurs compagnies existent. La H.P.L.M., Le Havre – Paris- Lyon – Marseille, arrive largement en tête avec près de 750 bateaux dont près de 200 automoteurs. Loin derrière elle, la Compagnie Charbonnière de Manutention possède 150 bateaux. Il n'y a qu'une quinzaine de compagnies qui exploitent plus de 15 unités. En province des entreprises tirent leur épingle du jeu. Ainsi, La Compagnie fluviale du Midi est basée à Bordeaux. La Compagnie franco-suisse de navigation rhénane et la Compagnie générale de navigation Le Rhin sont sur le Rhin. D'autres compagnies entrent en concurrence directe avec la batellerie charbonnière du Nord et de l'Est, Marcheville-Daguin à Nancy, ou de la Seine. A Rouen, la société Jules Roy, à Paris l'Union, Delsaux et compagnie, la Compagnie matériel et transport par eau. Ces compagnies ont de 20 à 30 bateaux.22

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Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005

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La batellerie en 1938, dernier état avant la guerre

Le réseau des voies navigables en France en 1938 - Source :Gallica

L'équipement de la flotte de navigation intérieure en automoteurs a commencée doucement dans le premier quart du 20ème siècle. L'intervention législative favorisera son développement même si en 1939, les bateaux tractionnés seront encore très largement majoritaires. La décennie des années 1930 voit augmenter significativement le nombre des moteurs diesel dans la navigation intérieure. L'emploi en France, des matériels automoteurs pour la navigation intérieure n'a connu un développement réellement important que depuis une douzaine d'années. 22


C'est en effet un décret du 31 août 1926 qui permet la construction de péniches et chalands automoteurs à moteur diesel, pour le transport des hydrocarbures. En 1926, on estimait à environ 400 le nombre des péniches automotrices et chalands automoteurs en circulation et il s'agissait souvent de matériels équipés avec des machines à vapeur et non avec des moteurs à huile lourde. Dès 1931, on comptait 1.500 automoteurs et 30 % de ces bateaux étaient mus par des moteurs diesels. En 1935, le nombre monte à près de 2.000 dont la moitié avec un moteur Diesel. L'emploi d'un carburant ininflammable pour les automoteurs pétroliers et une garantie de sécurité supplémentaire par rapport aux moteurs à essence volatile. D'où l'imposition de ce type de moteur pour ces bateaux plus dangereux que les autres.23 Le réseau navigable Le réseau navigable français comprend 12.287 Km de voies auxquelles s’ajoutent 1.435 Km de rivières flottables Les voies navigables se divisent elles-mêmes en 6.924 km de rivières et 5.363 Km de canaux, parmi lesquels on distingue des voies de 1ère catégorie, dont les écluses livrent passage au moins à la péniche dite de 300 tonnes, longueur de 38m 50, largeur de 5m et enfoncement de 1m 80, et des voies plus petites dimensions dites de 2ème catégorie. Voies Navigables 1ère catégorie 2ème catégorie Total Voies flottables Total

Rivières

Canaux

Total

2.217 Km 4.707 Km 5.363 KM 1.435 Km 8.359 Km

3.392 Km 1.971 Km 5.363 Km 0 5.363 Km

5.609 Km 6.678 Km 12.287 Km 1.435 Km 13.722 Km

Parc fluvial Avant la guerre, le dernier recensement quinquennal remonte au 16 avril 1935. L’effectif total du parc fluvial sur les voies navigables françaises était de : Bateaux Ordinaires : - sans moyen de propulsion 10.407 dont 767 étrangers. - à propulsion mécanique 3.593 dont 471 étrangers. Bateaux citernes : 23

La Journée Industrielle – septembre 38

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- sans moyen de propulsions 241 - à propulsion mécanique 345 dont 17 étrangers pour les types. Types

Bateaux ordinaires Sans A propulsion moyens de mécanique propulsion

Bateaux de canaux de 100 à 7.054 600 t Chalands de 600 à 1000 t 1.340 Total 8.394 Bateaux d’un type spécial 2.013 Remorqueurs et Toueurs Total 10.407 Soit un total de 14.586 unités.

Bateaux citernes Sans moyen A propulsion de propulsion mécanique

2.007

128

275

292 2.299

99 227

68 343

641 653

14

2

3.593

241

345

En ce qui concerne le mode de construction on distingue : Mode de construction

Bateaux ordinaires

Bateaux citernes

Sans moyens de propulsion

A propulsion mécanique

Sans moyens de propulsion

A propulsion mécanique

6.523 3.628

695 2.639

21 218

0 345

Bateaux mixtes (bois, fer ou béton armé)

256

259

2

0

Total

10.407

3.593

241

345

Bateaux en bois Bateaux en fer

24


On peut distinguer encore au point de vue construction : Nature des bateaux Pontés Non pontés Total

Bateaux ordinaires Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique 6.923 2.877

Bateaux citernes Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique 241 345

3.481 10.407

0 241

716 3.593

0 345

Enfin, il est intéressant de savoir comment se répartissent les bateaux entre artisans et autres navigateurs : Propriétaires

Conduisant eux-mêmes leurs bateaux Autres Total

Bateaux ordinaires Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique

Bateaux citernes Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique

5.106

1.512

4

7

5.301 10.407

2.081 3.593

237 241

338 345

Au point de vue transports de marchandises, il y a lieu toutefois de ne compter que les bateaux porteurs à l’exclusion des remorqueurs et toueurs, des bateaux de plaisance et de certains bateaux d’un type spécial tels que voyageurs, 233, bateaux de moins de 20 tonnes qui ne sont d’ailleurs pas immatriculés, 676 unités. En définitive, le parc des porteurs se ramène ainsi à 14.586 – 1.658 = 12.928 unités. Ne sont pas compris les bateaux affectés à des services étrangers à l’industrie des transports comme les bateaux-logements, les bateaux-lavoirs, les bains, dragues ou pontons… Mais 96 bateaux de plaisance sont comptés.24 En 1947, la revue L'économiste européen revient sur l'état du réseau et de la flotte d'avant la guerre en apportant d'autres informations.25 Avant-guerre il y a avait 15.000 km de réseau avec 9.600 régulièrement utilisés par une flotte de 14.000 unités, remorqueurs, chalands, péniches et bateaux-citernes, réparties à peu près par moitié entre des « artisans » possédant un ou deux 24 25

Archives O.N.N. - 1943 L'économiste européen - n°2538 – août 47

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bateaux et des compagnies de navigation industrialisées ou des entreprises propriétaires de matériel privativement réservé au transport de marchandises leur appartenant ou constituant l'objet de leur commerce, c'est à dire des entreprises effectuant des « transports privés ». Notre matériel flottant comptait en 1938 au total près de 2.400 remorqueurs de puissances très diverses, et d'un port en lourd global de 3.700.000 tonnes dont 8.700 péniches tractionnées et 2.900 automoteurs. Ce parc, malheureusement, manquait d'homogénéité et dans son ensemble trop âgé : il comprenait encore plusieurs milliers de « barques » en bois impropres au transport de certaines marchandises et à la fréquentation de certaines voies ; de plus, malgré les avantages considérables de ce nouveau type de chaland, la production des automoteurs, quoique en progression constante, demeurait très inférieure à celle constatée dans la plupart des autres pays européens ; en outre, la faiblesse de gabarit de nos canaux nous contraignait à construire des unités de trop petit tonnage pour que leur emploi fût vraiment économique. Quant aux modalités de l'exploitation, à l'exception de 250 km de canaux dont la concession n'était pas expirée, la totalité du réseau appartenait en 1938 à l’État, et la navigation y était libre, tandis que la traction sur berge était l'objet de concessions soit à des sociétés mixtes soit à des particuliers. Le statut d'artisan marinier de 1938 Le Front Populaire introduit une distinction entre les petits propriétaires et les compagnies. En 1938 le gouvernement publie un « statut des patrons et compagnons bateliers ». Les compagnons sont ceux qui ont un contrat de travail ou d'association et de ce fait ne sont pas artisans. Ce statut est inventé pour permettre aux bateliers et personnels de bénéficier des lois sociales dont ils étaient jusqu'alors exclus. Les grandes compagnies approuvent aussi et le Journal de la navigation parle de « la plus grande victoire de la batellerie ». Il y a consensus. Mais dès 1938 le Front Populaire perd le pouvoir et ces textes ne sont pas appliqués.26 Décret-loi du 12 novembre 1938 relatif à la coordination des transports et au statut des bateliers – extrait27 Titre Ier : Patron-batelier. 26

Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000020084827/ 26 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000020126444/ 26

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Article 1er. - Est patron-batelier, au sens et aux effets du présent décret, toute personne de l'un ou l'autre sexe dont la profession est d'effectuer des transports de marchandises par voie de navigation intérieure et qui, à cet effet, dispose au plus, en qualité de propriétaire, de copropriétaire ou d'usufruitier, soit d'un bateau automoteur, à l'exclusion de tout bateau non automoteur, soit de deux bateaux non automoteurs, à l'exclusion de tout bateau automoteur, ces bateaux devant être immatriculés dans un bureau d'immatriculation français des bateaux de navigation intérieure et être conduits par la personne susvisée ou par les membres de sa famille.28 1938, la fin du Front Populaire29 Le gouvernement que forme Daladier, chef du parti radical en avril 1938 marque la fin du Front Populaire. Sans qu’il y ait eu la moindre élection, la chambre des députés bascule. C’est désormais une majorité d’union nationale associant les radicaux et la droite modérée qui gouverne la France. Secondé par son ministre des Finances Paul Reynaud, farouche adversaire du Front Populaire, Daladier procède à une nouvelle dévaluation du franc et augmente les impôts. Bien décidé à "remettre la France au travail", il pratique une politique de décret-loi qui efface les acquis du Front Populaire. C’en est fini des 40 heures. La durée légale du travail est de nouveau fixée à 48 heures. Les grèves de novembre 1938 ne changeront rien et seront au contraire violemment réprimées. La politique de réarmement s'intensifie. Donc, à la veille de la guerre, avant l’invention et la mise en application de la Charte de la navigation de 1941/42 par Vichy, les outils législatifs, administratifs, réglementaires et l'idéologie de la centralisation sont bien en place. Ainsi, il y a le tour de rôle dans des bureaux d'affrètement et aux taux de fret fixés par les commissions régionales des frets. La chambre de Commerce de Paris estime que « Ces dispositifs privent la navigation fluviale de la souplesse nécessaire à une exploitation commerciale ». Les membres du comité rail-voies d'eau en 1938 sont Sénécaux pour la batellerie, assisté de Louis Louis pour les patrons bateliers. Le décret du 12 novembre 1938 modifie encore les modalités de cette coordination en remplaçant l'entente par des règlements de partage de trafic. Cela veut dire que le ministre des Travaux publics peut prendre l'initiative de modifier les contingents autorisés, interdire telle ou telle marchandise à un des deux acteurs et imposer des frets minima obligatoire. Enfin, les patrons bateliers sont dotés d'un statut professionnel et sont invités à former des Chambres de la batellerie sur le modèle des Chambres de métiers qui 28 29

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000020126444/ http://www.cndp.fr/crdp-orleans-tours/jean-zay/frise/fiches/022_guerre_france.htm

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unissent les artisans de l'industrie. L'aboutissement de cette évolution vers une réglementation dirigiste est l'élargissement par le décret du 27 juillet 1939, avant la guerre, des organes de coordination et de décision à des représentants de l'administration par le biais de l'O.N.N.30 Rouen un atout majeur sur la Seine31 Rouen tête de ligne de la navigation intérieure. Plus de la moitié des marchandises importées par Rouen sont réexpédiées par la Seine En 1918, 5.575.000 tonnes furent réexpédiées de Rouen par la voie fluviale qui eut à assurer la presque totalité du ravitaillement de Paris et de sa banlieue. La Seine a été l’autre Voie Sacrée du pays.32 En 1937, il y a eu le chargement de 14.610 bateaux avec 5.301 chalands, 196 péniches et 5.947 automoteurs. Les chalands en service sur la Basse-Seine sont au nombre de 567 avec un tonnage total de 347.500 tonnes. Un « train » de chalands remorqués par un seul remorqueur peut transporter 3.500 à 4.000 tonnes de marchandises pondéreuses Il y a 247 automoteurs-citernes pour les hydrocarbures et 137 bateaux-citernes remorqués. Les automoteurs-citernes pour le transport du vin en vrac provenant de l'Afrique du Nord. D'une unité seulement mise en service en 1932, en 1938 il y en a 48 avec 37.000 tonnes sur 700.000 débarquées réexpédiés par la Seine Rouen est le siège de nombreuses et importantes entreprises de transports fluviaux qui y sont installé leurs services commerciaux et d'exploitation ainsi que leurs ateliers de construction et de réparation. A elles seules, ces entreprises totalisent les 4/5 environ du trafic par eau au départ de Rouen. Leurs flottes sont composées en majorité de chaland en acier. Parmi ces entreprises, il y a : - La Compagnie Générale de Navigation, H.P.L.M., une des plus anciennes sociétés de transport par eau et dont les services qui desservent l'ensemble du réseau navigables français, sont groupés dans trois directions ayant leurs sièges à Paris, Lyon et Nancy. 30

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France -1999 31 La Journée Industrielle – décembre 40 32 Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018

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Sa flotte sur la Seine se compose de 46 remorqueurs, 162 automoteurs porteurs, 17 automoteurs-citernes à vins et 311 péniches et chalands pour 204.000 tonnes de port. - La Société Générale de Transport, S.G.T., avec 213 péniches et chalands, 3 chalands-citernes, 2 automoteurs-citernes et 10 automoteurs. Soit 228 unités représentant 115.000 tonnes. - La Société Générale de Transports exerce son industrie principalement sur la Seine et les régions du Nord, y compris la Belgique, l'Est et le Centre. - La Compagnie Charbonnière de Manutention et de Transports, C.C.M.T., avec 23 remorqueurs à vapeur, 191 chalands en acier de 350 à 1500 tonnes et 2 automoteurs Freycinet pour 110.650 tonnes. - L’« Union Normande » avec 24 remorqueurs, 81 chalands en acier, 27 automoteurs-citernes pour le transport des hydrocarbures et 12 automoteurs à vins pour un total de 72.800 tonnes. - La Société Anonyme de Travail et Transports Jules Roy, T.T.J.R., avec 5 remorqueurs, 31 automoteurs, 47 chalands pour 49200 tonnes. - La Compagnie Fluviale de Transports et de Remorquages, C.F.T.R., avec 14 remorqueurs et 58 chalands de tous tonnages pour 29.310 tonnes. - La Compagnie Fluviale de Transports et de Remorquages assure le service Rouen-Paris, Rouen-Nord, Nord-Paris et vice-versa. - La Société Anonyme de Transit et Transports Gabriel Faroult, T.T.G.F., avec 6 remorqueurs, 31 chalands et péniches pour 16.700 tonnes. - La flotte des 26 automoteurs de M.J. Delsaux totalisent 15.000 tonnes. En plus de ces sociétés qui, pour la plupart, pratiquement à la fois le remorquage et le transport, il y lieu de citer : - La Société Générale de Touages et de Remorquage, S.G.T.R., importante entreprise de remorquage qui assure le service sur la Seine entre la Havre, Rouen et Paris et sur l'Oise jusqu’à Janville. Elle possède 21 remorqueurs à moteur thermique et 20 à vapeur. « Ces quelques chiffres montrent que les possibilités d'évacuation et la capacité d'enlèvement sur la Seine sont très grandes. Cette question d'évacuation serait en effet primordiale en temps de guerre comme l'a prouvé l'expérience de 1914-1918 où les chemins de fer, accaparés par les transports de troupes, furent dans l'impossibilité d'assurer le ravitaillement du pays et où la navigation intérieure dut assumer la lourde tâche du ravitaillement et de l’approvisionnement en matières premières et en charbon d'un très grand nombre d'usines travaillant pour la défense nationale. D'ailleurs, ce sont les ports les mieux desservis par voie fluviale qui ont vu croître leur trafic et la navigation intérieure, indispensable à la sécurité du pays, restera 29


essentielle pour l'avenir de nos grands ports. »33 Ce texte date de 1938. Le pays compte sur la puissance de ce port et de ses compagnies de navigation.

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La Journée Industrielle – septembre 38

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La guerre 1939 / 1940 : de la déclaration de guerre en 1939 à la fin de l'Exode à l'été 1940 A la déclaration de la guerre Depuis quelques années les Français s'avaient qu'il y aurait une nouvelle guerre avec l'Allemagne. La question était simplement quand arrivera-t-elle ? et serionsnous prêts ? Dès avril 36 une première alerte avait sonnée avec en mars la remilitarisation de la rive gauche du Rhin. La « crise des Sudètes » en 1938 entraîne déjà une nouvelle mise en alerte en septembre 1938, suivie d'une mobilisation partielle à partir du 23 septembre 1938 jusqu'au 6 octobre de la même année. Cet épisode se terminera par les accords de Munich dans lesquels les Français et les Britanniques abandonnent la Tchécoslovaquie aux griffes d'Hitler. « En novembre 1938, pendant la campagne à betteraves à Iwuy (59), papa ne décollait pas l’oreille du poste de T.S.F qui marchait avec deux accumulateurs, un de quatre volts et un de huit volts. Il fallait les faire recharger chez un marchand de radio. Là, un moteur actionné par une hélice qui tournait avec le vent faisait tourner une dynamo et le courant entrait dans les accus ; s'il faisait peu ou pas de vent il fallait attendre huit jours pour faire marcher la radio. Il fallait tourner le cadre pour obtenir la station désirée, souvent Lille ou Paris. L'actualité n'est pas brillante, il y a menace de guerre. Papa disait : « On va avoir la guerre ». Il avait connu celle de 1914, il savait que c'était terrible. »34 Puis inévitablement la guerre arriva. La vie quotidienne des mariniers s'en trouve chamboulée comme pour tous les Français. La mobilisation de la batellerie dès le début En 1914, les dispositions adoptées qui datent de la fin du 19ème siècle à l'entrée en guerre se trouvent très rapidement totalement inefficaces et paralysent l'indispensable recourt à la voie d'eau qui doit suppléer les chemins de fer.35 En 1939, au contraire, les voies navigables et les mariniers sont parfaitement intégrés au plan de mobilisation.36 34

Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018 36 Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005 35

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Le retour au régime de l'exploitation militaire Comme l'avait montré avec succès la mobilisation et l'organisation sous tutelle militaire de 1916 à la victoire de 1918, dès l’arrêté ministériel du 29 août 1939, les transports par eau sont placés sous le régime d’exploitation réglementée ou d’exploitation militaire en vertu de la Loi votée en juillet 1938. Le réseau navigable fut divisé en deux parties. L'une, la Direction des Voies Navigables aux armées qui relevait du Grand Quartier Général et dont la compétence s'étendait à la "zone des armées" et le reste du territoire restant sous l'autorité de la Direction des Voies Navigables habituelle. Cette zone aux armées comprenait les Commissions Régulatrices de Compiègne, Nancy, Strasbourg et Lyon ainsi que des Directions Régionales à Rouen, Paris, Nevers, Nantes et Toulouse. C'est dans ce cadre que le nombre de bureaux de tour d'affrètement passe de 17 à 58 à la mobilisation. Les transports militaires bénéficient de la priorité absolue devant les transports d'intérêt national et en dernier les transports commerciaux ne pouvant s'effectuer qu'après la satisfaction des besoins du trafic d'intérêt national. Cette organisation, qui laissait complètement en dehors l'Office National de la Navigation, malgré l'expérience acquise par lui en temps de paix en matière d'affrètements et de transports, fonctionna sans retouche jusqu'à la fin 1939. L’ingénieur centralisateur, rebaptisé directeur régional des transports par voie d’eau, reçoit le pouvoir d’autoriser tout transport public ou privé de marchandises par voies navigables. Il répartit les bateaux vides selon les besoins répertoriés au bureau d’affrètement et il fixe tous les tarifs. Ce régime suppose la suppression, pendant la période des hostilités, des accords de partage de trafic par l’arrêté ministériel du 22 janvier 1940. Cette exploitation réglementée fut difficile à mettre en œuvre aussi, fin 39, l'exploitation réglementée fut alors placée sous l'autorité de l'Office National de la Navigation qui entreprit aussitôt la tâche d'exécuter dans les meilleures conditions les expéditions prioritaires. Un rapport de 1943 de l’O.N.N. indique que : « En vérité l'exploitation réglementée fut difficile à mettre en œuvre en raison du changement radical de régime imposé à des mariniers aux coutumes ancestrales, inertes par nature et peu aptes à s'adapter à des conditions de vie nouvelles. Mais le tort peut être eu-t-on le tort également de vouloir faire trop rapidement sans considérer suffisamment que les besoins des expéditeurs risqueraient d'évoluer plus rapidement que les moyens dont on

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disposait avec un matériel extrêmement lent, dont la position était toujours mal connue et appartenant à des particuliers réticents. »37 Une certaine pagaille administrative existait. Il n'y avait aucune statistique sur les mouvements des bateaux ou les transports de marchandises. Les 41 nouveaux bureaux d'affrètement n'étaient pas organisés ou manquaient de personnel. De grandes différences de taux de frets pouvaient exister entre les différentes Commissions Régionales sous contrôle militaire. Le 3 novembre 1939, une décision ministérielle charge l'Office de coordonner et d'harmoniser le service de transports par voie d'eau. Un palier supplémentaire est franchi avec le décret du 31 janvier 1940 avec la définition des procédures de réquisition collective de la batellerie tant pour le matériel et les équipages mais aussi les sanctions en cas de refus.38 Par ailleurs, le contingentement des bateaux étrangers est levé, de même que celui des bateaux citernes. La suppression du contingentement des bateaux automoteurs est à l’étude au moment de l’offensive allemande.39 La coordination des transports par chemin de fer et par navigation intérieure est instituée. Des commissions régionales sont créées avec un représentant du ministre des Travaux publics, un de l’O.N.N., deux de la S.N.C.F, un des entrepreneurs de transports par eau, autre que les patrons bateliers, un délégué des chambres de batellerie, deux représentants du commerce et de l'industrie. Ils sont nommés pour trois ans.40 Afin d’accélérer la rotation des bateaux deux mesures financières sont prises : La première mesure fut la hausse de 50% des taux minima des surestaries, décret du 11 novembre 1939. Les expéditeurs et destinataires avaient en effet pris l'habitude depuis longtemps de se servir des bateaux comme magasins dès que les tarifs de location des hangars et magasins publics leur paraissaient trop élevés, ou simplement lorsque, à défaut de stockage public, les marchandises risquent de les encombrer dans leur propre installation. Cette première hausse, alors que le coût de la vie n'avait pas encore sensiblement augmenté, eut pour but de les décourager à immobiliser à leur profit le matériel fluvial. Une deuxième mesure tendant à améliorer la rotation des bateaux suivit peu après. La contraction des délais de planche. Ceux-ci, pour la péniche ordinaire de 300 tonnes fut ramené de 6 jours ouvrables à 4 jours, dimanche et jours fériés compris, 37

Le rôle de l’office pendant la guerre en matière d’exploitation les Voies Navigables – février 1943 – archives O.N.N. Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005 39 Nicolas Neiertz – La coordination des transports en France de 1919 à nos jours 40 La journée Industrielle – 12 juillet 40 38

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le 17 février 1940. Cette mesure eut également pour effet d'améliorer le rendement des manutentions dans les ports.41 Une mesure prise à la déclaration de la guerre va être très importante dans les années qui vont suivre. C’est le contrat d’assurance d’Etat contre les risques de guerre sur corps de bateaux de navigation intérieure par le décret-loi du 9 septembre 1939 et le décret d’application du 27 octobre 1939. Cela va permettre les réparations et la reconstruction de la flotte durant la guerre et après. Des milliers de bateaux vont en bénéficier.42 Il faut signaler que la mémoire de nos témoins si elle une source importante doit être mise à caution. La mémoire se déforme souvent plusieurs décennies après les faits. « Dès le jour de la mobilisation générale, le 2 septembre 1939, tout le personnel occupé à la fonction et à l'exécution des transports par eau avait fait l'objet, comme en 1914, de la réquisition collective sous l'égide de l'Exploitation Militaire des voies navigables ».43 La guerre entraîne en effet des difficultés : couvre-feu, exercices d'alerte, port du masque à gaz, interdiction des bals et distractions publiques. 44 Il y a aussi mise en sommeil du droit de grève pour la durée de la guerre dès son déclanchement. « Un jour, nous partîmes tous les trois en vélo d’Iwuy à Cambrai … chercher des masques à gaz, car à la guerre de 1914, il y avait eu utilisation de gaz, et les rescapés sont restés très malade. Pour papa et maman : masque chacun pour adulte, dans une boîte cylindrique en fer de cinquante centimètres de haut munie d'une courroie pour le porter à l’épaule, de couleur kaki pour le masque et grise pour la boîte. Le mien de couleur grise avec un tuyau en forme de trompe d’éléphant et placé dans une musette trouée dans le fond par deux rondelles ouvertes pour laisser passer l'air. L'inquiétude régnait de jour en jour. »45 Les souvenirs des gaz n’ont pas été utilisés en 1940 mais ils sont très présents dans les ouvrages et les mémoires traitants des préparatifs à la guerre imminente.

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Archives O.N.N. Archives V.N.F 43 Ceci est totalement faux. En 1914, aucune organisation spécifique à la voie d'eau avait été prise puisque, par exemple, les hommes qui sont mobilisés dans leur unité laissent le plus souvent leur bateau avec chargement et famille là où ils reçoivent leur ordre. Pour la seconde guerre mondiale, si les enseignements des défauts d'organisations puis de la progressive rationalisation du secteur du transport par eau durant la première guerre est retenue, ce n'est qu'au tout début 1940, qu'il y a la réquisition collective de la batellerie française et pas dès la mobilisation en septembre 1939. Les fameux cahiers de mémoire d’Alphonse Guignard conservés au musée de la batellerie de Conflans sont écrits, concernant 1940, en 1959 puis il y revient en 1972. – page 305 archives MBVN 44 La France dans la deuxième guerre mondiale 1939 – 1945 – Yves Durand – Armand Colin – 2011 45 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 45 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002 42

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« En septembre 39,46à Choisy-le-Roi, les alertes se succèdent. Le hululement des sirènes nous arrache les tripes. Les premières nuits, nous nous précipitons dans un abri de fortune que notre client avait construit avec des grumes que nous venions de décharger et où nous étions invités par le contremaître de l’usine. Cet abri nous fut interdit par le patron. Stupidité, racisme social, les deux à la fois ? C'est dans ces moment-là que le marinier se sent seul, isolé. La grande peur de 1939, ce sont les gaz. Tout le monde se précipite à la mairie de la ville où l'on distribue des masques à gaz. Je m'adresse au guichet où la réponse est nette : inconnu au bataillon, pas de masques. Amer, je revendique notre état de citoyen à part entière. Gênés, les employés bafouillent des excuses en me conseillant d'intervenir auprès des élus. Pendant ce temps, ma mère, qui a suivi la foule dans le hall de distribution, se voit attribuer sans difficultés quatre de ces affreux engins. L’ère de la débrouille a commencé. » Les bateliers étant « sans domicile fixe » doivent se débrouiller pour confectionner quelque chose qui pourrait les protéger des gaz : « La hantise des gaz, souvenirs de 14/18 "la drôle de guerre" commence, la population eut des masques à gaz qui traînent partout, en course au cinéma en bandoulière, toujours avec eux nous les mariniers, pas inscrits à la mairie de Rouen rien pour nous. Maman a peur elle a vécu la guerre 14-18, se rappelle, et surtout les gaz pire que les bombardements d'après elle aussi elle demande à la pharmacie du quai de Paris à Rouen si il ni a pas quelque chose pour se protéger des gaz celui-ci lui donne une bouteille avec un liquide mélangé à un produit, il faut le mettre sur un linge, plutôt éponge et le mettre sous le nez et la bouche, ma mère ne veut pas couper les serviettes et elle nous fait des masques avec mes serviettes hygiéniques, ça ne me plaît pas. Je ne mettrais jamais ça à ma figure. »47 Les hommes en âge d'être mobilisés rejoignent leurs affections prévues dans leur livret militaire. Mais, alors qu'en Pologne la guerre est terrible, sur le front ouest, en France, il ne se passe pas grand-chose. C'est la « drôle de guerre ». L'origine de l'expression « drôle de guerre » est revendiquée par le journaliste Roland Dorgelès, mais elle pourrait provenir d'une mauvaise compréhension de l'expression phoney war, confondue avec funny war, utilisée dans un reportage sur les armées francobritanniques. En anglais : phoney war, « fausse guerre » ; en allemand : Sitzkrieg,

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Jacquelin Hesbert – archives Cité des bateliers

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« guerre assise » ; en polonais : dziwna wojna, « guerre étonnante » « La « drôle de guerre » n'en finit pas, comme un orage qui tourne autour du village sans éclater. » 48 En revanche, en Alsace, les choses se durcissent. Dès le mois de septembre 39 Offendorf et les villages environnants sont évacués vers la Haute-Vienne. Les Français font couler ou brûler les bateaux pour que les Allemands ne puissent pas traverser les rivières. Un batelier de Saint-Jean-de-Losne a saboté son bateau en faisant sauter quelques rivets. Les fuites ont été suffisantes, le bateau a coulé doucement, il est posé sur le fond du canal. « En septembre, le bateau Origny … est à Rouen lors de la déclaration de la guerre. Le matelot Norbert est mobilisé et ses sœurs aînées emménagent à sa place. »49

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La saga des bateliers d'Offendorf – commune d'Offendorf – 2007 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 - 2019

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Document d’assurance de guerre – très important en cas de sinistre. - Coll. Roland Langlin

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Le journal l’Unité Batelière du Syndicat Unique de la Batellerie. – Coll. V.N.F.

La flottille du Rhin et les compagnies de sapeurs de navigation A la mobilisation des armées en 1939, il y a une petite branche qui concerne l'utilisation des voies navigables par les militaires. Il y a toujours les régiments du génie qui utilisent comme en 14/18 des bateliers dans les unités spécialisées dans les franchissements des cours d'eau. Il n'y a pas en revanche de bateau porte-canon ou de canonnières, de casernement ou autre à l'inverse du précédent conflit. Le contexte technologique a changé avec l'apparition d'une aviation plus efficace. De plus les opérations militaires une fois déclenchées en France vont se dérouler très vite. Cela dit, il existe une composante armée. C'est la « Flottille du Rhin ». En décembre 1918, une flottille du Rhin est reconstituée et commandée par le capitaine de corvette François Darlan. Cet officier deviendra ministre de la marine 38


du premier gouvernement Pétain puis chef du gouvernement de Vichy entre février 1941 et avril 1942. Cette composante navale de l'occupation de la rive gauche du Rhin est composée de 15 officiers et 352 marins. Elle met en œuvre plusieurs unités comme quelques péniches porte-canon ou des canonnières.50 Lors de l'occupation de la rive droite et de la Ruhr en 1923 ses effectifs monteront à 800 marins. En 1939, le Rhin français se trouve en première ligne. Dès septembre 1939, la population de Strasbourg est évacuée vers l'intérieur du pays. Les deux vedettes militaires présentes sont évacuées à la fin de décembre 1939 par chemin de fer à Montceau-les-Mines en position d'attente. La marine avec le concours de la Royal Navy mouille près de 600 mines dérivantes dans le fleuve. Avec les mines larguées tout au long de la guerre dans le Rhin par les bombardiers alliés, les Allemands devront draguer un chenal de navigation pour laisser le passage aux navires de commerce. Un autre usage défensif qu’offrent les voies navigables est l’exemple des inondations pour faire une « ligne Maginot aquatique » en ouvrant le barrage de Herbitzheim pour couvrir la trouée de la Sarre, la vallée de la Nied, entre les deux branches fortifiées de la ligne Maginot.51 Les compagnies de sapeurs de navigation Dans la zone des armées, la Direction des Voies Navigables aux armées, pour disposer à tous moments de moyen de transports immédiats et sûrs, créa 8 compagnies de sapeurs de navigation qui furent dotées de matériel propre, bateaux, remorqueurs et tracteurs, par locations et réquisitions. La traction de l'Est et la C.G.V.N. en particulier furent frappées de larges réquisitions. Ces huit compagnies exploitent elles-mêmes leur matériel et exécutent les transports militaires, en cas de chômage elles travaillaient pour les particuliers. L'Office fut chargé de gérer financièrement les compagnies de sapeurs. L'exploitation commençait à fonctionner régulièrement quand survient l'Armistice.52 Les affectations spéciales53 Des articles de journaux relatent cette mobilisation et la réquisition. On retrouve Louis Louis déjà si présent durant la Première Guerre qui revient à la manœuvre. « Aux petits bateaux il faut donner des jambes … et des bras Par Louis Louis Président du Syndicat général de la batellerie, Membre du conseil supérieur des transports. 50

Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre – Les Cahiers du musée de la batellerie n° 19/80 – Stéphane Fournier - 2018 51 La ligne Maginot aquatique - Paul Marque - éd Pierron - 1989 52 Archives O.N.N. 53 Journal de la navigation 15/02/40 et La réquisition collective de la batellerie (JO 31/01/40)

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La batellerie n'a pas bénéficié du privilège du rail qui, lui a vu son personnel mobilisé, affecté d'emblée à son service. Il en est résulté pour la navigation fluviale une perturbation profonde. Après quatre mois de guerre on a observé que la paralysie de nos fleuves et de nos canaux était gravement préjudiciable aux intérêts vitaux de la nation et l'on a admis pour la batellerie, le privilège des affectations spéciales. Demande la réaffectation d'un millier d'hommes dont la plupart font partie de la deuxième réserve ; un millier de bateliers qui nous feraient naviguer, aujourd'hui un millier de péniche, aujourd'hui immobilisées. Là ce sont les bras-Les jambes. La plus grande partie de nos péniches est tractionnée par le moyen de remorqueurs en rivières ou de tracteurs électriques circulant sur les berges de nos canaux, suppléant à la traction animale quasiment disparue. Or la guerre a enlevé à la Société concessionnaire de la traction électrique 600 agents sur 1800 environ... Il en résulte des stationnements prolongés pour les convois en attente … Les transports constituent un des éléments qui commandent l'économie de guerre. »54 Dans un autre article de son journal, le Réveil fluvial et maritime du 25 février 1940, Louis Louis revient sur la réquisition collective de la batellerie en titrant : « Emulation, compréhension, collaboration. Telles sont les trois termes du statut de guerre de la batellerie. » Il fait référence à la parution au Journal Officiel du 31 janvier 1940 de la réquisition collective de la batellerie. Donc dès avant la Campagne de France de mai 40, l’Etat à la totale mainmise sur la navigation intérieure.55 « Mariniers mobilisés et immobilisés… Avec la caravane du fil de l'eau... L'heure de la débâcle Reportage de Jean Balensi Conflans a gardé, pendant le mois écoulé de dures gelées qui avait figé toute la navigation fluviale, toute une flotte le long de ses quais. Maintenant qu'ils ont largué leurs amarres, on peut dire qu'il y avait là près de quatre cents bateaux, chalands, péniches, remorqueurs, automoteurs. La mobilisation a pris un bon tiers d'entre nous (les artisans), tous les jeunes jusqu’à la classe 1928. Pour les autres, deux catégories : ceux qui sont encore soumis aux obligations militaires, et les autres. Les premiers, détenteurs de fascicule Z1, comme nous sont mobilisés à leur poste, en qualité d'affectés spéciaux, et leur matériels réquisitionnés. Conséquence : nos transports nous sont imposés, nos itinéraires fixés, 54 55

La Matin – 12/03/40 Archives V.N.F.

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toute initiative nous est enlevée. Mais on n'a pas à se plaindre : on travaille, on travaille même plus que jamais, et si les prix du fret n'ont pas été augmentés, ils n'ont pas été non plus diminués ; C'est aux ingénieurs en chef de la navigation qu'il appartient d’établir l'ordre de priorité du trafic dans chaque secteur : Ainsi dans les « bureau de tour » sont affichés trois tableaux : un bleu, pour les transports militaires ; un rouge, pour les transports d'intérêt national ; un blanc, enfin, pour les transports du commerce privé. Nous, fascicules Z1, nous sommes obligés d'assurer d'abord tous les transports du tableau bleu, puis ceux du tableau rouge avant de pouvoir en prendre un seul du tableau blanc. Les resquilleurs : des patrons d'automoteurs qui ne veulent pas prendre de tour de fret de peur que leur précieux bateau prenne des risques dans les zones de l'Est pressentie plus dangereuse. Les bateaux restent comme allèges le long des parapets et non pas navigué depuis le début de la guerre. Les patrons s'en étant allés s'engager comme pilotes sur les bateaux des autres. »56 Dans un article intitulé « La réquisition collective de la batellerie », le journal La Croix relate la mise en place du dispositif. « L'exécution des plans de transport qui est nécessaire à l'économie du pays en guerre exige, dans la mise en œuvre des moyens de transports, la plus stricte discipline. En ce qui concerne spécialement les transports par voie navigable, il aurait été impossible d'obtenir le rendement que les circonstances imposent, si l'on avait substitué à la libre concurrence des entreprises un régime de réglementation donnant à l'administration les pouvoirs nécessaires pour répartir les transports et les faire exécuter suivant leur ordre d'urgence Tel est l'objet de l'arrêté interministériel, guerretravaux publics, du 29 août 1939, pris en application de la Loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation pour le temps de guerre. Ces réquisitions ne sont pas des réquisitions de personnes mais une réquisition mixte, à la fois de personnes et d'usage de biens, puisque la réquisition s'applique non seulement aux bateliers mais également à l'usage du bateau pendant le temps nécessaire à l'exécution du service. Il convient d'autre part d'affirmer le caractère de service public que présente, dans l'économie de guerre l'exploitation de la voie navigables, et par une réquisition collective, d'éviter l'évasion d'une partie de ses spécialistes, attirés par d'autres emplois rémunérateurs, notamment sans les usines d'armement. Cette réquisition collective évitera aussi que les diverses entreprises de transports par eau ne se fasse concurrence entre elles pour s'assurer le personnel qui leur est indispensable. 56

Le Journal – 05/02/40

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La réquisition du bateau désigné pour le transport devra d'ailleurs faire l'objet de modalités différentes suivant que le refus d'obéir à l'ordre de réquisition proviendra d'une entreprise, le bateau étant conduit par un contremaitre, ou d'un batelier propriétaire de bateau, et habitant à bord avec sa famille. Les sanctions pouvant être l'interdiction de circulation du bateau ou l'obligation aux bateliers de fournir un logement décent au personnel requis qui viendrait à bord pour effectuer le transport. Cela pouvant même aller jusqu’au débarquement d'office du récalcitrant. »57 Le retour des mobilisés est institué. Ce régime d’exception concerne de nombreuses professions dans l'industrie et les transports car ils sont des instruments essentiels de la victoire future. 2 millions d'ouvriers en « affectés spéciaux ». 58 On a retenu la leçon de 1914 où l'intégralité du trafic avait été arrêté car on pensait avoir une guerre courte de quelques mois. En 1939, on pensait que le blocus de l'Allemagne et la Ligne Maginot seraient suffisants à faire plier l'ennemi dans la perspective d'une guerre longue et économique. « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ! » proclame Paul Reynaud en septembre 1939. Les mémoires des mariniers, à leur niveau, racontent cette préparation. « Charles est mobilisé, il part de l'écluse de Meaux. Il fait un détour par Chalon-surSaône embrasser ses parents avant de rejoindre son poste. Il pense revenir bientôt car une affectation spéciale due à son métier est possible. Son beau-père, avec l’appui du directeur de Carbenzol, se charge d'en faire la demande auprès des autorités militaires. De son côté, Xavier sait que son bateau va être réquisitionné, la maison Carbenzol l'a prévenu ; il en est à son huitième voyage en route pour Uckange. Dès le 30 août, les transports par eau sont placés sous contrôle militaire en vertu d'une loi votée en juillet 1938. Un instant désorganisé par la mobilisation générale, la navigation intérieure repend bien vite son activité. Début septembre 1939, l'ensemble de la flotte citerne est centralisée pour permettre le ravitaillement simultané de l'armée et des dépôts civils. Pour les mariniers, une nouvelle étape est franchie, avec la définition des procédures de réquisition collective de la batellerie portant sur le matériel, les équipages et les sanctions en cas de refus. »59 « Classe de 1925 c'est l'Affectation Spéciale, il passe sous les ordres des 57

La Croix – 24/02/39 La France dans la deuxième guerre mondiale 1939 – 1945 – Yves Durand – Armand Colin – 2011 59 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 58

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Ingénieurs de la navigation à la mobilisation de 1939. Il est à Marneval près de Saint-Dizier en attente de chargement, des aciers spéciaux qui seront du fer pour Saint-Etienne. La navigation est impossible car les ponts du canal sont minés... par en dessous réduisant ainsi le tirant d'eau. »60 « A la mobilisation, mon parrain Ludivin est rappelé sous les drapeaux... Nous sommes dans les environs de Nancy... Trois jours après son départ, son épouse monte dans le tramway à Nancy pour aller faire des courses ; elle tombe nez à nez avec son mari qui rentre chez eux. Il était affecté au bateau comme réserviste. Papa aussi avait un fascicule « Z » de couleur bleue. Il faut que les bateaux naviguent même en temps de guerre. »61 « Mon père, fascicule Z en 1939, a été mobilisé à son bateau avec toute la famille aux ordres de l'armée. »62

Le Réveil Fluvial et Maritime qui appelle à la mobilisation collective de la profession. – Coll. V.N.F.

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Raymond Carpentier - 2020

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 Simon Desselle, 85 ans - 2020

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L’annonce de la réquisition collective de la batellerie : hommes et bateaux en 1940. - Coll. V.N.F.

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Une lutte idéologique dès 1939

Le journal l’Automoteur de janvier 1940 annonce clairement son appel idéologique. – Coll. V.N.F.

Dès le déclanchement de la guerre la dimension idéologique du conflit est présente. Ainsi, le syndicaliste Louis Louis signe un article virulent contre les communistes. Avec la signature du pacte de non-agression le 23 août 1939, le parti communiste se verra interdit et rentrera dans la clandestinité bien avant l’invasion de la France de mai 1940. « Contre le pacte germano-soviétique Un appel du syndicat de la batellerie Les bateliers français qui s'étaient laissé tromper, abuser par les agitateurs aux ordres du parti communiste doivent maintenant reconnaître que nous avions raison de les mettre en garde contre cette criminelle propagande dans la batellerie, dans les ports, et que nous disons vrai lorsque nous écrivons : le bolchévisme c'est la guerre ! … En effet, le syndicalisme français a déjà pris nettement position contre les traitres qu'il devra chasser de ses rangs ! Les bateliers français peuvent être persuadés que nous serons avec eux pour exiger cette salutaire épuration... 45


Il faut que toutes les forces batelières françaises se mettent à la disposition du pays. C'est à ce prix que nous contribuerons à sauver notre indépendance et nos libertés ? Le Syndicat général de la batellerie – le plus ancien dans la corporation – qui durant la guerre 1914-1918 fut pour vous le meilleur des guides et votre fidèle défenseur se met à nouveau à la disposition des familles batelières – des syndiqués ou non- pour les renseigner tant sur les mesures administratives qui viennent d'être prises que sur toutes les questions qu'ils jugeront utiles de nous soumettre. Il peut, certes, y avoir des erreurs de commises parmi les bateliers sursitaires ou dans les mesures de réquisitions. Il ne faut pas vous décourager. Il vous suffit de signaler ces faits à notre syndicat en écrivant à notre président Louis Louis...qui après vérification des erreurs indiquées interviendra immédiatement auprès des services de l'exploitation des voies navigables. Tout ce qui sera humainement possible de faire, notre syndicat le fera. »63 La « Drôle de guerre » « Jusqu'à la mi-mai 40 les voyages se poursuivent cahin-caha, la France commence à être envahie par les Allemands. »64 « Aux environs de février, Charles est de retour. Durant ces cinq mois passés au service de la France, son régiment n'a jamais vu l'ennemi, pas tiré un seul coup de feu. Leur plus grand ennemi était le froid et la pluie qui imprègnent les vêtements et les souliers. » 65

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L'Oeuvre – 07/09/39 – Par Louis Louis Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 - 2019 65 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 – 2010 65 Mai 40 les enfants de l'exode - juin 2020 France 3 – Patrick Jeudy 65 L'étrange défaite - Marc Bloc – 1946 65 La France occupée – August von Kageneck – Tempus - 2015 64

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L'Exode

Deux soldats allemands regardant passer des réfugiés de l’Exode avec ce qu’ils ont pu sauver grâce à leur charrette. - Coll. Guillaume Kiffer

Puis vient le 10 mai 1940 et la sidération qui va aller avec. Comme le dit l'historien Jean Jacques Becker qui a connu enfant l'exode « Une défaite de la France était inconcevable » 66 « Il y eut, à travers le pays, une vraie folie de l'exode. Qui de nous n'a rencontré, sur les routes, parmi les files d'évacués, des cohortes de pompiers, juchés sur leurs pompes municipales ? »67 C'est la panique. Il y a le souvenir et des récits de 1914. L'occupation du Nord de la France et de la Belgique qui avaient été particulièrement dure durant la Grande Guerre avec ses réquisitions, rafles et déportations de main-d’œuvre, humiliation des femmes, massacres de population comme à Dinant en 1914...68 Tout d'abord ce sont les réfugiés Belges dès le 1er jour qui se ruent. Puis les Français des zones des combats vont sur les routes, Ils marchent, ils marchent. Un flot de 6 à 8 millions de civils mais vers où ? Ils ne savent pas, ni où s'arrêter pour manger et dormir. C'est l’un des plus importants déplacements alors de population de l'histoire de l'Europe. Paris le 8ème jour. Rien ne se passe. La vie continue avec ses spectacles ou la bourse qui ne chute pas. Mais à 200 km au Nord c'est la désolation. Les actualités se veulent rassurantes et sont en décalage avec la réalité. Le mot d'ordre était toujours « on les aura ! »

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Début juin, les événements s'accélèrent : Le 3 juin, bombardements dans la banlieue de Paris à Billancourt avec 250 morts. Les Parisiens ont en tête les images de Madrid, de Varsovie ou de Rotterdam. Ils fuient à leur tour. Le 11 juin, le gouvernement part vers la Loire. Les piétons avancent par petites étapes. Toujours en file indienne sur la route avec le harcèlement des Stukas 69pour faire plier le plus vite le pouvoir politique français en attaquant les civils mais aussi encombrer les voies de circulations pour contrarier les déplacements des troupes françaises. C'est une vision de chaos mais les gens n’ont pas forcément une compréhension de la guerre en générale car nuls ne sais ce qui se passe au-delà de son propre horizon. C'est une impression de désorganisation générale. Par exemple rien n'est prévu pour l'arrivée des 120.000 personnes et 80.000 véhicules qui se bousculent à Vierzon, une ville d'ordinaire de 25.000 habitants ou à Niort 80.000 réfugiés pour 20.000 habitants. Il y en a qui ont fait leur beurre avec cette population en désarrois. A tel point que le journal La Dépêche du Berry demande à ce que les prix pratiqués soient les mêmes pour tous, locaux et réfugiés. Pour tenter d'empêcher ceci, le journal va jusqu'à donner les noms des commerçants qui abusent et volent les gens. Les familles se disloquent. Dans les villes étapes, des annonces de recherche des personnes perdues sont affichées. On estime de 80 à 90.000 enfants perdus d’après les chiffres de la Croix Rouge. Rapidement les bas-côtés des routes montrent des quantités de choses abandonnées. Ils sont des millions de sans logis et ils se mettaient où ils pouvaient.70 Les français ont le sentiment d'être abandonnés, c'est le désespoir. Puis un vieux monsieur qui avait eu son heure de gloire pendant la Grande Guerre appela à la fin des combats et à la recherche d'un armistice « dans l'honneur ». Au début les gens étaient confiants, Pétain était rassurant. Le 17 juin il appelle à la radio à la cessation des combats et demande d'un armistice qui est signé le 22 juin à Rethondes à l'endroit même où l'Allemagne l’avait signée en 1918. Les grandes personnes pleuraient, on croyait que c'était comme en 1918 la fin des combats. Au bout de quelques semaines la progression de la Wehrmacht rejoint et dépasse le 69 70

Stukas : « bombardier en piqué » allemand se traduit par Sturzkampfflugzeug Mai 40 les enfants de l'exode - juin 2020 France 3 – Patrick Jeudy

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flot des réfugiés. C'est la fin de l'exode. Les récits de l'époque disent que les soldats Allemands sont corrects et sans morgue. Il y a des milliers de morts civils sur les routes du pays en un peu plus d'un mois.71 Pour l'immense majorité des gens il est temps alors d'essayer de retourner chez soi. Par exemple, une famille a mis un mois pour aller des Ardennes jusque dans les Deux-Sèvres. En ligne droite il y a 700 kms mais avec les déplacements hiératiques cela à fait près de 1.300 kms. Pour d'autres c'est la tentative du retour, souvent sur les mêmes axes de circulation vers la zone de départ. Donc des centaines de kilomètres dans un sens puis dans l'autre, souvent à pied. Les Allemands veulent de l'ordre pour ne pas à avoir à gérer cette masse de gens. lls fixent la date couperet du 1er juillet pour revenir et franchir la Ligne de Démarcation. 8 millions de personnes sont sur les chemins du retour. Ils n'étaient pas considérés comme des victimes, ils passaient pour des fuyards que l'on a fait culpabiliser. Il y a un discours sur ce thème de Pétain. Comme si on avait inversé la problématique avec un gouvernement « lâche » avec sa fuite à Bordeaux et les pleins pouvoirs à Pétain qui fait retomber la « faute » sur le peuple. C'est un chapitre tragique et humiliant qui est tu.72 Les enfants de l'exode en ont tous gardé le souvenir. Ainsi l’historien Jean Jacques Becker a le sentiment de devenir adulte à 11 ans. C'est la fin de l'enfance et les choses gravées. 73 Un article relate ce triste épisode. Avec la batellerie repliée du Nord Au bord d'une rivière, sous la volée des canons – Jean Balensi .. Contre la rive plate, au pied du pavillon de briques du bureau de la navigation, un chaland en ciment à l'enseigne de l'entr'aide des bateliers : « Je Sers ». Foule sur la passerelle, foule sur le pont, foule dans les coursives, foule partout, et jusque dans les couloirs, jusque dans le propre bureau de l'ingénieur en chef dont le contrôle désormais s'étend de son propre bief à tous les biefs du Nord et à l'Est. Appels incessants du téléphone. « Les péniches vides récupérées devront être rassemblées en convoi et pourront désormais être envoyées vers la mer ». Un réfectoire qui en six jours a débité plus de 5000 repas. 71

Les estimations trouvées vont de 10 000 à 100 000 ! Mai 40 les enfants de l'exode - juin 2020 France 3 – Patrick Jeudy 73 L'Exode – RMC Découverte https://rmcdecouverte.bfmtv.com/1940-les-francais-sur-les-routes-de-lexode/program_7115/ Éric Alary, L'exode : un drame oublié, Paris, Perrin, coll. « Tempus » - 2013 - http://museedelaresistanceenligne.org/index.php 72

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Deux autres viennent d'arriver : Daullet et Duquesne, deux héros. A trois, sur une péniche, ils avaient recueilli dix-huit gosses et trois femmes. C'était en Somme, au plus tonitruant de la bataille. Artillerie, mousqueterie, l'allemande et la française, croisaient leurs feux par-dessus leurs têtes. Car les passagers calfeutrés dans la cale, à l'abri, eux, restaient dans la dunette, attentifs à la manœuvre : ne pas tomber aux mains des Boches. Quatre jours de cet enfer, sans rien à donner à manger aux gosses, aux femmes. Vint, même, un moment où ils crurent tout perdu. Les nôtres ne tiraient plus. L'Allemand faisait des cartons sur le bateau. Le compagnon de Daullet et Duquesne venait de tomber, une balle en plein front. Les cheminots de la rivière n'ont plus rien à envier, pas plus épreuves que gloire, à leurs camarades héroïques du rail. »74 Y a-t-il eu des évacuations de populations par les voies navigables comme en 1914 ? Non, hormis à Conflans, le bateau Je Sers appareille pour la Haute-Seine avec des réfugiés. L'avance Allemande est bien trop rapide et va rapidement couvrir une large partie du territoire. En revanche, les mariniers, quand ils ne partent pas à pied et à vélo comme la plus grande partie des réfugiés, essaient de mettre également en sécurité leur bateau, à la fois logement familiale et outil de travail. Les témoins racontent Les témoignages de mariniers et d'enfants de bateliers de l'exode sont dans tous les récits retrouvés. « Le bateau de retour de Dijon charge à Rouen le 24 mai 244 tonnes de benzol à destination de Lyon. Ils ne savent pas encore qu'ils entreprennent là le plus long voyage de leur existence. Le 12 juin le Flèche d'Or arrive à Lyon au port Edouard-Herriot. Son déchargement n'aura pas lieu. Suite à l’évacuation de la ville et sur ordre des autorités miliaires il doit continuer son chemin. C'est la panique, les dépôts de carburants vident les réservoirs dans le Rhône tout comme le Flèche d'Or qui doit s'alléger d'une quarantaine de tonnes. »75 « Le 10 mai 1940 nous surprend à Villeneuve-Saint-Georges. L'avance allemande est si rapide que nous n'avons pas le temps de livrer notre chargement de sable à Douai. On décharge à Paris. »76 « Mon père qui avait 9 ans en 1914 se souvient de l'exode de 14. Mon père résiste 74

Le Journal – 31/05/40

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Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002

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à partir mais ma mère à peur. Ils prennent donc la route à peu près les derniers du village. Ma mère pousse le landau avec moi dedans avec des réserves autour, mon père lui pousse son vélo bien chargé. Les portes de la marquise ne sont pas verrouillées. Ils se posent beaucoup de questions. Sur la route ils font de grandes étapes, mon père est de suite à la peine. Il a aux pieds ses plus belles chaussures, les vernis ! qui le blessent. Ils finissent par monter dans un wagon de marchandises d'un train les obligeant à abandonner le vélo ne pouvant garder à bord que le landau. Wagon des évacués Champenois. Chacun se fait sa place dedans sans penser aux autres. Le train s'arrêtant sans cesse, l'armée Allemande va plus vite qu'eux. De ce fait mon père pense qu'il ne sert à rien d'aller jusqu'à Paris. Il descend du train et choisit un vélo à la gare parmi ceux abandonnés pour remonter d'écluse en écluse par les chemins de halage en direction de Saint-Dizier. Ma mère et moi continuions avec un groupe. Ma mère continue son chemin à bord du train. Ayant voulu chercher de l'eau chaude à la locomotive pour mon biberon elle manque de peu de ne pas remonter dans le train qui redémarre. »77 « En juin 1940 notre bateau chargé des tuyaux à Pont-à-Mousson avait été détourné pour cause de guerre. Il se trouvait le 11 juin à la voûte de Liverdun (Meurthe-et-Moselle) à dix-huit kilomètres de Nancy, pour y passer la nuit. Le lendemain, nous espérions continuer notre voyage. Mais hélas ! La guerre était déclarée depuis huit mois. L'envahisseur approchait à grand pas. Et tout le personnel des voies navigables évacuait : plus personne pour organiser le passage du souterrain, ni conduire la machine. » (le toueur)78 « Le deuxième jour d'attente, presque toute la population avait disparu et fuyait avant l'arrivée des allemands. Nous prîmes la décision d'en faire autant. Maman remplit des valises, des sacs, des caisses … Mais comme nous devions évacuer en vélo, impossible de tout emporter. … Papa sur son vélo de course. Maman essayant de bien garder l'équilibre car moi, j'étais derrière assise dans un panier posé sur le porte-bagages, les trois masques à gaz sur le dos…. D’autres personnes évacuaient à pied en poussant une brouette ou une voiture d'enfant. C'était la débâcle.79 Il faut l'avoir vécue pour se rendre compte de la pagaille qui régnait sur les routes. Nous risquions d'être tués à chaque instant par les bombes ou les mitrailleuses des avions qui survolaient les routes. Là, (trajet Liverdun à Richard Ménil) avec des milliers d'évacués qui cherchaient un endroit pour se reposer, nous avons trouvé une place dans la grange d'une ferme... Dérangés tout le temps par le bruit de la D.C.A qui tire sur les avions et le bruit sourd des canons de l'ennemi qui se rapproche... nous nous levons très tôt le 14 juin. Après s'être passé de l'eau fraîche sur le visage à la pompe et pris un petit déjeuner de pain et de lait frais, tous les six nous remontons sur les vélos pour continuer la route. 77

Raymond Carpentier - 2020 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 -les bateaux Alma et Porphyre 79 Terme fluvial de la glace qui se brise sur les cours d’eau au redoux 78

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Pendant notre exode de Richardménil à Charmes en longeant le canal de l'Est, allant vers les Vosges, sur la rive opposée nous rencontrons des soldats français. C'est la débâcle, mal vêtus, la capote déboutonnée, les godasses trouées, un fusil pour trois, plus de cartouche, anéantis, ils reculaient. »80 « Au retour à Origny avec un chargement de gypse, le patron demande à mon père de partir pour la zone libre pour que le bateau ne soit pas saisi. Il tenta de la faire avec 100 tonnes de lest. Il se trouva bloqué à Marseilles-lès-Aubigny (Cher). Le lendemain de notre arrivée les ennemis étaient là. Nous restâmes bloqués trois mois. »81 « En mai 1940, il transporte encore une fois des gravats de Mantes à Lille au moment de l'offensive allemande. Son bateau ainsi que des centaines d'autres reçoit l'ordre d'aller sur Dunkerque en vue d'être évacué sur l'Angleterre. A cause du nombre, des bouchons se forment. Son bateau reste bloqué à Béthune. Lors de l'évacuation britannique, les Anglais brûlent plus de 1000 bateaux. A 4h00 du matin, j’avais 4 1/2 ans, la famille doit évacuer promptement. Seuls une poussette, une couverture et un vélo sont sauvés. Plus de photos ou de papiers. Il ne reste que le fond du bateau qui n'a pas brûlé. Pendant 15 jours la famille erre dans la région du Nord durant l'exode. De retour à son bateau coulé, elle dort deux jours sur la berge sans aucun abri, puis un voisin leur donne une bâche pour s'abriter. Ils sont relogés dans un coron dans une maison abandonné à Béthune. »82 Quelques articles racontent à leurs lecteurs la destruction par nos alliés de centaines de bateaux lors de l’évacuation par Dunkerque. « Sauvera-t-on la batellerie française ? » Par André du Bief « Atteinte par la guerre elle voit s'aggraver la crise qui la menaçait dans la paix Le long des quais de Paris, de Port-à-l’Anglais jusqu’à Javel, les péniches dolentes attendent. Parfois un remorqueur passe, jetant un cri d'appel qui ne peut défiger la flotte parquée des chalands. La batellerie française se languit... d'une langueur qui mènerait facilement à la mort. La guerre l'a durement frappée. Destructions tout d'abord : Là-bas, entre Béthune et la Bassée, raconte un marinier qui bricole sans goût sur la berge, les Anglais ont été sans pitié. Ils ont englouti sous l'eau, lors de leur retraite, un millier de bateaux. Dans les uns ils jetèrent à fond une cinquantaine de litres d'essence et les firent flamber ; les autres ils les firent sauter. » Dans le même temps, la menace aérienne allemande est un sujet de préoccupation La Journée Industrielle – octobre 39 « Conférence des syndicats de navigation intérieure Nous attirons l'attention que l'intérêt qu'il y aurait à ne pas laisser stationner d'amas de bateaux, même dans les points réservés à ce stationnement, du fait du danger que cette accumulation pourrait présenter en cas d'incursion aérienne d'aviateurs ennemis. »83

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 -les bateaux Alma et Porphyre Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 - 2019 82 Simon Desselle, 85 ans - 2020 83 Le Matin – 11/09/40 – page 1 et 2 81

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L'Exode de la batellerie84

Le Cyrano avant la guerre sur la Seine. – Coll. Roland Langlin

La flotte française était constituée surtout de chalands et de remorqueurs sur le Rhin avec quelques dizaines d'automoteurs en 1939. Fin août 39 la C.G.N.R, Compagnie Générale de Navigation du Rhin, appartenant à l'Etat doit évacuer ses locaux de Strasbourg-Port pour Paris puis Montélimar, lieu d'origine de son directeur Pierre Brousse, futur président de l’O.N.N.. C’est l’évacuation vers des pays neutres comme la Belgique et les Pays Bas, ou la Suisse de l'essentiel des unités. Puis, fin octobre 39 c’est le départ de Flessingue vers la France par la mer d'une soixantaine de bateaux suite à la mission en Hollande de Pierre Brousse. Les automoteurs gagnent Rouen. 11 d'entre eux partent une seconde fois par la mer pour St Malo. C’est cette tentative de fuite collective de bateaux depuis la Seine qui est raconté sous forme de journal de bord, « L'exode de la batellerie - juin 1940 » du 08 juin au 20 juin.85 Les archives concernent cet exode, en 1940, d'une fraction de la flotte fluviale cherchant à échapper à l'envahisseur est sous la forme du carnet de bord du 84

Heurs et malheurs de la flotte française d'automoteurs du Rhin - 1939/1945 - Marie-Hélène David Bulletin de la société des amis du musée régional du Rhin et de la navigation - n° 20 - 2008 85 Par Jeannette Le Jeune-Jacq en 1986. C'est aussi l'objet d'un roman historique tiré d'article publiés, L'odyssée des bateliers du Rhin, des péniches alsaciennes en Manche, 1939 – 1942 - Frédéric Witté - L'esprit des vagues - 2012

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remorqueur piloté par le commandant Jacq, père de l'auteure du livre, qui avait, à l'époque, assumé toute la responsabilité du montage de ce départ en mer, puis de son exécution. Il cherchait à rejoindre Brest. Notez qu’ils n’étaient que salariés et que les bateaux ne leur appartenaient pas. Les bateaux seront rattrapés à Morlaix par l'Armistice et par les Allemands. Plusieurs rouilleront sur place pendant toute la guerre, certains reviendront en baie de Seine tandis que d'autres serviront de bateaux de ravitaillement de la garnison d'occupation des îles Anglo-Normandes. Voici un résumé de l’odyssée : Le texte commence par l'histoire du bac du Hode, le Havre, car il n’y a pas de pont et celui de Tancarville sera ouvert en 1959.- juin 40 devant l'avance Allemande, il doit partir pour Cherbourg mais s'échoue sur la digue sud de la Seine en amont d'Honfleur puis coule un obus l'ayant atteint sa coque. Renfloué il reprend son service. Le 10 mai 1944 attaque aérienne anglaise fait des dégâts insignifiants. La protection de la passerelle et des abris sur les appontements sont réalisés. Le 9 juin 1944, touché par une bombe il est pris en remorque et échoué à l'embouchure de la Risle. Le 12 juin nouvelles bombes l'atteignent. Renfloué en 1947 et réparé par les Chantiers de Normandie à GrandQuevilly, il reprend du service en 1949 jusqu'au 25 juillet 59 et l'ouverture du pont. L’exode proprement dit des bateaux depuis Rouen : Décision de partir le 08 juin Le Caprina sera le chien de garde d'un convoi d'une quarantaine de bateaux appartenant à différentes compagnies. Malheureusement tous n'arriveront pas. Les événements se précipitent. Achetons rapidement quelques instructions nautiques. La navigation va se trouver plus ardue que je ne pensais, mais adieu va ! … Pousser les feux des trois remorqueurs As, Cyrano et Caprina. Dimanche 9 juin à 00h20 Je supplie d'éviter de faire tirer les soldats qui refusent notre départ au passage du Cyrano qui remorque un chaland vide d'essence mais non dégazé. Malgré cela le Cyrano a été canardé par des Français, ils ont été maladroits. 04H00 Prévenu le commandant que j'appareillais, qu'il fasse ce qu'il voudrait. A 04h30 le bassin aux pétroles de Rouen est en feu. 11h00 Tancarville. Viré et embarqué des réfugiés. Pris notre agent du Havre, M. Debaix avec ses vieux parents. Embarquement difficile des vieillards. Ils débarquent à Honfleur sur l’autre rive au sud. Aidé l'accostage des chalands des Ponts et 54


Chaussées pour l'embarquement des voitures et des civils. Appareillé pour Honfleur. La C.F.R., Compagnie Française de Raffinage, brûle. Le ciel est obscurci et malgré le temps idéal, il fait nuit à midi. Le cauchemar de la Raffinerie de Normandie au Havre La destruction des stocks de carburants pour qu'ils ne tombent pas dans les mains de l’ennemi. Le nuage est si épais et si important qu'il obscurcit le ciel et provoque une baisse de la température de 10 °C. C'est comme par un temps d'éclipse totale de soleil. Le 10 juin 03h00 Ne partons plus au Havre. Seuls les bateaux en bois appareillent, des mines étant signalées. 07h00 La libre pratique nous est accordée après bien des réticences et pas mal de palabre. Appareillage pour le Havre. Évolution heure par heure... 12h00 Un tas de bateaux sortent. Je donne la tête à l'As ; groupe tout le monde, mais impossible de les compter ; il y a des bateaux du Rhin, de la H.P.L.M., de l'Union Normande, de Citerna. Le convoi a bien cinq kilomètres de long. 19h00 Rentrons tous à Ouistreham, pêle-mêle dans l'avant-port, Les mariniers sont assez indisciplinés. Le Galem de Citerna, malgré mes avertissements va sur le sable à Riva-Bella. Le Vouloir et le René se sont dérobés au convoi et sont restés à Honfleur. Mardi 11 juin 03h00 Appareillage pour Cherbourg. Les mariniers commencent à comprendre qu'il faut un chef. 04h30 Forme 2 convois en rade : 1er : Cyrano, Ker Vary, Marie-Thérése, Chantilly, Trombe, Siroco, Armattan et Autan 2ème : Mousson, Ouragan, Rafale, Tornade, Mollan, Bruster, Vinotra II, Clio, Solano et Galem L'As en tête sert de guide, le Caprina continue son rôle de chien de garde et remet tout le monde sur la bonne voie. 55


12h00 Doublons Barfleur 15h00 En rade de Cherbourg 17h00 Tout le monde est au mouillage dans l'anse Sainte-Anne sous Querqueville. La police de la navigation nous fait donner de l'eau et des cartes marines, ainsi que du « gazoil » aux automoteurs, nous poussent impérieusement à partir pour Granville. Nous allons y rester trois jours. 13H00 La citerne remplit nos ballasts, celui du Caprina n'a pas été réparé comme je l'avais demandé et il fuit. Après étude de la carte Granville apparaît comme n’étant nullement un point d'escale. J'annule l'appareillage. Nous les mènerons quand même à Saint-Malo. Vendredi 14 juin Appareillage à 19h00, ordres à 17h15 Route à 3 miles de la terre. Mouillage d'Omonville pour éviter le passage du cap de la Hague de nuit. 21h00 Mouille par groupe de 5 ou 6 sous Omonville-la-Rogue à 1 mile de terre. Beau temps, faible houle et vent NE Jobourg le 15 juin La houle qui est un peu plus longue fait casser fréquemment les remorques. Il faut ramener les petits car ils ne peuvent gouverner seuls. 12h00 Travers de Jersey, 13h00 cap Frehel à vue. 16h00 Prise du pilote pour rentrer qui place les moteurs vides dans la Rance et les trois petits Citerna chargés dans les bassins. Dimanche 16 juin Fait de l'eau aux trois remorqueurs toute la journée. Sortons les 3 petits Citerna. Ils me demandent de continuer avec nous jusqu'à Brest, étape finale. J'ai eu enfin M. Borde au téléphone. Appareillage 05h00 du matin. D'autres témoins de cette odyssée témoignent : Mme Lécluse : le 16 juin nous arrivons à Saint-Malo. Le Vinotra II et nous, Clio, allons à La Rance. Les gens affolés au passage de l'écluse, croient que nous allons en Angleterre, veulent embarquer. 56


Une femme à même sauté à bord. Nous allons à La Richardais où nous resterons 4 mois, en suivant les marées. Nous serons un des premiers à être rapatrié à Rouen. François Postic : Le 17 juin 40 nous avons reçu l'ordre de rentrer dans le port de Saint-Malo avec l'assistance d'un pilote. J'y ai retrouvé trois remorqueurs de l'Union Normande : l'As, le Cyrano et le Caprina qui étaient au mouillage à l'aval de la Rance. Avec le Citerna nous rentrons nos deux remorqueurs dans le bassin de Saint-Malo afin de remettre ma feuille de route aux Autorités du port pour confirmer mon arrivée avec mon convoi. Plusieurs convois fluviaux, chassés d'Honfleur, rentrent en rade, accompagnés par des remorqueurs de l’État. Le 18 juin 07h00 Complète l'eau des ballasts. Le vin des citernes du Clio s’abîme. Sachant que l'Intendance en manquait et que de nombreux réfugiés étaient sans secours, j'ai essayé de faire prendre le vin du Clio. Je n'ai réussi qu'à en faire enlever que mille litres environ et à enivrer quelques soldats. 12h00 Les Anglais partent rapidement, on dirait que le diable est à leur trousse. 12h30 Le commandant du port vient nous donner l'ordre de « déguerpir » le plus rapidement possible. Appareillé immédiatement avec le Taute 13h00 Eclusé. Un remorqueur du Port Autonome du Havre coince le sas. Manœuvré pour le dégager. Le dépôt est en flamme, le « Trombe » est en feu, un navire a touché l'écluse, la fumée et les flammes lèchent notre arrière. L'Amirauté donne l'ordre de saborder les bateaux d'essence qui n'appareilleront pas. Les ponts sautent, la cale-sèche aussi. Enfin nous sortons. Je respire mieux. 13h15 Je transmets les ordres à toute la flotte. Il y a un flottement et des grincements de dents, mais « Sainte Frousse » vient à mon secours. J'accoste à la cale de SaintServan, embarque M. et Mme. Debaix, un vérificateur des douanes du Havre. Tout le monde appareille, l'As prend la tête. 14h00 Dans la passe je raccroche le Presto chargé, qui a du mal à gouverner. Le Vouloir prend une mauvaise direction. Je le ramène dans la bonne route. Pendant ces manœuvres je perds de vue le convoi de l'As. Le vent fraîchit, il y a un peu de clapotis. 17h00 57


Doublé le cap Frehel avec le Presto, le Vouloir et 11 Citerna. 20h00 Passons à l'Est du Grand Lejon, cap sur la Horaine. La mer se creuse un peu. Je suis inquiet pour toute ma « smala ». Rien ne nous offre un abri avec les vents NW. Toutes les baies sont ouvertes. 21h30 Travers de la Horaine. J'ai décidé de continuer malgré la nuit, une fois la Horaine doublée, la mer sera plus douce. Les phares sont éteints – un peu scabreux – le compas est fou, mais le clair de lune nous aide. Pour la nuit j'organise le convoi pour que le Mousson fasse le chien de garde. Tous les feux doivent être éteints, seul le « Mousson » montrera un feu rouge quand il y aura des traînards et un feu vert quand tout ira bien. 19 juin 06h00 Entrons en rade de Morlaix. Stupeur ! Encore le feu ! Ils nous ont donc gagné de vitesse ! Ordre de mouiller en rade, Brest étant envahi ce jour. L'As et son convoi rentrent en rade de Paimpol. 20 juin Morlaix. L'Administrateur ne sait rien et interdit la rentrée dans les bassins. En début d'après-midi il nous conseille de fuir sur les côtes sud de l'Angleterre. Je le regarde stupéfait. Le vent souffle en tempête et les bateaux pilotés du Havre restent en rade. Trois heures plus tard. Contre-ordre avec défense de sortir. Mines magnétiques et entrée gardée. Pris disposition pour garer le matériel au mieux.

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Plusieurs articles de cette période portent sur ces bateaux en Bretagne. - Courrier Union Normande du 12 septembre 1940 Demande d'obtenir des Allemands le bon de Réquisition des remorqueurs AS, Cyrano et Caprina ainsi que pour le Taute s'il est pris à son tour. - Courrier du 05 janvier 1944 Courrier du directeur de l'Union Normande qui donne pleins pouvoirs à Joseph Jacq qui le représente afin de récupérer tout ou partie des chalands, automoteurs et remorqueurs que nous pourrions avoir en souffrance dans les ports de Bretagne et en particulier à Brest, Saint-Malo, Cherbourg et autres. (Cherbourg est placé en Bretagne.) - 14 mars 1947 - Courrier Union Normande qui recommande le même capitaine Jacq pour qu'il aille à Biesboch en Hollande pour examiner les travaux sur le remorqueur Aramis. L'avancée rapide des troupes Allemandes en mai – juin 1940 surprend les 59


mariniers les obligeant à improviser une fuite éperdue. Les automoteurs repliés sur la Rance seront requis par la marine allemande pour ravitailler les îles anglonormandes occupées au départ de Granville ou de Le Minihec. Un des automoteurs a été coulé à Jersey en août 43. 7 ont été coulés ou échoués entre Granville et la Rance en juillet-août 44. 3 qui s'étaient réfugiés à JerseyGuernesey en juillet 44 sont été récupérés en 45 à Granville. A la déclaration de guerre en septembre 39, on avait fait une "toilette de mer", et on les avait acheminés vers les ports français de la Mer du Nord et de la Manche, puis vers la Seine. Les 8 survivants ont fait route ensuite vers la Bretagne. Le convoi composé principalement de péniches Freycinet a quitté Honfleur pour la mer le 9 juin 40 et a contourné le Cotentin pour se retrouver après bien des vicissitudes à Paimpol ou à Morlaix. Le Bizerte en service des îles Anglo-Normandes est le 1 er octobre 46 à Guernesey en attente de rapatriement et navigue toujours sous le nom de Maurice Barrés. Plusieurs seront rebaptisés Rhenus suivit d'un numéro. Il faut préciser qu'aucuns des automoteurs sujets de cette histoire d’exode ont été réquisitionné pour l’opération Seelöwe.

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Convention d'armistice

La France coupée en plusieurs zones en 1940 : zone libre, zone d’occupation italiennes, zone d’occupée allemande, avec à l’intérieure de celle-ci la zone annexée d’Alsace-Lorraine, la zone sous l’administration militaire de Bruxelles pour le Nord de la France et deux territoires classés zones interdites. Source Common Wiki

Dès le 25 juin 40, les voies navigables de la métropole se trouvent partagées en trois catégories selon la zone géographique où ils se trouvent. La France n'est pas partagée en deux zones comme on le résume rapidement avec au Nord la « zone 61


occupée » et au Sud la « Zone libre ». En fait il y a 7 types de zones différentes. Ce nouveau découpage entraîne des modifications radicales d'exploitation. La zone de l'Est passe directement sous contrôle allemand. Il s'agit de la Moselle au nord d'Arnaville, du canal de la Marne au Rhin à l'est d'Etapes. Une zone « Réservée » à l'Est du pays qui doit accueillir des colons Allemands et normalement refuse le retour des réfugiés. Mais en ce qui nous concerne, l'article 13 de la convention d'armistice stipule que « Toutes les organisations françaises des chemins de fer, des routes et voies navigables situées dans le territoire occupé sont à la disposition pleine et entière du chef allemand de Transports ».86 La « zone occupée » est sous la tutelle des autorités allemandes qui maintiennent en place à leur profit le régime d'exploitation existant. La « zone libre » qui conserve le système français est sous autorité française. 87 Tout au long de la guerre il y aura la réunion périodique de la Convention d’Armistice où sont examinés les dossiers litigieux dans tous les domaines. Pour les voies navigables, elle traite des différents points comme les bateaux bloqués à Dunkerque, des transferts des indemnités locatives à la charge de la Kriegmarine ou les réquisitions du R.K.S., Reichs-Kommissar für Seetransport. A partir de du printemps 44, Elle se réfère souvent à la Conférence de Fribourg qui s’est tenue en février où négocièrent les autorités allemandes, les armements rhénans allemands et les représentants de l’O.N.N. 88

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La SNCF sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005 88 Archives V.N.F. 87

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La ligne de démarcation sur la Saône à Chalon-sur-Saône pendant la guerre et il y a quelques années - coll. A.A.M.B.

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Un rapport parmi d’autres des réunions de la convention d’armistice. – Coll. V.N.F. 64


Le retour au bateau « Arrivé à Manaval un soir, l'Artisan flotte toujours mais pillé et saccagé. Personne au village, vide, sauf un garde de navigation. La cabine est à peu près vide : vêtements, provisions, biens personnels comme l'appareil photo ou le poste de radio sont posés en haut de l’escalier prêt à être emmené. C'est donc une première nuit de garde que mon père passe avec sa carabine 9mm sorti de sa cachette, une cuve à gas-oil. »89 « Le 15 juin, après trois jours d'enfer et une bonne bière à la terrasse d'un café, dans l'après-midi nous sommes chez nous. Nous sommes heureux de retrouver les deux bateaux intacts, nous avons été épargnés par des pilleurs. A peine étions-nous sur le bateau que la sentinelle française qui gardait le pont, voyant que des gens s'activent sur la berge et les bateaux, cri : « Sauvez-vous ! On va faire sauter le pont, les Allemands arrivent ! Le pont passe juste au-dessus du « Porphyre », notre bateau, notre demeure, notre gagne-pain, risque d'être anéanti en quelques secondes. Sauter le pont ? Mais mon bateau est dessous ! Il va être démoli ! Il va couler ! Ce n’est rien, dit la sentinelle, c'est la destruction. Nous avons l'ordre de tout détruire avant l'arrivée des allemands.... Papa appelle maman pour aller se cacher sous la voûte, péniches et occupants. Tous les six, car dans ces cas-là les enfants ont de la force, nous tirons l'Alma qui se trouve le premier à partir, nous le lançons et l'abandonnons dans sa dérive et plus vite encore, nous revenons chercher le « Porphyre » pour le protéger de l'explosion. L'arrière est à peine sous le tunnel qu'un bruit retentit.... La péniche en bois tangue et plonge, elle se secoue avec une telle violence que l'on craint qu'elle coule. Le pont qui devait tomber sur la péniche tomba dans l'eau avec un fracas épouvantable. Parrain nous ordonne de monter sur l'Alma péniche en fer, plus solide. Il conseille de s'allonger au fond du reû90, il redoute que le bataille se fasse sous la voûte, à un bout les Français à l'autre bout les Allemands. Papa avait un revolver, et tout français pris avec une arme en temps de guerre passe par les armes. Donc papa jette son revolver au nez du bateau dans le canal. Nous passons une nuit blanche, couchés sur le tapis, l'oreille tendue au moindre bruit. Le 16 juin, tôt le matin les Allemands arrivent. Tout se passe dans le calme. Comme il ne restait que deux longueurs d'eau avec le pont écroulé, mon parrain et mon père prennent la décision de traverser le souterrain en tirant les péniches à la main, sur le chemin de halage, pour se garer à l'autre bout du tunnel, à Souvignal en amont de Liverdun. Nous plaçons les péniches bord à bord pour être ensemble sans aller à terre. y restons cinq mois, le temps de remettre les canaux démolis par les bombardements en état de navigation. »91 89

Raymond Carpentier - 2020 Reû : Logement arrière du bateau de commerce quand il est entièrement contenu dans la coque. 91 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 90

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« On avait accroché à un volet un linge blanc comme c'était l'usage ce qui signifiait que l'habitant était rentré chez lui. »92 Les destructions en 1940 Les destructions et les pertes, matérielles sont considérables. Le bilan qu’en dresse, en 1942, le secrétaire d’État aux Communications, Jean Berthelot, montre l’ampleur du désastre : « La quasi-totalité des grandes lignes de chemins de fer étaient coupées : 450 ponts sous rails, 27 tunnels, 70 passages supérieurs étaient détruits ou très endommagés. [...] Plus de 2 500 ouvrages routiers étaient partiellement ou totalement détruits. » La circulation est interrompue sur les 9 700 km du réseau de voies navigables, essentiellement concentré dans le Nord et l’Est, où ont eu lieu les combats. Les aérodromes sont également paralysés.93 A la fin des opérations militaires le 22 juin 1940, la navigation était devenue impossible sur 5.200 km de voies. Près de 1 351 ouvrages étaient détruits ou fortement abîmés : 1.052 ponts routiers, 181 ponts ferroviaires, 114 ouvrages de navigation comme des écluses, des barrages ou des passerelles ainsi que 4 ponts-canaux étaient des obstacles à la navigation. En raison de la localisation de cette première phase de la guerre dans le quart Nord-Est du pays, dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, 370 ponts sur 410 étaient détruits. De même, le canal de Saint-Quentin et l'Oise, sur la Seine entre Montereau et Rouen et sur les canaux de la Marne au Rhin et du Rhône au Rhin les dégâts sont très importants. Les mémoires d’Alphonse Guiniard donnent des précisions sur les destructions faites par les services du génie français en retraite. « En amont de Paris, on rencontrait ici ou là, quelques ponts, dont une arche ou une travée avait été détruite. Ce pouvait être le fait de quelques détachements français, de l'arme du génie en retraite dispersés. Il en fut ainsi jusqu'au port de Corbeil, où le vieux pont de pierre avait été presque totalement détruit lors de la première guerre mondiale. Reconstruit en pierre on n'avait cette fois, en 1940 détruit qu'une seule arche ce qui permettait une navigation normale, sauf en période de crue de la Seine. »94 Après de rapides réparations, dès le 15 octobre 1940, la navigation est rétablie entre la région parisienne et le bassin minier du Nord ainsi qu'entre Paris, Lyon et Marseille. Au 1er janvier 1942, à l'exception du canal de la Deûle dans la région de Dunkerque 92

Alphonse Guignard – archives MBVN Berthelot (J.), Sur les rails du pouvoir, 1938-1942, Robert Laffont. 1968. p. 228. 94 Alphonse Guignard – archives MBVN 93

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et du canal de la Somme près d'Abbeville ayant subi les combats et les bombardements du printemps 1940, tout le réseau français est ouvert à la navigation. Au cours de l'invasion de notre pays, sur une flotte comptant 12.640 bateaux, 3.000 furent avariés, dont 1.200 entièrement mis hors d'usage, et 5.200 kilomètres, sur 13.200, de voies dont 2.000 km de rivières et 3.200 km de canaux devenus impraticables par la destruction de 1.350 ouvrages, écluses, ponts, etc…

Ponts de bateaux sur le canal de La Bassée. On voit au premier plan des soldats français prisonniers et au fond des troupes allemandes avec un tank et un side-car. – Coll. A.A.M.B.

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Photo allemande comme la précédente avec les dégâts près du pont . – Coll. A.A.M.B.

Une géographie mentale particulière Population atypique dans cette France alors mi rurale et mi urbaine95, la carte mentale des territoires est originale chez les mariniers. Dans plusieurs témoignages il est clair que les cours d'eau et plus particulièrement les chemins de halage structurent l'espace. Ils servent pour l'Exode, pour revenir aux bateaux, aller aux nouvelles de la famille, chercher du ravitaillement ou s'échapper d'une région à une autre. Autre avantage non négligeable est l'aspect plat du chemin longeant le cours d'eau. Ce détail important est à relever quand il s'agit de se déplacer avec sa famille et avec quelques biens en juin 40 en vélo ou à pied. « Le train s'arrêtant sans cesse, l'armée Allemande va plus vite qu'eux. De ce fait mon père pense qu'il ne sert à rien d'aller jusqu'à Paris. Il descend du train et choisit un vélo à la gare parmi ceux abandonnés pour remonter d'écluse en écluse par les chemins de halage en direction de Saint-Dizier. Ma mère et moi continuions avec un groupe. » 96 95 96

En 1931 la population devient majoritairement urbaine. Raymond Carpentier - 2020

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« En 44 Nous avions mijoté notre prochain départ. Grâce à une carte Michelin donnée par un menuiser, nous priment la fuite fin octobre une nuit. Toute la chambrée se sauve car les Allemands avaient dit une pendaison de 8 hommes pour la fuite d'un seul. Donc pour ne pas compromettre la chambrée tout le monde vient. Bruit des sabots et alerte des chiens. Ceux qui furent repris furent reconduits au point de départ mais sans représailles. Nous restions 6 à marcher toute la nuit. Nous étions au bord du canal de la Marne au Rhin, ente Lutzelbourg et Artzviller. Nos avions pris la décision de suivre le tracé du souterrain par au-dessous, et de reprendre ensuite, tranquillement croyionsnous, le chemin de halage. Nous marchions en deux groupes. Un soldat à vélo, fusil à l'épaule, nous demande ce que nous faisions là, et pourquoi nous ne marchons pas ensemble ? Je réponds que nous sommes des mariniers, que nous avons emmené des bateaux à Strasbourg, et que nous rentrons chez nous, en évitant le mitraillage ! Il n'a sûrement pas été dupe, car la navigation était arrêtée depuis longtemps, à la suite des divers sabotages exécutés par la Résistance. »97 « Comme des touristes, nous avons donc emprunté le chemin de halage après le souterrain de Nideviller. Arrivant au pont du canal à Hesse, cinq ou six soldats sont sortis des buissons, mitraillettes à la m en joue : nous étions faits ! »98

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François Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 François Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993

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Carte de la France en 2 zones faite par Alphonse Guiniard à la fin des années 1950. - Coll. Cahiers des mémoires Alphonse Guiniard – Archives M.B.V.N.

Le vélo ! À une époque où l'automobile est plutôt rare et encore chère avec 1.400.000 véhicules en 1940 pour 40.690.000 habitants contre 39.910.000 pour 68 millions en 2018, le vélo permet une certaine liberté de déplacement pour toutes sortes de raisons : exode, recherche du ravitaillement, aller aux nouvelles... Sa perte peut être un drame. 70


« Ma mère pousse le landau avec moi dedans avec des réserves autour, mon père lui pousse son vélo bien chargé. Il descend du train et choisit un vélo à la gare parmi ceux abandonnés pour remonter d'écluse en écluse par les chemins de halage en direction de SaintDizier. »99 « Mais comme nous devions évacuer en vélo, impossible de tout emporter. … Papa sur son vélo de course. Maman essayant de bien garder l'équilibre car moi, j'étais derrière assise dans un panier posé sur le porte-bagages, les trois masques à gaz sur le dos... »100 « Les femmes vont avec leur vélo chercher du beurre et de la nourriture loin dans les fermes... Le beurre est très souvent noté à part.101 Là, nous étions séparés de l'Alma. Il était à Béthune. Mi-août 1944, nous vîmes arriver mon parrain Ludivin en vélo, ils n'avaient plus rien à manger en ville. Nous lui avons remis un pain blanc et une demi-livre de beurre. Nous étions un peu plus heureux, à quelques kilomètres se trouvaient des petits villages où nous trouvions de temps en temps une ration supplémentaire de pain ou de beurre. Il avait fait 90 kilomètres sur son vieux vélo. » « Son père allait se faire régler à vélo, ça marchait tellement mal les trains et pas très rassurant parce que c'était bombardé. »102 Ce précieux moyen de déplacement fera même l’objet d’échange de courrier entre les autorités militaires allemandes et les services de l’O.N.N. afin d’autoriser les conducteurs de tracteurs à circuler sur les chemins de halage la nuit après l’heure du couvre-feu.103

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Raymond Carpentier - 2020 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 101 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 102 Roland Langlin - 2019 103 Archives V.N.F. 100

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Facture d’achat d’un vélo – A l’époque les bicyclettes ont une grande plaque d’immatriculation. Coll. Roland Langlin

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De 1940 à 1944 Le ravitaillement

Carte individuelle d’alimentation – les mariniers, populations nomades ont des cartes spéciales. Coll. Guillaume Kiffer

Avec les souvenirs des bombardements et des mitraillages, le problème du ravitaillement alimentaire est LA préoccupation de cette période. Rationnement, débrouillardise et « trafics » sont utilisés en même temps pour se procurer les denrées quotidiennes. Quand cela ne suffit plus, et cela ne suffit jamais, les mariniers débarquent afin de trouver de l'embauche à terre. L'Etat prend des initiatives comme le raconte la presse d’alors 73


« La belle activité du Secours National ravitaillement des mariniers » M. Delarue, du S.B.A. Une circulaire du préfet de la Meuse pour que soit assuré à leur passage, le ravitaillement des bateliers. Il a été signalé qu'au cours de leurs déplacements, les mariniers et leurs familles, naviguant avec eux éprouvent parfois des difficultés à faire accepter par des commerçants des titres d'alimentation émis dans les départements autres que celui de leur stationnement. Il y a lieu de rappeler à tous les commerçants que ces titres d'alimentation doivent être acceptés par eux sans restriction, après vérification de leur authenticité par le cachet de la mairie, la concordance des numéros des feuilles de tickets et de la carte d'alimentation. Les tickets ainsi recueillis seront acceptés comme les tickets ordinaires du département, pour le réapprovisionnement des commerçants. D’autre part, la régie habituelle de la carte de lait ne peut être appliquée exactement à ces consommateurs suivant les modalités prévues par les textes en vigueurs, étant donné qu'ils ne peuvent, en raison de leur déplacement, désigner un fournisseur attitré. Vous voudrez donc bien inviter les détaillants en lait à servir les titulaires de cartes de lait portant la mention « service de la navigation », sur simple présentation de cette carte. Un relevé, sans modèle spécial, des rations délivrées, mais donnant toutes précisions utiles quant aux distributions effectuées, sera tenu à jour par les détaillants. Ce relevé sera adressé, en fin de trimestre au Comité départemental de gestion du groupement laitier. D'autre part, des démarches sont actuellement en instance pour que les bateliers obtiennent, dans le Nord, les feuilles de supplément M-T, leur donnant droit à la ration supplémentaire prévue pour leur catégorie. »104 Le rationnement Contrairement à ce que l'on croit rapidement, le rationnement et les tickets qui l'accompagne commence dès mars 1940 avant l'invasion allemandes de mai 40 et perdure quelques années après la fin de la guerre. Les cartes de rationnement sont toujours en vigueur pour les produits alimentaires ou ménagers tel que le charbon ou les détergents jusqu'en 1949. Comme le rapporte une témoin vers la fin de la guerre, la gestion des tickets c’est tout une organisation : « J’ouvre le magasin à 09h00 ou il y a déjà la foule dehors, vendeuse en 1944, n'est pas vendeuse de 1990. Il faut découper les tickets sur les feuilles de ravitaillement, être au courant, combien de sucre, de café, beurre, huile et le reste. Adultes J.3, J.2, J.1 et d'autres, tous n'ont pas la même chose, nous avons des boites pour mettre les coupons coupés car au bout de la semaine, enfin, le lundi, nous passons des heures à coller tout cela sur des feuilles catégories par catégories. Ne pas se tromper, il faut les envoyer pour avoir d'autres marchandises et il faut peser sans arrêt gramme par gramme. Presque pas de paquet, presque tout est en vrac, motte 104

Le réveil du Nord – 03/01/41

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de beurre coupée avec un fil à couper le beurre, fromage, huile, légumes secs, sel. Tous passent sur la balance, les grammes, le prix, il faut calculer, ne pas se tromper, et nous n'avons pas de calculette comme à présent. »105 Mais pendant l'occupation, petit à petit la très grande partie des biens de consommation va être concernée. Pour la nourriture avec le pain, la viande, le beurre, les chaussures et les textiles... Mais aussi le gas-oil, le charbon ou l'huile à moteur. Un problème supplémentaire apparaît pour la population batelière qui circule d'une zone à une autre zone en France. Le franchissement des lignes entraîne la nécessité d'avoir des tickets valident dans la nouvelle zone. « Des cartes de textiles, des bons d'achat de vêtements et du tabac pour les mariniers. En raison de leurs déplacements continuels sur les voies navigables, les mariniers et leur famille habitant sur les bateaux de navigation intérieure ne peuvent être astreints à l'inscription préalable chez les débitants Les débitants exigent la certification, par la carte d'alimentation, d'un domicile dans la commune. »106 Il y a souvent falsification des dates ou des lieux avec des tâches de café même si les commerçants ne sont pas dupes. En cas de déplacement à l'étranger, le système D pour s'en procurer des valides est de mise. En 39 40, la population se soumet à cet état de crise après le blocage des prix, début janvier voit le rationnement des denrées alimentaires et la création des cartes d’alimentation.107 « Le ravitaillement se fessait de plus en plus rare. Nous avions des cartes de rationnement et il fallait donner des tickets pour acheter du pain. Seules les cartes « V » pour Vieillard et les cartes « J » pour jeunes avaient le droit au lait, ¼ de litre par jour. Je faisais partie des « J2 ». » 108 « Un jour, nous sommes allés dans un grand magasin ; comme il y avait des tickets pour tout ce qu'on achetait, avec les tickets textiles, maman et tante Augusta achetèrent chacune une paire de bas en laine pour l'hiver. »109 « Les privations au point de vue alimentation étaient de rigueur, mais pour ceux qui faisaient des transports transfrontaliers, nous recevions des tickets d'alimentation allemands, lorsque nous étions en Moselle. En passant à Novéant nous touchions des tickets d'alimentation français ; en repassant à Lagarde nous retouchions des tickets allemands : c'était une subtilité à bien suivre. A certains moments, les Allemands nous donnaient des tickets pour une durée réduite, une partie des tickets 105

Jacquelin Hesbert – archives Cité des bateliers

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Journal navigation 01/08/41 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 108 Marinière, ma vie, ma profession – Eliane Droissart Bourdon - n° 26 - 1990 109 Marinière, ma vie, ma profession – Eliane Droissart Bourdon - n° 26 - 1990 107

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étaient annulés, avec un cachet « Ungügtig ». Mais la Javel ou bien l'ersatz de café, ainsi qu'une pomme de terre crue tranchée, faisaient des merveilles ! Bien sûr, certains commerçants n'étaient pas dupes ! »110 « Les difficultés rencontrées sont essentiellement celles du ravitaillement aussi bien pour la nourriture que pour le renouvellement du matériel. Il faut des bons pour tout. »111 « Mars 41. Pris par le gel pendant deux mois à Gand en Belgique. Ce pays est plus encore rationné que la France ; nous sommes à une période de tickets d'alimentation. Nous trouvant devant l'écluse de Bruges où il faut attendre deux à trois jours avant de la franchir, je m'offre l'audace de me rendre à la Kommandantur. Je rencontre un gradé d'un rang assez élevé et luis dis : « Voilà, nous sommes ici quelques mariniers français et, en Belgique, nous ne bénéficions pas des mêmes tickets de rationnement que les belges ». (ce qui est faux précise le témoin). Ce gradé me répond : « Que votre métier doit être dur, je vois les mariniers haler leurs péniches avant d'entrer dans l'écluse ». C'était partiellement vrai, mais ce faisait partie de notre travail. L'écluse de Bruges contenant environ huit péniches, nous devions haler notre bateau jusque dans le sas éloigné de deux cents à trois cents mètres. Ce gradé ouvre un tiroir et me donne une poignée de tickets divers, pain, viande, graisse, etc. que j'ai eu le plaisir de partager avec mes quatre camarades du convoi. »112 « Comme toute la population française, les mariniers sont soumis aux mêmes contraintes, sauf le S.T.O., les Allemands ayant besoin de la voie d'eau et de la batellerie. Tout ce qui se rattache à celle-ci est soumis à un régime de faveur. Par contre les cartes d'alimentation sont souvent difficiles à obtenir, le marinier n'étant jamais au même endroit. Alors leur seul recours est le marché noir ou le troc. Le charbon était souvent une monnaie d’échange. »113

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François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 André Miquel et sa famille – des barquiers du Midi - n°69 - 2013 112 François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 113 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 111

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Carte de charbon pour le chauffage – pour les autres usages du charbon il y a d’autres cartes. Coll. Guillaume Kiffer

Le « système D » Ayant de la place sur le pont du bateau, les bateliers élèvent quelques animaux comme des lapins ou des poules et pratiquent beaucoup la pêche ce qui fait des protéines gratuites... « En 44, vers le 20 septembre, la Wehrmacht a fait sauter un bateau de sucre. La nouvelle s'est répandue à dix kilomètres à la ronde : avec des gaffes, nous avons sorti des sas de 100 kilos, emportés sur le cadre d'un vélo ! Le maire de Bauzemont nous a demandé de réserver quelques sacs pour les personnes âgées, ce que nous avons fait bien volontiers. Le sucre a bien séché, étalé eau soleil sur un drap. »114« Lors de ce transport de Strasbourg à Rouen, plus exactement SaintEtienne-du-Rouvvray, je m'étais promis de ne pas quitter l'Alsace sans avoir fait provision de pommes de terre ! Nous avons démarré un samedi, vers le 20 septembre 1941. La récolte des pommes de de terre était en cours. Le lendemain, le dimanche, nous faisons halte vers 16h00 au pont de Hochfelden (Bas-Rhin). C'était la fête.115 114 115

François Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 François Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30

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Au village, je suis entré dans un café en habits du dimanche pour prendre une boisson et demander au tenancier s'il pouvait m'indiquer quelqu'un qui pourrait me vendre des pommes de terre. Il a appelé un homme. Le dialogue s'ensuit : Mais au fait, où allez-vous avec votre bateau ? A Rouen Mais alors vous passer par Paris et Conflans-Sainte-Honorine ? Ben oui Alors, nous avons de la famille par-là, qui crève de faim ; vous pourriez leur emmener aussi des pommes de terre ? Pas de problème ! Quelle quantité ? Tout ce que vous voudrez ! Chacun a apporté de qu'il vous pouvait, avec, en plus des pommes de terre, des colis confectionnés par les femmes, du lard, peut-être du beurre, des œufs et un petit sac de pommes ! J'ai rempli de pommes de terre le coffre à avoine qui fait bien dans les 500 litres, le tout bien recouvert de paille. Ce fût une nuit de folie, le petit vin blanc et la bière aidant ce chargement clandestin. Je pense qu'il y en avait bien pour deux tonnes ! Je ne suis pas allé jusqu'au bout de ce voyage ayant été arrêté lors de notre passage à Nancy le 30 septembre. Ma patronne a fait ce qu'il fallait faire ayant les adresses des destinataires. Il n'y avait pas encore de quai à Conflans et tout fut transbordé par bachot ! Le commis qui m'avait remplacé... » « Pendant la guerre on a utilisé le tabernacle pour élever des lapins et des poules, pour améliorer l'ordinaire ; certains y élevaient des pigeons ; j'y ai même vu une chèvre ! »116 Une autre histoire de patates, « à Aubervilliers, dans une ferme nous avons la chance de trouver une tonne de pommes de terre, quelle aubaine, les fermiers ne voulaient pas les donner aux Allemands, ils nous font un petit prix, où les mettre ces patates? Il gèle. Jean trouve une solution, dans le couloir de la chambre, la nôtre, il fait trop froid devant sans la cabine aussi pour le moment nous couchons dans le lit de famille et les gamins sur un matelas par terre, nous avons juste du charbon pour la cuisinière de la cabine arrière les pommes de terre sac par sac dans le couloir, juste une place au bout pour nous passer, et la par-dessus un petit matelas, où mon petit frère Jacques dort. » 117

« Pour une fois note père devient braconnier et tire un canard tapi dans les roseaux, presque à bout portant avec sa carabine. »118 « A chaque changement de zone, nous avions d'autres tickets d'alimentation. Si nous sortions de France, il fallait les rendre au jour le jour. On arrivait toujours à tricher un peu, c'est le système D. 116

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F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 – 1993 Jacquelin Hesbert – archives Cité des bateliers

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002

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Dans la région parisienne, on avait inventé un règlement où chacun devait être inscrit chez son épicier habituel, pour avoir une ration de vin par personne. Naturellement, les mariniers inscrits nulle part n’avaient rien à espérer. A la protestation générale, on désigna plusieurs détaillants dans les agglomérations fréquentées par les mariniers. Il suffisait de montrer les papiers du bord pour obtenir ces fameux litres de vin, autant par bateau. Il ne restait plus alors qu'à faire la queue chacun à son tour pour acheter quelques topinambours pour pouvoir oublier un peu des misères de l'occupation et récupérer des vitamines. De Belgique, on rapporte de la chicorée. En France où elle est rare, elle aide à accepter l'infecte orge grillé qui remplace le café. Il y a aussi du tabac ; sauf que sur le « Baïse », où nous avons quatre cartes de fumeurs sans que personne ne fume. »119 « Affrété il y avait toujours la possibilité d'aller doucement, c'était le credo de mon père. Cela lui permettait d'appliquer sa priorité : le ravitaillement, d'aller de ferme en ferme pour revenir avec un peu de lait, quelques œufs à vélo pour élargir le champ des recherches. »120 « Mon père était un pêcheur invétéré. En plein été, il se levait tôt, quatre heures du matin.... Le soir, papa et moi de corvée pour écailler la friture. Maman ne voulait pas se charger de cette besogne, mais comme disait papa : « Elle savait bien les manger ». Pendant la guerre il faut être débrouillard. Un soir, des allées et venues d'hommes dans le noir nous intriguaient, nous les petites. Papa et parrain s'étaient arrangés pour trouver du café vert, car n'ayant plus de café, nous buvions de l'orge brûlée, du malt comme on disait ; ils se dépêchaient, un sac de café vert sur le dos, à rentrer la nuit. Il ne fallait pas se faire prendre. Nous avions un bruloir, genre de boîte cylindrique munie d'une manivelle pour tourner sur la flamme du feu. Cette torréfaction d'amateur fumait énormément et dégageait une odeur à plusieurs centaines de mètres. Il y avait vraiment de gros risques ! »121 « Depuis deux ans déjà nous vivions de justes rations alimentaires. Le petit déjeuner est composé chaque jour d'une tartine grillée, d'un bol de malt et de la saccharine, peu de chocolat, pas de sucrerie, mais des topinambours et des rutabagas ! … (Le repas de la communion) La veille, mon grand-père fait le tour du pays d'Essars-les-Béthune (Pas-de-Calais) au complet. Il explique qu'il recherche de quoi faire un petit repas. Il revient tout joyeux avec un demi-lapin. Nous sommes neuf convives. Mais c'est une belle journée quand même. »122 « Chaque jour, ma grand-mère m'envoyait vers onze heures chercher de la soupe populaire dans la maison au porche gris qui se trouvait sur le quai de la ville. Ma 119

Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 Raymond Carpentier – 2020 121 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 122 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 120

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marmite au lait à la main, je fais parfois la queue un quart d'heure. Si j'allais trop tôt le jus était clair car les légumes tombaient dans le fond de la grande marmite. Si j'allais trop tard il n'en restait plus. Grand-mère me recommandait bien de demander à la dame chargée de la distribution de bien remuer. Nous avions le droit à deux louches par personne. »123 « En attendant la rentrée des classes je faisais le ramassage des pommes de terre avec mon père. Un jour papa trouva une très grosse pomme de terre. Le fermier aurait eu un prix au concours si elle avait pesé cinq cents grammes, mais elle n'en pesait que quatre cent cinquante. Il nous l'a donné, nous rayonnions de bonheur. Nous avons le soir même fait des frites avec une tranche de lard frais en grillade. Au cours de ce déplacement, le bateau côtoya la zone libre, la rivière servant de ligne de démarcation. Un soir, alors que nous stationnons près d'une ferme dans la zone libre, je ne sais par quel miracle, ma mère débrouillarde réussit à se procurer quelques centaines de kilos de pommes de terre. C'était une denrée rare et combien précieuse en ces temps d'occupation. Pour les conserver sans risque, mon père les conserva dans des sacs en papier, (ceux qui servent normalement pour le ciment) et les entassa dans le couloir de la chambre, mon petit matelas dessus pour les cacher. Moi, c'est à ce moment que remonte mes premiers souvenirs, je disais à tout le monde : « Je dors sur les patates ! » … Est-ce parce qu’il s'agissait de nourriture que je m'en souviens ? »124 « Pour se nourrir, c'était la débrouille. Papa pêchait des journées entières et maman, n'ayant peur de rien, courrait les fermes des environs pour échanger ce poisson conte quelques denrées dont elle manquait pour faire bouillir la marmite. »125 « ça claquait du bec dans les villes » pour le ravitaillement126 « La nourriture dans ces temps difficiles est une priorité quotidienne. Par exemple faire du beurre avec une bouteille et du lait de ferme pour le petit ou revendre au marché noir un grand sac de haricots obtenu à une écluse dans un restaurant à Billancourt. »127

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 – 2019 125 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 – 2019 126 Roland Langlin – 2019 127 Simon Desselle, 85 ans - 2020 124

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Le troc et le marché noir

Extrait de jaugeage – document important afin de vérifier si de la marchandise n’a pas été sortie lors du voyage. - Coll. Roland Langlin

Il y a l’échange d’une partie de la cargaison transportée en cale contre des vivres auprès des agriculteurs le plus souvent ou vente à des particuliers qui font la queue. 81


Les mariniers préfèrent de ce fait charger du charbon, mais attention à sa composition, plutôt que du laitier ou sable. « Les cartes d'alimentation de suffissent pas, surtout que les rations diminuent. Alors vient l'époque du troc. Un cochon contre un moteur électrique. Du gazole du moteur contre du beurre. A la tombée de la nuit les mariniers devinent braconniers et tendent des filets sur les rives aux îles. La pêche n'est pas toujours fructueuse mais il y a quelques fois de belles prises. Et la nature donne généreusement des pissenlits ou des fruits suivant les saisons. Une autre astuce dans cette époque de pénurie, c’est le tannage des peux de lapins pour faire un manteau pour l'hiver pour les filles. »128 « Les personnes qui avaient pu stocker des marchandises, les revendaient à un prix fort élevé. On appelait cette vente « le marché » noir. On faisait des échanges, du tabac contre du pain, par exemple. C'était le troc. »129 « Est-ce que les mariniers ont fait du marché noir ? Sous l'occupation, il représente l'une des préoccupations des Français. Les bateliers n’échappent pas à la règle.130 Le marinier a pour lui la resquille de quelques sacs de charbon pris dans la cargaison, d'où cette compétition pour charger des boulets ou des galettes plutôt que du sable et du minerai. Bien sûr, on contrôle le poids. Il suffit de relever exactement l'enfoncement du bateau sur les six échelles graduées sur la coque, à vide et à charge, et on trouve le tonnage correspondant avec la lecture du carnet de jaugeage. Sur nos péniches de trente-huit mètres cinquante, le centimètre donne en général 1.800 à 1.900 kilos. Mais on peut voir mal ces échelles si on louche sur une demi-Livre de beurre ou un paquet de tabac. Du poussier maigre, c'est ce dont nous nous sommes chargés quand, à l'écluse d'Omissy près de Saint-Quentin, deux gendarmes demandent pour acheter un sac de charbon : « On n'a pas troc » dit le brigadier « mais nous payons ». Nous avons du mal à faire admettre que le poussier ne brûle pas et, qu'en plus, nous n'en vendons pas. Alors, l'homme se fâche : « Bon Dieu ! » S’écrit-il, « bien qu’on soit gendarme, on a aussi des enfants ». Nous leur donnons chacun un sac bien pesé et, malgré les protestations de notre père, ils nous mettent de l'argent de force dans la poche. » « Quand les réserves étaient basses, il fallait parfois faire du troc. Il conservait toujours un peu de gas-oil en réserve stratégique dans les cuves. Le copinage marche à plein pour toucher du gas-oil auprès des stations qui aurait été approvisionnées, le carburant c’est surtout pour les remorqueurs. »131 « Une partie des économies sur le gas-oil permettait à mes parents d'acheter chez les fermiers un peu de nourriture, le lard, beurre, lait, œufs ou légumes. C'était du 128

Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 128 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002 128

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Raymond Carpentier - 2020

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marché noir, mais il fallait bien vivre. »132 Mais comme le rappelle le Journal de la Navigation « De graves sanctions sont prises contre certains mariniers pour vols de cargaisons avec le tableau des noms et des peines. »133 Le travail à terre La contrainte fait nécessitée. Il y a de longues périodes d'immobilisation des mariniers. Ceci soit à cause des dégâts aux infrastructures qui empêchent la circulation. Mais également quand les bateliers décident de se mettent en retrait de disponibilité pour tenter d'échapper aux voyages requis. De ce fait il faut trouver des revenus afin de vivre ou survivre pendant ces années sombres. Ils vont accepter tout et n'importe quoi en espérant pouvoir reprendre leur métier le plus tôt possible. « En juin 40, mon frère est bloqué à Langres sur le canal de la Marne à la Saône, me demande si je veux bien reprendre mon emploi de matelot lors de la reprise de la navigation. Mais j'ai vite trouvé un emploi de bûcheron à la scierie Couturier de Langres qui exploitait un bateau plat en bois, équipé d'une grue manuelle. Nous faisions du débardage en forêt avec les chevaux de la scierie, nous rapprochions les grimes du bord du canal avant de les embarquer à l'aide de la grue. »134 Toujours dans le Sud, ils sont sans travail mais les remboursements de leurs emprunts sont insuffisants aux dires de Carbenzol qui ne cesse de les rappeler à Paris. Ils font de petits travaux qui rapportent surtout une compensation alimentaire. Travail dans les vignes, faire des réparations jusqu'en Lozère pour une entreprise d’électricité.135 Ils vont faire une longue attente là où ils sont. L'herbe est abondante et verte pour les poules et les lapins. Charles trouve un travail dans une tuilerie et Xavier est employé pour garder les ponts. Ils logent sur le bateau mais la journée ils font du « camping » en face du bateau jusqu’à l'automne.136 Au début 1943, emploi dans une menuiserie jusqu'à la libération. D'autres bateaux restent très longtemps à l'abri avec eux, le Celtic et le Forézien.137 « Nous sommes moins malheureux que ceux qui ont perdu leur bateau et qui travaillent à terre. Pour beaucoup qui ne rembarqueront qu'en 1950 ou 1955, souvent loin de leur région où leurs enfants se seront mariés. »138 « En 1940, nous y restons cinq mois, le temps de remettre les canaux démolis par les bombardements en état de navigation. Les hommes travaillent aux ponts et chaussées, au déblayage des canaux mis à 132

Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 Journal de la navigation - 01/1/43 134 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 135 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 133

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Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 138 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 137

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sec par endroit. »139 « Du 12 décembre 1941 au 9 mars 1942 nous étions à Strasbourg bloqués par un terrible hiver. Mon père avec mon parrain a travaillé à terre. D'abord pour un marchand de charbon, ils descendaient les sacs de charbon sur leur dos dans les caves. Ensuite ils ont travaillé pour la brasserie Kronenbourg. »140 Le père travaille au carreau de la mine à Béthune et sa mère cherche un bateau pour rembarquer. Par relation, un bateau, le José est trouvé au chantier Marcel de Clé. Les voilà salariés jusqu'en 1946. Ils le louent puis l'achète en 1952. L'inconvénient est que ce bateau à sa coque trouée et abîmé au point que son père fait glisser son bateau sur les fonds vaseux pour colmater les trous ou pomper régulièrement sur trois pompes à l’avant, à l’arrière et au niveau du mât par le fils de 5 ans et la sœur de 14 ans.141 Tout ce qui peut rapporter un peu d’argent est tenté : « Si vous voulez trouver du bois, n'importe où à terre, dans l'eau, le scier, le couper en petit bois pour faire des fagots et les vendre dans les alimentations ou bistrots et ainsi fut fait avec Paul et Michel nous avons fait des fagots et réussit à les vendre à Paris ou Saint Denis et gagner un peu d'argent de poche. »142

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 141 Simon Desselle, 85 ans - 2020 142 Jacquelin Hesbert – archives Cité des bateliers 140

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L’aide sociale aux mariniers L'Entr'aide Sociale Batelière sous Vichy Afin d'aider et de secourir les populations marinières, une importante organisation liée au Secours National va se développer en France durant la période 40-44. Les œuvres sociales ont une dimension politique. Elles sont associées au contrôle social et moral de la population française. L’organisme domicilié sur le Je Sers à Conflans-Sainte-Honorine est sa branche chargée de la population batelière. L’action de l'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre dépasse très largement le secours aux populations. Elle est intimement liée à son fondateur ainsi qu'aux années précédant 1940. L'abbé Bellanger, le fondateur Il est né à Sablé dans la Sarthe en 1898. Les récits présentant l'abbé commencent son histoire à son action durant la Première Guerre Mondiale. Lieutenant séminariste, il commandait un corps franc, sorte de commando, du 19ème régiment d'infanterie sur le canal de l'Oise à l'Aisne. Ses hommes étaient principalement des mariniers sous l'uniforme. 143 C'est à la demande d'un de ses hommes, sergent du génie pontonnier et marinier du midi, l’exhortant à œuvrer sur le plan social, moral et religieux pour la population marinière qu'il fit la promesse de s'y atteler à l'occasion du décès sous les balles du dit sergent. Il est gravement blessé à la tête et songeait à cette promesse sur son lit de convalescence. En 1924, devenu abbé, il en fit le serment. De 1927 à 1933 il est en poste à Draveil. Enfin en août 1933 il est nommé à la fois aumônier de l'institut de la Tour à Conflans-Sainte-Honorine, une école privée pour jeunes filles et aumônier général de la batellerie. Après deux ans de consultations en France, surtout dans le Nord, et en Belgique des œuvres religieuses et sociales consacrées à la batellerie, il décide de créer l'Entr'aide Sociale Batelière (E.S.B.) en 1935. Il fait l'acquisition d'un ancien chaland construit en béton en 1919, le Langemarck, qu'il baptise Je Sers en 1936. Le bateau sera un outil multifonction en étant tout à la fois chapelle flottante, siège de l'E.S.B. et bureau de deux syndicats professionnels bateliers. L'E.S.B. avant la guerre A la création de l'association la situation de la batellerie en France est la suivante selon le compte rendu de l'Assemblée Générale de l'E.S.B. du 15 juillet 42 :144 - 28.516 personnes avec 8.909 sur automoteurs et 2.163 sur des bateaux transportant des hydrocarbures. 143 144

Annette Pinchedez - Les Bateaux-Chapelle, Ouvres religieuses et sociales - n°49 - 2003 Archives E.S.B. – archives MBVN

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Au total il y avait environ 40.000 personnes : 15.000 hommes, 10.000 femmes et 15.000 enfants. A cela s'ajoute 23.000 personnes travaillant à l'exploitation des voies navigables et les vieillards et enfants en pension. Nous arrivons à une population globale de 75.000 personnes environ. - Les bateaux immatriculés en France : 12.553 dont 10.407 péniches et 2.146 automoteurs. 5.300 péniches et 1.457 automoteurs sont la propriété de 6.757 artisans qui ne possèdent qu’un seul bateau. Il y estimation de 6.000 péniches et de 700 automoteurs en bois. En fer il y a 4.500 tractionnés et 1.400 automoteurs. C’est donc une population plutôt nombreuse répartie sur un vaste territoire qui est le public cible de l’association. Le Conseil d'Administration, présidé par l'amiral Lacaze, met en place des actions diversifiées car il les juge complémentaires devant l’ampleur de la tâche. Tout d'abord une aumônerie avec une mission d'évangélisation. Il y a aussi un centre d'aide social avec des assistantes sociales. Enfin il dirige ou impulse un mouvement syndical alternatif. A l'appel de l'abbé Bellanger en 1935, un Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure, S.P.N.I., se constitue. En 1936, le S.P.B., Syndicat des Patrons Bateliers est créé. Il sera rebaptisé peu de temps après Syndicat National des Patrons Bateliers. Il est affilié au syndicat chrétien C.F.T.C. Il a 26 membres à sa création. Ils sont 106 le premier juin 1937. A la mi-42 il revendique 611 cotisants. Pourquoi créer de nouveaux syndicats ? Pour répondre à deux problématiques. Tout d'abord, le patronat marinier qui avait ses propres œuvres sociales, surtout concernant la santé, ne couvrait pas toutes les régions et surtout ne prenait pas en compte les artisans semble-t-il, qui représentaient quand même 55% des navigants. Deuxièmement, il y aussi la lutte idéologique vis à vis des syndicats bateliers affiliés à la C.G.T. communiste. Cela s’illustrera par le souvenir des centaines de manifestants communistes lors de la grève à Douai qui perturbent une messe pour les bateliers en 1936.145 Dès avant la guerre les syndicats domiciliés au Je Sers font déposer plusieurs projets de lois à la Chambre des députés. Par exemple une proposition de loi tendant à assimiler les bateliers aux artisans en 1938 ou la proposition de loi visant à accorder le système des allocations familiales aux petits patrons bateliers en 1937. Seule cette proposition sera adoptée en 1947 lors de la création de la Sécurité Sociale universelle en 1945. Donc dès avant la guerre et surtout la Révolution Nationale de l’État Français, l'E.S.B. a l'organisation, la logistique et une vision des choses qui seront décuplées avec le nouveau contexte historique. 145

Allocution Bellanger 31/01/1950 - 15ème anniversaire de l'ESB – archives MBVN

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Le Je Sers en 1940 Lors de la Bataille de France de mai – juin 1940, le Je Sers est choisi par le ministère des Travaux publics comme centre de ralliement pour les bateliers et leur famille en provenance des Ardennes et du Nord qui pouvaient fuir l’avancée des combats. Quelques semaines plus tard, ordre lui fut donné par l'administration de quitter Conflans pour Montereau. Le 9 juin, remorqué par l'Essor de la S.R.B.R et suivit par les péniches José et Tyne, il remonte la Seine puis l'Yonne. Il doit cesser sa progression ne pouvant franchir à cause de ses dimensions l'écluse de PortRenard, près de Pont-sur-Yonne. Il transporte 150 réfugiés et 300 en comptant ceux des péniches qui l’accompagnent. En août 40, quand le mouvement de panique qui conduisit à l'Exode cessa, il revient à Conflans. Voici comme la presse présente le Je Sers en 1941 : « Pas de petit village qui n'ait « son » église ni de humble hameau perdu dans la montagne n'ait « sa » chapelle. Pour les mariniers éternels errants dont les habitations flottantes vont au gré du hasard par les canaux des plaines, ce n'est guère que lorsqu'ils sont de passage à Conflans-Sainte-Honorine qu'ils ont, eux aussi, « leur » chapelle. C'est dans une péniche comme les autres, amarrée au long des quais de Conflans, que l'aumônier des mariniers a aménagé l'originale chapelle où, chaque dimanche, comme dans n'importe quelle église, les bateliers viennent communier ou entendre la messe, une messe dite spécialement pour eux dans une nef flottante comme leur propre demeure. L'aumônier, qui partage la vie de ses rudes « paroissiens » ; vit à bord de sa péniche. Chaque année, les enfants du village mouvant qui se forme et se défait le long de la Seine, au hasard des chargements, font leur première communion dans la rustique chapelle des mariniers. Parfois aussi, à la faveur d'une escale, des couples de bateliers viennent y faire bénir leur union.»146 L'action de l'association dans la nouvelle France L'action et l’œuvre de l'E.S.B. durant la guerre puisent leurs origines dans deux courants « philosophiques » qui émergeaient dès avant la guerre :- Rationaliser le marché afin d'optimiser la navigation intérieure. Cela conduit à rechercher une structure de commandement pyramidale technocratique de la profession dans son ensemble. Ainsi, dès 1941, un intéressant rapport d'une trentaine de pages est produit par l'E.S.B. ce qui allait conduire à publication de la Charte de la Batellerie.147 - Un combat politique pour lutter contre l'influence communiste dans 146

Le petit parisien – 03/12/41 Essai d'organisation de la batellerie - avril 1941 - 64 pages Projet présenté par l'Entraide Sociale Batelière, avec la collaboration du Syndicat des patrons-bateliers et du Syndicat du 147

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les syndicats de la batellerie en mettant en avant les valeurs de la morale chrétienne du partage ou de l'entre aide mais aussi en affirmant l'attachement de l’Église à la propriété privée pour lutter contre le collectivisme communiste. 148

Image de propagande de Vichy. Sous la devise Travail, Famille, Patrie, le portrait du Maréchal Pétain en médaillon soutenu par une francisque. Au-dessus, il y a une scène de la France rurale et industrielle. Elle date de 1942. – Coll. Common wiki

personnels de la navigation intérieure. – archives E.S.B. - MBVN 148 Archives MBVN

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Les catholiques attendaient beaucoup de l'Etat Français, qui avait promis le 10 juillet de fonder la constitution sur le respect du Travail, de la Famille et de la Patrie. Depuis 1936, la France est bercée de promesses et de législation sociale qui peinent à compenser le brutal arrêt de la promotion ouvrière dû à la grande crise économique. 149 La position de l’épiscopat durant la guerre concernant sa position par rapport au nouveau régime est précisée dans le petit ouvrage « La Conscience Catholique en face du devoir civique actuel (lettre à un français) » publié en 1941. Il explicite la position du Pape Léon XIII qui avait dit que « l’autorité qui réside dans ceux qui ont le pouvoir légitime est indépendante des individus qui sont revêtus de ce pouvoir. Le fait de porter des lois qui ne satisfont pas tous les subordonnés n'enlève rien à cette autorité. » Ce texte rappelle que depuis le 11 juillet 1940, le Maréchal Pétain a été légalement muni des pleins pouvoirs pour promouvoir une nouvelle Constitution. Il cite la déclaration du chef de l’État du 31 août 1941 : « La France n'a qu'un gouvernement, c'est celui que je dirige avec les collaborateurs de mon choix. … Le Gouvernement n'a qu'une politique, celle, dont, seul, conscient de mes engagements, soucieux de l'honneur et de l'intérêt français, je prends la responsabilité devant l'Histoire. » « Voilà qui qui est net ! Il n'y a pas d’échappatoire possible : si l'on veut être vraiment avec le Maréchal, il faut également reconnaître son gouvernement qui participe à la légitimité du pouvoir auquel nous devons notre soumission » commente Maurice Lesaunier, directeur au Séminaire des Carmes, l'auteur de ce fascicule. Dans diverses archives et correspondances de l'E.S.B. on trouve des phrases comme celles-ci : faire œuvre de bons français dans l'union et la loyauté. » ou « De la sorte nous faciliterons des institutions nouvelles dans le nouvel ordre corporatif et notre action dans l'avenir sera plus féconde. »150 Donc dans un contexte de table rase du passé, alors que la très grande majorité des parlementaires français, députés et sénateurs, votent la mort de la 3ème République, il est temps pour des opportunistes d'avancer à visage découvert et de promouvoir leurs propositions afin d’implanter, durablement espèrent-ils, la « Révolution Nationale » incarnée par le Maréchal Pétain de 84 ans. C'est ainsi que l'idéologie mise en avant par l'E.S.B. et plus particulièrement par l'Abbé Bellanger se trouve en parfaite adéquation avec le nouveau régime. Plusieurs documents et lettres inédits en attestent : 149 150

M. Cointet- l'Église sous Vichy, la repentance en question- Perrin 1998. Courrier archives MBVN

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- Ménétrel, le secrétaire particulier et médecin du Maréchal, le 13 novembre 1943, stipule que le Maréchal à bien reçu la demande de l'Abbé sur l'ouverture prochaine des écoles batelières de Conflans. Il conclue qu'il transmet le cordial souvenir du Maréchal. L’abbé rencontre d’ailleurs deux fois le Maréchal. - Une lettre du 20 janvier 1942 de la vice-présidence du Conseil indique que : « l'ensemble de ces projets (ceux de l'E.S.B. du Je Sers) procède exactement de l'esprit que veut faire passer le Maréchal dans l'organisation professionnelle nouvelle et l'Entr'aide sociale batelière ne peut qu'en être particulièrement félicitée. La profession de la batellerie semble réaliser les conditions nécessaires à sa rapide organisation corporative et votre admirable activité trouverait là, M. l'Abbé, la consécration de vos efforts persistants. Je me permets donc de vous faire parvenir quelques projets de chartes corporatives de différents métiers déjà établis sous la direction de MM. Jean Paillard et Rouaix de la vice-présidence du Conseil. Ces projets ont l'avantage de respecter toute la même terminologie et le même classement. Le colonel Cébe espère vous voir à Vichy d'ici peu et serait heureux de vous aider à réaliser votre organisation corporative. M. Paillard d'autre part désirerait vivement prendre contact avec vous. Veuillez agréer, Monsieur l'Abbé, l’expression de mes sentiments distingués. » Signé : R ; de Padirac, collaborateur à la vice-présidence du conseil Hôtel du Parc 151

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Courrier archives MBVN

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Lettre venant de Vichy depuis le cabinet de la vice-présidence du conseil adressée à L’Abbé Bellanger. – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.

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Verso de la lettre venant de Vichy depuis le cabinet de la vice-présidence du conseil adressée à L’Abbé Bellanger. – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.

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Correspondance avec l’Abbé Bellanger de Vichy. Signé par le secrétaire particulier et médecin personnel du Maréchal - Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.

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Il est clair que l'Abbé Bellanger est dans les petits papiers de Vichy et sans doute à la manœuvre comme l'indique un autre courrier qu'il a produit en note complémentaire au sujet du futur Comité d'Organisation de la Batellerie. … « l'Entr'aide Sociale Batelière, la seule organisation sociale sur le plan national, étendant des diverses services par ses vingt filiales tout au long des voies navigables a mis sur pied un projet d'organisation sociale qui a retenu spécialement l'attention du Ministère des Travaux Publics. Aussi lui a-t-on demandé officiellement de former une liste de personnes, consciencieuses et dévouées, susceptibles de composer ce Comité. Nous avons suivi ces directives et présenté la liste ci-jointe, nous tenant en dehors de toutes questions politiques et confessionnelles ne recherchant que les hommes les plus aptes à remplir dignement leur rôle. » Un courrier du Syndicat S.P.N.I. domicilié au Je Sers, daté du 25 août 1942 explicite longuement les raisons de son choix d'adhérer totalement à la Révolution Nationale et quelles sont les conditions nécessaires à cette politique. « Nous tenons d'abord à affirmer notre intention formelle d'appliquer la Charte du travail, considérée par nous comme un instrument juridique permettant de dépasser le libéralisme, sans tomber dans l'étatisme. Pour élargir le débat, nous estimons qu'un redressement énergique du pays est absolument nécessaire... Aussi, le choix des hommes va-t-il être particulièrement important, non seulement parce que les institutions valent ce que valent les responsables, mais parce qu'il s'agit d'opérer une transformation profonde qui heurte des habitudes, des intérêts et des positions acquises.... Nous apportons toutefois deux réserves essentielles : - Il est nécessaire de ne pas reconstituer les équipes qui prétendaient monopoliser la vie syndicale d'avant-guerre. Il faut des hommes nouveaux pour faire passer dans les faits des idées nouvelles. Si, pour se sauver le pays faisait appel aux hommes qui l'ont conduit à sa perte, il se préparerait une défaite sociale après la défaite militaire et donnerait au monde un des signes les plus tragiques de l'épuisement d'une nation … n'amène pas (les nominations) à la tête de la Corporation des employeurs démurés fidèles aux méthodes du libéralisme ou des anciens tenants de la lutte des classes. Sur ces points, notre pensée se réfère à celle du chef de l’État qui disait dans son message de janvier 1942 : « J'ai le devoir de considérer comme des ennemis de la révolution nationale ; les détracteurs systématiques de l’œuvre de rénovation, entreprise par le gouvernement, en particulier les professionnels de l'ancien syndicalisme, qui tentent de saboter la Charte du Travail, et certains patrons anti-sociaux qui se soustraient par égoïsme ou par espoir de revanche, à nos communes obligations de reconstruction sociale. » 94


Il nous paraît également capital que les Compagnies ne puissent s'assurer une influence prépondérante leur donnant, en fait, la maîtrise de la Corporation. Aussi, tenons-nous à l'indépendance des représentants artisanaux et des représentants des salariés. - D'autre part, il faut évidemment chercher à composer une commission aussi réduite que possible. » Cette Commission se compose de trois catégories à trois postes chacun.152 Le S.P.N.I. propose dans ce courrier ses hommes à ces postes. « patrons-bateliers : Monsieur Wattiau Alcide, secrétaire du Syndicat des patrons bateliers. Il est annoncé qu'il a 1400 bateliers inscrits Coopératives : Monsieur Pieplu Auguste, gérant de la S.R.B.R. Maître-bateliers : Monsieur Fraigne, maître-batelier. Le courrier continue en réglant des comptes avec d'autres syndicats de la batellerie. Le S.N.N.F., Syndicat National de la Navigation Fluviale, réserve faite sur la légalité de son existence, ce dernier a été créé par les dirigeants de l'ex-Syndicat Général de la Marine Fluviale, dissous pour activité communiste le 20 décembre 1939… Nous souhaitons que deux postes fussent accordés au syndicat du personnel de la navigation intérieure, d'abord parce que c'est la seule organisation qui a soutenu les principes qui animent la Charte … et ensuite, parce que c'est un syndicat en plein développement, aux effectifs plus élevés que ceux du groupement récemment créé et dont l'influence s'exerce sur les navigants par l'intermédiaire de plus de mille bateliers. Le syndicat des Patrons-bateliers et le Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure tiennent d'ailleurs une liste de leurs membres actuels à la disposition des services du ministère des Communications. Nous proposons donc les noms suivants : Employés : Monsieur Morice, secrétaire du Syndicat du Personnel de la Navigation Intérieure, à bord du « Je Sers » à Conflans-Sainte-Honorine. Navigants : Monsieur Hertoghe René, adhérent du S.P.N.I. … telles sont, Monsieur le Directeur, les solutions qui nous paraissent répondre le mieux aux besoins de notre Corporation. Nous les avons étudiés avec le double souci d'éviter les compromissions qui aboutissent finalement à la division des Français, et de propager l'indispensable union de tous dans la Corporation organisée. » Un peu plus loin la liste des « indésirables » commence à la suite de ce long courrier : « Qu'il nous soit permis de vous signaler ceux-ci pour mieux les évincer : - Mr SENECAUX, franc-maçon, Directeur de la plus grande entreprise de Navigation, a tout fait pour anéantir l’artisanat. - Mr PIEPLU, arriviste de 1er ordre, de triste moralité, véritable girouette qui a 152

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monnayé pendant deux ans un Syndicat communiste et par l'argent et les combinaisons tâche d'obtenir le plus possible de prébendes. - Mr LETERRE, artisan, véritable « minus habens », incapable à tous les points de vue. - Mr LALOUETTE, ex-artisan, condamné pour vol, qui a fondé les cellules communistes de la batellerie.

Télesphore Lalouette avant la guerre. – In site « deporte-politiques-auschwitz.fr »

- Mr LOUIS LOUIS, franc-maçon, condamné deux fois. - Mr DELVAL, franc-maçon, ex-conseiller général du parti communiste et excheminot, qui depuis 1936 prétend défendre les intérêts bateliers. - Mr HIRAUX, chef de service à la compagnie Générale de Navigation, sectaire redoutable dans le domaine social. » La délation était devenu un « sport national » durant la guerre. Mais les conséquences pour les personnes dénoncées pouvaient être mortelles. Nous avons retrouvé plusieurs de ces personnes dans les archives : - Téleshore Lalouette, marinier du Pas-de-Calais, né en 1901 adhère en 1921 à 96


Dunkerque au S.U.B., Syndicat Unique de la Batellerie, au côté de Roger Blankaert153. Il mène en 1933 l'action en faveur des bureaux de tour et pour la réglementation des heures de travail. Au cours des années 1930, il adhère au parti communiste, devenant chef de la cellule des bateliers selon la police. En 1936, il est exclu du S.U.B. par Blankaert et fonde à Douai une section des bateliers artisans, S.B.A., affiliée à la C.G.T. En 1939, son syndicat avec près de 1000 adhérents dépasse les effectifs du S.U.B.. En octobre 1941 il fait partie d'une liste établie par le commissaire de police spéciale de Beauvais qui comprend les communistes de son arrondissement remise à la Kreiskommandantur. Le 20 octobre 41 il est arrêté par le Felgendarmerie et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne. 154 En mai 42, il est sur le point d'être libéré de l'internement car considéré alors comme personne « non susceptible d'être dangereuse » au moment où l'on désigne des otages. Mais entre avril et juin 42, il est sélectionné avec plus d'un millier d'otages désignés comme communistes et une cinquantaine de personnes désignées comme étant juives dont la déportation a été décidée en représailles des actions de la Résistance contre l'armée allemande. Le 8 juillet 42, après deux jours et demi d'un voyage éprouvant dans un wagon à marchandises, il arrive au camp d'Auschwitz. Il y meurt le 15 août 1942. - Sénécaux : Une lettre de l'Amiral Lacase, le président de l'E.S.B. indique que le comité d’organisation professionnelle de la batellerie présidé par M. Sénécaux « est composé en majorité de Directeurs de Compagnies de navigation fluviale qui jusqu'à présent, ont toujours repoussé les propositions de l'E.S.B. ». Le litige porte surtout au sujet de la caisse d'allocation familiale. Son entreprise deviendra Touax. Les syndicats hébergés par l’E.S.B. dénoncent aussi des personnes qui vont pourtant dans le même sens de l'Histoire, du moins celle qu'il désire. - Charles Marcel Delval, né en 1894 à Tergnier, secrétaire général de la Fédération syndicale de la batellerie de 1936 à 1939. Auparavant il a été mécanicien aux cheminots et militant communiste dès 1924. Il est en désaccord avec le Pacte Germano-soviétique d'août 39, comme T. Lalouette, et il démissionne publiquement du Parti communiste en novembre 1939. Il adhère au P.P.F., Parti Populaire Français de Jacques Doriot, un parti particulièrement collaborationniste, et devient membre du comité central du POPF, Parti Ouvrier et Paysan Français, de Marcel Gitton et Marcel Capron. A la Libération, la C.G.T. l'exclu à vie de ses membres et il est condamné en avril 48 à 5 ans de dégradation nationale. Il meurt à Charenton-le-Pont en 1966.

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Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat - 2005

154

https://politique-auschwitz.blogspot.com/2010/10/lalouette-telesphore-gerard.html

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- Louis Louis : 1883 à Hasnon (59) et 1963 à Dunkerque Président du syndicat de la batellerie du Nord, membre de la commission administrative de C.G.T., membre de la S.F.I.O. » jusqu'en 1932 puis du Parti Socialiste de France en 1933. Il a eu une activité très importante durant la première guerre mondiale concernant la mise en place des bureaux de tour sur la Seine.155 En 1940, il est membre du comité consultatif de la navigation intérieure au ministère des Travaux Publics en tant que Président du Conseil d’administration de « la Petite Batellerie », une coopérative ayant eu des déboires financiers dans les années 30. Le 12 novembre 1940, donc après l'installation de Vichy, il est nommé au comité d'organisation des transports par eaux comme représentant des groupements artisanaux. Il cherche à ce que les syndicats de la navigation fluviale se détachent de la Fédération des Ports et Docks, au sein de la C.G.T. qui est aussi une fédération syndicale, pour qu'ils se constituent en fédération particulière. Il est partisan d'une active politique de présence dans les organisations de la Charte, il intrigue en vue d'en décrocher une responsabilité officielle. Il ne cessa de multiplier ses offres de service, ce qui, loin de lui assurer un regain de représentativité, acheva de la discréditer. Les échecs essuyés entretinrent une amertume propice, le contexte aidant, aux pires déviations. En juillet 41, il appela les adhérents du syndicat général de la batellerie à « pourchasser » et à « signaler » les communistes. En février 1941 dans le journal « l'Atelier », il se prononce en faveur d'une « véritable Charte du travail » en se plaçant sous le double patronage de Jaurès et du « grand soldat de Verdun ». En mai 42 il assure haut et fort le gouvernement Laval de la « collaboration loyale de la batellerie » tout en protestant de son maintien en dehors des organismes de la charte. En février 43, après avoir sollicité les autorités allemandes, il participe aux travaux de la commission corporative de la navigation intérieure. Mais il est exclu de nouveau et il s'en plaint à Laval en disant que cela provoque « un malaise dans les milieux syndicaux » et favorise la « propagande bolchevique ». Dans l'ouvrage « le syndicalisme dans les transports sous Vichy »156 , on peut lire le commentaire suivant sur ses gesticulations : « Le petit syndicat général de la batellerie artisanale qu’anime Louis Louis, un exconfédéré dont la frénésie épistolaire ne parvient pas à occulter la faiblesse rédhibitoire de sa vingtaine d'adhérents... ». A la Libération, la Commission de reconstruction nationale des organisations professionnelles des travailleurs l'exclue à vie du mouvement syndical.157

155

https://maitron.fr G. Stoquert – dans Le syndicalisme dans la France occupée - P.U.R -2015 157 https://maitron.fr 156

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L'Entr'aide Sociale Batelière par ses actions tous azimuts sur tout le territoire 158 se veut non seulement sociale mais aussi politique. Tous les moyens sont bons pour écarter, voire éliminer, des adversaires ou surtout des concurrents qui vont dans le même sens idéologique.

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La liste des centres ESB : sans compter Conflans-Sainte-Honorine qui est le siège. Région Nord : Dunkerque, Bethune, Lille, Douai, Bassin Rond, Vandhuile Région Est : Reims, Charleville, Nancy, Saint Dizier et Vitry-le-François Région Parisienne : Rouen, Janville, Meaux et Saint Mammès Région Centre : Montargis, Bourges, Montceau-les-Mines, Roanne et Lyon Région du Midi : Bordeaux, Toulous et Séte)

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Lettre de « recommandations » ou de dénonciation des « personnes indésirables ». – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N.

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102


Document recto-verso de l’E.S.B. expliquant sa démarche d’aide et ses raisons politiques. Il faut remarquer l’appel contre le communisme et le « matérialisme envahissant ». – Coll. Archives E.S.B. / Coll. M.B.V.N. 103


Les activités d'aides et de secours à destination des populations marinières souffrantes sont indéniables. Les chiffres de l'action sociale sont donnés par Bellanger lui-même dans le rapport moral du 26 janvier 1948 : « de 39 à 44 a procuré des vêtements à 2.400 familles sinistrées. Organisé des soupes populaires qui ont distribué 760.000 rations, envoyé des colis chaque mois d'abord à 250 mobilisés, ensuite à une centaine de prisonniers et déportés, secouru de nombreuses familles qui avaient perdu l'un des leurs par suite de mitraillage et de bombardement. » Ou encore dans le rapport du 1er trimestre 1943 sur le centre de Béthune : soupes populaires janvier 13.250 rations, février 11.520 rations et 12.960 en mars. Il y a les démarches pour obtenir en faveur des familles pauvres le renouvellement de leur literie et en faveur des femmes enceintes des layettes. Mise au point des dossiers de reconstitution du foyer familial. Envoi de colis à des bateliers prisonniers. Visite à la permanence en janvier, février et mars soit environ 240 par mois, 562 bateaux ont été visités depuis le 1er de l'an.159 Les secours se concentrent sur l'aide alimentaire, vestimentaire ou administrative. L'E.S.B. est la représentante du Secours National160 auprès de la population marinière.

Bon de solidarité émis par le Secours National au profit des populations civiles éprouvées par la guerre et des prisonniers de guerre en Allemagne. - Coll. A.A.M.B.

159 160

Archives E.S.B. - MBVN https://fr.wikipedia.org/wiki/Secours_national

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Il y a également toutes les activités religieuses et « politiques ». Les secteurs d'activités sont nombreux : centre de jeunesse, centres de l'entr'aide sociale batelière, organisation corporative, développement des syndicats, caisse de compensation, dossiers de sinistres, chômage dû au gel, familles d’accueil, jeunesse batelière chrétienne et école… Mais il y a le revers de la médaille qui est bien peu reluisant. Une biographie que l'on peut caractérisé d'hagiographique publiée en 2016161 présente l'Abbé Bellanger ainsi : « Courageux, modeste, oublieux de lui-même et entièrement dévoué aux autres, remarquablement efficace dans les actions qu'il entreprenait, à l'aise et humain dans ses relations avec ses interlocuteurs quelle que soit leur origine sociale, doué d'une autorité naturelle capable d'entraîner les tièdes et de venir à bout de tous les scepticismes et de toutes les oppositions : on voit mal ce que même un avocat du diable pourrait trouver à lui reprocher ! Un avocat du diable, en aurait-il un jour ? Ce serait un honneur pour lui, puisque cela signifierait que son procès de canonisation est engagé ! » Les trois pages consacrées à « l'activité pendant la guerre (1940 1945) » se partagent en deux parties de même longueur. Une page et demie sur l'exode du Je Sers en mai – juin 1940 et son retour à Conflans. Une page et demie sur le centre de secours aux victimes de « l'invasion » à Conflans. Une demi-ligne sur l'action syndicale « des centaines d'adhérents au syndicat créé sur le Je Sers ». C'est tout. Mais rien sur la constitution et l'organisation de la Charte de la Navigation où l'E.S.B. a été très présent, rien sur sa vingtaine de centres en France ou les écoles... Pour résumer l'activisme tentaculaire de l'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre on peut pasticher une chanson à la mode à cette époque : « Bellanger nous voilà ! »

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Joseph Bellanger, un prêtre au service des bateliers - Patrice Dupuy avec la collaboration d'Arnold Gautier, Raymond Carpentier, Père Yves Geneau, Josette Herry, Catherine Laignel et Annette Pinchedez - Conflans-Sainte-Honorine - juin 2016

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Le livre publié sur l’Abbé Bellanger. – Coll. Stephane Fournier

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Carte des centres de l’E.S.B. au lendemain de la guerre. Cahier de l’A.AM.B. Les bateaux chapelles par Annette Pinchedez. – Coll. Stephane Fournier

Les syndicats de l'E.S.B. Les 2 syndicats de l'E.S.B. en 1942, Syndicat d'artisans, S.P.B., a 860 adhérents et le syndicat des salariés, S.P.N.I, en a 611. Ils sont représentatifs dans la profession. Un long article de presse explique leurs activités en faisant un reportage sur une réunion du conseil du syndicat des patrons bateliers : « Le syndicat des PatronsBateliers, dont le siège est à bord du chaland Je Sers près du pont de Conflans-SteHonorine (Seine-et-Oise), nous communique : Le Conseil d'Administration du Syndicat des Patrons-Bateliers, réuni le 23 novembre, sous la présidence de M. Dupont, après avoir entendu les explications de son secrétaire, accepte à l'unanimité, l'ordre du jour sur les trois points suivants spécialement étudiés : - Modification dans l'affrètement. Reconnaissant que le système d'affrètement tel qu'il est actuellement pratiqué comporte de multiples inconvénients, qu'il 107


amène une usure rapide et prématurée du parc fluvial du fait de sa mauvaise utilisation : Considérant cependant que le « tour de rôle » représente un gage de répartition équitable du travail et que ce gage ne saurait être abandonné sans l'obtention d'une garantie au moins équivalente : Accepte d'étudier les directives gouvernementales concernant les Coopératives permettant l'exécution des transports offerts en fonction de leur intérêt collectif, la répartition des tâches et des profits d'une manière rigoureusement équitable. Précise qu'éventuellement ces coopératives devront s'insérer dans le cadre de la profession véritablement organisée ou l'Artisan aura la place qui lui revient, à la fois au Comité d'organisation et au sein des Comités sociaux. Proteste contre toutes constituions prématurées de Coopératives constitutions de nature à porter préjudice à l'ensemble de l'Artisan comme au principe coopératif luimême par l'incidence fâcheuse que ces Coopératives auraient pour les artisans non groupés. Pour nos sinistrés et nos prisonniers. - Caisse de secours aux sinistrés Ratifie l'action de son secrétaire quant au projet d'aide aux sinistrés et approuve entièrement le principe de solidarité devant servir de base à la création de la caisse de secours envisagée : S'étonne de l'accueil défavorable manifesté par les Représentants de l'Artisan au sein du Comité d'organisation ; Charge son secrétaire de faire, seul ou concurremment, avec tous autres organismes, toutes démarches utiles à l'obtention d'une aide rapide et efficace pour les bateliers sinistrés. - Taux de frets. Estime que les frets actuels sont encore nettement insuffisants pour faire face à l'accroissement des charges de la profession et pense qu'une majoration de 20% constituerait un strict minimum ; Charge son secrétaire d’établir une étude sur la question, de la soumettre aux dirigeants de la profession et d'en rendre compte à la prochaine réunion. »162 A la Libération Le rapport d'activités des années 43 – 44 daté du 5 avril 1945 indique qu'il y a une très importante chute des subventions de l’État ce qui empêche le maintien des services destinés à l’éducation. Il y a aussi la démission du président Lacaze, et du secrétaire Chaudru, qui veulent ainsi montrer leur opposition face aux restrictions budgétaires imposées. En 1947 il y a la constitution d'un « comité de dames » qui est qualifié de second grand événement dans l’histoire de l'E.S.B. Son objectif fut double : 162

Le réveil du Nord – 03/12/41

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- « - Faire connaître l'Entr'aide Social Batelière qui avait été si calomniée. - Permettre à notre œuvre de liquider le passif et, en unité de vues avec notre Conseil d'Administration, organiser l'avenir. »163 En février 48, dans un rapport l'abbé indique « … nos dettes n'étaient plus qu'un mauvais souvenir, comme du reste les calomnies diverses sur ma personne. L'avenir nous apparaissait tout auréolé d'espérances ».164 Le syndicat S.P.B. disparaît en 1947 165et le rôle de l'E.S.B. dans la constitution de la Charte de la batellerie est complètement occulté. En 1948 l'abbé Bellanger cède sa place à l'abbé Blaizot pour l'aumônerie. Il dirige jusqu'en octobre 1950 la revue La vie batelière 166ou J. Blaizot devient le directeuraumônier.167 L'abbé Bellanger, en 1951, à sa demande est déchargé de son ministère. Il est hospitalisé une seconde fois et de nouveau trépané. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1962. Il meurt en 1976 à Nice. L'Entr'aide Sociale Batelière existe encore de nos jours. Avec la diminution de la population marinière, l'E.S.B. ferma ses centres décentralisés et se concentre sur deux axes : évangélisation comme mission batelière et aide sociale. Bilan Ces révélations sur ces pages sombres de notre histoire n'ont pas pour objectif de juger les uns ou les autres mais elles visent à remettre en perspective les événements et les hommes. La mode est au déboulonnage des statues ou au changement de nom des rues à l'aune de nos jugements contemporains. Les choses ne sont ni noires ni blanches mais plutôt dans une infinité de nuances de gris. Qu'aurions nous fait dans ces circonstances ? Pensons à la célèbre photo de couverture du livre de Pierre Péan « une jeunesse française » où on peut voir un ancien Président de la République, socialiste, en face de Philippe Pétain et qui fut décoré de l'ordre de la francisque. Cependant il faut éviter d'avoir une Histoire sélective et regarder l'Histoire en face. L'Entr'aide Sociale Batelière durant la guerre a pris une position hégémonique dans la corporation batelière. Elle a placé ses hommes aux postes importants qui découlent de la mise en application de la Charte de la Navigation qu'elle a grandement inspiré idéologiquement en étant délibérément maréchaliste. L'Eglise de France, libérée des soucis matériels par les bienfaits de l'Etat à l'égard 163

Archives ESB - MBVN Archives E.S.B. - MBVN 165 Les artisans bateliers au cœur du transport fluvial – Bernard Le Sueur – éditions Geai Bleu - 2010 166 https://bateliers.catholique.fr/LVB1a30.htm 167 En ligne les 30 premiers numéros depuis le N°1 de Noël 1949 164

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de l'école et des mouvements de jeunesse, peut se consacrer à son œuvre sociale. La vocation sociale des catholiques français va enfin pouvoir s'épanouir. Ils avancent hardiment sur cette voie mais découvrent que l'action sociale ne s'isole pas et qu'elle a des implications politiques. Est-il possible d'assurer le déploiement des activités sociales en préservant l'autonomie et la pureté des chrétiens ? Éblouis par des perspectives nouvelles, ils ont fait fi de toute prudence. La guerre, qui les privait de contacts réguliers et traditionnels avec la Curie, a permis des élans incontrôlés et une totale hardiesse. Les évêques furent pétainistes, par inclinaison, par intérêt, par reconnaissance, et sans doute par indifférence profonde à la politique. Derrière un solide conformisme pétainiste l'Église de France à garder sa liberté profonde, à pousser les plus purs des siens à porter de hauts témoignages spirituels et à poursuivi, en choisissant le camp qui lui offrait le plus d'opportunités d'action et de développement, la seule mission qui lui importe : l'apostolat du monde qui n'a pas encore reconnu la parole de Dieu. 168

168

M. Cointet- l'Église sous Vichy, la repentance en question- Perrin 1998.

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Pétain et le cardinal Gerlier, primat des Gaules. – Coll. Common wiki

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Un autre service d’aide sociale à la population batelière : le S.S.S.M.F. Un autre service d'aide aux mariniers en détresse existe, le S.S.S.M.F., Service Social et Sanitaire de la Marine Fluviale.169 L'origine du S.S.S.M.F. se trouve dans un service créé en 1925 au début par la Compagnie Générale de Navigation H.P.L.M. pour rendre plus facile la vie à son personnel navigant. Puis, à la suite de la création de la Caisse Primaire de la Batellerie et suite à la mise en vigueur de la Loi sur les Assurances Sociales, le S.S.S.M.F. s'occupe des mariniers de plus de 40 compagnies de navigation et de tous les petits patrons qui s'adressent à lui. La France est divisée en 5 secteurs principaux répartis autour de 5 grandes villes : Paris, Lyon, Rouen, Nancy et Toulouse. Il y a également des centres secondaires comme Roanne ou Chalon-sur-Saône. A noter qu'il n'y a pas de centre médical dans le Nord, sans doute parce que les mariniers du Nord font beaucoup de transport qui les conduisent à passer par Paris ou tout simplement parce que les grandes compagnies de navigation n’y vont guère ? Les chiffres de l'activité pour 1935 indiquent 11.006 visites à bord des bateaux ou 6.422 consultations médicales aux permanences. Outre l'action des infirmières-visiteuses, l'organisme développe un aspect social en lien avec l'instruction, comme on disait à l'époque, et l'État civil. Le S.S.S.M.F. cherche à placer des enfants dans les pensions spécialisées pour les mariniers comme Conflans ou Douai ou incite, si le stationnement du bateau dépasse les 15 jours, à ce que les enfants aillent dans les écoles des localités où ils se trouvent. Enfin il y a le don de matériel scolaire aux plus grands afin qu'ils continuent à lire à bord. Pour l'État civil, il y a la prise en charge des démarches administratives de la vie courante, notamment par la rédaction des courriers, et par le système des procurations à la perception des allocations familiales ou des primes d'allaitement.170 Avant la création de l'Entr'Aide Sociale Batelière les personnels de la batellerie n'étaient pas totalement laissés à l'abandon. « ... L'E.S.B. rallie la quasi-unanimité des bateliers, malgré les attitudes peu amicales du service S.S.S.M.F. … qui, en particulier à Nancy et à Lyon, s'efforce de substituer son action sociale à la nôtre, prétendant que nous devons nous limiter à un rôle éducatif. »171 L'E.S.B. cherche à évincer son concurrent pendant la période de Vichy grâce à son partenariat avec le Secours National totalement assujettie à l'idéologie de l’Etat Français. 169

Le journal de la navigation - 01/12/43 "Les oeuvres sociales dans la marine fluviale française" - Louis Dieterlen - La Navigation du Rhin n°8 - tome 14 - 1936 171 Archives MBVN 170

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Le service médico-social de la batellerie C’est une association, régie par la Loi du 1er juillet 1901, entre les entreprises de transports par eau. Cela va des Sociétés anonymes aux établissements publics ou de toutes les personnes physiques ou morales de droit public ou privé appartenant à la corporation de la navigation intérieure. Tous les associés ont les mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations après avoir acquitté de leur cotisation. L’association a pour but d’effectuer en commun pour toutes les entreprises le service social du travail et le service médical du travail qui leur sont imposé par la Loi du 28 juillet 1942. Elle veille au maintien et à l’amélioration de l’état de santé des travailleurs de la Batellerie. Ce service comprend également à toute personne présente à bord et participe effectivement à la conduite ou à l’exploitation du bateau. Ce service de médecine du travail se double d’un service social qui agit sur les lieux mêmes du travail pour suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs et notamment des femmes, des jeunes gens et des enfants, y compris en dehors des lieux de travail pour les seconder dans leurs démarches administratives.

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Les prisonniers Après la défaite de juin 1940, il y a près de 1.845.000 prisonniers français. 95% des prisonniers sont emmenés en Allemagne. Ils seront un moyen de pression efficace sur la politique française durant toute la période. Le nombre des prisonniers de guerre français détenus dans des camps allemands diminua au fur et à mesure pour atteindre 940.000 fin 1944. 90.747 sont remis en liberté dans le cadre de la « Relève » et 324.000 autres remis en liberté pour des raisons diverses. Les deux tiers environ des prisonniers de guerre français furent retenus cinq années entières en captivité en Allemagne. Les mariniers affectés dans les régiments du génie principalement se retrouvent eux aussi en captivité. Ceux en affectation spéciale ne sont pas concernés. Tous ne reviendront pas avant la fin du conflit. La dernière Postkarte qu'ils reçoivent d’Allemagne est datée du début octobre. André est libéré par les Américains près de Leipzig dans un camp de transition le 21 avril 1945. Il ne partira pour la France le 14 mai. Thionville le 19 mai et le centre d’accueil des déportés, prisonniers de guerre et du ST de Longuyon en Meurthe-etMoselle.La gare de Matabiau de Toulouse accueille tous les jours des trains de prisonniers de guerre depuis le mois d'avril. Il arrive le 25 mai retour dans la famille avec l'enfant qui ne le reconnaît pas « Ce n'est pas mon papa, ce n'est pas mon papa !172 Nous apercevons un cousin de maman, un bonjour vite fait en travers du canal. Nous avons été quatre ans sans le revoir, il a été fait prisonnier et déporté dans un camp de concentration.173 Son beau-père, prisonnier à la ligne Maginot, a eu son bateau réquisitionné et le nez coupé. 174 André quitte la France le 28 juin 40 pour arriver en wagon à bestiaux le 02 juillet au camp d'Alexisdorf dans le Hanovre en Allemagne. Le 23 il est embauché comme à la foire au bétail pour une ferme de Lutzschera. Dès novembre la famille reçoit une carte de la Croix-Rouge annonçant qu'André est prisonnier en Allemagne. Ce sont deux colis qui seront envoyés pour améliorer les conditions de captivités.175 A 24 ans, je reviens à la batellerie de mon enfance. Pour les bateaux, le parc est 172

André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 174 Simon Desselle, 85 ans - 2020 175 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 175 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 175 Archives E.S.B. - MBVN 175 Roland Langlin 173

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réduit à cause des dégâts de la guerre. Les prisonniers revenus sont repris leur place dans la mesure du possible et la reconstruction fluviale n'a pas encore démarré.176 Une des finalités de l'E.S.B. est de soutenir les prisonniers de la batellerie en Allemagne : envoyé des colis chaque mois d'abord à 250 mobilisés, ensuite à une centaine de prisonniers et déportés...177 Comme un des témoins le disait, les Allemands aimaient bien tout ce qui touche à la batellerie178. En fait ils en ont besoin. Aussi, une libération massive de mariniers sera faite en 1941. Ces hommes seront de retour pour effectuer leur travail et d'une certaine mesure participer aux transports requis pour les Allemands. Cette liberté est toute relative puisqu'ils devront pointer à la Kommandantur chaque semaine. Alors que la presse n'est absolument pas libre sous Vichy 179deux articles de deux journaux qui soutiennent le même régime politique laissent entrevoir l'opposition qu'il peut y avoir entre les syndicats du monde batelier. Ils sont concurrents. L'un défend les compagnies et le second les salariés... Plusieurs articles de presse dans plusieurs journaux annoncent : 1.750 mariniers prisonniers sont libérés Depuis samedi, les premiers mariniers prisonniers débarquent. Le 3 décembre prochain, 1.750 mariniers venant de tous les stalags auront retrouvé leur famille et aussi leurs vieilles péniches : Yvonne, Jeanne-Marie, Le Ponctuel, Sanara III, etc... M. Louis Louis, président du Syndicat général de la Batellerie et M. Delval, président du Syndicat national des ouvriers des compagnies de navigation, tiennent à rendre hommage à M. l'ambassadeur Scapini pour son utile intervention, et aux autorités occupantes pour leur compréhension. On n'improvise pas un batelier, nous disent-ils, ni un charpentier de bateaux, ni un tracteuriste, et de nombreuses péniches, faute de mariniers étaient amarrées depuis la guerre dans les ports. Le retour de 1.750 mariniers va permettre incessamment la remise en marche d'un millier de péniches. Quand on sait que chaque péniche peut transporter environ 280 tonnes de charbons, par exemple, de notre bassin houiller du Nord à Paris, on se rend compte de l'importance que représente le trafic fluvial pour le ravitaillement de la capitale et de la région parisienne. L'Office national de la navigation, qui dépend du secrétariat d'Etat aux Communications, ne semble pas l'avoir encore compris, car toutes les démarches

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A la déclaration de la guerre la presse subissait le contrôle militaire. « Anastasie », le nom de la censure depuis 1870, laissait des colonnes blanches dans les pages des journaux. Le lecteur savait ainsi que le journal avait été censuré. Sous Vichy il n'y a pas de blancs dans les colonnes. Mais ne soyons pas dupe.

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effectuées auprès de cet office par les Syndicat général de la Batellerie pour le retour des mariniers prisonnier, ne fut jamais prises en considération. Nous avons rencontré quelques-uns des heureux libérés. Inutile de dire qu'ils sont joyeux et qu’ils ont hâte de remettre le pied sur leur maison flottante. Grâce à eux, nous aurons sans doute bientôt un meilleur ravitaillement ; cela n'est pas pour nous déplaire. Vivent donc les mariniers !180 Des bateliers prisonniers vont être libérés. Le syndicat général de la batellerie porte à la connaissance des familles batelières que les demandes de libération provisoire remises à l'ambassadeur Scapini ont toutes reçu l'agrément des autorités du Reich. En conséquence les intéressés reprendront bientôt leur travail. Par ailleurs les familles batelières ayant des prisonniers de guerre, dont les noms ne figuraient pas sur les listes du syndicat, sont invitées à écrire d'urgence à M. Louis Louis, président du S.G.B. 19, rue Beaurepaire, Paris 10ème181 Louis Louis parle des dégâts et des prisonniers Dans l'ensemble, le réseau fluvial français a plus souffert de la guerre que les réseaux routiers et ferroviaires. Nous savons que les autorités allemandes, en collaboration avec M. Schwartz, secrétaire général aux travaux publics et transports, et M. Brousse, directeur de l'Office national de la navigation, se préoccupe activement de la reprise de l'activité fluviale. A cet effet, nous signalons aux pouvoirs publics la nécessité et l'urgence du retour des bateliers à leur bord afin de leur permettre d'effectuer les indispensables travaux d'entretien à leurs bateaux, de façon à être prêts pour « la remise en route » et le renflouement des bateaux coulés.182 Rubrique : La vie corporative Dans la batellerie La reprise du travail des prisonniers libérés183 L'Entr'Aide Sociale Batelière dont le siège est à bord du « Je Sers » près du pont Saint-Germain à Conflans-SainteHonorine (Seine-et-Oise) nous communique : « La batellerie a la joie d'accueillir un grand nombre des siens qui viennent d'être libérés. Il est à souhaiter que tous puissent reprendre rapidement leur travail. Chacun tiendra d'ailleurs à remplir ses obligations envers eux. Toutefois, comme il pourrait y avoir des hésitations de la part de nos amis peu au courant de la législation récente, le syndicat du personnel de la Navigation Intérieure rappelle aux intéressés les droits que leur conféré la Loi du 30 juin 1941. Cette loi prend deux espèces de dispositions : 1er Les salariés ont droit à la reprise de l'emploi qu'ils occupaient avant d'être appelés sous les drapeaux, c'est à dire qu'ils doivent obtenir non pas n'importe quel poste mais celui qu'ils occupaient avant leur mobilisation. En conséquence s'ils étaient contremaîtres ou capitaines, ils doivent être repris comme tels et non comme 180

L'Œuvre (27/11/41) Le matin – 01/06/41 182 Le matin – 23/07/40 183 Le Réveil du Nord (12/11/41) 181

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matelots. Le salaire sera celui de septembre 1939 majoré des avantages accordés par la Loi du 23 mai 1941. Cependant quatre conditions sont exigées par la Loi : - Il faut que le salarié ait eu un contrat de travail au moment de sa mobilisation ; Qu'il ait été appelé sous les drapeaux (C'est évidemment le cas de nos prisonniers) ; Que la reprise de l'emploi soit possible ; - Que l'intéressé fasse dans les trois mois de sa libération une demande de réintégration. Nous conseillons l'envoi d'une lettre recommandée bien que ce ne soit pas obligatoire. 2ème Les employeurs occupant plus de dix salariés de l'un ou l'autre sexe, âgés de plus de 18 ans, sont tenus d'employer au prorata de leur personnel total, une certaine proportion de démobilisés. Le cas échéant, ils seront autorisés à procéder à des licenciements pour libérer les places nécessaires. Nous conseillons donc à nos chers prisonniers de la batellerie d'envoyer immédiatement une lettre à leur employeur et de se mettre en rapport avec le service compétent du Syndicat de Personnel de la Navigation Intérieure du « Je Sers » à Conflans-Sainte-Honorine (S-et-O) qui se fera un plaisir de leur donner tous les renseignements indispensables. » La presse relate aussi des problèmes plus basiques. Mais les destructions des bateaux causent un très grave problème. Celui du remplacement de la literie, de la batterie de cuisine et même du linge de corps détruits en même temps que le bateau. Or, dans les conditions actuelles du marché, il est impossible, même avec de l'argent, de se procurer ces objets indispensables. Comment veut-on qu'un marinier s'installe avec sa femme et ses enfants, en plein hiver, dans un bateau, s'il trouve celui-ci dépourvu de tous les objets indispensables à l’habitation.184 Cette grande publicité dans la presse vichyste occulte totalement les rouages de ces libérations. Les archives de V.N.F. contiennent des centaines de demandes de relaxe. En effet, pour être libéré, un personnel des voies navigables doit bénéficier de trois éléments : une lettre de justification de l’employer, un certificat d’hébergement à la libération lors du retour en France et enfin une demande sur papier officiel. Mais dans l’ensemble, à la vue des besoins de transports notamment avec la batellerie, les libérations se passent plutôt facilement.185

184 185

Journal de la Navigation - 01/02/42 Archives V.N.F.

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Demande de libération d’employé prisonnier de guerre. – Coll. V.N.F.

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Certificat d’hébergement pour la libération d’un prisonnier. – Coll. V.N.F.

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Certificat d’hébergement pour la libération d’un prisonnier dans les deux langues. – Coll. V.N.F. 120


Demande de mise en « congé de prisonnier de guerre ». – Coll. V.N.F. 121


Questionnaire récapitulatif de la situation d’un prisonnier en Allemagne. – Coll. V.N.F. 122


Liste des prisonniers en Allemagne de la Société des Ateliers et Chantiers de Choisy-Le-Roi. – Coll. V.N.F. 123


Lettre de recommandation pour obtenir la libération de salariés d’Allemagne. – Coll. V.N.F. 124


Questionnaire à joindre au dossier de libération. – Coll. V.N.F.

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Le Service de Travail Obligatoire « L’Europe travaille en Allemagne ».186 De nombreux courriers d’entreprise demandant l’impérieuse nécessité de ne pas envoyer en Allemagne tel ou tel employés se trouvent dans les archives de l’O.N.N. Néanmoins des listes de personnels pouvant éventuellement partir ou au contraire ne devant absolument pas partir au S.T.O. sont établies.187 S’il y a la fourniture de personnel volontaire aux chemins de fer allemands par la S.N.C.F. L’Office de la Navigation a fait tout ce qu’il pouvait pour conserver en France son personnel, naviguant ou pas. Nous n’avons pas trouvé d’envoi de mariniers dans le cadre du S.T.O. en Allemagne.188 Si de très nombreux mariniers soldats en captivités en Allemagne sont libérés pendant la guerre, dans l'autre sens il y aura de jeunes français requis pour le Service de Travail Obligatoire, S.T.O., affectés sur des bateaux dans le Reich et qui ne sont absolument pas issus du milieu batelier. C'est ce que raconte le livre de souvenirs d'Alfred Dusautier - STO/KVAG, ou les tribulations d'un employé de banque français sur les péniches allemandes, 1er mars 1943-25 mai 1945. 189 Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, il avait 19 ans. En février 1943, il fût convoqué pour le Service du Travail Obligatoire. L'employé de banque devint alors marinier sur un chaland allemand sur les rivières et canaux du IIIème Reich, pendant 27 mois. En octobre 1944, il y avait sur le territoire du « grand Reich allemand » des millions de travailleurs étrangers civils et de prisonniers de guerre réquisitionnés pour le Travail Obligatoire provenant de 26 pays. Parmi eux il y avait 1.200.000 français.190 « Des bateaux pour la victoire », « Chaque bateau est une arme pour la bataille finale » avait annoncé la propagande. Par exemple dans la Ruhr, une immense usine sidérurgique au nom d’Hermann Göring, devait comporter à terme 32 hauts fourneaux. 12 étaient terminées à la fin de la guerre. Le transport des marchandises, durant la construction de l'usine, devait être assuré en très grande partie par la voie d'eau. Mais avec la pression sur les hommes, le matériel et le carburant, la navigation intérieure en Allemagne avait atteint ses limites depuis un moment. Beaucoup de bateaux étaient vieux et faute de carburant, la motorisation des unités marqua une pause et privilégia la vapeur et le gaz. Des bateaux à motorisation diesel se convertissent à une chauffe au charbon. Par manque de personnel allemand et de matériaux de réparation, près de 800 bateaux attendaient sur l'Elbe et servaient de bases à des transports civils et militaires urgents. Ce rôle 186

Europa arbeitet in Deutschland: Sauckel mobilisiert die Leistungsreserven- Friedrich Didier - 1943 Archives V.N.F. 188 La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent 189 MEMOR-Bulletin d'information n°38/39, 2004, Université Charles de Gaulle, Lille. 190 Dans la gueule du loup - Helga Elisabeth Bories-Sawala - éd Presses universitaires du Septentrion, 2010 La réquisition en France dans ses différentes phases : enjeu central de la collaboration d’État https://books.openedition.org/septentrion/39623?lang=fr 187

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primordial dans la chaîne logistique allemande des voies de navigations n'échappe pas aux Alliés. Au milieu de 1943, 250 bombardements ont endommagé les canaux dans l'ouest de l'Allemagne. En 1940, pour les besoins de l'usine géante, afin de transporter le charbon nécessaire à son fonctionnement, une centaine de bateaux en provenance de France et de Belgique de types péniches remorquées ainsi que des chalands sont réquisitionnés. Comme dans tous les secteurs de l'économie en Allemagne, pour pallier aux réquisitions des citoyens du Reich, des travailleurs forcés furent engagés aussi dans la navigation fluviale. Cette politique n'était pas secrète et commença dès 1940 dans le secteur de l'Oder. En 1944, sur 48.700 Français travaillant dans les transports, 24.905 étaient des travailleurs civils. A partir de mars 1943, le ministère des Transports du Reich estimait que 11.000 hommes allaient manquer dans la navigation intérieure et que 8 000 hommes devraient les remplacer. Dans le cadre du S.T.O. En 1943, 4.014 Français furent engagés dans ce but. Une fois orientés vers leur affectation de travail, les jeunes français qui n'étaient pas issus du monde de la batellerie ou des voies navigables puisqu'ils pouvaient être employés de banque ou viticulteurs, reçoivent une formation de 14 jours dans un des 9 camps sélectionnés pour un apprentissage exprès à leur mission. Alfred Dusautier raconte qu'à leur arrivée, ils sont regroupés en deux groupes de 50 personnes, chaque groupe ayant un interprète et étant affecté à une "péniche". Les démonstrations des mariniers, dont les explications orales étaient traduites par les interprètes, avaient lieu, soit sur le pont, soit à fond de cale où il faisait moins froid (ils sont en mars 43). « C'est ainsi qu'on nous a initié au maniement des câbles, tant pour le remorquage, l'amarrage ou l'enroulement sur le pont après usage. Ce fut également le fonctionnement des treuils d'ancres ou de manœuvres ; l'ouverture et la fermeture des écoutilles ; la confection de nœuds aux cordes et d'épissures de câbles. Sans oublier l'utilisation des barques, notamment à la godille. Nous avons aussi été initiés, si l'on peut dire, à la tenue du gouvernail au cours d'une sortie que nous avons faite à bord d'une "péniche" sur l'estuaire de la Weser mi-mars. Ayant quitté le port tiré par un remorqueur à 11 heures, nous sommes rentrés à 17 heures, ayant souffert du vent et du froid. Nous étions néanmoins contents de cette sortie qui avait rompu le quotidien des travaux pratiques lesquels étaient plus ou moins bien suivis, il faut le reconnaître. » C'est un des contradictions de l'époque. Des milliers d'hommes du monde de la navigation intérieure française vont être libérés et remis en activité en France alors 127


que dans le sens contraire vers l'Allemagne des milliers d'autres n'étant absolument pas issus de ce milieu vont y être affectés.

Recensement des personnels éligibles au Service de Travail Obligatoire en Allemagne. – Coll. V.N.F.

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Carte de sursis d’un marinier artisan. – Coll. V.N.F. 129


Lettre sur le renouvellement des sursis des jeunes gens. – Coll. V.N.F. Récapitulatif des effectifs pouvant partir en Allemagne. – Coll. V.N.F. 130


Les Allemands Les souvenirs de l'occupation de la France par les Allemands montrent bien que c'est une situation de guerre. Des soldats qui contrôlent et interdisent des points de passage, ils octroient ou pas des bons de carburants ou des tickets de rationnement. Des bateaux sont réquisitionnés pour être modifiés en chalands de débarquement. Les transports pour l'occupant sont prioritaires... Mais dans l'ensemble, les relations avec la troupe sont plutôt courtoises et sans hostilités tant de la part des mariniers, mais auraient-ils pu faire autrement ? que la part des soldats de la Wehrmacht. Paradoxalement, les mariniers racontent surtout la crainte et la peur vis à vis des Alliés et des Libérateurs avec les bombardements et les mitraillages. Les réquisitions des bateaux Seelöwe ou les « Nez Coupés » L'opération Otarie ou Seelöwe en allemand est le plan d'invasion de l'Angleterre par le Reich organisé avant même la fin de la Bataille de France en juin 1940. Dès le 02 juin, alors la victoire semble évidente sur le continent, Hitler avait fait rechercher les conditions indispensables pour rendre possible un débarquement de l'autre côté de la Manche. Le 16 juin il signe les directives pour les préparatifs de l'opération. Le franchissement devant se faire, en principe, par surprise avec neutralisation de l'aviation britannique et le déploiement de barrages de mines de part et d'autre de la zone de la traversée afin d’éloigner la Royale Navy. C'est aussi la création d'une flotte de débarquement qui n'existe pas. Les délais étant très courts, la conversion d'une partie des automoteurs fluviaux et des canaux de France, de Belgique, de Hollande et d'Allemagne est organisée. Prévu d'abord le 15 août l'opération fut repoussée au 15 septembre 1940. Au 1er septembre, la Kriegsmarine rassemble en quelques semaines à Cherbourg, au Havre, à Boulogne, Calais, Dunkerque, Ostende et Wilhelmshaven 164 cargos, 300 caboteurs, 1.800 chalutiers et remorqueurs, 2400 « péniches » provenant d'Allemagne et des pays nouvellement occupés : 860 du Reich, 1.200 des Pays Bas et de Belgique et 350 de France selon les sources. Mais, il n'y a que 800 automoteurs. Les autres devant être remorqués. Ces bateaux fluviaux vont devenir des « péniches de débarquement » après plusieurs modifications. Ces travaux sont principalement le découpage d'une porte à l'avant après avoir tronçonner le nez du bateau et couler une chape en ciment pour le lester et servir de plancher aux véhicules à roues ou à chenilles. La barge de Type A : C'est une « péniche » avec une ouverture au niveau de la proue et une rampe afin de permettre le débarquement des véhicules et de la troupe. Les A1, les plus petites, emportent trois engins et les A2 quatre. La Type AF : Afin de motoriser 200 « péniches », un bricolage permet de fixer à l'arrière deux moteurs BMW de 600 cv à hélice d’avion. La Type B : Modèle identique à la précédente avec toutefois une rampe plus longue destinée à mettre à l'eau un tank adapté à l'immersion. 131


La Type C : Elle est prévue pour les Schimmpanzer, tank amphibie. La Type AS : Bateau porte canaux des pionniers d'assaut du génie. Mi-septembre, les attaques britanniques contre les ports du continent occupés par les Allemands avaient détruits ou endommagées 214 péniches, 5 remorqueurs et 21 bateaux divers soit 11% des « péniches » réquisitionnées. C'est surtout la victoire dans les airs de la R.A.F. lors de la « Bataille d'Angleterre » qui rendit cette opération impossible. Le 12 octobre l'opération d'invasion est « reportée ». La très grande majorité des bateaux qui avaient été réquisitionnés et modifiés furent remis en état aux frais de l'Etat en France et remis le plus souvent à leur propriétaire d'origine. 191

Des chalands du Rhin à divers stades de préparation en Belgique. – Coll. Bundesarchiv

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Société des Amis du Musée Régional du Rhin et de la Navigation, ou AMURE Les débarquements en Angleterre de César à Hitler, Gilbert Forray – Economica – 2010 Revue Los n°46 – octobre 2019 191 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010

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Des soldats Allemands en train de renforcer le fond d’un bateau de rivière. – Coll. Bundesarchiv

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Exercice de débarquement au pas de course depuis une péniche. – Coll. Bundesarchiv

Visite d’un char destiné à la première vague de l’invasion doté d’un schnorchel. – Coll. Bundesarchiv

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Photo aérienne Allemande. On voit les nombreuses embarcations prêtes à l’opération. – Coll. Bundesarchiv

Les « nez coupés » dans les mémoires des mariniers En juillet 1943, un officier de la marine allemande vient examiner le Flèche d'Or. Suite au débarquement allié en Sicile, les automoteurs de plus de 50 chevaux diesel sont réquisitionnés pour servir au transport des Allemands. Le bateau étant soudé, les patrons ne connaissaient pas sa résistance à la mer. En cas de réquisition, le marinier dans la plupart des cas conduire lui-même son bateau au lieu où les autorités allemandes l'ordonne, en général Marseille. Afin de parer à la réquisition, ils cherchent un logement à terre et y apportent une

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grande partie de leurs affaires.192 Sur la Seine on évacue. Le Baïse prend un chargement de 270 tonnes de tôles ondulées aux entrepôts Davum à Gennevilliers, chargement qui va sauver notre cher bateau du service armé pour Hitler.193 Quelques semaines plus tard, une vedette de la Wehrmacht aborde le « Baïse » et un jeune officier prétentieux nous annonce que notre bateau est réquisitionné et qu'il doit le conduire à Villeneuve-la-Garenne où des chantiers fluviaux vont en faire un bateau de débarquement en lui coupant le nez et en aménageant une trappe ; puis il ajoute, se raidissant imperceptiblement : « Nous allons envahir l'Angleterre ». Il parle assez bien le français, mais lorsque mon père déclare être chargé de tôles ondulées, nous lui présentons une lettre des Établissement Davum qui nous demande de ramener la cargaison à Gennevilliers. L'officier nous établit un certificat, nous mettant à la l'abri de toute réquisition jusqu'à ce que nous ayons livré la marchandise à Gennevilliers, et nous demande de rester ensuite à la disposition des services d'occupation. Un sursis en somme. On ne pouvait être mieux dans la gueule du loup, à quelques deux kilomètres de ces fameux chantiers d'aménagement. A Ivry, quai de la Chambre de commerce, on préparait les bateaux en les découpant leur avant. Les nez étaient entassés en pyramides aussi hautes que des grues équipant les ports de mer. Quel pénible spectacle pour un marinier ! Le déchargement terminé dans ce bras de Villeneuve-la-Garenne, la mort dans l'âme, nous nous nous nous nous préparons à quitter ce qui fut notre vie jusqu'alors ; nous faisons des caisses, nous remplissons des sacs d'affaires. Puis nous apprenons une surprenante nouvelle, le pourquoi de cette attente faite d'espoir et de crainte : les « réquisitionneurs » se sont aperçus que le type « gros numéro »194 ne convient pas ; la cale trop peu profonde nécessite des transformations pour le passage des chars sous les écoutilles, ouf ! Le « Baïse » ne sera pas « coupé ».195 Son beau-père, prisonnier à la ligne Maginot, a eu son bateau réquisitionné et le nez coupé. Son moteur Deutz est remplacé par un V6 Baudoin. Il est récupéré par le bon propriétaire, la chape de béton coulée pour les tanks est retirée, la cabine centrale placée à l'arrière et il est refait à neuf. Le Creuse coule à Vernon près du dépôt d'essence par des bombardements.196

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002

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Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018 195 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 196 Simon Desselle, 85 ans - 2020

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Ainsi, des nez coupés sont restés dans les ports occupés de l’Atlantique comme allège des navires de mer. Il y en a un qui revient en 46 depuis Brest avec un pilote jusqu'en Seine. Le frère de mon père a été retrouvé à Saint-Malo, c'était un tas de rouille, remarque qu'après la guerre il a navigué et a été transformé en pousseur sur Dunkerque. En 43, c’est la réquisition de bateaux qui ont au moins 80 cv pour être ravitailleur en Méditerranée. Les nez coupés, eux, c'était dès 50 cv Retour aux anciens propriétaires, souvent en tas de rouille. Réparations payées par l'Etat Français, ils n’ont pas été chien.197 Notre Origny 7 était sorti pratiquement indemne de ses années d'incertitude. Ce ne fut pas le cas pour tous les bateaux de la société, plusieurs furent pris par l'ennemi qui les aimait bien car ils avaient été fabriqués dans leur pays. Pour les besoins de la guerre, on leur coupait le nez, à la place ils mettaient une porte, ils étaient armés de mitrailleuses et servaient de bateaux de débarquement. Deux furent perdus corps et bien, d'autres revinrent, furent remis en état et reprirent leur service. Presque tous avaient été abandonnés par leurs équipages.198 Les nez coupés sont les automoteurs de 38 mètres de 80 cv et plus dont l'avant a été coupé pour installer une porte rabattante pour l'embarquement de chars en vue de l'opération Seelöwe, l’invasion de l'Angleterre, par l'armée Allemande. 199 Les mariniers réquisitionnés n’ont pas tout perdu. La très grande majorité récupère son bateau et ils sont indemnisés pour les jours de chômage. « En 1942, l'insuffisance s'est déjà cruellement sentie au moment de la campagne betteravière, même malgré l'appoint de 53 bateaux dits "à nez coupés" antérieurement réquisitionnés par les Autorités Allemandes et provisoirement réparés. Elle sera atténuée quand les 298 autres unités réquisitionnées, et les 53 déjà cités, seront définitivement réparés et remis en circulation, mais en raison de l'utilisation intensive des Chantiers par la Kriegsmarine, aucune date approchée ne saurait être avancée pour cette récupération. »200 Les bateaux, près de 200 réquisitionnés, pour Seelöwe recevait en indemnité de perte de jouissance 27 RM par jour, le taux de surestaries en Alsace-Lorraine et en Allemagne. Mais le taux de change était de 1 RM pour 20 Fr soit 540 Fr par jour. La Kriegsmarine installée à Bordeaux a envoyé une circulaire à l'O.N.N. à Paris de bien vouloir vérifier si parmi ces ayants droit il n'y avait pas de juif.201

197

Roland Langlin – 2019 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 199 Raymond Carpentier – 2020 200 Archives O.N.N. 201 Lettres de Berenwranger à Marie Hélène David, ancienne présidente du Naviscope de Strasbourg - 26/06/2007 198

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L’exemple du Luno Quelques photos issues de la collection de la famille Van Troyen de Longueil-Annel. Elles sont dans l’ordre chronologique. Le Luno est acquis par la famille en 1938. Il est immatriculé en Belgique. En 1940 il est réquisitionné en vue de le transformer en chaland de débarquement en prévision de l’invasion de l’Angleterre. On peut voir les travaux effectués afin de l’équiper d’une porte à l’avant pour un chargement militaire ainsi que la construction d’une plateforme à son milieu, sans doute pour y placer une défense anti-aérienne. Il est restitué aux propriétaires en 1943. Il est réparé avec une étrave « civile ». Une demande de dommage de guerre se faite en 1944 mais jusqu’en 1958 il n’y aura aucun progrès sur ce dossier. Il cesse le transport de marchandises en 1974 au départ en retraite du marinier. Le bateau est maintenant un bateau logement sur la Saône à Lyon.

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Les bateaux tombés dans l’escarcelle Allemande En écoutant les témoins de l’époque et les personnes qui s’intéressent à cette période de guerre, ce sont majoritairement les « nez-coupés » qui sont évoqués. En fait, il est très difficile d’estimer le nombre et les types de bateaux « prélevés » par les Allemands. Il y a plusieurs catégories juridiques qui entre en jeu. Il y a les prises de guerre, le butin de guerre, les réquisitions militaires, les acquisitions, les locations.202 Les archives de l’O.N.N. dépouillées à Béthune sont très précises : A - Réquisitions du matériel flottant : 4 vagues ou périodes différentes se succèdent : Episode 1 : Cession et prise de matériel flottant en 1940 par les Allemands. Un certain nombre de bateaux ou engins de navigation intérieure ont été cédés à l’Allemagne. - Soit sous forme de réquisition, - Soit sous la pression des autorités Allemandes, - Soit livré ou cédés en application de la Convention d’Armistice. C’est ce qui est appelé « les nez coupés ». Ils ne représentent qu’un moment de la guerre, qu’en 1940 et pour quelques mois pour la majorité d’entre eux. - Les réquisitions effectuées directement, en 1940-1941, par la Kriegsmarine : - campinois et sambrésiens (juillet-août 1940) = 8 - bateaux de navigation intérieure (août-septembre 1940) = 540 202

Archives V.N.F. où des dossiers pour toutes ces catégories existent.

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- chalands de Seine (août-septembre 1940) = 38 Total = 586 Un certain nombre des bateaux de la seconde catégorie furent rendus, après quelques mois, sans avoir été utilisés soit environ 200. Restèrent réquisitionnés = 366 Enfin, en 1942-1943, 211 de ces bateaux transformés en vue du débarquement en Angleterre, furent rendus à leurs propriétaires. Ils furent réparés par l’O.N.N. pour le compte de « qui il appartiendra », les autorités occupantes n’ayant pas accepté de régler les dépenses qui leur incombaient et ayant proposé une indemnité forfaitaire que l’Office ne put accepter. A la « libération » du territoire, il restait donc 155 bateaux réquisitionnés, dont 18 déclarés en « perte totale ». Episode 2 : Les réquisitions dites R.K.S. (Reichskomminissar für die Sesschiffahrt) poursuivies en juin 1943, comme suite à la décision du Gouvernement d’étendre à la batellerie l’accord Kaufmann-Laval et portant sur une partie des 211 bateaux rendus en 1942 et au début 1943, soit 148 bateaux et 144 unités nouvellement requis, soit au total 292 bateaux. Après quelques mois de réquisitions, 81 bateaux furent libérés. Au total 211 unités furent atteintes par cette mesure et demeuraient réquisitionnés à la libération du territoire. Episode 3 : Les réquisitions par la Kriegsmarine en mars 1944 de matériel choisi parmi celui qui était relativement vétuste en vue d’être coulé dans les passes navigables des ports maritimes. 101 bateaux sont concernés. Episode 4 : La marine et l’armée allemande de mai à août 1944 réquisitionnent 246 unités, plus 3 pontons grues, 3 bateaux logements et 23 barques et bachots. Episode 5 : Des réquisitions de remorqueurs et de bateaux-citernes ont été opérées en dehors du contrôle de l’O.N.N. En conclusion, à la libération du territoire, le nombre des bateaux ou engins 143


réquisitionnés directement par les différents services allemands étaient de : 1 – réquisitions K.M. (1940-41) = 155 2 – réquisitions R.K.S. (1943) = 211 3 – réquisitions vieux matériel (mars 1944) = 101 4 – réquisitions Wehrmacht et K.M. (mai- août 1944) = 246 5 – réquisitions faites hors contrôle de l’O.N.N. a – bateaux marchandises générales = 149 b – bateaux-citernes = 510 c – remorqueurs = 157 Au total = 1529 6 – réquisitions d’engins divers : a – pontons grues = 30 b – bateaux logements = 3 c – barques ou bachots = 23 B – Cession ou location de matériel flottant : Les autorités allemandes ont disposé unilatéralement de bateaux se trouvant momentanément, soit dans les eaux allemandes, ou sous contrôles allemand, soit en territoire français. 6 remorqueurs et 17 bateaux de marchandises générales sont concernés. Le matériel rhénan resté en Alsace, Belgique ou Hollande fut saisi par les Allemands. Il y avait 40 remorqueurs et 192 chalands. La flotte du Rhône est aussi concernée. 9 bateaux appartenant à la Société Lorraine des Aciéries de Rombas ont été remis à la Rombacher-Hüttenwerke en les saisissants en territoire occupés (France et Belgique). Les réquisitions concernent également du matériel d’exploitation des voies navigables C’est le cas des 2 grues des houillères de la Petite Rosselle prises par les Allemands comme également les 13 tracteurs de la C.G.T.V.N. Il y aussi les 14 tracteurs à gazogène Latil. La Conférence d’Armistice du 11 février 1944 parle de la location éventuelle à des armements allemands de bateaux appartenant à des compagnies Rhénanes ou Séquanaises comme il est stipulé dans la Conférence de Fribourg du printemps 1944. Un peu plus loin il est noté que pour le Danube, les dommages de guerre des bateaux français seraient à la charge du gouvernement allemand et les Allemands 144


ont reconnu la propriété des Français en ce qui concerne les bateaux.203 C - Prises et Butin de guerre : Les Prises : Ce sont les embarcations stationnées dans les eaux maritimes bordant le territoire français conquis par la Wehrmacht. Butin de guerre : Ce sont les embarcations ayant le caractère d’engins militaires ou de moyen de combat Les Allemands émettaient la prétention de considérer comme « prises » tous les engins flottants se trouvant en eaux maritimes, cette mesure atteignant, en ce qui concerne l’Office, une flotte importante de remorqueurs, de chalands, de péniches rhénans et fluviaux. En janvier 1941, pour le colonel Huet, de la Conférence de l’Armistice périodique, l’O.N.N. cherche à montrer que ces embarcations se trouvaient accidentellement dans les eaux maritimes et qu’elles sont de caractère terrestre se trouvant « ipso facto » exclus de la réglementation des prises. De longues démarches juridiques et administratives s’en suivent. Le tribunal des prises de Hambourg ayant refusé l’argumentation présentée par l’O.N.N. Le 9 juillet 1941 enfin, la libération des « navires servant à la navigation intérieure qui sont inscrit sur les registres d’immatriculation » spécifie que la relaxe exclut toute demande de dommages-intérêts. Les bateaux qui ne seront pas libérés donnent la possibilité au gouvernement allemand de les acquérir contre paiement en espèce de leur valeur assurance aux corps d’avril 1939. 62 bateaux furent libérés et 6 sont en demande de rachat. Les bateaux relaxés ne pourront être réclamés comme « butin ». Les Allemands étendent aux bateaux sabordés, aux bateaux utilisés, peu ou prou par les forces militaires, aux épaves renflouées ce dispositif. Ces unités sont classées comme « bien sans maître ». En janvier 1944, la confirmation des accords de juillet 1941 exempte de saisie comme « butin » les bateaux qu’ils aient été à flots ou coulés au moment de leur saisie par la Wehrmacht. Le 31 juillet 1944, le quartier général Allemand informe le Service des Prises et Captures que les bateaux relaxés de « butin » précédemment allaient subir un nouvel examen de leur situation. Bref l’affaire traine en longueur et ne trouvera pas de dénouement.204 Il faut attendre 4 ans pour qu’une ébauche de règlement des réquisitions allemandes soit envisageable.205 Depuis 1940 et les premières réquisitions de ce que l’on allait appeler les « nezcoupés », les autorités allemandes, Hauptverkehrs-direktion et Kriegsmarine, ont prescrit que le règlement de ces réquisitions devait obligatoirement passer par l’intermédiaire de l’Office National de la Navigation. De ce fait, l’office a le contrôle d’une partie importante des réquisitions en ce qui concerne particulièrement les bateaux destinés aux marchandises générales utilisées 203

Archives V.N.F. Archives V.N.F. 205 Archives V.N.F. 24 mars 1944 204

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prioritairement sur les canaux et rivières du Nord et du Nord-Est et pour quelques-uns sur les canaux de Bretagne. Mais pour d’autres, parmi lesquels on peut relever les bateaux-citernes, les remorqueurs, les bateaux des canaux du Midi, du Rhône, de l’Ouest, utilisés souvent par l’Organisation Todt ou d’autres organismes, ce qui représentent au total des centaines de bateaux, les services allemands sont entré directement en relations avec les propriétaires ou les syndicats d’affréteurs pour procéder au règlement des indemnités de réquisition. Les unités échappent donc au contrôle de l’O.N.N. et ceci n’est pas sans inconvénient pour l’établissement des statistiques. La note préconise que ce soit les services de la marine allemande de Bordeaux, qui est souvent apparu dans les différents courriers liés aux réquisitions et locations en Allemagne, qui devrait centraliser les réquisitions opérées par tous les services de l’occupant pour transférer à L’Office la totalité des règlements.206 Dans le même temps, une attestation de réquisition est délivrée aux bateaux qui ont fait l’objet de « réquisitions d’usage ». Aucun de ces bateaux n’a fait l’objet de transmissions de propriété à quiconque et continue par conséquent à appartenir aux propriétaires tels qu’ils sont désignés dans la liste et tels qu’ils résultent des certificats de propriétés fournis d’autre part.207

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Archives V.N.F. Archives V.N.F.

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Courrier sur la location des remorqueurs de Seine sur le Rhin. – Coll. V.N.F.

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Facture pour la location du remorqueur Vaillance en Allemagne. – Coll. V.N.F.

Les transports réquisitionnés Alors que j'ai 20 ans et mon frère 15 ans n'a pas besoin d'être trois hommes à bord. Les Allemands croient à la voie d'eau. Pas de service obligatoire, les mariniers des pays occupés ne sont pas déplacés. Tout ce qui touche à l'eau a droit à ce régime de faveur. Les conducteurs des tracteurs sont souvent des étudiants qu'on essaye de caser. Ils font connaissance avec les péniches pour la première fois. Une fois vidé le bateau remonte dans le Nord. A Douai, une mauvaise surprise nous attend. Tous les bateaux de construction en métallique sont réquisitionnés pour aller charge du minerai de fer, stocké sur le port de Calais, et le conduire à Gand où il sera transbordé sur les chalands du Rhin. A Calais, l'endroit où nous chargeons se trouve en zone interdite aux civils. Le quartier de la ville n'est d'ailleurs plus que ruines. A moins de cent mètres du bateau, un canon à longue portée, sur rail, sorti d'un tunnel des vieilles fortifications Vauban, fait feu sur … paraît-il, un convoi qui longeait les côtes d'Angleterre. L'apparition d'un avion britannique met fin à la sortie du canon qui réintègre vite sa cachette. Les installations portuaires étant détruites, nous chargeons les bateaux à la brouette. Puis nous reprenons la route, Dunkerque, Ostende, Bruges. L'Angleterre seule ne pouvait rien contre le raz-de-marée nazi. Nous avons changé d'idée depuis que la RAF intervient sur la zone côtière. Cela nous met du baume au cœur. Pendant l'occupation, nous resterons sous cette menace d'affrètement autoritaire pour Gand, surtout venant de Rouen. Nous les jeunes, ça nous plaît, car à Gand on danse. Qui de nous, à l'époque, n'a connu « De Koening », ce petit café du « Pleins » tout près de l'écluse du « Muids » ? Le minerai ou les ferrailles que nous apportions étaient transbordés sur des chalands rhénans pour la Ruhr. De Gand, nous revenions surtout avec des agrégats, du sable ou des graviers, destinés aux chantiers de l'organisation Todt qui construisait en France des aérodromes et des fortifications sur les côtes. Des centaines et des centaines de péniches vinrent décharger à Voyennes, près de Péronne, dans la Somme. Il fallait quelquefois attendre un mois pour décharger.208

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002

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Photo souvenir envoyée par un soldat allemand qui prend la pause à Rouen. Les installations sont en bon état. - Coll. A.A.M.B.

Les relations quotidiennes Le CFNE 36 avait un chargement de 80 tonnes de Pernod en bouteilles... à un moment on a vidé le bateau entre autres des bouteilles. Les Allemands qui prétendent ne pas aimer le Pernod sont quand même venus en prendre liaison dans une camionnette !209 C'est un dimanche. Quatre soldats allemands se promènent sur le chemin de halage. Après quelques palabres sur les difficultés de l'époque, ils me disent : « nous allons t'aider ». Et ils s’attellent sur-le-champ, se stimulant par des ho ! Ho ! Comme tirant une charrue. Je leur fais remarquer que ce n'est pas la bonne façon de faire ; mais pour eux, c'est un jeu. Mon cordage se rompt et ces quatre allemands mordent la poussière du halage, se relèvent en s'époussetant avec force « Scheise » - mot de Cambronne en allemand - et me laisse choir. 210 Les Allemands pêchent à la grenade avec un propulseur. Nous récupérons un jour deux énormes barbillons, mais cela cesse à la suite d'une panne de moteur. Propulseur et soldats manquent de passer par-dessus le déversoir du barrage. Dommage, cette pêche améliorait notre ordinaire.211 Nous jouions à terre du matin au soir, à la balle, à la corde et nous allions souvent réveiller le colonel allemand dans sa camionnette. Il avait, lui et ses soldats, établi son camp près du pont. Nous lui demandions du riz et gentiment il nous conduisait à 209 210 211

F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002

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la cuisine volante. Il prenait notre seau, le présentait au cuisinier et ordonnait de mettre du riz cuit dedans, et on le mangeait avec du pain sec. Nous n'avions pas grand-chose d'autre. Quelquefois le colonel nous mettait un morceau de viande cuite.212 Papa, jeune homme, à la guerre de 1914 avait appris quelques mots d'allemand et à compter. Il en profita pour se débrouiller auprès des Allemands de 1940. Ce qui lui permit de faire connaissance avec le colonel qui vint un jour visiter le bateau. J'en profite moi aussi pour apprendre quelques mots de cette langue nouvelle. Bientôt je sors : « eins, zwei , drei, vier, der Brot, ein Fisch ».213 Comme nous étions stationnés près d'un campement d'allemands, souvent de jeunes soldats venaient au bateau et touchaient à tout. Mes parents m'avaient recommandé de ne jamais rien dire et de les laisser faire pour éviter des représailles. A la fête foraine, Yvette et moi nous cherchions des voiture (autos tamponneuse) où il n'y avait qu'une seule personne et on leur demandait pour faire un tour à côté d'elle, même des fois, des soldats allemands voyant notre manège nous invitaient. Nous pouvions ainsi nous amuser gratuitement car il ne fallait pas demander de l'argent aux parents pour s'amuser, il y en avait déjà trop peu pour manger. Il y avait souvent des manœuvres de soldat. Les exercices se faisaient sur les bateaux. Une fois, papa surprit un tout jeune soldat allemand caché derrière le gros mât, il pleurait, il avait froid, il avait peur. Il disait qu'à son âge, il serait mieux chez lui, il détestait la guerre. Papa lui donna une tasse de café chaud ; geste d'échange pour le riz que nous avions eu du colonel à Liverdun. La guerre, c'est inexplicable !214 Un jour, depuis le pont, les Allemands nous tirèrent dessus à la mitrailleuse avec des balles traçantes mais sans nous toucher. En réalité, ils avaient tenu leur promesse d’éloigner les civils, car toute la famille se précipita dans l'abri. On entendit alors une forte explosion. 215 Le canal sert de démarcation entre les deux zones occupées. Les soldats allemands montent la garde jour et nuit sur les écluses et les ponts. Nous entendons des coups de feu tirés par les sentinelles sur des réfugiés qui profitent de ce que le canal soit gelé pour traverser à toute vitesse. Les soldats sont logés dans une sorte de villa près de l'écluse et viennent chercher du charbon dans le bateau de note voisin chargé de boulets. Notre poussier ne les intéresse pas et nos collègues s’inquiétant d'avoir un jour à rendre des comptes à leur destinataire.216

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 –1990 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 –1990 214 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 215 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 216 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 213

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La justice et les autorités militaires Peu de témoignages existent sur ce thème. Nous avons deux histoires à rapporter : La première se passe en France : A Vitry-le-François, on me dit : Les Allemands te cherchent ! Effectivement ils n'avaient pas perdu ma trace. Deux Feldgendarmen viennent à vélo me chercher pendant que je lave mon bateau. J'avais été dénoncé par un « ami » pour les armes que j'avais récupéré. Je jette les armes dans le tabernacle, la patronne est surprise que j'avais ça dans ma cabine. En passant à Lutzelbourg, trois militaires allemands m'ont demandé s'ils pouvaient embarquer jusqu'à l'écluse suivante. Pas de problème mais je n'étais pas tranquille. Ils piétinaient à mon côté sur le naviage ; s'ils avaient soulevé un coin de la bâche... j’étais fait ! C'est à ce moment que j'ai pris la décision d'envelopper ces armes et de les dissimuler dans le charbon. Nous nous trouvions à Nancy à destination de Rouen. Ma patronne y avait de la famille et c'était l'habitude de finir la journée au port Saine-Catherine. Ma patronne est sortie faire des achats. Toc, toc ! Encore la Feldgendarmerie, direction le tribunal militaire de Châlons-surMarne. J'ai alors demandé aux Allemands de pouvoir nous arrêter au magasin Caprion pour faire part de mon arrestation.217 Incarcération dans une cellule occupée avec trois ou quatre bonhommes. Au bout de 8 jours, on est venu me chercher, menottes aux poignets, pour passer devant le Tribunal militaire : je fus condamné à mort ! Grâce à ma plaidoirie, ma peine est tombée à un an et six mois de prison. Mais les Alsaciens sont bien des Allemands de souche ! A la suite de quoi, ma peine est tombée à deux mois de prison. Ouf ! Je revenais de loin ! Nous avons répété notre histoire qui ne tenait pas debout ! Ces soldats qui gardaient le pont du canal, logeaient au café qui se trouve à l'angle du pont. Nous avons été bien traités ; on nous a donné un peu à manger et à boire ; nous avons couché sur la paille ; et le lendemain matin, on nous convoyés en camion à la prison de Sarrebourg.218 En novembre 1942 quand les Allemands occupent la zone sud, ils sont dénoncés par le patron de Charles comme étant étrangers. Il y a la visite des Allemands mais rien de compromettant. La T.S.F. ne peut fonctionner par manque d'électricité. Seulement une peur à cause des tracts bleus blancs rouges servant à allumer le feu ou mis dans les rayonnages pour protéger le fond des cocottes.219 Une autre fois, cela devait être vers la fin de l'année 1941, en attente de déchargement à Châlons-sur-Marne depuis plusieurs jours, je dois haler mon bateau en marche arrière pour rejoindre le port. A l'arrêt, le mât dressé à la verticale, comme c'est l'habitude des mariniers pour éviter que l'humidité ne pénètre le bois. Il 217

F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 219 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 218

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se rabat uniquement vers l'arrière. Je n'ai pas aperçu plusieurs câbles téléphoniques tendus en travers du canal. Impossible d’abaisser le mât à la dernière minute puisque ces câbles se trouvaient derrière et crac ! Tout est arraché. De peur de représailles sur des innocents, ce qui était monnaie courante à l'époque, je me rends avec le collègue qui halait la péniche avec moi, à la Kommandantur pour expliquer mon cas. Le gradé qui nous reçoit dégaine son revolver et nous dit en rugissant : « Vous allez être fusillés ! ». Je ne perds pas mon sang-froid, je tape énergiquement mon poing sur le bureau et dis à cet individu : « Monsieur, quand on a votre grade et votre autorité, vous devriez savoir que tout câble tendu au-dessus d'une voie navigable doit être à onze mètres de hauteur minimum, faute de quoi il doit être balisé de façon visible de tous les points de l'horizon ». Notre Allemand rengaine son arme et, d'un retentissant « Raus ! », nous indique la porte. Nous ne nous faisons pas prier et regagnons le bord d'un pas peu rassuré, mais je crois bien que le lendemain nous avons arrosé non pas les fils téléphoniques, mais l’événement.220 On perçoit la pression de la surveillance car il n'est pas rare la nuit que l'on frappe aux volets de la maison éclusière de Roc, pourtant isolée, si le couvre-feu n'est pas respecté ou si la radio fonctionne. L'Epargne, le directeur conseille aux patrons des bateaux de ne se mettre en danger au cas où les Allemands demanderaient du vin.221 Suite à une avarie à l'arrière, l'administration française refuse de l'arrêter et maintien son affrètement. Mon père enfile un ancien treillis de marin, boucle le ceinturon avec l'ancre au milieu et s'en va … à la kriegsmarine expliquer son cas ! Il est écouté par les marins, désaffecté et un bon de réparation délivré.222 La deuxième qui se déroule en Alsace est plus sombre encore : Un article publié par l'Amure en 2006 relate la triste aventure d'un groupe de bateliers alsaciens et lorrains résistants durant le conflit. 223 Les archives du jugement sont entreposées au service historique de l'armée tchèque à Prague qui conserve les archives du Tribunal de Guerre du Reich. Cette affaire concerne six personnes : Emile Wendling, Lucien Jacob, Charles Lieby, Joseph-Mouis Metzger, Berthe Schenk et Georgette Schenck. Il s'agit d'une action de collecte de renseignements au bénéfice des Britanniques. Au départ de Bâle, en Suisse qui est un pays neutre dans le conflit, les renseignements et les demandes les rencontrent sont échangés. Par le moyen de feuilles dissimulées dans les étuis de papiers à cigarettes, les mariniers transmettent les renseignements glanés le long du Rhin et de ses affluents. 220

François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 André Miquel et sa famille – des barquiers du Midi - n°69 - 2013 222 Raymond Carpentier – 2020 223 Auguste Gerhards des bateliers alsaciens et lorrains victimes du tribunal de guerre du Reich - Amure 2006 n°18 221

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Les demandes portent sur les natures des trafics qui se déroulent et plus particulièrement le pétrole. Les infrastructures de défense anti aériennes ainsi que les effets des bombardements sont recherchés. Ce petit réseau n'aura une existence brève de quelques mois en 1942. Dénoncés, sans que l'identité du ou des délateurs ne soit donné, ils passent devant le Tribunal de Guerre du Reich à Berlin en mai 1943. Eliane, la fille d'Émile Wendling témoigne bien après la guerre en 2004, de ses souvenirs. "Notre péniche, la Pierre, était amarrée au port de Strasbourg. J'étais parti avec maman faire des courses. A notre retour, en fin de matinée de ce 29 octobre 1942, la Gestapo était là et nous n'avons plus eu le droit de monter sur la péniche. La police nous a indiqué que mon père avait déjà été emmené. Quelques instants après, ma maman à été arrêtée à son tour et emprisonnée à Kehl. Mon père y était aussi, mais elle ne le savait pas ! Interrogée et torturée par les hommes de ma Gestapo, elle n'a rien pu dire parce qu'elle ne savait effectivement rien de l'activité de son mari. Pour ma part, petite fille de 3 ans et demi, j'ai été placée dans un foyer à Neudorf. Au bout d'un mois, maman a été relâchée en jurant devant les policiers de ne rien dire sur ce qu'elle avait vu et vécu sous peine de déportation en Pologne. A sa sortie de prison, elle s'est retrouvée, démunie de tout, sans travail et sans effets. Elle a finalement été engagée comme femme de ménage chez un cordonnier de la route de Colmar à Strasbourg. " Les bateliers Jacob, Lieby, Letzger et Wendling sont accusés d'espionnage contre le Reich. Le tribunal leur reproche d'avoir secrètement recherché et rassemblé des renseignements d'ordre militaire et stratégique, pour les transmettre à une puissance ennemie. Les quatre bateliers sont également accusés d'avoir monté une véritable organisation en impliquant ou en cherchant à impliquer de plus en plus de personnes. En conséquence de cause, ils ont livré à un membre des services de renseignements britanniques, des informations sur les résultats de bombardements alliés, sur l'implantation de défenses anti aérienne, sur un site portuaire, ainsi qu'une liste d'agents allemands dans la Zone Sud de la France. En temps de guerre, depuis août 1939, une seule de ces infractions impliquait la peine capitale. Ils sont guillotinés le 27 septembre 1943 dans la prison de Halle ainsi que 10 autres personnes. De plus, ils sont qualifiés de "traîtres à leur pays" ce qui permet au tribunal de confisquer au bénéfice de l'Etat leurs biens. De lourdes amendes sont infligées aux familles. L'article raconte que ces sommes servent à récompenser financièrement les auteurs de la dénonciation.

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Au final, quand l’implacable « justice » Nazie n’intervient pas, les rapports entre les soldats Allemands et les mariniers sont sous le signe de la méfiance mais il n’y a pas de terreur ou de haine.

Un soldat allemand au bord d’une écluse dans l’Est de la France Source : Coll. Guillaume Kiffer

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Deux soldats allemands prennent la pose devant le canal – derrière eux un tracteur de halage est au travail et de l’autre un chaland freycinet en fer est halé. - Coll. Guillaume Kiffer

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Les voyages Sauvera-t-on la batellerie française ? Par André du Bief dans Le Matin en 1940 Atteinte par la guerre elle voit s'aggraver la crise qui la menaçait dans la paix. Le long des quais de Paris, de Port-à-l ‘Anglais jusqu’à Javel, les péniches dolentes attendent. Parfois un remorqueur passe, jetant un cri d'appel qui ne peut défiger la flotte parquée des chalands. La batellerie française se languit... d'une langueur qui mènerait facilement à la mort. Tirant sur une élingue ou surveillant la benne qui s'entrouvre le père explique : Voilà trois jours qu'on retravaille. Après deux mois de chômage. Et j'ai huit enfants. Et j'ai touché dix francs par jour et quatre francs cinquante par personne à ma charge. Je ne suis pas le plus malheureux. J'en ai vu dans la débâcle quitter leur bateau avec leur baluchon sur le dos. Nous autres aussi, avant de toucher, on a été bien content, plus d'une fois de trouver la soupe des soldats allemands. C'est-y pas malheureux ? Une crise ancienne La batellerie française subit une rude épreuve. Déjà, avant la guerre même, elle se débattait dans une crise dont nous aurons à examiner les responsabilités. Fautes d'hier ou fautes d'aujourd'hui, la batellerie paie... La France aussi... Car l'utilisation irrationnelle de son réseau fluvial, à côté de ce qu'ont fait nos voisins, Allemands, Belges, Hollandais, n'est peut-être pas étrangère à l'inaptitude de certaines industries françaises à soutenir des concurrences qu'un réseau fluvial sagacement utilisé favorisait. La batellerie française est sévèrement atteinte par la guerre... Mais dès la paix, l'inattention, pour ne pas dire plus, des gouvernements avait préparé sa ruine.224 Les souvenirs des transports durant la guerre indiquent qu'il y avait la crainte d'être réquisitionné pour les Allemands mais aussi que le travail n'était pas abondant. Pas de prise de tour pour ne pas prendre de risques, faire le dos rond le plus longtemps possible et surtout immobilisations fréquentes. Ces arrêts de circulation principalement à cause des destructions dues aux bombardements et actes de la Résistance mais également à cause des conditions climatiques rigoureuses des hivers de la guerre. Une question d'énergie

Pour les automoteurs il y a peu de gas-oil ou plus, Il y a le plan de la conversion des moteurs au « carburant forestier » avec le gazogène ou pour l’anecdote les bateaux électriques. Enfin, c'est l'adaptation des automoteurs à la traction en canal. 224

Le Matin – 11/09/40 – page 1 et 2

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Le halage se développe énormément. Il y a traction mécanique depuis les berges avec entre autres des tracteurs provenant de la ligne Maginot. C'est le grand retour des chevaux sur des itinéraires comme le canal du Midi ou les canaux du Nord et le développement de la bricole à force humaine, tant à vide que plein, souvent dans le but de faire des économies. Pour ce faire des sangles sont souvent faites maison. Enfin plus singulier, l’utilisation de la voile sur le Canal Albert en Belgique.225 Le halage mécanique Si jusqu'en 1940, l'écoulement des bateaux se dirigeant vers Strasbourg et retour se faisait normalement, il n'en fut pas de même à partir de l'automne de la même année. C'est une époque qu'il faut avoir vécue pour s'imaginer. Les Allemands occupant la France réquisitionnent tout ce qui se trouvait sur notre territoire. De ce fait, le parcours Nancy-Strasbourg sur cent-trente-six kilomètres et soixante- treize écluses durait pour le moins vingt jours dont huit seulement pour franchir le tunnel d'Arwiller ; l'enfilade des bateaux se dirigeant vers Strasbourg s'étendait sur quinze kilomètres dans le bief de partage. En effet, sur ce parcours, la traction s'effectuant de Ribécourt à Codreange par tracteurs Jeumont sur rails, et au-delà par tracteurs diesel ou remorqueurs, il n'était pas possible de savoir quel engin nous rapprocherait d'un endroit à l’autre…. Pour les tunnels au-delà de Niderviller, les chevaux de halage du tunnel furent remplacés par un toueur électrique qui a fonctionné jusqu'en 42/43 quand il fut remplacé par des locotracteurs provenant de la Ligne Maginot. En 1941, entre les écluses numéro 1 et numéro 18, des locotracteurs de la Ligne Maginot furent également installés ; les tracteurs sur pneus assuraient la continuité jusque vers les biefs de deux ou trois kilomètres. Une cadence de 20 à 22 bateaux par jours passait dans chaque sens. Les automoteurs qui ne percevaient pas de carburant devaient être halés comme les autres bateaux. … Cette pléthore de bateaux désorganisa le halage. En 42 Après 21 jours d'attente à l'affrètement nous avons un transport pour Epinal Nous n'avons plus quitté l'Est de la France. Il faut dire que le coût de la traction électrique sur le canal de la Marne au Rhin était particulièrement avantageux. Le canal des Houillères de la Sarre était encore équipé de tracteurs diesel à gaz, d'un coût légèrement plus cher.226 Sur le parcours, le canal de l'Aisne à l'Oise, le canal d'Abbécourt, a été installé la traction électrique sur rail qui représente beaucoup d'inconvénients par rapport aux automoteurs, mais aussi des avantages : économie d'énergie, absence de pollution. Elle était seulement adaptable aux canaux.227 Syndicat de la batellerie artisanale annonce des aménagements tarifaires de 225

Raymond Carpentier – 2020 François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 227 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 226

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halage. Pour tenir compte de la sujétion imposée aux bateaux automoteurs ayant leur moteur à bord d'une façon permanente et astreints à employer la traction électrique, j'ai décidé d'accorder à ces bateaux, à partir du 1er février 1941, une réduction sur les frais de traction : de 25% si l'automoteur est vide ou chargé de moins de 50 tonnes ; de 40% si l'automoteur est chargé de 50 tonnes ou plus. Cette réduction sera consentie par l'Office et par les sociétés chargées de l'exploitation de la traction pour son compte, sur présentation d'une carte individuelle de couleur bleue. Cette carte sera délivrée ; soit par l'Office National de la Navigation à Paris, soit par les Bureaux d'affrètements, soit par le siège social de la Compagnie Générale de Traction sur les voies navigables à Paris aux mariniers qui en feront la demande et qui auront à produire : - le certificat d'immatriculation de leur bateau, - L'engagement que l'automoteur conservera son moteur à bord de façon permanente, Les bureaux d'affrètement auront à délivrer ces cartes aux mariniers qui fourniront les justificatifs ci-dessus. Chaque délivrance de ces cartes fera l'objet d'un récépissé. Directeur O.N.N. Brousse228 L’abandon de l’autonomie entraîne de légers travaux d’adaptation aux bateaux. Ainsi, l'Artisan repartira avec son équipe mais très doucement à la traction, tracteur en canal ou remorqueur en rivière. Il a fallu pour cela allonger le gouvernail et mettre une « lunette », adapter les petits mâts en les rehaussant de 50 centimètres. 229

La péniche chargée de sable en provenance de Bourg-et-Comin (02) pour SaintQuentin se déplace avec lenteur. A trois ou quatre kilomètres à l'heure, la machine électrique de couleur vert foncé avec ses lettres C.G.T.V.N. - Compagnie Générale de Traction sur les Voies Navigables - peintes en blanc, roule tranquillement sur ses deux rails parallèles. 230

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Le réveil du Nord – 05/02/41 Raymond Carpentier – 2020 230 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 229

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Courier qui dresse la liste des conducteurs pouvant partir en S.T.O. – Coll. V.N.F.

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Facture pour le halage auprès de la Compagnie C.G.T.V.N. - Coll. Roland Langlin

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Le remorquage

Courier sur l’obtention de primes pour les automoteurs soumis au remorquage. – Coll. V.N.F.

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Avec la rupture de traction en arrivant à la rivière il y avait obligation d’utiliser le remorqueur.231 L'Artisan a fait une descente de haute Seine chargé avec un autre automoteur l'un tractionnant l'autre un bief sur deux. 232 La distribution de gas-oil Devenant rare, la distribution du carburant gas-oil et des lubrifiants destinés à la navigation intérieure sont soumis à des règles strictes : Les besoins de traction sont prioritaires. Les automoteurs de marchandises générales ou les bateaux-citernes transportant autre chose que du carburant doivent être remorqués ou tractionnés en canal ou sur l’Oise et la Seine. Il n’y a que les bateaux-citernes transportant du carburant qui peuvent circuler par leur propre moyen ou sur les canaux ne disposant pas de traction électrique pour les automoteurs. En 1942, la navigation ne dispose mensuellement de 500.000 litres de gas-oil alors qu'il lui en faudrait 4 fois plus.233 Les remorqueurs ne recevront du gas-oil que, dans les cas où les remorqueurs en service ne suffiront pas pour les transports en cours. D’ailleurs, dans les archives de l’O.N.N. il fait mention de remorqueurs qui se voient remplacer leur machine diesel par une machine à vapeur en Allemagne.234

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 Raymond Carpentier – 2020 233 Archives O.N.N. 234 Archives V.N.F 232

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Circulaire sur les conditions de distribution du gazoil aux mariniers. – Coll. V.N.F. 163


Le carburant végétal Pour les transports par eau, une difficulté d'un caractère immédiat menace la batellerie : le manque de combustibles liquides, qui a déjà conduit à rendre obligatoire sur certaines voies d'eau navigables, la traction sur rives des bateaux automoteurs. L'Office National de la Navigation a été chargé d'étudier les transformations nécessaires à l'équipement des bateaux du parc de la Batellerie avec les gazogènes. Des constructeurs de France et des pays voisins ont réalisé des appareils d'essais qui ont été placés sur plusieurs bateaux. On peut admettre maintenant que le problème est techniquement résolu pour le moteur à quatre temps et en bonne voie pour le moteur à deux temps. Enfin, en vertu de la Loi du 04 mars 1942, l'Etat participera lui-même à 75 % des frais d’équipement des bateaux et les établissements de crédits pourront consentir aux mariniers des frais intéressant le surplus de la dépense. Un long article de journal vante cette adaptation et explique très bien la problématique et parle sans arrêt de charbon. En fait il faudrait dire charbon de bois. Le combustible minéral est rare et souvent destiné à l'occupant. Combien de bateaux se convertiront au gazogène ? Nous n'avons pas trouvé le nombre. « A secours de la batellerie fluviale Les péniches s'adapteront-elles au gazogène comme les autos ? Une loi du 4 mars 1942 encourage les mariniers à naviguer à l'aide du gazogène, en mettant à la charge de l'Etat soixante-quinze pour cent des frais d'installation. Le dernier quart, au surplus, peut être couvert par un prêt couvert par un prêt à cinq pour cent consenti par le Crédit National et remboursable en trois ans. L'équipement des péniches ainsi réalisé apporterait, pense-t-on, une vigueur nouvelle au trafic fluvial en levant des obstacles chaque jour plus importants, dont le moindre n'est pas la raréfaction du gas-oil. Les attributions deviennent, en effet, de plus en plus minimes. Lorsque certains transports prioritaires sont servis, puis les remorqueurs, il ne reste plus grand chose pour les péniches automotrices : lorsque leur ration de combustible est épuisée, leurs propriétaires ont recours soit au remorquage, soit à la traction animale. Le problème, qui n'est certes pas nouveau, repose aujourd’hui dans sa pleine acuité et réclame une solution rapide, celle précisément que l'Etat préconise par ses avantages proposés aux mariniers. L'installation d'un gazogène est relativement facile, adaptée aux moteurs Diesel, car elle n'entraine aucune modification du moteur qui, en cas de panne du gazogène peut immédiatement être secouru et repartir au gas-oil. Mais les mariniers hésitent... En présence des difficultés actuelles, les avantages du gazogène ne sont pas niables : deux kilos de charbon remplacent un litre de gas-oil. Or, ce dernier vaut aujourd'hui trois francs, tandis que les deux kilos de charbon coûtent deux francs vingt. Donc économie. Par ailleurs, la marche au charbon ne diminue rien la puissance. Avec deux cents kilos, une péniche peur effectuer un trajet de douze heures. En dépit de ces avantages réels et des facilités consenties par la Loi du 4 mars 164


1942, les mariniers ne manifestent aucun enthousiasme pour équiper leurs péniches au gazogène. Le prix actuel du combustible, 1.100 francs la tonne, est trop élevé, m'a expliqué le patron de « l'iris » qui fait Sète-Bordeaux depuis bientôt 50 ans. Et puis il faut vous dire : nous n'avons guère de goût pour les manipulations de kilos de charbon... Tout de même, il faudra bien s'y mettre, si nous ne pouvons faire autrement ! Plutôt que d'abandonner le métier et les rives du canal... L'Office national de la navigation a pris, certes, en considération le prix du combustible, et un projet est à l'étude, qui permettrait le remboursement aux mariniers d'une partie de leurs dépenses en charbon. Un des plus gros inconvénients de l'équipement des péniches au gazogène tomberait dès lors et l'expérience pourrait se développer utilement sur 400 bateaux au moins, car il ne peut être question de transformer ceux qui sont équipés de moteurs à deux temps pour lesquels aucun mode d'adaptation n'a encore été trouvé. Sans doute, les mariniers estimeront toujours, trop onéreux le charbon en 1939, ils payent le litre de gas-oil un franc soixante et onze. Une compensation s'avère donc nécessaire : depuis la guerre, le taux de fret n'a pas varié ; il est resté anormalement bas. Aussi, est-ce par le relèvement de ce taux qu'on viendrait utilement au secours de la batellerie, dont l'aide apportée à nos transports n'est pas négligeable. »235 Les bateaux de navigation intérieure munis de gazogène ne seront pas astreints à utiliser la traction mécanique sur les voies navigables où celle-ci sera rendue obligatoire en raison de la pénurie de combustible liquide. La fabrication des gazogènes à charbon de bois est interdite depuis 1er mars 1941. L'installation de gazogène à bois ne peut se faire qu’exceptionnellement et avec l'accord préalable de l’O.N.N. Il n'existe d'ailleurs à l'heure actuelle aucun gazogène à bois homologué définitivement pour navigation intérieure. Seuls peuvent être utilisés dans les gazogènes homologués pour la navigation intérieure les houilles maigres n1 à teneur en cendres comprises entre 4 et 7%. Chaque bateau recevra à son premier voyage les bons d'approvisionnement pour le chargement nécessaire à un parcours de 1.000 kilomètres. Les quantités allouées seront ensuite inscrites sur le livret de bord.236 Les marques des installations de conversion au « carburant végétale » doivent être homologuées sont : La Comète-Pillard, Unic, Panhard237 Pierson, Une des conséquences de l’importance du charbon de bois est le retour au flottage 235

Le Journal (28/06/43) Code de la navigation - 1944 237 Journal de la navigation 01/10/42 236

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à bûches perdues dans le Morvan. Le dernier flot de l'Yonne est organisé en 1923. En 1943, des ouvriers venus de Château-Chinon procèdent toutefois à un dernier jetage de bûches dans l'Oussiere. Comme avant, on lâche les étangs voisins pour flotter à bûches perdues. Puis, le bois est tiré sur la berge et, par un système ingénieux, on le charge sur des camions, direction Château-Chinon. Il s'agit de procéder à sa carbonisation, afin de transformer les bûches en charbon de bois. L'année suivante, en 1944, on embauche encore des bûcherons pour couper des bois jusque-là inexploités. Mais, l'expérience ne dure pas, et à la Libération du Morvan la même année met définitivement un terme à cette tentative ultime de flottage à bois perdus. 238 Les chevaux Le ravitaillement des chevaux des bateaux-écuries dont les bureaux d’affrètement ont la charge, apparait dans les correspondances de l’Office. Ainsi à Saint Mammès, le directeur du bureau local demande que le siège intervienne afin que les rations d’avoine destinées aux chevaux soient correctement faites. Il précise que pour le moment, en août 1942, que la nourriture donnée ne convient pas à tous les chevaux que la ration insuffisante n’a pas les pouvoir nutritif de l’avoine.239 A la fin des années 40, début 41, les ponts et Chaussées organisent un service de relais de chevaux pratiquement de l'Est (les Onglous – 34) à l'Ouest (Castets-enDorthe - 33), pour limiter la consommation du carburant. Quelques années auparavant, cette administration avait fait un recensement complet des mariniers, postillons, chevaux et bateaux. Motorisés et à traction animale qui empruntent les voies navigables du Midi. M. Lacaze, ingénieur des Pontet Chaussées nomme quand il en a l'opportunité d'anciens navigateurs et postillons qui ont pratiqué la traction animale comme chef d'écuries. Les Ponts et Chaussées prennent en charge le financement des hommes et des animaux. Pour ravitailler ces relais en foin, avoine et en paille ils ont deux « sapinette de Baïse », le d'Artagnan et le Carmen ainsi qu'une unité en fer, le Paul-Riquet. Certains tronçons sont parcourus « au moteur » comme la traversée de Toulouse ou le secteur Valence d'Agen-Bruch car le chemin de halage est impraticable. Une petite quantité de carburant est alors proposée moyennant finances. Il n’y a pas de travail le dimanche et ce service trop lent disparaît vers la fin 1942 début 1943 et la motorisation redevient générale.240 La bricole La période de la guerre c’est aussi des histoires de bricole. Mai 1940, les Allemands envahissaient notre pays. S'ensuivent des réquisitions en tous genres, chevaux de labour, de halage ; puis vint le manque de carburant pour les tracteurs diesel. Seule la traction électrique n'a pas souffert ; les « sous-station » de production ont été rapidement réparées, les ponts détruits dégagés du canal et 238

Dimitri Langoureau flottage et flotteurs sur l'Yonne 18ème-1923 les cahiers de d'Adiamos 89 n12 2015 Archives V.N.F. 240 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 239

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des rails disposés sur le rivage, ce qui permit de rétablir rapidement la navigation sur le canal de la Marne au Rhin. Il en allait différemment sur le canal de la Marne à la Saône qui était équipé de tracteur diesel.241 Vers le mois d'août de la même année, je me décide à prendre un transport de pierre meulière au départ de Güe pour Châlons-sur-Marne. Güe est à trente-six kilomètres en amont de Vitry-leFrançois sur le canal de la Marne à la Saône, contactant le responsable de la traction celui-ci me dit : « Avec les bateaux qui sont déclarés avant vous, vous avez quinze jours d’attente. » Revenant à bord, j'explique notre cas à ma patronne car j'étais que le commis de cette dame veuve depuis peu de temps. Je lui dis : « Nous n'attendrons pas quinze jours, nous partons à la bricole. » Nous décidons de faire les 134 kilomètres en tirant le Baïse vide à la bricole » en 40.242 Les parents endettés pour économiser de l'argent, pratiquaient le halage à la bricole en Belgique et Hollande pour économiser l'argent de la traction qui était payée sur l'ensemble du voyage. Ils ont même fait de la voile sur le canal Albert.243 Au début de l'année 1941, l'Origny 7 recommença à voyager pour l'usine de la société sous la coupe de l'occupant. Il ne fit que 9 transports durant l'année. En 1942, la pénurie de carburant commença, on naviguait tantôt au moteur, tantôt à la traction : 6 voyages aller-retour pour toute l'année. A partir de la fin avril 43 on fit plusieurs voyages de laitier de Louvroil, près de Maubeuge (59) pour Origny-sainte-Benoîte (02). Évidemment, pour partir cherche ce chargement, nous étions à vide. Comme le carburant se faisait rare, afin de l'économiser quand cela était possible, en particulier sur le canal de la Sambre à l'Oise, on halait le bateau à la main, à la bricole comme disait les mariniers. Mon père avait confectionné des harnais qu'on enfilait autour des épaules. C'était des bandes de toile de bâche, cousues sur un cordage accrochées les uns derrières les autres le long câble qui nous reliait au bateau. Tous mes frères et sœurs disponibles, même moi malgré mes 6 ans, nous devions tirer de toute nos forces en marchant le long de la berge sur le chemin de halage.244 Un article intitulé : Chemins mouvant de France dans ma péniche Patron Baudon sur la Mireille, une péniche Suite de l'enquête d'Hubert Bouchet J'ai pris la place du tracteur ou des chevaux. Je me suis harnaché, voyez : deux sangles autour des épaules, comme pour porter un sac. En avant ! Je tirai les 300 tonnes que pesait ma « voiture » à une allure d'escargot : 2,3 kilomètres par jour. C'est dur à démarrer, mais après ça glisse assez bien. Dame ! Faut pas cesser de tirer quand même. Et, si les chevaux qui font ce métier pouvaient nous parler à la fin de leurs 241

François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 243 Simon Desselle - 2020 244 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 242

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25 kilomètres journaliers le long des canaux et surtout des rivières (en remontant le courant notamment), ils nous diraient qu'ils aimeraient mieux être chevaux de course, de fiacre même. Et je pense aux bateliers de la Volga en évoquant sur les canaux et les rivières picardes le patron Baudon tirant sur sa bricole, trainant doucement sa maison mouvante, le plus loin possible de cette géhenne des hommes.245 Le moteur électrique

Dans les mémoires, nous avons le détail de l’expérience d’une péniche à moteur électrique. Cette utilisation est anecdotique. Était-ce, en 1940, le manque de carburant du fait de l'occupation de notre territoire ou la publicité de la Maison Tudor fabriquant de batteries électriques, toujours est-il que la Société des Sablières de la Seine (ex Messageries Fluviales) équipa une de ses unités, une péniche Freycinet, d'un système de propulsion au moyen d'un alternateur fonctionnant sur batteries, de la même manière que les autocars moderne de certaines villes. Le choix se porta sur le « S.S.S. 72 » conduit par le capitaine Roger Cassez ; ce bateau fut donc équipé d'un moteur électrique alimenté par 22 tonnes de batteries Tudor débitant 220 volts ce qui lui assurait une autonomie de 8 heures pour une vitesse de 6 kilomètre/heure avec un chargement de 280 tonnes, ou lège pour 3 à 4 kilomètres/heure. Prévues pour le transport de farine, de Corbeil à Pantin, plusieurs postes permettaient de recharger ces nombreuses batteries. Ils étaient installés sur son parcours : Grigny, Vigneux, Port de la Rapée, écluse des Récollets et de Louis-le-Blanc sur le canal SaintMartin. Le capitaine devait s'organiser pour rejoindre l'un de ces postes pour la nuit afin de mettre les batteries en charge et être en mesure de reprendre la navigation le lendemain. Une telle installation n'était ni polluante ni bruyante, rien d'autre qu'un léger murmure. Tout en n'étant pas performante à cent pour cent, cette installation a quand même fonctionné de 1940 à 1946 mais il n'était guère possible de vouloir faire des exploits de vitesse, les batteries ne supportaient pas une décharge de longue durée. Les 22 tonnes de batterie étaient placées de droite à gauche de l'alternateur et encombraient toute la salle des machines. L'entretien pour la surveillance du niveau d'eau n'était pas très facile et le remplissage d’eau distillée demandait beaucoup d'adresse. Une telle installation n'aurait pu être généralisée dans la batellerie car il aurait été nécessaire d'installer des postes de recharge tous les deux ou trois kilomètres ainsi qu'aux écluses et dans les ports. L'achat aurait été trop onéreux quand on connaissait la durée de vie des batteries qui étaient remplacées au moins une fois en six ans si, entre temps, il n'était pas nécessaire d'en remplacer une par-ci par-là. En 1946, le service régulier fut annulé pour une raison qui nous échappe et la péniche reprit son service de transport de sable dans la région parisienne. Quand toutes les batteries furent retirées, il fallut remplacer toutes les tôles de bordé qui avaient été complètement rongées. De plus, malgré la pénurie de textiles, l'équipage reçut fréquemment des vêtements de rechange car continuellement rongés par l'acide.246 245 246

Petit parisien – 06/04/41 – page 1 et 3 François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012

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Dans la zone occupée Pendant Vichy avant novembre 1942 Notre premier voyage de retour est un transport de poussier pour la cimenterie de Cormeilles-en-Parisis. Mais à Chauny, nous sommes bloqués par les glaces, en amont de l'écluse, avec trois autres péniches amarrées à une sorte d'estacade en bois qu'on appelle « patte d’oie ». Le canal sert de démarcation entre les deux zones. A Janville, les péniches amarrées 5 par 5 de front attendent la décrue. Départ à deux par remorqueur. Les difficultés sont telles, qu'à Verberie et Pontoise, un remorqueur reste en permanence pour pouvoir passer une seule péniche à la fois. La menace de couler est toujours bien réelle à chaque pont provisoire et passe navigable étroite.247 Quand nous pouvons échapper aux « prise d'office », il nous est possible de s'affréter librement. En 1942, nous chargeons dans les mines du Pas-de-Calais pour Dombasle en Meurthe-et-Moselle.248 A Dombasle nous sommes de nouveau réquisitionnés pour charger à Frouard des tuyaux d'un mètre de diamètre pour Rouen. Nous n'en chargeons que 54 tonnes. Il n'y a pas à s'étonner qu'on soit si vite agrippé à Dombasle, obligé de prendre d'office. Le directeur du bureau d’affrètement préfère choisir un inconnu qui tombe à pic plutôt qu'un habitué ou un ami.249 A 24 ans, je reviens à la batellerie de mon enfance. Pour les bateaux, le parc est réduit à cause des dégâts de la guerre. Les prisonniers revenus sont repris leur place dans la mesure du possible et la reconstruction fluviale n'a pas encore démarré. Papa et parrain ont toujours essayé de trouver des voyages pour que nous ne soyons pas séparés. Quand les allemands réquisitionnaient les péniches et obligeaient les mariniers de prendre un transport de marchandises pour tel endroit, on disait : « Voyage d'office » ou « Prix d'office » pour servir les allemands. Nous étions toujours ensemble pour aller dans la même direction.250

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 249 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 250 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 248

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Déclaration de libre entrée en français et en allemand – document servant sortir d’une zone à l’autre. - Coll. Roland Langlin

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Dans la zone « libre »

Laissez-passer en français et en allemand - Noter la somme des informations qui doivent y figure. - Coll. Stephane Fournier 171


Après la fin des combats en juin 40, une grande précarité économique attend les bateliers qui s'y trouvent où s'y réfugient. Certains cours d'eau comme la Saône servent de ligne de démarcation entre les deux principales zones. La limite des zones n’entrave pas trop les voyages. On passait parce que l'on avait des marchandises.251 La navigation sur les canaux du Midi pendant la deuxième guerre s'effectue presque entièrement en zone libre. La ligne de démarcation qui suit la côte passe à Langon à une soixantaine de kilomètres de Bordeaux. Mais comme le bateau voyage du côté de la Méditerranée, il n'a pas à la franchir. 252 Sur les deux versants du canal du midi, les bateaux sont pris dans la tourmente de l’organisation Todt chargée de la fortification des façades maritimes du pays. Le transport de sables est gravier va devenir florissant dans l'Hérault. A Bordeaux c'est pour la construction de la base sous-marine que les bateaux travaillent. Réquisitionnés. En plus du transport de gravier, des bateaux de canal étaient sollicité pour d'autres activités comme faire office de bac pour les ouvriers qui traversent la Garonne entre la base sous-marine et les chantiers navals. 253 Dans le Midi, même si un immense espoir est né, des semaines sont nécessaires pour que le trafic fluvial redémarre. Pour tout le monde le ravitaillement reste le problème n°1.254 Le 14 juin, les Allemands entrent dans Paris. Le 20, ils occupent Nantes, Vichy et Lyon. En juillet le bateau descend le Rhône, fleuve qui leur est inconnu. A la première occasion, le pilote qu'ils avaient engagé prend la fuite. Ils vont devoir faire route avec d'autres bateaux ? Tout au long de leur parcours, dans les villes les plus importantes, Valence, Avignon, etc. ils essaient en vain de prendre contact avec les sociétés Carbenzol ou Lille-Bonnières. En arrivant à Beaucaire, le bateau est toujours encombré de sa cargaison est dirigé par les Ponts et Chaussées vers le port de Saint-Gilles dans le canal du Rhône à Sète, aux portes de la Camargue. Il reçoit un courrier de la Société Lille-Bonnières repliée à Limoges. Le 1er août ils reçoivent les instructions pour décharger à La Peyrade à Sète pour le compte de la poudrerie de Saint-Chamas. Ils devront attendre décembre pour toucher le règlement de ce transport. Sitôt le bateau vide, Xavier et Charles proposent leurs services aux différentes entreprises et raffineries de la région. Ils sont en zone libre et comptent bien y rester. Notre témoin parle de l’espoir par De Gaulle à la T.S.F. …Nous savons maintenant que très peu de gens l’on entendu. Il y a une limite dans les récits d’enfance écris à l’âge adulte. Les souvenirs sont 251

Roland Langlin – 2019 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 253 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 254 André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 – 2013 252

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souvent réinventés et deviennent La version de l’Histoire personnelle. Après leurs recherches, ils ont obtenu plusieurs voyages de Berre à Sète avec du fuel domestique. Très vite, le commerce se tarit faute de matière première confisquée au profit de l'économie allemande. « Nous n'avons pas d'emploi pour votre unité en zone libre, vous devez revenir dans la région parisienne. Le 6 novembre, Carbenzol écrit « Nous avons l'honneur de vous informer que nous serions susceptibles d'utiliser à nouveau votre chaland pour les transports de benzol du nord de paris. » Prudents ils se renseignent sur l'emploi des bateaux et des transports en zone occupée. Le délégué S.I.P.P. du département maritime du Pool des Pétroles, M. Duprat, a une phrase les rend perplexes : « d'autre part, étant artisan, vous devez considérer votre unité comme appartenant à un transport public ». Autrement dit l’artisan est assimilé à un contremaître et touche un salaire. Là ils ne sont pas d'accord. Jusqu'à nouvel ordre ils resteront dans le Midi. Ils vont découvrir les produits locaux : l'olive et son huile, les aubergines, melons, sardines et pastis ! Le jour où la mairie a reçu un stock de choucroute dont personne ne savait quoi faire de ce « manger de boches », Fernande va leur apprendre à préparer ce nouveau plat.255 Les dimensions et le manque de puissance du moteur du bateau lui interdisent de naviguer sur le Rhône. Ils sont embauchés pour plusieurs voyages de flegme (liquide obtenu par la première distillation d'un produit de fermentation alcoolique) de Marseille à Saint-Gilles ou dans l'autre sens du fuel domestique. Tout cela est ponctué par de très longues attentes qui impose des séjours prolongés dans le port de Marseille. Imaginiez, un 38 mètres parmi les bateaux du Rhône, les remorqueurs et les navires, qui plus est encombré de cages à poules et de lapins, de linge qui sèche montrant qu'il y a des petits enfants, attire forcément l'attention dans cet univers de marins.256 La précarité de la situation fait que les mariniers se résolvent à remonter vers le nord. Carbenzol lui cherche un fret de retour pour Lyon avant Paris et en même temps l'assurer contre les risques de guerre. Le 26 décembre 1941, la compagnie lui conseille de ne pas prendre de risque et de rester dans le Sud. La remontée du Rhône est reportée. En avril 42 ils sont partis de Beaucaire à Lyon à vide. Arrivé à Mâcon, Carbenzol, surpris de les voir revenir et de ne pas avoir tenu compte des ordres lui conseillent de rester sur place jusqu'à nouvel ordre. Ils quittent Mâcon pour Saint-Romain-des-Îles, entre Mâcon et Villefranche-surSaône. Ne pouvant rembourser les échéances de prêts ils envisagent de vendre le Flèche d'Or. Ils vont faire une longue attente là où ils sont. L'herbe est abondante et verte pour les poules et les lapins. Charles trouve un travail dans une tuilerie et Xavier est employé pour garder les ponts. Ils logent sur le bateau mais la journée ils font du 255 256

Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010

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« camping » en face du bateau jusqu’à l'automne.257 Après novembre 1942, il n’y a plus de zone dite libre. Le régime d’exploitation devient commun aux deux zones. Vers la fin de la guerre les voyages sont longs souvent avec des marchandises et des destinations inhabituelles. En 1944, ce fut bien pire : le premier voyage, toujours Louvroil, dura un mois et demi-aller-retour. 258 Après sept mois d'immobilisation forcée, l'Origny 7 reprit sa route le 28 décembre. Après avoir déchargé notre marchandise à Valenciennes, on monta sur cale au chantier de Mortagne-du-Nord pour réparer l'avant du bateau endommagé lors de la l’accident sur la Sambre en mai 44. Cette réparation demanda plus d'un mois et demi de travail. Début mars, on retrouva des transports qui n'avaient toujours rien à voir avec notre société puisque nous chargions du charbon dans le Nord pour la région parisienne, à Gennevilliers, puis de là, du Havre à Vitry-sur-Seine. Malgré tout, les voyages n'étaient pas encore bien réguliers pour nous. C'était quelquefois pour la cimenterie, d'autres fois pour du divers. Au début de l'été 1945, nous avions un chargement de pommes de terre à Bar-le-Duc (Meuse). Des prisonniers de guerre allemands étaient dans la cale de notre bateau pour effectuer les opérations de déchargement sous la surveillance de soldats français. Et oui ! Les rôles avaient changé de camps !259 Pour notre dernier voyage de la guerre, nous avions pris un transport de laitier, des déchets de sidérurgie, à charger à Louvroil près de Hautmont (59) pour Beuvry près de Béthune. Ce voyage a duré du 17 mars 1944 au 8 janvier 1945 (en gros 10 mois !) Nous voyagions deux jours, puis arrêt de quatre jours, pour revoyager cinq jours, pour finir enfin plusieurs mois d'arrêt. Il fallut attendre plusieurs mois pour remettre les canaux démolis en état de marche pour nous permettre de continuer notre voyage.260 Le Reichland ou l’Alsace-Lorraine Le Rhin de par sa position géographique est une voie de transit importante entre le sud et le nord de l'Europe. Il fait d’ailleurs l'objet du tout premier traité international en 1815 au Congrès de Vienne. Il a surtout un rôle capital pour l’industrie allemande et de ce fait la navigation rhénane est fondamentale. Ainsi, au début du 20ème siècle alors que l’Alsace est dans le IIème Reich depuis 1871, les travaux entrepris par les Allemands permettent 257

Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 259 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 260 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 258

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la navigation de bateaux à grands gabarits de se prolonge de Mannheim à Strasbourg. Par le Traité de Versailles de 1919, quand l'Alsace retourne dans le giron français, un canal latéral est creusé de Bâle à Strasbourg permettant les bateaux de 1.500 tonnes et l'utilisation de l'énergie hydroélectrique par le barrage de Kembs. A la fin de la Première Guerre mondiale, la navigation rhénane était aux mains de la flotte allemande et néerlandaise. La France du se reconstituer une flotte, notamment grâce aux indemnités de guerre, tout en développant les installations du port de Strasbourg. A l’avènement du nazisme en Allemagne, les bateliers allemands purent conserver partiellement leur indépendance économique sans être nationalisée mais qui doivent être subordonnés aux intérêts de l’État dans le cadre d'une économie planifiée, selon le dicton d’alors "le transport ne devait pas réaliser de bénéfices mais seulement nourrir". Le gel des salaires et des prix sont arrêtés en 1939. Les réquisitions au profit des armateurs allemands des sociétés fluviales et des flottes rhénanes entre autres françaises accroissent les capacités de transport de la navigation rhénane allemande. Malgré les destructions durant la Campagne de France au printemps 1940, dès le mois d'août 1940 les chalands circulent de nouveau, bien que l’interconnexion entre le port et le rail ne soit pas opérationnelle. Comme la politique et le secteur du transport en Allemagne étaient subordonnés à l'économie de guerre, la navigation intérieure devait prendre sa part du trafic de pondéreux sur de longues distances afin de décharger le trafic ferroviaire qui est privilégié pour le matériel militaire. Pour optimiser cette utilisation, le régime hitlérien utilisait plusieurs moyens comme améliorer la formation, réduire les temps de chargement et de déchargement, assouplir les droits tarifaires ou employer du personnel féminin qui remplace les hommes sous les drapeaux. Malgré cela, le trafic sur le Rhin régresse de 90 millions de tonnes en 1938 à 35 en 1944. Le transbordement dans le port de Strasbourg s'élevait à 100.000 tonnes en novembre 1940. Durant la phase finale de la guerre, après le Débarquement de juin 44 en Normandie, les restrictions de transport se multiplient et le trafic diurne s'interrompt à cause des raids aériens. De plus, la pénurie de carburant allonge les temps de transport. Enfin, les destructions des ponts et des navires coulés compliquent la navigation. Mi-mars 1945, l'ordre est donné de détruire tous les équipements de transport sur le territoire du Reich. De très nombreux bateaux rhénans et installations portuaires furent détruits. Face aux mobilisations de plus en plus d'hommes pour les fronts, de plus en plus de prisonniers de guerre polonais ou russes travaillent dans les entreprises de 175


transbordements.261 Cette partie de la France connait encore en 1940 un bouleversement de son histoire. Ses habitants redeviennent allemands. Offendorf, au nord de Strasbourg, se présente volontiers comme le village des bateliers alsaciens. Son musée de la Batellerie a publié un ouvrage de roman-fiction, qui retrace l’histoire de sa population de la fin du 19ème siècle à nos jours.262 La seconde guerre mondiale y est très présente avec 70 pages qui lui sont consacrées sur 238. Etant une région à proximité de la futur zone des combats, les populations civiles sont évacuées vers l’intérieur du pays. Là aussi l’exode d’une partie des bateaux commence. Les Allemands sont arrivés avec des Stukas, ils ont pris le canal en enfilade. Quand les bombes tombaient, tout le monde sautait à terre et se cachait dans les environs. Tout ce qui peut circuler, tout ce qui peut se déplacer sans tracteur doit partir et se diriger sur Dijon. Un convoi de 5 bateaux si dirige soit avec des chevaux ou à la bricole. En Alsace, la vente des chevaux avant qu’ils ne soient réquisitionnés s’organise et il y a l’obligation du halage dès qu'il y a des rails. Des tracteurs de la ligne Maginot sont amenés pour y participer. La bricole, pour que les hommes puissent tirer les bateaux, revient en force. Rapidement, les réquisitions des bateaux par les Allemands commencent. L’auteur précise malicieusement que là où se trouve son convoi, dans les Vosges, les bateaux ne risquent pas grand-chose. Tout est bouché. Si les Allemands veulent en prendre un, il leur faudra d'abord retirer les épaves. Nous sommes bloqués 6 ou 7 mois aux Forges de Thuminont (88). Nous améliorons l’ordinaire en pratiquant la pêche à la ligne. Nous avons pu garder nos chevaux que nous avions cachés. Ils font le foin ou les patates chez les paysans du coin. « On a aussi rentré les pommes de terre. On n'a pas eu de sous mais on a eu des pommes de terre. » Une autre façon de se procurer des vivres c’est quand on était chargé de certaines marchandises, entre autres du charbon, un petit panier de charbon par-ci, un petit panier par-là, un sac de charbon contre un poulet, ou quelques salades contre 5 kilos de patates...on a toujours fait un peu de troc, c'est dans les gènes des bateliers ! … fallait pas exagérer, mais il y avait toujours moyen de se débrouiller. Puis les voyages ont repris en décembre 40, progressivement avec les voies qui sont déblayés. Nous avons été réquisitionnés par l'armée Allemandes pour des transports à l'intérieur du Reich. A Mulhouse c’est un chargement de potasse pour une destination inconnue. Nous mettons plusieurs mois pour arriver à destination. Des fois on cachait de la marchandise pour qu’elle ne soit pas découverte par les douaniers. Une fois, en passant par Saverne, nous avions deux énormes sacs de paquets de cigarettes cachés dans la cargaison de marc sec de pommes : « Cela m'amusait de jouer un bon tour aux occupants et aux douaniers qui étaient à leurs ordres ! » L’hiver 41/42 a été très dur. Nous sommes pris par les glaces pendant 3 mois 261

Transports dans la France en guerre Coordination Marie-Noëlle Polino - La navigation rhénane en Alsace pendant la Seconde Guerre mondiale - Pia Norblom - Publications de l'Université de Rouen et du Havre – 2008 262 La saga des bateliers d'Offendorf – Commune d'Offendorf – 2007

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jusqu'en mars. Pendant la guerre, la « frontière » était à l’écluse 14 – 13 – 12 entre Xures et Lagarde. Nous avons aidé au passage d'aviateurs polonais de la R.A.F. à la « frontière » et on en a vu se sauver des prisonniers. Il y en a qui longeaient le chemin de halage, certains demandaient l'aide de mariniers pour travers le canal en bachot.

Une des très nombreuses lettres afin de régler le problème sur la location des remorqueurs Pax, Aigles et Calvi en Allemagne. – Coll. V.N.F. 177


Aller en Allemagne et la Belgique

Formulaire de cotisation au service d’Entr’Aide en français et en néerlandais. – Coll. Roland Langlin

Dans notre corpus de témoignages, il y a peu de voyages en Allemagne. Cela dit, les transports vers Gand avec du minerai de fer de Normandie sont à destination de la Ruhr. Nous avons eu le récit d'un voyage à Duisbourg avec son problème des tickets de 178


rationnement et des soldats très durs avec les prisonniers russes qui mendient de la nourriture aux écluses, ou l’exécution sommaire d'un russe suite à un refus ou à la lenteur d’ôter son calot. Ce qui frappe aussi notre témoin c'est les villes bombardées et la crainte du non-retour en France de ses parents. D'ailleurs il parle volontiers de fridolins ou de boches. Il y a aussi à plusieurs fois une certaine confusion entre l'Allemagne proprement dite et l'Alsace. « C’est un drôle de pays l'Alsace coincé entre deux. » 263 Je fis une crise d'asthme. L'Allemagne était réputée pour ses bons docteurs et ses bons produits pharmaceutiques. Le médecin était gratuit puisque papa travaillait, les médicaments sont efficaces. Ils sont en Alsace à ce moment-là !264 Ainsi pendant 4 ans nous avons effectué des transports au départ de la Moselle à destination de Strasbourg ou Sarrebruck. Il faut dire que les Allemands réquisitionnaient tout ! Il y avait quand même des transports de poussier de gueulard : cela faisait tellement de poussière lors du chargement qu'un ouvrier arrosait continuellement pour que le grutier puisse voir le bateau ! Nous n'avions pas le choix. Nous transportions également des rouleaux de fil de fer, de l'acier, du laitier, le tout à destination de Strasbourg, pour être rechargé dans des chalands du Rhin. Le fret était toujours le même et, réquisitionnés, nous n'avions qu'à nous incliner devant l'occupant. Mais de ce fait, entre Nancy et Strasbourg, le trafic était saturé. 265 En 1942, seul voyage en Allemagne. Depuis Montceau les Mines pour Essen des pièces de blindages. Les Allemands disent lors du chargement : je vous ferais rentrer. Je vous donne du gas-oil. A Strasbourg, remorqueur avalant. 3 jours avant, Cologne avait été bombardé. Essen pas de tickets de rationnement mais pleins de soldats français prisonniers qui travaillent dans la ville. Utilise un interprète hollandais pour avoir des tickets. Retour à vide sur Strasbourg. Là de la farine pour Mulhouse puis de la potasse de Mulhouse pour Lyon.266 Ne pas donner à manger aux prisonniers de l'Est qui font la manche aux écluses. En Allemagne on était payé à la journée par l'affréteur au cours comme pour le sucre ou le charbon. Mon père ne voulait pas être contraint, pris d'office, aussi quand il jugeait la situation pas en sa faveur, il s’affrétait au 1er appel, pas sur ordre. Il pratiquait la résistance à sa façon, une fois affrété les contrôles étaient moins facile pour l’administration, quelquefois collaboratrice avec l'occupant. C’est une situation plus fréquente en Belgique Flamande. Gand était une destination courante de chargement de minerais de fer venant des mines Normandes dans divers ports de Seine dont Rouen. A Gand c'était transbordé dans des chalands rhénans. A une certaine époque les rhénans amenaient du sable du Rhin en échange. Ce sable allait pour

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Roland Langlin – 2019 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 265 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 266 Roland Langlin – 2019 264

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construire le mur de l'Atlantique. 267 Le José travaille avec le système de « la prise d'office » principalement pour les Allemands vers la Belgique et les Pays Bas. C'était principalement au service de l'organisation Todt en transport de matériaux de construction pour le mur de l'Atlantique. En juin 1944, il arrive à Calais au moment des bombardements massifs de diversion, opération Fortitude, en prévision du Débarquement en Normandie.268 Nous avons effectué quelques transports entre Strasbourg et Sarrebruck, Thionville, etc. Puis nous avons été réquisitionnés pour un transport de pâte à papier au départ de Strasbourg à destination de Rouen.269 Il nous est arrivé d'être vingt-cinq jours en surestaries. Ce sont les indemnités d'attente au chargement ou au déchargement. A Héning (Moselle), avec un chargement de laitier pour la cimenterie. L'indemnité des surestaries en Alsace annexée était de 27 RM - et pas DM comme c’est dit dans les mémoires - par jour en tant que tractionné tant que pour un automoteur, mais des automoteurs, il n'y en avait pratiquement pas, par manque de carburant. Le RM étant coté 20frs, cela nous faisait donc 540 frs par jour, et, 5,40 frs pour moi ! Cela me permit de me faire des soins dentaires à Sarrebourg, où je me rendais trois fois par semaine à bicyclette. Après la prison en 42 J'ai donc embarqué de nouveau à Conflans début décembre. Avec un chargement de minerais à destination de Gand, en Belgique, où nous avons été arrêtés quarante-cinq jours pour cause de glaces.270 Hiver 41/42 le bateau fait eau. Il faut pomper une bonne heure par jour. Depuis Calais, nous sommes partis à vide à Béthune dans l'espoir de prendre un transport vers l'Est ; ce que nous avons eu après 20 jours d'attente. Je travaille au remplacement de planches abîmées du tillac par la benne.Avec un copain d'un autre bateau nous avons pris un chargement de gravillons à destination de Calais dans le cadre de la construction du Mur de l'Atlantique. De toute façon, nous aurions été réquisitionnés par les Allemands : ils n'ont pas eu cet honneur !

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Raymond Carpentier – 2020 Simon Desselle, 85 ans - 2020 269 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 270 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 268

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Les tickets de rationnement obtenus à Duisbourg lors du voyage de transport de plaques de blindage. - Coll. Roland Langlin

Billet du service portuaire de Gand. - Coll. Roland Langlin

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Construction de mur en 1942. Coll. Common Wiki

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La reconstruction après la Bataille de France La presse quotidienne dans toute une série d’articles parle du « relèvement de la France ».271 Pour les infrastructures : Sur un réseau total de 9.700 kilomètres, 5.200 kilomètres de voies navigables étaient obstrués par les débris des ouvrages d'art. 351 ouvrages, dont 1.052 pont-routes ; 181 pont-rails ; 114 ouvrages de navigations, barrage, passerelles et halages et 4 ponts-canaux étaient inutilisables ou détériorés. Les plus grands dommages étaient situés dans le Nord où 377 ponts sur 410 avaient sauté ; dans l'Est et la région parisienne où sur la Seine, entre Rouen et Montereau, on avait compté 57 ponts détruits. Quant au matériel fluvial, le parc de la batellerie, qui comptait en 1939, un total d'environ 13.000 bateaux, en a perdu au cours des hostilités environ 1.200 qui étaient irréparables et 1.500 qui étaient endommagés gravement.272 Dès le lendemain de l'armistice, l'activité du Service des Voies Navigables s'est consacrée à la réparation des dommages causés et à la remise en état de navigabilité du réseau. A la fin 1940 il ne restait plus que 920 km de voies navigables à remettre en exploitation et 187 ouvrages à déblayer et à réédifier. A la fin 1941, il ne restait plus que 40 km de voies à remettre en exploitation et 8 ouvrages à rebâtir. Il ne reste plus que 17 km de voies navigables à remettre à la disposition de la Batellerie, soit 5 km sur le canal de la Deûle, sur lequel la navigation sera rétablie lorsque l'écluse de Seulement sera reconstruite et 12 km sur le canal de la BasseColme où la navigation reste interrompue par les travaux de remise en état du pont de Hoymille et du Pont aux Moutons. Dans l’ensemble, la remise en circulation est rapidement menée. Pour le matériel fluvial : Les 1.200 bateaux irréparables ont été démolis. Sur les 1.500 bateaux endommagés, la moitié en bois et les autres sont des automoteurs et des tractionnés en fer, le tiers était réparé à la fin de l'année 1940 et les deux tiers à la fin de l'année 1941. 1.400 bateaux environ sont remis en état ou en cours de réparation. Les réparations indispensables sont commandées par l’O.N.N.. Le sous-comité de 271 272

Action française – 15/12/42 Rapport statistiques O.N.N. de 1945 – Les chiffres de la période de la guerre sont regroupés dans ce volume.

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la navigation fluviale à pris en charge l'approvisionnement de ses adhérents en argent, matériaux et établi un tarif de réparation applicable à tous les chantiers selon leur emplacement, sans augmentation notable. La hausse n'étant que de 20% sur les tarifs de septembre 1939. Le 1 er mars 1943, 969 bateaux réparés et remis en service soit 422 péniches en bois et 547 en fer tractionnés et automoteurs. Toutes dispositions sont prises en priorité pour les bateaux en fer, soit 250 environ pour septembre 42. Pour les 180 en bois c'est plus long faute d'ouvrier qualifiés et de matières premières et de plus en plus aigu pour le financement pour la partie non couverte ou insuffisamment par l'assurance risque de guerre. Le décret du 28/02/40 met 200 millions à la disposition de l'Office pour financer les réparations. Le taux des prêts est à 5% avec une loi sur les banques afin qu’elles ne dépassent pas ce chiffre. Une autre loi du 21/03/41 porte sur la réorganisation du crédit artisanal. Le trafic : Le trafic qui était 1939 de 12.559.380 tonnes de marchandises par trimestre, était à peu près réduit à zéro en juillet 1940. Il a pu remonter 4.850.456 tonnes au cours de deuxième trimestre 1941 et à 5.833.296 tonnes au cours du deuxième trimestre 1942 malgré la diminution subie par le parc de la Batellerie et la pénurie actuelle de charbon et de carburant d'où il résulte que les moyens de traction et de remorquage sont considérablement réduits. Si les infrastructures permettent la navigation, avec toutefois très souvent une diminution de l’enfoncement des bateaux, la diminution du tonnage transporté est considérable. Les statistiques de l’O.N.N. de passages aux écluses de Iwuy et de Pontoise montrent toutefois que la rotation sur la ligne du charbon depuis le Nord de la France vers Paris prenait 51 jours à partir de l'automne 1940 contre 60 jours dans les dernières années de la paix : séjour dans le bassin minier 15 jours, séjour moyen dans le bassin parisien 13 jours, parcours Iwuy-Pontoise 11 jours et dans l'autre sens 12 jours. Cela ne fait que 5 rotations annuelles.273 En même temps, la voie d’eau est vue comme une solution d'avenir avec des travaux d'entretien, d'amélioration et d'équipement. Indépendamment des travaux de reconstruction, tout un programme de travaux a été entrepris sur les voies navigables et dans les ports. Dans la longue liste citons par exemple : Dans le Nord : réfection et consolidation des berges, les dragages effectués en particulier en vue de permettre la navigation sur 2 m de fond entre les houillères et la région parisienne, Sur la Seine : limonage du bief de Martot (27), l'amélioration du barrage de Poses, 273

Archives O.N.N.

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l'amélioration des rives du chenal des ports... Pour le port de Paris, si les grands travaux sur le port de Gennevilliers datent de l'entre-deux guerre. Dans les années 1930, ses installations s'étendent sur une surface similaire au port de Dunkerque et dès 1939, deux grandes darses existaient. Après l'armistice de 1940, afin de lutter contre le chômage, dans le cadre d'une politique de grands travaux, le bassin des hydrocarbures est creusé à la main par manque de carburant pour les engins et aussi pour embaucher plus de monde. La Kriegsmarine réquisitionne une grande partie des installations pour du stockage de charbon ou de matériel et l'Organisation Todt s'y installe également avec une usine de fabrication de pièces en béton précontraints s'étendant sur près de 60 hectares. La majorité des constructions édifiées, baraques, pavillons, bureaux ou logements des personnels furent détruits par les bombardements. Plusieurs hangars en béton résistent et purent être de suite réutilisable à la Libération et participer à l'effort militaire des Alliés. De par les travaux entrepris par le département de la Seine qui avaient permis de rendre opérationnel le port au sortir de la guerre, la Seconde Guerre mondiale a donné un nouveau souffle au port de Paris en le plaçant en bonne dans la chaîne logistique de ravitaillement de la capitale. Toujours sur la Seine, pour la reconstruction des ponts ce sera la « la guerre des ponts » selon l'expression de jean Laffitte. Il y a toujours le projet que Paris soit un port de mer donc cela induit une reconstruction des ponts en aval de Paris avec un important tirant d'air pour laisser passer les bateaux de fort tonnage directement la mer. De même, il y a l’augmentation de la profondeur du chenal de navigation et la réduction du nombre de biefs de 9 à 6 avant la guerre. En 1921 on visait les 5 biefs contre 7 pour 1944. 274 Un autre article, « Les canaux de France », parle d’une délibération de la chambre de commerce de Marseille qui demande d’intégrer le Rhône et donc le port Phocéen à la nouvelle carte de l’Europe en insistant sur le problème de la navigabilité du Rhône et de sa jonction avec le système hydroviaire européen : Rhin et Danube. Un autre, se pose cette question : La Loire sera-t-elle rendue navigable ? M. Jean Berthelot, ministre, secrétaire d'Etat aux Communications, vient d'être saisi par les Chambres de commerce du bassin de la Loire d'un projet en vue de rendre la Loire navigable. » Ce plan comprend deux parties :

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Transports dans la France en guerre Coordination Marie-Noëlle Polino - Le port de Gennevilliers : l'émergence d'un géant (1940 - 1950) - Alexandre Lalandre - Publications de l'Université de Rouen et du Havre - 2008

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- Amélioration du système d'épis existant dans le lit du fleuve entre Nantes et l'embouchure de La Maine, - Création d'un canal latéral entre Angers et Briare.275 L'effort de la Direction des Ports Maritimes et des Voies Navigables s'est trouvé bien souvent contrecarré par la pénurie des matières premières, des matériaux et des moyens de transports. Les carburants et les lubrifiants, le ciment, les métaux ferreux, les matériaux non ferreux, les bois, les peintures et vernis, les textiles et cordage, le papier manquent. Dans certains cas, les Service en ont été conduits à réduire de 90% la marche des travaux ou même les interrompre pendant plusieurs mois. Un autre article appelle à maximiser les transports par eau : « Il faut faire rendre au maximum les transports par eau ! » nous déclare M. Berthelot ministre, secrétaire d'Etat aux Communications. « Près de 2.000 péniches ont été coulées. On en a renfloué 300 et l'on pourra vraisemblablement en récupérer au total un millier. Quant aux constructions neuves, elles se feront d'après un prototype - actuellement en cours d'exécution – portant 340 tonnes au lieu de 280 tonnes à 2m20 d'enfoncement. Pour ce faire, un crédit de 300 millions a été prévu pour l'approfondissement à 2m20 des voies fluviales du Nord. En même temps, il y a l’abandon du projet du Canal du Nord pour faire des économies budgétaires alors que 300 millions ont déjà été dépensés. Il reste pour le terminer et l'aménager à des bateaux de 600 tonnes à dépenser 1 milliard 700 de francs sans compter l'adaptation de tout le réseau du Nord et la reconstruction de la flotte. Le ministre juge, d'autre part, indispensable de spécialiser les transports. Laisser au rail le transport des marchandises diverses et confier de préférence à la batellerie celui des matières pondéreuses et des produits bon marché. Il vaut mieux, en effet, abaisser les frais de transport d'une marchandise de peu de valeur que ceux d'un produit de prix élevé. »276 Dans un article consacré à la reconstruction et l'équipement du pays, Jean Berthelot peut affirmer qu’au 1er février 1941, tous les canaux seront utilisables, sauf le pontcanal de Briare...277 Au bilan de cette reconstruction il y a une rapide remise en service des infrastructures. Le plus étonnant dans cette période de « renouveau » ce sont tous 275

Le petit troyen – 04/01/41 et Le progrès de la Somme – 07/01/41 Le petit parisien – 16/11/40 277 Le temps – 14/12/40 276

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les articles qui présentent des projets de canaux afin de dynamiser le trafic fluvial mais aussi qui cherchent à insérer la France dans la carte de la « Nouvelle Europe ».

Note de service sur le passage aux 54 heures de travail hebdomadaire dans les chantiers fluviaux. – Coll. V.N.F.

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Lettre sur le devis de réparation du bateau Les 2 frères fidèles en 1942. Coll. V.N.F.

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L'organisation de la profession sous Vichy et le trafic Alors que l'organisation administrative du pays est pensée et mis en pratique par un groupes d'hommes résolument « modernistes » ou « progressistes », il y a tout un aspect « traditionaliste » voire « passéiste » dans Vichy.278 Ce n'est qu'en 1931 que la population urbaine dépasse la rurale. « Aucun pays occidental n'est entré dans l’ère urbaine et industrielle sans jeter un regard mélancolique en arrière. » L'opposition au modernisme a été plus virulente en France et reste toujours très forte en 1940. Il convient de réorganiser l'ensemble des professions et des métiers. La Charte du travail est promulguée le 4 octobre 1941. Elle instaure des corporations par branches d'activité afin de rechercher l'entente entre les patrons et les ouvriers et travailleurs pour éviter la lutte des classes de philosophie marxiste. Elle dissout les syndicats et interdit les grèves. Ce contrôle par l’État permet de fixer les prix et les salaires. Pétain se présente et est perçu au début de son régime comme le père protecteur de la Nation. Le système corporatiste a donc une dimension patriarcale et familiale qui correspond à sa devise « Travail, Famille, Patrie ».279 Le choix du mot « corporation » pour ce système n'est pas anodin. Du Moyen-Âge jusqu'à la Révolution française, la corporation était le mode d'organisation de la plupart des professions. C'était un système en vase clos qui avait chacune sa réglementation particulière. A la Révolution elles sont interdites car elles étaient des corps intermédiaires ente le citoyen et la Nation selon le principe de la Liberté et de l’Égalité. Vichy va revenir sur cette philosophie en remettant en cause la Révolution française et la société qui en découle pour instituer un rapport direct entre le chef et le français par sa corporation comme naguère entre le roi et ses sujets. C'est dans ce contexte qu'est instituée « La Charte de la batellerie » par la Loi du 14 avril 1942. L'organisation nouvelle de la batellerie Vichy, 9 novembre. Sur la proposition de M. Berthelot, secrétaire d'Etat aux Communications, le conseil de cabinet a approuvé hier soir, ainsi que nous l'annonçons plus haut, un ensemble de textes qui tendent à réaliser une organisation nouvelle de la batellerie, dont l'activité sera, à l'avenir, étroitement dirigée et contrôlée par l'Etat, représenté par un office national de la navigation, entièrement rénové. Les mesures adoptées comportent :

278 279

La France de Vichy, 1940 – 1944 – Robert O.Paxton – Editions du Seuil – 1973 - page 254 La France de Vichy, 1940 – 1944 - Robert O.Paxton – Ed.du Seuil – 1973

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1 L'institution d'un office national de la navigation en la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial qui, non seulement pourra gérer des concessions intéressant l'exploitation des voies navigables mais encore sera l'organe exécutif du secrétariat d'Etat aux communications pour l'exploitation commerciale des voies navigables. 2 La création d'un comité d'organisation professionnel de la batellerie qui grouperait à la fois les entreprises de navigation et les patrons bateliers et également toutes les activités qui gravitent autour de la batellerie. 3 Un décret qui conférera le monopole de la traction sur les voies navigables à l'office national de la navigation. Ces textes, joints à la Loi sur les priorités de transport et à l'arrêté pris en exécution de cette loi, fixent le statut de la navigation intérieure.L'ensemble des mesures ainsi arrêtées permettra de tirer de la batellerie le maximum de rendement, ce qui est particulièrement important au moment où l'économie française manque de wagons et de carburant.280 Les origines de la Charte de la batellerie « La condition particulière de cette activité tiennent particulièrement au caractère essentiellement mobile de la plupart des personnes qui l'exercent, ainsi qu'à l'importance considérable de la navigation artisanale dont les bateaux représentent, en tonnage, environ la moitié de la flotte intérieure française. Elle justifie une adaptation spéciale à la navigation intérieure de la Loi du 4 octobre 1941 relative à l'organisation sociale des professions. … en raison de la nature et de l'activité des entreprises intéressées, dont l'ensemble constitue une entité ayant sa vie propre et groupant des intérêts homogènes. Une intervention constante de l’État s'exerce déjà depuis de nombreuses années sur l'activité de ces entreprises dans un but économique et social ; elle s'est traduite récemment par la Loi du 11 novembre 1940 portant réorganisation de l'office nationale de la navigation et par la Loi du 22 mars 1941 sur l'exploitation réglementée des voies navigables et la coordination des transports par fer et par navigation intérieure ; il s'en est suivi une discipline de caractère officiel qu'il est facile de compléter par des disciplines de caractères corporatif.... La région de navigation, dans laquelle sont appelés à se déplacer les mêmes bateaux, constitue la circonscription géographique de base... A son échelon, un syndicat professionnel régional réunit obligatoirement tous les membres d'une même catégorie professionnelle ; trois catégories professionnelles ont été prévues : employeurs et courtiers de fret, artisans et maîtres bateliers, salariés. Chaque catégorie est divisée en spécialités professionnelles correspondant aux activités propres de chaque membre. » Il y a 4 régions de navigation fluviale : Nord, Seine, Centre, Est avec siège à Paris Ouest, avec siège à Nantes Sud-Ouest, avec siège à Toulouse Sud-Est, avec siège à Lyon Il y a un niveau pour des sections subrégionales qui est prévu et un niveau national avec un groupement de représentants régionaux. Nulle part il est noté élections des délégués. 280

Le temps – 10/11/40

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C'est un système pyramidal, décidé par le sommet sans qu'il n'y ne soit possible d'élire des représentants et en permettant à la base de s'organiser et de prendre des initiatives. Pour localiser dans le territoire ce système, des « maisons batelières » sont instituées. Ce sont des lieux qui regroupent les réunions des comités centraux corporatifs des unions régionales et des organisations professionnelles. Au siège de la corporation et dans chacun des 4 sièges régionaux ou sections subrégionales, elles abritent les diverses organisations économiques, sociales et professionnelles de la corporation. Par ailleurs, une carte d'identité professionnelle est créée. La presse vichyste salue cet accord historique. La charte de la batellerie est signée Vichy, 23 avril – La charte de la batellerie vient d'être signée par le Maréchal ; il est vraisemblable qu'elle paraître prochainement au Journal Officiel. Le même jour le journal titre « La France et l'Empire célèbrent aujourd'hui les 86 ans du Maréchal »281 D’autres articles détaillent la Loi : « Composition de la commission provisoire d'organisation de la corporation de la navigation intérieure. Suite à la Charte de la batellerie publiée le 14 avril 1942 : M. Brousse, président, directeur de l'O.N.N. Trois représentants des compagnies de navigation MM. Auberger, président de la compagnie H.P.L.M., Dubruel, secrétaire général de la compagnie Citerna et Sénécaux, président de la Fédération nationale de la navigation intérieure. Trois représentants de l'artisanat batelier : MM. Houssard, patron batelier, Piéplu, président du comité de défense de la batellerie artisanale, Wattiau, secrétaire du syndicat des patrons-bateliers. Trois représentants des salariés : MM. Delval, président national de la navigation fluviale, Gaudy, chef de service à la compagnie générale de navigation et Morice, secrétaire du syndicat du personnel de la navigation intérieure. Outre la tâche immédiate d'organisation et de mise en œuvre de le charte qui lui incombe, la commission provisoire aura à connaître de diverses questions techniques mais aussi complexes que délicates : aides aux sinistrés, conditions de la reconstruction de la flotte de navigation intérieure et son équipement pour pallier la pénurie de carburant, étude des armes économiques à fournier à la batellerie pour qu'elle puisse vivre dans l'avenir, en dépit de la concurrence que lui imposeront le rail et la route.282 Enfin, la création de « maisons batelières », l'action à prendre en faveur du crédit mutuel et de l'éducation des enfants de bateliers sont autant de problèmes sociaux sur lesquels la corporation devra se pencher avec sollicitude. »283 281

Le petit parisien – 24/04/43 Commentaire : l’article ne parle pas du tout du contexte de la guerre et des exigences de l’occupant. 283 Le petit parisien – 20/03/43 282

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Le journal Le phare de la Loire titre : « Ce qu'est la charte de la Batellerie, dont la corporation vient d'être créée284 La charte de la batellerie, qui vient d'être signée à Vichy, présente une caractéristique essentielle : Elle fait de tous les travailleurs qui appartiennent à la navigation intérieure une corporation distincte, appelée à connaître des questions économiques et des questions sociales, compte tenu de ce que les conditions particulières à cette profession font que l'économique et le social s'y interpénètrent de la façon la plus étroite. D'une part, partant du principe que les transports fluviaux sont, en raison de leur importance vitale, contrôlés par l'Etat, cette charte corporative a été préparée au sein même du secrétariat d'Etat aux communications. Bornons-nous à préciser aujourd'hui que ce texte particulièrement important, puisqu'il comprend 48 articles, délimite pour commencer quatre régions de navigation fluviale dont les sièges sont respectivement Paris, Nantes, Toulouse et Lyon, et ensuite trois catégories de professionnelles essentielles ! Employeurs et courtiers de frets, artisans et maîtres bateliers salariés. C'est, compte tenu de cette double division, que le texte prévoit l'organisation des syndicats professionnels et fédérations nationales, des comités sociaux d'entreprise, des unions régionales, du comité central corporatif des comités interprofessionnels. On trouve également dans le texte la nouvelle définition de l'artisan batelier (qui ne devra plus désormais posséder plus de trois bateaux non automoteur). En ce qui concerne les organisations corporatives il y a lieu de préciser que les comités sociaux d'entreprises seront formés les plus souvent en tant que comités sociaux de groupes d'entreprises compte tenu de la dissémination du personnel batelier. Autre précision : la direction générale de l'activité corporative, tant dans le domaine corporatif, tant dans le domaine économique que sociale est assurée par le comité central corporatif local présidé par le directeur de l'office national de navigation qui dirige d'autre part les ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées (directeurs régionaux de la navigation). C'est à ce point précis que s'effectue la liaison entre la corporation et l'administration. Ajoutons que la charte de la batellerie, avant même d'être promulguée, a déjà donné lieu des discussions assez vives et que seule l'expérience de sa mise en vigueur permettre de discerner s'il y avait ou non intérêt immédiat à créer la corporation de la batellerie. » La dissolution des nombreux syndicats du monde de la batellerie n’est plus alors qu’une question de temps. Les syndicats existants à la date de la publication de la Loi continuent leur activité jusqu'à ce qu'il soit statué par décret sur leur dissolution ou leur intégration dans la nouvelle organisation professionnelle. Leur capacité civile est limitée aux actes de simple administration.285 284 285

Le phare de la Loire – 25/04/02 Le phare de la Loire – juillet 42 - détails tirés du BO

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Un article, publié quelques jours avant le Débarquement des Alliés en Normandie revient sur cette diversité syndicale d’avant la guerre. En 1926, la Conférence des Syndicats comptait 23 syndicats. « En novembre 1940 en même temps que s'effondraient la plupart des autres organismes de la batellerie, fut constitué le Comité d'Organisation avec une mission nette et précise : Organiser la navigation intérieure française... en un mot, ouvrir les fenêtres ! Abandonner les formules périmées, faire de la batellerie une industrie forte et indispensable à la nation... une batellerie devenue majeure et indépendante. »286 Il faut remarquer que cela ne manque pas de sel dans le contexte de la Charte que de parler d’indépendance syndicale

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Journal de la navigation - 01/06/44

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La Charte de la Batellerie - Coll. Stephane Fournier

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L'opposition par Louis Louis L'application de la Charte ne se fait pas sans difficultés. Les éléments syndicalistes ne se laisseront pas éliminer facilement. Sous le titre « On n'appliquera pas la Charte du Travail contre la seule force syndicale vivante de la batellerie ». M. Louis Louis, président de la Navigation fluviale, vient de publier dans le journal La Navigation, une protestation qui se termine ainsi : « Nous tenons à dire à M. Lebureau que ces manœuvres et ces intrigues ne suffiront pas pour faire disparaître dans la batellerie trente années d'activités syndicales pour nous imposer un « néo-corporatisme » avec le concours des éléments les plus rétrogrades de la corporation de façon à immobiliser le progrès social. Qu'on nous entende bien : on n'appliquera pas la Charte du Travail contre la seule force syndicale vivante de la batellerie. » M. Louis Louis a bien voulu nous donner quelques explications complémentaires : - On a désigné - nous dit-il- pour représenter la batellerie au sein de la « Commission provisoire d'organisation de la Famille professionnelle de transports », un représentant de la batellerie que l'on a qualifié ; « délégué de la Fédération de la Navigation intérieure » Or, cette fédération nous est complétement inconnue. Elle n'a jamais donné signe de vie et n'a aucune activité professionnelle. Elle ne peut représenter réellement la corporation batelière. Au lendemain de la publication de cette désignation, j'ai eu un entretien avec M. Hubert Lagardelle, secrétaire d'Etat au Travail, lequel nous a formellement promis de prendre un additif pour assurer la représentation de la Fédération nationale de la Navigation fluviale au sein de la dîte commission. Comme sœur Anne, nous attendons toujours. D’autres parts, une loi, en date du 14 avril 1942 a doté la batellerie d'une charte particulière contre laquelle nous nous étions élevés. Cette charte, qui nous place sous la tutelle de l'Administration, prévoit la constitution d'une commission provisoire d'organisation de laquelle notre Fédération et les militants des anciens syndicats confédérés sont exclus. L'article 30 de cette charte précise que pour être membre de la commission il faut avoir exercé la profession au moins pendant cinq ans. Cela n'a pas empêché M. Lebureau de désigner un membre n'ayant jamais appartenu à notre industrie. C'est un comble ! Nous avons attiré l'attention de M. Bichelonne et de ses services sur l'émotion soulevée dans la batellerie. Nous osons espérer que le ministre prendra de son côté une mesure rectificative conforme à l'intérêt corporatif de la navigation fluviale ». Les observations de M. Louis Louis nous semblent entièrement justifiées. Il nous paraît importun que certaines hautes personnalités de l'Administration fluviale exercent leur influence à créer un climat de réaction sociale contraire aux principes

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de la Charte du Travail comme aux déclarations du Maréchal et du chef du Gouvernement.287 Louis Louis renchéri dans une tribune : Nous redisons que la grande majorité des bateliers étaient pour l'application pure et simple de la Charte du Travail et dans les mêmes conditions que pour les autres industries. Nous avons dit et nous répétons : la Loi que l'ancien ministre Bertholet, directeur adjoint de la S.N.C.F., imposa à la batellerie, sans consulter les organisations syndicales, instaurait un corporatisme étatisé et bureaucratisé. Ce corporatisme n'était pas autre chose qu'une position de repli des trusts, puisque le directeur de l'Office National de la Navigation, au sein duquel siège la S.N.C.F., qui dirige plusieurs sociétés capitalistes devient : le directeur de la Corporation. Maurice Sénécaux a confirmé lors d'une conférence que la Charte de la Batellerie était exclusivement l’œuvre de l'Administration de M. Berthelot. La Loi du 14 avril 1942 divise la France en quatre régions navigables. La région navigable du Nord, Seine, Est, Centre : cinq représentants des compagnies et un des petits patrons bateliers, M. A. Wattiau, président du Syndicat des Patrons Bateliers du Je Sers. Ainsi la représentation de la plus importante région navigable ou les petits patrons bateliers possèdent 53% du tonnage est sans sa presque totalité entre les mains des compagnies. Or, dans cette région, la grande majorité des petits patrons bateliers étaient en 1939 groupés dans 5 syndicats ex-confédérés, ayant leurs sièges à Calais, Dunkerque, Douai, Marseilles-lès-Aubigny et Paris. Est-ce pour les punir d'avoir été confédérés que ces bateliers syndiqués ne sont pas représentés ?288 En tout cas, à l'exception de la région de l'ouest, les puissantes compagnies de navigation de remorquage et de traction dominent la commission pour chaque région. ….la création du « syndicat unique des petits patrons bateliers » qui groupera obligatoire ment tous les bateliers propriétaires de leurs bateaux naviguant dans cette région (Seine et Nord) Louis annonce que les adhérents de S.B.G. doivent refuser à la constitution des listes alors que depuis 1940 il est exclu des commissions officielles. La corporation étatiste, c'est l'acheminement au communisme. Soulignons que le corporatisme que l'on va imposer à la batellerie est un corporatisme étatisé et aussi bureaucratisé.289 287

Œuvre – 03/03/43 par Adrien Briollet Cela veut dire à Confédération de la C.G.T 289 Au travail – 06/11/43 par Louis Louis 288

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Lemoine et Sénécaux lui aussi n'est pas pour la révision de la législation de 1938 sur la Navigation intérieure. La Loi du 22 mars 41 instaure un régime de répartition autoritaire du trafic supprimant la liberté du choix du mode de transport pour les chargeurs. Dans les faits, la pénurie de matériel et de combustible annule les cas de concurrence.290 Les tiraillements se retrouvent pourtant dans la presse qui est normalement sous contrôle.291 Les « saboteurs » de la Charte du Travail Les dirigeants des Compagnies « maîtres » de la Commission Provisoire d'Organisation, « désignent » un de leurs collègues pour présider la Fédération Nationale des Syndicats Bateliers Auguste-Charles Piéplu La Commission Provisoire d'Organisation Voici la composition de la future Fédération Nationale qui groupera les futurs Syndicats uniques des bateliers : A voté pour Piéplu A.C. Piéplu, administrateur de la C.G.T.V.N Maurice Sénécaux, adminsitrateur de la C.G.T.V.N. M. Auberger, adminstrateur de la C.G.T.V.N. M. Dubruel, admnsistrateur de « Citerna M. Gaudy, chef de marine à la H.P.L.M. A voté contre : Pierre Houssard, président de l'Union des Bateliers de l'Ouest Se sont abstenus M. Brousse, directeur de l'l'O.N.N. M. Wattiau, Président de Syndicat des Patrons Bateliers du « Je Sers » M. Charles Delval, mécanicien de la S.N.C.F. En congé Cette « désignation » fournit la preuve que les dirigeants des compagnies veulent imposer aux bateliers un de leurs collègues comme « président fédéral » !

L'organisation syndicale des artisans Dans chaque région, l'organisation syndicale des artisans peut comporter au maximum quatre spécialités suivantes : - Patrons bateliers, exploitants de bateaux tractionnés ; - Patrons bateliers, exploitants de bateaux automoteurs ; - Dirigeants de coopératives artisanales de remorquage ; - Dirigeants de coopératives artisanales de transport et d’affrètement. 290

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France –1999 290 Au travail – 11/12/43

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La redéfinition du statut d’artisan batelier Deux textes de loi en donnent une définition qui évolue dans le temps. Définition du 14 novembre 1938 du statut de patron-batelier : « Article 1er. - Est patron-batelier, au sens et aux effets du présent décret, toute personne de l'un ou l'autre sexe dont la profession est d'effectuer des transports de marchandises par voie de navigation intérieure et qui, à cet effet, dispose au plus, en qualité de propriétaire, de co-propriétaire ou d'usufruitier, soit d'un bateau automoteur, à l'exclusion de tout bateau non automoteur, soit de deux bateaux non automoteurs, à l'exclusion de tout bateau automoteur, ces bateaux devant être immatriculés dans un bureau d'immatriculation français des bateaux de navigation intérieure et être conduits par la personne susvisée ou par les membres de sa famille. »292 Dans la Charte de la batellerie du 14 avril 1942 : « Est artisan, dénommé patron batelier, au sens de présent décret, toute personne de l'un ou de l'autre sexe dont la profession est d'effectuer elle-même, à son compte, des transports de marchandises par voie de navigation intérieure, qui, propriétaire, copropriétaire ou usufruitier d'au moins un bateau qu'elle conduit ellemême, dispose en plus, en l'une ou l'autre de ces trois mêmes qualités : - Soit de trois bateaux non automoteurs ; - Soit d'un bateau automoteur et de deux bateaux non automoteurs ; - Soit de deux bateaux automoteurs. » Donc un artisan n'est plus seulement un marinier avec sa famille sur son unique bateau. Ces artisans bateliers forment une communauté de métiers dite « Chambre artisanale de la batellerie ». Les maîtres bateliers « Est maître batelier, au sens du présent décret, tout ancien artisan ou fils d'artisan propriétaire, copropriétaire ou usufruitier, exploitant de petite flotte de navigation intérieure, dont le nombre de bateaux n’excédera pas un maximum qui sera fixé par un arrêté du secrétariat d’État aux communications, après avis du comité central corporatif. » La création d''un statut de « Maître » est dans la droite ligne des corporations de métiers d'Ancien Régime. 292

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000020126444&cidTexte=LEGITEXT000020084827&dat eTexte=19381114

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Des syndicats des salariés : « Dans chaque région, le syndicat unique groupant tous les salariés peut comprendre au maximum les spécialités professionnelles suivantes : -

Ingénieurs, cadres administratifs et commerciaux et agents de maîtrise ; Employés ; Personnel navigant ; Conducteurs de locotracteurs et charretiers ; Ouvrier d'entretien. »

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Procès-verbal à l’entête du Syndicat Unique des artisans, maîtres bateliers établissant la liste des membres du Conseil d’Administration du syndicat. – Coll. V.N.F.

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Brouillon du modèle de statuts provisoires pour le syndicat unique. Un document précieux qui montre l’élaboration de la loi. – Coll. V.N.F. 201


Couverture des statuts provisoires du syndicat unique. – Coll. V.N.F.

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Bilan Le cloisonnement du pays en zones contredit l'idée d'un réseau national de navigation. Il n'y a qu'UN syndicat et un seul. Quand on compare avec la période d'avant-guerre c'est le jour et la nuit. L'univers professionnel de la batellerie artisanale est constitué d'une population composée d'entrepreneurs individuels qui s'est petit à petit inscrite dans des corsets ou contraintes administratives et réglementaires durant les années 1930. La Charte de la batellerie en est le stade ultime de l'évolution. Il est de caractère obligatoire pour tous les professionnels par catégories et centralisateur. Cette expérience ne survivra pas à la Libération pour l’aspect syndical.293 Alors que le régime de Vichy va bientôt connaître son chant du cygne, la machine administrative travaille encore à la transformation du pays. Ainsi des articles de presse de juillet 1944, alors que la Libération a commencé, parle de la mise en application des dispositions liées à la Charte de la batellerie. Au mois d'avril 1944 la Charte entre en application.294 Le Syndicat unique des Artisans de la Batellerie entre en application en juillet 44.295 Le Syndicat unique des artisans, maîtres-bateliers et dirigeants de coopératives artisanales de la navigation intérieure, de la région Nord-Seine-Centre-Est, nommé par arrêté en date du 21 janvier 1944, Journal Officiel du 12 mars 1944, a constitué son bureau comme suit : président : M. Auguste Piéplu, président, directeur général de la Société coopérative d'affrètements « Les Bateliers réunis » ; vice-présidents : M. Edouard Dogimont, président, directeur général de la Société coopérative d'affrètements « PénicheTransports », et de la Société de remorquage « La Pénichienne », et M. Voltaire Leterre, marinier artisan, président du Syndicat des Bateliers automoteurs ; Secrétaire général : M. Alcide Wattiau, président du Syndicat des Patrons bateliers ; trésorier : M. Albert Cornette, secrétaire général du Syndicat général de la Batellerie à Lille.

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Les artisans bateliers au cours du transport fluvial – Bernard Le Sueur – éditions Geai Bleu - 2010 Journal de la navigation - 01/04/44 295 Œuvre juillet 44 294

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Bulletin de la Charte du Travail, une revue d’aide à la mise en application de la nouvelle loi. – Coll. V.N.F.

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L'organisation administrative de la navigation intérieure pendant la guerre Durant la guerre : des techniciens à la manœuvre Dans le paragraphe intitulé « les techniciens », Robert Paxton raconte l'antagonisme croissant qui existent entre les deux guerres mondiales entre deux courants pour la quête et l'exercice du pouvoir en France. D'un côté il y a le groupe que représente les députés élus démocratiquement sous le troisième République par la population masculine majeure et de l'autre les « techniciens » issus de la haute administration qui n'est pas élu mais qui provient de Grandes Ecoles tels Polytechnique, les Mines ou les Ponts-et-Chaussées. Avec 18 des 35 ministres de son gouvernement, du 17 juin au 12 juillet 1940, qui sont des techniciens contre 11 parlementaires, Pétain se contente de suivre la lignée de ses prédécesseurs. C'est ce que Marcel Peyrouton appellera « la révolution bureaucratique » en disant « l'administration ne fut jamais aussi utile, aussi respectable, aussi vigilante ». Ainsi, des hommes qui, en tenant le haut du pavé dans les ministères, contrôlaient dans l'ombre le gouvernement, sont maintenant eux-mêmes au pouvoir. Cela permettra à Yves Bouthillier, centralien et Ministre des Finances sous Paul Raynaud en juin 40 puis sous Vichy jusqu'en avril 42, de dire lors de son procès en 1946 : « Je n'ai jamais fait de politique, ni comme étudiant, ni comme personnalité officielle. Je n'ai jamais appartenu à un parti, ni cherché à être élu. Ma tâche était purement administrative. » Ces techniciens ne sont pas que des hauts fonctionnaires mais sont aussi des spécialistes des sujets qui vont leurs être confiés.

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Jean Berthelot (1897 - 1985)

Jean Berthelot en 1940. – Coll. Common Wiki

Pour la navigation inférieure le régime de Vichy va mettre aux commandes ce brillant élève des grandes écoles qui sort major en 1921 de Polytechnique puis de l'école des Mines. Les prestigieux X-Mines. Spécialiste des chemins de fer, il travaille à la Compagnie des chemins de fer d'Orléans en 1931 puis devient directeur général adjoint en 1939 de la S.N.C.F. créée un an plus tôt en juillet 1938. L'accession d'un cheminot à ce poste gouvernemental est caractéristique de cette période de Vichy où la technique doit balayer la politique, le technicien se substituer au parlementaire. L'Etat technicien régnant, le culte de la technique et du chef trouve sa synthèse dans celui de l'ingénieur. Aussi, l'économie doit être régentée par des experts, la pénurie se prêtant à l'instauration d'une économie dirigée. Le milieu des ingénieurs des Chemins de fer est particulièrement sensible à l'ensemble de ces thèmes. Cette idéologie d'inspiration « planiste » et technicienne, ce saintsimonisme vichyssois, s'exprime notamment dans les projets de Jean Berthelot qui fait fi des obstacles administratifs et financiers.296 Le 7 septembre 1940 il est nommé secrétaire d’État aux Transports et aux Communications. Aux P.T.T., il met en œuvre les interceptions postales et téléphoniques et participe à l'épuration des juifs et des francs-maçons. L'idéologie du régime de Vichy est clairement proclamée lors d'un discours le 21 août 1941 destiné aux cheminots où il déclara : « La perfide propagande cherche à vous éloigner de votre devoir de Français et d’hommes du rail. 296

La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent

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Habilement, comme aux plus beaux jours du Front Populaire, elle se camoufle frauduleusement sous le drapeau tricolore ; hier elle vous promettait que les Anglais et leurs mercenaires gaullistes viendraient délivrer la France. Aujourd’hui elle vous annonce que les divisions rouges, qui pourtant se font écraser devant Moscou et devant Kiev, abattront la Wehrmacht et nous délivreront de l’Occupation. Mais cette propagande mensongère oublie de vous dire que c’est le Front Populaire, monstrueuse alliance d’un communisme faussement national, d’un radicalisme maçonnique et de la France juive, qui a précipité la France dans une guerre idéologique après l’avoir affaiblie ». Donc, au cours de l'été 1941, la direction de la S.N.C.F. procède à l'aryanisation de son personnel avec un formulaire destiné aux candidats à un emploi à la S.N.C.F. certifiant qu'ils ne sont pas juifs ou qu'ils peuvent bénéficier de mesures dérogatoires.297 En avril 42, lors du retour de Laval comme président du conseil, premier ministre, il est remplacé par Robert Gibrat, un X-Mines comme lui, et réintègre la S.N.C.F. comme adjoint au directeur général. A la Libération, en juillet 1946, la Haute Cours de justice le condamne à deux ans de détention et à l'indignité nationale.

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La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent

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Jean Bichelonne (1904 – 1944)

Jean Bichelone vers 1942. – Coll. Common Wiki

Il est major à Polytechnique et corps des Mines. En 1937, adjoint au directeur général des chemins de fer, il mène rapidement la nationalisation des chemins de fer, la création de la S.N.C.F., Il passait en 1939 pour la « tête la mieux faite de son époque ».298 En novembre 1942, Le département des Communications passe alors sous son autorité avec le ministre de la Production industrielle. Le « superpolytechnicien » a meilleure connaissance des problèmes ferroviaires et surtout des relations dans l'industrie de la construction ferroviaire. La direction de la S.N.C.F. va véritablement passer sous le pilotage du ministre. Pour lui, l’Europe et l'économie dirigée s'articulent dans sa pensée de manière constante et récurrente. Ces conceptions s'accordent avec celles d'Albert Speer, le ministre allemand de la production.299 Après le Débarquement, il signe la pétition des ultra-collaborationnistes critiquant la passivité de Pétain qui « trahit les intérêts allemands ». Sous le gouvernement de Vichy, il est représentatif des jeunes et brillants technocrates dirigistes obsédés par la modernisation du pays, parfois accusés de 298 298

Olivier Wieviorka, Vichy 1940-44 – Tempus Perrin – 2004 La S.N.C.F. sous l'Occupation allemande 1940-1944 - Christian Bachelier – 1996 - Institut d'histoire du temps présent

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fomenter le complot mythique de la "Synarchie", un complot cherchant à imposer à la France un gouvernement technocratique comme le croyaient les anciens de La Cagoule.300 Il est plus collaborationniste que Berthelot. Il décède dans un hôpital SS à Berlin en décembre 44. La presse suit ses déplacements et ses déclarations. M. Bichelonne chez les bateliers Désireux de se rendre compte des efforts effectués par les bateliers dans le domaine professionnel et dans le domaine social, M. Jean Bichelonne, ministre secrétaire d'Etat à la Production industrielle et aux Communications, a passé une partie de la journée de jeudi à Conflans-SainteHonorine parmi les membres de cette corporation. Accompagné par M. Revilliod, préfet de Seine-et-Oise, le ministre ; guidé par M. Piéplu, président des société coopératives d'artisans bateliers, a visité au cours de la matinée les ateliers et les entrepôts de la Société coopérative artisanale de remorquage et le garage des Péniches d'Andrésy, au confluent de l'Oise et de la Seine. Au début de l'aprèsmidi, M. Jean Bichelonne s'est rendu à bord du chaland « Je Sers » amarré à Conflans-Sainte-Honorine, siège social de l’ « Entr'aide batelière » présidée par l’amiral Lacaze, dirigée par M. l'abbé Bellanger et qui groupe 2 syndicats catholique, celui des patrons bateliers et celui du personnel de la navigation intérieurs.301 Au cours des quelques heures passées parmi les bateliers, M. Jean Bichelonne a eu, à plusieurs reprises, l'occasion de dire tout l'intérêt avec lequel il suit les efforts de cette corporation dont l'utilité se révèle plus grande que jamais à l'heure où les difficultés de transports sont accrues par la pénurie de charbon. (O.F.I.)302 Son secrétariat d'Etat va organiser la coordination des moyens de transports dans le pays et aussi et surtout la mise à disposition de la SNCF et de l'O.N.N. aux réquisitions de l'occupant. M. Jean Berthelot a parlé de la batellerie et des canaux dans La dépêche du Berry. « J'attache, aux questions de mouvement de bateaux, la plus grande importance. J'ai prescrit à l'O.N.N. De les suivre de près par l'organisation d'une sorte de « dispatching » - dans le texte -, qui le tient au courant de la situation des bateaux, de leur chargement, de leur déchargement et lui permet de prescrire à temps tous mouvements utiles. Certes, la vie économique du pays exige une meilleure exploitation des voies navigables, mais il faut noter que les bateliers y trouveront leur compte. L'accélération de la rotation des bateaux doit, en effet, permettre une augmentation de leurs bénéfices, en rendant même possible éventuellement une diminution de certains frets. Il n'est pas du tout question de nationaliser la batellerie. J'entends seulement mettre de l'ordre dans la profession pour le plus grand bien de tous. Les artisans en 300

Biographie de Denis Jean Léopold BICHELONNE (1904-1944) sur le site des Annales des Mines La croix – 15/01/43 302 La tribune de l'Est – 16/01/43 301

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particulier, ne sauraient se plaindre de mesures qui assureront une juste répartition du trafic entre les divers membres de la corporation. Cela vaut bien l'acceptation de quelques disciplines nouvelles. »303 Un autre journal titre « Le maréchal Pétain confirme sa foi dans la collaboration franco-allemande » et déroule l’argumentaire ministériel. M. Berthelot ministre des Transports expose au Matin ses projets de coordination et d'amélioration des transports par eau « La conception ancienne, nous dit le ministre, de la coordination des transports, qui reposait, en particulier dans la batellerie, sur la cristallisation des situations acquises, a été complètement abandonnée. Nous devons, en effet, utiliser au maximum de leur rendement les moyens de transport par routes, par voies ferrées ou par canaux. Pour réaliser cette formule, il convient de recourir à une répartition autoritaire du trafic : la vieille idée du gâteau à partager doit disparaître. La coordination statique doit faire place à une coordination dynamique. Les transports doivent être assurés de toute manière, au besoin par recours à la réquisition, et sauf à l'O.N.N., qui dispose de crédits pour cela, à payer au moins momentanément les parcours à vide qui ne seraient pas couverts par les frets.« peut-on dire, monsieur le ministre, que la batellerie est en voie de nationalisation ? » réponse déjà publiée... »304 Dans l'imposant et très complet Code de la Navigation Intérieure la philosophie xénophobe vichyste transpire à l'article article 30 paragraphe 1 sur la composition des organisations corporatives : « Ne peuvent être membres des conseils, commissions, comités et bureaux des organismes prévus par le présent décret que les personnes de nationalité française d'origine, âgées de vingt-cinq ans au moins ... ». Le mot important dans cet extrait c'est « d'origine ». En effet, cela fait allusion à la Loi du 22 juillet 1940, la Loi portant sur la révision des naturalisations obtenues depuis 1927. Cette loi promulguée par le régime de Vichy cherche à examiner et, le cas échéant, de déchoir de leur nationalité toute personne naturalisée depuis la Loi du 10 août 1927 réformant le régime du droit de la nationalité. Cette loi de 1927 est fortement contestée dès l'époque par l'extrême droite française. Les étrangers ne doivent pas oublier que la qualité de Français se mérite, déclarait ainsi, au lendemain de la promulgation de la Loi en 1940, le ministre de la Justice Raphaël Alibert. Au total, sur 195.000 naturalisations, 15.154 personnes, soit 7,7 %, ont été déchues de leur nationalité au titre de la disposition principale de la Loi, devenant apatrides, dont environ 6.000 Juifs selon l'historien Robert Paxton. Bien que le texte de la Loi n'y fasse pas référence, la Commission chargée de son application le fit dans l'optique antisémite de Vichy, ciblant en priorité, mais sans exclusivité, les 303 304

La dépêche du Berry – 21/05/41 Le matin – 16/05/41 pages 1 et 3

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personnes qu'elle pensait être juive. L'aspect antisémite de l'administration française se retrouve également dans les archives de l'O.N.N. que nous avons consultées. Il y a la transposition des lois nazies dans les circulaires de l’O.N.N..

Lettre de la société Le Rhin au sujet de lois nazies sur la confiscation des biens des ennemis du Reich en Alsace. – Coll. V.N.F. 211


« Ennemi du peuple et de l'Empire305 Comme ennemi du peuple et de l'empire dans le sens de cette ordonnance sont à considérer les Juifs, Français et ressortissant d’États ennemis, pour chaque cas en conformité avec les disposions de la deuxième ordonnance pour exécution et comme supplément à l'ordonnance du 7 août 1940 concernant les biens d'ennemis du peuple et de l'empire, ainsi que les Alsaciens, dont il est question dans la troisième ordonnance pour exécution et comme supplément à l'ordonnance du 15 janvier 1941 concernant les biens d'ennemis du peuple et de l'empire, et les personnes qui leur ont été assimilées. Comme ennemis du peuple et de l'empire sont en outre à considérer toutes les personnes civiles du droit privé ainsi que les associations de personnes, établissements, fondations et d'autres biens d'utilité publique, qui se trouvent sous l'influence exclusive ou compétentes de personnes qui figurent parmi celles énumérées à l'alinéa 1. » Un de nos témoins nous à transmit le certificat de non-juif que son père avait dû signer pendant Vichy. Cette simple archive est en fait très importante pour comprendre une grande partie des enjeux de cette étude. La seconde guerre mondiale n’est pas du tout comme la première.

Certificat de non origine juive. - Coll. Roland Langlin

305

Ici l’Empire c’est le Reich

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Une du journal Le Matin du 19 octobre 1940 titrant sur la promulgation du statut des Juifs en France. – Coll. Common Wiki

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Au service de l'Occupant C’est une collaboration économique et technocratique de la France, qui est la 4eme puissance économique mondiale en 1939, qui se met au service de l’Allemagne. Le pillage domine le début et la fin de l'Occupation sans jamais cesser tandis que la relance de la production par le placement de commandes indirectes de matériel de guerre dès l'été 1940 stimule la convergence des intérêts français et allemands, en vue d'accroître les rendements et éviter la catastrophe économique. En octobre 40, un plan des grands travaux destinés à réparer le réseau est lancé. L'économie française, qui redémarre timidement à partir du printemps 1941 avant de s'effondrer à nouveau à partir de l'automne 1943 et plus encore en 1944, se trouve sous la dépendance des commandes allemandes qui affluent dans un marché privé d'autres débouchés. Enfin, concernant la population active, le travail volontaire ou forcé, en territoire français ou allemand, domine les années 42-43.306 Des dispositifs réglementaires mettent la batellerie au service de l'Allemagne pour son effort de guerre directe comme le transport de sable pour la construction du mur de l'Atlantique ainsi que son économie dans le Reich. Le 10 août 1941 il y a publication au Journal Officiel d'un arrêté sur le classement des transports par priorité : «Art. 1 Les transports de marchandises par navigation intérieure, bénéficient d'un régime de priorité, sont répartis en 2 catégories : 1 Transports de priorité absolue Ces transports doivent être exécutés en toutes circonstances, même si l'opération exige le déplacement de bateaux vides. Entrent dans cette catégorie : a) Les transports militaires (Wehrmacht-transport) ordonnés par les Autorités allemandes dans la zone occupée ; b) Les transports de charbons ; c) Les transports économiques généraux allemands, sur la demande des Autorités d’occupation ;307 d) Les transports pour l'économie civile française expressément désignés par la Direction générale des Transports, dans la mesure des bateaux disponibles, une fois assurés les transports désignés sur a, b et c, ci-dessus. 2 Transports de priorité ordinaire. Ces transports sont exécutés au moyen des bateaux qui restent disponibles à l'intérieur de la circonscription d'affrètement, au moment où les expéditeurs adressent leur demande aux Bureau d'Affrètement, 306

La France sous l’Occupation – Julian Jackson – Flammarion - 2019

307

La mise en gras est de nous afin de faire ressortir l'information.

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après satisfaction des priorités absolues. Art.2 Les transports ne figurant pas dans les 2 catégories ci-dessus sont exécutés dans la mesure où il existe des bateaux disponibles, après que les priorités ont été satisfaites. » L'organisation en temps d'Occupation Il y a une volonté de réformer le pays. Cette volonté est à la fois idéologique dans le cadre de la « Révolution Nationale » impulsée par le Maréchal Pétain et mais aussi technique avec les projets de rationalisation économique des techniciens qui dominent les gouvernements. C'est l'idée du Plan longuement réfléchit avant-guerre au sein du groupe « X-Crise » souvent en opposition à l'incohérence des gouvernements successifs de la fin de la Troisième République, d'après eux. Cette débauche d'activité administrative ne doit pas faire illusion. Car, il y a un grand MAIS, la France vaincue et occupée militairement est soumise à un armistice drastique. La convention d'armistice du 22 juin 1940 concernant les transports stipule par exemple que la S.N.C.F. est mise à la disposition de la direction allemande des transports, la « Haupt-Verkehrs-Direktion », H.V.D., qu'elle doit donner son accord pour modifier que soit dans la réglementation ferroviaire française, que le réseau doit être remis en état et entretenu aux frais de la France.308 Un autre exemple de ce décalage entre les faits et les lois de Vichy est l’arrêté du 30 juin 1942 prohibant l'exportation des bateaux de navigation intérieure qui est bien loin de ce qui se passe pendant ces années.309 Ainsi les lois et décrets pris par le régime de Vichy n'ont qu’une emprise limitée, voire nulle face à la volonté de l'occupant. Les 240 Comités d'Organisation, C.O., institués sont constitués de personnes nommées par le gouvernement et non élus par des instances syndicales ou patronales. Vichy manifeste de cette manière sa volonté de faire illusion pour gérer à la place des Allemands la zone occupée économiquement et administrativement. D’ailleurs les bureaux ministériels reviennent à Paris dès l'été 1940 alors que le gouvernement lui s'installe à Vichy.310 De fait, en zone nord, les C.O. n’ont aucune influence, les autorités allemandes établissant directement la répartition des ressources et les programmes de fabrication des entreprises. De plus, la création le 10 septembre 1940 de l’Office Central de Répartition des Produits Industriels, O.C.R.P.I., est placée sous la tutelle des autorités allemandes. Il prive les C.O. de tout pouvoir sur la répartition des 308

P. Durand - La S.N.C.F. pendant la guerre - PUF - 1968 Code de la navigation intérieure - 1944 310 Vichy, la guerre et les entreprises - Michel Margairaz - Henry Rousso - Année 1992 309

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matières premières entre les branches. Ils ne conservent qu’un pouvoir de sousrépartition entre les entreprises, qui donne lieu à des procédures bureaucratiques qui ne font qu’accroître la désorganisation de l’économie.311 Le régime de Vichy peut maintenir la fiction d’une unité économique du pays à condition que son administration s’adapte aux besoins allemands. L’O.C.R.P.I. est ainsi une structure administrative française fonctionnant comme un instrument de domination allemande sur l’économie française, dans un contexte où la répartition des matières premières conditionne toute activité. Cette structure conçue par le régime de Vichy a pour objectif de transformer l’organisation économique du pays pour après la guerre. Cette soumission imposée par la fin des hostilités en 40 va vite devenir une politique de collaboration active et assumée. Le secrétaire d’État aux Communications Jean Berthelot s’engage dans une collaboration technique avec l’occupant. Cela conduit à un régime autoritaire de coordination des moyens de transport pour la route, la navigation intérieure et les chemins de fer. Ce dirigisme s’accompagne d'une organisation quasi militaire d’apparence corporative des entreprises privées dans le cadre des comités d’organisation. Selon lui, il convient d’assurer tous les transports que demanderont les Allemands afin de conserver une certaine indépendance pour l’exécution des autres transports. L’ambiguïté de la collaboration économique se trouve résumée dans ce pari. Jean Berthelot se résigne à « administrer la pénurie » sous la tutelle de l’occupant, dans l’espoir que cette tutelle laissera subsister un minimum de vie économique. La France se voit comme un partenaire futur dans la nouvelle Europe dirigée par l'Allemagne qui devrait gagner tôt ou tard la guerre qui continue contre les Britanniques. 312 Cette nouvelle organisation instaure un Conseil général des Transports par fer, route, air et eau par la Loi du 11 décembre 1940 qui est purement consultatif. En fait, le secrétaire d’Etat aux Communications n’est pas tenu de le consulter ni de respecter ses avis.313

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Les patrons sous l'Occupation - Rochebrune Renaud De, Hazéra Jean-Claude - Revue d’histoire Vingtième Siècle. - 1996

312

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France - 1999 313 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France - 1999

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Le code de la navigation intérieure de 1942. - Coll. Stéphane Fournier

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Le découpage administratif des différentes zones de la France fluviale sous Vichy en 1942. - Coll. Stephane Fournier

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Le fichier de la batellerie Un des aspects qui cadre avec la période bureaucratique est la création en 1942 par la brigade de gendarmerie de Conflans-Sainte-Honorine, Yvelines, de ce fichier destiné au suivi des mariniers. Il est archivé à Rosny-sous-Bois après la guerre et contient 52 000 fiches sur les mariniers, leurs familles, leurs ouvriers, leur bateau et leur employeur. Mais aussi il collecte des informations sur les compagnies fluviales et les entreprises de transport fluvial. Il n'a jamais été déclaré. En clair : il est illégal. Il a été détruit en 2010 conformément aux dispositions de la Loi de 2004.314 La réforme administrative de l'O.N.N. Il n'y plus de Conseil d'administration de l'O.N.N. comme dans le décret de 1912 qui a créé l'Office mais un « Conseil de direction ». Il est composé uniquement de hauts fonctionnaires : directeur de l'Office, un membre du Conseil d’État, un membre du corps des Pontset-Chaussées nommés par le ministre. Les professionnels siégeaient dans un « comité consultatif » présidé par le directeur de l'O.N.N. et comportant 14 autres membres, nommés par le ministre : 2 hautes fonctionnaires et 12 professionnels. 11 sont issus de la navigation intérieure et 1 représentant de la S.N.C.F. Un commissaire du gouvernement représente le ministre des travaux publics et un contrôleur financier assistaient aux séances du conseil de direction et du comité consultatif et pouvaient, dans un délai de 4 jours en déferrer à leur ministre respectif des décisions du directeur. Les décisions dans les cas les plus importants étaient obligatoirement soumises à l'approbation expresse des ministres. « Pour toutes les mesures de portées générales concernant l'exploitation des voies navigables ou la gestion industrielle et commerciale de l'Office. »315

314

Que sais-je ? N° 3856 - Les fichiers de police et de gendarmerie – 2011 - https://www.viepublique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/084000748.pdf - https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2008/12/03/0101620081203ARTFIG00359-grand-nettoyage-dans-les-fichiers-de-police-.php 315 Journal Officiel avis et rapport du Conseil économique et social - difficultés rencontrées par les chantiers fluviaux - Georges Le Henaff - 1961

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Le directeur de l’O.N.N. : Pierre Brousse (1892-1969)

Pierre Brousse en 1955. – Coll. Marie-Hélène David

Il entre à l'Ecole Polytechnique en 1913. Après la guerre où il a servi dans l'artillerie puis l'aviation, il intègre en 1919 l'école d'application du Génie Maritime. Il est nommé Ingénieur Principal du Génie Maritime en 1925 à l'arsenal de Brest. En 1927, il entre à la Compagnie Générale pour la Navigation du Rhin (C.G.N.R.) comme directeur technique, adjoint au directeur général René De Peyrecave. En 1930, il démissionne du corps du Génie Maritime pour se consacrer exclusivement à la navigation rhénane. Il va s'impliquer dans trois domaines : - la propulsion par faible tirant d'eau, - l'utilisation des combustibles de moindre valeur, - la gestion du chantier de construction navale De Biesbosch que la C.G.N.R. acquis à Dordrecht aux Pays-Bas en 1934. Il devient directeur général en 1935 de la Compagnie Générale pour la Navigation du Rhin puis président-directeur général le 20 décembre 1940. Par ailleurs, par les décrets du 19 octobre 1939 et du 16 janvier 1940, il est nommé directeur de l'Office National de la Navigation. Il le restera jusqu'au 31 décembre 1945. Au début de la guerre, l'activité de la C.G.N.R. est très réduite et son siège a été transféré à Montélimar dès décembre 40. Mais dès l'ouverture des hostilités, la flotte française du Rhin s'est trouvée dans plusieurs configurations. Une petite partie se 220


réfugie dans le port neutre de Bâle en Suisse, les bateaux sur la partie allemande du Rhin sont saisis par l'ennemi et une partie plus importante se replie en Belgique et aux Pays-Bas, encore neutres avant mai 1940. Pierre Brousse obtient l'autorisation des pouvoirs publics d'évacuer ces bateaux vers Rouen et la Seine par la mer. L'idée était que les automoteurs les plus modernes puissent continuer leur voyage en contournant Gibraltar pour rejoindre le Rhône. Cependant, un certain nombre sont pris par l'avancée des opérations militaires à Dunkerque et seront redirigés par les Allemands pour ravitailler les îles anglo-normandes à partir de Granville. Pierre Brousse fait prendre des dispositions afin de saboter le matériel qui ne peut être évacué. Il va faire une mission en Turquie où une partie de la flotte française du Danube, comme le remorqueur Pasteur, a pu se réfugié. À son retour du Bosphore, il s'efforce auprès des autorités d'occupation de faire respecter le principe de la propriété individuelle afin que les artisans ne soient pas privés de leur bien. Concernant les bateaux stationnés à Bâle, il va retarder la location de ces unités à des sociétés allemandes et éviter la réquisition d'office ou la confiscation. De plus, afin d'éviter l'emprise directe de l'administration de l'occupant dans les bureaux de l'O.N.N., il crée un service dit des Missions Extérieures qui est une structure de temporisation entre les deux parties. L'action de Pierre Brousse continue visant à protéger les personnels des voies navigables au sens large en les soustrayant au S.T.O. Il ne put éviter les réquisitions massives de 1943 et il s'est formellement opposé en refusant de signer les affrètements en 1944 de nouvelles demandes allemandes. Son action a permis de limiter tant faire ce peut l’emprise allemande sur la navigation intérieure française. À la Libération, la Communauté de Navigation Française Rhénane, C.N.F.R., fut créée regroupant les armements français du Rhin sous le contrôle de l'Etat. Pierre Brousse en est nommé président-directeur général. En 1957, le poussage apparaît sur le Rhin à l'initiative de la C.N.F.R. après la mission d'exploration aux U.S.A. de son directeur général adjoint Robert David. Un pousseur de la compagnie sur le Rhin portera son nom ainsi le lycée de formation des bateliers du Rhin à Strasbourg.

221


Liste des mariniers à envoyer en Allemagne dans le cadre du S.T.O. – Coll. V.N.F.

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Liste des mariniers à maintenir en France. – Coll. V.N.F. 223


Le trafic pendant la guerre Fréquentation des voies navigables

Il y a un effondrement du trafic dès le début de la guerre qui est dans la continuité de l'importante diminution des trafics dès 1938. Il y a une légère reprise sous l'Occupation, mais c'était tombé si bas... Les conséquences des bombardements et des actes de Résistance apparaissent clairement avec une très importante diminution en 1943 et 1944. La part des automoteurs durant la guerre devient une statistique fantôme puisqu'ils deviennent tractionnés faute de carburant. On peut mettre en parallèle les courbes de 1919 et de 1945.

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Les trafics des charbons

Il y a la disparition des trafics de coke destiné à la sidérurgie durant la guerre. Il y a l'effondrement du trafic charbonnier en France. Le trafic a été divisé par 45 en 1944 par rapport à 1938, dernière année avantguerre, alors qu'il y avait déjà eu une diminution de près de 900 000 tonnes par rapport à 1937 ! Dans ce contexte de transport de charbon rare pendant la guerre, on comprend l'importance du marché noir et des combines de troc rapportés dans les mémoires des mariniers. Le charbon devenait une ressource précieuse recherchée par tous.

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Le transport pétrolier

Alors qu'il existe d'importantes ressources charbonnières et une production nationale, la quasi-totalité du pétrole consommé en France est importé. Le trafic pétrolier diminue bien avant la guerre dès 1938. Pendant la guerre l’arrêt des importations apparait très clairement d’autant qu’une grande partie des bateaux automoteurs pétroliers français furent réquisitionnés par l’occupant. A la fin de la guerre, à la Libération, l’important plan de transport pétrolier organisé pour les besoins des forces Alliées en France refait partir à la hausse le transport pétrolier. La navigation intérieure pendant le règne de Vichy s’organise ainsi : L’ingénieur en chef de chaque région de navigation répartit les bateaux entre les centres de chargement en fonction des demandes d’affrètement. Chaque mois, la commission des priorités de la direction générale des Transports fixe la liste des transports par voies navigables bénéficiant d’une « priorité absolue », qui peut entraîner le déplacement d’office de bateaux vides, par exemple pour un ravitaillement en charbon, ou d’une « priorité relative ». S’il y a des bateaux disponibles au bureau d’affrètement au moment où le chargeur présente sa demande, il est satisfait avant tout autre, même contre l’avis du transporteur. Les transports militaires allemands en zone occupée font l’objet d’une « priorité absolue ». 316 316

Texte de la Charte de la navigation

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Tôt de réponses aux demandes de bateaux (%)

Deuxième trimestre 1941

Quatrième Premier trimestre trimestre 41 (hiver 42 froid)

Demandes par les Allemands 92

77

56

Autres transports prioritaires

74

58

57

Transports ordinaires

56

28

41

En 1941, les transports au bénéfice des demandes de bateaux pour les transports allemands diminuent le nombre de cales disponibles pour les autres voyages. La Loi du 22 mars 41 instaure un régime de répartition autoritaire du trafic supprimant la liberté du choix du mode de transport pour les chargeurs. Dans les faits, la pénurie de matériel et de combustible annule les cas de concurrence. Les % de taux de réquisitions allemandes et les taux de disponibilités des bateaux. 1940 Août 41 Mars 42 Octobre 42 Parc 100 78 82 98 disponible Bateaux 100 62 75 93 utilisés La part pour les Allemands est de 25 et 30 % entre janvier et septembre 42. Le charbon représente entre la moitié et les deux tiers de ce trafic en tonnage. Il est dans la catégorie « prioritaire ».317 Proportion des transports prioritaires sur l’ensemble du trafic de la navigation intérieure

Au deuxième trimestre de 1941

Au quatrième trimestre 1941

Au premier trimestre de 1942

42 %

56 %

54%

Les statistiques de l’Ο.Ν.Ν. indiquent que le parc se reconstitue peu à peu, adapté 317

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France -1999

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aux pénuries de carburants par l’équipement de péniches automotrices au gazogène. Tôt de recomposition du parc fluvial Bateaux effectivement utilisés

01/05/40

01/08/41

01/03/42

01/10/42

100

78

82

98

100

62

75

93

La plus grande partie, 60 %, de ce parc appartient à des patrons bateliers disposant d’un ou de deux bateaux seulement, et le reste à des compagnies fluviales. Les pénuries et le ralentissement de l’activité économique se lisent en revanche dans les chiffres du trafic qui, en tonnage par rapport à 1938, est à l’indice 21 en 1941. Encore faut-il tenir compte de l’absence de la navigation rhénane et de celle du trafic de charbon anglais sur la Seine. L’indice corrigé devient alors 33 si on intègre la portion française du Rhin. Les transports effectués pour le compte de l’occupant représentent 25 à 30 % de ce trafic entre janvier et septembre 1942. Ces transports utilisant du gasoil allemand vendu au prix fort à l’État français, celui-ci le cède aux transporteurs à bas prix afin d’éviter d’aggraver l’inflation, et il demande à l’occupant le remboursement de la différence lorsque le gasoil est utilisé pour des transports effectués pour le compte de l’armée allemande, sans succès. Le refus allemand reflète la situation d’une économie dominée, dont le fonctionnement n’obéit plus à des règles de droit.318 Composition en 1943 de la flotte française à partir de la situation générale de la batellerie du 5 février. Depuis le fonctionnement de l’exploitation réglementée, des recensements périodiques sont effectués par les Services locaux en même temps que le fichier mouvement des bateaux fournit lui-même tous les renseignements utiles sur le nombre des bateaux exploités et leurs opérations, sauf toute fois pour le Rhône et les voies navigables du Midi et de l’Ouest.

318

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz – Comité pour l’histoire économique et financière de la France - 1999

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Bateaux affectés à des transports publics : Type

Bateaux ordinaires Sans A propulsion moyens de mécanique propulsion

Chaland de Seine 462 Bateaux de canaux type péniches de 300 t 5.423 Petits bateaux berrichons, flûtes… Total

Bateaux citernes Sans A propulsion moyens de mécanique propulsion

37

49

27

1.836

147

400

409

33

1

2

6.294

1.906

197

429

Un total de 8.826 Bateaux privés : 1.000 ordinaires et 250 citernes soit 1.250 Cette situation comprend 1.044 bateaux belges séjournant en France et 251 bateaux français séjournant en Belgique. Elle ne comprend pas par contre ni les chalands du Rhin, qui échappent au contrôle de l’Administration française, ni les bateaux du Rhône et des voies du Midi et de l’Ouest. Comparaison Si l’on veut comparer le parc de 1935 et les parcs de 1943, une correction préalable s’impose donc. Le recensement de 1935 comporte les nombres suivants pour les bateaux porteurs : Régions

Rhin Rhône et Midi

Bateaux ordinaires Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique 280 0 305 345

Bateaux citernes Sans moyens A propulsion de propulsion mécanique 9 0 23 41

Ouest Total

220 805

1 33

59 404

0 41

Total = 1.283 Le parc de 1935 dépouillé de ce dernier total donne pour les porteurs : 12.928 – 1.283 = 11.645 unités. 229


D’autre part on peut être tenté de réduire le parc actuel des 251 bateaux français séjournant en Belgique, car le recensement de 1935 a été limité à la France. On arrive ainsi aux nombres suivants : Etrangers compris : parc 1935 = 11.645 unités parc actuel = 9.825 unités En déduisant les étrangers, il reste : Etrangers déduits : parc 1935 = 10.390 unités Parc actuel = 8.781 unités Différence de 1.609 unités Cette différence s’explique comme suit : - 1.051 bateaux ordinaires et 1 citerne ont été déchirés à la suite de faits de guerre, - 15 unités réquisitionnées par les Autorités d’occupation ont été déclarées pertes totales, - sur 351 unités réquisitionnées par les Autorités d’occupation pour des besoins spéciaux 298 sont encore en réparations. La différence se réduit ainsi à : 1.609 – (1.051 + 1 + 15 + 298) = 244 et s’explique entièrement par l’excédent des déchirages sur les constructions intervenues entre 1935 et la guerre. On sait en effet que les mesures de coordination fer-eau qui ont leur origine dans le décret-loi du 15 mai 1934 ont eu pour effet de réduire sensiblement le parc de la batellerie, sans qu’on sache d’ailleurs exactement ce combien d’unités. Le nombre ci-dessus de 244 en exprime un ordre de grandeur, compte non tenu du Rhin, du Rhône et des voies du Midi et de l’Ouest.319 Cela fait près de 15% de bateaux en moins que par rapport à 1935. Dans un chapitre intitulé « De la collaboration à la spoliation, l’empire Bichelonne », Nicolas Neiertz précise qu’en 1943, 40% des ressources économiques françaises sans compter la main-d’œuvre réquisitionnée par le S.T.O. institué le 16 janvier 1943 sont à destination de l’industrie allemande. La batellerie fait partie des entreprises « protégées » car elle est intéressante pour l'effort de guerre Allemand comme la sidérurgie ou les ateliers de mécanique.320 319

Archives O.N.N. La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France -1999 320

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Bilan Vichy ne fut pas d'un bloc monolithique. Il est accepté par la population pendant un premier temps. Il va évoluer politiquement vers plus de collaboration avec l’ennemi. Vichy ne fut pas une « parenthèse » dans l’Histoire des voies navigables en France. Les origines de sa politique sociale sont à rechercher non pas dans un Diktat allemand, mais dans les conflits français antérieurs à sa création, ceux surtout dans les années 1930. Les Allemands n'ont joué aucun rôle dans la conception et l’élaboration des nouveaux textes de droit du travail sous Laval ou Darlan. 321 Robert Paxton explique très bien : « A Berlin, diplomates et militaires se moquent comme d'une guigne de la politique intérieures de Vichy, du moment qu'il maintient l'ordre et que les richesses françaises coulent à flot dans la machine de guerre allemande. » 322 La politique sociale de Vichy ne ressemble pas à celle des nazis, et peu à celle des fascistes italiens. La Troisième République a notamment initié une politique d'arbitrage obligatoire dans ses dernières années. A la même époque, la plupart des états industriels recherchaient un moyen de canaliser le conflit capital-travail dans des structures d'arbitrage, et de contrôler l'exercice du droit de grève à l'instar des USA avec le Wagner Act du 5 juillet 1935. La Charte du travail cherche à supprimer la lutte des classes et à déterminer « des rapports harmonieux et justes » entre les patrons et les ouvriers, en somme de construire les bases d'une société apaisée, rejetant dans les poubelles de l'histoire les stigmates de la Révolutions industrielle. Elle cherche à mettre en application le slogan « la profession aux professionnels » même si de médiocres résultats dans le commerce et l’artisanat sont obtenus. Ils sont désignés à l'époque comme le pré carré du traditionalisme. L'exemple de la batellerie est significatif de la volonté d'écarter de manière systématique les salariés et leurs représentants des organes directeurs de la corporation. La batellerie occupait 12.000 personnes en 1939 dont la moitié était syndiqué. En 1942, on estime qu'il n'en reste que le quart, alors que l'inscription est obligatoire ! Cette sous-représentation est dû à deux facteurs selon Jean Pierre le Crom : - Le mécanisme de la représentation au sein de la Charte en trois syndicats de catégories distinctes. - La nomination des membres salariés dans les organes dirigeants de la corporation semble être une véritable mascarade. 321

Syndicats nous voilà ! Vichy et le corporatisme - Jean-Pierre Le Crom - Les éditions de l'atelier – 1995 -Préface de Robert Paxton) 322 La France de Vichy, 1940 – 1944 – Robert O. Paxton – Ed. du Seuil -1973

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On cherche en vain de véritables représentants des ouvriers. : L’un est cheminot à la Compagnie du Nord, l'autre sous-directeur de la Compagnie de navigation de Port-Bou, le troisième est docteur en droit. La suspicion est de rigueur sur les représentants ce qui amène à une enquête de la part du ministère de l'Intérieur pour le compte du directeur de l'O.N.N. avant nomination au comité central corporatif, l'organe suprême de la corporation. Ainsi, les positions syndicales et les opinions personnelle sont examiné et classées selon une optique politique : « très à gauche », « gauche », « corporatif » et « extrême-droite ». « Les renseignements se font plus précis quand il s'agit de M. Louis Louis, représentant d'un syndicat affilié à l'ex C.G.T.. Son appartenance à la francmaçonnerie, son soutien matériel à la révolution espagnole, une condamnation pour escroquerie en 1938 aboutissent à l'écarter de la commission provisoire de la batellerie ». Le syndicat unique et obligatoire et les comités sociaux professionnels disparaîtront en 1944 sans laisser de regrets tant ils symbolisaient l'autoritarisme de Vichy Le régime de l'Etat National est l’occasion de la première expérience technocratique en France. De Jean Berthelot à Jean Bichelonne, des polytechniciens dominent l’Administration des Communications. Ces hommes ont profité des circonstances ou / et aussi par conviction politique mettent en œuvre ce remodelage tous azimuts du pays. Elles permettent ainsi une concertation permanente, qui survivra au régime. Le plan de 1942 demeure un projet administratif, élaboré sans véritable concertation avec les intérêts privés, et surtout prévu pour après la guerre. Le plan Monnet de 1946 dans une autre perspective historique, mettra lui en place une concertation des agents économiques. Ces instruments de dirigisme technocratique sont dès 1940 au service d’une politique de collaboration économique et idéologique avec l’occupant. Jusqu’en novembre 1942 et l'occupation de la zone dite libre, l’illusion de l’autonomie administrative et l’espoir d’un « dépassement de l’armistice » dans la perspective d’une association économique franco-allemande peuvent persister. Ils sont ruinés par les réquisitions abusives, les accords léonins, les pressions croissantes des autorités d’occupation qui prennent peu à peu le contrôle de l’appareil administratif instauré par le régime de Vichy. Les structures dirigistes ne servent plus dès lors qu’à faciliter le pillage économique des matériels de transports par les occupants.323 Cette tendance lourde de la réglementation étatique perdurera bien après la Libération avec des technocrates qui veulent adapter l'industrie à l'évolution de l'économie notamment par le Plan. 323

La coordination des transports en France de 1918 à nos jours - Nicolas Neiertz - Comité pour l'Histoire Économique et Financière de la France - CHEEF – 1999

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Déclaration de bateaux vides dans les deux langues. – Coll. V.N.F.

233


Ordre de mouvement en français. - Coll. Guillaume Kiffer

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Permis de circuler. - Coll. Guillaume Kiffer

Document de contrôle de passage aux écluses du bateau. - Coll. Guillaume Kiffer

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Ordre de mouvement en allemand. - Coll. Guillaume Kiffer

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1944 / 1945 Le danger vient du ciel !

Après le Débarquement du 06 juin 44 en Normandie, la Libération progressive du territoire national voit s'enchaîner plusieurs étapes dans les mémoires : - L'intensification des attaques aériennes tant les bombardements que les mitraillages, - La retraite des Allemands et l'abandon de leur matériel. - Les combats d'arrière-garde des forces du Reich, - Les arrêts à cause des actions de la Résistance, - Les premiers GI avec soit des Jeep ou des tanks, - Les premiers transports pour le compte des Alliés comme les pétroliers ou les chargements depuis le Havre de toutes sortes de marchandises. Paradoxalement les mariniers ont eu plus de craintes de nos libérateurs que des Allemands proprement dit. Avec les problèmes de nourriture ou des froids hivers, ce sont des souvenirs très présents à la mémoire de nos témoins même s'ils étaient encore petits à l'époque des faits. Le plan Transport En prévision du Débarquement en France, les Alliés vont exécuter le plan Transport décidé le 30 décembre 1943. Il a pour objectif de retarder aussi longtemps que possible l’arrivée des réserves ennemies au contact de la tête de pont. Mais plusieurs préoccupations apparaissent : - Churchill et Portal considéraient que les systèmes routier et ferroviaire français étaient trop denses pour que les attaques aériennes puissent être efficaces, - La perspective de causer un important nombre de victimes civiles françaises était un sujet de préoccupations politiques majeures, - La crainte de révéler aux Allemands les secteurs prévus pour le Débarquement par les bombardements des réseaux. La meilleure cible ce sont les ateliers de réparation de locomotives que l'on trouvait dans les grands centres ferroviaires ainsi que le précieux matériel roulant. Les ponts n'apparaissaient pas comme la manière la plus rentable de faire usage de la puissance aérienne. Les chefs du bombardement stratégiques, Spaatz et Harris, les « barons du bombardement », s'opposaient au plan Transport car depuis Casablanca en janvier 43, l'objectif des bombardements stratégiques, dans le cadre de l'opération 237


Pointblank, était « la destruction et le démantèlement du système militaire, industriel et économique allemand ». Le plan Transport fit dès le départ partie intégrante de l'opération Neptune. « Détruire un maximum de force motrices potentielles partout en France, en Belgique ou dans l'ouest de l'Allemagne, et de démanteler un maximum de composants du réseau ferroviaire dans le secteur concerné par Overlord. » Mars 44 une liste de 57 centres ferroviaires en France, Belgique et aux Pays-Bas fut établie. Elle monta ensuite à 78. Les évaluations statistiques des pertes civiles attendues sont terribles : - Sotteville, près de Rouen, 10.000 civils étaient exposés, et 640 périront probablement. - Juvisy, près de Paris, 24.000 exposés et 960 morts attendus. Bref, au début il y a une estimation de près de 160.000 morts qui fut baissé à 16.000 ensuite. Dans le langage militaire, empêcher les renforts allemands d'atteindre les plages du Débarquement avant que les troupes alliées y soient positionnées et prêtes à les affronter, constituait un exemple « d'interdiction ». C'est le principal objectif assigné au plan Transport par Eisenhower. Détourner, perturber, retarder ou détruire une force armée avant qu'elle n'ait pu rejoindre le champ de bataille. La doctrine américaine pour perturber les lignes de communication et les moyens d'approvisionnement est d’étendre la portée de leurs opérations loin derrière les lignes ennemis pour imposer leur supériorité sur le champ de bataille. Si les destructions infligées par les opérations aériennes furent d'une ampleur bien moindre en France qu'en Allemagne et au Japon, il est important de se souvenir que les Alliés voyaient dans la France un pays ami occupé attendant sa Libération. Quelques exemples de sa mise en application : Rouen-Sotteville le 18 avril 1944 Il y a 338 bombes au but sur 3.871 larguées. 2.800 édifices sont détruits et 1.500 endommagés. Il y 341 habitants morts à Rouen et 521 à Sotteville. Rouen était une cible évidente depuis le début de la guerre. C'était l'un des premiers ports commerciaux du pays, dont les installations ne pouvaient qu'attirer l'attention des deux camps. Dans les premières années de l'occupation, les Allemands avaient prévu d'en faire l'un des principaux ports d'embarquement pour leurs troupes dans le cadre de l'opération Seelöwe. De nombreuses usines de la ville servaient d'ateliers de réparation aux bâtiments de la marine allemande. La ligne de chemin de fer joignant Rouen à Paris utilisait le très important dépôt de Sotteville avec une 238


grande gare de triage de 56 voies capables de traiter près de 4.000 wagons en même temps. De plus les câbles de communications entre Paris et Caen et Cherbourg y passaient. En 1944, l'infrastructure fluviale du pays comptait des centaines de ponts. 3 axes d'interdictions sont étudiés. - le long de la Seine jusqu'à Paris, avant de virer au sud jusqu'à la Loire puis à l'ouest jusqu'à Nantes, - L'est de Paris et sur la route du Pas-de-Calais, - En Belgique, le long de la Meuse, mais pas systématiquement appliqué. Sur le premier axe il y a trois groupes : 7 ponts entre Rouen et Mantes qui permettent le trafic entre la Normandie et le Pas-de-Calais. C'est le secteur qui absorbera la plus grande partie des bombardements conduits avant le débarquement. Tous les ponts concernés furent détruits, ou du moins temporairement. Ainsi, le 7 mai 44, le pont de Vernon est détruit par 8 Thunderbolt du 365° Fight Group, une unité entraînée pour cet objectif et fait notable sans dommages collatéraux. Le 30 mai 44, début de la « Semaine rouge » à Rouen de 9 journées par des bombardiers moyens. 160 à 400 rouennais sont morts et des centaines blessées. La libération de la ville est le 30 août par les Canadiens presque 3 mois après ces bombardements et après Paris le 26 août. Mi-août c'est le repli Allemands en traversant la Seine. Des milliers de camions, de chars et d'autres véhicules convergent au pied des ponts détruits pour être transportées à bord de barges. Sur les rives s'entassait du matériel moins essentiel ou devenu inutile. Au total les chiffres parlent d'eux même. L'U.S.A.A.F. et la R.A.F. ont causés la mort d’environ 60.000 civils français, plus que les Allemands en Grande-Bretagne. Entre janvier et août 44, les bombardiers lourds des Alliés larguèrent 1.000.482 tonnes de bombes, dont 26% en Allemagne, 15% en Europe centrale. La France en « absorba » 45 % du tonnage (452.919 t.). A la fin de la guerre, la France avait été touchée par 21 % de toutes les bombes américaines contre 41 % par l’Allemagne.

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Des ponts de Rouen en 1944. Les trous de bombes sont particulièrement nombreux. - Coll. A.A.M.B.

Semaine Rouge du 30 mai au 5 juin 19444 avec les ponts détruits vu de la rive gauche à Rouen. Coll. A.A.M.B. 240


Les bombardements Anglo-Américains

Un B.25 Mitchell américain. Bombardier moyen bimoteur. - Coll. A.A.M.B. - Il porte les bandes noires et blanches afin de distinguer les avions alliés des ennemis lors du Débarquement en Normandie en juin 1944. Ne pas oublier qu'il y aura un deuxième débarquement en France la même année mi-août 44 en Provence. - Coll. A.A.M.B.

Josette Colin intitule dans son ouvrage le chapitre consacré à la Seconde Guerre : « 1939 - 1945 le grand sabordage » « Sur la Seine des péniches sont la cible d'agressions multiples et de nombreuses unités sont coulées, faisant des victimes parmi les mariniers. Parfois, des convois entiers sont touchés : « Sur l'Oise, une bombe tombe dans une chaufferie d'un remorqueur et fait quatorze victimes sur l'ensemble du convoi, y compris des enfants. » Il faut attendre fin 1943, début 1944, pour qu'une compagnie comme la H.P.L.M. commence à blinder les marquises.324 En 1944, les choses se gâtent. Dès le printemps, les bombardements sont plus fréquents. Le Baîse a la baraka. Cambrai, Comines, Tegniers, Creil, à chaque fois que les bombes tombent la veille ou le lendemain de notre passage. Les bateaux sont mitraillés. Il y a des blessés, des morts. 324

Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture

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Très vite, les avions américains, les « double queues », sont les plus redoutés. Le Bassin Rond qui est un grand bassin rectangulaire de neuf cents mètres de long et de cent de large. C'est un garage à bateaux en attente de passage du canal de SaintQuentin. Bloqués par des bouchons de péniches, on amarre les bateaux bout à quai, l'étrave le long de la digue, serrés bord à bords. En mai 44, nous voici près de plus de cent péniches bloquées. L'attente dure près de deux semaines. Par mesure de sécurité, les services des Ponts-et-Chaussées nous obligent à laisser des espaces libres tous les quinze bateaux pour pouvoir dégager les unités épargnées en cas de bombardement. Mais jamais une seule attaque n'a eu lieu. Les chasseurs bombardiers se servent de ce repère idéal pour s'orienter car, dans les environs, ça barde. La Libération approche, on le sent. Je n'ai qu'une idée en tête, n'ayant jamais fait partie de la Résistance, m'engager dès que possible. A Cambrai, nous passons à côté d'une péniche en bois amarrée près du pont de chemin de fer ; un projectile a éclaté tout près. Elle est recouverte d'une épaisse couche de terre sur toute sa longueur, mais n'a subi aucun dommage. Le bombardement a eu lieu la nuit précédente.325 Pendant cette guerre, nous avons connu des alertes à tout bout de champ. Nous avons couché dans des caves, des abris construits spécialement contre les bombardements des coteaux comme ceux de Neuves Maisons (Meurthe-etMoselle). Nous prenions une couverture, chacun la sienne, roulée comme le font les soldats, fixée sur le dos. Une bouteille thermos remplie de malt pour le lendemain matin, et nous montions le soir pour pouvoir dormir un peu, sinon, chaque nuit il fallait se lever et courir se cacher à l'abri. La sirène hurlait plusieurs fois au début de l'alerte et donnait un long coup pour signaler la fin du danger. Une fois, papa était occupé de se raser, il a fallu se sauver, il avait la moitié du visage rasé. De tous les bombardements, c'est celui d'Aulnoye (59) qui m'a le plus marqué en 1944. La nuit, il y avait des bombes incendiaires, on pouvait y voir comme en plein jour. Ces bombes éclairaient la gare, afin d'indiquer aux bombardiers le point exact à détruire.... Nos amis avec qui nous voyagions avaient un bateau en fer, plus solide que le nôtre. Ils nous ont invité à passer la nuit chez eux pour être mieux protégé des éclats de bombes qui entouraient nos péniches. Gisèle, une amie enfant, et moi avions prié toute la nuit, notre foi nous soutenait...Nous étions retirées dans un coin de leur logement… Le lendemain matin le calme revenu, tout autour des péniches nous découvrions des trous énormes, nous avions été protégés, nous étions vivants.326 La fin de la guerre - à Travecy dans l'Aisne - était proche et nous étions souvent bombardés, chaque marinier avait creusé une tranchée dans la digue entre les arbres. Ils avaient abattu avec l'autorisation des ponts et chaussées quelques gros arbres, qu'ils avaient coupés en morceaux de deux mètres pour recouvrir l'abri et, par-dessus mis du feuillage. Nous mangions à terre pour être plus vite à couvert en 325 326

Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990

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cas d'alerte. Laby, l'oie nous suivait partout. Elle annonçait l'arrivée des avions avant le hurlement des sirènes. … Elle entendait le bruit des moteurs d'avions anglais et américains qui s'approchaient, surtout les « deux queues » comme on disait, c'était des avions à double fuselage qui escortaient les gros bombardiers. 327 Son oie c'est la version 1944 des oies du Capitole. Un jour, il y eu un combat aérien au-dessus de nous ; un avion, anglais je crois, fut touché et il se cassa en deux. Je vis les pauvres gars qui sautaient des morceaux de la carlingue, triste spectacle ! Mais ces avions lâchaient aussi leurs bombes sur la cimenterie ; lorsque j'entendais la sirène d'alerte, je courais comme un fou dans notre abri. Papa disait que j'avais des étincelles sous les pieds. Lors d'un bombardement, les bombes tombèrent sur l'usine pas très loin de nous, heureusement, nous fumes indemnes. Quand ce fut terminé, tous les panneaux d'écoutilles du bateau étaient ouverts en éventail et les carreaux de la marquise cassés. Je vis un éclat de bombe sur le quai, bêtement je le ramasse il était brûlant … Aie, mes pauvres doigts !328

Une attaque aérienne alliée sur le pont d’Oissell sur la Seine le 9 mai 1944 rendant le pont inutilisable. Les forces allemandes ne pouvaient réparer les ponts sur la Seine assez vite entre deux attaques au printemps 44. – Coll. USAAF archival photo

D’autres récits parlent des attaques aériennes, des bombardements surtout ceux en 44 qui visaient les gares de triages avec les bombes brillaient au soleil.329 Plus on montait vers le Nord plus c'était dangereux à cause des bombardements. 327

Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 329 Roland Langlin – 2019 328

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Pourvu qu’ils ne nous envoient pas sur les côtes, Calais ou Dunkerque.330 Quand les bateaux étaient garés, il y avait un peu d'espace entre les bateaux. Il y avait 2 sortes de bombardements. Les gros avec 500 forteresses qui larguent au hasard, ils essaient de cibler un peu. Un peu comme au Havre entre 4 feux pour cibler. Je n'ai souvenir d'un avion Allemand en 44.331 On fait un voyage en 44 sur l'Oise de minerais de fer. Puis, traction électrique à Tergnier et arrêt à 1 km de la ville. Quelle nuit avec 1 ou 2 heures de bombardement. On a eu de la chance. Il faut être dans un bombardement pour s'en rendre compte. Le bruit, la terre labourée à 200 mètres de nous. Nous n'avons pas été mitraillés pendant la guerre.332 En mai 45 à Oville près de Douai, qu'est-ce qui passait comme avions. 500 à 700, les carreaux vibraient, ça passe, ça passe on ne peut pas les compter.333 La mise en sécurité des enfants de bateliers est évoquée par le journal collaborationniste du Parti Populaire Français de Jacques Doriot, le Cri du Peuple, qui lance un appel aux bateliers artisans de France dans ce sens. A noter que sur la même page il présente le conseil de révision de la L.V.F., la Légion des Volontaires Français. Par arrêté du 3 juillet 1944, interdiction de la présence à bord des bateaux de navigation intérieure des enfants de moins de 15 ans, ainsi que des mères de familles d'enfants de moins de 6 ans et des femmes enceintes, en raison des dangers actuels de la guerre, sur les voies navigables des départements ci-après : Nord, Pas-de-Calais, Somme, Ardennes, Marne, Seine-et-Marne, Seine et Seine-etOise. Le Conseil d'administration du syndicat unique des artisans, maîtres bateliers et dirigeants de coopératives artisanales de la navigation intérieures, invite les bateliers à se conformer à cette décision dans l'intérêt même de leurs familles le plus rapidement possible. Il est recommandé aux artisans qui naviguent dans les départements précités et qui ont la possibilité de loger leurs enfants chez des parents ou des amis résidant à terre, de les débarquer d'urgence. Les familles, les amis ou les centres d'accueil sui recueilleront les enfants des bateliers toucheront les tarifs d'hébergement prévu par la Loi.334 330

Roland Langlin – 2019 Roland Langlin – 2019 332 Roland Langlin – 2019 333 Roland Langlin – 2019 334 Le cri du peuple – 29/07/44 331

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A. Piéplu, président du syndicat unique des artisans de la batellerie, dans un autre article de presse parle des dispositions relatives à l'hébergement des mariniers. Le Syndicat unique des salariés de la navigation intérieure fait appel aux membres de la corporation pour qu'ils mettent à l'abri, selon les directives du gouvernement, leurs enfants jusqu'ici aussi exposés qu'eux, du fait du bombardement des péniches. Il est prévu, en cas d'évacuation et d'hébergement des enfants, des lieux de refuge assez proches de la voie d'eau pour que les mariniers puissent, à leur passage, voir facilement les êtres qui leur sont chers, et toutefois choisis de façon qu’il soit raisonnablement permis de croire que les enfants sont en sécurité. Les voyages d'aller pour les personnes réfugiées et le voyage d'aller et retour pour les personnes qui les accompagnent seront aux frais du gouvernement. Une indemnité de 750 francs par mois est prévue pour chaque enfant hébergé. Les allocations familiales continueront à être versées aux ayants-droit.335

Pont de la Mulatière à Lyon après le bombardement du 1er septembre 1944. On peut voir que les travaux d’évacuation des décombres ont commencés- Coll. A.A.M.B.

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Paris soir – 19/07/44

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L’attaque sur Rouen le 9 juillet 1944 détruit une grande partie de la vielle ville mais aussi les principaux ponts de la ville. – Coll. USAAF archival photo

Les mitraillages alliés Les récits et les articles concernant cet aspect de la guerre sont nombreux. Dans les journaux vichystes mais aussi chez nos témoins mariniers alors enfant. Un hommage impartial à nos mariniers « Qu'il semble loin le temps de la Belle Nivernaise et celui où la péniche de Sans Famille glissait sur les eaux calmes de nos canaux, dans un décor bucolique ! ... Dorénavant, canaux et rivières sont à la merci de la bombe, de l'obus et de la balle anglaise. »336 Un batelier, une péniche ? Belles cibles pour les Anglais ! L'Abbeville se trouvait, le 21 octobre 1941 devant la raffinerie de la Biscade, à Sainte-Marle-Kerque (59). Il y avait à bord le patron Carouble, sa femme et ses deux neveux de dix-neuf et vingt ans. Tout allait bien et l'on avait au cœur à l'ouvrage. Mais voici un ronronnement dans le ciel. Ils les connaissaient bien les 336

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errants de canaux et rivières, ces passages d’avions anglais, lui aussi. Les jeunes Carouble, comme tant d'autres, donnaient leur sympathie intime à nos ex-alliés. Les voici, tout joyeux saluant d'un mouchoir l'appareil « ami ». Les jeunes fous ! L'avion s'est rapproché. Les mouchoirs prodiguent des signes amicaux. Un tac-tac entre en jeu. Est-ce possible ? La mitrailleuse verse ses rafales. Et les trois hommes sont tués net par les « amis » anglais. Demandez donc à Broquet fils ce qu'il pense des Britanniques. Ses poings se serreront. C'est lui faire revivre la scène odieuse du 22 septembre dernier qui le fit orphelin. C'était à Arques (62). Le Dulang, le bateau de famille, suivait doucement sa voie. Soudain, comme un oiseau de proie tombant du ciel, à 30 mètres d'altitude, un avion surgit. Belle cible que le Dulang, bonne prise que le batelier Broquet père. Il suffira d’une rafale de mitrailleuse pour le coucher, les bras en croix, sur la plage arrière de son bateau, avec une indicible expression de terreur dans les yeux. Plus près de nous encore, le 28 novembre 1942, c'est l'agression contre quatre bateaux qui naviguent de concert, à Spicker, près de Dunkerque. Un avion prend le canal en enfilade, mitrailleuse en action. On n'a pas le temps de se garer, car on sait maintenant, au long des canaux, ce que veulent ces engins parés d'un cercle rouge, blanc, bleu. Sur le Joseph-Antoine, la mort a passé. Le patron Spel s'est effondré, frappé d'une balle en pleine poitrine et de deux dans le dos. On a lancé aussi des bombes. Un éclat a coupé net une jambe à la fille du mort. Elle n'a pas pu accompagner son père au lieu de repos où nous irons tous. L'Anglais n'a même pas le culte des morts. Je voudrais conter encore la lamentable histoire d'une vieille batelière que le malheur accabla et dont les yeux ont versé tant de larmes qu'ils sont secs à jamais. En 1914, elle est mère de trois enfants et peine dur à bord. Le mari parti... et ne revient pas. La mère douloureuse cherche refuge à terre. En 1920, elle remonte à bord. Elle tient à force de courage. Vient 1939 et la stupide guerre. Le bateau est coulé par l'armée anglaise en retraite. Un fils est prisonnier ; l'autre s'embauche sur un ponton transportant des matériaux. Un matin du printemps dernier, le voici amarrant le ponton à Saint-Omer et s'en allant loger en ville. Il a le cœur joyeux comme ceux de son âge, notre jeune batelier. Il rêve de larges espaces, d'amour. Une bombe anglaise le déchiquette, coupant du coup ses rêves d'avenir. La mère ramène la dépouille de son petit gars à Douai. Le calvaire est, pensez-vous, terminé : quelques jours plus tard, elle apprendra la mort de l'autre fils en captivité. Dans le monde de la batellerie où l'histoire douloureuse est connue de tous, on parle de la vieille batelière comme d'une sainte que Dieu eût voulu souverainement éprouver... Ah ! Elle serait longue à dresser, la liste des bateaux pacifiques mitraillés, incendiés ou bombardés ! Et aussi celle des bateliers frappés en plein travail. Autant de drames qui se répéteraient, autant de sombres visions de sang généreux répandu à dessin. Cette liste, elle comprendrait encore : le patron Coubronne, de la Fluviale 247


Lecoq, père de sept enfants, tué à Commines le 22 septembre dernier ; Degraève, du Julien, qui a une balle dans le poumon depuis le 31 octobre et qui va répétant : « Je suis foutu ! » et Dubois aîné, de l'Yser, mitraillé à deux reprises et mort sans pension.Il en est d'autres, beaucoup d'autres, et, hélas ! Le point final ne saurait être mis. IL n'est pas de semaine où, dans le Nord surtout, d'Aire à la Bassée et dans le canal de Furnes, un bateau ne subisse le feu d'un avion britannique. C'est une politique de destruction systématique. Le batelier est ainsi constamment en danger. Sa demeure errante peut être frappée à mort avant qu'il ait le temps de se dégager. Mais le batelier est brave, comme son frère le marin du grand large. S'il le faut, il mourra à sa barre, traîtreusement frappé, comme savent mourir à leur poste sur les flots plus tumultueux les autres marins...337 A Saint-Quentin, un ordre de réquisition nous détourne vers Reims après allègement de quarante tonnes. Le canal de l'Aisne à la Marne ne permet pas un enfoncement supérieur à un mètre quatre-vingt. Nous sommes déçus. Le bateau qui avait fait le voyage avec nous a été victime d'un mitraillage dans la région de Compiègne. Les malheureux ont le temps de sauter à terre et gagner une sorte de tranchée, mais le père a une jambe sectionnée par une balle. Sa femme et ses filles qui ont eu assez de cran lui font un garrot et organisent les secours étant loin de la ville.338 Bientôt nous trouverons du travail dans une ferme, ce qui nous permettra d'avoir du beurre, lait, œufs du ravitaillement enfin ! La deuxième semaine, notre père regarde passer une patrouille de double-queues. Il est en haut de l'échelle du petit atelierdébarra qui est aménagé à l'avant du bateau : « planquez-vous, ils reviennent ! » Quand les premiers coups claquent, je me précipite sous l'établi et devant ma mère, curieux réflexe. Le Baïse n'a rien eu mais La Dunette, le bateau d'à côté, a reçu pas mal d'impacts. Le mât, pièce de chêne d'une trentaine de centimètres de diamètre, est traversé en plusieurs endroits. Personne n'est blessé. La réaction des villageois est rapide. L'après-midi, le maire assisté de toute une délégation prie La Dunette de bien vouloir partir. Il y a la crainte de munitions cachées sous le bois de l'un des deux bateaux et pas sous l'autre... « Ce sont les aviateurs qui le savent puisqu'ils n'ont pas tiré sur lui ! » 339 Par une belle journée, avec maman, nous sommes à l'extérieur, à l'arrière du bateau. Ma mère épluche des légumes sur la petite table au-dessus des capots de machine, je suis coté extérieur près des boulards, je joue dans l'eau avec le sceau de la tinette, et soudain, par notre travers, face à nous arrive deux avions, je conserve le souvenir d'une incompréhension, il pleut. Ma mère m'a pris et emmené dans la chambre matelas rabattu sur nous. Avec le recul je pense que les aviateurs nous ont vu car le tir s'est arrêté juste avant nous, les avions ont viré et on fait un 337

Le petit parisien – 08/02/43 - Reportage d'Edouard Parmentier Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 339 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 338

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second passage. Autre flash de souvenirs, ma mère me tient sous elle et le matelas au-dessus, la chambre est pleine de fumée, ou plutôt de poussière. La seule balle qui ait touché la cabine a traversé le plafond juste au-dessus de nous, un éclat a continué sa route au travers de la cloison entre la chambre et la cuisine avant de se ficher dans le marbre du buffet de la cuisine. Mon père qui était à terre n'a pas eu le temps de gagner l'abri, le mitraillage a passé au-dessus de lui car une balle ou un éclat s'est fiché dans le talon de son sabot gauche. Il a regretté de ne pas l'avoir conservé. Il s'est précipité pour obturer les trous dans le fond du bateau. 56 impacts, centrés sur la cale arrière. La cambuse ressemble à une passoire. La batterie de cuisine est hachée. Il paraît que j'étais fâché car mon coquetier est troué. Nos voisins le Maria sont logé à la même enseigne, une balle a aussi traversé la cabine et est tombée sans force sur le bras de la belle-mère de « Julot ». Nous avions été prévenus qu'il fallait quitter les bateaux, l'aviation coulait systématiquement tout ce qui flottait. 340 A partir des premiers jours de juin, nous fûmes bloqués au bout du quai de la cimenterie d'Origny, seul bateau dans le bief. La navigation était arrêtée car il y avait des dégâts sur le canal, des bateaux coulaient un peu partout. La guerre s'intensifiait de plus belle. Le débarquement avait eu lieu en Normandie et les Allemands se tenaient sur leur garde. Ils avaient fait des tranchées de défense à quelques dizaines de mètres de l'endroit où nous vivions. Pour être relativement protégés, mon père, avec Paul et Michel, avaient creusé, sous un gros tas de laitier durci par les années, une cave bien étayée par des planches tenues par des rondins de bois. C'était notre abri, on y vivait presque jour et nuit, le bateau était une trop belle cible. Nous craignions encore plus les mitraillages des avions, alors maman avait organisé notre vie à terre. Le pire, c'était la nuit : couchés sur des bâches posées à même le sol, serrés les uns contre les autres, il n'y avait pas beaucoup de place et les mouches, très nombreuses, nous faisaient tomber des grains de laitiers sur la figure, dans les oreilles On ne pouvait pas beaucoup dormir mais avec dix à quinze mètres de matière compacte au-dessus de nous, on pouvait être protégés des balles, des éclats. Quant aux bombes, il valait mieux ne pas y penser…341 Vers la fin du mois de décembre, le canal avait été remis en eau et nous étions sous le hangar de chargement : on prenait enfin du ciment pour Valenciennes. Une nuit …. Un avion venait de nous mitrailler...Il avait lâché sa rafale de l'arrière vers l'avant, plusieurs balles avaient touché le bateau et les autres s'étaient perdues dans la charpente du hangar ; dans le canal, on voyait leurs impacts dans la glace car la nuit, il avait gelé. Une balle s'était fichée dans les tôles juste derrière la 340 341

Raymond Carpentier – 2020 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019

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marquise, une autre avait coupé le porte-drapeau, une troisième avait traversé la tôle de la cabine au-dessus du pied du lit de mes parents, enfin une dernière à ras du bateau vers l'avant à moins d'un mètre où dormait mes sœurs. Ce fut pour nous le dernier méfait de la guerre. Nous l'avions échappé belle une fois de plus.342 Obsèques de Jean Marie Grall, capitaine de remorqueur Argonne tué à son poste par un avion le 18 avril.343

Un Lockheed P.38 Lightning - Dans au moins deux récits de mariniers il est dit que ce type d'avion les avait mitraillés. Hors c'était surtout un avion de reconnaissance ou un chasseur d'escorte des bombardiers à long rayon d'action. Il a été surnommé Gabelschwanz Teufel, signifiant « diable à queue fourchue » par les Allemands. De ce fait, je me demande si le deuxième témoignage publié bien des années après ne s'est pas servi du premier pour illustrer son récit. - Coll. A.A.M.B.

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Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny Journal de la navigation - 01/05/44

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Un

Hawker Typhoon, un avion spécialement étudié pour l’attaque au sol pour tous types de cibles avec ses 4 canons, ses roquettes ou ses bombes. – Source Common Wiki

Les derniers combats En 1944 je me souviens de l’alignement des chars allemands sur les quais à Conflans.344 En 44 après les premiers passages alliés...Un matin de très bonne heure, je ramassais des noix, à environ dix mètres de la route. J'entends : Hände hoch, les mains en l'air ! C'étaient deux soldats allemands, mitraillette en mains. Je m'approche, les mains en l'air, et leur demande ce qu'ils faisaient là ? Eh bien, nous sommes revenus ! Nous avons appris, par la suite, que le ravitaillement ne suivant pas, nous alliés s’étaient retirés vers Lunéville, évacuant le secteur ! Nous logions dans les caves du village, chez l'habitant. Le 8 octobre, les portes s'ouvrent avec fracas : Papiers ! Tous les hommes de quinze à soixante ans devaient se rassembler dans l'église du village ; les femmes devaient apporter deux jours de vivres à leurs hommes ainsi qu'une couverture ; dans deux jours, tout le monde serait rentré à la maison ! Naturellement nous l'avons cru, nous étions trop naïfs ! 344

Roland Langlin – 2019

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Départ vers 13 heures à pied pour Mézières. Puis Petersbach. Nous étions requis dans le cadre de la Schanzen Arbeit, travail forcé, dont nous n'avions jamais entendu parler. Nous allions bientôt l'apprendre. Dès le premier jour, chacun fut équipé de pelles, pioches et bêches, et en route pour les chantiers.345 « En 44 Nous avons enseveli plusieurs soldats allemands au cimetière du village, ainsi qu'un marinier tué dans son sommeil par la mitraille : nous lui avons fait un cercueil avec des planches du Carency. »346 « Après l'arrivée sous les pommiers, l'avance des blindés américains est rapide. Le lendemain matin, tandis que les motorisés foncent vers l'Est par les grandes routes, une petite troupe de soldats allemands sortie des fourrés nous oblige à la faire traverser en bachot. Ces soldats cherchent à retarder l'instant de la captivité. Le dernier soldat en déroute passera le canal. Sur la colline, apparaîtra un rassemblement de tanks Sherman qui prendront un peu de repos. Mais les menaces de guerres disparues, la baraka nous abandonnera bientôt sur le plan commercial. »347 « Puis vint la retraite des Allemands, trois jours avant la libération mi-août 44 nous avons quitté le Porphyre. Nous avons été recueillis chez des habitants du village qui nous ont hébergé dans leur cave, car la vie à bord n'était plus possible, d'autant plus que nous avions reçu l'ordre de partir, les Allemands avaient décidé de faire sauter tous les bateaux. »348 « Dans cette cave nous étions une dizaine d'enfants, couchés en travers d'un lit pour en mettre plus, les adultes étaient assis par terre. Nous voyons les bottes des Allemands par le soupirail. Papa recommandait de faire silence, les soldats détruisaient tout sur leur passage en reculant. Nous craignons qu'ils lancent des grenades dans la cave. Le 2 septembre 1944, Travecy, près de La Fère dans l'Aisne, fut libéré. Les soldats de la Wehrmacht passaient jour et nuit près de notre installation. Toujours correct, ils ne nous ont jamais rien fait…. Bientôt nos ennemis devraient quitter les lieux, en dynamitant les ponts. Mon père qui connaissait leur langue demandait des nouvelles de l'avancement des combats et d'être prévenu quand ils feraient sauter le pont situé à quelques centaines de mètres de nous. Les Américains ne devaient plus être bien loin. C'était la débandade chez l'occupant. Ça tirait de partout. Les maquisards de la dernière minute faisaient un peu de zèle, une bande de ces valeureux guerriers traverser le canal et détale... « On va défendre notre peau ». Il fonça au bateau et revint quelques minutes plus tard sa carabine et ses cartouches à la main. Moi je restais stupéfié, je l'avais vu au début de la guerre jeter sa carabine au canal, et oui, de peur que j'en parle, et il l'avait bien cachée derrière la boiserie de la cabine. De plus, Juienne et Paul avaient chacun un couteau de cuisine à la main. Heureusement, personne ne vient ; mais 345

F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 347 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 348 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 346

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quel bel acte de bravoure de leur part et qu'elle trouille pour nous. »349 La Résistance Un petit document de 12 pages daté du 30 janvier 1945, en réponse à une note du 10 novembre 1944, dresse un catalogue des actes de Résistance à l’Occupant faits par l’O.N.N. En fait seulement 4 petites pages portent sur la résistance. Les archives portant sur la seconde guerre font 144 cartons. C’est bien mince ! Cette action relève plus de la résistance passive et se concentre avant tout sur les personnels travaillant sur les voies d’eau. Tout d’abord c’est sur la relève et l’envoi des ouvriers en Allemagne suite à la Loi du 4 septembre 1942, dite du S.T.O. que ce concentre le rapport. L’Office « a été amené à régir contre ces mesures. Il n’est pas toutefois possible d’indiquer les détails d’une résistance de chaque jour et d’interventions multiples. Il suffit de montrer quels en furent les résultats : - La protection total et le maintien à leur poste de tout le personnel de tout âge et de toute nature, ressortissant de la navigation intérieure, soit environ 2.500 hommes - L’assimilation à ce personnel, en vue de leur assurer la même protection, de nombreux étudiants, employés et ouvriers des jeunes classes, soit environ 180 personnes. En outre, il y a la mise à disposition de l’O.N.N. d’un nombre d’imprimés de cartes de travail, de fiches de recensement, de cartes de sursis correspondant à la totalité de personnel protégé. Il y a aussi la possibilité de présenter des listes complémentaires de bénéficiaires de sursis neuf fois en six mois. Puis la possibilité pour l’O.N.N. d’établir, de délivrer et de contrôler lui-même les cartes de sursis et enfin, d’assimiler les conducteurs de tracteurs et le personnel technique au personnel navigant. » D’autres systèmes sont évoqués comme l’embauche avec des contrats antidatés ou pareil pour des cartes de travail, l’embauche de réfractaires comme conducteur de tracteurs… Des actes de résistance plus tangibles existent également : - En septembre 1940, des informations concernant les mouvements des bateaux en Belgique et dans l’Est de la France furent communiqués aux services français du 2ème bureau. Ces renseignements étaient de valeur, puisqu’ils avaient trait à la tentative allemande d’invasion de l’Angleterre, 349

Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019

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- Afin d’éviter l’emprise directe de l’administration allemande sur les services centraux de l’Office et la présence permanente de représentants de l’H.V.D., le directeur de l’O.N.N. fut amené à étendre progressivement l’importance de son service de liaison avec les occupants. Ainsi, aucun contact direct, sauf avec la direction, ne fut établi ente les autorités allemandes et le personnel des voies navigables. « Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, l’O.N.N. a vu ses efforts non seulement contrecarrés par l’administration ressortissant de Vichy, mais a encore vu méconnaître l’esprit même de cette action. Il a dû, en conséquence, non seulement agir contre ladite administration pour arriver à ses fins. Les services rendus ne furent pas seulement à rendement immédiat ; ils visaient à une organisation générale de résistance sous le couvert des autorités allemandes et dont les résultats ont dépassé les prévisions les plus optimistes. Il a été possible, de la sorte, d’empêcher la sortie de France du matériel et des matériaux, par la coupure des voies fluviales à proximité des frontières franco-belge et franco-allemandes, en interrompant pratiquement le trafic entre la France et l’Allemagne depuis février 1944. Lorsque les Allemands, par la suite, eurent en vue d’utiliser la Seine pour transporter des munitions au départ de Paris à destination d’Elbeuf, grâce aux indications fournies par radio clandestine, les barrages de Port Villez et de NotreDame de la Garenne ont été détruits à temps, empêchant tout transport. C’est également à cette organisation que revient l’initiative des destructions qui ont été effectuées dans le Nord et dont l’exécution a été confiée aux organisations locales de résistance de l’Office. » En somme l’O.N.N. a combattu le régime de Vichy si on croit à ce petit rapport. Les souvenirs de nos témoins sont rares au sujet de la Résistance. D’ailleurs, dans une lettre l’un des mariniers écrit : « Nous avons tous collaboré, ça fâche Naveteur, mais la vérité est là, non il me répond... il fallait bien manger ! »350 Vide à Reims, nous partons pour charger des grumes à Bar-le-Duc à destination de Lille. C'est le 6 juin 1944. La Résistance a fait sauter les portes d'écluses vers Brayen-Laonnaois. Cette fois, on ne groupe plus les bateaux, nous avons ordre d'amarrer dans le « large » de Maisy. C'est fini pour un temps, les canaux sont bloqués.351 Le lendemain, du mitraillage aérien, les services des voies navigables nous donnent l'ordre de partir. De nouvelles actions de la Résistance sur le pont-canal de Bourget-Commin vont obliger les Ponts-et-Chaussées à abaisser le niveau du bief. Nous serons échoués.352 350

François Berenwanger – lettre du 11/04/2008 – Alain Naveteur était un ancien marinier connu à Conflans. Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 352 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 351

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Travecy dans l'Aisne nous avons été bloqués pour plusieurs mois, car les F.F.I. Forces Françaises Intérieures - faisaient sauter les ponts et les écluses pendant le recul des Allemands. 353

La destruction de l’écluse de Crévic par un acte de sabotage par la Résistance - Coll. Guillaume Kiffer

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Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990

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Les Résistants F.F.I. ont marqué leur passage à l’écluse de Maurecourt. - Coll. Guillaume Kiffer

L'attente de la fin Pour notre dernier voyage de la guerre, nous avions pris un transport de laitier à charger à Louvroil près de Hautemont (59) pour Beuvry près de Béthune. Ce voyage a duré du 17 mars 1944 au 8 janvier 1945, en gros 10 mois ! Nous voyagions deux jours, puis arrêt de quatre jours, pour revoyager cinq jours, pour finir enfin plusieurs mois d'arrêt. Il fallut attendre plusieurs mois pour remettre les canaux démolis en état de marche pour nous permettre de continuer notre voyage.354 Des tracteurs de la C.G.T.V.N. viennent à deux pour tirer les bateaux. Mon père refuse et « La Dunette » part seul. Le lendemain, mon père se rend compte de son erreur et nous demande de prendre la bricole pour déplacer le bateau chargé. Le bateau n'a que 215 tonnes de charge c'est un avantage. Il y a 6 kilomètres Il y a la peur d'une attaque aérienne surtout dans la ligne droite de 3 kilomètres. Et le niveau 354

Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990

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du canal commence à baisser. A l'écluse, quelques jours plus tôt, le bateau Je le préfère, chargé de paille, avait été mitraillé et brûlé entièrement, sa coque étant en bois. La fille des mariniers, Edwige, une jolie petite copine, avait été légèrement blessée à une jambe. Nous resterons amarrés plus de trois mois à ces mêmes pieux. Camouflé par des pommiers couverts de nids de guêpes « Surtout ne les chassez pas, elles vont s'habituer à vous », disent les villageois. Je ne me souviens pas d'avoir été piqué.355 Comment repasser le front entre Allemands et Américains ? Sitôt vide l'Artisan prend la direction de la haute-Seine, chercher un endroit abrité surtout pas sur le fleuve, un trou ? Assez loin de Paris, à la sablière de Saintry. Près de Corbeil, ils seront trois bateaux à avoir la même idée. L'emplacement est idéal c'est un hautfond, il y a à peu près 1m80 en dessous. Les établissements Loury avait aménagé cet endroit pour laisser « rembourdir » leurs bateaux, c'est à dire ceux-ci, en bois, étaient laissés là, ils coulaient parce que trop « éclit » quelques jours après pompé et amerrie à Corbeil. Cette « fouille » aurait permis que le bateau ne coule pas trop. Robert avait bien préparé son bateau, le plancher de cale entièrement démonté et mis en pile sur les équerres de bordais, constitué une réserve de broches et broquettes pour boucher les éventuels trous des balles. A terre un abri avait été confectionné. On imagine l'angoisse de l'attente du choc. Notre voisin, le Julot avait craqué et voulait évacuer le bateau, on l'a raisonné en lui disant « qu’on n’allait pas repartir avec eux » - les Allemands-. Il avait plusieurs fois échappé à la réquisition parce que la motorisation était trop faible avec un Kromhout de 60 cv.356

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Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 Raymond Carpentier – 2020 - en 1944

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Retraite allemande puis avancée des Alliés …

Dans le port, débarquement d’hommes et de véhicules légers. – Coll. Patrick Coiffier

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Dans le secteur d’Elbeuf. – Coll. Patrick Coiffier

Camouflage avec des feuillages frais. Un canot automobile à couple assure le déplacement du bac. – Coll. Patrick Coiffier

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Deux chalands sont mis à couple et un tablier a été installé sur les deux ponts. – Coll. Patrick Coiffier

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Rouen, sur la rive droite. – Coll. Patrick Coiffier

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Dans le port de Rouen. – Coll. Patrick Coiffier

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Un bac treuillé par un camion à Rouen. – Coll. Patrick Coiffier

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Pendant la traversée dans le port de Rouen. Le soldat à droite un edelweiss sur sa casquette. Sans doute un chasseur alpin. – Coll. Patrick Coiffier

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Deux soldats Allemands sur une voiture amphibie, une Schwimmwagen, passant devant un chaland de Seine coulé. Pendant la retraite des troupes du Reich en août 1944, la Seine représente une barrière importante à leur progression. Entre les 15 et 30 août 44, à Caudebec-enCaux, le ferry de remplacement de celui coulé le 27 a permis à 2 000 véhicules et des milliers d’hommes de traverser. – Coll. Common Wiki

Carte de la progression de 6ème division aéroportée britannique vers la Seine en 1944. – Coll. Common Wiki

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La traversée de la Seine à Vernon sur un pont de bateaux. – Coll. Common Wiki

Pont de bateaux de bateaux pneumatiques à Meulan les 28/30 août 1944. – Coll. Common Wiki

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La Libération

Débarquement en Normandie d’un char Sherman de la 2 ème D.B. française. - Coll. Stephane Fournier

Les récits sont conformes à l'imagerie véhiculée depuis 1945 avec des chewinggums et des bonbons. N'oublions pas qu'il était prévu l'AMGOT, un organisme destiné à administrer par des militaires américains les pays libérés avant le retour à régimes démocratiquement élus. L’historiographie parle maintenant aussi d’une « Légende noire » de la libération qu’il ne faut pas oublier. 357 « En 44, Lunéville ayant été libéré le 16 septembre, Parroy situé à une vingtaine de kilomètres, a sans doute été libéré le 17 ou 18 ; surtout par des Polonais, avec lesquels nous ne pouvions guère communiquer. A part une Jeep qui traversait de temps à autre le village, nous n'avons pas vu grand monde. »358 « Septembre 44 c’est l’arrivée des Américains. On est chargé de charbon. On le décharge, pas à la destination prévue, mais à une sucrerie pour charger des betteraves et c'est la saison du sucre. »359 « Après le débarquement de Provence le 15 août 1944 les allemands se replient rapidement non sans avoir fait sauter tous les ponts avant. »360 357

La France à l'heure américaine - Controverse de la Libération - Régine Torrent - Ed Chronos novembre 2019 F. Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 - 1993 359 Roland Langlin – 2019 360 Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 –2010 358

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« A Saintry (91), lors du passage de l'armée US comme tous les enfants j'ai eu des bonbons, un tube de bonbons ronds collées l'un sur l'autre ».361 « Un char passa, il s'arrêta, les soldats alliés nous donnèrent du chocolat, du chewing-gum, les grands firent des photos. Nous étions libérés. La guerre était finie. Après quatre années de souffrances et de privations. »362 « Enfin, le 3 septembre, les premiers Américains arrivèrent, nous étions libérés. Evidemment, ce fut la fête, dans le village tout le monde s'embrasait, même maman sauta au cou d'un Américain en lui disant « Te voilà enfin désiré ! » .... Avec eux, on goûta au premier chewing-gum, au pain blanc comme de la neige, à la margarine, aux confitures emballées dans des berlingots de carton. C'était bon, après tant de privations ! Héla, cela ne dure pas longtemps, la nourriture ne fut pas plus abondante, il y avait toujours les tickets de rationnement. »363 « Avec eu, on goûta au premier chewing-gum, au pain blanc comme de la neige, à la margarine, aux confitures emballées dans des berlingots de carton. C'était bon, après tant de privations ! Héla, cela ne dure pas longtemps, la nourriture ne fut pas plus abondante, il y avait toujours les tickets de rationnement. »364 « A l’arrivé des Anglo-américains « des cris de joies, une jeep et les jours d'après des convois. Les gosses ont fait des petits drapeaux, ils nous donnaient du chocolat ou des cigarettes pour les grands. » 365 L'arrivée des Alliés n'entraîne pas du tout le retour au ravitaillement des populations civiles d'avant l'occupation allemande. Au contraire, les opérations militaires et les très nombreuses destructions d'ouvrages d'art sur les voies de communications, vont souvent aggraver temporairement les situations de ravitaillement des populations surtout urbaines. 366 Ainsi les tickets de rationnements institués en mars 1940 seront maintenus en France pour le pain jusqu'en novembre 1949 !

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Raymond Carpentier – 2020 Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 – 1990 363 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 364 Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 -2019 365 Roland Langlin – 2019 366 La France à l'heure américaine Controverses de la Libération - Régine Torrent - Ed Chronos nov 2019 362

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Les destructions à la fin de la guerre

Pont Morand à Lyon en 1944. - Coll. A.A.M.B.

Il y a eu 3 origines principales dans ces destructions. - En 1943 – 44 par les avions alliés, - En 1944 lors du reflux des Allemands, - En 1944 de par les actes de la Résistance.

Il y a donc de nouveaux dommages subis par les voies navigables qui sont suivis par des travaux de déblaiement et de remise en état. A partir de l'année 1943 puis surtout 1944, une nouvelle phase de destructions survient. Les bombardements de l'aviation alliée et les sabotages de la Résistance gagnent en intensité. La navigation est interrompue en 10 points en octobre 1943 et en 22 en décembre de la même année. En mai 1944 ce sont 30 points, le 1er juillet 1944, 58 et 95 points le 1er août 1944.367 Les bombardements sont particulièrement violents et répétés sur la Seine et la Loire. Sur l'Oise, se sont Terguier et Creil qui sont fortement visés. La Résistance va pratiquement arrêter le trafic sur le canal du Centre à la fin 1943. De même sur le canal du Nivernais, le canal de l'Oise à l'Aisne, le canal de la Marne au Rhin et le canal de l'Est aux environs de Nancy sont coupés momentanément et partiellement. Enfin, à partir dès août 1944, lors de leur retraite vers l'Allemagne, les 367

Source : Statistiques de la navigation intérieure – O.N.N. – 1945

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troupes du Reich pratiquent des destructions systématiques des installations comme lors du retrait de 1918. Avant de s'enfuir en 1944, les Allemands décident d'anéantir la flotte fluviale française. Dans certaines régions, ils entreprennent le minage systématique des bateaux. À Saint-Mammès et à Samois, beaucoup de bateaux ont sauté à cause de ce procédé. Les équipages étaient avertis du minage de leur bateau et avaient le temps de partir, certains réussissent même à procéder au déminage dès que les Allemands avaient le dos tourné.368 Au 1er octobre 1944, sur toutes les voies importantes de la partie libérée du territoire la navigation était pratiquement impossible. On ne pouvait utiliser que de brefs tronçons du réseau sans grand intérêt du fait de leurs faibles longueurs. Seuls le Canal du Midi, le canal latéral à la Garonne et la Garonne permettaient une navigation complète. Sur la Seine le trafic était impossible entre Le Havre et Rouen et Paris. De même sur le canal de Saint-Quentin, le canal latéral à l'Oise et l'Oise entre le bassin minier du Nord et Paris. A cette date toutes les voies de l'Est se trouvaient encore dans les zones des opérations militaires. La navigation était interrompue sur près de 8.250 km, 4.000 km de canaux et plus de 4.250 km de fleuves et rivières. Les destructions sont plus importantes que lors de la Bataille de France du printemps 1940. 1.531 ouvrages entravent la navigation au mois d'août 1944.369 Paradoxalement, dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais les destructions étaient moins nombreuses qu'en 1940 à l'inverse de sur l'Oise, la Seine, la Marne, les canaux de la région de l'Est, le Rhône et la Saône. Sur la Seine, de Paris à Rouen près de 73 % des ouvrages étaient détruits ou gravement avariés. Les destructions étaient de 70% sur l'Oise, 100% sur le Rhône et 72% sur la Saône. Au lendemain de la guerre, les voies navigables françaises offrent un spectacle apocalyptique : rivières et canaux sont encombrés d'une multitude d'épaves et d'éboulis qui rendent la circulation des bateaux difficile, voire impossible.370 Plus encore que la quantité des destructions c'est l'ampleur de celles-ci qu'il faut remarquer à la fin de la guerre. En 1940, les destructions entreprises par l'armée française en retraite visaient comme en 1914 à retarder l'avance ennemie en fessant sauter une ou deux travées des ponts sur les voies navigables. En 1944, soit à cause des bombardements alliés, soit par les Allemands, de nombreux ouvrages sont détruits sur toute leur longueur. En 1940, les écluses et les barrages avaient été peu touchés. En 1944, ce sont Poses sur la Seine, sur l'Oise les barrages de Venette, de Verberie,

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Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture Source O.N.N. – 1945 - 941 ponts routiers, 213 ponts ferroviaires, 11 ponts-canaux, 43 barrages et 90 ouvrages divers. 370 Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture 369

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de Boran et de l'Isle-Adam qui sont détruits.371 Les services de la navigation ont eu le plus grand mal à faire les travaux de déblaiement et de remise en état provisoire à cause de nombreuses difficultés d'accès au site, de trouver du personnel, du matériel ou des machines. Les troupes du génie, françaises ou alliées, ont visées plus particulièrement à rétablir rapidement les liaisons routières et ferroviaires qu’exige la motorisation des armées. Cela s'est fait souvent au détriment de la navigation fluviale par des ouvrages aux caractéristiques insuffisantes au passage des bateaux. Dès que les circonstances l'ont permis, il a fallu modifier les ouvrages hâtivement construits par d'autres, encore provisoire, afin de rétablir une passe navigable sur les 38 ponts de Saint-Denis près de Paris à la mer. Peu de temps après la libération de Paris d'août 1994, en octobre 44, la Seine est de nouveau utilisable tant pour le ravitaillement des Armées que pour les besoins civils, populations et industries, avec les ports de Rouen, du Havre et ParisGennevilliers. Les travaux furent rapides. La navigation dès la mi-octobre est rétablie entre le bassin minier et Saint-Quentin, puis jusqu'à Creil le 30 octobre et le 14 novembre jusqu'à Paris. En province, la circulation revient sur le canal latéral à la Loire fin octobre et début décembre entre Montceau-les-Mines et Paris. C'est aussi le cas sur le Rhône mi-octobre 44 entre Lyon et la mer. Au 1er janvier 1945, alors que la guerre va encore durer un peu plus de 4 mois, la navigation est possible sur toutes les voies du réseau français à l'exception surtout des voies encore situées dans la zone des combats et de celles non déblayées. Il faut remarquer que la priorité est les transports sur la Seine, la liaison avec le bassin charbonnier du Nord et le Rhône. De ce fait la liste des voies ne permettant pas encore la circulation des bateaux est longue : Lys, canal de la Colme, canal de Bourbourg, canal de Furnes, canal de la Somme, canal de l'Oise à l'Aisne, canal de l'Oise à l'Aisne, Haute-Seine en amont de Montereau et canal de la Haute-Seine, canal du Havre à Tancarville, canal de la Marne au Rhin, Moselle et canal des Mines de fer de la Moselle, canal des Houillères de la Sarre, canal du Rhône au Rhin, Rhin, canal de la Marne à la Saône, canal de l'Est, canal d'Orléans, canal du Rhône à Sète, canal d'Arles à Bouc, canal de Nantes à Brest. Au cours de l'année 1945 se seront plus particulièrement les voies de la région Est qui vont être l'objet de déblaiements et reconstructions provisoires. Sur la Rhin, redevenu la frontière française, ce n'est qu'au début de novembre 1945 que le port de Strasbourg a pu reprendre son activité rhénane car le fleuve était entravé par tous les ponts de Bâle à Rotterdam, les bateaux coulés dans le chenal 371

Ainsi que les écluses de Notre-Dame de la Garenne sur la Seine, de Creil sur l'Oise, de Troussey sur le canal de l'Est, de Pinon sur le canal de l'Oise à l'Aisne. – Rapport O.N.N. - 1945

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navigable et les ponts flottants du génie. Fin 1945 il ne restait que 3 voies impraticables : la Moselle canalisée en aval de Novéant (57) et le canal des Mines de fer de la Moselle, le canal de Bourbourg et le canal de la Haute-Seine. Ceci dit la navigation affrontait des conditions difficiles. Les passes navigables étaient très souvent étroite tant en largeur qu'en hauteur. Le lit des rivières et canaux étaient partiellement dégagé et le tirant d'eau pas optimal dû aux réparations des barrages. Les transports et réquisitions pour les Alliés De nombreuses difficultés entravent la reprise de la navigation intérieure à la fin des combats. Le parc : Au moment de la libération du territoire, le parc est amputé de 3.000 bateaux environ : bateaux coulés, avariés, réquisitionnés, bateaux emmenés à l’étranger. Le réseau : La navigation du fait des destructions dues aux opérations militaires était devenue impraticable sur plus de 4.616 kilomètres de rivières ou canaux. Hormis le canal du Midi et quelques voies mineurs, la navigation était interrompue sur la totalité du réseau navigable. 876 ponts routiers, 207 ponts rails, 227 écluses, 40 barrages, 100 ponts canaux, 44 passerelles, 19 passerelles de halage, 10 aqueducs ou ouvrages divers avaient été soit détruits, soit gravement endommagés. Cela représente près de 1.400 obstacles à la navigation à mettre en face des 1.351 en juin 1941. La première crue à partir du 15 novembre 1944 interrompt le trafic qui venait de reprendre surtout sur l’Oise et la Seine. Le trafic charbonnier Nord-Paris fut stoppé du 28 novembre au 23 décembre 1944. Le gel suivit interrompant à son tour le trafic charbonnier Nord-Paris du 12 janvier 1945 au 3 février. Une seconde crue suivant le dégel recoupe la navigation du 7 février jusqu’au début mars 45.372 La part de la navigation intérieure dans le programme d’importations alliées est primordiale. Une part importante des marchandises arrivant dans les ports maritimes est acheminée à l’intérieure du pays par la navigation intérieure. Les programmes élaborés prévoient l’évacuation par eau de marchandises telles que les textiles, laine et coton, les produits alimentaires, lait concentré, lard, céréales, les matières 372

Note du 27 février 1945 sur la contribution de la navigation intérieure au ravitaillement du pays, depuis la libération – archives V.N.F.

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premières pour l’industrie, cuivre, métaux non ferreux, souffre, pyrites, les produits pharmaceutiques, le papier journal et les matériaux de constructions. Les premiers bateaux alliés du programme Monnet sont arrivés dans la deuxième quinzaine de février et leur transbordement sur des bateaux de navigation intérieure s’est effectué immédiatement.373 « Vu la nécessité de donner au matériel français de navigation fluviale l’utilisation la plus intensive pour satisfaire aux besoins des Armées alliées et à l’économie du pays, en attendant la mise en place des organismes constitutionnels définitifs de la France. Article 1 – La totalité des moyens de transports des engins d’exploitation français des voies navigables… sont susceptibles d’être groupés en un ou plusieurs parcs gérés par un « service d’exploitation centralisé des voies navigables ». Article 2 – L’Office National de la Navigation garde ses attribution et modalités de fonctionnement actuelles. » .374 Donc on ne change pas un système mis en place dès le début de 1940 Les besoins logistiques étant immenses, dès que ce fut possible, les transports par voies navigables sont sollicités. Peu à peu la navigation va retrouver une activité normale. Au départ du Havre et de Rouen, les Américains font acheminer un grand nombre de marchandises par péniches, en direction de Reims, Nancy ou Paris : vêtements, chaussures, conserve et même ... bandes dessinées. « Transporter 250 tonnes de bandes dessinées pourrait tenir du fantasme, surtout pour les enfants qui se trouvent à bord : Mon père avait soulevé une écoutille et m'avait installée au milieu de ces personnages de BD. Après l'excitation première, grande déception : ils parlaient tous anglais et j'ai longtemps cherché un marinier qui pourrait me traduire leurs histoires ... »375 « Partout soldats français et alliés sont accueillis en héros. Lyon le 3 septembre et Chalon-sur-Saône le 5 septembre. Dans les jours qui suivirent, Xavier et Charles remettent le bateau en ordre, font tourner le moteur, vérifient que les soins apportés à la mécanique durant ces longues années d'immobilités ne pas été inutiles. Ils rembarquent leurs effets personnels et les animaux. Avant la déclaration de guerre, la flotte pétrolière fluviale en France comptait environ 600 unités toutes catégories confondues. A la libération il ne restait plus que 180 bateaux disponibles. Les sociétés pétrolières vont mettre en commun leur moyen de transport, de stockage et de distribution afin d'approvisionner l'armée, l’industrie et la population. L'ensemble de la flotte citerne est de nouveau centralisée. Le Flèche d'Or faisant parti des bateaux en bon état est de nouveau réquisitionné. Aux environs du 20 septembre il 373

Archives V.N.F. Décret du chef du pouvoir exécutif provisoire portant institution auprès de l’Office National de la Navigation d’un service d’exploitation centralisé du matériel français de navigation fluviale. - archives V.N.F. 375 Josette Colin, La vie des mariniers - Plon 1990 et France Culture 374

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se trouve à Villefranche-sur-Saône. Carbenzol au courant de la situation demande à ce que le bateau remonte en région parisienne. Une lettre du 10 novembre 44 au sujet d’une commission américaine à Chalon-surSaône opérait pour réquisitionner les chalands citernes et les utiliser sur le trajet Lyon – Saint-Jean-de-Losne. Une telle réquisition assurerait également du fret, mais aussi un grand retard de paiement, tandis que le Pool réglera régulièrement les transports, Le courrier conseille donc d’essayer d'échapper à cette réquisition. 1945 comme 1944 se termine par le service aux Américains. Ils restent dans la région de Lyon en ravitaillant les dépôts de Villefranche, Mâcon, Saint-Jean-deLosne, Dole. »376

Les quais de Rouen à la Libération. On peut voir un Liberty ship américain ayant Houston au Texas comme port d'attache avec un freycinet à couple pour y décharger une partie de sa cargaison directement. Les balcons destinés à porter de l'armement ne les ont plus. C'est donc après les combats. - Coll. A.A.M.B.

« Souvenirs vagues de la descente de la basse-Seine où il faut louvoyer entre les épaves avec beaucoup de bateaux coulés alors qu'ils naviguaient et avec des victimes. Il faut aussi franchir les ponts écroulés dans le fleuve souvent à une autre passe que la passe dite marinière soit un autre bras de la Seine que l'on sait 376

Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64

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navigable. Nous serons retenus quelque temps en amont de l'écluse d'Amfreville où le génie américain a construit un pont flottant « ventousé » à Port-de-l ‘Arche. Arrivé à Rouen tout était démolis L’Artisan s’amarre à un petit bout de quai à marée haute mais à marée basse il avait une épave devant et une derrière nous. A Rouen, un soldat US noir vient vendre une boite de chocolat Suchard, assez cher, mon oncle se laisse tenter, il a quatre enfants... Et peu après commence son chargement constitué pour moitié de savon et pour l'autre moitié de chocolat. »377 « Au Havre, plus de quais, les Liberty Ships sont sur des coffres et nous amarrés à couple. On apportait les personnels avec des Ducks. Il n’y avait pas de couvre-feu avec les Américains Nous avons fait un chargement de saindoux en baril de 200 kg pour Pantin. J’étais étonné par tout le matériel qu'il y avait au Havre. Du Havre à Reims on transportait de tout. Une fois des « greniers » genre western. Des dons américains de linge, de vêtements, de robes... puis un chargement de vélos d'occasion, du carbure pour l'éclairage, des petites caisses de vivre pour les troupes US. »378 « Démobilisé, je retrouve le Baïse qui fait des allèges, cela constitue un peu à faire le magasin dans le port de Rouen. Les quais endommagés justifient la présence de nombreuses péniches qui chargent ou déchargent à bord des cargos. Il s'agit d’importation de charbon et de blé. On reste quelquefois plus d'un mois chargé, on est alors payé à la journée. C'est rentable. »379 « A Havre en ruine, il n'y a plus de quai aussi c'est au bassin de marée, sans écluse, juste avec un chenal d'accès, que le transbordement des marchandises s'effectue de cargos Liberty à bateaux fluviaux. Les Liberty sont sur ancre les fluviaux accostées à couple. Quand nous sommes en attente amarré sur des pontons BK américains au milieu du fleuve, des vedettes en bois venaient nous chercher selon les besoins. Notre premier transport a été des batteries, complet en batteries. Nous avons fait des heureux autour de nous. Une autre fois beaucoup de brouettes et 15 tonnes de vélos d'occasion. Mon oncle a chargé tout le matériel pour équiper un hôpital. Les Canards, Ducks, les véhicules amphibies qui nous accostaient pour amener ou ramener les dockers. 1946, le trafic des ports du Havre et de Rouen retombe. Mon père a toujours eu l'idée de mettre des citernes d'essence dans le bateau. Première occasion manquée en 1937. Il fallait avoir un diesel et pas un semi-diesel. Par contre pour mettre des 377

Raymond Carpentier – 2020 Roland Langlin – 2019 379 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 – 2002 378

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citernes à vin pas de problème avec l'occasion que se présente à Rouen. Le Factum fait de même. Nous sommes au port de Rambant à Lyon pour installer ces citernes stockées pas loin. Elles venaient de 38 mètres.380 » Si le rôle de la Seine est important, la grande organisation du ravitaillement en carburant des troupes avec le Red Ball Express est constitué avant tout de convois essentiellement de camions qui de la Normandie au front traversent le pays à vive allure sur des routes balisées par le Génie américain de disques rouges et de panneaux indiquant en français et en anglais qu'il est interdit d'emprunter ces voies aux civils. Un journaliste français du Figaro en septembre 1944 ira même comparer le Red Ball Express à la Voie Sacrée mise en place en 1916 entre Bar-le-Duc et Verdun. En complément de cette organisation quasi horlogère, les bateaux citernes françaises disponibles furent mises au service de cet effort de ravitaillement titanesque. 381

380 381

Raymond Carpentier – 2020 La France à l'heure américaine Controverses de la Libération - Régine Torrent - Ed Chronos novembre 2019

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Trois membres d'une compagnie de ravitaillement du front chargent un camion de Jerricans d'essence depuis une "barge", comme c'est noté au verso de la photographie, dans un port quelque part en France. A remarquer que ses compagnies étaient surtout composées de troupes dites de couleurs. A cette époque la ségrégation raciale existait dans l'armée américaine. - US Army signal corps - Photo - T/4 Rickard - Oise Section - Coll. A.A.M.B.

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Après les combats La reconstruction de la flotte et des ouvrages d’art Une « révolution administrative » qui se prolonge bien après la Libération Pourquoi changer et perdre la main sur les organes directionnels alors que la République, la quatrième, est de retour comme régime politique ? Il faudra attendre le décret du 26 décembre 1960, soit 14 ans, pour que la façon dont l'Office est dirigé change. Le pouvoir de décision n'appartient plus au directeur mais à un Conseil d'administration de 7 hauts fonctionnaires et il n'est plus que l'exécuteur des décisions du C.A. Le comité consultatif comprend désormais 25 membres et il est obligatoirement consulté sur toutes les mesures réglementaires nationales et internationales. Cela concerne les points comme les prix et les conditions de transport, l’affrètement et les contrats de transport, le mouvement et l'utilisation des bateaux ou la composition du parc de la batellerie. Une page se tourne enfin.382 En définitive, la guerre efface l’entreprise de gestion des concurrences intermodales, mais elle conserve de la coordination des années 1930 les moyens administratifs d’exercice d’une autorité sur l’ensemble des modes de transports. Après la guerre l'O.N.N., ou V.N.F. par la suite, ne sera pas condamné en tant qu'établissement public ou entreprise pour fait de collaboration avec l'ennemi comme le sera la S.N.C.F. pour sa participation à la déportation des Juifs en 2006.383 On a fait après la Libération une distinction très nette entre les Dommages de Guerre, D.G. dans les correspondances, et les indemnités dues pour spoliation ou réquisition : il est évident que les armements ont rarement récupéré leurs bateaux en bon état... N'ont été considérés comme spoliés que les bateaux qui ont fait l'objet d'une confiscation et ont navigué en Allemagne ou dans les parties de territoire annexées. Par contre la C.G.N.R. a perçu par exemple des locations pour certains de ses bateaux qui naviguaient « à l'intérieur » c'est-à-dire ailleurs que sur le Rhin, ils n'ont pas été déclarés spoliés.384 Un article de l’Economiste européen de 1947 après la tenue du Congrès international des Transports fluviaux de juin 1946 dresse le bilan de la situation par rapport à l’avant-guerre. A la Libération, toute cette activité se trouvait entièrement paralysée. 8200 km de fleuve et canaux étaient obstrués, le tiers des ponts-toutes et la moitié des ponts de chemin de fer gisaient dans leur lit, 238 écluses, soit 11 % de leur total, 44 barrages 382

Journal Officiel avis et rapport du Conseil économique et social - difficultés rencontrées par les chantiers fluviaux - Georges Le Henaff - 1961 383 https://www.lefigaro.fr/debats/2006/06/28/01005-20060628ARTWWW90264le_mythe_d_une_sncf_unanimement_resistante.php 384 Heurs et malheurs de la flotte française d'automoteurs du Rhin - 1939/1945 - Marie-Hélène David - Bulletin de la société des amis du musée régional du Rhin et de la navigation - n° 20 - 2008

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et 12 pont-canaux avait été détruits ou gravement endommagés, et près de 7.000 unités du parc fluvial étaient coulées ou avaient subi des avaries majeures. La circulation est rétablie sur l'ensemble de nos voies navigables, plus de 2.000 unités ont été renflouées et remises en ordre de marche et 2.000 autres réparées. Réduit à 1 milliard 500.000 tonnes kilométriques en 1944, et absolument nul de la mi-août au 31 décembre de cette année, le trafic double dès 1946 et atteint 6 milliers de tonnes kilométriques en 1946, soit les trois quarts de son niveau de 1938 qui était de 8 milliards. 385 Séquestres de bateaux allemands

Bordereau des résultats du bateau allemand Margaretha sous séquestre en juin 1949. - Coll. V.N.F.

Des dizaines de bateaux allemands se trouvant sur le territoire français à la libération en 1944 et 1945 sont mis sous séquestre et loués à des artisans ou des entreprises de navigation jusqu’en 1949 d’après les indices trouvés. Nous n’avons pas trouvé s’ils avaient été ou non restitué plus tard.386

385 386

L'économiste européen - n°2538 – août 47 Archives V.N.F.

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Le retour des unités disséminées en Europe Des centaines de bateaux français se retrouvent une peu partout en Europe. Voici quelques exemples retrouvés dans les archives de V.N.F. qui sont plutôt représentatifs de la situation d’alors. De Scandinavie Plusieurs bateaux de navigation sont retrouvés fort loin du réseau navigable européen puis qu’un certain nombre se retrouvent en Scandinavie, Danemark, Norvège et Suède, au lendemain de la guerre.

Courrier sur les bateaux français se trouvant en Norvège. – Coll. V.N.F. 280


C’est par l’intermédiaire des autorités néerlandaises qui paieront le carburant qu’ils reviendront en France en passant par Hambourg. Avant cela les forces d’occupation Britannique en charge du nord de l’Allemagne après 1945, doivent délivrer une sorte de relaxe des bateaux français qu’ils ne veulent pas garder pour leur usage propre. Plusieurs courriers émanant de l’Office traitent des indemnités de gardiennage destinées aux personnels français qui sont restés longtemps à Hambourg, dans l’attente d’un rapatriement. Il y a aussi des courriers au sujet des versements des rations qui leur sont destinées.387

Courrier pour le remboursement des frais engagés par les Néerlandais pour le rapatriement des bateaux français depuis la Norvège. – Coll. V.N.F. 387

Archives V.N.F.

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Courrier au sujet des bateaux en Norvège. On peut voir que les bateaux citernes étaient Le grand sujet. – Coll. V.N.F.

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D’Allemagne Orientale En septembre 1946, près d’un an et demi après la capitulation du Reich, la France recherche et tente de faire revenir plusieurs bateaux se trouvant dans la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne.388

Courrier sur les bateaux se trouvant en Allemagne dans la zone soviétique. - Coll. V.N.F. 388

Archives V.N.F.

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D’Italie Une courte note du 14 novembre 1946 au sujet de la récupération des bateaux en Italie trouvée dans les archives montre que qu’il y avait un nombre important de bateaux fluviaux partis en Italie. Renfloués A Renflouer Condamnés Citerne M.G. Citernes M.G. Citernes M.G. Gènes 43 22 18 20 8 17 Rome 0 0 2 8 5 12 Naples 1 0 0 1 0 4 Total 44 22 20 29 13 33 M.G. = Marchandises Générales / Rome n’est pas un port de mer ! Soit en tout 161 bateaux dont 115 récupérables et 46 condamnés. Sur un total d’environ 175 bateaux qui sont présumés avoir été abandonnés par les Allemands en Italie, il n’est pas impossible qu’au cours des renflouements, quelques nouveaux bateaux soient encore réparés. Un tel résultat se passe de commentaires, puisqu’en définitive 95% environ des bateaux emmenés auront pu être identifiés. Il vient couronner les efforts considérables déployés par la Mission Française et, tout particulièrement, l’esprit d’initiative et la volonté d’aboutir du Lieutenant de Vaisseau Chaize qui, dans son secteur, a retrouvé 128 bateaux dont une centaine à peu près paraissent devoir être récupérables.389

Note sur les bateaux se trouvant en Italie à la fin de la guerre. – Coll. V.N.F. 389

Archives V.N.F.

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D’Allemagne Occidentale Plusieurs histoires se trouvent dans les archives avec des bateaux réquisitionnés ou simplement loués et bloqués outre Rhin. Il y a par exemple l’aventure dite « l’affaire des 17 bateaux français », en mai 1944, acheminés d’office en Allemagne se retrouve dans plusieurs documents de l’O.N.N. Elles sont désignées comme étant une « réquisition commerciale ». En octobre 1943, 17 bateaux, dont 5 appartenant à des armements et 12 à des artisans, qui se trouvaient à Strasbourg, ont fait l’objet de la part des autorités allemandes d’une véritable « réquisition commerciale » pour leur utilisation sur le Rhin. Le fait d’accoler les mots « réquisition » et « commerciale » met en évidence l’irrégularité de l’opération au point de vue des règles internationales et des clauses de la Convention d’Armistice. M. Brousse, directeur de l’Office, rappelle que les acheminements d’office ne peuvent qu’être effectués que sur ordre de l’O.N.N. sinon cela relève d’une intervention arbitraire d’un service allemand. Il demande également que les réparations faites sur deux de ces bateaux incombent à l’entreprise allemande et non au propriétaire des bateaux par la firme Haniel de Duissbourg qui effectue un trafic de matériaux de construction au nord de Liège. Il est demandé pour ces 17 péniches alsaciennes utilisées par les Armements allemands sur le Rhin ce qui a été fait à la conférence de Fribourg pour les bateaux en provenance de la Seine et du Rhin. Des conventions sur ordres gouvernementaux concernant les bateaux français utilisés en dehors des frontières françaises existent. Les compagnies allemandes louent les bateaux et les équipages. Au final les 17 bateaux reviendront en France à la fin de la guerre. Combien d’entre eux ? Nous l’ignorons.390

390

Archives V.N.F. - Note de service au sujet des 17 péniches utilisées sur le Rhin par les autorités allemandes – 10 mai 1944

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Note sur les chalands et péniches se trouvant en Allemagne en zone d’occupation anglaise. – Coll. V.N.F.

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Lettre d’Hambourg de novembre 1945 sur la situation d’Henri Pihet et de son bateau Deus Rei bloqué en zone anglaise. – Coll. V.N.F. 287


Note sur la relaxe de trois bateaux de la zone anglaise. – Coll. V.N.F.

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Courrier en anglais sur la libération du Terral. – Coll. V.N.F.

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Courrier d’avril 1946 sur la recherche de bateaux français en Allemagne dans la région d’Hambourg. – Coll. V.N.F.

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Courrier sur le coût des rations distribuées aux mariniers français bloqués en Allemagne en attente de rapatriement avec leur bateau. – Coll. V.N.F.

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La Conférence de Fribourg qui réglera les questions des répartitions des charges pour l’entretien des bateaux loués ou réquisitionnés. – Coll. V.N.F.

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Lettre de la compagnie Esso sur le sort des bateaux citernes en Allemagne en novembre 1945. – Coll. V.N.F.

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Liste de bateaux citernes en Allemagne établie par la Commission Interalliés des Voies Navigables. Mayence, octobre 1945. – Coll. V.N.F.

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Du Danube Depuis le traité de Paris de 1856 qui solda la guerre de Crimée, une flotte marchande française circule sur le Danube en l’ouvrant à la libre circulation des Nations. La France n’est pas riveraine du fleuve mails il n’empêche que dans les années 1930, la S.F.N.D., Société Française de Navigation Danubienne, développe d’importantes activités de transports de marchandises et sa flotte compte à la veille de la seconde guerre mondiale : 37 barges de type Haut-Danube, 17 barges de type Bas-Danube, 15 barges de transport pétrolier, 14 remorqueurs, 3 chaloupes et 1 ponton, soit 7% de la flotte totale qui circule sur le fleuve en 1939 et c’est la première parmi les pays non riverains. A la déclaration de la seconde guerre, l’ensemble de cette flotte sera confisqué par les Allemands peut-on croire. En fait, un bateau, le remorqueur l’Amiral Lacaze construit en 1938 à Ratisbonne, à la demande de la Société Française de Navigation Danubienne par les chantiers navals Ruthof connaitra des aventures dignes d’un film. Il mesure 45, 75 m de longueur, 7,75 m de largeur et a un tirant d’eau de 1, 5 m. Son moteur est d’une puissance de 2 x 500 ch. Comme tous les bateaux de la S.F.N.D., L’Amiral Lacaze a son port d’attache en France. Il est d’abord affecté au parcours RatisbonneBudapest. Il échappe en 1939 aux troupes allemandes et descend le Danube jusqu’à la mer Noire. Il passe le détroit du Bosphore et rejoint la Grèce où il sert de transport du courrier entre les îles de Chios et de Mytilène. Au moment de l’invasion de la Grèce par l’armée allemande en 1941, le bateau appareille pour Izmir en Turquie, pays neutre, puis pour Chypre. L’aventure n’est pourtant pas terminée. Bombardé, réparé, il reprend la mer jusqu’à Port Saïd en Égypte où il est incorporé à la Royal Navy et navigue alors sur le Nil. Il revient sur le Danube, après la fin de la seconde guerre mondiale. Le bateau est ensuite réaffecté à la flotte de la S.F.N.D. puis est vendu à la B.R.P., Compagnie Bulgare de Navigation, au début de 1968 et rebaptisé Filip Totü.391 Nous n’avons pas trouvé de statistiques concernant les bateaux français ayant été sur le Danube et en Mer Noire. Cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. Hélas, de nombreux cartons d’archives de la guerre comprennent des éléments qui ne sont pas à leur bonne place de classement.

391

http://www.danube-culture.org/la-navigation-francaise-sur-le-danube-et-lodyssee-de-lamiral-lacaze/

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Après la guerre La Société pour la Reconstruction et le Renouvellement du Parc Fluvial En 1918 et jusqu’au milieu des années 1930, pour comparaison, il y a eu environ 634 bateaux indemnitaires Allemands.392 En 1945, l'Allemagne a son outil industriel en très grande partie détruit à l'inverse de la Grande Guerre car les opérations de guerre ne s'étaient pas déroulées alors sur son territoire. L’Allemagne est dans l’incapacité de rééditer l’opération.

Plan de financement de la Reconstruction du parc de la batellerie fluviale française par Pierre Brousse en 1944. – Coll. V.N.F.

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Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018

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Etude des conditions de réalisation des programmes de reconstruction et d’entretien de la flotte fluviale de transport française en 1944. – Coll. V.N.F.

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Tableau récapitulatif des bateaux avariés ou coulés en France au 26 décembre 1944. Il y a non seulement les bateaux français mais également les étrangers. – Coll. V.N.F. 298


La politique de reconstruction et de modernisation de la flotte batelière était déjà dans les cartons du gouvernement de Vichy avec un plan de financement de la reconstruction de la batellerie française sinistrée par faits de guerre établie par Pierre Brousse en 1944.393 Il ne s’agissait plus seulement des reconstructions comme en 1941 mais d’un plan de modernisation sur deux ans, 1944 et 1945, portant sur plus de 1.200 bateaux pour la partie reconstruction en acier. Le renouvellement des 4.000 bateaux en bois est planifié avec près de 650 unités par an de 1946 à 1951. L’administration gérait au jour le jour les pénuries et les différents problèmes qu’elle rencontrait mais il y avait aussi tout un travail qui se situait dans la durée, souvent avec l’idée que l’Allemagne gagnerait la guerre. D’une certaine manière, la Loi de finance du 27 avril 1946 qui crée la S.R.P.F. mettra en application ce projet. La Société pour la reconstruction et le renouvellement du parc est une société anonyme à capital et personnes variables groupant les propriétaires de bateaux à reconstruire sur dommage de guerre ou à renouveler. Elle se charge de couvrir les taux d’intérêts des emprunts des demandeurs auprès de l'O.N.N. et du marché financier auprès duquel l'organisme empruntera pour financer les constructions. Il y a une fixation des taux de 3 à 5% sur 30 ans pour la reconstruction ou le renouvellement.394 Il y a un contrôle strict par un commissaire du gouvernement avec un droit de veto sur les projets visés et approuvés par l'O.N.N. « qui assure en outre un contrôle technique de l'exécution des travaux et la vérification des mémoires », les dossiers des demandeurs. Cet organisme a deux objectifs immédiats : - 1 pour la reconstruction : - Devant l'ampleur des dégâts, 20% du parc fluvial ou environ 2.000 bateaux sont détruits pendant la guerre. La S.R.P.F. explore plusieurs pistes en même temps pour reconstruire la flotte dans les plus brefs délais. - Tous les chantiers fluviaux français même les plus petits ne produisant à peine 1 bateau par an sont sollicités, - - Des chantiers fluviaux étrangers le sont également. Ceci pour 273 bateaux. 199 automoteurs de canal construits en Belgique, 50 automoteurs citernes de canal en Angleterre (les Jerrikans), 12 automoteurs rhénans aux Pays-Bas, 12 remorqueurs rhénans aux USA, - Les arsenaux de la marine en France, - Une nouvelle entreprise dans la construction de bateaux fluviaux est créée qui 393

Archives O.N.N. Journal Officiel avis et rapport du Conseil économique et social - difficultés rencontrées par les chantiers fluviaux - Georges Le Henaff - 1961 394

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s'organisera pour en produire en grande série grâce à l’introduction de la soudure, qui remplacera le rivetage, et la préfabrication des éléments : la Société des forges de Strasbourg pour 414 unités. - Deux autres firmes firent également des productions en série. - - La S.C.A.R. : Société des chantiers et ateliers du Rhin fondée en 1936 : 229 unités - - La S.F.A.C., Société des forges et ateliers du Creusot de Schneider à Chalonsur-Saône. Un aspect anecdotique concerne des automoteurs dits "canadiens", construits en Amérique dans les années 1947-1954 dans le cadre du Plan Marshall. Ce matériel comprend 25 automoteurs de 700 t et 22 automoteurs de 900 t... La construction de ces automoteurs a été faite en Amérique en éléments préfabriqués dont la fabrication a été exécutée par un emploi très large de la soudure électrique. Cela fait une petite quantité quand on voit le grand nombre des reconstructions. Les deux parties formées, avant et arrière, qui comprennent à l'avant le logement des matelots, et à l'arrière le compartiment machine et le logement du capitaine, ont été entièrement achevées en Amérique, et cela avec un confort typiquement américain. Quant à la partie cylindrique reliant les deux extrémités, et qui comprend les cales de chargement, elle est sectionnée en 5 tronçons. L'assemblage définitif de ces bateaux est assuré par les Chantiers et Ateliers De Biesbosch. Ces bateaux de 700 t pour 61 m de long et 7 m de large et un creux de 2,63m, sont issus de plan établis par le chantier pour des bateaux de 900 t avantguerre.395 Toujours en provenance du Nouveau Monde, il y aurait eu la transformation de plusieurs bateaux militaires en bateaux de commerce, surtout le temps de retrouver des constructions neuves. Ainsi, le Patmar Z, serait un bateau de débarquement modifié aux dimensions d’un campinois, 49 x 6,58 m. et 551 tonnes. Il transporte le plus souvent des conteneurs.396 Au total il y aura 1.174 unités intitulées « péniche » qui est construites dont plus de la moitié, 743, sont issues de grandes séries. Comme exemple de cette reconstruction on peut citer le Triton 25 appartenant à l’association des amis du musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine qui a 395

La reconstruction du parc français d'automoteur rhénans après 1945 Marie-Hélène David - Bulletin de la société des amis du musée régional du Rhin et de la navigation - n° 19 - 2007 396

Source site Vagus Vagrant

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été commandé par la Société pour la reconstruction du parc fluvial, en réparation des dommages de guerre subis par le Triton 22, détruit à Creil par les bombardements de 1944. Le Triton 22 y était bloqué à cause de sa largeur l’empêchant de franchir la petite écluse de gabarit Freycinet, la grande étant hors d’usage à cause de précédents bombardements. Il a été réalisé en acier soudé, au chantier naval Carel et Fouché à Petite-Synthe. Il est le dernier de la série Triton mais surtout le dernier des remorqueurs construit en France. À l'origine il avait un moteur diesel Duvant 6 cylindres de 300 ch. Cette unité est visitable par le public à la Halte-Patrimoine en contre-bas du musée de la Batellerie et des voies navigables.

Le Triton 22 à Creil avant de couler. Il est remplacé par le Triton 25 aujourd’hui propriété de l’A.A.M.B. de Conflans-Sainte-Honorine. – Coll. Alain Deklerc

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2 – pour le renouvellement : Le renouvellement n'a pas été aussi facilement accordé en crédit que la reconstruction. C'est refusé d'être appliqué pour les bateaux des compagnies de navigations à l’inverse de ceux des artisans. Il y a une limite de l'aide à hauteur de 80% de l’opération, les 20% restants à la charge du demandeur. Ainsi 304 demandes de renouvellement seulement sont déposées. Ensuite 104 retireront leur candidature à cause du capital trop important à apporter. Ainsi, en 1961, la S.R.P.F. n'a réalisé que le renouvellement que de 200 bateaux de bois par des unités en acier. Il y a eu 2 tranches de 100 bateaux chacune. En 1960 une troisième tranche de 25 bateaux seulement est commandée. Les 200 bateaux de canal que la S.R.P.F. a fait construire « au titre des deux premières tranches du renouvellement » ont été commandés ainsi : - 136 bateaux aux Forges de Strasbourg pour les coques, le tillac par un négociant en bois de Strasbourg, le logement par un menuisier de Paris et les écoutilles par un chantier de Conflans, - 35 bateaux aux établissements Leffer de Sarrebrück, - 19 bateaux aux établissements Loeffer et aux chantiers Broutin et Mourlon, tous deux de Meurthe-et-Moselle. Les premiers fabriquant les arrières et les avants et les seconds fabriquant les parties centrales des bateaux et assemblant le tout, - 10 unités à la S.C.A.R. Le syndicat général des constructeurs et réparateurs de bateaux fluviaux s’inquiète et proteste que la S.R.P.F. commande à des entreprises extérieures à la profession. Depuis 1.791 et la suppression des corporations, le système du libéralisme économique fait qu'il n'y a plus de profession industrielle fermée. Au final, le troisième aspect de la S.R.P.F. concerne la motorisation des unités tractionnées sort du cadre de la politique de l'après-guerre stricto-sensu, 397 au 31 mai 1960, la S.R.P.F. a livré 1.943 bateaux qui se répartissent ainsi : - 13 remorqueurs, - 1.445 bateaux tractionnés : 1.441 bateaux porteurs de marchandises générales dont 1.320 péniches ordinaires et transformables et 4 bateaux citernes, - 485 automoteurs dont 395 porteurs de marchandises générales et 90 citernes. 397

Reconstruction et renouvellement du parc fluvial français 1945 – 1972 – Laurent Roblin – Cahier AAMB - 2004

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On peut voir la part importante des tractionnés encore après la guerre même si l'évolution vers l'automoteur est prise en compte avec un nombre important de « transformables ». Cette politique n'a pas construit de bateaux en bois. Cela implique de nouveaux métiers et de nouveaux outillages pour les chantiers. La région de la Sarre n'est ni comptabilisée comme étant étrangère ou française. Comme en 1919 cette région Allemande a un statut particulier entre l'occupation et l'annexion. A partir de 1956-57 il y a un regain dans la production de bateaux de reconstruction de la flotte à cause des 60 bateaux destinés à des mariniers Belges sinistrés en France, suite à la signature de l'accord franco-belge sur la réciprocité pour la réparation des dommages de guerre. Au 31 mai 1960, il restait à la S.R.P.F. à livrer 7 « péniches » au titre de la reconstruction ainsi que les 25 bateaux de la troisième tranche du renouvellement, soit au total 1.975 bateaux livrés. L’état de la flotte en 1960 quand se termine la reconstruction de la flotte permet de voir que 74%, les trois quarts, des bateaux ont plus de 15 ans, c’est-à-dire qu’ils sont très largement tous d’avant-guerre. Ceux construits entre 1920 et 1930, qui ont entre 30 et 39 ans, représentent plus de 50%, la moitié. La Force Militaire Française sur le Rhin Avant la fin des combats en Europe, le 3 avril 1945, le lendemain de la fin du franchissement du fleuve par la 1er armée, la Force Maritime Française du Rhin est créé par décret du chef de l'Etat provisoire. L'idée est de permettre le franchissement des troupes et du matériel sur le Rhin tout en faisant la contrôle et la police de navigation. De plus, la zone d'occupation française en 1945 s'installe de l’autre côté du fleuve et s'étend jusqu'au lac de Constance où il y aura une composante navale également. Cette marine fluviale est à replacer dans le contexte de la Guerre Froide où les troupes Soviétiques étaient à deux étapes du Tour de France de nos frontières selon le mot du Général De Gaulle. Il faut signaler qu'il y aura trois autres flottilles : une Britannique et une Américaine jusqu'en 1959 ainsi qu’une Belge jusqu’en 1960. La F.M.F.R., basée à Coblence, termine sa mission en 1966. Elle disposait en 1956 de 800 hommes et d'une centaine de bateaux de tout genre.398 398

La flottille du Rhin – La Monde – 29/12/1945 River gunboats – Roger Branfill – Cook – Seaforth publishing - 2018 France : Les Forces Maritimes du Rhin – Georges Prud'homme, Roland Oberlé, Alain Kleimberg – Carré blanc éditions – 2007 / http://forum.netmarine.net/viewtopic.php?f=5&t=4053&sid=c311a0df46e034184cfda37e8ac6182a USA : Rhine River Patroll https://www.usarmygermany.com/Sont.htm?https&&&www.usarmygermany.com/Units/USNavy/USAREUR_Rhine%20River%20Pat rol.htm Grande Bretagne : http://commsmuseum.co.uk/dykes/smallsnips/rhinesqdn/rhinesqdn.htm Belgique : http://www.marinebelge.be/flottille%20du%20rhin%201950.html

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Aujourd’hui Les épaves fluviales retrouvées en mer

De nos jours on peut encore retrouver des bateaux victimes de la guerre. Tout le long de nos côtes, des épaves de bateaux fluviaux sont autant de petits cailloux blancs qui suivent les réquisitions allemandes. En Manche, près des îles Anglo-Normandes ou proche du continent, émergent des flots à marée basse une épave de bateau trouvée sur la plage. Après cette trouvaille sur la plage du Fourneau, un lot de questions fait surface. Un appel aux Granvillais est lancé. En avril dernier, une colonie du C.C.A.S., Centre communal d'action sociale, aperçoit un bout de ferraille lors d'une grande marée, à environ 300 m du bord. Début août, nouvelle grande marée, les services techniques de la Ville se rendent sur place pour retirer l'amas de ferraille. Leurs engins ne suffisent pas, ils font appel à une entreprise privée. C'est ainsi que la masse métallique de 8 m par 3 m quitte son piège mouvant. La carcasse de 4 mm d'épaisseur plie dans la manœuvre et prend une nouvelle direction, celle du centre technique municipal. Philippe Letouzey, passionné par l'histoire de Granville se renseigne et se joint aux services de la Ville pour tenter de comprendre l'origine de cette découverte. « Elle n'est pas soudée mais rivetée, cela situe sa fabrication au plus tard aux années 40. Il pourrait s'agir d'un morceau d'une péniche du Rhin aussi nommée automoteur du Rhin, explique-t-il. Plusieurs péniches du Rhin ont fui l'avance allemande et sont arrivées à Granville au début de la Seconde Guerre mondiale. » Autre hypothèse, il pourrait s'agir d'une barge de débarquement américaine. Appel à la population.399 Un autre article de la presse régionales précise que : Pour assurer le ravitaillement des iles anglo-normandes, les Allemands ont ramené du Havre 7 chalands non automoteurs, de la Compagnie Générale de Navigation sur le Rhin, et ces chalands organisés en convoi assuraient ce ravitaillement. L'un de ces chalands a sombré l'Anvers près de la bouée du Founet à Chausey, un autre, le Gabès dans l'avant-port de Granville et les 5 autres, Porto, Vouloir, Bizerte, Comptoir 66 et Comptoir 51 ont été retrouvés échoués à la plage entre la pointe Gauthier et Saint Pair. Peut-être sont-ce les restes d'un de ces derniers chalands qui ont été retrouvés. J'ai trouvé ces infos dans le livre de Jacques Mordal " Hold-Up naval à Granville " aux éditions France-Empire.400

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https://www.ouest-france.fr/normandie/granville-50400/une-epave-de-bateau-trouvee-sur-la-plage-657631

400

https://www.dday-overlord.com/forum/viewtopic.php?t=8076

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Lorsque les Allemands sont partis en juin 44, ils ont tout fait sauter dans le port. Une des péniches se serait échouée sous la crête. Une autre hypothèse serait qu'il s'agisse d'un morceau d'une barge de débarquement expose Philippe Letouzey. C'est le rivetage, très semblable à celui de ces péniches qui a orienté l'avis de Philippe Letouzey. Cependant, l'épave possède des hublots qu'il n'a jamais vus ailleurs. Le mystère reste donc entier. Outre les journaux locaux, plusieurs sites Internet notent scrupuleusement les coordonnées des épaves de la région. Anvers en 1940 : Ce navire de 1916 remorquait une barge sur un convoi de Granville à Jersey le 21 décembre 1940, lorsqu'il rencontra des difficultés et finit par couler sur les îles Chausey. SS Kromwijk en 1942 : L'ancienne péniche du Rhin, reprise en 1940 et convertie à Rotterdam, travaillait pour l'Organisation Todt, transportant une cargaison de briques. Il a été attaqué par des avions alliés et coulé au sud de Jersey le 7 décembre 1942.401

Le remorqueur Cyrano avant la guerre. Photo sur le site de plongées L’Expédition Scylliaz 401

Liste des épaves dans les îles anglo-normandes https://fr.qaz.wiki/wiki/List_of_shipwrecks_in_the_Channel_Islands#20th_and_21st_centuries / http://www.archeosousmarine.net/Pdf/blockships_normandie.pdf

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Le remorqueur Cyrano : Le site Internat de plongées en Bretagne présente particulièrement bien cette épave. En 1926, l’Union normande de Rouen, une compagnie spécialisée dans le transport fluvial, commande aux Pays-Bas quatre remorqueurs dont le Cyrano. D’une longueur de 33,93 m pour une largeur de 6,84 m, ce bateau a un faible tirant d’eau de 2 m pour 166 tonnes. Doté d’une machine à vapeur alternative de 600 chevaux, il atteint 11 nœuds et ses condensateurs à circuit fermé lui permettent de fonctionner en mer bien qu’il soit, avant tout, conçu pour les eaux intérieures. La haute cheminée, si caractéristique de ces anciens remorqueurs, s’abat rapidement sur l’arrière pour passer sous les ponts et arbore fièrement le trèfle rouge, marque de la compagnie. A partir de 1930, le Cyrano est affecté au service du Havre et assure les liaisons Rouen-Le Havre, remorquant des chalands de 800 t, le plus souvent chargés d’hydrocarbures. Travail routinier d'une dizaine d'année pour l'équipage constitué d'un capitaine, un matelot, un mousse, un mécanicien et deux chauffeurs. Le bateau fera partie de l’Exode des bateaux depuis Rouen pour Morlaix. Après quelques semaines de répit il est réquisitionné. Affecté à la 40ème flottille des dragueurs de mines, le Cyrano est désormais chargé de nettoyer les chenaux d’accès des U-Boote basés à Lorient et porte, à présent, le nom de M 4021. Le 28 janvier 1944, il percute une mine et sombre en quelques minutes sous les couleurs de la Kriegsmarine, heureusement sans faire de victime. Sous le nom de "remorqueur", la petite épave est très convoitée car facilement accessible à tous et fait partie des grands classiques de l'île de Groix. Posée sur un fond de sable clair par moins 18 mètres, le temps et les tempêtes d'hiver ont bien attaqué le Cyrano qui s'est beaucoup dégradé au fil des années mais qui constitue, néanmoins, un site intéressant pour la seconde plongée de la journée ou… pour une première plongée sur épave, idéale pour les débutants. A quelques centaines de mètres au nord-ouest de l’île de Groix, le site est assez protégé, notamment des vents du sud, à tel point qu’en période estivale, il faut être matinal pour ne pas attendre son tour. Ce site bénéficie d’une luminosité exceptionnelle lorsque l’eau est claire et le soleil de la partie, la visibilité approche alors les dix mètres voire plus. A cet endroit les courants ne sont pas réputés violents mais il arrive pourtant assez souvent, en période de gros coefficients de marée, de rencontrer un petit courant de fond. Sur son coté bâbord, le Cyrano présente une ouverture béante due, vraisemblablement, à la mine. 402

402

https://www.scyllias.fr/article_groix.php

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Sa localisation : 47° 39,574 Nord - 03° 28,942 Ouest (EURO 50) 47° 39,513 Nord - 03° 29,024 Ouest (WGS 84) Un autre site Internet donne d’autres informations sur ce remorqueur. CYRANO appelé aussi "Le Petit Remorqueur" L=34m P=18m Ce remorqueur fluvial de Rouen a fui devant l'arrivée des Allemands, jusqu'à Morlaix où il a été réquisitionné pour devenir le dragueur de mines M4021. Il a coulé en 1944 à 500m au nord de la pointe du Grognon (Groix) après avoir touché une mine. La coque est abîmée. La chaudière et la machine à triple expansion sont en bon état. Elles sont de très belle taille par rapport aux dimensions du navire, presque disproportionnées. C’est très souvent le cas sur les remorqueurs qui ont besoin de beaucoup de puissance par rapport à leur taille pour pouvoir remorquer des navires nettement plus gros qu’eux. Sur le côté tribord de la machine, on peut voir le volant d’inversion de la vapeur, qui servait à faire marche arrière. Nombreux débris de charbon. L’hélice est presque totalement ensablée. Fond de sable clair. C'est une épave intéressante pour les Niveaux I. 403

Dessin de l’épave du Cyrano par Olivier Brichet.404

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Revue Océans n° 244 et Octopus n°4 / http://phoc44.free.fr/ancien/epaves.pdf Plongées sur les épaves de France – Olivier Brichet - Glénat - 2019

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En mer Méditerranée, au large de Saint Raphaël, par 36m de fond gisent deux "navires d'eau douce" En 1944 les péniches françaises Jean-Suzon et Saint Antoine sont la « propriété » de l'armée allemande. Les deux bâtiments de 350 tonneaux ont été réquisitionnés par les Nazis. Elles sont amenées sur les côtes méditerranéennes françaises et servent à alimenter les dernières places fortes italiennes qui résistent encore aux alliés. Le 31 janvier 1944, les deux « péniches » transportent des centaines d'obus inertes, destinés à l'armée de Mussolini, mais aussi des rails et des poutrelles métalliques... Le sous-marin anglais Untiring parvient à déjouer la vigilance de l'escorte allemande qui protège le convoi... Trois torpilles font "mouche" et envoient par le fond les deux « péniches » lourdement chargées... Elles offrent aux plongeurs leur dangereuse cargaison de centaines d'obus, de rails et de poutrelles inextricablement mêlés aux superstructures et autres concrétions...405

405

https://www.epaves-passion.com/epave_peniches.htm

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Les bateaux ayant des noms liés à la Seconde Guerre Plusieurs bateaux bien à flot naviguent encore avec des devises qui rappellent la Seconde Guerre mondiale. Après la Première il y avait eu les Verdun - Marne - maréchal Joffre - maréchal Foch - maréchal Fayolle - général Mangin ou maréchal Pétain…Après la Deuxième on trouve les noms suivants : Bir hakeim - Overlord - Koufra – Midway - général Leclerc - général Weygand - Arromanches - Pegasus ou Résistance…

Général Leclerc – Coll. Guy Matignon

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Koufra – Coll. Guy Matignon

2ème D.B – Coll. Guy Matignon

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Colonel Loubon – Coll. Guy Matignon

Koenig – Coll. Guy Matignon 311


Vercors – Coll. Guy Matignon

Arromanches – Coll. Guy Matignon

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Conclusion générale Le régime qui dirige la France pendant 4 ans est antiparlementaire, antisémite, anti anglais, anti maçon, anti syndicaliste, anti-laïque. L’Etat Français se voudra autoritaire, national, familiale, paternaliste, corporatiste, moralisateur et chrétien. Le général Weygand, le chef des armées françaises défaites, écrira le 28 juin 1940 quelques jours après l'armistice : « L’ancien ordre des choses, c'est à dire un régime politique de compromissions maçonniques, capitalistes et internationales, nous a conduits où nous sommes. La France n'en veut plus... La Famille doit être mise à l'honneur... idéal résumé en ces quelques mots : Dieu, Patrie, Famille et Travail. »406

Projet d’affiche conçue pour promouvoir la Révolution nationale et stigmatiser la Troisième République prétendument en proie au capitalisme, au communisme, à l’affairisme, aux juifs et aux francs-maçons. Illustration de R. Vachet, Centre de la propagande de la Révolution nationale d’Avignon. – Coll. Common Wiki

Tous ces concepts anti républicains auront des répercussions sur le monde de la batellerie en France comme on a pu le voir tout au long de cette étude. Ces 4 – 5 ans ont été particulièrement éprouvantes et angoissantes pour les mariniers, comme pour le reste des Français. 406

Henri Amouroux – la vie des Français sous l’Occupation - 1961

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Les bateliers, hommes, femmes et enfants, furent une population particulièrement touchée par la guerre. Il y a eu les destructions des infrastructures et des bateaux par tous les belligérants : Français en mai-juin 40, Anglais en 1940 au moment de Dunkerque, Allemands en 1940 puis 1944 et 1945, Anglo-américains depuis les airs en 1943 et 1944. Pensons aux mitraillages. Il y a les réquisitions tant militaires, comme les nez coupés de 1940, que civils au bénéfice de l'effort de guerre du Reich qui ont fait peser une épée de Damoclès audessus de la tête des bateliers qui devaient s'adapter au fil des jours à la situation tout en essayant de faire vivre leur famille. Cette guerre totale a été aussi une bataille politique visant à transformer en profondeur les rapports des forces et l'organisation des transports par voies d'eau. C'est aussi une guerre idéologique qui met au pilori des personnes. Les bateliers doivent déclarer sur l'honneur qu'ils ne sont pas de confession juive par exemple. Des personnes sont dénoncées comme francs-maçons ou communistes... Au final, c'est une époque à considérer dans son ensemble dans laquelle de bien vilaines choses se passèrent. Si on considère le 20ème siècle dans son ensemble, la Charte de la batellerie de 1942 sera le summum dans l'organisation et l'administration du marché de la navigation intérieure en France. Plusieurs phases vont se succéder durant le siècle. Partant d’un marché totalement libre et complètement concurrentiel avant la guerre de 14, les nécessités de rationaliser des transports verront les créations de différents systèmes de tour de rôle. Ceci pour les transports militaires mais aussi petit à petit civils pendant la Grande Guerre. Puis au lendemain de la victoire, le marché redevient à son organisation antérieure. Dans les années 1930, grâce aux mobilisations efficaces des syndicats professionnels de la batellerie, le tour de rôle pour une importante fraction des transports par voie d'eau redevient la norme. La situation de guerre en 1939 et surtout le remplacement de la République par l'Etat Français offre l'opportunité à d'ambitieux hauts fonctionnaires technocrates d’enrégimenter l'intégralité de la profession. Par sa réglementation totale il vise à une sorte de monopole étatique sous sa férule. L'Etat n'ira pas jusqu'à nationaliser les transports fluviaux comme il l'avait fait pour le chemin de fer avec la création de la S.N.C.F. ou d'Air France pour les airs dans les années 30. Mais évoquer l'idée comme le fera plusieurs fois le ministre Jean Bichelonne dans la presse vichyste donne à penser que le passage de l'idée à l'acte ne devait pas être loin.407 407

Au Royaume-Unis les transports fluviaux ont étés intégralement nationalisés. David Edouard May : « Les canaux britanniques ont été nationalisés par la Loi des Transports de 1947, qui a créé la British Transport Commission. Le transport par voie d'eau a été confié à la Direction des Ports et des Voies Navigables (Docks and Inland Waterways Executive).

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La République qui redevient le régime politique du pays gardera le système de l'organisation administrative de la profession et du marché sous le contrôle de l'Etat. Progressivement, en plusieurs paliers, le système du tour de rôle et la liberté syndicale surtout revendront à leur situation de 1936. A l'ultime fin du siècle, le marché redeviendra totalement libre et concurrentiel comme en 1900. Avec l’abolition du tour de rôle, c’est la logique de régulation à l'échelle européenne qui l'emporte sur le corporatisme des bateliers. La Loi du 12 juillet 1994 et son décret d'application du 30 septembre 1996 libéralise l'accès au marché et supprime la Loi du 22 mars 1941 et ses textes d'application. La négociation des contrats est assouplie par étape et le tour de rôle aboli en six ans pour l'an 2000.408 409 La Charte de la batellerie de 1942, éphémère « Révolution Nationale », marquera une étape avec un avant et un après comme avec un effet de balancier dans le 20ème siècle. Les souvenirs des mariniers de cette guerre vont s'estomper peu à peu. Privations, ravitaillement, mitraillages et bombardements ou les réquisitions sont les choses qui reviennent à l'esprit. Mais, ils sont parfois partiels. Ainsi, pour les fameux nez coupés les témoins ont oublié que la grande majorité de ces bateaux seront rendus réparés à leurs propriétaires et qu’ils avaient été indemnisés par les Allemands à un taux avantageux… En revanche, tout ce qui est du ressort de la politique ou de l'idéologie n’apparaît pas du tout dans les mémoires. 410 En ce qui concerne la reconstruction des infrastructures et du parc fluvial ainsi que sa modernisation, cela se fera sur la base d'un gabarit des bateaux qui date de 1879 au moment de la Loi dite Freycinet. Dès avant la guerre antérieure, celle de 14, ce gabarit paraissait déjà obsolète. Dans les années 1950 il l'est encore plus.411 Une occasion unique dans l'histoire des voies navigables d'une réelle modernisation du réseau a été loupée. Dans les années 1940, il y avait très peu de transporteurs indépendants qui possédaient leur propre bateau. Il y en avait peut-être moins de dix qui ne possédaient qu'un seul bateau. Les grandes compagnies de transport fluvial possédaient leurs propres flottes (directement ou indirectement), et celles-ci ont été nationalisées. » 408 La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France –1999 408 Loi du 22 mars 1941 https://www.circulaires.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000877110 410

Français, on ne vous à rien caché, la Résistance, Vichy, notre mémoire – François Azouvy – NRF essais Gallimard – 2020 / https://www.franceculture.fr/oeuvre/francais-ne-vous-a-rien-cache-la-resistance-vichy-notre-memoire 411 Le freycinet 1880 – 2020 bateau emblématique des batelleries industrielles de réseaux – Stéphane Fournier et Bernard Le Sueur – Cahier AAMB - 2020

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Pour terminer un élément qui montre toute la difficulté d’être totalement définitif sur cette sombre période. Sur le monument aux morts du Pointil à Conflans-Sainte-Honorine à la confluence de l'Oise et de la Seine, aux 134 noms d'hommes inscrits après la Première Guerre mondiale, 111 hommes, femmes et enfants disparus entre 1939 et 1945 sont ajoutés. Sur le monument il est marqué : « 1939 morts pour la France 1945 ». En fait il faudrait marquer « morts pour la France et victimes de guerre ». Le décompte est de 66 hommes, 26 femmes et 19 demoiselles. Il n'y a pas les âges des personnes décédées et pas les circonstances non plus de leur mort. Ont-elles succombé sous le feu de l'ennemi ou de nos libérateurs ? Quels sont les noms de militaires tombés au combat ou en captivité et ceux des civils ? Les 111 noms sont-ils l'intégralité des morts de la batellerie durant cette guerre ? On peut en douter. Pour le conflit précédent tous les morts de la batellerie n'y sont pas. 412

Liste des noms des morts pour la France entre 1939 et 1945 sur le monument aux morts du Pointil à Conflans-Sainte-Honorine. – Coll. Stephane Fournier

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Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - Stéphane Fournier - 2018

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Le texte de loi sur l’exploitation réglementé des voies navigables de mars 1941 en vigueur jusqu’en 2000. – Coll. Stephane Fournier 317


Archives, Sources, Bibliographie et + Archives - Loi du 22 mars 1941 sur l'exploitation réglementée des Voies Navigables et la coordination des transports par fer et par navigation intérieurs – Journal de la Navigation – 1942 - La charte de la batellerie – loi du 12 avril 1942 portant organisation de la corporation de la navigation intérieure – Journal de la Navigation – 1942 - H.P.L.M. : Rapports moraux et d'activité des Assemblées Générales de 1939 à 1946. M.B.V.N. - Archives de l'Entr'Aide batelière - période 1938 - 1950 – M.B.V.N. - Archives comprenant une abondante correspondance - Journal Officiel avis et rapport du Conseil économique et social - difficultés rencontrées par les chantiers fluviaux - Georges Le Henaff - 1961

Archives O.N.N. / V.N.F. SO1-1 épi 43 T 3 – boite n° 7 – Guerre 1939-1945, après-guerre. Organisation du rapatriement des bateaux et mariniers français situés à Hambourg : correspondances avec autorités militaires, financement. SO1-1 épi 43 T 3 – boite n° Boite n°10 – Guerre 1939-1945. Occupation. Service du travail obligatoire. Recensement des personnes. SO1-1 épi 43 T 3 – boite n° 10 – Guerre 1939-1945. Libération : sursis aux obligations militaires des personnels de la navigation. SO1-1 épi 43 T 3 - boîte n° 11 – Guerre 1939-1945. Libération : documentations sur le transport et la navigation, textes et règlements en vigueur, rapport sur les faits de Résistance de l'O.N.N.. SO1-1 épi 38 T 1 – boite n° 20 – Guerre 1939-1945 - Listes nominatives des conducteurs de tracteur. SO1-1 épi 38 T 1 – boite n° 34 – Direction Générale. Notes destinées aux membres du comité de direction – 1942/1949 SO1-1 épi 38 T 1 – boite n° 42 – Guerre 1939 – 1945. Prisonniers de guerre. Demande de libération. Questionnaires, courriers. SO1-1 épi 38 T 2 – boite n° 57 – Journaux professionnels, secteur de la batellerie. 1939/1940. SO1-1 épi 38 T 1 - boite n° 82 - Convention O.N.N. / C.G.T.V.N. Correspondance, avenants à la convention, calculs de frais et indemnités, statistiques. 1942/1953.

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SO1-1 épi 38 T 3 – boite n° 90 – Factures de la compagnie générale de navigation sur le Rhin. 1945/1946. SO1-1 épi 39 T 1 – boite n° 141 C.G.T.V.N. Résultats d'exploitation de la traction. Données brutes. Correspondance. 1944/1947. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L2 – Dommages de guerre. Reconstruction de la flotte. Dossiers de prêts aux bateliers. 1945/1957. SO1-1 épi 38 T 3 - boite L6 - Guerre 1939-1945. Occupation. Réquisition par l'armée allemande. Location de remorqueurs aux armateurs allemands : affaires générales et dossiers particuliers. Affaires classées par armateurs. 1941/1944. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L6 – Guerre 1939-1945. Occupation. Conditions d'armistice. Comptes rendus de la conférence Huet. Inventaire des pertes. 1941/1944. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L12 – Dommages de guerre. Aides à la batellerie, reconstruction du parc fluvial. Dossiers législatifs et réglementaires. 1942/1944. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L13 – Dommages de guerre. Aides à la batellerie, reconstitution du parc fluvial. Dossiers législatifs et réglementaires, réorganisation syndicale. 1942/1945. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L20 – Navigation Halage traction remorquage. Guerre 1939-1945. Organisation de l'exploitation. 1942/1945. SO1-1 épi 38 T 3 – boite L38 – Guerre 1939-1945. Après-guerre, bateaux allemands sous séquestres loués à des bateliers français, comptabilité. 1946/1954.

Sources / Témoignages - La saga des bateliers d'Offendorf – commune d'Offendorf – 2007 - Peau de bois, peau d'acier, histoire d'un marinier du 20ème siècle – Édition Cheminements – Régine Espreux – 2006 - Le Havre - Rouen – Paris (1900 – 1986) L'exode de la batellerie (juin 1940) – Jeannette Le Jeune-Jacq – compte d'auteur – 1986 - La vie des mariniers – Plon – Josette Colin – 1990 - Mémoires d'Alphonse Guignard – M.B.V.N. - Mémoire de Jacqueline Hesbert – Cité des bateliers / Longueil Annel

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Dans les Cahiers de l'Association des Amis du Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine - Eliane Droissart Bourdon - Marinière, ma vie, ma profession - n° 26 - 1990 - François Berenwanger - Halage et traction, souvenirs d'un batelier - n° 30 – 1993 - Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002 - Annette Pinchedez - Les Bateaux-Chapelle, Ouvres religieuses et sociales - n°49 - 2003 - Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 - François Berenwanger - Transporteur par eau, souvenirs de mon métier - n° 67 - 2012 - André Miquel et sa famille - Des barquiers du midi - n°69 - 2013 - Jacques Monier - Un batelier au service des ciments d'Origny - n°81 – 2019

Interviews - Roland Langlin - 2019 - Raymond Carpentier - 2020 - Gilbert Grasser - 2020 - Simon Desselle - 2020

Ouvrages - La France dans la deuxième guerre mondiale, 1939 – 1945 – Yves Durand – Armand Colin – 2011 - Mai – juin 1940, défaite française, victoire allemande sous l’œil des historiens étrangers – Maurice Vaïsse - Autrement – 2010 - L'Étrange Défaite – Marc Bloch – Franc-Tireur - 1946 - Les français sous l'occupation en 100 questions – Fabrice Grenard et Jean-Pierre Azéma – Tallandier – 2016 - La coordination des transports en France de 1918 à nos jours – Nicolas Neiertz - Comité pour l'histoire de l'économie et financière de la France - 1999 - La France de Vichy, 1940 – 1944 – Robert O.Paxton – Editions du Seuil – 1973 320


- Vichy 1940-44 - Olivier Wieviorka - Tempus Perrin - 2004 - La France à l'heure allemande, 1940 – 1944 – Philippe Burrin – Editions du Seuil - 1997 - La grande Histoire des Français sous l'occupation – Henri Amouroux – Robert Laffont – 1976 - Français, on ne vous a rien caché, la Résistance, Vichy, notre mémoire – François Azouvy – N.R.F. essais Gallimard – 2020 / https://www.franceculture.fr/oeuvre/francais-ne-vous-a-riencache-la-resistance-vichy-notre-memoire - Pétain - Bénédicte Vergez-Chaignon - Perrin – 2014 - Le fantôme de Philippe Pétain – Philippe Colin – France Inter / Flammarion - 2022 - Les débarquements en Angleterre – Gilbert Forray – Economica - 2010 - La navigation intérieure en France – Marcel Jouanique et Lucien Morice – PUF – Que Sais-Je ? – 1951 - Les transports fluviaux – Lucien Morice – PUF – 1968 - La France occupée – August von Kageneck – Tempus – 2015 - Code de la navigation intérieure – revue « France-Transport » - 1944 - Les voies navigables en France pendant la Grande Guerre - Stéphane Fournier - Les Cahiers du musée de la batellerie n° 79/80 - 2018 - Le freycinet 1880 – 2020 bateau emblématique des batelleries industrielles de réseaux – Stéphane Fournier et Bernard Le Sueur – Cahier AAMB – 2020 - Au-delà des plages, la guerre des alliés contre la France – Passé/composés – Stephen A. Bourque - 2019 - Syndicats nous voilà ! Vichy et le corporatisme - Jean-Pierre Le Crom - Les éditions de l'atelier 1995 - Préface de Robert Paxton - Le régime de Vichy - Henry Rousso - PUF - 2007 - Pétain et le régime de Vichy - Henri Michel - PUF – 1978 - Reconstruction et renouvellement du parc fluvial français 1945 – 1972 – Laurent Roblin – Cahier AAMB – 2004 - Mariniers, Histoire et mémoire de la batellerie artisanale - tome 2 - Bernard Le Sueur - Glénat – 2005

321


- Les artisans bateliers au cœur du transport fluvial – Bernard Le Sueur – éditions Geai Bleu 2010 - Vichy, la guerre et les entreprises - Michel Margairaz - Henry Rousso - Année 1992 https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1992_num_11_3_1638 - Les patrons sous l'Occupation - Rochebrune Renaud De, Hazéra Jean-Claude - Revue d'histoire Vingtième Siècle. – 1996 - 1940 vérités et légendes – Rémy Porte – Perrin – 2020 - L’Eglise sous Vichy, la repentance en question – Michèle Cointet – Perrin – 1998 - La France dans la deuxième guerre mondiale 1939 – 1945 – Yves Durand – Armand Colin – 2011 - L'exode : un drame oublié - Éric Alary - Perrin, coll. « Tempus » (n°640), 2013, 2e éd. (1re éd. 2010) - Vichy L’événement, la mémoire, l’histoire – Henry Rousso – Seuil - 2001 - Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours – Henry Rousso – Seuil – 2016 - Les patrons sous l’Occupation - Renaud de Rochebrune et Jean-Claude Hazera - Éditions Odile Jacob - 1995 - La SNCF pendant la guerre – Paul-Marius-François Durand - PUF – 1968 - La France de Vichy 1940 – 1944 - Robert Paxton - Seuil - 1980 -- Nous les enfants de la guerre 1939 – 1945 - Dominique Misska - Tallandier – 2019 - Au-delà des plages / La guerre des alliés contre la France - Stephen A. Bourque - éd. Passés/Composés – 2019

Roman - L'odyssée des bateliers du Rhin, des péniches alsaciennes en Manche, 1939 – 1942 - Frédéric Witté - L'esprit des vagues - 2012

Catalogue - Comme en 40 - Gallimard / Musée de l'Armée - 2020 - La collaboration Vichy - Paris - Berlin 1940 / 1945 - Tallandier / Musée de l'Armée – 2018

322


Articles - 30 villes normandes sous les bombes – Historia – 2019 - Operation « Seelöwe », to beach or not to beach? - Revue LOS! - Xavier Tracol – 2019 - Société des Amis du Musée Régional du Rhin et de la Navigation, ou AMURE : Auguste gerhards des bateliers alsaciens et lorrains victimes du tribunal de guerre du Reich Amure 2006 n°18 Marie Hélène David heurs et malheurs de la flotte française d'automoteurs du Rhin 1939/1945 – Amure 2008 n°20 Marie Hélène David La reconstitution du parc français d'automoteurs rhénans après 1945 – Amure 2007 n°19

La presse française de l'époque sur Retronews ou Gallica : Le Journal – 05/02/40 – Avec la caravane au fil de l'eau... (le fascicule Z1) L'Œuvre – 14/03/40 Dans le port de Paris, le gros effort des mariniers et des services de la batellerie. Le Matin – 12/03/40 – Aux petits bateaux il faut donner des jambes... et des bras. Par Louis Louis. Le Journal – 31/05/40 – Les repliés Le Matin – 23/07/40 – L'activité fluviale doit renaître par Louis Louis. Le Matin – 17/09/40 – Le chômage est lourd pour la batellerie française. Le Matin – 18/09/40 – Il faut réparer sans tarder le matériel fluvial Le Matin – 10/11/40 – Création de l'Office national de la navigation Le Matin – 11/11/40 – Sauvera-t-on la batellerie française ? Le Temps – 10/11/40 – L'organisation de la nouvelle batellerie Le Petit Parisien – 16/11/40 – Interview de M. Berthelot – Le statut de la batellerie Le Temps – 06/12/40 – Interview de Jean Berthelot Secrétaire d'Etat aux communications Le Réveil du Nord – 03/01/41 – Le ravitaillement des mariniers Le Réveil du Nord – 16/01/41 – Avis sur les indemnités pour 1940 Le Réveil du Nord – 05/02/41 – Avis aux propriétaires d'automoteurs Le Réveil du Nord – 24/02/41 – Pour la réouverture des « bureaux de tour » - un appel du SGB aux patrons bateliers. Le Réveil du Nord – 13/03/41 – La mariniers dans la détresse. Le Petit Parisien – 06/04/41 et 12/04/41 – Chemins mouvants de France + Dans ma péniche par Hubert Bouchet Le Matin – 16/05/41 – La réorganisation de la batellerie. Le Petit Journal / Le Journal / Le Petit Marseillais / L'Echos d'Alger – 02/06/41 – Les bateliers prisonniers vont être libérés. (Même texte à ces journaux) Le Progrès de la Côte d'Or – 24/07/41 L'hiver sera rude Le Matin – 30/08/41 – L'effort de la batellerie Le Réveil du Nord – 31/08/41 – Remise en activité de la batellerie L'Œuvre – 15/11/41 - Louis Louis + Les artisans chez Berthelot La Petite Gironde – 20/11/41 – Le bel effort de notre batellerie. 323


Le Réveil – 21/11/41 – Aux contremaîtres rapatriés salariés ou sinistrés. L'Œuvre – 26/11/41 – 1750 libérés. Le Réveil du Nord – 27/11/41 – 1750 mariniers libérés. Le Réveil du Nord – 11/12/41 – La reprise du travail des prisonniers libérés – L'entre aide Sociale Batelière + Je Sers Le Journal – 13/12/41 – La crise de la batellerie (sur le Rhône) par G. Gonnet Le Petit Parisien – 16/03/42 – Les bateliers artisans approuvent la Charte de la batellerie. Le Petit Parisien – 24/04/42 – La Charte est signée Journal Officiel – 29/07/42 (n°180) – La Charte. Le Figaro – 31/07/42 – La réorganisation de la batellerie pour une utilisation de plus en plus grande des transports par voie navigables. Le Petit Journal – 18/08/42 – Le « Quand-Même », une école de la batellerie à Lyon. La Petit Marseillais – 10/09/42 – La Charte Au travail – 12/11/42 : La corporation par Charles Debal. L'Action Française – 15/12/42 – Les dégâts de la flotte et la traction depuis la rive des automoteurs par manque de « combustibles liquides ». Le Petit Parisien – 30/01/43 – Précautions à prendre en cas d'attaque aérienne. Le Journal – 22/02/43 – La grande pitié de la batellerie française. Le Petit Parisien – 10/02/43 – Un congrès des sinistrés de la batellerie à Béthune. L'Œuvre – 03/03/43 – Dans la batellerie, l'application de la Charte ne se fait pas sans tiraillements, les éléments syndicalistes ne se laisseront pas éliminer. Le Petit Parisien – 20/03/43 – L'organisation de la batellerie Le Journal – 28/06/ 43 « Au secours de la batellerie fluviale » Les péniches s'adapteront-elles au gazogène comme les autres ? L'Humanité – 08/10/44 – Louis Louis exclu du syndicat Journal Officiel – 23/09/45 – Condamnation de Louis Louis L'Aube – 03/11/45 – 80% d'illettrés dans la batellerie + 5000 gosses ont fait l'école buissonnière ! L'Aube – 01/11/45 – Grève dans la batellerie (à Conflans) Journal Officiel – 31/01/46 – Comité Consultatif Provisoire de la Navigation Intérieure. Combat – 06/09/46 – Grèves et usures des matériels.

Autres articles de presse écrite - Courrier Union Normande du 12 septembre 1940 - Demande d'obtenir des Allemands le bons de Réquisition des remorqueurs AS, Cyrano et Caprina ainsi que pour le Taute s'il est pris à son tour. - Courrier du 05 janvier 1944 - Courrier du directeur de l'Union Normande qui donne pleins pouvoirs à Joseph Jacq qui le représente afin de récupérer tout ou partie des chalands, automoteurs et remorqueurs que nous pourrions avoir en souffrance dans les ports de Bretagne et en particulier à Brest, Saint-Malo, Cherbourg et autres. - Courrier Union Normande - 14 mars 1947 - qui recommande le même capitaine Jacq pour qu'il aille à Biesboch en Hollande pour examiner les travaux sur le remorqueur « Aramis ».

324


Documentaires vidéo, radio et + - La SNCF pendant l’occupation : la vérité sans fard - Catherine Bernstein. Zadig Production, Les Films de l’Aqueduc et l’INA avec la participation de France Télévisions. - 66 min. France. (2019) Diffusion France 3 - https://www.youtube.com/watch?v=g3ywb5Mcf9o - 39/45 de la France occupée à la France libérée – France 3 – 2014 – Coffret de 4 DVD avec des témoignages sur la collaboration, la France sous les bombes alliées, les français du jour J et ils ont libéré Paris - Mai 40 les enfants de l'exode – Patrick Jeudy – France 3 – juin 2020 La France sous les bombes alliées, 1940 – 1945 – Catherine Monfajon – France 3 – 2014 - L'Exode – RMC Découverte https://rmcdecouverte.bfmtv.com/1940-les-francais-sur-les-routes-de-lexode/program_7115/ - Les mariniers - Nuits magnétiques de France Culture - 1988 4 émissions de témoignages de 1 heure 20 minutes chacun repris dans l'ouvrage de Josette Colin de 1 heure 20 minutes - Grand prix Paul Gilson radiophonique 1988. - « Maréchal, nous Voilà : La propagande de Vichy » https://youtu.be/aVpkwp-Jv94 - Les Ministres de Vichy issus de l'école Polytechnique - http://www.xresistance.org/ - Définition du 14 novembre 1938 du statut de patron-batelier https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000020126444&cidTexte= LEGITEXT000020084827&dateTexte=19381114 - Communication aux cheminots de M Jean Berthelot, ministre des communication du gouvernement du Maréchal Pétain, le 21 août 1941 https://www.ete44.fr/ete44-temps-de-guerre/agenda/284-communication-aux-cheminots-de-mjean-berthelot-ministre-des-communication-du-gouvernement-du-marechal-petain-le-21-aout-1941 - Le Figaro sur le mythe de la S.N.C.F résistante https://www.lefigaro.fr/debats/2006/06/28/0100520060628ARTWWW90264-le_mythe_d_une_sncf_unanimement_resistante.php - Le Maitron : dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social https://maitron.fr - https://politique-auschwitz.blogspot.com/2010/10/lalouette-telesphore-gerard.html

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Remerciements

Claudine Cardon-Hamet et Pierre Cardon Raymond Carpentier Patrick Coiffier Marie Hélène David / Amure Rémy Delmet Isabelle Fournier Guillaume Kiffer Roland Langlin Véronique Lefrancq / V.N.F. Bernard Le Sueur Guy Matignon / AAMB Narguisse Mohamed pour son infinie patience Laurent Roblin / M.B.V.N. Jeanne-Marie Roger / V.N.F. Madona Van Troyen Les autres témoins …

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Articles inside

Archives, sources, bibliographie et Remerciements

13min
pages 318-326

Conclusion générale

7min
pages 313-317

Les épaves fluviales retrouvées en mer Les bateaux ayant de nos jours des noms liés à la

7min
pages 304-308

Les Forces Maritimes du Rhin

2min
page 303

Le retour des unités disséminées en Europe

8min
pages 280-295

La Société pour la Reconstruction et le Renouvellement du Parc Fluvial : la S.R.P.F

8min
pages 296-302

La reconstruction de la flotte et des ouvrages

2min
pages 277-278

Séquestre de bateaux allemands

1min
page 279

Les transports et réquisitions pour les Alliés

8min
pages 272-276

La Libération

3min
pages 267-268

Les destructions à la fin de la guerre

6min
pages 269-271

L'attente de la fin

2min
pages 256-257

les bombardements Anglo-Américains

8min
pages 241-245

La Résistance

4min
pages 253-255

Les derniers combats

3min
pages 251-252

les mitraillages alliés

10min
pages 246-250

Bilan

5min
pages 231-236

Le trafic pendant la guerre

7min
pages 224-230

La réforme administrative de l'O.N.N

1min
page 220

Le fichier de la batellerie

1min
page 219

Jean Berthelot

2min
pages 206-207

L'organisation en temps d'occupation

4min
pages 215-218

au service de l'Occupant

1min
page 214

Jean Bichelonne

7min
pages 208-213

Bilan

1min
pages 203-204

dans la Charte de la batellerie

2min
pages 198-202

L'organisation syndicale des artisans La redéfinition du statut d’artisan batelier

1min
page 197

Aller en Allemagne et en Belgique

5min
pages 178-182

L'opposition par Louis Louis

4min
pages 195-196

L'organisation de la profession et le trafic

2min
page 189

Le Reichland ou l’Alsace-Lorraine

7min
pages 174-177

La reconstruction après la Bataille de France

9min
pages 183-188

Les origines de la Charte de la batellerie

7min
pages 190-194

Dans la zone « libre »

5min
pages 171-173

Dans la zone occupée

2min
pages 169-170

le moteur électrique

2min
page 168

le carburant végétal

4min
pages 164-165

Une question d'énergie

2min
page 156

le remorquage

1min
pages 161-163

le halage mécanique

4min
pages 157-160

La justice et les autorités militaires

8min
pages 151-155

l’exemple du Luno

15min
pages 136-148

les « nez coupés »

0
page 135

- les transports réquisitionnés Les relations quotidiennes

4min
pages 149-150

Le Service de Travail Obligatoire

5min
pages 126-130

Les réquisitions des bateaux

3min
pages 131-134

Le retour des prisonniers

10min
pages 114-125

Le service médico-social de la batellerie

1min
page 113

- bilan Un autre service social d’aide : le S.S.S.M.F

2min
page 112

L'Entr'aide Sociale Batelière - l'abbé Bellanger le fondateur - l'E.S.B. avant la guerre - le Je Sers en 1940 - l'action de l'association dans la nouvelle France - Les syndicats de l'E.S.B. - à la Libération

31min
pages 85-111

Le travail à terre

3min
pages 83-84

Le système D

8min
pages 77-80

Le vélo

2min
pages 70-72

Le troc et le marché noir

3min
pages 81-82

Le rationnement

6min
pages 74-76

Le ravitaillement

0
page 73

Une géographie mentale particulière

2min
pages 68-69

Les destructions en 1940

2min
pages 66-67

Le retour au bateau

2min
page 65

La convention d'armistice

2min
pages 61-64

Une lutte idéologique dès 1939

0
page 45

L'Exode

5min
pages 47-49

Les témoins racontent L'Exode de la batellerie .53.......................... P

19min
pages 50-60

La « Drôle de guerre »

1min
page 46

Les affectations spéciales

9min
pages 39-44

de sapeurs de navigation

0
page 38

1938 la fin du Front Populaire

2min
page 27

Introduction

2min
page 11

Les « grandes » compagnies en 1936

0
page 21

l'organisation de la batellerie à partir de 1934

8min
pages 15-18

Rouen un atout majeur sur la Seine

4min
pages 28-30

La crise économique de 1929

2min
page 14

1936 et le Front Populaire

3min
pages 19-20

Le statut d'artisan marinier de 1938

1min
page 26
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