Deux autres viennent d'arriver : Daullet et Duquesne, deux héros. A trois, sur une péniche, ils avaient recueilli dix-huit gosses et trois femmes. C'était en Somme, au plus tonitruant de la bataille. Artillerie, mousqueterie, l'allemande et la française, croisaient leurs feux par-dessus leurs têtes. Car les passagers calfeutrés dans la cale, à l'abri, eux, restaient dans la dunette, attentifs à la manœuvre : ne pas tomber aux mains des Boches. Quatre jours de cet enfer, sans rien à donner à manger aux gosses, aux femmes. Vint, même, un moment où ils crurent tout perdu. Les nôtres ne tiraient plus. L'Allemand faisait des cartons sur le bateau. Le compagnon de Daullet et Duquesne venait de tomber, une balle en plein front. Les cheminots de la rivière n'ont plus rien à envier, pas plus épreuves que gloire, à leurs camarades héroïques du rail. »74 Y a-t-il eu des évacuations de populations par les voies navigables comme en 1914 ? Non, hormis à Conflans, le bateau Je Sers appareille pour la Haute-Seine avec des réfugiés. L'avance Allemande est bien trop rapide et va rapidement couvrir une large partie du territoire. En revanche, les mariniers, quand ils ne partent pas à pied et à vélo comme la plus grande partie des réfugiés, essaient de mettre également en sécurité leur bateau, à la fois logement familiale et outil de travail. Les témoins racontent Les témoignages de mariniers et d'enfants de bateliers de l'exode sont dans tous les récits retrouvés. « Le bateau de retour de Dijon charge à Rouen le 24 mai 244 tonnes de benzol à destination de Lyon. Ils ne savent pas encore qu'ils entreprennent là le plus long voyage de leur existence. Le 12 juin le Flèche d'Or arrive à Lyon au port Edouard-Herriot. Son déchargement n'aura pas lieu. Suite à l’évacuation de la ville et sur ordre des autorités miliaires il doit continuer son chemin. C'est la panique, les dépôts de carburants vident les réservoirs dans le Rhône tout comme le Flèche d'Or qui doit s'alléger d'une quarantaine de tonnes. »75 « Le 10 mai 1940 nous surprend à Villeneuve-Saint-Georges. L'avance allemande est si rapide que nous n'avons pas le temps de livrer notre chargement de sable à Douai. On décharge à Paris. »76 « Mon père qui avait 9 ans en 1914 se souvient de l'exode de 14. Mon père résiste 74
Le Journal – 31/05/40
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Lydia Carnec-Branchet - Une saga batelière de 1850 à 1980 - n° 64 - 2010 Martial Chantre - La péniche, ma vie batelier de père en fils - n° 48 - 2002
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